EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Terrorisme, attaques à l'arme blanche, émeutes, règlements de compte... notre pays fait face ces dernières années à un risque sécuritaire de plus en plus important.

En effet, selon les premiers chiffres annuels de la délinquance pour 2023 établis par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), service rattaché directement au ministre de l'Intérieur, nous voyons que quasiment tous les indicateurs des violences sont en hausse. Les coups et blessures volontaires atteignent le record de 362 000 faits en 2023. Près de 1 000 agressions par jour en moyenne. Depuis 2017, la progression de ces seuls coups et blessures volontaires a atteint 63 %. Il y a sept ans, quand Emmanuel Macron arrivait au pouvoir, les autorités en comptabilisaient en effet 222 000 par an, contre 362 000 aujourd'hui.

Les violences sexuelles, qui devaient être la priorité du quinquennat d'Emmanuel Macron, grimpent de 7 % pour dépasser les 87 000 faits signalés, soit une moyenne de 240 faits par jour.

Ces données sont le signe que l'insécurité n'est pas un simple sentiment, mais une triste réalité. Cette explosion de la violence dans la société française, touchant sans distinction des mineurs et des majeurs, bouleverse la France métropolitaine, mais aussi les départements d'outre-mer, durement frappés, devenant ainsi une « France Orange mécanique », pour reprendre le titre de Laurent Obertone1(*).

Face à ces violences, notre pays compte plus de 150 000 agents de police2(*), 155 000 gendarmes3(*) et près de 27 000 policiers municipaux4(*), auxquels s'ajoutent 701 gardes champêtres et 8 126 agents de surveillance de la voie publique (ASVP). Sans oublier bien sûr les soldats mobilisés dans le cadre de l'opération sentinelle5(*).

Malheureusement, malgré ces chiffres et depuis la fin du service militaire, la France ne dispose plus d'assez d'effectifs capables d'intervenir rapidement et en nombre suffisant suite à une catastrophe naturelle, un accident de grande importance, à une défaillance d'un ou des services de l'État.

L'Armée de métier, qui lui a succédé, ne disposant pas d'effectifs comparables, ne peut pas remplir les missions annexes qui étaient confiées aux unités du service national. Même en cas de menace avérée du terrorisme, elle ne semble pas en mesure de sécuriser l'ensemble du territoire.

C'est pourquoi, à l'image du maire de Simiane-Collongue (commune des Bouches-du-Rhône), Philippe Ardhuin, certaines communes proposent la création d'une unité de réserve communale de sûreté qui serait une extension de la réserve communale de sécurité civile (RCSC). Ainsi, nos maires pourraient se donner les moyens de réagir, en renforçant instantanément leur police municipale tout en étant encadrés.

Rappelons-le, depuis la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, chaque commune a la possibilité de constituer une réserve communale de sécurité civile sous l'autorité du maire. Toutes les informations nécessaires à la mise en oeuvre d'un tel mécanisme sont précisées dans une circulaire du 12 août 2005 par le ministère de l'Intérieur. La réserve communale est une structure citoyenne participant au soutien et à l'assistance des populations en cas de crise. Cette situation de crise peut être liée à une catastrophe naturelle (inondation, feu de forêt, tremblement de terre...), industrielle, sanitaire ou sociale.

Formée de citoyens volontaires, la RCSC constitue un véritable instrument de mobilisation civique, de valorisation et de développement des solidarités locales, ainsi qu'un vecteur efficace de diffusion de la culture du risque.

En intégrant la réserve communale de sécurité civile, le réserviste s'engage pour sa ville.

C'est pourquoi, sur le modèle de cette réserve communale de sécurité civile, il est proposé, par cette proposition de loi, de créer une réserve communale de sûreté. Cette réserve aurait pour mission de renforcer les polices municipales dans leurs missions de sécurité et de protection des habitants.

Il est à noter qu'il existe également une réserve opérationnelle de la police nationale6(*) ainsi qu'une réserve citoyenne de la police nationale7(*) ; de même, côté gendarmerie, il existe également une réserve opérationnelle militaire8(*) et une réserve citoyenne de défense et de sécurité9(*). Ainsi, les citoyens qui veulent apporter leur concours à la police ou à la gendarmerie nationales ont la possibilité de le faire, avec la faculté de choisir le niveau d'engagement qui leur convient (réserve opérationnelle ou citoyenne).

C'est pourquoi il est proposé un dispositif qui lie indissociablement réserve communale de sûreté et police municipale. Les articles relatifs à cette nouvelle réserve pourraient s'insérer à la fin du livre du code de la sécurité intérieure relatif aux polices municipales. Il est proposé de viser, en plus de la police municipale stricto sensu, les gardes champêtres, qui accomplissent, en zone rurale, des missions qui s'apparentent à celles des policiers municipaux.

Cette rédaction s'inspire ainsi des articles applicables à la réserve communale de sécurité civile, avec toutefois des adaptations qui empruntent aux règles applicables à la réserve citoyenne de la police nationale.

Concernant la création de la réserve, il est proposé qu'elle relève d'une délibération du conseil municipal, et non d'une décision du maire prise après consultation du conseil municipal. En effet, un tel choix paraît plus cohérent avec les dispositions aujourd'hui en vigueur concernant la réserve communale de sécurité civile. En effet, politiquement, il serait difficile pour un maire d'instituer une réserve communale de sûreté contre l'avis exprimé par le conseil municipal. Il semble donc plus simple de confier cette décision au conseil municipal.

Dans les communes ne disposant pas de police municipale, ni de garde champêtre en titre, le maire pourrait désigner un volontaire engagé dans la réserve civile de la ruralité comme coordinateur de la réserve communale de sûreté et lui conférer le titre de garde champêtre bénévole. Il serait alors chargé de mobiliser et d'encadrer les membres de la réserve communale de sûreté dans l'exercice de leurs fonctions. Il devra également assurer la liaison entre la réserve communale de sûreté et la gendarmerie nationale ou la police nationale, en fonction des compétences territoriales respectives de ces forces de l'ordre.

S'agissant du financement, il est proposé de le mettre à la charge de la commune, en prévoyant la possibilité d'une participation de l'EPCI. Les communes peuvent déjà recevoir des dons et legs et pourraient décider d'en affecter le produit à la réserve communale.

Enfin, alors que la durée des activités à accomplir au titre de la réserve communale de sécurité civile ne peut excéder quinze jours ouvrables par année civile, il est prévu de faire porter ce délai à trente jours pour la réserve communale de sûreté.

En effet, le délai quinze jours semble être un peu court, car outre les activités de sécurisation des évènements communaux (fêtes, festivités, cérémonies, commémorations...), la réserve communale de sûreté pourrait également être sollicitée pour renforcer les effectifs des forces de lordre dans le cadre des incendies en périodes estivales.

Rappelons-le, actuellement la réserve communale de sécurité civile permet daider les élus et agents communaux en cas de catastrophes naturelles (inondations, tempêtes, incendies de forêts...) ou daccidents industriels (explosion dune usine, nuage toxique...). Pour compléter ce dispositif bénévole, la réserve de sûreté pourrait également effectuer des missions simples afin dappuyer les forces de lordre, par exemple dans la sécurisation des routes ou des habitations évacuées.

Pour information, la commune de Simiane-Collongue a été touchée l'été 2023 par de multiples incendies déclenchés volontairement par un pyromane traqué plusieurs jours avant d'être interpellé. Selon le Maire, sans remettre en cause les compétences de nos forces de lordre, des effectifs de sûreté supplémentaires, ne serait-ce que pour faire des barrages filtrants sur les routes, auraient peut-être permis une interpellation plus rapide de lauteur et donc de limiter les dégâts.

Tel est le sens de cette proposition de loi.

* 1 Laurent Obertone est un journaliste, romancier, et essayiste français

* 2 Chiffres de 2021 fournis par Statista https://fr.statista.com/statistiques/1008699/effectif-police-france/

* 3 Chiffres de 2023 fournis par la Gendarmerie nationale https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/notre-institution/la-gendarmerie-nationale/rejoindre-la-gendarmerie-nationale

* 4 Chiffres de 2022 fournis par la Gazette des Communes https://www.lagazettedescommunes.com/911926/paris-marseille-nice-notre-classement-des-100-premieres-polices-municipales/

* 5 L'opération SENTINELLE est une opération militaire de lutte contre le terrorisme visant à renforcer la protection des Français, avec des moyens militaires (humains et matériels) mettant en oeuvre des savoir-faire militaires, aux côtés des forces de sécurité intérieure. Dans le cadre de l'opération Sentinelle lancée en janvier 2015, entre 10 000 et 7 000 soldats sont engagés sur le territoire national pour défendre et protéger les Français

* 6 Cf. les articles L. 411-7 et suivants du code de la sécurité intérieure

* 7 Cf. les articles L. 411-18 et suivants du même code

* 8 Cf. les articles L. 4211-1 et suivants du code de la défense

* 9 Cf. les articles L. 4241-1 et suivants du même code

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