EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'agrivoltaïsme est actuellement en voie de développement sur l'ensemble du territoire. Porteur d'externalités positives pour nos agriculteurs, il offre une diversification d'activités et un complément de revenus. Il assure également une protection des cultures et du bétail contre les aléas tels que les précipitations, la grêle, les sécheresses ou encore les oiseaux et les ravageurs.

Selon un bilan établi par la commission des affaires économiques du Sénat en février 2022, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dénombrait 167 projets identifiés pour 1,3 gigawatt (GW), l'association française de normalisation (Afnor) 18 projets certifiés - ou en cours de certification - et la commission de régulation de l'énergie (CRE) 155 projets soutenus pour 130 MW.

Pour accompagner et favoriser ce développement, il est nécessaire d'une part de sécuriser les projets et d'autre part de protéger les agriculteurs qui se tournent vers cette activité complémentaire.

Plusieurs structurations juridiques sont utilisées, notamment le prêt à usage et le bail rural. Le premier confère une grande liberté mais est source de précarité, car il est facilement résiliable, alors que le second est strictement encadré.

Créé en 1945, ce dernier, défini par le code rural comme « la mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter », est le modèle le plus répandu. La liberté contractuelle des deux parties est strictement encadrée afin de réguler la relation entre le bailleur et le preneur : la durée du contrat, le montant du loyer, les conditions du renouvellement et de la reprise du bien par le propriétaire.

Ces règles ont pour ambition de protéger le fermier qui est assuré de disposer du foncier sur une longue période, lui permettant ainsi de s'investir sereinement sur son exploitation.

Or, aujourd'hui, force est de constater que le bail rural présente des limites pour la mise en oeuvre d'installations agrivoltaïques, et ce, pour diverses raisons.

Premièrement, la rigueur des clauses contrevient au besoin de liberté des projets agrivoltaïques. Deuxièmement, la durée imposée constitue un frein, car il est difficile de faire correspondre celle du projet avec celle du bail. Enfin, le loyer est payé par l'agriculteur au profit du propriétaire, alors que dans un contrat agrivoltaïque, le producteur rémunère l'agriculteur.

En outre, les installations agrivoltaïques ont des conséquences sur l'exploitation. Le bail rural repose sur la liberté économique du fermier, il ne prévoit pas non plus la possibilité pour le propriétaire d'exiger la coactivité, la jouissance de l'agriculteur étant exclusive. Enfin, si ce dernier a un comportement ou des agissements susceptibles de compromettre les installations, le bail ne pourra pas être résilié.

Il est donc nécessaire de faire évoluer la législation en la matière pour sécuriser ces projets à forte intensité capitalistique. Différentes modifications législatives ont fait naître des variantes au bail rural, notamment les baux à long terme, les baux cessibles ou encore les baux à clauses environnementales.

Le recours au bail à clauses environnementales est possible mais pas des plus évidents ; il permet d'inscrire des clauses environnementales qui tendent au maintien ou au changement de pratiques jugées favorables à l'environnement. Or, il apparait que ce type de dispositif n'est pas spécifiquement conçu pour l'agrivoltaïsme.

La présente proposition de loi tend à rechercher des libertés contractuelles dans le statut du fermage en s'inspirant du modèle de bail rural à clauses environnementales. Le bail rural est bien connu des agriculteurs, il est nécessaire de maintenir leurs repères.

Il s'agit de conserver le socle du bail rural en y intégrant des dérogations spécifiques à l'agrivoltaïsme.

Ce texte tend à permettre des dérogations limitées au statut du fermage en présence d'une installation solaire sur des parcelles agricoles exploitées en faire-valoir indirect. Il s'agit d'adapter ce contrat à la coactivité afin de sécuriser l'exploitant et l'ensemble des parties prenantes.

Les modifications proposées s'articulent autour des trois paragraphes de l'article premier :

Le premier paragraphe prévoit la possibilité de déroger à l'encadrement des minima des loyers prévus dans les arrêtés préfectoraux départementaux pour les baux ruraux.

Le deuxième paragraphe encadre la coactivité entre production agricole et production d'électricité sur la parcelle en aménageant le statut du fermage :

- Le principe d'une compatibilité entre la présence d'une installation agrivoltaïque ou, à certaines conditions, photovoltaïque, et la production agricole sur le plan du statut du fermage, est posé. Il est nécessaire pour permettre d'inclure des clauses dérogatoires au statut du fermage ;

- Les différents types de clauses dérogatoires qui pourront être incluses dans les baux sont ensuite précisés. Les conditions et contenus de ces différentes clauses seront déterminés dans un décret en Conseil d'État ;

- La possibilité pour les parties de préciser leurs engagements (dans le cadre des clauses dérogatoires autorisées) hors du bail lui-même, ainsi que la possibilité de créer une relation tripartite lorsque le bailleur n'est pas l'exploitant de la centrale photovoltaïque est possible. Cela concernera essentiellement les projets s'inscrivant dans le cadre d'une division en volumes ;

- Il est enfin précisé que les clauses dérogatoires cessent de produire leurs effets lors du démantèlement effectif de l'installation.

Enfin, le dernier paragraphe crée une clause spéciale de résiliation du bail rural par le bailleur en cas d'actions de l'exploitant agricole susceptibles de compromettre gravement et durablement le fonctionnement de l'installation.

Quant à l'article 2, il consiste en une disposition de coordination destinée à prévenir toute application rétroactive des dispositions précitées aux baux ruraux en cours à la date de publication de la proposition de loi.

Tel est l'objet de cette proposition de loi.

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