EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Il y a quatre ans, notre République pleurait la mort de Samuel Paty, tombé sous les coups de la barbarie islamiste. S'en suivra la disparition de Dominique Bernard, professeur de français à Arras, assassiné par un fanatique qui en voulait à son enseignement.
Au fil du temps, nos enseignants sont ainsi devenus les cibles privilégiées de ces terroristes, coupables aux yeux de ces fanatiques d'apprendre à nos enfants à devenir des citoyennes et des citoyens émancipés, épris de liberté.
Ils demeurent en outre les victimes d'agressions et de propos calomnieux, dont les résonances sont amplifiées par les réseaux sociaux. La situation est aujourd'hui tellement critique que de nombreux professeurs démissionnent, désabusés, se sentant abandonnés par leur autorité hiérarchique.
L'heure n'est donc plus aux lamentations, mais à l'action concrète et utile dans la protection de nos professeurs et plus généralement de tous les fonctionnaires, véritables chevilles ouvrières de la République. Dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière, les agents publics subissent eux aussi la violence d'usagers qui les considèrent comme directement responsables de politiques dont ils sont pourtant les premières victimes.
En vertu de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors, puis des articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique, les fonctionnaires et les contractuels de la fonction publique peuvent bénéficier d'une protection fonctionnelle.
Celle-ci impose à l'administration de protéger l'agent public victime d'une atteinte volontaire à l'intégrité de sa personne, de violences, de harcèlement, de menaces, d'injures, de diffamations ou encore d'outrages, à condition que lui-même n'ait commis aucune faute personnelle. Dans de telles circonstances, la collectivité employeuse doit réparer, le cas échéant, le préjudice qui résulte de ces agissements.
En l'état actuel du droit, l'octroi de la protection fonctionnelle est subordonné à l'accord de l'administration qui doit apprécier si une faute a été commise, indépendamment de la qualification qui pourrait être donnée dans le cadre de l'instruction pénale.
Cette procédure, qui subordonne l'octroi de la protection fonctionnelle à l'accord de l'autorité hiérarchique, peut conduire à des fautes graves.
Ce fut le cas pour Samuel Paty, qui n'avait pas bénéficié d'une protection fonctionnelle, mais aussi pour d'autres professeurs, laissés à l'abandon par une administration qui ne donne pas toujours suite à ces demandes de protection.
Pis, même dans le cas où cette protection est octroyée, elle se limite essentiellement au paiement des frais judiciaires, passant ainsi sous silence le long parcours auquel l'agent est confronté dès lors qu'il est accusé ou menacé au sein de son institution.
Il convient donc d'améliorer la procédure existante pour la rendre automatique et efficiente. Aujourd'hui la protection fonctionnelle est accordée de façon quasi systématique aux agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière. En revanche, dans la fonction publique d'État, les demandes des agents dépendant des ministères de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur, de la Jeunesse et des Sports ont fortement augmenté au cours des dernières années : 5 264 en 2023, soit une augmentation de 29 % sur un an. Pour ces fonctionnaires, le taux d'octroi de la protection fonctionnelle a diminué : 72 % en 2023, contre 76 % en 2022. La majorité des demandes, soit près de 70 % d'entre elles, concerne des enseignants des premier et second degrés.
Alors qu'il est demandé aux enseignants de faire respecter avec toujours plus de rigueur les valeurs de la République, il serait paradoxal que le soutien que l'État leur doit diminuât. C'est l'objet de l'article 1er qui garantit de droit et sans délai l'octroi d'une protection fonctionnelle à l'agent qui en fait la demande. Il reviendra alors à l'autorité hiérarchique compétente de la lui accorder par principe et, le cas échéant, d'apporter ensuite la preuve qu'elle n'est pas justifiée. Ce renversement procédural permettra une plus grande efficacité dans la protection des enseignants et de tous les agents publics et témoignera de toute la confiance et la considération que la Nation accorde à celles et ceux qui font vivre la République au quotidien. En sus, cet article intègre les propos calomnieux adressés à l'encontre de l'agent concerné dans les éléments susceptibles de déclencher la protection fonctionnelle. Ce n'est aujourd'hui pas le cas, alors même que ces dérives se multiplient.
En cohérence, l'article 2 de la proposition de loi intègre lui aussi les faits calomnieux ainsi que les dégradations matérielles dont l'agent pourrait être la cible.
Il astreint la collectivité publique à des objectifs de prévention et l'oblige également à mieux informer l'agent des mesures prises pour assurer sa sécurité. Enfin, cet article introduit la notion de réhabilitation pour les agents concernés. En effet, dans le cas des professeurs, il ressort de nombreux témoignages que ceux qui sont injustement mis en cause ne reçoivent aucun égard particulier de la part de leur hiérarchie une fois que les fausses accusations prennent fin. C'est un drame pour ces personnes, dévouées, qui perdent le sens de leur vocation. Cette proposition permet de restaurer le lien de confiance entre l'agent et son institution.
Enfin, l'article 3 complète l'atteinte à l'intégrité physique donnant droit à des mesures de protection, par l'introduction d'un risque pour la santé et la dignité de l'agent concerné. Ainsi rédigé, le dispositif étend son champ d'application, de sorte qu'aucun dysfonctionnement ne puisse intervenir à l'avenir.
L'article 4 vise à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi.