EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Face à l'épidémie de coronavirus, il est évident qu'il aurait fallu reporter le premier tour des élections municipales. Malheureusement, les dirigeants de certains partis politiques, à droite comme à gauche et notamment au Sénat, ont refusé de donner leur accord au Président de la République qui les avait consultés. Au lendemain du premier tour, ces mêmes responsables se sont rendu compte de leur erreur et cette fois, ils ne se sont pas opposés au report du second tour.
Le 15 mars 2020, à l'issue du premier tour des élections municipales organisées dans 35 065 communes ou secteurs, les conseils municipaux ont été intégralement renouvelés dans 30 143 d'entre elles. Dans 3 253 communes, seule une partie du conseil municipal a pu être élue ; il n'y a eu aucun élu dans 1 669 communes ou secteurs. Un second tour est donc nécessaire dans 4 922 communes ou secteurs.
Pour les communes qui n'ont pas un conseil municipal renouvelé au complet, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 prévoit que, sous réserve de l'évolution de l'épidémie, un second tour sera organisé au mois de juin, le premier tour étant donc validé. Or, autant il est normal d'entériner le résultat du premier tour dans les communes où le nouveau conseil municipal est au complet, autant il n'est pas conforme aux principes constitutionnels d'effectuer un second tour décalé de plusieurs mois dans le temps, par rapport au premier.
• Tout d'abord la logique du scrutin majoritaire à deux tours est de ne laisser qu'un intervalle court entre les deux tours, soit une semaine, soit deux dans le cas de l'élection présidentielle. Certes, une jurisprudence concernant les élections dans le département de La Réunion a validé le principe d'un report éventuel du second tour en cas de circonstances exceptionnelles. Toutefois, en l'espèce, il s'agissait d'un report d'une semaine et non de plusieurs mois comme ce sera le cas dans la situation actuelle. Avec un tel report, le contexte électoral du second tour n'aura manifestement plus rien à voir avec celui du premier tour. Les deux tours correspondront alors à deux scrutins complètement distincts l'un de l'autre. Ce sera incompatible avec la logique d'un scrutin majoritaire à deux tours où, normalement, les deux tours forment un bloc ;
• Par ailleurs, on ne peut pas changer les modalités d'un scrutin en cours de route, c'est-à-dire lorsque les opérations de vote ont déjà été engagées. C'est pourtant bien ce qui risque de se passer. Quand les électeurs se sont exprimés pour le premier tour, ils ont voté en pensant tous que le second tour aurait lieu dans le délai normal d'une semaine. S'ils avaient su que le second tour serait reporté de plusieurs mois, certains auraient probablement voté différemment lors du premier tour. Il est donc incontestable que cette modification de la règle du jeu en cours de route aura une incidence considérable sur le résultat final. Ainsi, elle portera atteinte à la sincérité du scrutin, ce qui constituera une violation des principes démocratiques garantis par la Constitution.
L'obstination de certains partis de vouloir absolument valider le premier tour et, pour cela, d'organiser les élections dès le mois de juin, ne s'explique que parce qu'ils ont des objectifs politiques n'ayant rien à voir avec l'intérêt général. Même si, courant juin, l'épidémie de coronavirus est moins aiguë, les problèmes qui devront être réglés en France (sanitaires, sociaux, financiers, économiques...) seront colossaux et il y aura certainement mieux à faire que d'organiser une campagne électorale pour un hypothétique second tour des municipales .
Par le passé et à de nombreuses reprises, on a déjà décalé certaines élections d'un an sous prétexte de motifs ponctuels ou accessoires. Il n'y a donc aucune raison pour ne pas agir cette fois de même alors que là, il y a une vraie justification. Des manifestations européennes ou même mondiales viennent d'être reportées, d'autres viennent d'être annulées. Les Jeux olympiques viennent par exemple d'être reportés d'un an. Ainsi, il serait aberrant de ne pas faire de même pour les élections municipales, dans 4 922 communes ou secteurs sur un total de 35 065 (cf. Q.E. n° 14 984, J.O. Sénat, 2 avril 2020).
À l'évidence, il faut annuler le premier tour des élections municipales dans les communes où le conseil n'a pas été élu au complet au 15 mars dernier et reporter le scrutin d'un an. Dans ces 4 922 communes ou secteurs, les élections municipales pourraient alors avoir lieu en mars 2021 en même temps que les élections départementales et régionales ou avec un décalage sur le dimanche suivant. Dans la mesure où les élus municipaux représentent plus de 90 % des délégués sénatoriaux, cela devrait naturellement avoir pour corollaire indirect le report également d'un an, de l'élection devant avoir lieu en septembre 2020 pour l'une des deux séries de sénateurs.
Les mesures à prendre tendraient donc :
• à confirmer la validation du résultat du premier tour des élections municipales de mars 2020 dans les communes et secteurs où les conseillers municipaux ont été élus au complet et à proroger d'un an la durée de leur mandat ;
• à annuler les résultats du premier tour des élections municipales de mars 2020 dans les autres communes ou secteurs, à y reporter les deux tours du scrutin municipal à mars 2021 et à y proroger d'un an le mandat des conseillers municipaux élus en 2014 ;
• à proroger de même d'un an le mandat en cours des deux séries de sénateurs afin d'éviter l'organisation d'élections sénatoriales avant le renouvellement total des municipalités.
Les propositions ci-dessus relèvent d'une loi pour ce qui concerne les élections municipales et d'une loi organique pour ce qui est des élections sénatoriales. Pour les élections municipales, c'est l'objet de la présente proposition de loi.