EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Représentant 11,2 % de notre production d'électricité totale et 51,9 % de notre production d'électricité renouvelable 1 ( * ) , l'hydroélectricité constitue une source d'énergie de premier plan.
Compte tenu de ses bénéfices avérés, pour notre environnement et notre économie, sa valorisation est essentielle pour diversifier notre mix énergétique et atteindre ainsi l'objectif de neutralité « carbone » au mitan du siècle, que le Sénat a adopté dans le cadre de la loi dite « Énergie-Climat », du 8 novembre 2019 2 ( * ) .
Avec des émissions limitées entre 10 et 13 3 ( * ),4 ( * ) grammes d'équivalents en dioxyde de carbone par kilowattheure (gCO 2 e/kWh), l'hydroélectricité figure parmi les sources d'énergie les plus décarbonées 5 ( * ),6 ( * ) .
Elle constitue aussi une source d'énergie modulable et stockable, qui contribue à garantir l'équilibre entre la production et la consommation d'électricité et à renforcer la flexibilité et la sécurité du système électrique.
C'est tout particulièrement le cas des installations hydroélectriques dites « par éclusées » et « centrales de lac » , qui sont associées à une retenue d'eau, ainsi que des stations de transfert d'électricité par pompage (STEP) ; ces installations et stations offrent une solution de stockage éprouvée et répandue de l'électricité.
Outre cet intérêt sur le plan de l'énergie et du climat, l'hydroélectricité représente également un levier essentiel de développement économique pour nos territoires ruraux, en particulier en zones de montagne.
Ce levier économique est d'autant plus crucial que les installations hydroélectriques ne sont pas destinées à la seule production d'énergie mais permettent d'autres usages, tels que l'alimentation en eau potable, l'irrigation des terres agricoles ou la navigation marchande ou récréative.
Certaines installations, à commencer par nos « moulins à eau » , présentent de surcroît un intérêt patrimonial incommensurable.
Au total, le marché de l'hydroélectricité génère 3,6 milliards d'euros en 2016, dont 636 millions d'investissements ; la filière représente en outre 11 600 emplois 7 ( * ) .
Par rapport à ses principaux concurrents, la France dispose d'atouts stratégiques dans le domaine de l'hydroélectricité, puisqu'elle est le 2 ème producteur européen et le 10 ème mondial.
Sa puissance installée est de 25,5 gigawatts, portée par 2 500 installations hydroélectriques, dont 400 relèvent du régime de la concession (Article L. 521-1 du code de l'énergie) et 2 100 de celui de l'autorisation (Article L. 531-1 du même code), selon que leur puissance excède ou non 4,5 mégawatts (MW) (Article L. 511-5 du même code) 8 ( * ) .
Parmi les installations hydroélectriques, la « petite hydroélectricité » , souvent assimilée aux installations dont la puissance maximale brute n'excède pas 10 MW, englobe 2 270 installations, 2,2 gigawatts (GW) de capacités installées de production et de 6 à 7 térawattheures (TWh) de production 9 ( * ) .
Selon les études conduites par les professionnels, le potentiel total de production de l'hydroélectricité s'élève en France à 11,7 TWh 10 ( * ) .
En dépit de son intérêt, l'hydroélectricité est confrontée à de multiples difficultés.
Tout d'abord, cette activité pâtit de la faiblesse de son cadre stratégique.
Certes, depuis la loi « Énergie-Climat » , le législateur a inscrit parmi les objectifs de notre politique énergétique nationale celui « d'encourager la production d'énergie hydraulique » , la commission des affaires économiques du Sénat ayant fait adopter une mention spécifique à la « petite hydroélectricité » (4° bis de l'article L. 100-4 du code de l'énergie).
En outre, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 11 ( * ) , notre principal document programmatique en matière énergétique, prévoit les cibles de 26,4 à 26,7 GW de puissance installée pour l'hydroélectricité d'ici à 2028 et de 1,5 GW pour les STEP entre 2030 et 2035.
Pour autant, les objectifs figurant à l'article L. 100-4 du code de l'énergie ne sont ni chiffrés, ni complets, contrairement à tous les autres objectifs fixés par cet article s'agissant des énergies décarbonées.
Dans le même ordre d'idées, la « loi quinquennale » , qui déterminera, à compter de 2023, les objectifs de notre politique énergétique nationale (Article L. 100-1 A du même code) ne prend que peu en compte l'hydroélectricité au contraire, par exemple, de la rénovation énergétique.
Si la loi « Énergie-Climat » a fait globalement progresser notre cadre stratégique en matière énergétique et climatique, elle n'a pas permis de le parachever pour ce qui concerne l'hydroélectricité.
L'auteur de la présente proposition de loi, en sa qualité de rapporteur de ce projet de loi pour le Sénat, avait à l'époque déploré que le périmètre initial du texte retenu par le Gouvernement n'ait pas permis, en application de l'article 45 de la Constitution, d'aborder plus en détail ce sujet, en particulier les « enjeux liés à la continuité écologique des cours d'eau ou à la fiscalité applicable aux moulins » et s'était engagé « à travailler à une proposition de loi sur le sujet » 12 ( * ) .
Une autre difficulté à laquelle fait face l'hydroélectricité provient de la complexité normative.
Cette activité doit ainsi nécessairement s'articuler avec les règles relatives à la restauration de la continuité écologique des cours d'eau : en effet, depuis la dite « LEMA » du 30 décembre 2006 13 ( * ) , prise en application d'une directive européenne 14 ( * ) , les cours d'eau peuvent faire l'objet d'un classement en deux catégories par l'autorité administrative (Article L. 214-17 du code de l'environnement) :
- sur les cours d'eau de catégorie 1, qui sont caractérisés par un très bon état écologique ou identifiés comme des réservoirs biologiques, il est interdit d'accorder toute nouvelle autorisation ou concession d'ouvrage constituant « un obstacle à la continuité écologique » ;
- sur les cours d'eau de catégorie 2, sur lesquels il est nécessaire d'assurer le transport des sédiments ou la circulation des poissons, la gestion, l'entretien et l'équipement d'ouvrages sont subordonnés à des règles définies par l'autorité administrative.
L'application de ces règles à plusieurs conséquences sur la filière hydroélectrique française :
- d'une part, l'interdiction de tout obstacle sur les cours d'eau de catégorie 1 réduit de deux tiers le potentiel de développement de l'hydroélectricité, selon les estimations réalisées par les professionnels15 ( * ) ;
- d'autre part, les aménagements sur les cours d'eau de catégorie 2 (montaison ou dévalaison des poissons, contournement des barrages, arasement d'ouvrages) engendrent des surcoûts et réduisent le productible.
Dans le même esprit, la loi « LEMA » a également introduit une obligation en matière de « débit réservé » , c'est-à-dire de maintien d'un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces (Article L. 214-18 du code de l'environnement), qui affecte elle aussi négativement ce productible.
À cette complexité normative s'ajoute une complexité administrative.
Au sein même du ministère de la transition écologique (MTE), le suivi des installations hydroélectriques est partagé entre la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), pour le régime de la concession, et la Direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), pour celui de l'autorisation.
Dans nos territoires, les pétitionnaires sont ainsi confrontés à une multitude d'acteurs lorsqu'ils souhaitent mener à bien un projet hydroélectrique : les directions départementales des territoires - DDT, les directions générales de l'environnement, de l'aménagement et du logement - DREAL, les offices français de la biodiversité - OFB, les agences de l'eau, les architectes des bâtiments de France - ABF, les services des impôts des entreprises - SIE, les collectivités territoriales, EDF, Enedis...
Cependant, quelques évolutions positives, récemment introduites par le législateur, doivent être relevées :
- en premier lieu, les règles relatives à la continuité écologique des cours d'eau ont été assouplies pour les « moulins à eau » par la loi dite « Autoconsommation » du 24 février 2017 16 ( * ) : l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement les dispense désormais des règles prévues pour les cours d'eau de catégorie 2 ;
- en deuxième lieu, les installations hydroélectriques entrent dans le champ de l'autorisation environnementale, instituée par une ordonnance 17 ( * ) prise en application par la loi dite de « Transition énergétique » 18 ( * ) du 17 août 2015, ce qui signifie que les porteurs de projets peuvent bénéficier de souplesse de la part des services de l'État (dossier, instruction et enquêtes publiques uniques ; calendrier des procédures ; certificats de projet) ;
- enfin, depuis la loi dite « ASAP » 19 ( * ) du 7 décembre 2020, les porteurs de projets peuvent faire examiner, dans le cadre de cette autorisation environnementale, leur éventuelle demande de dérogation aux objectifs de qualité et de quantité des eaux fixés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).
Malgré ces ajustements, une situation de complexité et d'instabilité normatives perdure localement, avec des applications réglementaires et des relations administratives très inégales selon les territoires, ce qui ne concoure, ni à l'acceptation des normes, ni à la prévention des contentieux.
Au total, les dépenses d'investissement varient entre 2 100 et 5 600 euros par kilowatt (kW) et celles d'exploitation entre 40 et 130 euros 20 ( * ) ; à elle seule, une « passe à poissons » représente un coût d'investissement total de 2 à 5 millions d'euros pour une centrale d'1 MW.
Enfin, l'hydroélectricité est soumise à une forte pression fiscale.
Certes, des dispositifs de soutien existent dans ce domaine, en guichet ouvert pour les installations neuves ou rénovées inférieures à 1 MW et par appel d'offres pour celles neuves entre 1 et 4,5 MW.
Pour autant, leur montant suffit parfois difficilement à compenser les charges, notamment fiscales, existantes.
En effet, les installations hydroélectriques entrent dans le champ de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), la contribution économique territoriale (CET) - composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) -, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), les taxes foncières - sur les propriétés bâties (TFPB) et non bâties (TFPNB) -, des redevances diverses - comme celles des agences de l'eau.
À l'occasion de la loi de finances pour 2019 21 ( * ) , le législateur a adopté un allègement fiscal utile, en permettant aux communes et aux établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) d'exonérer de TFPB « les parties d'une installation hydroélectrique destinées à la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique » à l'instar des « passes à poissons » (Article 1382 G du code général des impôts - CGI).
Cependant, les charges fiscales représentent toujours entre 10 et 50 euros par kW 22 ( * ) ; à elle seule, la taxe foncière concentre 7 % du total des coûts de fonctionnement annuels, ce qui s'explique par le fait que les installations hydroélectriques ont une emprise foncière importante.
Dans ce contexte, la présente proposition de loi vise à rénover sur plusieurs points le cadre législatif portant sur les installations hydroélectriques, afin d'inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique.
Pour ce faire, l'auteur de la présente proposition de loi a entendu au préalable 30 personnalités au cours de 15 échanges 23 ( * ) .
Il a choisi d'élaborer un texte à droit de l'environnement constant , préférant répondre aux difficultés concrètes relevées par les acteurs de terrain plutôt que de remettre sur le métier le débat récurrent sur l'application de la loi « LEMA ».
Le chapitre premier a pour objectif de consolider le cadre stratégique en faveur de la production d'énergie hydraulique.
L' article premier vise à compléter l'objectif afférent à l'hydroélectricité figurant à l'article L. 100-4 du code de l'énergie.
Depuis la loi « Énergie-Climat » , cet article fixe parmi les objectifs de notre politique énergétique nationale celui « d'encourager la production d'énergie hydraulique, notamment la petite hydroélectricité » (4°).
Si cette cible constitue un progrès, elle reste doublement limitée :
- d'une part, elle n'aborde l'hydroélectricité que sous le prisme de la production, alors que la situation actuelle pose d'autres défis, tels que ceux liés à notre souveraineté énergétique, à la sûreté des installations et au stockage de l'électricité ;
- d'autre part, elle n'est assortie d'aucun chiffrage au contraire de toutes les autres énergies décarbonées (énergie nucléaire ; électricité, gaz et carburants renouvelables ; éolien en mer ; réseaux de chaleur et de froid ; hydrogène bas-carbone et renouvelable ; effacements de consommation).
C'est pourquoi l'article vise à compléter l'objectif fixé par le législateur en matière d'hydroélectricité :
- en mentionnant la nécessité de maintenir notre souveraineté énergétique, de garantir la sûreté des installations et de favoriser le stockage de l'électricité ;
- en l'assortissant d' un chiffrage, de 27,5 GW de capacités installées de production d'ici à 2028, dont un quart de hausse entre 2016 et 2028 consacrée aux installations dont la puissance est inférieure à 4,5 MW .
Cet objectif, qui répondrait aux besoins indiqués à l'auteur de la proposition de loi par les professionnels, serait donc plus ambitieux que celui - entre 26,4 et 26,7 GW - prévu par la PPE.
L' article 2 vise à conforter la « loi quinquennale » pour ce qui concerne l'hydroélectricité.
En application de la loi « Énergie-Climat » , il est prévu qu'une « loi quinquennale » détermine, à compter du 1 er juillet 2023 puis tous les cinq ans, les objectifs et les priorités d'action de notre politique énergétique nationale (Article L. 100-1 A du code de l'énergie).
Les documents réglementaires et européens existants, dans le domaine énergétique et climatique, devront être compatibles avec ces objectifs.
L'article tend à élargir le champ de cette loi à l'hydroélectricité, en prévoyant que le législateur fixe les objectifs de capacités installées de production pour les installations hydrauliques concédées et autorisées, ainsi que de stockage par des STEP, de manière à réaffirmer la préséance du législateur sur le pouvoir réglementaire.
Ces objectifs porteraient, tout à la fois, sur la création et la rénovation de ces installations et de ces stations.
L 'article 3 a pour objet de consolider la PPE s'agissant de l'hydroélectricité.
En l'état actuel du droit, la PPE comprend six volets dont un consacré « au développement de l'exploitation des énergies » et un autre « au développement équilibré [...] du stockage [...] des énergies » (3° et 4° de l'article L. 141-2 du code de l'énergie).
L'article entend aller plus loin, en adjoignant à la PPE une évaluation des capacités installées de production, existantes et potentielles, sur sites vierges ou existants, des installations hydrauliques concédées et autorisées, de même que des STEP.
Le champ de cette évaluation serait national et par région.
Dans le même ordre d'idées, cet article complète la PPE d'une identification des cours d'eau ou des parties de cours d'eau sur lesquels de nouvelles installations hydrauliques sont susceptibles d'être implantées.
Ces évaluations et identifications seraient réalisées en lien avec les représentants des producteurs d'hydroélectricité et, le cas échéant, des propriétaires de « moulins à eau » .
L' article 4 a vocation à renforcer l'information du Parlement sur la mise en oeuvre des politiques publiques en faveur de l'hydroélectricité.
Depuis la loi de finances initiale pour 2020 24 ( * ) , un rapport sur l'impact environnemental du budget doit accompagner chaque projet de loi de finances.
Il comprend une évaluation des ressources et des dépenses publiques ayant un impact sur l'environnement, un état évaluatif des moyens publics et privés mis en oeuvre en faveur de la transition écologique et énergétique, la stratégie poursuivie en matière de fiscalité écologique et énergétique et un état évaluatif des moyens de l'État et de ses établissements nécessaires à la mise en oeuvre des objectifs déterminés par la « loi quinquennale » .
Afin de conforter les documents budgétaires transmis aux Parlementaires, l'article tend à compléter ce rapport d'une évaluation des moyens publics et privés déployés en faveur de la production d'électricité d'origine hydraulique, par des installations hydrauliques autorisées ou concédées, ainsi que son stockage par des STEP.
Compte tenu du caractère sensible et incertain du devenir des installations hydrauliques concédées, l'article dispose que le Gouvernement précise dans ce rapport les évolutions intervenues ou envisagées dans l'organisation de ces dernières, notamment en cas de changement de concessionnaires ou de renouvellement, de regroupement ou de prorogation des concessions.
Il prévoit aussi que le Gouvernement dresse le bilan des autorisations délivrées ou renouvelées pour les installations hydrauliques autorisées.
Le chapitre II vise à simplifier les normes applicables aux projets d'énergie hydraulique.
L' article 5 entend consolider la dérogation aux règles de continuité écologique, prévue pour les « moulins à eau » , à l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement.
Cette dérogation ne s'applique qu'aux moulins :
- équipés par leurs propriétaires, des tiers délégués ou des collectivités territoriales, pour produire de l'électricité ;
- régulièrement installés sur les cours d'eau de catégorie 2 ;
- existant à la date de publication de la loi « Autoconsommation » , du 24 février 2017.
Dans le silence des textes, l'interprétation de la première condition s'est posée ; il s'est agi de savoir si la notion d' « équipés pour produire de l'électricité » signifiait que le moulin devait être d'ores et déjà équipé à la date de publication de la loi, pouvait être en cours d'équipement à cette date ou pouvait être équipé postérieurement à cette date.
L'intention du législateur, telle qu'elle résulte des débats sur la loi précitée, étant très claire, l'article vise à préciser que la dérogation prévue pour les moulins à l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement trouve à s'appliquer dans ces trois cas de figure.
En effet, ainsi qu'en témoigne le rapport de la commission mixte paritaire sur le projet de loi « Autoconsommation » , le Rapporteur de ce texte pour le Sénat Ladislas Poniatowski avait très précisément indiqué que « sont concernés les moulins existant à la date de publication de la loi déjà équipés aujourd'hui ou qui pourraient l'être demain » 25 ( * ) .
L'intention manifeste du législateur est donc plus large que l'interprétation faite par le Gouvernement, qui n'admet que les moulins d'ores et déjà équipés ou en cours d'équipement à la date de publication de de la loi.
Pour preuve, le Gouvernement a ainsi indiqué, dans des réponses écrites à plusieurs questions posées par des Sénateurs 26 ( * ) , qu' « il est considéré qu'un moulin équipé est un moulin d'ores et déjà équipé pour la production hydroélectrique ou en train d'être équipé à la date de publication de la loi ».
L'article entend remédier à ce hiatus en clarifiant la rédaction de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement.
L' article 6 a pour objet de faciliter les augmentations de puissance pour les installations hydrauliques autorisées, en leur permettant d'augmenter de 25 % leur puissance maximale brute, y compris au-delà de 4,5 MW, sans qu'elles relèvent pour autant du régime de la concession.
L' article 7 tend à prévoir la détermination, par un arrêté du ministre chargé de l'énergie, d'un modèle national pour les règlements d'eau afférents aux installations hydrauliques autorisées et concédées, afin d'éviter une hétérogénéité des pratiques préjudiciable aux professionnels.
L' article 8 vise à appliquer le principe « silence vaut acceptation » , au-delà d'un délai de deux mois, à plusieurs procédures liées aux installations hydrauliques concédées :
- L' augmentation de puissance des installations concédées (Article L. 511-6-1 du code de l'énergie) ;
- La participation des collectivités territoriales et de leurs groupements aux sociétés d'économie mixte hydroélectriques (Article L. 521-18 du code de l'énergie) ;
- La prolongation des concessions en contrepartie de la réalisation de travaux (Article L. 521-16-3 du même code) ;
- Le regroupement des concessions par chaîne d'aménagements liés à la demande d'un ou de plusieurs concessionnaires (Article L. 521-16-1 et L. 521-16-2 du même code).
Il s'agit ainsi de faciliter, pour les concessionnaires, la mise en oeuvre de ces procédures novatrices, par ailleurs adoptées par le Sénat dans le cadre de l'examen des lois de « Transition énergétique » et « Énergie-Climat » .
Naturellement, et comme cela est le cas dans toutes les procédures relevant du principe « silence vaut acceptation » , le représentant de l'État demeurerait libre de refuser, dans les délais impartis, les demandes ainsi formulées par les concessionnaires notamment.
Dans le contexte actuel de forte incertitude quant au devenir des concessions hydroélectriques, l' article 9 prévoit que le représentant de l'État dans le département informe les maires ainsi que les présidents d'EPCI intéressés et, le cas échéant, le comité suivi de l'exécution de la concession et de gestion des usages de l'eau ou la commission locale de l'eau (CLE) en tenant lieu de toute évolution dans l'organisation des installations hydrauliques concédées (changement de concessionnaire, renouvellement ou prorogation de la concession, regroupement de plusieurs concessions).
Afin de mieux associer les élus locaux à la gestion des concessions hydroélectriques, l'article propose d'abaisser de 1 000 à 500 MW le seuil de constitution de droit du comité de gestion et de suivi précité, qui ne connaît actuellement que trois cas d'application.
L' article 10 institue une expérimentation pour les installations hydrauliques autorisées ou concédées, dont la puissance maximale brute est inférieure à 10 MW, pour une durée de quatre ans.
Il prévoit ainsi que les porteurs de projets ou les gestionnaires de telles installations puissent bénéficier de souplesses de la part des services déconcentrés de l'État :
- Un référent unique , placé auprès du représentant de l'État dans le département, à même de répondre à l'ensemble des demandes d'information et de conseil portant sur l'installation et relevant des administrations de l'État et de ses démembrements ;
- Un certificat de projet , étendu aux dispositifs de soutien fiscaux et budgétaires publics applicables au projet, tels que l'obligation d'achat et le complément de rémunération ;
- Un rescrit , soit une prise de position formelle de l'administration sur une question de droit applicable au projet ;
- Un médiateur , en cas de difficultés ou de litiges entre le porteur de projet et l'administration.
Parce qu'il est nécessaire que le ministère de la transition écologique parle d'une seule voix, il est prévu que le pilotage, l'appui et l'évaluation de l'expérimentation soient assurés conjointement par la DGEC et la DEB.
Telle qu'elle est rédigée, cette expérimentation laisserait inchangée l'autorisation environnementale, prévue aux articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement.
L' article 11 vise à instituer un portail national de l'hydroélectricité.
Actuellement, les informations nécessaires aux porteurs de projets hydroélectriques, notamment pour l'identification précise de leur potentiel de développement, sont parcellaires et fragmentées.
Dans ce contexte, l'article vise à leur permettre d'accéder, à partir d'un point unique et dématérialisé, à l'ensemble des informations utiles (schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux - SDAGE, schémas d'aménagement et de gestion des eaux - SAGE, schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires - SRADDET, arrêtés de classement des cours d'eau au regard des règles de continuité écologique prévues à l'article L. 214-17 du code de l'environnement, arrêtés ou délibérations de classement des cours d'eau au regard des règles de domanialité publique prévues à l'article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques, évaluations et identifications nouvellement réalisées dans le cadre de la PPE).
Ce faisant, il applique à l'hydroélectricité le principe du portail national de l'urbanisme, mentionné aux articles L. 133-1 et suivants du code de l'urbanisme, et dont un rapport gouvernemental préconise l'extension au domaine de l'environnement notamment 27 ( * ) .
Le chapitre III tend à renforcer les incitations fiscales afférentes aux projets d'énergie hydraulique.
L' article 12 a pour objet de simplifier l'exonération TFPB dont bénéficient les parties des installations hydroélectriques destinées à la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique.
En l'état actuel du droit, l'article 1382 G du CGI permet aux communes et aux EPCI d'instituer une telle exonération pour la part qui leur revient par délibération.
L'article prévoit de faire de cette exonération le principe, sauf délibération contraire des communes et des EPCI, dans le souci de simplifier les démarches administratives applicables aux porteurs de projets, tout en garantissant pleinement la liberté locale.
L' article 13 tend à instituer une réduction d'impôt (de 30 %) sur le revenu des personnes physiques (IRPP) pour les propriétaires des « moulins à eau » , à raison des travaux réalisés et des équipements acquis pour leur mise en conformité avec les règles de préservation de la biodiversité et de restauration de la continuité écologique.
Si les « moulins à eau » bénéficient d'une dérogation, instituée par l'article L 214-18-1 du code de l'environnement, pour l'application des règles de continuité écologique sur les cours d'eau de catégorie 2, prévues par l'article L. 214-17 du même code, l'autorité administrative peut leur imposer d'autres prescriptions sur d'autres fondements (Articles L. 210-1, L. 211-1 ou L. 214-18 du code de l'environnement notamment).
Aussi serait-il justifier d'instituer une incitation fiscale pour permettre aux propriétaires de moulins de mettre leurs ouvrages en conformité avec ces prescriptions, dès lors naturellement qu'ils ne bénéficient pas d'autres avantages fiscaux - telle que l'exonération de TFPB visée à l'article L. 1382 du CGI et confortée par l'article précédent - ou budgétaires.
Dans le même esprit, l' article 14 tend à instituer un mécanisme de suramortissement (de 40%) sur l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et l'impôt sur les sociétés (IS) pour les exploitants d'installations hydrauliques autorisées, à raison des biens acquis pour leur mise en conformité avec les règles de préservation de la biodiversité et de restauration de la continuité écologique, quel qu'en soit par ailleurs le fondement juridique (Articles L. 210-1, L. 211-1, L. 214-17 ou L. 214-18 du code de l'environnement).
Comme pour le dispositif précédent, aucun cumul ne serait à craindre avec d'autres dispositifs fiscaux ou budgétaires.
L' article 15 vise à permettre aux communes et aux EPCI d'exonérer, de TFPB ou de CFE, les nouvelles installations hydroélectriques, jusqu'à deux ans après leur mise en service.
L' article 16 tend à autoriser les communes ou les EPCI à exonérer les STEP d'IFER.
Comme l'article 12, ces deux articles respectent la liberté locale en ouvrant une faculté aux communes et aux EPCI, dont ils pourront librement se saisir, ou non, en fonction des situations locales.
L' article 17 a pour but d'appliquer un plafond aux redevances perçues par l'État sur les installations hydrauliques autorisées pour prise d'eau et occupation du domaine public fluvial qui lui appartient (Article L. 2125-7 du code général de la propriété des personnes publiques - CG3P).
Un tel plafond, établi à 3 % du chiffre d'affaires, existe déjà s'agissant des redevances perçues par les collectivités territoriales sur le domaine public fluvial qui leur appartient ou qui leur est confié (Article R. 2125-13 du CG3P).
Dans un souci de cohérence et d'équité, l'article limite, à la hauteur de ce même plafond, les redevances perçues par l'État.
Ainsi que le prévoit le droit existant, les cours d'eau domaniaux et les canaux confiés à Voies navigables de France (VNF) ne seraient pas concernés par cette modification.
Quant au chapitre IV et à ses articles 18 et 19 , ils précisent respectivement les conditions de mise en oeuvre et de compensation financière des articles susmentionnés.
En définitive, la présente proposition de loi propose d'activer trois leviers pour inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique : consolider le cadre stratégique en faveur de la production d'énergie hydraulique, simplifier les normes qui leur sont applicables et renforcer les incitations fiscales existantes.
Pour ce faire, elle entend replacer les Parlementaires et les élus locaux au centre de notre politique publique relative à l'hydroélectricité. Le Parlement doit fixer les objectifs en la matière et en évaluer l'application. Nos élus locaux, à commencer par les maires et les présidents d'EPCI, doivent être mieux informés du devenir de nos concessions et disposer de la faculté d'impulser une stratégie fiscale offensive.
C'est à ces conditions que nous pourrons poser les jalons d'une revalorisation de l'hydroélectricité, qui fut une source d'énergie au fondement de notre redressement économique au sortir des deux guerres mondiales : la loi du 19 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique et la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, qui sont toujours pour partie en vigueur, en témoignent encore.
L'enjeu est de taille, car l'hydroélectricité représente un complet impensé du plan de relance , dévoilé à l'automne par le Gouvernement : en effet, sur les 110 milliards d'euros de ce plan, dont un dixième sont consacrés à l'énergie et un tiers à l'écologie, seuls 35 millions d'euros, soit 0,32 %, visent l'hydroélectricité, en l'espèce l'adaptation des barrages 28 ( * ) .
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
* 1 Réseau de transport d'électricité (RTE) France, Bilan électrique 2019, janvier 2020.
* 2 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.
* 3 Selon que les installations disposent d'un réservoir ou soient « au fil de l'eau ».
* 4 Selon une analyse du cycle de vie (ACV).
* 5 Contre 6 gCO 2 e/kWh pour l'énergie nucléaire, 9 à 10 pour l'éolien, 11 pour le biogaz, 13 à 35 pour le solaire, 14 à 41 pour la biomasse notamment.
* 6 Base Carbone de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) : https://www.bilans-ges.ademe.fr/documentation/UPLOAD_DOC_FR/index.htm?renouvelable.htm
* 7 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), Étude Marchés et emplois dans le domaine des énergies renouvelables, 2014-2016, mars 2019.
* 8 Commission de régulation de l'énergie (CRE), Rapport Coût et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale, janvier 2020.
* 9 France Hydroélectricité, La petite hydroélectricité. Produire avec son temps pour demain, janvier 2018.
* 10 Union française de l'électricité (UFE), Syndicat des énergies renouvelables (SER), France Hydroélectricité, L'hydroélectricité à la croisée des chemins : donnons un nouvel élan à la première des énergies renouvelables. Livre blanc sur l'hydroélectricité, 2017.
* 11 Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie.
* 12 Rapport n° 657 (2018-2019) de M. Daniel GREMILLET, au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 10 juillet 2019, p. 246.
* 13 Loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et sur les milieux aquatiques.
* 14 Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
* 15 France Hydroélectricité, La petite hydroélectricité. Produire avec son temps pour demain, janvier 2018.
* 16 Loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.
* 17 Ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale.
* 18 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
* 19 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
* 20 CRE, Rapport Coût et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale, janvier 2020.
* 21 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.
* 22 CRE, Rapport Coût et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale, janvier 2020.
* 23 Électricité de France (EDF), Engie, Société hydroélectrique du Midi (SHEM), Compagnie nationale du Rhône (CNR), France Hydroélectricité, Fédération Électricité autonome de France (EAF), Syndicat des énergies renouvelables (SER), Fédération des moulins de France (FDMF), Fédération française des associations de sauvegarde des moulins (FFAM), Fédération nationale de la pêche en France (FNPF), France nature environnement (FNE), Association nationale des élus de la montage (ANEM), Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et Direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) au sein du ministère de la Transition écologique (MTE), Office français de la biodiversité (OFB).
* 24 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
* 25 Rapport n° 360 (2016-2017) de M. Ladislas PONIATOWSKI, sénateur et Mme Béatrice SANTAIS, député, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 1er février 2017, p. 9.
* 26 À l'instar de la réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée dans le JO Sénat du 09/08/2018 à la question écrite n°01874 de M. Bruno RETAILLEAU, Sénateur de la Vendée, publiée dans le JO Sénat du 02/11/2017.
* 27 Rapport de mission gouvernementale auprès de M. le Premier ministre remis par Guillaume KASBARIAN, Député d'Eure-et-Loir, 5 chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles, 23 septembre 2019.
* 28 Projet annuel de performance (PAP) au projet de loi de finances (PLF) pour 2021, Mission Relance, p. 32.