EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'année 2020 a été marquée par une crise sanitaire sans précédent engendrée par l'épidémie de la Covid-19. Dans ce contexte, le premier confinement a brusquement arrêté une grande partie de l'économie française. Mais l'ensemble des activités des cafés, hôtels et restaurants (C.H.R), comme celles des autres entreprises du secteur du tourisme et de l'événementiel ont été encore beaucoup plus fortement impactées ensuite. Après plusieurs mois de fermeture (de jure ou de facto) , d'inactivité et de pertes considérables, voire totales de chiffre d'affaires, la période de déconfinement qui a eu lieu avant l'été avait entrouvert l'espoir d'une reprise de l'activité, vitale pour la survie de ces secteurs.

Malheureusement, pour la plupart, cette période s'est conclue par des résultats très en deçà des mois comparables des années précédentes. Et la rentrée n'a pas permis non plus d'atteindre les objectifs escomptés. Depuis les difficultés se sont accumulées. D'abord, la vie normale n'a pas du tout recommencée : ni les spectacles, ni les manifestations sportives, ni les foires et expositions, ni le trafic ferroviaire et aérien n'ont réellement repris et les frontières sont restées largement fermées. Ensuite, l'instauration d'un couvre-feu a imposé des fermetures ruinant l'activité en soirée et détruisant l'intérêt de se déplacer. Enfin, l'annonce d'un second confinement a finalement marqué un second et total coup d'arrêt de l'activité de toutes ces professions. Cette interdiction de travailler est apparue aux professionnels de ces secteurs d'autant plus injuste que, pour leur quasi-totalité, ils avaient respecté rigoureusement les consignes de sécurité et mis en place des protocoles sanitaires renforcés, comme les pouvoirs publics leur avaient demandés. Pire encore, le flou règne chaque jour un peu plus pour tout un secteur qui n'a, pour l'heure, aucune perspective d'une nouvelle réouverture pour 2021.

Bien sûr, la crise sanitaire ne peut pas être imputée à l'État, et cette épidémie mondiale a mis en difficulté l'ensemble des pays, notamment européens. Néanmoins, les options choisies pour gérer cette crise sont propres à chaque pays, et nous l'observons d'ailleurs chaque jour en Europe, à l'instar de la campagne vaccinale qui est en train de s'organiser. En France, le choix a été de fait de longues fermetures administratives (de jure ou de facto) pour les activités des C.H.R, du tourisme et de l'évènementiel.

Or, ce choix sanitaire des fermetures est en passe de provoquer des dommages irréversibles pour les professionnels de ces secteurs, mais aussi pour leurs employés et leurs fournisseurs. Pour autant, l'État n'a pas souhaité compenser cet arrêt économique brutal et a préféré choisir une logique d'aide, par essence très limitée, en raison notamment des règles européennes. Ce choix ne permet donc pas de compenser réellement les conséquences des décisions de l'État comme le serait l'indemnisation totale.

En effet, la majorité des aides sont incomplètes et sont loin de compenser intégralement le « manque à gagner » dû à la politique sanitaire et les professionnels du secteur sont unanimes sur ce point. Quant au chômage partiel de longue durée, bien qu'il s'agisse d'une bonne mesure, la mise en place du dispositif s'avère parfois être un véritable parcours du combattant, particulièrement en ce qui concerne les démarches administratives, longues et difficiles pour beaucoup d'entreprises. Enfin, les prêts garantis par l'État (P.G.E.) ont été très difficiles à obtenir pour beaucoup de petites et moyennes entreprises de ces secteurs. Sauf à ce qu'ils soient considérés comme une avance sur indemnisation (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui), les P.G.E devront être remboursés et sur un délai relativement court, ce qui vient rajouter un problème supplémentaire pour le secteur.

Compenser intégralement ces secteurs de leur « manque à gagner » ne revient pas à accuser l'État d'une quelconque faute, mais vise simplement à combler le « manque à gagner » dû aux conséquences de la fermeture administrative décidée par l'État et ainsi, à éviter la ruine des entreprises de ces secteurs où les emplois sont très nombreux. En indemnisant intégralement, on préservera une partie essentielle du patrimoine français, mais également un secteur économique fondamental pour l'emploi, l'ascension sociale et pour la balance des paiements française.

Les conséquences de cette politique sanitaire s'illustrent donc par le « manque à gagner » qui consiste souvent en la disparition totale du résultat d'exploitation, à laquelle s'ajoute parfois une perte supplémentaire. « Manque à gagner » que les assurances refusent de couvrir car il est lié à une fermeture administrative engendrée par une pandémie. C'est pourquoi la décision de fermer administrativement (de jure ou de facto ) une activité - tout aussi légitime qu'elle puisse être au regard du contexte sanitaire actuel, et quand bien même cette décision émane de l'État - doit donner lieu à indemnisation si elle porte préjudice aux entreprises d'un secteur. Telle est aujourd'hui la jurisprudence du Conseil d'État (pour des cas individuels). Nous n'avons jamais vu de fermetures à une telle échelle, et pour une aussi longue durée, ce qui nécessite d'inventer le mécanisme d'indemnisation qui s'impose et qui est l'objet de cette proposition de loi. En définitive, ne s'agit-il pas aussi d'expropriations temporaires, qui, comme toutes les expropriations, doivent donner lieu à une compensation intégrale des dommages subis ?

L'objectif de la présente proposition de loi est aussi d'anticiper et régler globalement les multiples demandes d'indemnisations qui ne manqueront pas de venir de la part d'innombrables entreprises frappées par cette crise. Dans son ordonnance du 11 décembre 2020 sur les domaines skiables de France et autres, le juge des référés du Conseil d'État, dans sa sagesse, a d'ailleurs lui-même souligné que les mesures prises par le gouvernement vont causer des « effets économiques ...très importants pour les zones concernées » .

Depuis le début de la crise sanitaire, le Président de la République s'est engagé à protéger toutes les entreprises, « quoi qu'il en coûte ». Pourtant cette promesse érigée en principe ne s'applique pas aujourd'hui aux secteurs des C.H.R, du tourisme et de l'évènementiel.

Contrairement à d'autres pays européens, en particulier l'Allemagne qui a fait le choix d'indemniser massivement ces secteurs, en France, l'État a décidé de retenir un autre scénario, brutal et très préjudiciable : celui de la fermeture totale, sans perspective de réouverture prochaine et sans indemniser directement les secteurs. Une double peine (fermeture sine die , logique d'aide limitée et non d'indemnisation totale) qui revient à condamner de nombreuses entreprises qui sont ainsi progressivement ruinées.

Face à l'urgence extrême de la situation, cette proposition de loi vise à mettre en place une indemnisation intégrale du « manque à gagner » et des pertes qui s'y ajoutent parfois (passés et futurs) du secteur C.H.R, du tourisme et de l'évènementiel, pour l'ensemble de la crise sanitaire liée à l'épidémie de la COVID-19.

L'article 1 propose que l'État indemnise intégralement le « manque à gagner » du secteur C.H.R, du tourisme et de l'événementiel subi au premier semestre et second semestre de l'année 2020, ainsi que des mois à venir en 2021 où l'activité des secteurs ne pourra pas reprendre normalement.

L'article 2 expose les modalités de la demande pour l'indemnisation intégrale et le déroulement du processus.

L'article 3 propose que durant la période où serait mis en place le processus d'indemnisation, et avant que celui ne soit effectif, les entreprises puissent avoir droit à des P.G.E supplémentaires pour faire face à leurs besoins de trésorerie.

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