TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION

DU CONSEIL DES MINISTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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Ministère de l'Europe
et des affaires étrangères

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Projet de loi

autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française

et l'Observatoire du réseau d'antennes d'un kilomètre carré (SKAO)

relatif à l'adhésion de la France à l'Observatoire

NOR : EAEJ2419667L/Bleue-1

ÉTUDE D'IMPACT

I. Situation de référence

a. Présentation de l'organisation internationale SKAO 

L'organisation internationale de l'Observatoire du réseau d'antennes d'un kilomètre carré (Square Kilometre Array Observatory ou SKAO) régit un projet de radiotélescope géant, de surface collectrice équivalente à un kilomètre carré. Infrastructure de recherche internationale de premier plan, SKAO sera constitué de deux réseaux d'antennes radio fonctionnant en mode interférométrique, l'un en Australie pour la partie basse fréquence (SKA-Low, 50 - 350 MHz), l'autre en Afrique du Sud pour la partie moyenne fréquence (SKA-Mid, 350 MHz - 15 GHz). Chaque réseau s'étendra sur plusieurs dizaines de kilomètres (74 km pour SKA-Low et 150 km pour SKA-Mid).

SKAO a été conçu par un consortium international pour étudier des questions scientifiques essentielles allant de la naissance de l'univers aux origines de la vie. Son siège est basé au Royaume-Uni. SKAO est une organisation intergouvernementale définie par un traité entre Etats. Elle comporte aujourd'hui dix membres (Afrique du Sud, Australie, la Chine, l'Italie, le Pays-Bas, le Portugal, le Royaume Uni, la Suisse, l'Espagne et le Canada qui a ratifié le traité et est devenu membre de SKAO le 14 avril 2024) et six observateurs (Inde, Corée du Sud, Japon, France, Allemagne et Suède) disposant d'un accord avec l'organisation parmi lesquels trois pays ont entamé ou sont en passe d'entamer le processus de ratification : l'Allemagne (dont la procédure de ratification est achevée), l'Inde dont le Cabinet a donné son approbation pour que l'Inde devienne membre de SKAO et qui va entamer le processus conduisant à la ratification, et la France. Chaque membre de SKAO dispose d'une voix au conseil dont sont dépourvus les observateurs.

La gouvernance de SKAO est composée d'un Conseil de l'organisation dont les réunions sont préparées par un comité du Conseil qui est uniquement accessible aux membres de même que les sessions fermées, non ouvertes aux membres observateurs. Le Conseil s'appuie pour ses décisions stratégiques, budgétaires, techniques et scientifiques sur un comité des finances et sur un comité consultatif scientifique et technique auxquels la France participe comme observateur. Des structures temporaires sont mises en place par ces organes au gré des besoins. Le Conseil est présidé par Catherine Cesarsky, Haut Conseiller scientifique au Commissariat à l'Energie Atomique (CEA).

SKA est un observatoire modulaire dont des éléments peuvent être ajoutés au fil du temps en fonction des financements disponibles. L'objectif actuel est la configuration de base qui correspond à environ 10% de la surface totale de SKA (dont la version finale est notée SKA2) et dont le coût total a été établi à 1 986 millions d'euros en 2020 pour la période 2021-2030. Cette estimation se décompose en 1 282 millions d'euros pour la construction, 664 millions d'euros pour les coûts d'opération et 40 millions d'euros pour le programme de développement. Les pays hôtes, qui contribuent aux coûts de construction et d'opération de SKAO pour les 10 premières années (Afrique du Sud, (14%) Australie (14%) et, Royaume-Uni (15%)), s'engagent à une hauteur substantielle pour la construction (47%) et pour les coûts d'opération (48%). Le retrait n'est pas possible durant les dix premières années.

La construction de SKA1 a été lancée par le Conseil de SKAO le 1er juillet 2021 avec une cérémonie officielle de début de la construction en décembre 2022. L'aspect modulaire de l'observatoire permet de le réaliser en plusieurs étapes calendaires prévues de se terminer pour la première en août 2024 et mars 2029 pour la dernière (cf infra).

Avec 144 antennes paraboliques pour SKA-Mid en Afrique du Sud et 78 592 antennes phasées fixes pour SKA-Low en Australie, la configuration initiale de SKA représentera un saut qualitatif immense par rapport aux capacités d'observation des instruments existants. SKA1 permettra des avancées décisives dans toutes les thématiques de l'astrophysique et de la physique modernes, comme la cosmologie, l'origine des champs magnétiques cosmiques, le milieu interstellaire, la formation des étoiles aux différentes époques de l'univers, les ondes gravitationnelles et ce dès sa mise en service en 2029. De premières données scientifiques et techniques sont prévues en 2024 permettant des premiers tests des algorithmes de traitement et d'analyse des données avec une infrastructure numérique réduite. La première antenne SKA-Low en Australie et le premier pilier d'antenne SKA-Mid en Afrique du Sud ont été installées le 7 mars 2024. SKA2 n'est pas planifié à ce stade et son financement dépendra des possibilités des membres actuels ainsi que de celles de futurs membres qui pourraient rejoindre l'organisation.

SKAO a pour mission de construire et d'assurer les opérations de l'observatoire SKA. Il dispose de personnels propres (202 actuellement) et s'appuie sur les structures des deux autres pays hôtes, CSIRO1(*) pour l'Australie (site de SKA-Low) et SARAO2(*) pour l'Afrique du Sud (site de SKA-Mid), qui fournissent respectivement 54 et 23 personnels actuellement soit un total de 224 personnes cumulé avec SKAO.

Il est à noter que l'exploitation des données de l'observatoire SKAO nécessite un réseau de centres de données régionaux, les SKA Regional Centers (SRC), dont le financement est hors enveloppe SKAO. Après avoir mis en place un comité de pilotage des SRC (SRC Steering Committee ou SRCSC) pour en définir les contours et conduire des actions de prototypage auxquelles ont participé des équipes françaises, SKAO a mis en place le projet de réseau des SRC, le SRC Network (SRCNet), qui a été lancé à l'issue du Conseil des 18 et 19 mars 2024 à Nankin (Chine). Des discussions ont lieu pour une coordination européenne, chaque pays s'appuyant sur ses propres ressources et sur des ressources communes à obtenir via des appels d'offres européens. Les ressources françaises potentielles sont multiples entre les infrastructures de recherche telles que le Grand Équipement national de calcul intensif (GENCI), la machine EuroHPC Jules Verne dont les Pays-Bas sont partenaires, auxquelles s'ajoutent les ressources européennes. Un premier point d'étape du SRCNet aura lieu d'ici 18 mois.

b. Contexte historique et politique de la participation française

SKA, (Square Kilometer Array), est le plus grand projet de radio-astronomie basse fréquence au monde qui regroupe l'ensemble des acteurs majeurs du domaine, à l'exception des États-Unis d'Amérique, lesquels ont privilégié l'extension du Very Large Array (le next-generation VLA / ngVLA) qui se trouve sur leur sol aux longueurs d'onde intermédiaires entre ALMA (domaine du millimétrique) et SKA (domaine du centimétrique et décamétrique). Il trouve son origine dans une réflexion prospective de la communauté astronomique mondiale depuis la fin des années 1980. Il a plusieurs objectifs scientifiques majeurs parmi lesquels la détection des premières étoiles formées après le Big Bang, qui est un test majeur de la cosmologie et de la structuration de l'Univers. C'est aussi un accélérateur des technologies numériques avec un volume de données produites comparable au trafic internet actuel qui est l'un des défis de SKA avec les questions liées à l'énergie en zone désertique et à l'empreinte carbone, la plus minimale possible pour une infrastructure de recherche de cette ampleur.

La convention internationale qui établit SKA Observatory en tant qu'organisation intergouvernementale, similaire au Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN), à l'Agence spatiale européenne (ESA) et à l'Observatoire Européen Austral (ESO) a été signée par sept pays (Afrique du sud, Australie, Chine, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni) à Rome en mars 2019. Depuis, la Suisse a rejoint SKAO en tant que membre le 19 janvier 2022, ainsi que l'Espagne le 5 avril 2023 et le Canada le 14 avril 2024. L'Allemagne devrait être le prochain membre de SKAO, le Bundestag ayant ratifié. L'Inde et la Suède ont signé des accords de collaboration entre SKAO et des institutions scientifiques, un accord similaire étant en projet pour la Corée du Sud. Ces accords préfigurent les accords d'accession. Le texte de cette convention constitue l'annexe 1 du présent accord.

Actuellement membre observateur au Conseil de l'organisation, la France est engagée dans le processus de demande d'adhésion en tant que membre de SKAO. Une réunion interministérielle avait eu lieu le 12 décembre 2020, donnant accord à l'expression d'intention de la France pour rejoindre SKAO et validant une contribution prévisionnelle de la France à hauteur de 48 millions d'euros entre 2022 et 2030, soit 2,4% du coût total, à porter sur le Programme 172 de la Mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES). L'adhésion de la France a été acceptée à l'unanimité des membres de SKAO, et a fait l'objet d'une déclaration du Président de la République française à l'occasion de sa visite en Afrique du Sud le 28 mai 2021.

Au terme de plusieurs mois de collaboration du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche (MESR), avec les services juridiques de SKAO d'une part et du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) d'autre part, et après validation par les États membres de l'organisation SKAO par voie électronique le 17 mars 2022, l'accord d'adhésion de la France à SKAO a été signé le 11 avril 2022 à l'ambassade de France à Londres.

L'accord doit être désormais soumis au Parlement en application de l'article 53 de la Constitution.

II. Historique des négociations

La communauté scientifique française est impliquée depuis l'origine du projet à la fin des années 1980. Ainsi, plusieurs laboratoires français ont participé aux études techniques préparatoires, certains depuis le début des années 2000. Par la suite, les ingénieurs et scientifiques français ont participé à cinq des onze consortiums d'ingénierie internationaux qui ont conçu les télescopes SKA.

Le CNRS, membre fondateur de la société « SKA organisation », société de droit britannique, la quitte en 2011 faute de financements, tout en maintenant un niveau de coopération bilatérale élevé sur des projets dits « SKA-éclaireurs » (la station française de l'interféromètre basse fréquence LOFAR, et sa version autonome NenuFAR sont construits et opérés à l'Observatoire Radio-astronomique de Nançay). La France y reste néanmoins invitée au sein du comité directeur via le CNRS afin que le contact avec la France soit maintenu. La communauté astronomique française réaffirme son intérêt majeur pour le projet SKA lors de ses exercices quinquennaux de prospective de 2014 et 2019 organisés par le CNRS/INSU, en créant un consortium de coordination nationale SKA France, en collaboration avec de grandes entreprises (EDF, Engie, Total, etc.). Le livre blanc3(*) SKA France est publié en 2017 avec la collaboration de 178 auteurs issus de 40 instituts et de six entreprises privées.

Au moment de la révision biennale de mars 2018, il est finalement décidé que SKA soit réinscrit en tant que projet dans la stratégie nationale des infrastructures de recherche et que la France rejoigne ainsi l'organisation, sans que cela préjuge de sa participation financière future pour la construction de l'observatoire. En Europe, SKA est considéré comme une infrastructure de recherche majeure et figure à ce titre depuis 2006 sur la feuille de route du Forum stratégique européen sur les infrastructures de recherche (ESFRI)4(*) et bénéficie du label Landmark depuis 2018 accordé aux infrastructures de recherche européennes. Le 26 juillet 2018 au Cap en Afrique du Sud, le CNRS, chef de file de la Maison SKA-France, consortium d'institutions de recherche et d'industriels français, devient le 12ème membre de l'organisation SKA (SKAO) suite à l'approbation de son adhésion par le conseil d'administration de SKA à la convention SKAO-CNRS (Deed of Adherence) du 12 juillet 2018. La cotisation annuelle de 250000 € est financée par le CNRS et les autres membres de la Maison SKA France (MSF) qui implique alors 14 partenaires français (y compris les entreprises pour environ 1/3) dont le CNRS et Thales. La MSF est chargée de la coordination à l'échelle nationale des activités scientifiques et technologiques préparatoires au projet SKA.

La convention internationale qui établit « SKA Observatory » (SKAO), en tant qu'organisation intergouvernementale, est signée par sept pays à Rome le 12 mars 2019 (Afrique du sud, Australie, Chine, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni). « SKA Observatory », entrée en vigueur le 15 janvier 2021, prend ainsi la relève de la société « SKA Organisation » qui est en cours de dissolution.

La France exprime le souhait de devenir pleinement membre de SKAO par courrier du directeur général adjoint de la recherche et l'innovation du ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation daté du 15 janvier 2021. Cette intention est réitérée à l'occasion du premier conseil d'administration de celui-ci, les 3 et 4 février 2021. Ce conseil marque la création formelle de l'organisation internationale SKAO, chargée de la phase de conception du projet, de la construction puis de l'exploitation des télescopes SKA en Australie et en Afrique du Sud. Le 24 mai 2021, le conseil d'administration de SKAO décide à l'unanimité d'admettre la France en tant que membre. Le 28 mai 2021, à l'occasion de sa visite d'État en Afrique du Sud, le Président de la République confirme l'intention de la France de rejoindre SKAO. L'Accord sur l'adhésion de la France à l'organisation intergouvernementale SKAO est signé le 11 avril 2022 à Londres par Madame Catherine Colonna, alors ambassadrice de France au Royaume-Uni.

Deux points particuliers ont fait l'objet de négociations pour la participation française à SKA, l'un industriel, l'autre scientifique :

Le premier est la responsabilité de la réalisation des centres de calcul et de données en Afrique du Sud et en Australie. Cette responsabilité reviendra à un industriel français qui sera sélectionné à l'issue d'un appel d'offre compétitif assorti de conditions permettant de s'assurer que le contrat puisse être comptabilisé comme juste retour (« Fair work return ») pour la France. Le contrat devait se faire en coopération avec des industriels d'autres pays participant à SKA (cf infra) pour respecter le juste retour industriel mais la réduction du budget en permet la seule responsabilité française en restant dans ce cadre. Ces centres de calcul et de données sont un enjeu majeur dans la mesure où SKA produira une quantité de données massive comparable au trafic internet actuel et où la communauté astronomique souhaite que ce traitement et ce stockage se fassent à impact environnemental minimum. Il s'agit donc d'innover dans un secteur en croissance et qui sera soumis à une forte pression sociétale. Cette capacité technologique motivée par SKA, donnera à l'industriel principal un avantage concurrentiel dans ce secteur.

L'autre point de la négociation a été le pilotage du thème scientifique « milieu interstellaire » par un ou une scientifique française. Cette discussion fut complexe du fait du poids de la France dans SKAO (2,4% par rapport aux 6% que la France représente en termes de communauté astronomique dans le monde) et de son intégration tardive parmi les membres.

III. Objectifs de l'accord

Conformément à son article premier, « l'accord a pour objet d'établir les termes et conditions de l'adhésion de la France au SKAO et son obtention du statut de Partie à la Convention ».

Selon les termes de la convention portant création de l'observatoire (article 3), « l'objet du SKAO est de faciliter et de promouvoir une collaboration mondiale en matière de radioastronomie pour parvenir à des découvertes scientifiques majeures. » L'article 5 de la convention précise que « Le projet SKA est conçu de manière à permettre des découvertes scientifiques majeures, grâce à une sensibilité, une résolution angulaire et une vitesse de balayage du ciel combinées bien supérieures à celles des instruments de pointe existants couvrant les fréquences radio concernées. » Par ailleurs, le projet SKA comprend plusieurs phases de mise en oeuvre, dont la première est le SKA-1, hébergé en Australie et en République d'Afrique du Sud. Les phases suivantes du projet SKA sont optionnelles. 

SKA a été imaginé au départ comme une machine à observer l'hydrogène atomique depuis les origines de l'univers jusqu'à aujourd'hui, l'hydrogène atomique constituant de loin la partie majoritaire de la matière de l'univers, soit 75% de la masse hors matière sombre aujourd'hui inconnue, qui de plus, est présent dès les premières phases de l'univers. SKA peut donc détecter une multitude d'autres espèces que l'hydrogène, que ce soit des espèces chimiques comme des molécules organiques ou des radiations continues, sans signature spectrale spécifique. SKA mesure également naturellement la polarisation des radiations et permet donc la mesure du champ magnétique de l'univers. Cette détection se fait par imagerie et par spectroscopie. SKA présente donc l'intégralité de la palette des outils possibles pour l'étude de l'univers dans le domaine de la radioastronomie.

Il est possible d'établir la liste des sujets scientifiques principaux que SKA sera le seul à pouvoir aborder :

- la détection de la formation des premières étoiles par ionisation du gaz d'hydrogène atomique. La détection de ces étoiles, qui remontent de 100 à 280 millions d'années après le Big Bang, constituera un test majeur de cosmologie et des simulations de l'évolution de l'univers des origines à nos jours faisant le lien entre les structures du fond diffus cosmologique observées par la mission Planck de l'ESA (co-responsabilité française) 380 000 ans après le Big Bang et l'univers tel que nous l'observons depuis lors.

- la formation et l'évolution des galaxies des origines à nos jours, la transformation du gaz d'hydrogène en étoiles, l'alimentation du coeur des galaxies et le rôle des trous noirs supermassifs qu'ils abritent, tout au long de l'histoire de l'univers.

- l'étude des pulsars. Les pulsars correspondent à des étoiles à neutron résultant de l'effondrement d'étoiles massives et dotées d'un fort champ magnétique. Ils constituent de véritables laboratoires de physique qui dépassent ce que l'humain peut faire sur Terre du fait de leur extraordinaire densité et de leurs gigantesques champs magnétiques.

- SKA permettra également la détection d'ondes gravitationnelles à la fois primordiales (remontant au Big Bang) et dues aux fusions de trous noirs super-massifs résultants de la fusion et de la croissance hiérarchique des galaxies5(*). Un premier résultat a été obtenu en 2023 par des réseaux internationaux auquel participe le grand radio-télescope de Nançay (Cher, Centre-Val de Loire) qui laisse entrevoir ce que pourra faire SKA et dont la puissance sera inégalée.

- la mesure des champs magnétiques dans l'univers depuis des échelles cosmologiques à des échelles comparables à une fraction de la distance Terre-Soleil. Les champs magnétiques jouent un rôle fort dans la structuration et l'évolution des objets du cosmos et restent difficiles à mesurer sans un instrument comme SKA.

À cela s'ajoutent d'autres sujets pour lesquels SKA apportera des données complémentaires indispensables à d'autres observatoires observant d'autres longueurs d'onde, que ce soit au sol ou dans l'espace. On peut distinguer parmi ceux-ci la détection précoce de la formation planétaire dans des disques autour de jeunes étoiles et la chimie organique dans des « analogues de la Terre 6(*)», deux sujets contribuant à la compréhension de l'apparition de la vie dans l'univers.

IV. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord

Le présent accord emporte des conséquences économiques (a.) ; environnementales (b.) ; juridiques (c.) ; sociales (d.) et financières (e.). Il a également des répercussions sur l'égalité hommes-femmes (f.) et sur la jeunesse (g.).

a. Conséquences économiques

La France a une place essentielle à revendiquer pour le retour industriel de SKA, notamment dans des domaines où le projet présente des défis technologiques majeurs : production et stockage d'énergie renouvelable ; infrastructures de calcul ; récepteurs dans les différentes bandes de fréquences ; traitement du signal et des données ; ingénierie système. Des entreprises à forte composante française (Air Liquide, Ariane Group, Atos, Callisto, DDN Storage, ENGIE, FEDD, NVIDIA, Thales Alenia Space), dont certaines ont été membres de la Maison SKA-France, ont vocation à participer à la construction de SKA et à son opération. Cette participation permettra à des industriels français de se renforcer voire, de participer à des marchés dans des domaines très compétitifs comme l'énergie intelligente7(*), l'électronique, le calcul très haute performance et l'exploitation des masses de données à l'échelle dite Exa.

Le retour économique direct de SKAO se matérialise sous forme de retour industriel dans le cadre du Fair Work Return (FWR) : chaque membre reçoit au moins 70% de sa contribution à l'investissement de la première phase de construction de SKA (hors contingences) qui s'élève à 55% du coût total, soit environ 18,5 millions d'euros pour la France. La France est ainsi identifiée comme leader de la composante matérielle des centres de données et de calculs (Science Data Processors, SDP) qui seront en Afrique du Sud et en Australie. Le montant prévu pour la version AA*8(*) s'élève à environ 20 millions d'euros. Ce montant atteignait initialement 60 millions d'euros pour la version AA4 et a dû être réduit pour dégager des économies. La réalisation de ces centres se fera sous la responsabilité d'une entreprise française avec des sous-traitants d'autres pays. La France est aussi le pays porteur du contrat pour la numérisation de la bande de plus haute fréquence de SKAO et pourra également participer à d'autres contrats dont elle n'a pas la responsabilité globale. On peut ainsi penser aux secteurs de l'énergie (FASEP Bertin Énergie Environnement) mais aussi de l'électronique. La France est également bien positionnée pour décrocher des contrats pour les opérations de SKAO.

De manière générale, la nécessité de solutions innovantes imposée par les ambitions scientifiques et technologiques de SKA et l'impératif de réaliser une infrastructure la plus respectueuse possible de l'environnement, favorisent l'innovation technologique dans les entreprises en lien avec les recherches des laboratoires publics (exemple du laboratoire commun ECLAT) et accroît leur compétitivité.

b. Conséquences environnementales

SKA étant un très grand projet international, il emporte nécessairement des conséquences sur l'environnement du fait de sa construction et de sa mise en oeuvre. L'impact potentiellement le plus important à long terme est celui de sa consommation énergétique. La communauté scientifique et SKAO ont la ferme volonté de minimiser l'impact environnemental de l'observatoire en privilégiant les énergies renouvelables. SKAO a lancé des appels d'offres pour une fourniture d'énergie répondant à un cahier des charges intégrant des objectifs environnementaux avec une part substantielle d'électricité solaire. Dans le cas de SKA-MID (Afrique du Sud), les antennes les plus externes qui sont isolées et distantes du coeur d'une centaine de kilomètres ne pourront pas être alimentées par cette solution qui ne peut s'appuyer sur un réseau de distribution préexistant et un prototype de générateur autonome est prévu pour 2024 dans l'objectif d'un appel d'offres de réalisation : un générateur diesel isolé et un générateur à piles photovoltaïques couplé à des batteries pour le stockage avec un objectif de 45 à 90 % d'énergie solaire.

La Maison SKA-France a par ailleurs bénéficié d'un projet FASEP (Fonds d'études et d'aide au secteur privé) du ministère de l'Économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique piloté par Bertin Énergie Environnement pour l'étude de l'alimentation énergétique de SKA-MID afin de préparer l'industrie française aux futurs appels d'offres et d'être en mesure de proposer des solutions basées sur les énergies renouvelables.

Le stockage et la réduction des données auront aussi un coût environnemental et la France, prime du contrat pour le matériel du SDP (Science Data Processing) pour les deux centres de données d'Afrique du Sud et d'Australie, a fortement poussé pour une solution à empreinte minimale. Un contrat de co-design destiné à concevoir l'ensemble machine-logiciels-énergie comme un système à optimiser a été lancé par SKAO sur demande de la France et attribué à l'entreprise DDN (DataDirect Networks). Un laboratoire commun baptisé ECLAT (Extreme Computing Lab for Astronomical Telescopes) a été fondé entre les organismes nationaux de recherche CNRS et Inria, avec d'autres partenaires académiques ainsi que l'industriel Atos. Cette coopération vise à conduire les études en vue du contrat de construction pour lequel Atos/Eviden est bien placé et dont les aspects de sobriété énergétique sont un point central.

c. Conséquences juridiques 

1. Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes

Le présent accord vise à ce que la France adhère à l'Observatoire dont la création a été actée le 12 mars 2019.

L'Observatoire du réseau d'antennes d'un kilomètre carré (SKAO) est une organisation internationale dont l'objet est « de faciliter et de promouvoir une collaboration mondiale en matière de radioastronomie pour parvenir à des découvertes scientifiques majeures » (article 1 de la Convention portant création du SKAO).

Le SKAO s'inscrit donc au croisement des domaines de la recherche scientifique et du développement technologique en matière d'astronomie et de physique. Il est composé d'un « Conseil et d'un directeur général assisté par le personnel » (article 7). Le premier objectif poursuivi par cette collaboration internationale est la mise en oeuvre du projet SKA défini comme « les efforts mondiaux déployés pour construire, entretenir, exploiter et in fine démanteler le SKA ». Ce projet se divise en plusieurs phases ; la phase initiale SKA-1, hébergée en Australie et en République d'Afrique du Sud, est seulement mentionnée sans autres précisions (article 5 paragraphe 3). La Convention indique que les phases suivantes du projet « débutent une fois qu'elles ont été approuvées par décision du Conseil. La participation au volet construction des phases suivantes est optionnelle » (article 5 paragraphe 4). Chaque membre est représenté et a le droit de vote au Conseil (article 8). Enfin la Convention précise que le SKAO « adopte par un vote à l'unanimité du Conseil une politique en matière de propriété intellectuelle » (article 11), de même qu'il « mène ses opérations conformément à la politique des opérations, approuvée par le Conseil par un vote à l'unanimité » (article 13). Dès lors, la France ne pourra se voir imposer, dans le cadre de sa participation à l'observatoire, des obligations auxquelles elle n'aurait pas consenti.

Par ailleurs, la France a signé, le 16 mai 1980 avec l'Espagne, un accord de coopération en matière de radioastronomie. Cet accord a pour objet de promouvoir les relations de coopération scientifique par l'utilisation commune de moyens et outils de recherche dont la construction et l'utilisation conjointe d'un observatoire consacré à l'étude des ondes millimétriques sur le territoire espagnol.

La Convention SKAO comme l'Accord de coopération en matière de radioastronomie n'est pas incompatible avec la conclusion d'autres accords par les Parties.

Il ressort de ces éléments que l'adhésion de la France à SKAO n'est pas de nature à modifier les dispositions conventionnelles antérieures.

2. Articulation avec le droit européen

Le réseau d'un kilomètre carré (SKA) est un « landmarks » (un projet au stade avancé), de l'« European strategy forum on research infrastructures » (ESFRI). L'ESFRI se définit comme un forum stratégique - qui fait partie des nombreux programmes pilotés par la Commission en vue de renforcer l'innovation et la compétitivité européennes - dont la mission consiste à soutenir une approche cohérente et stratégique de l'élaboration des politiques sur les infrastructures de recherche en Europe, et à faciliter les initiatives multilatérales conduisant à une plus forte utilisation et à un meilleur impact des infrastructures de recherche, aux niveaux européen et international.

Le SKA relève des domaines de la recherche, du développement technologique, et de l'espace pour lesquels, en vertu de l'article 4, paragraphe 3, TFUE, l'Union dispose d'une compétence sans que l'exercice de cette compétence ne puisse avoir pour effet d'empêcher les États membres d'exercer la leur. En conséquence, une telle adhésion n'est pas de nature à modifier des dispositions antérieures

3. Articulation avec le droit interne 

Aucune modification du droit interne n'est nécessaire pour appliquer l'accord.

4. Champ d'application territorial de l'accord 

L'accord tend à s'appliquer sur l'ensemble du territoire national.

d. Conséquences sociales

Les conséquences sociales attendues sont essentiellement dans les pays hôtes. SKA sera installé dans des territoires à populations essentiellement autochtones, aussi bien en Australie qu'en Afrique du Sud, et est donc utilisé par ces pays comme vecteur de développement avec à la clé un impact fort de formation avec des actions concrètes de SKAO dans les pays hôtes, la construction de centres pour l'accueil du public et un impact économique du fait des emplois générés. SKA peut donc présenter un intérêt pour la diplomatie française en Afrique du Sud et en Australie.

e. Conséquences financières

La contribution prévisionnelle de la France à SKAO entre 2022 et 2030 est estimée à 48 millions d'euros, à porter sur le Programme 172 de la MIRES. De plus, et en proportion de sa part, la France contribuera en partie aux 158 millions d'euros de financements additionnels (à hauteur d'environ 3,8 millions d'euros).

Il est à noter qu'en conséquence de la crise liée à la Covid-19 (retards) et du déclenchement de la guerre en Ukraine (inflation, augmentation des coûts des matières premières et des transports ...), le coût du projet a augmenté sans pouvoir être contenu dans les marges. Une politique d'économies a été engagée mais qui ne permet de dégager que 42 millions d'euros de marges supplémentaires. Le Conseil a reconnu la nécessité d'un financement de 158 millions d'euros supplémentaires pour la construction à répartir entre les membres proportionnellement à leurs contributions. Ce financement supplémentaire est à apporter entre mi-2025 et mi-2026 et se monte à environ 3,8 millions d'euros pour la France.

f. Conséquences concernant l'égalité femmes/hommes 

La communauté astronomique française comprend environ 24% de femmes astronomes (source prospective CNRS/INSU Astronomie-Astrophysique 2019) et est très mobilisée sur les questions liées à l'égalité et à la parité. Les sections de recrutements travaillent à augmenter la part de femmes astronomes recrutées (les recrutements nationaux sont en effet à quasi parité depuis un peu moins d'une décennie bien que le nombre de candidats hommes soit bien plus important que le nombre de candidates femmes) et toute la communauté veille à la visibilité des femmes astronomes ainsi que dans les fonctions support à la recherche. La Société française d'astronomie et d'astrophysique (SF2A) dispose d'une commission « Femmes et Astronomie » pour réfléchir aux questions de parité et d'égalité. L'Institut national des sciences de l'univers a mis en place un réseau Égalité au sein des laboratoires d'astronomie en 2021. D'autres actions peuvent être citées à l'échelle locale. SKA ne fait pas exception au sein de l'astronomie française et la France contribue à promouvoir les questions d'égalité et de parité au sein de SKAO qui dispose d'une politique volontariste sur le sujet9(*). Comme déjà cité précédemment, la construction de SKA s'accompagne de programmes de formation10(*) portant une attention particulière aux femmes.

g. Conséquences sur la jeunesse

L'objectif premier de SKA et de la communauté française est un objectif de connaissance qui s'accompagne d'un objectif d'éducation et de formation. S'agissant d'un projet majeur pour la communauté astronomique française, il est fort probable que de nombreux stages et expériences professionnelles soient rendus possible pour les étudiants de la classe de troisième jusqu'aux masters et écoles d'ingénieur, sans oublier les doctorants réalisant des thèses d'astronomie et d'ingénierie. La communauté qui a contribué au livre blanc SKA-France en 2017 compte 180 personnes, soit près d'un quart de la communauté des 800 astronomes français avec comme perspective que la moitié utilisent SKA à terme. Cela permettra d'initier 50 à 75 thèses par an pour 100 à 150 de stages de master, hors thèses et stages purement technologiques. Les projets scientifiques SKA seront aussi utilisés dans les cours des enseignants-chercheurs à l'université et dans les écoles mais aussi lors d'interventions dans le primaire ou le secondaire, à l'occasion de parrainages de classes, de fêtes de la science ou de la nuit des étoiles. A cela s'ajouteront les présentations grand public faites à partir de résultats SKA dans des festivals d'astronomie ou à l'occasion d'initiatives locales et les interventions dans des émissions grand public.

La communauté astronomique joue un rôle pionnier dans la définition des bonnes pratiques de la Science ouverte au sein de la communauté de recherche mais aussi auprès d'un public plus large, aidée en ce sens par l'attractivité de l'astronomie. SKA ne peut que stimuler ce processus, notamment à travers le réseau de centres régionaux SKA, qui sera une infrastructure numérique transnationale au bénéfice de la jeunesse.

Les conséquences de l'accord sur la jeunesse française seront donc de taille à l'instar des missions spatiales, de l'exploration du système solaire ou encore des résultats obtenus avec nos grands télescopes au Chili dans le cadre de l'organisation intergouvernementale ESO (Observatoire austral européen).

V. État des signatures et ratifications

Dix Etats sont aujourd'hui membres de SKAO. Sept Etats ont ratifié l'accord en 2021 : l'Afrique du Sud, l'Australie, la Chine, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni. La Suisse, en 2022, puis l'Espagne, en 2023, et le Canada en 2024 ont également ratifié la convention.

Cinq autres pays, en-dehors de la France, participent à SKAO ou prévoient de participer à SKAO avec des degrés d'avancement divers et sont observateurs au Conseil : l'Allemagne, dont le processus de ratification est achevé, l'Inde, la Corée du Sud, le Japon, la Suède.


* 1 Organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique.

* 2 Observatoire radio-astronomique sud-africain.

* 3 Livre blanc SKA France, 2017.

* 4 Site français du programme européen pour la recherche et l'innovation.

* 5 Aux fins de cette détection, SKA s'appuiera sur les pulsars comme réseau d'horloges cosmique millisecondes ultrastables.

* 6 C'est-à-dire des planètes telluriques disposant d'une atmosphère, situées dans une zone où l'eau peut être liquide et dont la taille est comparable à celle de la Terre.

* 7 On désigne par énergie intelligente la capacité des systèmes à optimiser à la fois la production, la distribution, la transformation et l'utilisation de l'énergie.

* 8 L'aspect modulaire de l'observatoire permet de le réaliser en plusieurs tranches qui se découpent ainsi (chaque station de SKA-Low comporte 256 antennes) :

- Assembly Array (AA)0.5 (SKA-LOW 6 stat./SKA-MID 4 ant.) : août/décembre 2024 ;

- Assembly Array (AA)1 (SKA-LOW 18 stat./SKA-MID 8 ant.) : octobre/novembre 2025 ;

- Assembly Array (AA)2 (SKA-LOW 64 stat./SKA-MID 64 ant.) : septembre/octobre 2026 ;

- Assembly Array (AA)* (SKA-LOW 307 stat./SKA-MID 144 ant.) : janvier 2028/août 2027 ;

- Operational Readiness Review : avril 2028/août 2027 ;

- Fin de la première série de tranches : juillet 2028 ;

- Assembly Array (AA)4 (SKA-LOW 512 stat./SKA-MID 197 ant.) : date non définie.

* 9 Site officiel SKAO.

* 10 À titre d'exemple, le programme Human Capital Development porté par SARAO, l'antenne locale Sud-Africaine de SKAO avec laquelle l'organisation collabore qui fournit des bourses pour des études allant de l'apprentissage jusqu'au post-doctorat. SARAO organise notamment des formations pour étudiants par exemple en science des données (Site officiel SARAO) avec une proportion très importante de jeunes femmes.

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