EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pour éviter des dérives portant atteinte à l'équité des campagnes électorales, le code électoral encadre le financement des campagnes tout en prévoyant, en contrepartie, un remboursement des frais de campagne par l'État. Ce cadre réglementaire instauré en 19881(*) et complété à onze reprises depuis plafonne les dépenses de campagne, interdit aux personnes morales de financer des campagnes électorales et oblige les candidates et candidats d'ouvrir un compte de campagne, ce qui a grandement accru la transparence des campagnes tout en réduisant la place des sources de financement privées dont l'accès demeure inégalement réparti entre les candidates et les candidats.

Toutefois, les règles relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales ne s'appliquent pas aux campagnes électorales des conseillères et conseillers des Françaises et Français de l'étranger. Nonobstant l'honnêteté et la sincérité de l'immense majorité des candidates et candidats, il ne peut pas être exclu qu'une minorité profite du manque d'encadrement effectif des campagnes. L'absence de règles ouvre, actuellement, la porte à toutes sortes de dérives qui pourraient même porter atteinte à la légitimité du scrutin. À titre d'exemple, un candidat pourrait bénéficier aujourd'hui d'un don important d'une entreprise privée ou provenant d'un pays tiers, qui lui conférerait un avantage disproportionné au mépris d'une candidate à moyens financiers modestes l'empêchant de communiquer à son électorat potentiel.

Pour autant, les élections consulaires sont non seulement une échéance primordiale pour les Françaises et Français établis hors de France, mais ont également des répercussions au niveau national. D'une part, les résultats des élections consulaires impactent la composition de l'Assemblée des Français de l'étranger et du Sénat étant donné que les conseillères et conseillers participent à l'élection des Sénatrices et Sénateurs représentant les Françaises et Français établis hors de France. Rien que pour tenir compte de leur capacité de participer aux processus décisionnels nationaux, il convient de s'assurer que l'élection des conseillères et conseillers des Françaises et Français de l'étranger et, par ricochet, les campagnes électorales répondent au moins aux mêmes exigences de transparence et d'équité que les autres élections.

D'autre part, les conseillères et conseillers des Françaises et Français de l'étranger représentent nos compatriotes établis à l'étranger devant l'administration consulaire, y compris dans le cadre des conseils consulaires où ils siègent, et leur expertise et soutien sont fréquemment sollicités par nos compatriotes établis à l'étranger. Si l'administration a souvent du mal à répondre à leurs requêtes à cause des situations spécifiques dans lesquelles nos compatriotes à l'étranger se retrouvent, ce sont souvent les conseillères et conseillers qui peuvent venir à l'aide, par exemple quand il s'agit de scolariser les enfants dans un établissement de l'enseignement français à l'étranger, de percevoir une retraite française à l'étranger ou encore de venir en aide en cas d'urgence. À ce titre, Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte ont noté à juste titre que les conseils consulaires introduits en 2013 avaient créé un « nouveau niveau de représentation, conçu comme l'équivalent de l'échelon local pour les Français de l'étranger »2(*). Même si les conseillères et conseillers des Françaises et Français de l'étranger remplissent ainsi effectivement les mêmes fonctions que les élues et élus locaux en France, une différence importante demeure : contrairement aux candidates et candidats aux élections municipales soumis aux règles de financement et de plafonnement des dépenses électorales, les candidates et candidats aux élections consulaires en demeurent exempts. Vu les similitudes des fonctions exercées, cette particularité ne peut être tolérée.

Pour mettre fin à cette exemption, la présente proposition de loi vise à rendre applicables aux élections consulaires les règles relatives au financement des campagnes électorales.

En premier lieu, la proposition de loi prévoit de rendre obligatoire la désignation d'une mandataire financière ou d'un mandataire financier et de requérir l'ouverture d'un compte de campagne. Comme c'est le cas pour les élections locales, les candidates et candidats peuvent également choisir de désigner comme mandataire une association de financement électoral dont le siège peut même être situé à l'étranger, comme le permet la loi de 1901. Ces deux étapes permettent de centraliser toutes les opérations financières pour permettre des contrôles a posteriori. À l'image des adaptations prévues pour les élections des Sénatrices et Sénateurs représentant les Françaises et Français établis hors de France, ces obligations sont adaptées au contexte transfrontalier de ces élections ; il serait stipulé, par exemple, que la déclaration de la mandataire financière ou du mandataire financier doit se faire obligatoirement à la préfecture de Paris.

En deuxième lieu, la proposition de loi vise à élargir le champ de compétences de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) aux élections des conseillères et conseillers des Françaises et Français de l'étranger. Actuellement, cette commission, qui est pourtant compétente pour le contrôle des comptes de campagne des autres élections, ne peut pas se prononcer sur les élections consulaires. Cette disposition lui permettrait ainsi de contrôler les comptes de campagne déposés pour vérifier le respect des règles nouvellement applicables et, le cas échéant, de prononcer des sanctions à l'encontre des candidates et candidats n'ayant pas respecté les règles de financement de la campagne électorale.

En troisième lieu, la proposition de loi vise à plafonner les dépenses électorales de chaque candidate et candidat afin d'éviter que certaines personnes mènent des campagnes avec un budget important qui leur permet de gagner une visibilité disproportionnée au mépris des candidates et candidats ayant accès à des ressources financières plus limitées. À titre d'exemple, les dépenses de campagne seraient plafonnées à 0,23 euro par personne pour une circonscription comptant 14 000 électeurs et électrices inscrits et où, en application de la répartition actuelle3(*), quatre postes de conseillers et conseillères consulaires sont à pourvoir.

Dans le même temps, la proposition de loi vise à permettre le remboursement des dépenses électorales à hauteur de 47,5 % pour les candidates et candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. De cette manière, les candidates et candidats aux élections consulaires pourraient enfin prétendre à un remboursement de leurs frais de campagne.

Toutefois, il convient d'éviter une charge administrative disproportionnée pour les candidates et candidats qui se présentent dans des circonscriptions comptant un nombre limité d'inscrites et d'inscrits, à l'image de la dérogation prévue pour les candidates et candidats aux élections municipales dans les communes de moins de 9 000 habitantes et habitants. C'est la raison pour laquelle il est proposé que les candidats et candidates se présentant dans ces « petites » circonscriptions demeureraient exclus de l'obligation d'ouvrir un compte de campagne et de désigner une mandataire financière ou un mandataire financier. En revanche, ces candidates et candidats demeureraient également exclus d'un remboursement des dépenses électorales par l'État. Plus concrètement, la présente proposition de loi propose que les dispositions en matière de financement et de plafonnement des campagnes s'appliquent aux candidates et candidats qui se présentent dans des circonscriptions de plus de 5 000 personnes, à savoir les candidates et candidats dans 54 circonscriptions consulaires si ces règles avaient été appliquées aux élections consulaires de 2021.

L'article unique vise à rendre obligatoires la désignation d'un mandataire financier et l'ouverture d'un compte de campagne pour les candidates et candidats aux élections des conseillères et conseillers des Français de l'étranger dans les circonscriptions comptant au moins 5 000 personnes inscrites sur la liste électorale consulaire, tout en plafonnant les dépenses de leurs campagnes électorales et en leur octroyant le droit de prétendre à un remboursement de leurs dépenses de campagne par l'État.

* 1 Loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

* 2 Rapport d'information n° 792 (2022-2023) du 28 juin 2023 par Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte. « Dix ans après la loi du 22 juillet 2013 : donner des moyens et des prérogatives aux élus et aux instances des Français établis hors de France ».

* 3 Loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, article 25.

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