EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 2016, j'avais déposé avec quelques collègues un texte visant ce même objectif : instaurer l'obligation d'un casier vierge pour les candidats à une élection locale.
Dans l'exposé des motifs nous avions indiqué « Notre pays et ses institutions souffrent aujourd'hui d'un contexte inédit de défiance des citoyens envers les partis traditionnels et les élus en général. Cette baisse de confiance atteint directement les conditions du débat démocratique, en induisant de manière pernicieuse l'idée que la démocratie devient un gadget politique ».
Il y a 7 ans, nous indiquions donc un contexte inédit.
Que dire aujourd'hui après des records d'abstention aux différentes élections municipales de 2020 et présidentielles de 2022 ?
Après les mouvements sociaux sans précédent et la crise des gilets jaunes ?
Après l'effondrement des partis traditionnels aux présidentielles ?
Après le tiercé gagnant de mouvements politiques portés par l'image d'un seul homme dans une hyper individualisation du leader ?
Cette Proposition de loi de 2016 n'a jamais été examinée ne trouvant place dans aucune niche.
En 2017, cette mesure fut proposée par un candidat à la Présidentielle dans le cadre de sa campagne électorale. Candidat devenu Président de la République. Mais plus aucun projet concernant l'obligation d'un casier vierge.
Pire, cette mesure ne s'est pas concrétisée dans des textes qui auraient pu pourtant l'intégrer : Loi organique et loi ordinaire du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.
Aujourd'hui, la défiance des citoyens est à ce point exacerbée que l'abstention est devenue le premier choix des Français.
Luc ROUBAN, directeur de recherche au CNRS et membre du centre de recherches politiques de Sciences-po, le Cevipof, dans son ouvrage « Les Raisons de la défiance » (Presses de Sciences-po, janvier 2022), a expliqué les dangers : l'absence totale, pour près de la moitié de la population française, de tout sentiment d'appartenance à une communauté, qu'elle soit nationale, régionale, linguistique, religieuse, d'origine, ou même de goûts.
Cette absence de repères communs est bien connue des maires et élus locaux qui annoncent depuis des années la perte du collectif au profit d'un individualisme grandissant et de citoyens consommateurs de services publics.
Et de nombreux universitaires, historiens, journalistes ont analysé ce qui pourrait être une crise démocratique avec un modèle républicain et une citoyenneté qui se délitent.
Les élus, mais aussi depuis la crise du covid, les scientifiques, les journalistes génèrent les mêmes doutes, les réseaux sociaux semant souvent le trouble, entre info et intox...
Pour recréer le commun, il faut a minima, re créer les liens de confiance. Et le suffrage universel ne doit plus être considéré comme un blanc-seing par les élus.
L'auteur est persuadé que la corruption est un phénomène très peu développé dans notre pays. De multiples textes de loi -votés dans cette dernière décennie- ont encadré de plus en plus les mandats politiques : création de la Haute Autorité de transparence de la vie publique, publication des déclarations d'intérêts et de patrimoine des élus, lutte contre les conflits d'intérêt ...
Cependant l'absence d'une obligation de casier vierge pour les candidats à des élections représente selon l'auteur un blocage énorme dans la confiance : comment expliquer aux citoyens qu'un élu n'a pas l'obligation d'un casier vierge alors que plus de 400 professions l'exigent ?
N'y a-t-il pas une obligation d'affichage d'exemplarité alors même que 2/3 des Français estiment que notre démocratie fonctionne mal en France et que le sentiment de corruption généralisé des personnalités politiques est partagé par l'ensemble des milieux sociaux 48% des personnes interrogées et que 67% estiment que les hommes et femmes politiques agissent principalement pour leurs intérêts personnels. (Source Fractures françaises vagues 10)
Car demeurer sans cette obligation, c'est envoyer un message aux Français : vous avez plus de devoirs que les élus.
La probité ne peut être à la carte. Elle doit être un des critères d'éligibilité de ceux qui par leur mandat représentent les citoyens. Ils doivent donc affirmer leur exemplarité.
L'article 1er de cette proposition de loi organique a pour objet d'ajouter une nouvelle condition d'inéligibilité pour l'élection présidentielle. Désormais pour se porter candidat à cette élection fondamentale pour notre démocratie, le Conseil constitutionnel vérifiera que le bulletin n° 2 du casier judiciaire soit exempt de condamnation incompatible avec l'exercice d'un mandat électif.
L'article 2 insère un nouvel article L.O. 127 dans le code électoral, ayant pour objet d'ajouter une nouvelle condition d'inéligibilité pour les élections législatives et partant pour les élections sénatoriales, en vertu de l'article L.O. 296. Désormais pour se porter candidat, il sera exigé que le bulletin n° 2 du casier judiciaire soit exempt de condamnation incompatible avec l'exercice d'un mandat électif.
L'article 3 prévoir les modalités d'entrée en vigueur dans le temps de cette disposition.
Il convient de préciser que cette mesure n'a pas un caractère perpétuel, puisque des règles précises existent d'ores et déjà sur l'effacement, à la demande ou automatique, du casier judiciaire.
L'auteur de cette proposition de loi réaffirme que notre démocratie a besoin d'un changement radical de paradigme.
La confiance ne se décrète pas. Les Droits et les Devoirs doivent être assumés autant par les élus que par les citoyens. Il est urgent de réagir dans un contexte de défiance et de désarroi.