EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Quelques chiffres permettront de mieux comprendre l'importance des contrôles opérés par les URSSAF dans les entreprises : il y a presque 3 fois plus de contrôles URSSAF que de contrôles fiscaux ; 7/10èmes des contrôles des entreprises se soldent par une régularisation ; depuis 10 ans, dans le cadre du contrôle, pour une mesure favorable au cotisant, trois mesures l'ont été en faveur des URSSAF...

Alors que le Président de la République avait affirmé le 9 octobre 2018 que l'URSSAF devait être notre « amie », force est de constater que beaucoup de chefs d'entreprise ont en la matière une position beaucoup plus mitigée...

Les dispositions qui figurent dans la présente proposition ne prétendent pas régler toutes les difficultés dans le cadre du contrôle. En effet, les principales dispositions en la matière sont réglementaires et sont contenues aux articles R. 243-59 à R. 243-60-3 du code de la sécurité sociale. Toutefois, ces quelques dispositions paraissent indispensables pour améliorer les relations entre les URSSAF et les entreprises.

L'article 1er traite de la commission de recours amiable. Cette commission constitue la première étape obligatoire du contentieux général de la sécurité sociale. Si cette commission joue un rôle social et humain important, certains considèrent cependant que la procédure applicable est imparfaite et respecte peu le principe du contradictoire. En effet, la procédure est uniquement écrite et la commission statue en l'absence du cotisant (contrairement à ce qui existe en matière fiscale où le contribuable est convoqué). On comprend, dans ces conditions, que la doctrine ait émis des propos parfois sévères sur cette institution. Ainsi, pour H.G. Bascou, « le législateur devrait abandonner cette phase qui n'a, comme seul intérêt, de permettre aux URSSAF, compte tenu de la lenteur des décisions, de demander aux cotisants, en cas de résultats défavorables, de plus importantes majorations de retard » (Droit et Patrimoine. Avril 1999, n° 70, p 33 s). De même, pour le conseiller à la Cour de cassation, J. Favard, « la Commission de recours amiable a été créée dans le but d'éviter les contentieux. Pour cela, elle doit trancher les situations qui se présentent à elle de manière impartiale. Si elle ne remplit pas cette condition, elle ne pourra qu'être abandonnée ». Il est ainsi proposé les évolutions suivantes :

Remplacer le terme commission « amiable » par « commission des recours ». En effet, le terme « amiable », qui signifie « par voie de conciliation, de gré à gré, directement avec la personne concernée », semble inadapté ;

Permettre au cotisant de présenter des observations et de s'exprimer s'il le souhaite ;

Mettre fin à l'actuel imbroglio juridique en matière de recouvrement des cotisations : la possibilité pour une URSSAF, dans le but d'accélérer la procédure, de décerner une contrainte (contentieux du recouvrement) en cas de saisine préalable de la Commission de recours amiable par le débiteur (contentieux général) (Cass. soc. 31 mai 2001 pourvoi n° 99-14622 - Cass civ 2° 3 avril 2014. pourvoi n° 13-15136), oblige le débiteur à mener deux actions de front.

L'article 2 complète la procédure applicable en matière de travail illégal. Les procédures traînent de plus en plus en longueur, causant ainsi des problèmes aux cotisants qui ne reçoivent pas de mise en demeure, voient les majorations de retard augmenter et sont en incapacité de mener un contentieux. L'absence de délai n'incite pas non plus les organismes à faire preuve de diligence. Il est donc proposé d'inscrire que la mise en demeure doit être envoyée dans les six mois suivant la remise du document prévu à l'article L. 133-1.

L'article 3 prévoit la création d'un interlocuteur qui pourrait être saisi par le cotisant « en cas de difficultés rencontrées au cours de la vérification » (comme en matière fiscale). Aujourd'hui, en cas de contrôle, le cotisant se retrouve seul face à l'inspecteur. Il serait donc judicieux de pouvoir avoir recours à un tiers en cas de difficulté de dialogue.

L'article 4 traite du contenu de la mise en demeure. Le code de la sécurité sociale ne contient pas de précisions particulières sur la possibilité de se faire assister d'un conseil. Il convient de le mentionner.

L'article 5 se contente d'ajouter un formalisme en matière de travail dissimulé. Au fil des années, le législateur a eu tendance à banaliser le travail dissimulé à tel point que beaucoup le pratiquent, sans même le savoir (ainsi en est-il du client de bar qui vient rapporter son verre au comptoir, de l'entraide entre voisins, de la personne qui vient aider son frère sur un marché, de l'entraide familiale...) ; en outre, les sanctions constituent « un arsenal d'une violence juridique et économique inouïe » (S Coly. Travail dissimulé : gare à l'URSSAF. RH Info. 6 avril 2018). Afin que les décisions prises soient réfléchies, il est proposé que le procès-verbal soit contresigné par le directeur de l'organisme effectuant le recouvrement. Cette solution semble évidente s'agissant d'une décision grave (on notera de surcroît que le contreseing est déjà prévu pour certaines situations dans le code de la sécurité sociale). L'objectif de ces dispositions est d'améliorer le dialogue dans la procédure de contrôle et de transformer une administration « punitive » en une administration « aidante ».

L'article 6 entend mettre fin à une discrimination en matière de prescription des cotisations. Suivant le premier alinéa de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, « les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues ». Quant au premier alinéa du I de l'article L. 243-6 du même code, il prévoit que « la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées ». En d'autres termes, sur 3 ans auxquels il faut ajouter l'année en cours, alors que la répétition de l'indu se fera sur 3 ans. Cela signifie que lorsque l'URSSAF réclame de l'argent, elle le fait sur une période de 3 ans plus l'année en cours (exemple : une mise en demeure qui a été envoyée en décembre 2023 concernera toute l'année 2020, 2021, 2022 et 2023 jusqu'en décembre). En revanche, en cas de trop versé, la prescription est de 3 ans à compter de la date où les cotisations ont été versées (ainsi, imaginons qu'un employeur ait demandé une restitution de cotisations en décembre 2023, sa demande ne concernera que la période décembre 2020 - décembre 2023). L'URSSAF peut ainsi réclamer au cotisant des sommes sur une période plus longue qu'elle n'est tenue de le faire en cas de remboursement (Bourges Chambre sociale 22 mars 2018 RG n° 17/00053 - Montpellier 4ème B chambre sociale 21 mars 2018 RG n° 17/04013). Il convient donc de créer un système uniforme en cas de redressement de cotisations et de demande de répétition de l'indu.

L'article 7 aménage les effets d'une contrainte (action en recouvrement) qui sont redoutables. En effet, faute d'opposition motivée dans les 15 jours de l'envoi du document, ladite contrainte est définitive. L'information sur la possibilité d'assistance doit être prévue.

L'article 8 porte sur le moment de la délivrance de l'attestation de vigilance. On sait que l'attestation de vigilance est délivrée par les URSSAF, CGSS, ou par la MSA dès lors que la personne est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement. En pratique, le donneur d'ordre est tenu de vérifier, lors de la conclusion d'un contrat portant sur une obligation d'une certaine valeur, puis tous les 6 mois jusqu'à la fin de son exécution, que son cocontractant s'acquitte, entre autres obligations, de celles relatives à la déclaration et au paiement des cotisations à l'égard de l'URSSAF. L'attestation de vigilance est obligatoire pour tout contrat d'un montant minimum de 5 000 € HT, sachant que le donneur d'ordre doit en outre « s'assurer de l'authenticité de cette attestation auprès de l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales » (article D. 8222-7 du code du travail) - notons que les particuliers restent exonérés de cette obligation, notamment lorsqu'ils contractent pour leur usage personnel, celui de leur conjoint, de leurs ascendants ou descendants (article L. 8222-1 du code du travail). À défaut de procéder à ces vérifications et si le sous-traitant a eu recours au travail dissimulé, le donneur d'ordre peut être poursuivi pénalement et devoir régler solidairement les cotisations sociales du sous- traitant. Il peut également perdre le bénéfice des exonérations et réductions de cotisations applicables à ses salariés sur toute la période où le délit de travail dissimulé du sous-traitant aura été constaté. Il est donc évident que sans attestation de vigilance, une entreprise ne peut pas fonctionner. Aujourd'hui, l'URSSAF peut refuser de délivrer l'attestation de vigilance immédiatement après le procès-verbal constatant le travail dissimulé et non au terme de la procédure contradictoire. Cela n'est pas sans soulever un certain nombre d'objections. Peut-on comprendre que l'organisme de recouvrement puisse se dispenser de remettre une attestation de vigilance sur un simple constat de travail dissimulé (parfois dressé par lui-même) et avant même le respect de la procédure contradictoire ? À l'heure où les URSSAF entendent privilégier le dialogue avec les cotisants, il convient d'inscrire dans la loi que l'absence de délivrance de l'attestation de vigilance ne peut intervenir qu'au terme de la procédure contradictoire.

L'article 9 dispose que la perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

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