EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi vise à compléter les dispositions relatives à l'infraction de discrimination, prévues à l'article 225-1 du code pénal, afin d'y ajouter les discriminations liées à la minorité.
Dans les trains et les transports en général, dans l'espace public, dans les lieux de vie et de divertissement, dans les espaces commerciaux ou d'agrément, dans les complexes hôteliers, de restauration ou de vacances, les enfants font l'objet d'une intolérance de plus en plus assumée et décomplexée. Ils font trop de bruit. Ils bougent. Ils parlent. Ils rient. Ils courent. Ils crient. Ils pleurent. Ils tombent. Ils jouent.
Bref, ils vivent avec l'enthousiasme de leur âge, et ne s'accommodent pas de la retenue et de la modération souvent associées - parfois à tort - à l'âge adulte.
Or, les réactions de rejet à leur encontre se multiplient. Si, dans certains contextes, la mise à l'écart des enfants peut se justifier, notamment lorsqu'il s'agit de préserver leur sécurité ou leur sensibilité ; ou de ménager le calme requis pour des soins ou le recueillement, dans d'autres, elle est incompréhensible voire traduit une volonté de refuser le commun, le vivre-ensemble, et la vie sociale aux enfants et aux familles.
Une telle mise à l'écart n'est fondée que sur l'âge. Elle a des conséquences sur les enfants, bien sûr, qui en sont les premières victimes. Elle les prive d'une part indispensable de leur éducation, à savoir l'apprentissage progressif de la socialisation et la découverte d'autres liens et d'autres lieux. Elle a bien entendu des conséquences sur leurs parents, qui doivent s'accommoder comme ils le peuvent des restrictions que cela entraîne dans leur vie quotidienne. Pour les mères monoparentales, largement majoritaires au sein des familles monoparentales, l'augmentation des restrictions d'accès aux enfants ne pourrait qu'avoir pour conséquence de les exclure davantage d'une vie collective à laquelle elles peinent trop souvent à appartenir, en raison du poids des responsabilités et de la précarité qui sont les leurs.
À première vue, une telle proposition de loi pourrait être considérée comme satisfaite, puisque l'article 225-1 du code pénal intègre l'âge au sein des motifs discriminatoires. Or, en pratique, ce dernier est compris comme désignant principalement les personnes âgées (il s'agit de lutter contre l'âgisme), de sorte que les enfants ne sont pas protégés des comportements discriminatoires dont ils sont de plus en plus régulièrement victimes. De plus, comme les enfants n'ont pas la capacité civile d'ester en justice du fait de leur minorité ou de leur non-émancipation, il ne leur est pas possible, sans intermédiaire majeur, de s'appuyer sur ce texte pour faire valoir leurs droits. Ils échappent donc, le plus souvent, à la portée protectrice de l'article 225-1 du code pénal. Et l'usage qui est fait du texte actuellement ne permet pas à des parents susceptibles d'agir de se pencher sur cette possibilité.
La présente proposition de loi vise à indiquer clairement que les enfants ont toute leur place au sein de la société. Que penser d'une société qui exclut ses enfants ? À l'heure où les taux de natalité et les équilibres démographiques sont convoqués dans le débat public, la place que notre société accorde aux enfants et à leurs parents nous paraît déterminante.
Il est donc proposé d'interdire les discriminations faites aux enfants, exception faite des interdits qui seraient justifiés par la protection de leur sécurité et par leur minorité civile.