EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite « loi Pacte » a entendu simplifier les seuils sociaux. Elle a à la fois mis en place un mécanisme unifié de décompte des effectifs, rationalisé les niveaux de seuils d'effectifs et instauré un mécanisme d'atténuation des effets de seuil à la suite du franchissement, à la hausse ou à la baisse, d'un niveau d'effectif.
Même si cette loi est un véritable acquis, nous devrons aller plus loin pour répondre à la place qu'occupe l'entreprise dans la société d'aujourd'hui. En effet, cette place dépasse de loin la seule profitabilité, avec un rôle central et une acception renforcée de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
Malgré ces avancées, la question du calcul des seuils d'effectif dans l'entreprise reste une question épineuse. Si un mouvement de simplification a été engagé, il convient désormais de le conforter, de répondre à un besoin pragmatique et à une logique économique pour les entreprises et de pouvoir d'achat pour les salariés.
Rappelons que nous dénombrons depuis 2020 suite à la loi Pacte, et sauf exceptions, quatre seuils en vigueur, qui, sans détailler l'intégralité de leur portée, sont les suivants :
- 11 salariés ;
- 20 salariés (seuil relatif à l'embauche obligatoire de personnes handicapées dans la proportion de 6 % des effectifs, qui doit demeurer intangible) ;
- 50 salariés ;
- 200 salariés.
Les seuils d'effectifs (ou seuils sociaux) désignent une notion introduite par le code du travail. Ils servent de repère pour l'application de certaines obligations légales par l'employeur. Le seuil social désigne donc un nombre de salariés à partir duquel certaines obligations sociales et fiscales sont imposées par le législateur.
Parmi les principales obligations, pour les entreprises à partir de 50 salariés, on peut citer :
- l'obligation de l'élaboration d'un règlement intérieur ;
- l'obligation de conclure un accord sur la participation aux résultats de l'entreprise ;
- la mise en place obligatoire de la Base de Données Économiques et Sociales (BDES) ;
- la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cas de licenciement d'au moins 10 salariés sur une période de 30 jours.
La loi Pacte s'est principalement intéressée aux ETI (entreprises de taille intermédiaire), trop peu nombreuses en France pour tenter d'en faciliter le développement, faisant ainsi disparaître les seuils de 300 et de 1 000 salariés et introduisant des amortisseurs pour faciliter leur croissance.
Cette question reste prégnante pour les PME (Petites et Moyennes Entreprises). Des études économiques montrent que les effets de seuil ont une influence sur l'évolution des entreprises. De façon plus pragmatique, chacun peut constater les difficultés rencontrées sur le terrain par certaines petites entreprises qui disposent pourtant d'un potentiel de croissance, de développement et de création d'emplois.
C'est pourquoi, même si elle propose aussi d'ouvrir de nouveaux horizons de simplification, l'objet de la présente proposition de loi est centré sur une seule finalité : la révision du nombre de salariés de référence concernant un seul seuil, celui de 50 salariés qui serait porté à 100 salariés. Ainsi, il ne s'agit ni de reconsidérer la nature des obligations, ni de créer une complexité supplémentaire par l'introduction de nouveaux seuils, ni de remettre en cause des avancées sociales en place.
Au contraire, il s'agit ici de lever les obstacles à la croissance des PME qui ne franchissent pas le seuil de 50 salariés ou préfèrent créer une nouvelle structure juridique pour contourner cette contrainte, souvent au risque d'en créer une autre. L'objectif est également de permettre le maintien d'une politique souple d'intéressement au sein de l'entreprise et d'éviter la lourdeur de l'obligation à conclure un accord sur la participation aux résultats de l'entreprise, qui s'avère d'expérience moins favorable aux salariés.
Les entraves administratives freinent la vie professionnelle, comme les vies associatives ou personnelles. Cette complexité normative est souvent devenue insoutenable. Montaigne s'en plaignait déjà au XVIe siècle : « nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde ensemble ». Tous les Présidents de la République, à l'unisson de Georges Pompidou, qui avait osé déclarer : « Arrêtez d'emmerder les Français ! », ont promis de lutter contre la paperasse. En vain ou presque, puisqu'on peut en effet accorder un satisfecit à la loi Pacte.
La paperasserie n'est plus seulement un irritant quotidien, c'est devenu une question de justice sociale. Les entreprises qui peuvent se doter de compétences de haut niveau tirent profit de la complexité. D'autres, disposant pourtant encore d'un sens civique, sont perdues dans le maquis des codes et des normes, et sont condamnées à vivre en redoutant à tout moment le contrôle.
La simplification a toujours échoué parce qu'elle suppose une remise en cause de notre paradigme vertical de contrôle et de surveillance. Simplifier, c'est faire confiance. Faire confiance au jugement individuel, à la capacité pour le plus petit échelon d'adapter l'esprit de la loi, à la conciliation entre les parties.
Un projet majeur de simplification permettrait de réintroduire la culture de la liberté et son corollaire, la responsabilité. Il serait fondateur d'un projet autour de l'autonomie et de la responsabilité. C'est peut-être d'abord par une simplification effective et concrète que notre pays pourra renouer avec la confiance, retrouver une voie apaisée et construire un avenir porteur d'espérance pour tous.
C'est ainsi qu'il est proposé d'engager un travail d'évaluation pour mesurer les contraintes imposées par seuil aux entreprises et laisser l'entreprise, dans le cadre du dialogue social, définir les moyens qu'elle met en oeuvre pour y parvenir.
L'article 1er de cette proposition de loi vise ainsi à porter le seuil de 50 salariés, qui entraîne notamment l'obligation d'élaborer un règlement intérieur, de conclure un accord sur la participation aux résultats de l'entreprise et de mettre en place une base de données économiques et sociales (BDES), ainsi qu'un plan de sauvegarde de l'emploi en cas de licenciement d'au moins 10 salariés sur une période de 30 jours, à 100. Cette modification ayant notamment pour effet d'élargir le champ des exonérations fiscales et sociales prévues pour les PME, nous proposons de gager l'article 1er ;
L'article 2 a pour objet de demander un rapport d'évaluation de la loi Pacte quant à la mise en place du mécanisme unifié de décompte des effectifs et d'instauration d'un mécanisme d'atténuation des effets de seuil à la suite du franchissement d'un niveau d'effectif, ainsi qu'un rapport d'évaluation des obligations sociales applicables par seuil.