EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le système de financement des collectivités territoriales apparaît aux élus comme à nos concitoyens, de plus en plus illisible et confus.
Ainsi, en est-il de l'autonomie financière, composante essentielle de la libre administration des collectivités territoriales, consacrée par la révision constitutionnelle de 2003 avec deux piliers: d'une part la loi peut autoriser les collectivités territoriales à recevoir tout ou partie du produit d'impositions de toute nature, ainsi qu'à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine, d'autre part, les recettes fiscales et d'autres ressources propres doivent représenter, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources.
Mais la suppression de la taxe d'habitation et la baisse des impôts de production ont, ces dernières années, bouleversé le panier fiscal des collectivités en limitant considérablement leur capacité de levier fiscal et en réduisant fortement le lien entre l'impôt et le territoire.
Complexe, opaque, inéquitable, à bout de souffle, le système de financement des collectivités territoriales nécessiterait une réforme en profondeur de la DGF et de la péréquation. Mais cette réforme globale, certes compliquée, n'a de cesse d'être repoussée (exemples : la réforme de la DGF promise par François Hollande fut reportée de 2016 à 2017, puis de 2017 à 2018, puis finalement abandonnée ; la réforme des valeurs locatives des locaux d'habitation a été repoussée de deux ans dans la loi de finances pour 2023).
Selon le rapport de la Cour des comptes sur le financement des collectivités territoriales d'octobre 2022, « les paniers de recettes sont très différents selon les niveaux de collectivités et résultent d'une sédimentation historique peu lisible qui conduit à une décorrélation avec les charges et les besoins ».
La part de la fiscalité locale dans les finances locales n'a cessé de diminuer au fil des années, remplacée par des dotations de compensation de l'État, celui-ci devenant le « premier contribuable local », selon l'expression de la Cour des comptes :
§ 2010 : réforme de la taxe professionnelle
§ 2018 : suppression progressive de la taxe d'habitation sur la résidence principale.
§ Entre 2022 et 2024 : baisse des impôts de production avec notamment la suppression totale de la CVAE en 2024
« La transformation de la taxe professionnelle, puis la suppression de la taxe d'habitation et la diminution de moitié de la CVAE ont réduit la fiscalité directe de 40 Md€ », selon la Cour des comptes.
La Cour précise par ailleurs que les six principaux impôts locaux (la TH, la TFPB, la TFPNB, la TEOM, les DMTO et la TP - remplacée par la CFE, la CVAE et l'IFER) « représentaient 88,9 Md€ soit 76 % des produits de la fiscalité des collectivités en 2010 (fiscalité transférée comprise). Ils n'en représentaient plus que 83,8 Md€, soit 55 %, en 2021 ».
Le seul vrai levier fiscal qui demeure (rappel, il existe un taux maximal de DMTO et quasiment toutes les collectivités qui en bénéficient sont au taux plafond et n'ont donc plus de levier fiscal) sont les taxes foncières du bloc communal, mais même celui-ci est limité par l'objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN), qui va limiter la capacité pour le bloc communal de lever de l'impôt foncier supplémentaire.
Dans le même temps, il est à noter que si le levier fiscal diminue, le ratio d'autonomie financière augmente régulièrement, depuis son calcul en 2003, du fait de la hausse du produit des impositions perçues (ressources propres : impositions de toutes natures dont les parts d'impôts nationaux transférées, redevances, produits du domaine, ...) et de la baisse des dotations de fonctionnement : de 60,8 % en 2003 à 70,9 % en 2020 pour le bloc communal, de 58,6 % en 2003 à 74,7 % en 2020 pour les départements et de 41,7 % à 73,9 % en 2020 pour les régions (chiffres du Gouvernement).
Les élus locaux ont, de plus en plus, un sentiment de perte de responsabilité, du fait de la part croissante de la fiscalité nationale dans leurs ressources, du fait d'une péréquation souvent illisible et peu acceptée, sans compter les transferts de compétence dont les modalités de compensation sont de plus en plus contestées.
Cette situation a conduit la Cour des Comptes en octobre 2022, et avant elle, les Associations d'Élus à proposer des scénarios d'évolution du financement des collectivités territoriales.
Mais il est clair aujourd'hui que tous les scénarios envisageables ont besoin d'un soutien constitutionnel, comme cela a été le cas avec la création du PLFSS pour la Sécurité Sociale.
C'est pourquoi, il est proposé, comme une étape décisive d'une nouvelle étape de décentralisation réussie, de créer, dans la Constitution, un Projet de Loi de Financement des Collectivités Territoriales (PLFCT) qui permettra au Gouvernement et au Parlement, d'avoir tous les ans, un débat, sur une véritable synthèse des dépenses (et sans doute des compétences...) des collectivités territoriales.