EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 15 mars 2021, le ministre français des outre-mer, M. Sébastien LECORNU, et le ministre des affaires étrangères, du commerce international et de la coopération internationale du Suriname, M. Albert R. RAMDIN, ont signé, à Paris, une convention d'entraide judiciaire en matière pénale. Le 2 juin 2023, l'ambassadeur de France au Suriname, M. Nicolas de BOUILLANE de Lacoste et le ministre de la Justice et de la police du Suriname M. Kenneth J. AMOKSI ont signé un avenant à cette convention le 2 juin 2023 à Paramaribo afin de renforcer la protection des données à caractère personnel.

En matière de coopération judiciaire pénale, la France et le Suriname sont d'ores et déjà tous deux Parties à la convention unique des Nations unies sur les stupéfiants du 30 mars 1961, la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988 et la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale du 15 novembre 2000 (dite « convention de Palerme »).

Sur le plan bilatéral, la France et le Suriname ne sont liés par aucune convention de coopération en matière de justice. L'entraide judiciaire en matière pénale s'effectue au titre de la courtoisie internationale au cas par cas, selon le principe de réciprocité.

Désireux de promouvoir une coopération judiciaire bilatérale plus efficace en matière pénale, notamment afin de lutter contre la criminalité organisée et le trafic de stupéfiants, la France et le Suriname ont souhaité établir un cadre dans leurs relations dans le champ de l'entraide judiciaire pénale.

La convention se compose de vingt-neuf articles et d'un avenant.

L'article 1er énonce l'engagement de principe des Parties de s'accorder mutuellement l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions pénales dont la répression est, au moment où l'entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la Partie requérante. L'entraide est également accordée dans certaines procédures particulières, notamment celles susceptibles d'engager la responsabilité d'une personne morale.

En revanche, sont exclues, de manière classique, du champ de la convention l'exécution des décisions d'arrestation et d'extradition, l'exécution des condamnations pénales, sous réserve des mesures de confiscation, ainsi que les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

L'article 2 traite des restrictions qui peuvent être apportées à l'entraide. De manière classique, celle-ci peut être refusée si la demande se rapporte à des infractions considérées par la Partie requise comme politiques ou des infractions connexes à des infractions politiques ou si la Partie requise estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public ou à d'autres de ses intérêts essentiels. En outre, l'entraide peut être refusée si elle a pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l'origine de la requête ne constituent pas une infraction pénale au regard de la législation de la Partie requise.

Pragmatique, le texte prévoit aussi que l'entraide peut être différée si l'exécution de la demande est susceptible d'entraver une enquête ou des poursuites en cours. Enfin, par souci de favoriser chaque fois que possible la coopération, la Partie requise, avant de refuser ou de différer l'entraide, doit informer rapidement la Partie requérante des motifs de refus ou d'ajournement et consulter la Partie requérante pour décider si l'entraide peut être accordée aux termes et conditions qu'elle juge nécessaires.

Les articles 3 à 5 traitent du mode de transmission, du contenu et de la forme des demandes d'entraide.

Les demandes, y compris les dénonciations aux fins de poursuites prévues à l'article 19, font l'objet d'une transmission directe entre les autorités centrales des deux Parties, qui exécutent rapidement les demandes ou, selon le cas, les transmettent à leurs autorités compétentes, à savoir les autorités judiciaires pour la France et le Parquet du Procureur général pour le Suriname. Le texte prévoit qu'en cas d'urgence, une copie des demandes d'entraide et des pièces relatives à leur exécution peuvent être adressées directement entre autorités compétentes, dans l'attente de leur transmission, en original, par l'intermédiaire des autorités centrales.

Les demandes doivent être faites par écrit ou par tout moyen y compris par voie électronique. Classiquement, elles doivent comporter un certain nombre d'informations telles que l'autorité compétente ayant émis la demande, l'objet et le motif de la demande ou encore les textes applicables définissant et réprimant les infractions ainsi que les mesures d'entraide demandées.

L'article 6 fixe les conditions d'exécution des demandes d'entraide.

Le texte rappelle tout d'abord le principe selon lequel les demandes d'entraide sont exécutées conformément à la législation de la Partie requise tout en réservant la possibilité pour la Partie requérante de demander expressément l'application de formalités ou procédures particulières, pour autant que ces formalités et procédures ne soient pas contraires aux principes fondamentaux du droit de la Partie requise. Afin de favoriser la coopération, il est en outre prévu que la Partie requise exécute la demande d'entraide dès que possible en tenant compte des échéances de procédures ou d'autre nature indiquées par la Partie requérante. Le texte prévoit en outre notamment qu'avec le consentement de la Partie requise, les autorités de la Partie requérante ou les personnes mentionnées dans la demande peuvent assister à l'exécution de celle-ci. Dans la mesure autorisée par la législation de la Partie requise, les autorités de la Partie requérante ou les personnes mentionnées dans la demande peuvent interroger un témoin ou un expert ou les faire interroger.

L'article 7 traite des demandes complémentaires d'entraide judiciaire.

L'article 8, qui traite de la comparution de témoin ou expert dans la Partie requérante, énonce la règle traditionnelle selon laquelle le témoin ou l'expert qui n'a pas déféré à une citation à comparaitre dont la remise a été demandée, ne peut être soumis, alors même que cette citation contiendrait des injonctions, à aucune sanction ou mesure de contrainte, à moins qu'il ne se rende par la suite de son plein gré sur le territoire de la Partie requérante et qu'il n'y soit régulièrement cité à nouveau. L'article prévoit également des dispositions pour le témoin nécessitant une protection.

L'article 9 traite de la question des immunités des témoins et experts. Ainsi, aucun témoin ou expert de quelle que nationalité qu'il soit, qui, à la suite d'une citation, comparaît devant les autorités judiciaires de la Partie requérante, ne peut être ni poursuivi, ni détenu, ni soumis à aucune restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de cette Partie pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la Partie requise. Cette règle vaut également pour toute personne, quelle que soit sa nationalité, citée devant les autorités judiciaires de la Partie requérante afin d'y répondre de faits pour lesquels elle fait l'objet de poursuites. Cette immunité cesse lorsque le témoin, l'expert ou la personne poursuivie, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la Partie requérante pendant quinze jours consécutifs après que sa présence n'était plus requise par les autorités judiciaires, est néanmoins demeurée sur ce territoire ou y est retournée après l'avoir quitté.

L'article 10 fixe le régime des auditions par vidéoconférence. Si une personne qui se trouve sur le territoire de l'une des Parties doit être entendue comme témoin ou expert par les autorités compétentes de l'autre Partie, cette dernière peut demander, s'il est inopportun ou impossible pour la personne à entendre de comparaitre en personne sur son territoire, que l'audition ait lieu par vidéoconférence. La Partie requise consent à celle-ci pour autant que le recours à cette méthode ne soit pas contraire à sa législation nationale et à condition qu'elle dispose des moyens techniques permettant d'effectuer l'audition. Les deux Parties peuvent, si leur droit interne le permet, appliquer également ce dispositif pour les auditions par vidéoconférence auxquelles participe une personne poursuivie pénalement, à condition toutefois que celle-ci y consente.

Les articles 11 à 13 fixent les règles applicables aux transferts temporaires de personnes détenues aux fins d'entraide ou d'instruction.

Toute personne détenue dans la Partie requise dont la comparution personnelle en qualité de témoin ou aux fins de confrontation est demandée par la Partie requérante est transférée temporairement sur le territoire de celle-ci, sous condition de son consentement écrit et de son renvoi dans le délai indiqué par la Partie requise. Le transfèrement peut notamment être refusé s'il est susceptible de prolonger sa détention.

En outre, en cas d'accord entre les Parties, la Partie requérante qui a demandé une mesure d'instruction nécessitant la présence d'une personne détenue sur son territoire peut transférer temporairement cette personne sur le territoire de la Partie requise, avec son consentement écrit.

La personne transférée sur le fondement de ces deux stipulations reste en détention sur le territoire de la Partie dans laquelle elle est transférée à moins que la Partie sur le territoire de laquelle elle est détenue ne demande sa mise en liberté.

L'article 14 est consacré à l'envoi et la remise d'actes judiciaires. Cette remise peut être effectuée par simple transmission de l'acte ou de la décision au destinataire. Il est prévu une traduction de l'acte ou du moins de ses passages importants dans la langue de l'autre Partie. La preuve de la remise se fait au moyen d'un récépissé daté et signé par le destinataire ou par une attestation de la Partie requise constatant le fait, la forme et la date de la remise. L'un ou l'autre de ces documents est immédiatement transmis à la Partie requérante. Si la remise n'a pu être effectuée, la Partie requise en fait connaître le motif à la Partie requérante. Le texte précise que les citations à comparaitre sont transmises à la Partie requise au plus tard quarante jours avant la date fixée pour la comparution, sauf urgence.

L'article 15 traite des mesures de perquisition, saisie de pièces à conviction et de gel d'avoirs. La Partie requise exécute de telles demandes, dans la mesure où sa législation le lui permet, et informe la Partie requérante du résultat de leur exécution.

Les articles 16 et 17 règlent le sort des produits et instruments de l'infraction ainsi que leur restitution. La Partie requise s'efforce, sur demande, d'établir si les produits d'une infraction à la législation de la Partie requérante se trouvent dans sa juridiction et informe la Partie requérante du résultat de ses recherches. Dans sa demande, la Partie requérante communique à la Partie requise les motifs sur lesquels repose sa conviction que de tels produits peuvent se trouver dans sa juridiction. En cas de découverte, la Partie requise prend les mesures nécessaires autorisées par sa législation pour empêcher que ceux-ci fassent l'objet de transactions, soient transférés ou cédés avant qu'un tribunal de la Partie requérante n'ait pris une décision définitive à leur égard. La Partie requise doit également, dans la mesure où sa législation le permet et sur demande de la Partie requérante, envisager à titre prioritaire de restituer à la Partie requérante les produits des infractions, notamment en vue de l'indemnisation des victimes ou de la restitution au propriétaire légitime, sous réserve des droits des tiers de bonne foi. Enfin, à la demande de la Partie requérante, la Partie requise peut exécuter une décision définitive de confiscation prononcée par les autorités judiciaires de la Partie requérante.

L'article 18 traite des demandes d'interceptions de télécommunications. Elles peuvent être présentées lorsque la cible se trouve sur le territoire de la Partie requérante et que celle-ci a besoin de l'aide technique de la Partie requise pour pouvoir intercepter les communications ou lorsque la cible de l'interception se trouve sur le territoire de la Partie requise et que les communications de la cible peuvent être interceptées sur ce territoire.

L'article 19 traite de la procédure de dénonciation aux fins de poursuites, chacune des Parties pouvant dénoncer à l'autre des faits susceptibles de constituer une infraction pénale relevant de la compétence de cette dernière afin que des poursuites pénales puissent être diligentées sur son territoire.

L'article 20 prévoit la possibilité pour les autorités compétentes des deux Parties, dans la limite de leur droit national, de procéder à un échange spontané d'informations concernant les faits pénalement punissables dont la sanction ou le traitement relève de la compétence de l'autorité destinatrice au moment où l'information est fournie.

L'article 21 régit la communication des extraits de casier judiciaire qui doit s'effectuer conformément à la législation de la Partie requise et dans la mesure où ses autorités compétentes pourraient elles-mêmes les obtenir en pareil cas.

L'article 22 règle les questions de confidentialité et de spécialité. La Partie requise doit en effet respecter le caractère confidentiel de la demande et de son contenu, dans les conditions prévues par sa législation. En cas d'impossibilité de le faire, la Partie requise doit en informer la Partie requérante qui décide s'il faut néanmoins donner suite à l'exécution. En sens inverse, la Partie requise peut demander que l'information ou l'élément de preuve fourni reste confidentiel, ne soit divulgué ou utilisé que selon les termes et conditions qu'elle aura spécifiés. En tout état de cause, la Partie requérante ne peut divulguer ou utiliser une information ou un élément de preuve fourni et obtenu à des fins autres que celles qui auront été stipulées dans la demande, sans l'accord préalable de la Partie requise.

L'article 23 fixe les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel communiquées au titre de la présente convention peuvent être utilisées par la Partie à laquelle elles ont été transmises. C'est l'article qui est l'objet de l'avenant signé le 2 juin 2023. La première clause négociée en 2017 n'étant plus à jour des exigences jurisprudentielles fixées par le Conseil d'État.

L'article 24 institue une dispense de légalisation des pièces et documents transmis en application de la présente convention.

L'article 25 règle la question des frais liés à l'exécution des demandes d'entraide qui ne donnent en principe lieu à aucun remboursement, à l'exception de ceux occasionnés par l'intervention de témoins ou d'experts sur le territoire de la Partie requise et par le transfèrement des personnes détenues en application des articles 11 et 12.

Les articles 26 à 29, de facture classique, règlent les conditions de consultations, de règlement des différends, de modifications, d'entrée en vigueur et de dénonciation de l'instrument.

Telles sont les principales observations qu'appelle la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname.

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