EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'attachement de nos concitoyens à leur commune et à leurs élus municipaux est particulièrement fort. Ils plébiscitent l'échelon communal, synonyme de proximité et de confiance. Les élus municipaux sont en prise avec le quotidien de leurs administrés et sont donc les plus à même de répondre à leurs besoins et à leurs aspirations. Ils sont selon l'expression du Président du Sénat, Gérard LARCHER, « populaires car à portée d'engueulade ».
Malgré ce constat, on assiste au fur et à mesure des réformes (loi NOTRe notamment) à un affaiblissement du rôle de la commune et de ses élus. La présente proposition de loi a pour objet de remédier sur un certain nombre de points à cette situation et de répondre à des demandes exprimées par de nombreux élus municipaux.
Le premier chapitre vise à renforcer le rôle des élus dans le cadre des intercommunalités.
L'affirmation de l'intercommunalité et la création d'entités parfois disproportionnées par la loi NOTRe ont eu pour conséquence de retirer aux communes toute une partie de leurs compétences et d'écarter les élus municipaux de la prise de décision, alors même qu'ils restent aux yeux de leurs administrés responsables des décisions prises.
Les maires des communes de petite taille, généralement uniques délégués de leur collectivité, ont le sentiment de disposer d'un rôle très limité dans ces grandes assemblées et face à certaines villes dont le nombre de représentants est important. Ils se sentent le plus souvent spectateurs qu'acteurs de leur territoire.
Afin de remédier à cette situation, il est nécessaire d'améliorer la composition et les règles de vote au sein du bureau communautaire, centre névralgique des intercommunalités, pour donner plus de poids aux communes de petite taille et assurer une représentation équilibrée des territoires. La mise en place de rencontres annuelles à l'occasion desquelles le président de l'intercommunalité rendrait des comptes à l'ensemble des conseillers municipaux des communes membres permettrait également de mieux les impliquer dans l'action de l'EPCI.
Le deuxième chapitre de la présente proposition de loi vise à renforcer les communes et leurs élus face à une insécurité juridique croissante. Leur capacité d'action a en effet été réduite par la multiplication des normes et des règles à appliquer, parfois contradictoires.
Cette inflation normative requiert des besoins de personnel plus importants, alors que dans le même temps les communes ont vu leurs moyens financiers se réduire. Elle est également une source d'insatisfaction et de frustration pour les élus dont le mandat est de plus en plus consacré à la compréhension de ces règles, à leur mise en oeuvre et au contrôle de leur bonne application.
Il convient donc de renforcer l'appui juridique des services de l'État aux communes pour les sécuriser dans leurs décisions.
La complexification des règles et des procédures, ainsi que leur instabilité, induit également des risques plus importants pour les communes de commettre des erreurs. Or, leurs conséquences peuvent être particulièrement préjudiciables pour celles-ci (perte de subvention par exemple) et, dans certains cas, engager la responsabilité de la commune et du maire.
Aussi, les communes doivent pouvoir bénéficier, tout comme cela est prévu désormais pour n'importe quel citoyen ou entreprise, d'un « droit à l'erreur » qui leur permettrait de ne pas se voir sanctionner lorsqu'elles commettent, pour la première fois, une erreur de bonne foi dans le cadre de leurs relations avec les administrations publiques.
Le troisième chapitre a pour but de renforcer les pouvoirs du maire et de la commune. Ces pouvoirs sont en effet, dans certains domaines, insuffisants.
Ainsi, en matière d'habitat, les maires n'ont pas de moyen d'agir lorsqu'un immeuble délabré nuit au cadre de vie et à l'attractivité de la commune. Cette situation est particulièrement préjudiciable dans le cadre des politiques de revitalisation des centres-bourgs initiées par un nombre croissant de communes ces dernières années. Ce texte propose de doter le maire de moyens de faire face à cette situation.
Toujours dans le but d'améliorer le cadre de vie, et afin de répondre aux aspirations croissantes de leurs concitoyens en matière environnementale, les élus peuvent souhaiter protéger et valoriser certains espaces naturels. Ce texte prévoit donc de doter les communes d'un droit de préemption environnementale.
Par ailleurs, certaines installations (éoliennes, méthaniseurs,...) susceptibles d'avoir un impact néfaste sur l'attractivité et la qualité de vie des habitants d'un territoire peuvent aujourd'hui être implantées contre l'avis du conseil municipal des communes concernées. Cette situation est d'autant plus insatisfaisante que le développement incontrôlé de ces structures conduit à en réduire l'acceptabilité au sein de la population. Il convient donc que tout projet d'implantation de ce type d'installation soit soumis à l'accord du conseil municipal.
Le quatrième chapitre a pour objectif de renforcer l'autorité du maire et sa sécurité.
Les maires de petites communes, et leurs adjoints, sont en première ligne pour faire respecter la loi et leurs décisions. Ils s'exposent ainsi à des réactions de plus en plus violentes. Les agressions verbales et physiques à l'encontre des élus ont ainsi cru de manière inquiétante ces dernières années. Entre le 1 er semestre 2019 et le 1 er semestre 2020, les violences physiques contre les maires ont augmenté de près de 20 %.
C'est pourquoi, le maire doit pouvoir obtenir le concours des forces de sécurité de l'État lorsqu'il juge leur intervention nécessaire dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs de police. Il convient également de faciliter le développement de polices municipales. Ce texte prévoit à cette fin d'assouplir la condition de continuité géographique pour la création de polices mutualisées entre communes.
Le cadre pénal sanctionnant les infractions qui visent les maires doit être renforcé afin de le rendre plus dissuasif et effectif. La présente proposition de loi prévoit ainsi d'assortir d'une période de sûreté les peines de prison prononcées à la suite de menaces, d'actes d'intimidation ou de violences commis à l'encontre d'un maire, afin de s'assurer de l'effectivité de ces peines.
Les plaintes déposées par les maires, lorsqu'elles sont traitées, ne font pas toujours l'objet de sanctions suffisantes, malgré le niveau des peines encourues. Il est donc nécessaire d'améliorer le suivi de ces plaintes à travers la publication d'un rapport annuel qui permettrait de mieux en contrôler le traitement judiciaire et, le cas échéant, d'envisager de nouvelles actions afin que soient réellement sanctionnées les infractions commises à l'encontre des maires.
Le cinquième chapitre prévoit des mesures de soutien financier et humain en faveur des communes.
Le cadre légal actuel prévoit qu'une partie du montant de la dotation globale de fonctionnement (la « dotation de base ») versée à la commune est en fonction du nombre d'habitants de celle-ci. Le montant par habitant varie du simple ou double selon la taille de la commune. Ainsi, une commune de moins de 500 habitants se voit verser 64,46 euros par habitant alors que ce montant atteint 128,93 euros pour une commune de plus de 200 000 habitants.
Cette différence de traitement entre communes rurales et communes urbaines n'est pas justifiée. Il convient au nom du principe d'égalité que le montant de la dotation de base versée par nombre d'habitant soit le même quelle que soit la taille de la commune. Cette mesure aura pour conséquence d'augmenter la dotation globale de fonctionnement des communes de petite taille.
La réforme des contrats aidés décidée par la majorité actuelle a été particulièrement préjudiciable pour les nombreuses communes qui faisaient appel à ces contrats notamment pour le bon fonctionnement des écoles. Accompagnée d'une diminution drastique de leur nombre, cette décision a induit des charges supplémentaires importantes pour les communes, dont la situation financière a déjà été particulièrement fragilisée par des années de diminution des dotations. Aussi, celles-ci doivent être prioritaires dans l'octroi des nouveaux types de contrat aidé.
Le Parlement a adopté en 2019 une augmentation attendue du plafond maximal du montant des indemnités des maires et de leurs adjoints des communes de moins de 3 500 habitants. Toutefois, le Gouvernement n'a pas souhaité assurer la compensation de ces revalorisations qui sont donc à la charge des communes. Les communes de moins de 500 habitants éligibles à la dotation « élu local » ont pu bénéficier d'une augmentation de cette dernière qui est toutefois insuffisante. L'absence de compensation totale des communes, alors même qu'elles ont un budget restreint, a pour conséquence qu'un grand nombre d'entre elles renoncent à augmenter les indemnités du maire et des adjoints. La présente proposition de loi remédie à cette situation en prévoyant la prise en charge de ces revalorisations par l'État.
Le sixième chapitre prévoit de rémunérer les absences pour l'exercice du mandat des élus de petites communes qui sont salariés. Ces absences, qu'elles s'inscrivent dans le cadre des crédits d'heure ou des autorisations d'absence, ne sont pas actuellement payées avec pour conséquence de diminuer d'autant le salaire des élus. Cette situation est particulièrement préjudiciable dans les petites communes dans lesquelles les indemnités versées aux élus sont faibles et ne compensent pas cette diminution de salaire. Afin que cette disposition ne désincite pas au recrutement des élus par les entreprises, l'État prendra en charge cette dépense supplémentaire.
Ce chapitre améliore également le cadre d'indemnisation des élus des communes nouvelles. Alors que l'effectif municipal d'une commune nouvelle après le premier renouvellement est au moins égal à celui d'une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure, le montant de l'enveloppe des indemnités est plafonné au niveau de celui d'une commune de même strate démographique. En conséquence, dans de nombreux cas, les élus des communes nouvelles se voient individuellement allouer des indemnités inférieures à celles des élus des communes de taille identique. Le présent texte supprime ce plafond.
Il pérennise enfin le classement des maires délégués de communes nouvelles immédiatement après le maire. Cette disposition introduite par la loi du 1 er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires ne s'applique actuellement aux anciens maires des communes historiques devenus maires délégués qu'entre la création de la commune nouvelle et le premier renouvellement.
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Le chapitre premier a pour objectif de renforcer la place des communes au sein de l'intercommunalité en prévoyant de :
• rendre obligatoire l'adoption du pacte de gouvernance prévue de manière facultative par la loi Engagement et Proximité ( article 1 er ) ;
• fixer au sein du pacte de gouvernance les règles de composition du bureau communautaire , notamment pour prévoir une représentation adaptée des différents territoires de l'EPCI et éviter que certains en soient exclus, ainsi que pour tendre vers la parité quand elle n'est pas possible ( article 1 er ) ;
• arrêter au sein du pacte de gouvernance les règles de fonctionnement du bureau communautaire ( article 1 e r ) ;
• mettre en place une réunion annuelle de l'ensemble des conseillers municipaux afin de leur présenter le bilan et les orientations de l'EPCI ( article 2 ).
Le chapitre 2 vise à sécuriser juridiquement les communes et les élus. Il propose de :
• consacrer un droit à l'erreur en faveur des collectivités locales dans leurs relations avec les administrations de l'État , ses établissements publics administratifs, et les organismes de sécurité sociale , disposition adoptée en 1 ère lecture par le Sénat en janvier 2020 dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à créer un droit à l'erreur des collectivités locales dans leurs relations avec les administrations et les organismes de sécurité sociale dont Hervé MAUREY est également l'auteur ( article 3 ) ;
• créer une obligation de réponse du préfet à toute demande d'une collectivité locale en allant au-delà du dispositif de prise de position formelle créé par la loi Engagement et Proximité dont le périmètre est limité aux questions de droit dans le cadre d'un projet d'acte et sans obligation réelle de réponse ( article 4 ) ;
• prévoir que l'absence de réponse du préfet à la demande formulée dans le cadre du dispositif de prise de position formelle par une collectivité locale ne soit qu'exceptionnelle et que celui-ci soit tenu de justifier son silence ( article 4 ).
Le chapitre 3 conforte les pouvoirs du maire et de la commune. Il prévoit de :
• doter le maire d'un pouvoir de réaliser à la charge des propriétaires l'entretien des façades dégradées d'immeubles dans les centres-bourgs ( article 5 ) ;
• créer un droit de préemption environnementale ( article 6 ) ;
• soumettre à l'accord du conseil municipal tout projet d'implantation de structures qui peuvent nuire à l'attractivité de la commune et à la qualité de vie de ses habitants ( article 7 ).
Le chapitre 4 a pour objectif de renforcer l'autorité du maire et sa sécurité par les dispositions suivantes :
• donner les moyens au maire de faire respecter ses arrêtés de police en prévoyant l'intervention systématique, à sa demande, de la gendarmerie ou de la police ( article 8 ) ;
• faciliter la mutualisation d'une police municipale entre communes par la suppression de l'obligation stricte de continuité territoriale ( article 9 ) ;
• assortir d'une période de sûreté les peines de prison prononcées à la suite de menaces, d'actes d'intimidation ou de violences commis à l'encontre d'un élu municipal ( article 10 ) ;
• publier annuellement un rapport sur les infractions commises à l'encontre des élus locaux, les suites qui leur ont été données et les éventuelles évolutions réglementaires ou législatives à apporter ( article 11 ).
Le chapitre 5 prévoit les mesures suivantes de soutien financier et humain aux communes :
• accroître la dotation globale de fonctionnement attribuée aux communes de petite taille en supprimant l'inégalité dans les règles de calcul entre communes rurales et communes urbaines ( article 12 ) ;
• rendre prioritaires les communes dans l'octroi des nouveaux types de contrat aidé ( article 13 ) ;
• compenser aux communes les revalorisations des indemnités des maires et adjoints autorisées par la loi Engagement et Proximité ( article 14 ).
Le chapitre 6 prévoit diverses dispositions qui visent à :
• rémunérer les temps d'absence des élus des communes de moins de 1 000 habitants qui sont salariés, dans le cadre des autorisations spéciales d'absence et du crédit heures ( articles 15 et 16 ) ;
• permettre aux élus des communes nouvelles de se voir octroyer le même niveau d'indemnités que celui des élus de communes de même strate démographique ( article 17 )
• pérenniser le classement des maires délégués immédiatement après le maire dans les communes nouvelles ( article 18 ).