TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION
DU CONSEIL DES MINISTRES
ÉTUDE D'IMPACT
PROJET DE LOI
relatif à l'accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023
NOR : TREL2319111L/Bleue-1
12 juillet 2023
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 6
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 7
Article 1er - Habilitation à faciliter la reconstruction à l'identique, les travaux immédiats et la réduction des délais 8
Article 2 - Habilitation à déroger aux règles de passation et de dévolution des marchés publics et de recours aux marchés globaux prévues par le code de la commande publique 14
Article 3 - Habilitation à déroger à l'obligation de participation minimale au financement des projets d'investissement, à déroger au plafond des fonds de concours et à déterminer le régime des dépenses éligibles au FCTVA 18
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le 27 juin 2023, à Nanterre, un adolescent de 17 ans a trouvé la mort à la suite d'un contrôle routier.
Ce décès a suscité l'émotion légitime de toute la Nation. Une enquête a immédiatement été diligentée pour que la lumière soit faite sur les circonstances du drame et que la justice soit rendue.
Mais ce décès a également été suivi de plusieurs nuits de violences urbaines, d'abord en région parisienne puis étendues à tout le territoire. Dans les grandes métropoles comme dans les plus petites villes, dans les centres-villes comme dans les quartiers de leurs agglomérations, dans toutes les régions de l'hexagone et plusieurs territoires d'outre-mer, d'inacceptables violences se sont répétées, nuit après nuit, en laissant derrière elles un bilan humain et matériel considérable.
Ces violences ont ciblé de nombreuses personnes dépositaires de l'autorité publique, pompiers, forces de l'ordre, élus locaux. Elles ont également conduit à de nombreux dégâts sur le bâti, public et privé, des quelque cinq cents communes qui ont été touchées. Plus de 750 bâtiments publics ont été atteints, avec des dommages causés à des mairies, écoles, bibliothèques ou postes de police, qui sont autant de symboles de la République et des services publics dont la dégradation compromet désormais le bon fonctionnement. Les dégradations concernent environ pour 25% les bâtiments publics et 75% les bâtiments privé. Les bâtiments publics et privés totalement ou partiellement détruits représentent 20% des dégradations totales.
De nombreux commerces ont également été ciblés, parfois pillés, ce qui représente un coût pour l'économie nationale estimé à ce stade, par les assureurs, à environ 650 millions d'euros.
Au lendemain de ces violences, ce bilan appelle la mobilisation collective de la Nation pour conduire, dans l'urgence, un chantier national de reconstruction. Il vise dans certains cas la reconstruction à l'identique des bâtiments détruits, pour leur permettre d'assurer dans les meilleurs délais, avec la même efficacité, les services publics ou privés qu'ils rendaient. Dans d'autres cas, c'est l'amélioration du bâti existant que ce chantier devra rechercher, pour tenir compte notamment d'enjeux de performance environnementale ou de qualité de vie.
Relever ce défi appelle en tout cas un cadre juridique d'exception, de nature à accélérer au maximum la conduite des travaux. En complément de l'ensemble des mesures administratives déjà mises en oeuvre par le Gouvernement pour accompagner les élus, acteurs locaux et entreprises dans les reconstructions, le présent projet de loi crée les conditions de la réussite de ce chantier par plusieurs adaptations du droit de l'urbanisme, de la construction, de la commande publique et des collectivités locales.
Afin d'accélérer la reconstruction des bâtiments publics ou privés détruits ou dégradés, des adaptations du code de l'urbanisme sont en premier lieu prévues par l'article 1er qui autorise au Gouvernement d'agir par ordonnance pour prévoir des règles dérogatoires au droit commun. Cette habilitation permet à l'ordonnance qui sera prise sur son fondement de prévoir que la reconstruction ou la réhabilitation à l'identique de ces bâtiments puissent être réalisées en appliquant les règles d'urbanisme applicables au moment de la délivrance de l'autorisation d'urbanisme initiale même si le plan local d'urbanisme ou la carte communale s'y oppose. Elle permet également, dans le cadre d'adaptations limitées ou d'améliorations motivées, des reconstructions différentes du bâtiment d'origine, qui pourraient ainsi être subordonnées à l'amélioration de la performance environnementale, de sécurité ou d'accessibilité par rapport à l'état antérieur du bâtiment concerné.
Pour ces reconstructions à l'identique avec améliorations, l'ordonnance permettra aussi au maître d'ouvrage de démarrer les opérations et travaux préliminaires de reconstruction ou de réhabilitation dès le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme auprès de l'autorité compétente, sans attendre sa décision. Il s'agit de permettre au constructeur de lancer, notamment, les éventuelles opérations de démolition et les travaux de préparation du chantier (terrassements, fondations, etc.) sans attendre l'obtention de l'autorisation d'urbanisme.
Enfin, toujours pour ces reconstructions, l'ordonnance visera à accélérer l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme portant sur ces opérations de reconstruction, en divisant par deux, voire trois, la durée totale d'instruction. A cette fin, elle pourra prévoir que les délais d'instruction de droit commun, ainsi que les majorations et prolongations requises pour le recueil des avis, accords ou autorisations prévus par le code de l'urbanisme ou les législations connexes seront réduits et pourront être soumis à un principe de silence vaut acceptation. L'objectif est que la durée totale d'instruction ne dépasse donc pas un mois et demi, à comparer aux délais de droit commun, qui sont souvent de plusieurs mois notamment lorsque des consultations sont requises.
S'agissant des bâtiments publics, l'article 2 prévoit en matière de commande publique une habilitation à prendre deux mesures permettant d'accélérer et de simplifier les procédures de publicité et de mise en concurrence dans le cadre de l'attribution des marchés publics de travaux ayant pour objet la réfection et la reconstruction des bâtiments et équipements publics détruits, afin de faciliter le retour au fonctionnement normal des services publics dans les meilleurs délais.
D'une part, l'ordonnance permettra aux maîtres d'ouvrage publics de conclure des marchés ou des lots d'un marché sans publicité mais avec mise en concurrence préalable, dès lors que leur montant sera inférieur à un seuil défini dans l'ordonnance. D'autre part, elle leur permettra de s'affranchir de l'obligation d'allotissement afin de confier à un même opérateur économique un marché global portant à la fois sur la conception et la construction ou l'aménagement en urgence de ces bâtiments et équipements.
L'article 3 prévoit une habilitation à agir par ordonnance pour faciliter le financement de la reconstruction. L'ordonnance portera trois types de mesures.
En premier lieu, elle adaptera le cadre applicable aux subventions versées aux collectivités locales pour permettre un subventionnement au-delà du plafond légal de 80%. En principe, sauf dérogation expresse prévue par la loi, toute collectivité territoriale ou groupement, maître d'ouvrage d'une opération d'investissement, doit assurer une participation minimale au financement de ce projet fixée à 20% du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet. Pour accélérer la reconstruction des édifices et des équipements publics, cette obligation de participation minimale du maître d'ouvrage ne sera pas applicable au financement de ces projets. Ces derniers pourront donc le cas échéant bénéficier de subventions allant jusqu'à 100% du coût des travaux.
En second lieu, l'habilitation autorise l'ordonnance à organiser une dérogation au plafonnement des fonds de concours qui peuvent être versés entre les établissements publics à fiscalité propre et leurs communes.
Dans le droit commun en vigueur, le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours. Il est proposé que cette limite soit exceptionnellement supprimée pour laisser la possibilité de mobiliser les ressources disponibles afin d'accélérer la réparation des dommages causés aux biens des collectivités.
En troisième lieu, l'ordonnance pourra permettre le versement anticipé du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pour les travaux de reconstruction entrepris par les collectivités. Le régime de droit commun conduit à verser le FCTVA deux ans après l'exécution des dépenses éligibles. Certaines entités bénéficient d'un régime dérogatoire permettant une attribution l'année qui suit la réalisation de la dépense ou, pour une petite partie d'entre elles, l'année de réalisation de la dépense.
Pour faciliter la prise en charge rapide des travaux et le rétablissement du bon fonctionnement des services publics locaux, il est proposé d'accélérer les attributions du FCTVA en instaurant une dérogation au régime de versement de droit commun. Les dépenses éligibles au FCTVA exécutées à ce titre feront l'objet d'une attribution systématique et pour tous les bénéficiaires l'année d'exécution de ces dépenses.
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS
Article |
Objet de l'article |
Consultations obligatoires |
Consultations facultatives |
1er |
Habilitation à faciliter la reconstruction à l'identique, les travaux immédiats et la réduction des délais |
Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
|
2 |
Habilitation à déroger aux règles de passation et de dévolution des marchés publics et de recours aux marchés globaux prévues par le code de la commande publique |
Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
|
3 |
Habilitation à déroger à l'obligation de participation minimale au financement des projets d'investissement, à déroger au plafond des fonds de concours et à déterminer le régime des dépenses éligibles au FCTVA |
Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION
Article |
Objet de l'article |
Textes d'application |
Administration compétente |
1er |
Habilitation à faciliter la reconstruction à l'identique, les travaux immédiats et la réduction des délais |
Ordonnance |
|
2 |
Habilitation à déroger aux règles de passation et de dévolution des marchés publics et de recours aux marchés globaux prévues par le code de la commande publique |
Ordonnance |
|
3 |
Habilitation à déroger à l'obligation de participation minimale au financement des projets d'investissement, à déroger au plafond des fonds de concours et à déterminer le régime des dépenses éligibles au FCTVA |
Ordonnance |
Article 1er - Habilitation à faciliter la reconstruction à l'identique, les travaux immédiats et la réduction des délais
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
L'article L. 111-15 du code de l'urbanisme prévoit que « Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement. ». La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié.
Ce droit de reconstruire à l'identique permet principalement de se prémunir contre l'évolution des règles d'urbanisme qui, depuis la réalisation de la construction, peuvent éventuellement s'opposer à sa reconstruction (zone devenue non constructible par exemple).
Trois conditions doivent donc être réunies pour pouvoir bénéficier du droit de reconstruire à l'identique :
- le bâtiment doit avoir été détruit ou démoli depuis moins de dix ans ;
- la construction démolie doit avoir été régulièrement édifiée, condition regardée comme satisfaite si elle a été construite avant la loi du 15 juin 1943 relative au permis de construire ou conformément à une législation applicable à l'époque de la construction, ou si elle a été construite conformément au permis de construire accordé. Il appartient au pétitionnaire d'apporter la preuve de l'existence légale de cette construction1(*) ;
- la possibilité d'une reconstruction ne doit pas être exclue par une disposition expresse du plan local d'urbanisme, de la carte communale ou du plan de prévention des risques naturels prévisibles.
Toutefois, le principe du droit à reconstruire à l'identique ne dispense pas de la nécessité, le cas échéant, d'obtenir un permis de construire ou de déposer une déclaration préalable (articles L. 421-1 et L. 421-4 du code de l'urbanisme).
Par ailleurs, les termes de « reconstruction à l'identique » doivent être entendus comme une obligation de reconstruction stricte de l'immeuble détruit ou démoli puisqu'il s'agit de reconstruire l'immeuble tel qu'il avait été initialement autorisé. Lorsque le projet est différent, il ne peut être fait application des dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme. Néanmoins la jurisprudence2(*) ne s'oppose pas à des différences de très faible importance lors de la reconstruction, mais n'admet pas des différences architecturales ou de volume ou d'implantation importantes.
En outre, ce droit à reconstruction à l'identique après sinistre a fait l'objet d'un encadrement par le Conseil d'Etat3(*). Il n'a pas de caractère absolu. La persistance du risque peut justifier un refus de reconstruction à l'identique4(*) ou des prescriptions limitant la reconstruction.
Ce droit, s'il dispense du respect des règles d'urbanisme introduites postérieurement à la destruction ou à la démolition, ne permet toutefois pas de déroger aux règles posées par une autre législation (en matière de sécurité et d'accessibilité ou de protection de l'environnement par exemple).
En outre, la nécessité de procéder très rapidement aux travaux de reconstruction ou de réhabilitation requis, notamment pour garantir l'accès de la population aux services publics, justifierait que les travaux puissent débuter sans attendre. Or, l'autorisation d'urbanisme, qui est souvent la seule procédure permettant la réalisation des travaux, installations ou aménagements, ne permet pas une mise en oeuvre immédiate des travaux de réparation et reconstruction. En effet, les travaux ne peuvent démarrer par anticipation tant que l'autorisation d'urbanisme n'a pas été délivrée.
Le délai d'instruction d'une autorisation d'urbanisme, prévu à l' article R. 423-18 du code de l'urbanisme, est calculé sur la base d'un délai de droit commun, qui peut faire l'objet d'éventuelles modifications et de prolongations exceptionnelles.
Les délais d'instruction de droit commun des demandes d'autorisations d'urbanisme ( article R. 423-23) sont de :
- un mois pour les déclarations préalables ;
- deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle ;
- trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager.
Ce délai commence à courir à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ( article R. 423-19). Le délai d'instruction de droit commun peut être modifié pour tenir compte des demandes d'avis ou accords au titre du code de l'urbanisme et des autres législations. Les modalités de modification du délai d'instruction sont strictement limitées ( articles R. 423-24 à R. 423-33). Cette modification doit avoir été notifiée ( article R. 423-38) dans le mois qui suit le dépôt du dossier complet de la demande.
Les délais peuvent faire l'objet de prolongations exceptionnelles ( articles R. 423-34 à R. 423-37-3) qui ne peuvent être connues dans le mois qui suit le dépôt de la demande.
Au cours de l'instruction de la demande d'autorisation, le service instructeur consulte les personnes publiques, services ou commissions intéressées par le projet. Il recueille les accords, avis ou décisions prévus par les lois et règlements en vigueur ( article R. 423-50). Les consultations sont strictement limitées par le code de l'urbanisme. Lorsque le projet est soumis à un régime d'autorisation prévu par une autre législation, le service instructeur doit procéder aux consultations.
L' article R. 423-59 du code de l'urbanisme indique qu'en principe, les services ou organismes consultés doivent faire parvenir leur réponse motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande et, en règle générale, le silence vaut avis favorable.
Pour certaines consultations mentionnées aux articles R. 423-60 et suivants du code de l'urbanisme, ce délai peut être de deux à cinq mois, et le silence à l'issue du délai imparti peut dans certains cas valoir refus, rejet de recours ou absence d'instaurer des prescriptions.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
L'article 38 de la Constitution prévoit que : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ».
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le droit de reconstruction à l'identique ouvert par l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme permet déjà de satisfaire les besoins de reconstruction des constructions détruites ou endommagées à un point tel qu'elles nécessitent une reconstruction. Néanmoins, le cadre strict actuellement posé par le code de l'urbanisme ne permet pas de répondre à la situation exceptionnelle liée aux lors des émeutes survenues depuis le 27 juin 2023 qui nécessite de reconstruire dans les meilleurs délais les bâtiments détruits ou endommagés.
En effet, l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme n'autorise qu'une reconstruction strictement à l'identique. En outre, en vertu de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, les documents d'urbanisme, plans locaux d'urbanisme et cartes communales, peuvent s'opposer à la reconstruction à l'identique de bâtiments détruits.
Par ailleurs, les articles L. 424-7 à L. 424-9 du code de l'urbanisme relatifs aux conditions dans lesquelles le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir et la déclaration préalable deviennent exécutoires, prévoient que les travaux ne peuvent pas être mis en oeuvre avant la notification de la décision au demandeur et de sa transmission au contrôle de légalité, ou avant la naissance d'une décision tacite.
Enfin, les demandes d'autorisation d'urbanisme sont encadrées par des délais qui peuvent s'étendre sur plusieurs mois, et ne sont pas compatibles avec un objectif de reconstruction rapide.
Il apparaît donc nécessaire d'autoriser le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation du présent projet de loi, toute mesure de niveau législatif destinée, pendant une durée limitée, à accélérer ou faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des bâtiments affectés par des dégradations ou destructions liées aux troubles à l'ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, en autorisant des dérogations aux dispositions du droit de l'urbanisme constituant un frein à la reconstruction à l'identique, ou avec des modifications limitées ou des améliorations justifiées, de bâtiments régulièrement édifiés, en autorisant l'engagement anticipé de certains travaux et en réduisant les délais d'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme requises dans ce cadre précis.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Afin de faciliter les opérations de réparation ou de reconstruction, à l'identique ou avec des modifications limitées ou des améliorations justifiées, suite aux dégradations de bâtiments, destructions liées aux troubles à l'ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, dans un objectif de retour rapide à un fonctionnement normal des services publics et des activités économiques, il est nécessaire de lever les freins à la mise en oeuvre de ces opérations et de permettre leur accélération.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Il a été envisagé de modifier directement la loi, mais le recours à une ordonnance a semblé plus adapté à la technicité du sujet.
3.2. DISPOSITIF RETENU
S'agissant des règles du code de l'urbanisme, le présent article prévoit une habilitation à prendre trois mesures permettant de faciliter la reconstruction des bâtiments dégradés ou détruits pendant les émeutes en levant trois freins à cette reconstruction :
- La possibilité de déroger dans ce cadre aux dispositions du code de l'urbanisme encadrant et limitant le droit de reconstruction à l'identique ;
- La possibilité, pour ces opérations de reconstruction, de démarrer certains travaux et opérations de reconstruction en anticipant la délivrance de l'autorisation d'urbanisme qui demeure requise ;
- La réduction, pour ces opérations de reconstruction, des délais d'instruction prévus pour l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme et le cas échéant les délais et conditions d'intervention des autorisations, accords et avis requis préalablement au titre d'autres législations.
Aucune des trois mesures retenues par cette habilitation ne permettra en revanche de déroger aux normes de nature législative assurant la protection de l'environnement
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.
5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION
Concernant l'habilitation donnée au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures prévues au présent article, un délai d'habilitation de trois mois est prévu compte tenu de la technicité des dispositions à prendre et du caractère prioritaire des dispositions.
Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Article 2 - Habilitation à déroger aux règles de passation et de dévolution des marchés publics et de recours aux marchés globaux prévues par le code de la commande publique
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1 CADRE EUROPÉEN
Les directives 2014/24/UE relative à la passation des marchés publics5(*) et 2014/25/UE relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux6(*) encadrent les procédures de passation des marchés publics des pouvoirs adjudicateurs et des entités adjudicatrices répondant à un besoin dont le montant estimé est égal ou supérieur à certains seuils. Pour les marchés de travaux, ce seuil est actuellement fixé à 5 382 000 euros hors taxes, en application du règlement délégué (UE) 2021/1952 de la Commission européenne.
En dessous ce seuil, les Etats membres sont libres de fixer les règles de passation des marchés publics de travaux, sous réserve de respecter les règles générales du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En effet, en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne7(*), les contrats exclus du champ d'application des directives sont néanmoins soumis aux règles fondamentales du traité et notamment au principe de non-discrimination en raison de la nationalité, lequel implique une obligation de transparence, dès lors qu'ils présentent un intérêt transfrontalier certain.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
En droit interne, les marchés publics sont soumis aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes fondamentaux, rappelés à l'article L. 3 du code de la commande publique, ont été élevés au rang d'exigences de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 (loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit). Toutefois, le juge constitutionnel a également admis que le législateur pouvait, pour des motifs d'intérêt général, déroger à ces principes dès lors que la dérogation était nécessaire et proportionnée à l'objectif poursuivi8(*).
Par ailleurs, dans sa décision précitée de 2003, le Conseil constitutionnel a jugé qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'impose de confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, l'aménagement, la maintenance et l'entretien d'un ouvrage public.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
En application du code de la commande publique, l'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsqu'une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et qu'il ne pouvait pas prévoir ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées. À cet égard, l'urgence impérieuse est définie comme résultant de circonstances extérieures que l'acheteur ne pouvait prévoir et ne lui permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées.
Comme le rappelle la circulaire du 5 juillet 2023 relative à l'accélération des procédures pour faciliter les opérations de réparation ou de reconstruction suite aux dégradations intervenues dans certaines zones urbaines, l'urgence impérieuse s'apprécie strictement et au cas par cas, et la notion doit pouvoir être mobilisée lorsque des atteintes causées aux services publics les plus essentiels à la satisfaction des besoins de la population nécessitent une action rapide de l'État, en particulier aux fins de mise en sécurité. Les travaux doivent être limités à l'objectif de garantir la sécurité des biens et des personnes ou de rétablir la continuité du service public en faisant les réparations nécessitées par les dégradations.
Pour les travaux de reconstruction ou réparation ne remplissant pas les conditions de l'urgence impérieuse, le droit de la commande publique offre d'autres leviers juridiques pour mobiliser rapidement les entreprises, tels que, par exemple, la procédure de gré à gré pour des marchés ou des lots inférieurs à 100 000 euros HT.
En dehors de ces hypothèses, les maîtres d'ouvrages soumis au code de la commande publique sont tenus de mettre en oeuvre des mesures de publicité et de mise en concurrence qui, si elles permettent de garantir la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure, peuvent être perçues dans certaines circonstances comme des freins à l'efficacité de l'action publique. Il est donc nécessaire de prévoir un levier supplémentaire permettant d'accélérer et de simplifier les procédures de passation des marchés de travaux réfection et la reconstruction des bâtiments et équipements publics afin de rétablir dans les meilleurs délais la continuité et le fonctionnement normal des services publics.
Par ailleurs, depuis 2006, tous les marchés publics autres que les marchés de défense ou de sécurité doivent en principe être passés en lots séparés lorsque leur objet permet l'identification de prestations distinctes. Le code de la commande publique a maintenu ce dispositif, applicable tant aux marchés passés selon une procédure adaptée qu'à ceux passés selon une procédure formalisée, sauf à s'inscrire dans l'une des exceptions visées à l'article L. 2113-11 qui prévoit que l'acheteur peut décider de ne pas allotir un marché lorsqu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination ou lorsque la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement ou financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations.
En dehors de ce cadre général, deux types de marchés globaux (marchés de conception-réalisation et marchés globaux de performance) expressément prévus par le code (articles L. 2171-1 et suivants) dérogent, par nature, au principe de l'allotissement, parce que des motifs d'ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l'amélioration de l'efficacité énergétique ou la construction d'un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur ou encore des objectifs chiffrés de performance rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage9(*). Autrement dit, dans ces hypothèses, l'acheteur n'a pas à justifier se trouver dans l'un des cas prévus par l'article L. 2113-11 pour échapper à l'obligation d'allotissement. De plus, ils dérogent au principe de séparation entre les missions de maîtrise d'oeuvre et l'exécution des travaux, issu de la loi de 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique (loi MOP), désormais codifiée aux articles L. 2410-1 et suivants du code de la commande publique.
Pour autant, les conditions permettant de déroger à l'obligation d'allotissement ou de recourir aux marchés publics globaux sont limitatives et d'interprétation stricte. Afin, à nouveau, de faciliter la passation et l'exécution des marchés en lien avec la réfection et reconstruction des bâtiments et équipements affectés, l'ordonnance prévue par l'habilitation permettra d'une part aux acteurs de la commande publique de s'affranchir de l'obligation d'allotissement et d'autre part, de déroger en outre à l'obligation de passer un marché spécifique de maîtrise d'oeuvre afin de pouvoir conclure, sans condition, un marché global portant à la fois sur la conception et la construction ou l'aménagement en urgence de ces bâtiments et équipements.
3. DISPOSITIF RETENU
D'une part, l'ordonnance prévue par l'habilitation devra permettre que les marchés publics de travaux ayant pour objet la réfection et la reconstruction des bâtiments et équipements publics affectés par les actes de dégradation et de destruction liés aux événements de voie publique survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023 puissent être négociés sans publicité mais avec mise en concurrence préalable, dès lors que leur montant est inférieur à un seuil - les dispositions envisagées étant également applicables aux lots dont le montant est inférieur à ce seuil, à condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots d'un marché alloti.
La mesure envisagée permettra de réduire les délais de passation en dispensant les acheteurs des formalités liées à la publication préalable d'un avis de marché destiné à permettre à tous les opérateurs économiques intéressés de présenter une offre. En mettant directement en concurrence quelques entreprises identifiées comme étant susceptibles d'exécuter les travaux souhaités, les acheteurs pourront conclure plus rapidement leurs marchés de travaux. L'absence d'obligation de publicité permettra ainsi d'accélérer les mises en chantier, mais l'obligation de consulter au moins deux opérateurs économiques permettra de garantir le bon usage des deniers publics.
Pour autant le seuil retenu par l'ordonnance, s'il devra nécessairement être inférieur au seuil européen, devra également être déterminé de façon à ce que les marchés concernés ne puissent être regardés comme présentant un intérêt transfrontalier certain, c'est-à-dire comme étant susceptibles d'intéresser des opérateurs économiques situés dans un autre pays de l'Union européenne.
D'autre part, en dérogeant à l'obligation d'allotissement et aux conditions de recours au marché de conception-réalisation pour la réalisation des travaux couverts par l'habilitation, l'ordonnance autorisera les acheteurs à conclure un marché unique portant sur des prestations distinctes ou un marché global portant à la fois sur la conception, la construction ou l'aménagement des ouvrages, quel que soit son montant. Ces souplesses ,leur permettront d'accélérer le processus de sélection de l'opérateur et de conclusion du contrat et donc de disposer plus rapidement des locaux, installations ou équipements nécessaires au bon fonctionnement des services publics.
Ce dispositif sera applicable pendant une durée limitée fixée par l'ordonnance.
4. IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES
L'analyse des incidences de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d'impact retraçant les dispositions prises par ordonnance dans le cadre de l'habilitation. Les différents impacts - sociaux, économiques et financiers - seront développés à la lumière des contours définitifs de chacune des dispositions proposées.
5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION
Compte tenu, d'une part, de l'urgence à réparer ou reconstruire les bâtiments et équipements publics endommagés et à rétablir le fonctionnement normal des services publics et, d'autre part, de la nécessité de satisfaire aux obligations de consultation préalable, un délai de deux mois est prévu pour prendre l'ordonnance.
Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance prévue par l'habilitation.
Article 3 - Habilitation à déroger à l'obligation de participation minimale au financement des projets d'investissement, à déroger au plafond des fonds de concours et à déterminer le régime des dépenses éligibles au FCTVA
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
1.1.1. Participation minimale du maître d'ouvrage
Les règles de participation financière minimale des collectivités territoriales et de leurs groupements, lorsqu'ils sont maîtres d'ouvrage d'un projet, sont strictement encadrées par l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT), créé par l'article 76 de la loi nº 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
Cet article vise à limiter la pratique des financements croisés, mieux responsabiliser les collectivités initiatrices de projets d'investissement et contribuer à la maîtrise de la dépense publique locale. Il a pour ambition, selon son exposé des motifs, « à la fois d'accélérer la réalisation des projets, d'éviter le saupoudrage et de lutter contre les phénomènes de concurrence entre cofinanceurs qui permettent à des maîtres d'ouvrage de lancer, à moindre coût initial, des projets dont le coût d'entretien et de fonctionnement peut grever durablement leurs capacités financières ».
À cette fin, il institue l'obligation pour toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités territoriales, maître d'ouvrage d'une opération d'investissement, d'assurer une participation minimale au financement du projet, fixée à 20 % du montant total des financements apportés au projet par des personnes publiques.
Cette règle ne s'applique toutefois pas aux collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales de Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Par ailleurs, plusieurs dérogations sont prévues, pour permettre au maître d'ouvrage de participer au financement en-deçà de cette proportion.
Des dérogations peuvent être accordées par le représentant de l'Etat pour :
- les projets d'investissement en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine ;
- pour les opérations concernant le patrimoine non protégé lorsqu'il l'estime justifié par l'urgence ou par la nécessité publique, ou lorsqu'il estime que la participation minimale est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage ;
- les projets d'investissement concernant les ponts et ouvrages d'art ainsi que ceux concernant les équipements pastoraux, les projets en matière de défense extérieure contre l'incendie et pour ceux concourant à la construction, à la reconstruction, à l'extension et aux réparations des centres de santé mentionnés à l'article L. 6323-1 du code de la santé publique lorsque l'importance de la participation est disproportionnée par rapport à la capacité financière du maître d'ouvrage ;
- les projets d'investissement destinés à réparer les dégâts causés par des calamités publiques, cette participation minimale du maître d'ouvrage, au vu de l'importance des dégâts et de la capacité financière des collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales intéressés ;
- les projets d'investissement destinés à restaurer la biodiversité au sein d'un site Natura 2000 exclusivement terrestre, au vu de l'importance de la dégradation des habitats et des espèces et des orientations fixées dans le document d'objectifs et au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage. Cette dérogation est toutefois limitée aux projets d'investissement qui sont entièrement compris sur le territoire d'une commune de moins de 3 500 habitants ou d'un groupement de collectivités territoriales de moins de 40 000 habitants qui en assure la maîtrise d'ouvrage.
Par ailleurs, des dérogations sont prévues par la loi :
- pour les projets d'investissement en matière d'eau potable et d'assainissement, d'élimination des déchets, de protection contre les incendies de forêts et de voirie communale qui sont réalisés par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de Corse ou par les communes membres d'un tel établissement ; lorsque les projets n'entrent pas dans le champ de compétence communautaire, cette participation minimale du maître de l'ouvrage est de 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques ;
- pour les opérations d'investissement financées par le fonds européen de développement régional dans le cadre d'un programme de coopération territoriale européenne ; la participation minimale du maître d'ouvrage est alors de 15 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques.
Enfin, une dérogation générale pour les opérations menées dans le cadre de l'article 9 de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine est prévue. De même, les collectivités territoriales peuvent financer sans restriction toute opération figurant dans les contrats de projet Etat-région ou dans les contrats de convergence et toute opération dont la maîtrise d'ouvrage relève de l'Etat, de ses établissements publics et de la société SNCF Réseau.
1.1.2. Fonds de concours
Les EPCI sont régis par le principe de spécialité. Ce principe revêt deux aspects : une spécialité territoriale en vertu de laquelle l'EPCI ne peut intervenir que dans le cadre de son périmètre et une spécialité fonctionnelle qui interdit à l'EPCI d'intervenir en dehors du champ des compétences qui lui ont été transférées par ses communes membres. En application du principe de spécialité, le budget de l'établissement ne peut comporter d'autres dépenses ou recettes que celles qui se rapportent à l'exercice de ses compétences.
Toutefois, il est possible de prévoir des fonds de concours entre un EPCI à fiscalité propre et ses communes, qui constituent un mécanisme dérogatoire au principe de spécialité pour financer la réalisation ou le fonctionnement d'un équipement.
Ainsi, sont autorisés les fonds de concours pour :
- Les communautés de communes en vertu du V de l'article L.5214-16 du CGCT ;
- Les communautés d'agglomération en vertu VI de l'article L.5216-5 du CGCT ;
- Les communautés urbaines en vertu de l'article L.5215-26 du CGCT ;
- Les métropoles en vertu de l'article L.5215-26 par renvoi de l'article L.5217-7 du CGCT.
Le montant total des fonds de concours qui peuvent être versés par les communes à l'EPCI ou par l'EPCI aux communes ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours.
1.1.3. Versements anticipés du FCTVA
L'article L. 1615-1 du CGCT prévoit que les attributions des ressources du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) des collectivités territoriales visent à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses d'investissement ainsi que sur leurs dépenses pour l'entretien des bâtiments publics et de la voirie, l'entretien des réseaux payés à compter du 1er janvier 2020 et la fourniture de prestations de solutions relevant de l'informatique en nuage. Un certain nombre de dépenses listées limitativement par l'article L. 1615-2 du CGCT sont également éligibles au FCTVA.
Ces attributions sont déterminées dans le cadre d'une procédure de traitement automatisé des données budgétaires et comptables prévu par le II du même article.
Les bénéficiaires du FCTVA qui sont énumérés par l'article L. 1615-2 du CGCT sont les régions, les départements, les communes, la métropole de Lyon, leurs groupements, leurs régies, les services départementaux et territoriaux d'incendie et de secours, les centres communaux d'action sociale, les caisses des écoles, le Centre national de la fonction publique territoriale et les centres de gestion des personnels de la fonction publique territoriale au prorata de leurs dépenses éligibles en application de l'article L. 1615-1.
Le montant des attributions est calculé en appliquant aux montants des dépenses éligibles le taux de 16,404% défini par le I de l'article L. 1615-6 du CGCT, et par exception le taux de 5,6% pour les seules dépenses relatives aux solutions relevant de l'informatique en nuage.
Ces attributions sont déterminées et versées selon trois régimes de versement définis par l'article L. 1615-6.
Le régime de droit commun défini par le premier alinéa du II de l'article L. 1615-6 prévoit que les dépenses à prendre en considération pour la détermination des attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre d'une année déterminée sont celles afférentes à la pénultième année. Ce régime conduit donc à attribuer du FCTVA deux ans après la réalisation des dépenses éligibles.
Un régime dérogatoire défini par les deuxième, troisième et dixième alinéas du II de l'article L. 1615-6 prévoit que les attributions sont versées l'année de la réalisation des dépenses éligibles pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération instituées respectivement aux articles L. 5214-1 et L. 5216-1, les communes nouvelles mentionnées à l'article L. 2113-1 et les établissements publics territoriaux institués à l'article L. 5219-2, ainsi que les métropoles et les communautés urbaines qui se sont substituées à des communautés d'agglomération,.
Enfin, un deuxième régime dérogatoire défini par les alinéas quatre à huit et onze à dix-sept du II de l'article L. 1615-6 du CGCT prévoit que pour certaines catégories de bénéficiaires, notamment ceux qui ont déployé des mesures dans le cadre du plan de relance lors des exercices 2009 et 2010, les attributions prennent en compte les dépenses réalisées l'exercice précédent. Les attributions sont donc réalisées un an après la réalisation des dépenses.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
L'article 34 de la Constitution dispose que « la loi détermine les principes fondamentaux : (...) de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ». Les conditions d'exercice des compétences et d'attribution des ressources relèvent donc du domaine de la loi. Les conditions d'attribution des ressources du fonds de compensation de la TVA relèvent également du domaine de la loi.
L'article 38 de la Constitution prévoit que « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ».
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Les troubles à l'ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023 sur l'ensemble du territoire national ont conduit à des dégradations ou des destructions importantes de biens publics, et notamment des édifices et équipements publics des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Les autorités nationales et locales ont exprimé la volonté de reconstruire rapidement les biens dégradés ou détruits afin de permettre le maintien ou le retour de services publics essentiels pour les populations concernées, dans le respect du principe de continuité du service public, principe de valeur constitutionnelle reposant sur la nécessité de répondre aux besoins d'intérêt général sans interruption.
Pour faciliter la reconstruction des biens dégradés ou détruits, les collectivités territoriales et leurs groupements pourront compter sur deux catégories de financements spécifiques à ce type de contexte.
En effet, d'une part, et aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure (CSI), « L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ». Il s'agit d'un régime de responsabilité sans faute de l'Etat. Si ce dispositif devrait permettre que les réparations des dégradations commises dans le sillage des premiers rassemblements spontanés survenus le 27 juin 2023 soient prises en charge au titre du régime de responsabilité de l'article L. 211-10 du CSI, l'intervention de l'État se trouve ici limitée pour ce qui concerne les dégradations commises les jours suivants, et en particulier les pillages perpétrés en dehors de toute manifestation, qui ne présentent plus de lien avec des manifestations ou rassemblements mais présentent le caractère d'actions préméditées, n'ouvrant donc pas droit à indemnisation sur le fondement de ces dispositions.
D'autre part, les collectivités territoriales et leurs groupements ayant souscrit des contrats d'assurance couvrant les biens concernés pourront faire valoir les obligations de leurs assureurs, qui doivent garantir aux victimes de bénéficier rapidement des indemnisations qui leur sont dues puisqu'elles ne sont soumises à aucune discussion juridique quant au fondement de responsabilité.
Toutefois, le financement des réparations dues par l'État au titre de l'article L. 211-10 du CSI et les indemnisations des assureurs laisseront, dans bien des situations, un reste à charge pour les collectivités territoriales et leurs groupements Ce reste à charge sera constitué par de nombreuses dépenses éligibles au FCTVA et au fonds dédié au financement du reste à charge pour la remise en état des biens des collectivités territoriales et groupements impactés par les violences urbaines de l'été 2023 qui sera créé sur le programme 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Pour permettre ces financements du reste à charge, l'obligation de participation minimale du maître d'ouvrage est levée. Cette disposition complète ainsi les mesures d'accompagnement financier prises par le Gouvernement pour faciliter la réparation des dommages directement causés aux biens des collectivités territoriales et de leurs groupements par les actes de dégradation et de destruction liés aux évènements survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023.
Par ailleurs, compte tenu de l'importance du reste à charge et du caractère soudain de ces dépenses, les fonds de concours pourraient constituer une source de financement utile pour les territoires. Le régime des fonds de concours se montre toutefois restrictif dès lors que le montant plafond qui peut être versé par l'EPCI aux communes ou réciproquement ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours.
Les régimes de versement des attributions du FCTVA conduisent dans le cadre du régime de droit commun qui concerne près de 25 000 bénéficiaires à prévoir un versement deux ans après la réalisation des dépenses éligibles, ou pour près de 18 000 bénéficiaires, l'année qui suit la réalisation des dépenses. Compte tenu de l'importance et de l'urgence des dépenses d'investissement requises pour la remise en état des bâtiments, équipements ou matériels nécessaires au bon fonctionnement des services publics locaux, le régime de versement du FCTVA de droit commun pour la plupart des bénéficiaires peut constituer une source de difficulté. En effet, en temps normal, les investissements sont anticipés et les ressources nécessaires au portage des opérations d'investissement peuvent être programmées. En revanche, compte tenu du caractère imprévu des dommages subis lors des violences urbaines, ce décalage peut mettre les collectivités en difficulté pour mobiliser rapidement des ressources dans l'attente des attributions de FCTVA.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif poursuivi est de lever une contrainte financière pour la reconstruction des biens détruits dans le cadre des violences urbaines survenues entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, afin de permettre le retour ou le maintien de services publics essentiels pour les populations concernées.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Il a été envisagé de modifier directement la loi, mais le recours à une ordonnance a semblé plus adapté à la technicité du sujet.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le présent article prévoit une habilitation à agir par ordonnance pour faciliter le financement de la reconstruction. L'ordonnance portera trois types de mesures.
En premier lieu, elle adaptera le cadre applicable aux subventions versées aux collectivités locales pour permettre un subventionnement au-delà du plafond légal de 80%. En principe, sauf dérogation expresse prévue par la loi, toute collectivité territoriale ou groupement, maître d'ouvrage d'une opération d'investissement, doit assurer une participation minimale au financement de ce projet fixée à 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet. Pour accélérer la reconstruction des édifices et des équipements publics, cette obligation de participation minimale du maître d'ouvrage ne sera pas applicable au financement de ces projets. Ces derniers pourront donc le cas échéant bénéficier de subventions allant jusqu'à 100% du coût des travaux.
En second lieu, l'habilitation autorise l'ordonnance à organiser une dérogation au plafonnement des fonds de concours qui peuvent être versés entre les établissements publics à fiscalité propre et leurs communes.
Dans le droit commun en vigueur, le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours. Il est proposé que cette limite soit exceptionnellement supprimée pour laisser la possibilité de mobiliser les ressources disponibles afin d'accélérer la réparation des dommages causés aux biens des collectivités.
En troisième lieu, l'ordonnance pourra permettre le versement anticipé du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pour les travaux de reconstruction entrepris par les collectivités. Le régime de droit commun conduit à attribuer les droits au FCTVA deux ans après l'exécution des dépenses éligibles. Certaines entités bénéficient d'un régime dérogatoire permettant une attribution l'année qui suit la réalisation de la dépense ou, pour une partie d'entre elles, l'année de réalisation de la dépense.
Pour faciliter la prise en charge rapide des travaux nécessaires à la réparation des dommages subis par les collectivités territoriales et leurs groupements à l'occasion des évènements survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023 et ainsi faciliter le rétablissement du bon fonctionnement des services publics locaux, il est proposé d'accélérer les attributions du FCTVA en instaurant une dérogation au régime de versement. Il est ainsi proposé que les dépenses éligibles au FCTVA exécutées à ce titre fassent l'objet d'une attribution systématique et pour tous les bénéficiaires l'année d'exécution de ces dépenses.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.
5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION
Concernant l'habilitation donné au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures prévues au présent article, un délai d'habilitation de trois mois est prévu compte tenu de la technicité et du caractère prioritaire des dispositions à prendre.
Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
* 1 Question écrite n° 01976 -JO Sénat du 15/11/2012 - page 2607.
* 2 Conseil d'Etat, 6 décembre 1993, 103884, inédit au recueil Lebon.
* 3 Conseil d'Etat, 23 février 2005, n° 271270 ; avis rendu en s'appuyant sur l'ancien article L. 111-3 du code de l'urbanisme.
* 4 « le législateur n'a pas entendu donner le droit de reconstruire un bâtiment dont les occupants seraient exposés à un risque certain et prévisible de nature à mettre gravement en danger leur sécurité. Il en va notamment ainsi lorsque c'est la réalisation d'un tel risque qui a été à l'origine de la destruction du bâtiment pour la reconstruction duquel le permis est demandé.
Dans une telle hypothèse, il y a lieu, pour l'autorité compétente et dans les limites qui viennent d'être définies, de refuser le permis de construire ou de l'assortir, si cela suffit à parer au risque, de prescriptions adéquates, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme qui constitue une base juridique appropriée. »
* 5 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.
* 6 Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.
* 7 CJUE, 7 décembre 2000, Telaustria, aff. C-324/98.
* 8 Décision n° 2001-452 DC du 6 décembre 2001, Loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.
* 9 CE, 8 avril 2019, Société Orange et Région Réunion, n° 426096.