EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La clause générale de compétence trouve son origine à l'article 61 de la loi du 5 avril 1884 relative à l'organisation municipale, selon lequel : « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». Cette disposition est actuellement inscrite à l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions a étendu le bénéfice de cette clause aux départements.

Après sa suppression, partielle, par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (loi RCT), puis son rétablissement par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (loi MAPTAM), la loi du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) a finalement supprimé la clause générale de compétence des départements en précisant qu'ils ne pourraient plus intervenir que dans les domaines de compétences que la loi leur attribue1(*).

L'étude d'impact du projet de loi NOTRe justifiait cette suppression par deux objectifs :

- Afficher clairement la limitation des compétences des départements aux domaines définis par la loi afin de mettre fin aux doublons et enchevêtrements de compétences entre collectivités territoriales ;

- Maîtriser la dépense publique locale en limitant la pratique des financements croisés selon laquelle plusieurs niveaux de collectivités pouvaient participer au financement de projets publics.

Or, s'agissant des départements, la suppression de la clause générale de compétence repose sur une erreur d'évaluation et d'interprétation, en ce que l'enchevêtrement des compétences ne résulte pas de cette clause, cette dernière n'ayant toujours eu qu'une portée subsidiaire.

C'est d'ailleurs ce qu'a souligné la jurisprudence administrative et constitutionnelle.

Par une décision du 29 juin 20012(*), le Conseil d'État a précisé, s'agissant des communes, que la clause générale de compétence « habilite le conseil municipal à statuer sur toutes les questions d'intérêt public communal, sous réserve qu'elles ne soient pas dévolues par la loi à l'État ou à d'autres personnes publiques et qu'il n'y ait pas d'empiètement sur les attributions conférées au maire ».

De la même manière, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010 sur la loi RCT, que la clause générale de compétence des départements ne les rendait pas compétents pour traiter toute affaire en lien avec leur territoire car ces derniers ne devaient pas empiéter sur les compétences dévolues à l'État ou à d'autres personnes publiques.

S'agissant des financements croisés, il y a, là encore, eu méprise de la part du Gouvernement car leur développement est indépendant de l'existence même d'une clause générale de compétence.

Tel que le souligne M. Jean-Marie Pontier, professeur émérite de droit public, « ce qui est en cause, ce n'est pas l'exercice d'une compétence, ce n'est pas la clause générale de compétence, ce qui est en cause, c'est la recherche éperdue d'un financement » ; « elle (la clause générale de compétence) est simplement la formulation et la formalisation intellectuelle d'une liberté d'initiative qui est au fond la garantie réelle d'une véritable décentralisation, parce qu'elle permet sans obliger, elle donne leurs chances aux collectivités et à leurs élus de faire plus et autre chose que ce que l'application littérale des textes autorise »3(*).

En outre, dans sa décision n° 2016-565 QPC du 16 septembre 2016, si le Conseil constitutionnel a jugé, qu'en principe, la compétence générale des collectivités territoriales n'était pas une conséquence nécessaire de leur libre administration, il a néanmoins estimé que les collectivités devaient disposer de compétences effectives pour garantir le respect du principe de libre administration et jugé, s'agissant des départements, que tel était bien le cas.

En ce qu'ils constituent un échelon intermédiaire entre les régions et les communes, les Conseils départementaux doivent avoir des compétences de proximité et de solidarité, en particulier depuis la création de régions de taille XXL par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions (point 4 de la décision précitée).

C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de rétablir la clause de compétence générale à leur égard.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

* 1 L. 3211-1 du CGCT issu de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la République, art. 94 et s.

* 2 CE, 29 juin 2001, n° 193716, « Commune de Mons-en-Baroeul »

* 3 J.-M. Pontier, « Requiem pour une clause générale de compétence ? », La semaine juridique, Administrations et collectivités territoriales, LexisNexis 2012

Partager cette page