EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La construction de nouvelles infrastructures de transport de grande ampleur occasionne toujours d'importants débats sur le financement de ces dernières. La future ligne ferroviaire à grande vitesse « Bordeaux-Toulouse » ne fait pas exception à cette réalité.
Pris en considération dans sa globalité, le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) nécessitera 14 milliards d'euros courants. La première phase seule, qui concentre les travaux entre Bordeaux et Toulouse en excluant les aménagements vers Dax et l'Espagne (phase 2), nécessitera 10,3 milliards d'euros courants. Les divers fonds européens devraient atteindre 20% du montant (2,05 milliards), avec un reste à charge divisé en deux parts égales entre l'État et les collectivités territoriales (40 % chacun, soit 4,1 milliards).
Conformément à la loi d'orientation des mobilités, qui a rendu possible la création de sociétés de financement par ordonnance, la méthode de financement retenue pour ce projet de grande ampleur est celle d'une société de cantonnement de la dette avec une fiscalité affectée. En effet, l'établissement GPSO a été créé le 2 mars dernier. Cette société centralisera donc les financements des collectivités territoriales et bénéficiera également de ressources fiscales dédiées, notamment une Taxe Spéciale d'Équipement (TSE) votée en loi de finances initiale pour 2022. Le montant exact de la nouvelle taxe n'est pas connu : il est estimé entre 4 et 8 € par foyer ou par entreprise chaque année. Ces nouvelles taxes s'appliqueront pendant quarante ans. Tous les foyers et entreprises redevables de cette nouvelle taxe sont ceux étant soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties, à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale ainsi qu'à la cotisation foncière des entreprises. Tous les contribuables étant situés dans des communes à moins de soixante minutes en voiture d'une gare desservie par la nouvelle ligne seront redevables de cette taxation.
Des voix s'élèvent dans le débat public pour vanter les mérites du modèle mis en place pour la construction du réseau “Grand Paris Express”. La création d'une société ad hoc (la Société du Grand Paris), capable de bénéficier de recettes fiscales affectées et de s'endetter directement par elle-même sur les marchés financiers, permet deux avantages majeurs. D'une part, le modèle “société de projet” permet de renforcer substantiellement la résilience des projets dont le financement requiert une durée particulièrement longue, soumis aux aléas politiques locaux et nationaux. D'autre part, le modèle “société de projet” permet que le financement du projet soit assuré uniquement (ou en grande majorité) par les contribuables qui en seront les bénéficiaires, qu'ils soient des entreprises ou des particuliers. Ce principe “utilisateur-financeur” nous semble particulièrement intéressant car il permet d'établir une très grande transparence dans le financement d'une infrastructure. D'un point de vue démocratique, ce lien fiscal entre le projet d'infrastructure et le contribuable permet de renforcer l'équité dans le financement. En effet, l'imposition supplémentaire des contribuables est d'autant plus acceptée que l'objectif à atteindre est compris par les citoyens.
Il nous semble, et c'est précisément l'objet de la présente proposition de loi, que le cas de l'établissement public “Société du grand projet du Sud-Ouest” est problématique dans la mesure où le principe “utilisateur-financeur” n'a nullement été respecté. En effet, le financement sera intégralement assuré par les contribuables situés entre Bordeaux et Toulouse et leurs environs.
Considérant que la mise en service de la ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse (et dans un second temps entre Bordeaux et Dax, puis éventuellement l'Espagne) serait également bénéfique à tous les usagers vivant le long de la ligne « Atlantique » et plus spécifiquement encore à la région parisienne, il nous semble à la fois logique et nécessaire que les habitants et entreprises de ce territoire puissent participer à l'effort financier demandé par la construction de cette infrastructure. La réduction du temps de trajet des grandes métropoles françaises vers la capitale est bien entendu une aubaine pour ces dernières, qui démultiplient ainsi les opportunités économiques en se rapprochant des centres décisionnels, mais c'est également synonyme d'un renforcement puissant de la centralité parisienne. La région capitale gagne à être connectée avec les métropoles de province. En renforçant ses liens avec le reste du territoire, l'attractivité économique et touristique de l'Île-de-France s'en trouve grandie.
Considérant que l'application du principe “utilisateur-financeur” devrait être généralisée, l'article 1 de cette proposition de loi tend à appliquer ce principe au Grand projet du Sud-Ouest. Le financement de cette infrastructure devrait être partagé entre les différents utilisateurs et bénéficiaires. Dans cette logique, une inclusion de certaines collectivités franciliennes est proposée. Cet article prévoit également une augmentation globale du rendement de cette taxation. Il est proposé d'augmenter le produit de la taxation de 24 à 75 millions d'euros. En effet, l'élargissement de l'assiette permettrait d'augmenter les recettes liées à cette taxe et d'écourter l'amortissement du financement pour l'ensemble des collectivités dans la durée. De surcroît, cela libérerait la mise en place de potentielles nouvelles taxes affectées dans les métropoles de Bordeaux et Toulouse, afin de leur permettre de financer, le cas échéant, leurs réseaux de RER métropolitains.
L'impact fiscal de cette proposition de loi serait infime sur les contribuables franciliens concernés, tant leur nombre est important et leur poids économique supérieur à celui des contribuables concernés par le financement initial prévu à l'article 1609 H du CGI.
L'article 2 de cette proposition de loi prévoit une mise à jour de la liste des communes assujetties à cette taxe dans les trois mois à compter de la promulgation de la loi.