EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 2020, 42 300 employeurs publics territoriaux employaient près de deux millions d'agents, dont les trois quarts d'entre eux sont fonctionnaires.
Si le nombre d'agents a été multiplié par deux depuis 40 ans et que la fonction publique territoriale dispose de nombreux atouts pour attirer, des difficultés d'attractivité subsistent et entraînent des difficultés de recrutement. Ces difficultés sont encore accrues dans des départements confrontés à un niveau de vie élevé (zones frontalières, touristiques...).
Dans le cadre d'une mission sur l'attractivité de la fonction publique territoriale pilotée par Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, un rapport a été publié constatant la diminution de la capacité des employeurs publics locaux à attirer et fidéliser leurs personnels.
En effet, le rapport met en exergue notamment des écarts de niveaux de salaires, à compétences égales, avec le secteur privé, rendant par voie de conséquence les emplois publics peu attirants.
En outre, il met aussi en cause la valeur du point d'indice, la faible augmentation du traitement dans la fonction publique territoriale (1,2 %) et la détérioration des conditions de travail dans certains secteurs.
À ces points sont ajoutés une promotion interne en panne et un désintérêt grandissant de la jeunesse pour les concours, dont les formats ne sont plus adaptés, accru par les possibilités offertes par la voie contractuelle depuis plusieurs réformes législatives.
Par ailleurs, alors que certaines entreprises du secteur privé font deux pas en avant en proposant une prime de treizième, quatorzième ou quinzième mois dans des métiers très concurrentiels du secteur public, la fonction publique territoriale se heurte, elle, à une législation vieille de près de 40 ans dans le contexte d'une démographie peu avantageuse au regard de la pyramide des âges.
En effet, l'article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose que, lorsqu'une collectivité territoriale ou un établissement a délibéré antérieurement au 28 janvier 1984 pour instaurer une prime annuelle dite de « 13e mois », cette prime est maintenue et se cumule avec le RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel), mais qu'en revanche toutes les structures intercommunales créées après cette date, tout comme les communes nouvelles, n'ont aucun moyen juridique d'instaurer une telle prime.
Cette législation crée une disparité entre les employeurs publics et peut conduire à rendre certaines communes, en particulier les nouvelles, moins attractives que d'autres collectivités pour un fonctionnaire en recherche de mobilité par exemple.
Les collectivités territoriales et leurs établissements ont l'obligation de mettre en oeuvre le RIFSEEP - régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel.
Le RIFSEEP se substitue au régime indemnitaire existant jusqu'alors au sein de la collectivité ou de l'établissement mais peut être cumulé, le cas échéant, avec les avantages collectivement acquis au sens de l'article 111 de la loi du 26 janvier 1984 (prime de fin d'année ou 13e mois) ; ce qui ne permet d'ailleurs pas la révision des critères définis par la délibération préalablement prise avant 1984.
Le CIA (complément indemnitaire annuel) ne peut en aucun cas être assimilé à un 13e mois, car il est par essence un élément dont le montant est susceptible de varier chaque année, en fonction du niveau de réalisation des objectifs fixés, du degré de satisfaction et d'implication de l'agent ; son montant ne peut pas être garanti dans le cadre des négociations à l'embauche.
Le montant de l'IFSE (indemnité de fonctions, de sujétion, et d'expertise) alloué peut être fixé pour tenir compte du « manque à gagner » en l'absence de 13e mois, mais le versement d'une rémunération en 12 mois n'a pas le même impact pour le budget des agents publics qu'un versement en 13 mois.
Par ailleurs, certains cadres d'emplois ne bénéficient pas du RIFSEEP et relèvent toujours des régimes indemnitaires précédents. C'est le cas par exemple des cadres d'emplois relevant de la filière « Police municipale », pour lesquels il est particulièrement difficile d'attirer des candidats dans certains départements.
De plus, les collectivités se trouvent en concurrence entre elles, car certaines versent à la fois l'IFSE, le CIA et un 13e mois, quand d'autres ne proposent que l'IFSE et le CIA.
Enfin, lors de la création d'une structure intercommunale comme d'une commune nouvelle, les agents transférés conservent, s'ils y ont intérêt, leur régime indemnitaire et les avantages collectivement acquis, à titre individuel.
Cela crée des disparités entre les agents d'une même entité et rend parfois complexe le développement d'un sentiment d'appartenance à la nouvelle structure.
Ainsi, de manière à lever les freins juridiques à l'octroi d'une prime de treizième mois dans la fonction publique territoriale et améliorer son attractivité auprès du grand public, la présente proposition de loi vise à proposer que chaque collectivité puisse, à tout moment, délibérer, après avis du comité social territorial, pour instaurer ou modifier une prime de 13e mois ou une prime de fin d'année, ce dans le respect du principe de parité avec la fonction publique d'État, autrement dit sans que la somme de cette prime et des deux parts du RIFSEEP n'excède le plafond global des primes octroyées aux agents de l'État pris en référence.