TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION
DU CONSEIL DES MINISTRES
ÉTUDE D'IMPACT
PROJET DE LOI
pour le plein emploi
NOR : MTRD2313163L/Bleue-1
6 juin 2023
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 8
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 10
VISION D'ENSEMBLE DE L'IMPACT ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE DE FRANCE TRAVAIL 15
TITRE I - UN ACCOMPAGNEMENT PLUS PERSONALISE DES DEMANDEURS D'EMPLOI DANS LE CADRE D'UN CONTRAT D'ENGAGEMENT UNIFIE ET D'UN RÉGIME DE DROITS ET DEVOIRS RENOVE 19
Article 1 : Inscription et orientation 19
Article 2 : Droits et devoirs 44
Article 3 : Orientation, droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active 57
TITRE II - UN RENFORCEMENT DES MISSIONS DES ACTEURS AU SERVICE DU PLEIN EMPLOI GRACE A UNE ORGANISATION RENOVÉE ET UNE COORDINATION PLUS EFFICIENTE 74
Article 4 : Réseau France Travail et gouvernance 74
Article 5 : L'opérateur France Travail 119
Article 6 : Les opérateurs chargés du repérage et de l'accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l'emploi 131
Article 7 : Formation - compétence de l'Etat et de l'opérateur France Travail (POEI) 142
TITRE III - FAVORISER L'ACCÈS À L'EMPLOI DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP 155
Article 8 : Dispositions en faveur de l'insertion dans l'emploi des personnes en situation de handicap 155
Article 9 : Faire converger les droits sociaux des travailleurs handicapés en milieu protégé 177
TITRE IV - GOUVERNANCE EN MATIERE D'ACCUEIL DU JEUNE ENFANT 190
Article 10 : Gouvernance en matière d'accueil du jeune enfant 190
TITRE V - DISPOSITIONS APPLICABLES DANS LES TERRITOIRES D'OUTRE-MER 221
Article 11 : Habilitation à légiférer par voie d'ordonnance pour les adaptations outre-mer 221
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Après une première étape à travers la loi visant à améliorer le fonctionnement du marché du travail promulguée en 2022, le Gouvernement poursuit ses réformes pour parvenir au plein emploi. Le présent projet de loi porte ainsi l'ambition d'un emploi pour tous à travers un accompagnement socioprofessionnel renforcé des personnes qui en ont le plus besoin, et une transformation du service public de l'emploi et de l'insertion.
C'est en premier lieu le sens du projet France Travail, à travers une transformation profonde de notre action collective pour atteindre l'amélioration substantielle de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, notamment des allocataires du revenu de solidarité active, mais également des entreprises, en s'appuyant sur l'organisation institutionnelle qui caractérise notre pays et en capitalisant sur les initiatives passées.
Devant le constat de la multiplicité des acteurs dans le champ de l'insertion sociale et professionnelle à laquelle sont confrontées les personnes en recherche d'emploi, au besoin d'accompagnement des publics les plus éloignés de l'emploi, à la nécessité d'aller chercher certains publics dits « invisibles », tout en répondant aux enjeux de tension de recrutement et d'améliorer, in fine, l'offre de service aux entreprises, une double transformation est nécessaire.
La première transformation consiste à mieux repérer et accompagner les employeurs et les demandeurs d'emploi, à fluidifier, définir des parcours et des principes communs en vue de les améliorer dans un souci de retour vers l'emploi plus rapide et efficace. Pour ce faire, l'inscription généralisée des personnes en recherche d'emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'insertion, en qualité de demandeurs d'emploi, est prévue auprès de l'opérateur France Travail. Afin de simplifier les démarches des personnes qui demandent l'attribution du revenu de solidarité active auprès des caisses d'allocations familiales ou de mutualité sociale agricole, cette inscription est automatique et concomitante à cette demande.
C'est une évidence à la fois par souci de simplicité et d'efficacité pour les usagers, par exigence d'équité entre nos concitoyens, confrontés à des pratiques trop disparates aujourd'hui selon les territoires, et par souci de mieux connaitre les besoins de l'ensemble des personnes dépourvues d'emploi afin de leur apporter la solution la plus appropriée. Cette inscription généralisée auprès du nouvel opérateur France Travail, permettra donc de ne plus « perdre » les personnes de vue et d'assurer un continuum de suivi des personnes pour éviter les ruptures de parcours.
Cela se traduit, pour toutes les personnes en recherche d'emploi, quelles que soient leurs difficultés, sociales ou professionnelles, par une évolution des règles actuelles sur le fondement des principes suivants :
- Une inscription à France Travail de toutes les personnes ayant besoin d'un accompagnement dans le cadre d'une orientation rénovée avec des procédures et des outils partagés ;
- Un cadre et une offre d'accompagnement améliorés, notamment au bénéfice des personnes les plus éloignées de l'emploi et des allocataires du revenu de solidarité active, grâce à des accompagnements plus personnalisés, plus intensifs, un cadre d'engagements réciproques plus clair et harmonisé ainsi qu'un régime de contrôle et de sanction plus juste, notamment pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active, plus progressif et, in fine, plus effectif ;
- Une offre de service rénovée à destination des employeurs ;
- Une formation davantage ciblée sur les personnes qui en ont le plus besoin et sur les besoins de recrutement des entreprises. Ces dernières bénéficieront d'une simplification et d'une amélioration de l'offre de services afin de réduire les emplois vacants et de révéler davantage le potentiel d'emplois sur les territoires.
La deuxième transformation vise à modifier en profondeur les modalités d'actions communes des acteurs de l'écosystème de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'insertion, pour mieux répondre aux enjeux des territoires. Il s'agit, dans le respect des compétences de chacun, de changer d'échelle en passant d'une coordination partenariale à une véritable coopération structurée des membres du réseau France Travail, en s'appuyant sur un écosystème plus lisible autour des principes suivants :
- Un cadre de gouvernance rénové et réellement outillé, dans le cadre de comités de pilotage co-présidés par l'Etat et les collectivités territoriales à chaque échelon territorial pertinent, et associant les partenaires sociaux aux niveaux national et régional ;
- La transformation du positionnement de Pôle emploi, devenu l'opérateur France travail, qui exercera des missions d'appui et de soutien au bénéfice de tous et en partenariat avec tous les acteurs du réseau France Travail, et des opérateurs spécialisés que sont les missions locales et les cap emploi ;
- La mise en place d'outils partagés, avec des services numériques communs, dans le cadre d'un patrimoine commun à tous les acteurs du réseau ;
- Un pilotage par les résultats partagés.
C'est aussi le sens des mesures prévues pour améliorer encore l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap, en adaptant le droit commun. La conférence nationale du handicap a réaffirmé que l'objectif de plein emploi est atteignable pour ce public comme pour la population générale. Il s'agit de garantir le droit fondamental des personnes en situation de handicap d'accéder à un travail librement choisi et la possibilité pour toutes les entreprises d'employer les personnes en situation de handicap dans l'environnement professionnel ordinaire, « de droit commun », comme n'importe quel salarié.
L'ambition est également de pouvoir lever les freins à l'emploi tenant à la nécessité de trouver un mode de garde pour les parents de jeunes enfants. En effet, l'offre d'accueil du jeune enfant souffre de fortes disparités territoriales et est en nombre insuffisant pour répondre aux besoins des parents d'enfants de moins de trois ans. Ces derniers, le plus souvent des mères, sont contraints de se retirer du marché du travail ou de réduire leur activité professionnelle, faute de places d'accueil disponibles et accessibles financièrement.
Pour lever les freins d'accessibilité territoriale, il est nécessaire de créer un nombre important de nouvelles places d'accueil de qualité. La gouvernance actuelle de la politique d'accueil du jeune enfant n'est pas adaptée à cette ambition. En particulier, il convient d'identifier un acteur responsable localement du déploiement de la politique d'accueil du jeune enfant et de lui donner les moyens de garantir à chaque parent qui en exprime le besoin, une place d'accueil de qualité pour son enfant de moins de trois ans.
C'est pour répondre à ces enjeux que le projet de loi prévoit de préciser la gouvernance de la politique d'accueil du jeune enfant et de renforcer les leviers du développement des modes d'accueil sur le territoire, selon les principes suivants :
- une stratégie nationale fixe les orientations de la politique d'accueil du jeune enfant en déterminant notamment les objectifs de développement quantitatif et qualitatif de l'offre d'accueil et les besoins de formation professionnelle associés ;
- les communes, acteur-clé du secteur de la petite enfance au niveau local, se voient confier le rôle d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant que nombre d'entre elles exerçaient déjà dans les faits. A ce titre, elles informent et accompagnent les familles, recensent leurs besoins en termes de places d'accueil ainsi que l'offre existante pour y répondre, et pilotent le développement de l'offre d'accueil et de soutien à la qualité d'accueil ;
- la branche famille de la sécurité sociale, principal financeur de la politique d'accueil du jeune enfant, apporte son soutien financier et en ingénierie aux autorités organisatrices ;
- les comités départementaux de services aux familles suivent la mise en oeuvre des plans de développement élaborés par les autorités organisatrices, afin de garantir, sur l'ensemble du territoire, le déploiement d'une politique d'accueil du jeune enfant répondant aux besoins des familles de conciliation de leurs vies familiale et professionnelle.
Structuré autour de cinq titres, le présent projet de loi entend traduire ces ambitions pour permettre à chacun l'accès à l'autonomie et à la dignité par le travail.
Ainsi, le Titre Ier du projet de loi pose les fondements du nouveau parcours usager pour un accompagnement plus personnalisé de l'ensemble des personnes en recherche d'emploi qui s'appuie sur une inscription de tous, auprès de l'opérateur France Travail, en qualité de demandeurs d'emploi, un contrat d'engagement unifié et un régime de droits et devoirs rénové.
Le Titre II pose les jalons de la transformation de la coordination des acteurs de l'écosystème emploi, formation, insertion dans le cadre de France Travail et procède aux évolutions nécessaires des missions de l'opérateur France Travail.
Le Titre III tire les conséquences de la Conférence nationale du handicap dans le champ de l'emploi. Il s'attache à assurer une plus grande personnalisation de l'accompagnement des personnes en situation de handicap en vue de leur accès et leur retour à l'emploi. Dans une logique d'inclusivité, le service public de l'emploi doit être la porte d'entrée pour tous les travailleurs handicapés avec, en tant que de besoin, l'appui des professionnels experts de la sphère médico-sociale.
Le Titre IV intitulé « Gouvernance en matière d'accueil du jeune enfant » vise à améliorer le développement tant quantitatif que qualitatif de l'offre d'accueil du jeune enfant.
Le Titre V prévoit une habilitation à légiférer par ordonnance pour l'application des dispositions du projet de loi à l'outre-mer.
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS
Article |
Objet de l'article |
Consultations obligatoires |
Consultations facultatives |
1 |
Inscription - orientation |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) Conseil central d'administration de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) Conseil d'administration de Pôle emploi |
Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées |
2 |
Droits et devoirs |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) Conseil d'administration de Pôle emploi |
Néant |
3 |
Orientation et droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) Conseil d'administration de Pôle emploi Conseil d'administration de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) Conseil central d'administration de la mutualité sociale agricole (CCMSA) |
Néant |
4 |
Gouvernance et opérateurs spécialisés |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
Néant |
5 |
L'opérateur France Travail |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) Conseil d'administration de Pôle emploi |
Conseil national consultatif des Personnes Handicapées |
6 |
Les nouveaux opérateurs chargés du repérage et de la remobilisation |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) |
Néant |
7 |
Formation - compétence de l'Etat et de l'opérateur France Travail |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) Conseil d'administration de Pôle emploi |
Néant |
8 |
Mesures issues de la Conférence nationale du handicap (CNH) - code du travail |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
Conseil national consultatif des personnes handicapées |
9 |
Mesures issues de la Conférence nationale du handicap (CNH) - code de l'action sociale et des familles |
Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
Conseil national consultatif des personnes handicapées |
10 |
Mesures petite enfance |
Conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) Caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
Néant |
11 |
Habilitation à légiférer par ordonnance pour les adaptations Outre-mer |
Néant |
Néant |
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION
Article |
Objet de l'article |
Textes d'application |
Administration compétente |
1 |
Inscription et orientation |
Décret en Conseil d'Etat Décrets simples Arrêtés |
Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
2 |
Droits et devoirs |
Décret en Conseil d'Etat Décret simple |
Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
3 |
Orientation et droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active |
Décret en Conseil d'Etat Décret simple |
Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) |
4 |
Réseau France Travail et gouvernance |
Décret en Conseil d'Etat Décret simple |
Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
5 |
L'opérateur France Travail |
Décret en Conseil d'Etat Décret simple |
Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
6 |
Les nouveaux opérateurs chargés du repérage et de la remobilisation |
Décret simple |
Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
7 |
Formation - compétence de l'Etat et de l'opérateur France Travail (POEI) |
Décret simple |
Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
8 |
Dispositions en faveur de l'insertion dans l'emploi des personnes en situation de handicap |
Décret en Conseil d'Etat Décrets simples Arrêté |
Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) |
9 |
Faire converger les droits sociaux des travailleurs handicapés en milieu protégé |
Décret en Conseil d'Etat Arrêté |
Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) |
10 |
Gouvernance en matière d'accueil du jeune enfant |
Décret en Conseil d'Etat Décret simple |
Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) |
11 |
Habilitation à légiférer par ordonnance pour les adaptations Outre-mer |
Ordonnance |
Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) |
TABLEAU D'INDICATEURS
Indicateur |
Objectif et modalités de l'indicateur |
Objectif visé (en valeur et/ou en tendance) |
Horizon temporel de l'évaluation (période ou année) |
Identification et objectif des dispositions concernées |
Taux d'emploi |
Il est calculé en divisant le nombre d'actifs occupés par la population en âge de travailler. Le taux d'emploi en France est de 68,5% en 2022. |
La réforme France Travail, via l'accompagnement des personnes en recherche d'emploi et des entreprises qui cherchent à recruter doit contribuer in fine à augmenter le taux d'emploi. |
2027 |
Titres I et II |
Taux de retour à l'emploi durable des personnes dépourvues d'emploi, en particulier les allocataires du revenu de solidarité active |
- Le taux de retour à l'emploi des allocataires du revenu de solidarité active est identique à celui des personnes en situation de handicap et inférieure à celui de l'ensemble des autres catégories de demandeurs d'emploi (source : Cour des Comptes)1(*). 7 ans après l'entrée au revenu de solidarité active, seuls 11% des bénéficiaires ont retrouvé un emploi durable. |
L'objectif est une amélioration du taux de retour durable à l'emploi de l'ensemble des personnes en recherche d'emploi, en particulier les allocataires du revenu de solidarité active - les objectifs varieront en fonction de la situation initiale de la personne et des modalités d'accompagnement proposées |
2027 |
Titres I et II |
Nombre de personnes en recherche d'emploi non orientées vers un accompagnement |
- Environ 17% des allocataires du revenu de solidarité active sont en attente d'orientation, parfois depuis plusieurs années - 42 % des jeunes qui ont terminé leur formation initiale (16 - 29 ans) et sont sans emploi ne mobilisent pas le service public de l'emploi, soit environ 800 000 personnes |
L'objectif visé est d'orienter l'ensemble des personnes en recherche d'emploi vers la bonne structure d'accompagnement dans un délai d'un mois après leur inscription |
2027 |
Titres I et II |
Délais entre l'inscription à France Travail et la première action d'accompagnement |
- Le délai d'orientation moyen pour les personnes inscrites à Pôle emploi est aujourd'hui d'environ 3 semaines. Néanmoins, le délai entre l'inscription et la première action d'accompagnement peut être plus long, suite à un délai parfois de quelques semaines entre l'orientation et le premier rendez-vous avec le conseiller référent. - Pour les allocataires du RSA, ce délai est, en moyenne nationale, de 5 mois, l'orientation prenant en moyenne 3 mois et la mise en place de l'accompagnement 2 mois. |
La mise en place d'un processus plus simple d'inscription et des critères communs d'orientation, doivent permettre de réduire significativement ces délais, notamment pour les allocataires du revenu de solidarité active. |
2027 |
Titres I et II |
Part des entreprises qui recrutent en contact avec le réseau France Travail |
Ratio qui correspondrait au nombre d'entreprises en contact (prospectées ou accompagnées) avec un des membres du réseau France Travail rapporté au nombre d'entreprises qui recrutent en France chaque année (~820 000 en 2022) - ce ratio est estimé à 30% aujourd'hui |
La meilleure coordination des acteurs et outillage des équipes doit permettre de libérer du temps pour davantage de prospection afin de viser un ratio de 80% |
2027 |
Titres I et II |
Taux d'évolution de retour à l'emploi des personnes bénéficiant de l'obligation d'emploi |
Indicateur trimestriel suivi et piloté dans le cadre du rapprochement Pôle emploi/Cap Emploi - Nombre de retour de l'année 1 comparé à celui de l'année 0 à la même date. Ce ratio est de 4,5% en 2022. |
Indicateur synthétisant l'ensemble des actions en faveur de l'emploi. Il donne également une représentation de la mobilisation des acteurs. |
Indicateur trimestriel 2027 |
Titre III |
Taux d'emploi direct des bénéficiaires de l'obligation d'emploi |
Indicateur de suivi et piloté par la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) pour le secteur privé. Ce ratio est de 3,5% sans majoration pour travailleurs âgés, et de 4,5% avec cette majoration en 2022. |
L'indicateur permet de mesurer le niveau de satisfaction de l'obligation d'emploi par les employeurs privés. |
Indicateur annuel. Le taux de l'année n est publié au T4 de l'année n+1 2027 |
Titre III |
Nombre de relais petite enfance (RPE) dans les communes de plus de 10 000 habitants |
Recensement du nombre de RPE dans les communes de plus de 10 000 habitants |
Passer d'une couverture par un RPE dans les communes de plus de 10 000 habitants de 89% à 100% |
Evaluation annuelle à compter de 2025 |
Obligations de disposer d'un RPE dans les communes de plus de 10 000 habitants |
Nombre de communes de plus de 3 500 habitants ayant adopté un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil |
Recensement du nombre de communes de plus de 3 500 habitants ayant adopté un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil |
100% des communes de plus de 3 500 habitants sont dotés d'un schéma |
Evaluation annuelle à compter de 2025 |
Obligation d'établir un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil dans les communes de plus de 3 500 habitants |
Nombre de places nouvelles en accueil collectif (quel que soit le gestionnaire) et individuel |
Recensement du nombre de places nouvelles en accueil collectif (quel que soit le gestionnaire) et individuel |
200 000 nouvelles places à l'horizon 2030 |
Evaluation annuelle |
Reconnaissance de la qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant aux communes Compétence obligatoire des communes de plus de 3 500 habitants en matière de pilotage du maintien et du développement des modes d'accueil |
VISION D'ENSEMBLE DE L'IMPACT ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE DE FRANCE TRAVAIL
Les dispositions de ce projet de loi s'inscrivent dans un projet plus global de réforme profonde du service public de l'emploi et de l'offre de service proposée. Les modifications apportées par ce texte sur l'inscription, l'orientation et les droits et devoirs des personnes en recherche d'emploi, ainsi que la transformation des modalités d'actions communes des acteurs de l'écosystème de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'insertion, sont des conditions nécessaires à la réussite de ce projet. Néanmoins, elles devront être accompagnées d'autres mesures opérationnelles en vue de l'atteinte du plein emploi. Cette section replace donc les dispositions de ce projet de loi dans le cadre plus global du projet France Travail et de ses impacts attendus.
Pour atteindre le plein emploi à horizon 2027, et donc passer d'un taux de chômage de 7,1% à 5,0%, il faudra créer plusieurs centaines de milliers d'emplois sur les quatre prochaines années et accompagner les personnes qui aujourd'hui sont les plus éloignées de l'emploi (avec donc plus de difficultés à résoudre) pour obtenir une baisse équivalente de personnes dans l'ensemble du « halo » du chômage.
Les deux leviers de création d'emplois seront mis en oeuvre par le réseau France Travail.
1. L'accompagnement intensif des personnes en recherche d'emploi
Près de 17%2(*) des allocataires du revenu de solidarité active ne sont pas orientés vers une structure d'accompagnement, et la grande majorité des demandeurs d'emploi et des allocataires du revenu de solidarité active sont aujourd'hui accompagnés dans des tailles de portefeuille supérieures à 150 personnes par conseiller3(*), ce qui ne permet pas d'assurer un accompagnement suffisamment intensif et de l'adapter de manière suffisamment réactive.
L'accompagnement intensif des personnes, avec des contacts beaucoup plus rapprochés entre le conseiller et la personne en recherche d'emploi, a fait l'objet d'un grand nombre d'évaluations et de travaux de recherche ces vingt dernières années. L'ensemble de ces études montrent un plus haut taux de retour à l'emploi des personnes accompagnées intensivement, par rapport à celles faisant l'objet d'un suivi beaucoup moins important.
Pour « créer des emplois », ces retours à l'emploi supplémentaires générés par l'intensification et l'amélioration de l'accompagnement devront se faire sur des offres d'emploi qui ne seraient pas pourvues en l'absence d'intervention de France Travail.
En particulier :
- l'accompagnement global mené conjointement par un conseiller emploi et un travailleur social auprès des personnes rencontrant des difficultés socio-professionnelles augmente de 27 %4(*) le taux de retour à l'emploi durable au cours des 6 mois qui suivent l'entrée dans le dispositif ;
- les bénéficiaires de la Garantie jeunes avaient un taux d'accès à l'emploi de 54 %, soit 21 points de plus que celui des jeunes comparables suivis en mission locale sans être en Garantie jeunes5(*). Les premiers résultats à la suite du lancement du Contrat d'engagement Jeunes qui a succédé à la Garantie jeunes sont tout aussi encourageants (80% de retour à l'emploi sur la première cohorte dont 50% en emploi durable)6(*) ;
- Les résultats des appels à projets du plan d'investissement dans les compétences, et notamment ceux des dispositifs Repérage, 100 % inclusion et Intégration professionnelle des réfugies montrent que :
o 34 % des bénéficiaires sont en contrats à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de plus de 6 mois ou en formation qualifiante à la sortie du parcours 100 % inclusion qui prévoit un accompagnement renforcé ;
o 37,6 % des bénéficiaires sont en contrats à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de plus de 6 mois ou en formation qualifiante à la sortie du parcours Intégration des Personnes Réfugiées.
Pourtant, les personnes dépourvues d'emploi qui en auraient besoin sont loin de bénéficier d'un accompagnement adapté, intensif, personnalisé et global ; par exemple :
- 42 % des jeunes qui ont terminé leur formation initiale (16 - 29 ans) et sont sans emploi ne mobilisent pas le service public de l'emploi, soit environ 800 000 personnes ;
- 17 %7(*) des allocataires du revenu de solidarité active ne sont pas orientés vers un organisme d'accompagnement, soit environ 340 000 personnes ;
- trois bénéficiaires du revenu de solidarité active sur cinq ont eu, en 2018, au moins un besoin d'aide en matière professionnelle ou sociale qui n'a pas abouti à un accompagnement ;
- seul un tiers des bénéficiaires a déclaré avoir eu un accompagnement à visée professionnelle ou sociale au cours de l'année 2018.
Au total, la mise en place de France Travail permettra ainsi :
- de mieux repérer et d'inscrire plus de personnes, et de leur faire bénéficier ainsi d'un accompagnement personnalisé ;
- d'accroître l'intensité d'accompagnement pour les bénéficiaires qui en ont besoin ;
- d'améliorer l'offre des service aux employeurs, tout particulièrement aux très petites et moyennes entreprises ;
- d'accroître l'accès et l'efficacité des formations.
Ces différents effets contribueront à accroître le retour à l'emploi et le taux d'emploi, et de réduire le taux de chômage.
2. La prospection et l'accompagnement des entreprises
Un peu plus d'un tiers des entreprises8(*) qui recrutent en emploi durable en France chaque année reçoivent des services d'aide au recrutement du service public de l'emploi, via la prospection (démarche proactive de contact des entreprises) ou un accompagnement une fois une offre d'emploi déposée. Pourtant, la très grande majorité des entreprises de moins de 50 salariés notamment, qui représentent 70% des embauches9(*), n'ont pas de service de ressources humaines et n'ont pas toujours les connaissances pour recruter efficacement sur le marché du travail.
Au total, on estime à plusieurs centaines de milliers le nombre de projets de recrutement qui ont été abandonnés en 2022 par l'employeur faute de candidat.
Des études récentes10(*) ont montré le potentiel de création d'emplois associé à la prospection et l'accompagnement des entreprises dans leur recrutement. Davantage de contacts directs et proactifs des entreprises, particulièrement les très petites et moyennes entreprises, et un soutien plus intensif des entreprises pour qu'elles favorisent dans leurs arbitrages la création d'emplois, peut contribuer à révéler un large potentiel d'emplois dans le pays.
Au total, l'action auprès des entreprises permettra de :
- réduire les délais de recrutement par une offre de service davantage adaptée notamment et un meilleur sourçage ;
- limiter le nombre d'abandons de recrutements faute de candidat ;
- encourager les employeurs qui hésitent à se lancer dans un projet d'embauche de le faire en les rassurant et les accompagnant dans les différentes phases du recrutement, depuis la définition du projet et la conception de poste jusqu'à l'accompagnement dans l'emploi de la personne recrutée.
Tous ces effets contribueront à accroître le taux d'emploi et réduire le taux de chômage.
Ces deux leviers d'action doivent permettre de créer plusieurs centaines de milliers d'emploi sur la période 2024-2027, et ainsi contribuer à l'atteinte du plein emploi.
Pour quantifier l'impact de ces créations d'emploi, il est utile de rappeler ici le « coût direct évité du chômage » pour les finances publiques, dès lors qu'une personne retrouve un emploi. Ce coût, pour une personne avec droit à indemnisation ouvert sur toute l'année, se situe en moyenne entre 13 000 et 25 000 euros, selon le statut de la personne.
Statut des personnes dépourvues d'emploi |
Indemnisation |
Cotisations sociales « non perçues » |
Impôts et TVA « non perçus » |
Coût de l'accompagnement11(*) |
Total |
Personne indemnisée à l'assurance chômage |
15 520€ |
5 400 € |
1 000 € |
1 300 € |
23 220 € |
Personne indemnisée au RSA |
5 929€ |
5 400€ |
1 000 € |
1 300 € |
13 629 € |
Mission France Travail ; rapport IGF-IGAS, « L'évaluation économique de l'expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD), octobre 2019 ; rapport Cour des comptes, « Le revenu de solidarité active (RSA), janvier 2022.
L'atteinte des objectifs de France Travail nécessitera des moyens supplémentaires pour l'ensemble du réseau France Travail, qui seront précisés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. Ces moyens seront alloués prioritairement dans les actions ayant le plus fort rendement en termes de créations d'emplois. France Travail s'inscrit donc dans une dynamique d'investissement social et de rendement des actions du service public de l'emploi, pour l'atteinte du plein emploi en 2027.
TITRE I - UN ACCOMPAGNEMENT PLUS PERSONALISE DES DEMANDEURS D'EMPLOI DANS LE CADRE D'UN CONTRAT D'ENGAGEMENT UNIFIE ET D'UN RÉGIME DE DROITS ET DEVOIRS RENOVE
Article 1 : Inscription et orientation
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Environ cinq millions de personnes sont en recherche d'emploi, au début de l'année 2023 en France. Trois millions de personnes sans emploi sont inscrites à Pôle emploi (auxquelles s'ajoutent 2,5 millions de personnes déjà en emploi inscrites à Pôle emploi). Par ailleurs, près de 1,1 million de jeunes sont accompagnés, chaque année, par les missions locales. Fin juin 2022, 1,89 millions de foyers sont bénéficiaires du revenu de solidarité active12(*).
L'entrée dans un parcours d'accompagnement et d'insertion, qui s'appuie sur une demande d'inscription puis une orientation, revêt des modalités différentes selon le statut des personnes concernées et peut se faire auprès de multiples acteurs.
S'agissant de l'inscription, celle-ci peut être réalisée auprès de différents guichets, en particulier directement auprès des principaux opérateurs en charge de l'accompagnement :
· Pôle emploi, en application de l'article L. 5312-1 du code du travail, a pour mission notamment d'« Accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes, qu'elles disposent ou non d'un emploi, à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel » et il inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi les personnes en recherche d'emploi qui ont font la demande (L. 5411-11). En moyenne au quatrième trimestre 2022, en France métropolitaine, 5,1 millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi et tenues de rechercher un emploi (catégories A, B, C). Parmi elles, 2,8 millions de personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2,3 millions de personnes exercent une activité réduite (catégories B, C) ;
· Le réseau associatif des missions locales, régi par les dispositions des articles L. 5314-1 à 4 du code du travail. Dans le cadre de leur mission de service public pour l'emploi, les missions locales ont notamment « pour objet d'aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale ». Près de 1,1 millions de jeunes sont à ce titre suivis par le réseau des missions locales chaque année, dont 440 000 accueillis pour la première fois13(*) ;
· Les Cap emploi pour les personnes en situation de handicap en recherche d'emploi, qui selon l'article L. 5214-3-1 du code du travail « participent au dispositif d'insertion professionnelle et d'accompagnement spécifique prévus pour les travailleurs handicapés [et] « assurent, en complémentarité avec [Pôle emploi] une prise en charge adaptée des demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi dans des conditions définies par convention ». A ce titre, les Cap emploi accueillent et accompagnent plus de 220 000 personnes en situation de handicap14(*). Depuis 2019, un rapprochement avec Pôle emploi a été engagé à travers les lieux unique d'accueil (LUA) ;
· L'association pour l'emploi des cadres (APEC), association paritaire dont les activités de service d'intérêt économique général sont définies par un accord national interprofessionnel (ANI) et son mandat de service public 2022-2026, agissant en qualité d'organisme privé « dont l'objet consiste en la fourniture de services relatifs au placement, à l'insertion, à la formation et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi » mentionné à l'article L. 5311-4 du code du travail. En 2022, plus de 156 000 cadres et jeunes diplômés ont été accompagnés par les consultants de l'Apec15(*). Par ailleurs, l'Apec et Pôle emploi se sont fixés l'objectif d'accompagner ensemble plus de 10 000 cadres demandeurs d'emploi en 2021, dans le cadre de l'accord-cadre de partenariat entre Pôle emploi et l'Apec pour la période 2020-2023 ;
· Les départements (et centres d'action sociale), les caisses d'allocations familiales et la mutualité sociale agricole pour les personnes relevant du régime agricole constituent, pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active, la porte d'entrée. L'instruction administrative de la demande de revenu de solidarité active est réalisée par les services du département, les centres d'action sociale ou les caisses. Les caisses sont ensuite chargées du service de l'allocation16(*). La compétence des politiques d'insertion appartenant au département17(*), le Président du Conseil départemental est en charge de l'orientation des bénéficiaires18(*). Fin 2021, il était possible de compter environ 1,9 millions de bénéficiaires du revenu de solidarité active19(*).
Au-delà de ces opérateurs ou institutions, les personnes en recherche d'emploi peuvent s'adresser directement à des organismes pour bénéficier de l'accompagnement qu'ils assurent, notamment les structures de l'insertion par l'activité économique (article L. 5132-2 du code du travail), et pour les jeunes l'établissement public d'insertion de la défense (Etablissement pour l'insertion dans l'emploi, article L. 3414-1 du code de la défense) ou les Ecoles de la deuxième chance (article L. 214-14 du code de l'éducation). Elles peuvent aussi solliciter de l'information auprès de structures associatives, ou de lieux de proximité, comme les points France services.
S'agissant de la procédure d'entrée, la plupart des acteurs procèdent désormais à une inscription par le biais d'une téléprocédure, avec des actions assurant un accompagnement à l'inscription en cas de besoin, et selon des modalités d'accès qui varient selon le guichet :
- Pour les demandeurs d'emploi qui s'adressent à Pôle emploi, l'inscription se fait exclusivement en ligne avec toutefois une possibilité d'être accompagné par des agents ou des personnes effectuant leur service civique en agence, par des partenaires (par exemple dans les France services) ou par téléphone ;
- Pour les demandes de revenu de solidarité active, si la demande d'allocation peut s'effectuer en ligne ou par formulaire papier, la téléprocédure est largement majoritaire (environ 70 %). Ce chiffre nécessite cependant d'être nuancé par le recours non négligeable à des aidants numériques, dans les caisses d'allocations familiales elles-mêmes, dans les France services ainsi qu'auprès des acteurs exerçant traditionnellement des missions d'accès aux droits, conseils départementaux et centres communaux d'action sociale ;
- Concernant les missions locales, les usages en matière d'inscription dépendent de chaque mission locale : certaines proposent une pré-inscription en ligne permettant d'être recontacté (par sms, courriel ou téléphone) pour fixer un rendez-vous avec un conseiller (par exemple dans la mission locale de Marseille, du Tarn-et-Garonne ou encore celle de Paris) quand d'autres utilisent uniquement le contact personnel qui peut-être sur ou sans rendez-vous.
Dans tous les cas, l'inscription s'accompagne toujours de la transmission des documents administratifs ainsi que d'un ensemble d'informations recueillies via la téléprocédure (à l'exception des missions locales qui ne disposent pas d'un tel process sur l'ensemble du réseau), dont la liste est propre à chaque acteur.
L'inscription auprès de chaque acteur génère des statuts de nature différentes et des droits et devoirs (cf. articles 2 et 3), en fonction des dispositions législatives et réglementaires propres à chacun des acteurs. Ainsi, en application de l'article L. 5411-1 du code du travail : « a la qualité de demandeur d'emploi toute personne qui recherche un emploi et demande son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi auprès de Pôle emploi ». La procédure d'inscription auprès de Pôle emploi a pour effet l'inscription sur la liste de demandeurs d'emploi, gérée par l'opérateur et qui donne lieu à l'application d'un certain nombre de droits et devoirs pour la personne inscrite. Or, toutes les personnes accompagnées vers un emploi ne sont pas automatiquement inscrites auprès de Pôle emploi, et n'ont pas la qualité de demandeur d'emploi.
S'agissant de la procédure d'orientation vers une modalité d'accompagnement, celle-ci est aujourd'hui opérée majoritairement à la suite d'un premier entretien de diagnostic en physique, selon des modalités propres à chaque opérateur :
· A Pôle emploi et dans les missions locales, cette orientation s'effectue en effet à la suite d'un premier entretien physique, d'une durée moyenne de 50 minutes, lequel donne ensuite lieu à l'orientation vers la bonne modalité d'accompagnement et, le cas échéant, à un second rendez-vous. Concernant plus particulièrement les orientations par Pôle emploi, il faut toutefois préciser que l'entretien systématique ne concerne que les nouveaux inscrits ;
· La grande majorité des départements réalise, pour les allocataires du revenu de solidarité active, une orientation à la suite d'un premier entretien en physique, qui donne lieu à l'orientation vers des institutions et organismes compétents en matière d'accompagnement professionnel, socio-professionnel ou social (cf. étude d'impact de l'article 3 relatif à l'orientation des bénéficiaires du revenu de solidarité active), et le cas échéant, à un second rendez-vous physique. Certains départements proposent plus spécifiquement des plateformes d'orientation, parfois avec d'autres partenaires de l'action sociale (notamment la caisse d'allocations familiales). Une approche d'orientation directe n'est adoptée que dans quelques départements, selon des modalités très différentes : certains départements utilisant les données d'inscription et de déclaration socio-professionnelle (comme la Seine-Saint-Denis et la Réunion), d'autres (comme la Gironde ou la Seine-et-Marne) utilisant uniquement des données d'inscription et les bases de données du département.
Ce premier entretien de diagnostic est rarement effectué directement avec le conseiller qui aura la charge de l'accompagnement et n'a pas vocation à aborder l'élaboration du plan d'action relatif au parcours socioprofessionnel. Il est suivi quelques semaines après par un premier entretien d'accompagnement avec un référent unique.
L'orientation des personnes emporte différentes pratiques et vise différents parcours selon le mode d'entrée et le statut des personnes.
Pour les demandeurs d'emploi accompagnés par Pôle emploi, l'orientation est faite principalement vers l'une des modalités de suivi et d'accompagnement en fonction de l'autonomie des demandeurs d'emploi. Dans le cadre de ces modalités d'accompagnement, le demandeur d'emploi peut se voir prescrire une formation correspondant à ses besoins. L'orientation peut aussi s'effectuer vers un opérateur spécialisé, comme les missions locales pour les jeunes de moins de 25 ans (150 000 jeunes demandeurs d'emploi sont orientés vers un accompagnement par une mission locale en moyenne par an), l'Association pour l'emploi des cadres (dans le cadre de l'accord cadre de partenariat entre l'Association pour l'emploi des cadres et Pôle emploi 2020-2023), les Cap emploi pour les personnes en situation de handicap (notamment dans le cadre du rapprochement entre Cap emploi et Pôle emploi initié en 2019), etc.
Pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active, la compétence d'orientation est confiée au président du Conseil départemental qui est chargé, en fonction de la situation du bénéficiaire, de déterminer l'institution ou l'organisme le plus adapté pour l'accompagner. La loi20(*) fixe une orientation prioritaire des bénéficiaires vers un accompagnement professionnel ou socio-professionnel. L'accompagnement à visée sociale est subsidiaire et limité aux bénéficiaires connaissant des difficultés particulières, notamment en matière de logement ou de santé. Le code de l'action sociale et des familles prévoit également une orientation des bénéficiaires de moins de 25 ans vers les missions locales, quand leur situation le justifie.
Or, tous les allocataires du revenu de solidarité active soumis aux droits et devoirs ne sont pas orientés vers un organisme d'accompagnement : en 2020, 17% n'étaient pas orientés21(*). Les pratiques des départements sont hétérogènes : dans 15 départements, plus de 30 % des allocataires du revenu de solidarité active ne sont pas orientés. Les décisions d'orientation et les répartitions entre les acteurs de l'insertion sont très hétérogènes d'un département à l'autre, sans que la disparité de profils ou de contexte sociologique ou économique entre départements ne puisse l'expliquer. Comme l'évoque la Cour des comptes dans son rapport de janvier 2022, « il existe un décalage important entre la situation des allocataires du revenu de solidarité active et la réponse qui leur est apportée », qui fluctue sensiblement - à situation équivalente - selon le département de résidence22(*).
En moyenne, 42 % des allocataires du revenu de solidarité active sont orientés vers Pôle emploi, 6% vers une mission locale ou un autre acteur du service public de l'emploi. Les taux d'orientation vers les acteurs du service public de l'emploi varient de 0 % à 80 % selon les départements. Par ailleurs, 31% des allocataires sont orientés vers le conseil départemental ou territorial, et 21% vers des organismes hors service public de l'emploi et autres que le conseil départemental ou territorial, dont les centres communaux d'action sociale, associations, etc.23(*) (cf. article 3 relatif à l'orientation des bénéficiaires du revenu de solidarité active).
Pour les jeunes qui les sollicitent, les missions locales orientent les jeunes vers différents dispositifs d'accompagnement socioprofessionnel. Au titre du « droit à l'accompagnement » prévu à l'article L. 5131-3 du code du travail pour « tout jeune de seize à vingt-cinq ans révolus en difficulté et confronté à un risque d'exclusion professionnelle », les missions locales peuvent notamment proposer aux jeunes qui en remplissent les conditions de contractualiser un parcours contractualisé vers l'emploi (PACEA) ou, depuis le 1er mars 2022, un accompagnement intensif, le contrat d'engagement jeune (CEJ). En 2022, plus de 250 000 parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie ont été signés et 200 000 accompagnements intensif ont été engagés24(*).
Par ailleurs, une fois l'orientation réalisée, l'accompagnement des personnes en recherche d'emploi est souvent peu intensif et individualisé, et ne correspond pas aux besoins d'accompagnement de la personne. En effet, plusieurs études démontrent que l'accompagnement intensif et individualisé vers l'emploi porte ses fruits dès lors qu'il est mis en place dans de bonnes conditions :
· L'accompagnement global mené conjointement par un conseiller emploi et un travailleur social auprès des personnes rencontrant des difficultés socio-professionnelles augmente de 27 % le taux de retour à l'emploi durable au cours des 6 mois qui suivent l'entrée dans le dispositif25(*) ;
· Les bénéficiaires de la Garantie jeunes avaient un taux d'accès à l'emploi de 54 %, soit 21 points de plus que celui des jeunes comparables suivis en mission locale sans être en Garantie jeunes. Les premiers résultats à la suite du lancement du Contrat d'engagement Jeunes qui a succédé à la Garantie jeunes sont tout aussi encourageants (80% de retour à l'emploi sur la première cohorte dont 50% en emploi durable).
Pourtant, les personnes dépourvues d'emploi qui en auraient besoin ne bénéficient pas tous d'un accompagnement adapté, intensif, personnalisé et global. En effet, les accompagnements s'avèrent souvent peu intensifs alors que des études récentes montrent l'effet positif du nombre et de la qualité des contacts entre un demandeur d'emploi et son conseiller sur sa trajectoire de retour à l'emploi :
· 80 % des demandeurs d'emploi accompagnés par Pôle emploi relèvent des modalités suivi et guidé, par construction peu intensives. En particulier, 70 % des allocataires du revenu de solidarité active orientés vers Pôle emploi relèvent de ces modalités26(*) ;
· Pour les allocataires du revenu de solidarité active accompagnés par le département ou ses délégataires, comme pour ceux accompagnés par Pôle emploi, le niveau d'intensité, bien qu'il ne se limite pas à ces actions, s'appuie respectivement sur deux actions par Contrat d'Engagement Réciproque et une prestation par an pour les demandeurs d'emploi. Seuls 4 % des allocataires du revenu de solidarité active sont en accompagnement global assuré par un binôme « conseiller Pôle emploi- travailleur social »27(*).
En outre, les tailles de portefeuille de personnes accompagnées sont très variables, ne permettant pas - parfois faute de moyens - la mise en place d'un accompagnement intensif pour toutes les personnes qui en ont besoin :
· Environ 100 personnes et plus par conseiller en missions locales ;
· Entre 100 et 200 personnes par professionnel dans les départements (estimation basée sur les statistiques de la direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques) ;
· Environ 30 personnes en contrat d'engagement jeunes par agent, en moyenne 53 personnes en accompagnement global28(*), et plus majoritairement environ 450 personnes (suivi) chez Pôle emploi en fonction des modalités d'accompagnement, sans compter les demandeurs d'emploi « rattachés » aux portefeuilles des agents et qui peuvent solliciter leur conseiller.
Enfin, les actions engagées dans le cadre de l'accompagnement sont souvent peu tournées vers l'emploi ou l'entreprise :
· En 2021, en moyenne, les conseillers Pôle emploi ont transmis aux demandeurs d'emploi 4,8 offres, soit une hausse de 63 % entre 2018 et 2021 mais qui laisse une marge d'amélioration ;
· 76 % des Contrats d'Engagement Réciproques (CER) signés entre les allocataires du revenu de solidarité active et les travailleurs sociaux ne contiennent aucune action à visée d'emploi ;
· 28 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active au chômage déclarent avoir bénéficié d'un accompagnement à finalité professionnelle.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
1.2.1. Le droit d'obtenir un emploi
En vertu de l'alinéa 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, il est rappelé que : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ».
Le Conseil constitutionnel a plusieurs fois reconnu expressément la valeur constitutionnelle du droit pour chacun d'obtenir un emploi, protégé par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 précité. Il précise qu'il revient « au législateur de fixer les principes fondamentaux du droit du travail, et notamment de poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi, tout en ouvrant le bénéfice de ce droit au plus grand nombre d'intéressés »29(*).
Le Conseil constitutionnel a prolongé cette affirmation lorsqu'il a eu à connaître du « contrat première embauche » en ajoutant qu'il incombe « au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, de poser des règles propres à assurer, conformément au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre et, le cas échéant, en s'efforçant de remédier à la précarité de l'emploi »30(*).
En l'occurrence, il a constaté que le dispositif en cause en l'espèce « tend à mettre en oeuvre, au bénéfice des intéressés, l'exigence résultant du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi déférée ne sont pas manifestement inappropriées à la finalité poursuivie »31(*). Le Conseil constitutionnel a ainsi évalué l'objectif poursuivi par le législateur pour en déduire la conformité du dispositif législatif concerné au droit à l'emploi.
Au regard de ce cadre constitutionnel, les modalités d'entrée dans un parcours d'accompagnement socioprofessionnel sont essentielles pour assurer l'accès à l'emploi de toutes les personnes en recherche d'emploi.
1.2.2. La libre administration des collectivités territoriales
La libre administration des collectivités territoriales est un principe consacré par l'article 72 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi, [les] collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. ».
L'autonomie locale et la libre administration des collectivités territoriales impliquent, outre une organisation et un financement propre, la possibilité de disposer et d'exercer de façon effective des compétences32(*)
Toutefois, le juge constitutionnel reconnaît au législateur la possibilité d'assujettir « les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations et à des charges, c'est à la condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d'intérêt général, qu'elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu'elles n'entravent pas leur libre administration et qu'elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée »33(*)
Les dispositions du présent article sont pleinement en conformité avec ce cadre constitutionnel dans la mesure où elles ne modifient pas la répartition des compétences entre l'Etat et les conseils départementaux en matière d'orientation des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Elles définissent uniquement un nouveau cadre d'exercice de cette compétence pour les conseils départementaux aux fins d'assurer une plus forte coordination et une meilleure harmonisation des solutions proposées par les différents acteurs aux personnes en recherche d'emploi.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'article 1er de la convention n°122 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur la politique de l'emploi de 1964 prévoit que « En vue de stimuler la croissance et le développement économiques, d'élever les niveaux de vie, de répondre aux besoins de main-d'oeuvre et de résoudre le problème du chômage et du sous-emploi, tout Membre formulera et appliquera, comme un objectif essentiel, une politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi. ». Cette politique doit notamment tendre à garantir que toute personne disponible et en recherche d'un emploi pourra travailler et disposera d'une liberté de choix de l'emploi ainsi que de la possibilité d'acquérir les qualifications nécessaires pour occuper un emploi qui lui convienne.
Par ailleurs, la convention n°88 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur le service de l'emploi de 1948 prévoit que chaque Etat signataire a le devoir d'entretenir ou de veiller à ce que soit entretenu un service public et gratuit de l'emploi.
La convention précise notamment que le service de l'emploi doit être organisé de manière à assurer l'efficacité du recrutement et du placement des travailleurs par les actions suivantes :
- Aider les travailleurs à trouver un emploi convenable et les employeurs à recruter des travailleurs qui conviennent aux besoins des entreprises :
o Enregistrer les demandeurs d'emploi, prendre note de leurs qualifications professionnelles, de leur expérience et de leurs goûts, les interroger aux fins de leur emploi, contrôler, si besoin est, leurs aptitudes physiques et professionnelles, et les aider à obtenir, lorsqu'il y a lieu, une orientation, une formation ou une réadaptation professionnelle ;
o Obtenir des employeurs des informations précises sur les emplois vacants notifiés par eux au service, et sur les conditions que doivent remplir les travailleurs qu'ils recherchent pour occuper ces emplois ;
o Diriger vers les emplois vacants les candidats possédant les aptitudes professionnelles et physiques requises ;
o Organiser la compensation des offres et des demandes d'emploi d'un bureau à un autre, lorsque le bureau consulté en premier lieu n'est pas en mesure de placer convenablement les candidats ou de pourvoir convenablement aux emplois vacants, ou lorsque d'autres circonstances le justifient ;
- Prendre des mesures appropriées pour :
o Faciliter la mobilité professionnelle en vue d'ajuster l'offre de main-d'oeuvre aux possibilités d'emploi dans les diverses professions ;
o Faciliter la mobilité géographique en vue d'aider au déplacement de travailleurs vers les régions offrant des possibilités d'emploi convenables ;
o Faciliter les transferts temporaires de travailleurs d'une région à une autre, en vue de pallier un déséquilibre local et momentané entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre ;
o Faciliter d'un pays à un autre tels déplacements de travailleurs qui auraient été agréés par les gouvernements intéressés.
- Recueillir et analyser, en collaboration, s'il y a lieu, avec d'autres autorités ainsi qu'avec les employeurs et les syndicats, toutes les informations dont on dispose sur la situation du marché de l'emploi et son évolution probable, à la fois dans l'ensemble du pays et dans les différentes industries, professions ou régions, et mettre systématiquement et rapidement ces informations à la disposition des autorités publiques, des organisations d'employeurs et de travailleurs intéressées ainsi que du public ;
- Collaborer à l'administration de l'assurance-chômage et de l'assistance-chômage et à l'application d'autres mesures destinées à venir en aide aux chômeurs ;
- Aider, autant qu'il est nécessaire, d'autres organismes publics ou privés dans l'élaboration de plans sociaux et économiques de nature à influencer favorablement la situation de l'emploi.
Les dispositions du présent article s'inscrivent ainsi pleinement dans les objectifs et principes fixés dans ces deux conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT).
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Le rapport « Comparaison des services publics de l'emploi de différents pays européens » de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales de février 2023 portant sur cinq pays (Allemagne, Danemark, Espagne - Catalogne -, Belgique - Flandre - et Suède) permet de disposer des éléments ci-après. L'objectif de cette étude était d'identifier, dans le contexte de préfiguration de France Travail, les bonnes pratiques pouvant inspirer le service public de l'emploi français. La mission a approfondi cinq thèmes reflétant les principaux axes d'amélioration du système français : diagnostic initial de la situation des demandeurs d'emploi, les modalités de leur accompagnement, le contrôle de la recherche d'emploi, la coordination des acteurs du service public de l'emploi, et l'offre de service aux employeurs.
Les pays et régions étudiés par la mission présentent des modèles de service public de l'emploi très différents en matière d'organisation, de périmètre, de compétences des acteurs publics, de niveau d'externalisation, de stratégie envers les demandeurs d'emploi et de moyens mis en oeuvre. Si ces différences s'expliquent par le contexte historique, politique et socioéconomique, de nombreux enseignements peuvent toutefois être tirés pour le modèle français, comme précisé également dans les autres articles du projet de loi.
S'agissant des procédures d'entrée, il ressort que la plupart des services publics de l'emploi européens étudiés dans ce cadre disposent d'un guichet unique d'accompagnement, dont notamment en Catalogne, Flandre, Danemark ou encore la Suède.
A titre d'exemple, le Danemark dispose d'un guichet unique d'accompagnement, avec un service public de l'emploi décentralisé au niveau des communes, pilotées étroitement par une agence nationale.
La Suède dispose également d'un guichet unique d'accompagnement : le service public de l'emploi suédois est centralisé auprès d'une unique agence nationale.
L'Allemagne, quant à elle, dispose de deux guichets d'accompagnement très clairement identifiés : la répartition des responsabilités d'accompagnement par ces opérateurs est réalisée selon que l'usager est bénéficiaire de l'assurance chômage, ou qu'il soit bénéficiaire du minimum social (SGBII).
S'agissant de l'accompagnement, les différents services publics de l'emploi ne disposent pas des mêmes tailles de portefeuille. De manière générale, la taille de portefeuille est inférieure dans les pays où le chômage est bas (de 100 à 150 demandeurs d'emploi par conseiller en Allemagne, au Danemark et en Flandre), et supérieure dans les pays où le chômage est élevé (environ 400 en France et jusqu'à 500 en Espagne).
Par ailleurs, concernant la visée emploi de l'accompagnement, les services publics de l'emploi du Danemark, de la Suède et de l'Allemagne donnent la priorité à la reprise rapide d'un emploi, même s'il ne correspond pas totalement au projet du demandeur d'emploi. La Catalogne et la France, quant à elles, ont une approche moins directive vers une reprise rapide d'un emploi et donnent plutôt la priorité au projet du demandeur d'emploi, avec une offre importante de formations à sa disposition.
Enfin, la Suède et la Flandre sont les deux pays à avoir mis en place des parcours en autonomie pour les demandeurs d'emploi les plus proches de l'emploi, quand ni l'Allemagne, ni le Danemark, ni la Catalogne ne proposent de parcours en autonomie, mettant en avant l'importance du contact physique pour juger de l'autonomie d'un demandeur d'emploi et renforcer sa motivation. La France dispose d'un compromis entre ces deux approches, avec la modalité « suivi » auprès de Pôle emploi prévue pour les publics les plus proches de l'emploi, après un premier entretien de diagnostic.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La diversité des canaux d'entrée et des modalités d'inscription et d'orientation, liée à la multiplicité des acteurs, entrainent des procédures déployées de manière indépendante, sans toujours une cohérence réelle avec les besoins des personnes en termes d'accompagnement et de prise en compte des difficultés sociales entravant le retour à l'emploi.
Actuellement, les personnes en recherche d'emploi ne sont pas toutes inscrites à Pôle emploi. Si les cadres accompagnés par l'Association pour l'emploi des cadres sont principalement inscrits à Pôle emploi, 50% des jeunes en parcours contractualisé vers l'emploi et en contrat d'engagement jeunes en missions locales ne le sont pas. Pour les allocataires du revenu de solidarité active, quel que soit leur accompagnement, 41% seulement sont inscrits à Pôle emploi.
De plus, tous les allocataires du revenu de solidarité active soumis aux droits et devoirs ne sont pas orientés vers un organisme d'accompagnement, avec des pratiques très hétérogènes selon les départements, sans que la disparité de profils ou de contexte sociologique ou économique entre départements ne puisse l'expliquer.
Compte tenu de l'émiettement des acteurs et des procédures, et d'une approche qui consiste à « laisser venir les personnes » plutôt que « d'aller vers », il est aujourd'hui difficile d'identifier l'ensemble des personnes dépourvues d'emploi sur son territoire et de connaître leurs besoins afin d'engager un parcours d'accompagnement socioprofessionnel adapté aux besoins. En effet, 37,8 % des jeunes « NEET » identifiés en 2018 (« not in employment, education ou training ») n'avaient pas de contact avec les opérateurs du service public de l'emploi ou un autre organisme de formation.
De plus, les modalités d'inscription s'avèrent complexes et répétitives, la personne étant amenée à répéter plusieurs fois les informations sur sa situation personnelle auprès de différents interlocuteurs du fait de la diversité des systèmes, d'information ou documents administratifs demandés par chaque acteur, sans interconnexion des démarches et des outils informatiques utilisés par chacun. Ces procédures peuvent ainsi générer un sentiment de perte de temps et de manque de communication entre les administrations. Elles peuvent conduire à des abandons.
En ce qui concerne le diagnostic, le premier entretien de la personne ne constitue pas toujours une première étape de l'élaboration du plan d'action dans le cadre d'un contrat ; celui-ci est rarement effectué directement avec le conseiller. Le délai d'orientation moyen pour les personnes inscrites à Pôle emploi est aujourd'hui d'environ 3 semaines.
Néanmoins, le délai entre l'inscription et la première action d'accompagnement peut être plus long, il peut atteindre quelques semaines entre l'orientation et le premier rendez-vous avec le conseiller référent.
Pour les personnes bénéficiant du revenu de solidarité active, les délais varient en fonction des départements et sont en moyenne de 5 mois : environ trois mois pour la première échéance du diagnostic et d'orientation (délai d'orientation de 95 jours en moyenne en 2018) alors que le code de l'action sociale et des familles prévoit un délai d'orientation de moins de deux mois34(*) ; et environ deux mois ensuite pour la seconde échéance relative à la signature du contrat et le début de l'accompagnement (51 jours en moyenne en 2020). On constate néanmoins une grande disparité selon les organisations locales pour le premier rendez-vous (par exemple 159 jours en Moselle contre 39 dans la Marne d'après le rapport de la Cour des comptes de janvier 2022 sur le revenu de solidarité active). La stratégie pauvreté en 2018 a par ailleurs permis de financer des actions visant à améliorer les délais d'entrée en parcours des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Lorsque les allocataires du revenu de solidarité active sont orientés vers Pôle emploi, les délais respectifs se cumulent pour atteindre 6 mois en moyenne entre l'ouverture des droits au revenu de solidarité active et le premier entretien avec le conseiller référent.
Pour le professionnel, selon les structures, cela peut conduire de fait à refaire le diagnostic précédemment opéré lors du second rendez-vous, soit par défaut d'outil commun de diagnostic ou de transmission d'information, soit par un besoin de construire une relation avec la personne en se faisant son propre avis. Le temps passé à fixer (et refixer) les rendez-vous consomment aussi un temps important qui pourrait être redéployé sur du temps d'accompagnement humain utile.
Enfin, l'accompagnement proposé aux personnes en recherche d'emploi, notamment pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active, n'est pas toujours suffisant ou approprié au regard de leurs besoins. Alors que de nombreuses études démontrent les effets positifs d'un accompagnement individuel et intensif sur l'insertion et l'accès à l'emploi, une part importante des personnes en recherche d'emploi ne bénéficie pas aujourd'hui d'un tel accompagnement, soit en raison d'un défaut d'orientation, soit en raison d'un accompagnement peu intensif notamment lié à des tailles de portefeuilles variables, ou ne contenant pas des actions tournées vers le retour à l'emploi.
Des modifications de textes législatifs sont nécessaires pour faire évoluer ce cadre (dont les principes fondamentaux sont déterminés par la loi, aux termes de l' article 34 de la Constitution).
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Pour répondre à l'hétérogénéité de traitement découlant des pratiques d'entrée en parcours portées par plusieurs guichets, il semble nécessaire de fluidifier et simplifier les parcours d'inscription, d'orientation et de diagnostic des personnes, afin de garantir que toutes les personnes en recherche d'emploi démarrent rapidement l'accompagnement le plus adapté à leurs besoins.
Quelle que soit la voie d'entrée empruntée par une personne pour organiser son retour à l'emploi (Pôle emploi, mission locale, Cap emploi, services sociaux du départements, associations, etc.), l'objectif est d'assurer qu'elle soit accueillie et orientée rapidement vers la bonne solution de la façon la plus pertinente et rapide possible. L'objectif est ainsi de faciliter les démarches des personnes en recherche d'emploi, et notamment d'accélérer l'entrée vers l'accompagnement le plus adapté à leurs besoins : cette accélération d'entrée en parcours se traduirait notamment par une automaticité de l'inscription pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active.
Pour cela, face au constat de la multiplicité des acteurs dans le champ de l'insertion sociale et professionnelle, la révision des modalités d'inscription et d'orientation pour l'ensemble des personnes en recherche d'emploi, quelle que soit l'institution compétente, apparaît nécessaire, à la fois par souci de simplicité et d'efficacité pour les usagers, par exigence d'équité entre les personnes confrontées à des pratiques trop disparates aujourd'hui selon les territoires, et par souci de mieux connaitre les besoins de l'ensemble des personnes dépourvues d'emploi afin de leur apporter la solution la plus appropriée.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
L'option alternative à celle retenue consistait à se reposer sur une portée d'entrée unique en charge de l'inscription et de l'orientation pour tous les publics (demandeurs d'emploi, jeunes en difficulté d'insertion socioprofessionnelle, ou bénéficiaires du revenu de solidarité active).
En matière de point d'accès, cette option aurait conduit à réduire considérablement le champ des possibilités d'inscription, réduisant ainsi les chances de toucher l'ensemble des personnes, en particulier celles qui ont l'habitude de solliciter, par le biais d'un accueil en guichet ou sur des sites dédiés, des acteurs spécialisés, ayant directement la charge de l'accompagnement, soit acteurs associatifs de proximité.
Enfin, confier l'orientation de toutes les personnes à un seul opérateur aurait conduit à remettre en cause la compétence d'orientation reconnue aux présidents des conseils départementaux pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active et n'aurait pas permis de prendre en compte les évolutions et améliorations réalisées ces dernières années par les départements dans ce domaine, notamment dans le cadre de la stratégie pauvreté et du service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE).
Cette option n'aurait pas non plus permis de s'appuyer sur l'expertise des missions locales en termes d'orientation des jeunes de 16 à 25 ans en difficultés d'insertion socioprofessionnelle qui les sollicitent.
Ainsi, une telle option supposait une réorganisation institutionnelle complexe et présentait l'inconvénient d'un coût financier important (cf. article 4).
3.2. OPTION RETENUE
Pour tenir compte de la diversité des besoins de tous les publics, le projet de loi prévoit de repenser les étapes structurantes et les modalités du parcours d'accompagnement. Il pose le nouveau cadre de l'entrée en parcours (inscription et orientation) selon des principes communs applicables à toutes les personnes en recherche d'emploi, y compris les bénéficiaires du revenu de solidarité active, à l'exception de ceux qui peuvent prétendre au bénéfice d'une retraite à taux plein, et les jeunes suivis en mission locale, quelles que soient leurs difficultés professionnelles ou sociales, et à tous les acteurs en charge de leur accompagnement.
L'article 1er définit ces principes communs et précise comment ils s'appliqueront selon des procédures et critères définis de manière partagée, encadrés par des textes règlementaires ou conventionnels élaborés conjointement dans le cadre des nouvelles instances de France Travail, prévues à l'article 4.
3.2.1. Une inscription généralisée auprès de l'opérateur France Travail de toutes les personnes en recherche d'emploi
Le projet de loi vise à garantir une entrée en parcours rapide pour l'intégralité des personnes sans emploi, et prévoit pour cela la mise en place d'une inscription généralisée auprès de l'opérateur France travail. Cette inscription s'appuiera sur une liste unique de demandeurs d'emploi, pour toutes les personnes démarrant un parcours d'insertion professionnelle ou socioprofessionnelle, y compris les personnes qui rencontrent des difficultés sociales freinant, temporairement, leur accès à l'emploi. En effet, l'enjeu est de pouvoir proposer, pour l'ensemble des parcours d'accompagnement socioprofessionnels, sauf cas particuliers, une visée emploi, à court ou moyen terme, tout en menant, de manière concomitante, des actions qui permettent de lever les freins sociaux à l'emploi.
Ainsi, l'article 1er du projet de loi prévoit de modifier l'article L. 5411-1 du code du travail pour généraliser l'inscription en tant que demandeurs d'emploi auprès de l'opérateur France Travail des personnes sans emploi, que ce soient les demandeurs d'emploi ayant un profil correspondant à l'inscription actuelle à Pôle emploi, les personnes qui ont sollicité un accompagnement auprès des missions locales ou des Cap emploi, et les personnes qui demandent le revenu de solidarité active.
Afin de tirer les conséquences d'une inscription
sur la liste de demandeurs d'emploi de personnes ne présentant pas les
mêmes caractéristiques, le projet de loi prévoit que les
modalités de renouvellement périodique de l'inscription seront
fixées, comme prévu par l'article
L. 5411-2, par
arrêté du ministre chargé de l'emploi et du ministre
chargé des solidarités, afin de gérer les
différences de modalités d'actualisation en fonction des publics,
et en particulier, pour prendre en compte le principe de déclaration
trimestrielle de ressources du bénéficiaires du revenu de
solidarité active.
Par ailleurs, compte tenu de la réglementation applicable au revenu de solidarité active et à l'allocation adulte handicapé qui prévoit que l'on peut cumuler ces allocations et une pension d'invalidité, quelle que soit la catégorie, les personnes invalides peuvent également être inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi. Le projet de loi prévoit par conséquent la suppression de l'article L. 5411-5 du code du travail qui prévoit une impossibilité de s'inscrire.
De plus, afin de simplifier les démarches et de raccourcir les délais, l'inscription à France Travail sera « automatique », notamment pour les personnes sollicitant un accompagnement auprès des missions locales et des cap emploi. De plus, l'inscription sera automatique dès le dépôt de la demande de revenu de solidarité active.
L'inscription sera également possible à travers un réseau physique bénéficiant d'un maillage renforcé sur l'ensemble du territoire, afin d'accompagner les différents publics en difficultés et de permettre ainsi d'assurer l'inscription de toutes les personnes dépourvues d'emploi en difficulté qui ne sollicitent pas spontanément un service public d'accompagnement socioprofessionnel dans une démarche d'aller-vers.
3.2.2. Une orientation de toutes les personnes inscrites à France Travail réalisée selon les critères communs à l'opérateur France Travail, aux missions locales et aux conseils départementaux
Dans la continuité de l'inscription généralisée, sont définies dans le projet de loi les modalités d'orientation et d'accompagnement communes pour toutes les personnes inscrites comme demandeurs d'emploi auprès de France Travail. Ces nouvelles dispositions législatives visent une harmonisation des modalités d'orientation au sein des tous les organismes concernés tout en prenant en compte la situation personnelle de chaque personne et ses besoins en termes d'accompagnement professionnel ou social.
Une orientation rapide de toutes les personnes inscrites à France Travail sera assurée par la mise en place d'une orientation la plus directe possible à partir des données d'inscription recueillies pour toutes les personnes dépourvues d'emploi. Ce recueil des informations auprès du réseau France Travail permettra ainsi un meilleur partage des données entre les opérateurs du service public de l'emploi, dans le respect du principe du « dites-le nous une fois ».
Dès lors que le projet de loi prévoit que toutes les personnes en insertion, et en particulier les allocataires du revenu de solidarité active et les jeunes accompagnés par les missions locales, seront désormais inscrites en tant que demandeurs d'emploi auprès du nouvel opérateur France Travail, il apparaît indispensable que les modalités d'orientation soient fixées de manière partagée entre l'ensemble des acteurs de l'insertion, dans le cadre des nouvelles instances de France Travail, précisées à l'article 4 du projet de loi.
Dans ce cadre, le nouvel article L. 5411-5 précise les nouvelles modalités d'orientation et d'accompagnement retenues pour toutes les personnes inscrites : la définition des critères d'orientation, les organismes et la nature de l'accompagnement vers lesquels les personnes peuvent être orientées, et les organismes compétents pour réaliser l'orientation et le suivi de parcours.
Le projet de loi fixe le cadre dans lequel s'inscrit l'orientation des demandeurs d'emploi en fonction « de leur niveau de qualification, leur situation au regard de l'emploi, leurs aspirations, et le cas échéant les difficultés particulières qu'ils rencontrent, notamment en matière de santé, de logement et de garde d'enfant » (III de l'article L. 5411-5). Les critères d'orientation et leur utilisation seront définis de manière collégiale, par un arrêté du ministre chargé de l'emploi et du ministre chargé des solidarités, après avis du comité France Travail national, auquel participeront l'ensemble des parties prenantes (crée par l'article 4 du projet de loi). Afin de tenir compte des spécificités territoriales, les critères pourront être adaptés au niveau départemental pour les allocataires du revenu de solidarité active, par arrêté conjoint du préfet de département et du président du conseil départemental, après avis du comité départemental (crée à l'article 4 du projet de loi).
Ces critères seront applicables pour toutes les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi auprès de France Travail. Ils seront mis en oeuvre par les institutions ayant la compétence d'orienter mentionnées au III du nouvel article L. 5411-5 : l'opérateur France Travail, les conseils départementaux pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (cf. article 3) et les missions locales, qui au regard de leur expertise en matière d'accompagnement socioprofessionnel des jeunes, orientent les jeunes de seize à vingt-cinq ans qui les sollicitent. Les demandeurs d'emploi pourront également être orientés vers des organismes publics ou privés fournissant des services relatifs au placement, à l'insertion, à la formation, à l'accompagnement et au maintien dans l'emploi des personnes en recherche d'emploi, dans des conditions fixées par décret (au IV de l'article L. 5411-5).
Le projet de loi prévoit que l'opérateur France Travail, le président du conseil départemental et les missions locales « informent le comité France Travail national et le comité France Travail départemental de la mise en oeuvre des critères communs de l'orientation » ; les modalités de cette transmission seront fixées par arrêté du ministre chargé de l'emploi et du ministre chargé des solidarités (III de l'article L. 5411-5).
La personne sera orientée, dès son inscription, vers l'un des organismes référents chargé de mettre en oeuvre un accompagnement adapté à la situation de la personne, permettant une entrée en parcours rapide avec un premier entretien d'accompagnement dès l'orientation de la personne. Ces organismes référents, précisés au IV de l'article L. 5411-5 sont : l'opérateur France travail, les Cap emploi, les missions locales, et les conseils départementaux ou leurs structures délégataires. Dans ce cas, les conditions de cette orientation seront définies par convention entre le conseil départemental et l'opérateur France Travail.
3.2.3. Un accompagnement qui donne la primauté à la visée emploi, démarrant par un diagnostic global des besoins sociaux et professionnels selon un référentiel et des outils partagés
Dans la continuité de l'inscription et de l'orientation, un diagnostic global de la situation de la personne sera réalisé pour toutes les personnes inscrites auprès de France Travail, selon des modalités prévues par le nouvel article L. 5411-5-1. Afin de garantir une égalité de traitement des personnes tout en s'adaptant aux besoins de chacun, un partage des informations sera mis en place et - in fine - un meilleur suivi du parcours des personnes. Le diagnostic devra reposer sur un référentiel commun, défini selon les modalités prévues à l'article 4, en application des principes communs définis par le comité national France Travail.
Ce diagnostic, réalisé conjointement avec la personne, étudiera tous ses besoins, qu'ils soient professionnels ou sociaux, et permettra de repérer des contraintes personnelles freinant l'insertion dans l'emploi (santé, mode de garde, mobilité, logement...).
Afin de mettre l'accent sur l'objectif de retour à l'emploi des accompagnements de toutes les personnes inscrites auprès de France Travail, le projet de loi inscrit la primauté de la « visée emploi » des accompagnements vers lesquels sont orientées les personnes, qui recouvrent les parcours dits « professionnels » et « socio professionnels ». Le I de l'article L. 5411-5 prévoit en effet que « Elle bénéficie d'un accompagnement vers l'accès ou le retour à l'emploi, le cas échéant par la reprise ou la création d'entreprise, qui peut notamment comporter des aides à la formation, à la mobilité et le cas échéant à visée d'insertion sociale ». L'accompagnement social pourra également être prescrit, pour toutes les autres personnes, y compris les allocataires du revenu de solidarité active, qui rencontrent des difficultés sociales qui font temporairement obstacle à leur engagement dans une démarche de recherche d'emploi.
Afin de garantir que l'accompagnement est le plus adapté aux besoins de la personne, le projet de loi prévoit, au II du nouvel article L. 5411-5-1, qu'à l'issue du diagnostic global ou tout au long du parcours, la possibilité d'une réorientation « Lorsque, à la suite de l'établissement du diagnostic global ou au cours de l'accompagnement, la situation de la personne fait apparaître qu'un autre organisme référent serait mieux à même de conduire les actions d'accompagnement nécessaires, l'organisme référent, à la demande de la personne ou de sa propre initiative, saisit, en vue d'une nouvelle décision d'orientation ». Cela sera assuré en cours de parcours par l'organisme référent, « de sa propre initiative, ou à la demande de la personne ». Une recommandation de réorientation sera adressée à l'opérateur France Travail ou, pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (et en l'absence de délégation par le Département à l'opérateur de l'orientation), au Président du Conseil départemental, qui donneront lieu, chacun en ce qui les concerne, à une réorientation.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Afin de traduire les évolutions liées à l'inscription auprès de l'opérateur France Travail en tant que demandeurs d'emploi de toutes les personnes dépourvues d'emploi, y compris les bénéficiaires du revenu de solidarité active et les jeunes suivis en mission locale, le projet de loi prévoit de modifier la section 1 du chapitre 1er du titre 1er du livre IV de la cinquième partie du code du travail, en modifiant les articles L. 5411-1 et L. 5411-2, et en abrogeant l'article L. 5411-5.
Pour inscrire dans la loi les modalités d'orientation communes à toutes les personnes inscrites auprès de l'opérateur France travail, il est créé une section 1 bis dans le même chapitre.
Le nouvel article L. 5411-5 précise dans ses quatre paragraphes les nouvelles modalités d'orientation et d'accompagnement retenues : la nature de l'accompagnement vers lesquels les personnes peuvent être orientés, les organismes compétents pour réaliser l'orientation, la définition des critères d'orientation et les organismes vers lesquels les personnes peuvent être orientés.
Le nouvel article L. 5411-5-1 prévoit la réalisation d'un diagnostic global, à la suite de l'orientation, réalisé sur la base d'un référentiel commun, et une nouvelle mission de suivi des parcours.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
L'inscription généralisée et l'orientation au sein du réseau France Travail permettra :
- d'accélérer la mise en route des parcours d'accompagnement, or il est démontré qu'une intensité d'actes de recherche d'emploi dans les premiers mois de chômage maximise la probabilité de retrouver un emploi ;
- un meilleur ciblage de ces parcours en fonction des besoins de la personne ;
- et moins de ruptures de parcours grâce à l'identification au plus tôt d'un besoin de réorientation et à sa prise en compte fluide.
L'ensemble de ces impacts intermédiaires doit permettre d'améliorer l'accès et le retour à l'emploi des personnes recherchant un emploi, et la satisfaction des besoins en recrutement par un sourcing élargi entraînant nécessairement des effets économiques positifs.
La réalisation d'un diagnostic approfondi permettra également de mieux identifier dès le démarrage de l'accompagnement les freins à lever pour le retour à l'emploi, ce qui permettra ensuite d'assurer une insertion plus durable dans l'emploi en évitant des ruptures de contrats très fréquentes (36% des contrats à durée indéterminée sont rompus avant leur premier anniversaire35(*)).
4.2.2. Impacts sur les entreprises
L'inscription généralisée et l'orientation au sein du réseau France Travail permettra de constituer une banque de profils des demandeurs d'emploi mieux renseignée et plus complète. Ces éléments faciliteront ensuite l'appariement entre les offres d'emploi et les personnes en recherche d'emploi, contribuant par exemple à la réduction du délai de recrutement. Ces mesures s'accompagneront d'une amélioration de l'offre de service proposée aux employeurs dans un cadre davantage coordonné.
4.2.3. Impacts budgétaires
Le principe de l'inscription généralisée nécessitera pour l'opérateur France Travail des investissements en matière de système d'information qui bénéficieront à terme à l'ensemble des opérateurs, intégrés dans l'estimation des moyens supplémentaires pour l'ensemble du réseau France Travail, qui seront précisés dans le projet de loi de finances pour 2024.
Garantir l'inscription généralisée auprès de l'opérateur France Travail, notamment pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active, devra se traduire par des coûts de développement informatique, afin d'automatiser le lien entre l'inscription et l'ouverture de droits au revenu de solidarité active, de mettre en place un portail d'inscription à France travail pour tous, de déployer un outil de diagnostic accessible à tous. La mise en place de la culture commune d'orientation et de diagnostic nécessitera aussi un effort de formation des professionnels.
L'inscription généralisée permet de garantir un accompagnement pour tous, qui devra se traduire par une augmentation des moyens dédiés à l'accompagnement, notamment pour l'opérateur France Travail. Elle suppose également la réalisation de points d'étapes réguliers pour réorienter quand nécessaire la personne.
Par ailleurs, les processus d'orientation et de diagnostic proposés permettront de réaliser des gains d'efficience dans l'ensemble du réseau France Travail, qui seront estimés en cours de déploiement.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les dispositions de cet article ne modifient pas les compétences des départements en matière d'orientation ou d'accompagnement, et ne touchent pas aux grands équilibres à l'oeuvre. Les départements continuent d'avoir une place prépondérante en matière d'accompagnement socio-professionnel et social et leur compétence sur les politiques d'insertion à destination des bénéficiaires du revenu de solidarité active est préservée.
Les nouvelles mesures ont un impact sur la coordination entre les départements et les acteurs de l'insertion, en particulier l'opérateur France Travail. Cette coordination pourra notamment prendre forme au sein du comité départemental France Travail co-présidé par le président du conseil départemental et le préfet de département.
Pour rappel, le projet de loi prévoit une définition des critères d'orientation reposant sur l'avis du comité France Travail national (cf. article 4), qui pourra être adaptée au niveau départemental, après avis du comité départemental, afin de tenir compte des spécificités territoriales (cf. article 4).
Ces impacts sont détaillés à l'article 3 du projet de loi, relatif à l'orientation et aux droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Sans objet.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Néant.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Aujourd'hui, dans le champ de l'accompagnement des personnes en situation de handicap, un rapprochement entre Pôle emploi et le réseau des Cap emploi a été organisé, à compter de 2019, à la suite du comité interministériel du handicap du 25 octobre 2018 et du comité interministériel de transformation publique du 29 octobre 2018. Il s'agissait de mettre en place des lieux uniques d'accompagnement grâce à la présence de conseillers des Cap emploi dans les locaux des agences Pôle emploi permettant ainsi de simplifier notoirement le process d'inscription et d'orientation.
Cette disposition permettra notamment d'assurer un suivi renforcé et un meilleur accompagnement des personnes en situation de handicap en recherche d'emploi. En effet, l'objectif est d'assurer une meilleure orientation des personnes en difficulté sociale ou professionnelle, notamment pour les personnes en situation de handicap, vers l'opérateur le plus approprié en fonction du projet professionnel de la personne. Une meilleure orientation permettra ensuite de garantir l'accompagnement le plus adapté à leurs besoins et à leur objectif d'insertion sociale ou professionnelle.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Néant.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Les nouvelles modalités d'inscription généralisée permettront de garantir une orientation et suivi homogène sur l'ensemble du territoire de tous les jeunes qui en manifesteront le besoin, quel que soit l'opérateur auquel ils s'adressent.
Elles permettront de lutter contre le phénomène de déperdition et de décrochage d'une partie des jeunes dans leur recherche d'emploi lorsque ceux-ci sont transférés d'un organisme en charge de leur accompagnement à un autre.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Néant.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Le projet de loi vise à assurer une meilleure orientation des personnes dépourvues d'emploi en permettant une inscription généralisée auprès de l'opérateur France Travail, et une orientation partagée vers l'acteur le mieux approprié aux besoins de la personne, ce qui devrait in fine accélérer leur retour à l'emploi.
Par ailleurs, les usagers du service public de l'emploi bénéficieront d'une simplification de leurs démarches administratives, et d'une amélioration de leur parcours usager, notamment au stade de l'inscription. En effet, les informations partagées entre les acteurs du réseau France Travail permettront à l'usager de réduire les doubles-saisies, également limitées par le pré-remplissage des champs du portail d'inscription partagé France Travail.
Enfin, l'inscription généralisée permettra :
- de proposer aux personnes, dès leur demande d'une allocation, des services destinés à démarrer leur parcours d'insertion, pour accélérer celui-ci ;
- de repérer et de traiter les situations de décrochage le plus tôt possible et ainsi éviter des situations d'enfermement dans l'inactivité de longue durée.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La mesure a été soumise à la consultation obligatoire :
- de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) au titre du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail, dont les avis ont été rendus le 25 mai 2023 comme il suit :
o CFDT : défavorable ;
o CGT : défavorable ;
o FO : défavorable ;
o CFTC : abstention ;
o CFE-CGC : prise d'acte ;
o MEDEF : prise d'acte ;
o CPME : favorable ;
o U2P : favorable ;
o Régions : défavorable ;
- du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) au titre de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023 ;
- du conseil d'administration de Pôle emploi, au titre de l'article R. 5312-6 du code du travail, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023 ;
- de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et du conseil central d'administration de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), au titre des articles L. 200-3 du code de la sécurité sociale et L. 723-35 du code rural et de la pêche maritime, qui ont rendu un avis favorable, respectivement le 24 mai 2023 et le 26 mai 2023 .
La mesure a été soumise à la consultation facultative du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) au titre de l'article L. 146-1 du code de l'action sociale et des familles, qui a rendu un avis favorable le 26 mai 2023.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les dispositions du présent article relatives à l'inscription auprès de France Travail de toutes les personnes dépourvues d'emploi (modification des articles L. 5411-1, L. 5411-2 et L. 5411-5 du code du travail) et les dispositions relatives à la définition de modalités d'orientation communes à toutes les personnes inscrites (création dans le code du travail de la section 1 bis dans le chapitre premier du Titre premier du Livre IV relatif au demandeur d'emploi, avec les nouveaux articles L. 5411-5 et L. 5411-5-1) entrent en vigueur à une date définie par décret et au plus tard le 1er janvier 2025.
A cette date, l'opérateur France Travail inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi mentionnée à l'article L. 5411-1 du code du travail, les jeunes ayant conclu un parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie ou un contrat d'engagement jeunes ainsi que les bénéficiaires du revenu de solidarité active qui ne bénéficient pas de la qualité de demandeur d'emploi au 31 décembre 2024.
Ces dispositions ne s'appliquent pas aux personnes ayant atteint l'âge limite maximal pour faire valoir ses droits à une pension de retraite à taux plein.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions du présent article seront applicables sur l'ensemble du territoire métropolitain, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, soumises au principe de l'identité législative. Une ordonnance viendra préciser les adaptations éventuellement applicables aux collectivités et territoires d'outre-mer précités (cf. article 11 du projet de loi).
Elles ne sont pas applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
5.2.3. Textes d'application
Cette disposition législative relative à l'inscription et à l'orientation des publics accompagnés par le réseau France Travail nécessitera diverses mesures d'application :
· Un décret en Conseil d'Etat déterminant, conformément à l'article L. 5411-10 du code du travail, les conditions d'application du chapitre premier du titre premier du livre IV de la cinquième partie du code précité, adaptera les dispositions réglementaires en vigueur afin de prendre en compte les évolutions législatives introduites par le présent article concernant l'inscription en tant que demandeurs d'emploi.
· Un décret simple fixera les conditions selon lesquelles les demandeurs d'emploi pourront également être orientés vers des organismes publics ou privés fournissant des services relatifs au placement, à l'insertion, à la formation, à l'accompagnement et au maintien dans l'emploi des personnes en recherche d'emploi ainsi que les conditions à remplir pour les organismes en question.
· Un décret simple définira en outre les conditions d'application de l'article l. 5411-5-1 du code du travail, relatif au diagnostic global réalisé à l'issue de l'orientation et aux possibilités de réorientation des intéressés vers un autre organisme référent.
· Un arrêté du ministre chargé de l'emploi et du ministre chargé des solidarités viendra préciser les critères d'orientation des personnes inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi. Des arrêtés au niveau départemental co-signés par le préfet et le président du conseil départemental pourront préciser ces critères, lorsque des circonstances locales le justifient, pour l'orientation des personnes bénéficiaires du revenu de solidarité active résidant dans le département,
· Un arrêté du ministre chargé de l'emploi et du ministre chargé des solidarités viendra préciser les informations relatives à la mise en oeuvre des critères d'orientation et les modalités de transmission de ces informations au comité départemental France Travail par l'opérateur France travail, les présidents de conseil départemental et les missions locales.
Article 2 : Droits et devoirs
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Les contrats actuels qui fixent le cadre de l'accompagnement et le régime de droits et devoirs
Le bénéfice de prestations monétaires et des services d'accompagnement d'assurance chômage et/ou de solidarité s'accompagne d'un régime de droits et devoirs réciproques des institutions et des personnes concernées. Cela se traduit par la signature d'un contrat qui précise notamment les actions à mettre en oeuvre par la personne comme par l'organisme qui l'accompagne pour répondre au mieux à ses attentes.
Aujourd'hui, il existe plusieurs contrats de nature différente selon les institutions : le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) spécifique à Pôle emploi, le contrat d'engagement jeune (CEJ), le parcours contractualisé vers l'emploi (PACEA) auprès des missions locales, le contrat d'engagement réciproque (CER) pour les personnes bénéficiant du revenu de solidarité active suivies par une institution du service public de l'emploi hors Pôle emploi, ou, hors service public de l'emploi, par les départements et leurs délégataires.
Les différents éléments contenus dans le contrat sont actualisés au besoin, et notamment en cas de changement de situation ou de projet professionnel.
L'ensemble des éléments relatifs aux bénéficiaires du revenu de solidarité active font l'objet d'un article dédié (article 3). Les expérimentations relatives à l'accompagnement rénové des bénéficiaires du revenu de solidarité active sont déployées à droit constant et ne modifient pas le cadre règlementaire du régime de droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active. En revanche, les expérimentations doivent permettre de définir les modalités opérationnelles d'accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité ; elles prévoient notamment la mise en place d`un diagnostic socioprofessionnel partagé par le conseil départemental et Pôle emploi.
Les éléments décrits par la suite ne concernent donc que les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi et les jeunes suivis en mission locale.
Pour les demandeurs d'emploi, le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) est défini à l'article L. 5411-6-1 du code du travail : il précise les actions que France Travail s'engage à mettre en oeuvre dans le cadre de l'accompagnement du demandeur d'emploi et définit le métier recherché, assorti d'un niveau de salaire attendu et d'une zone géographique de prospection, en tenant compte du profil (formation, qualification, connaissances, compétences et expériences professionnelle) et de la situation du demandeur d'emploi (situation personnelle, familiale et situation du marché du travail local). Il précise les conditions d'acceptation de l'offre raisonnable d'emploi (ORE) définie aux articles L. 5411-6-2 et L. 5411-6-3 du code du travail, en s'articulant ainsi complètement avec le projet personnalisé d'accès à l'emploi et les trois critères constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi (emploi recherché, zone géographique privilégié et niveau de salaire attendu). Le projet personnalisé d'accès à l'emploi et, par définition, les éléments associés à l'offre raisonnable d'emploi sont actualisés conjointement par le demandeur d'emploi et Pôle emploi lorsque le projet professionnel du demandeur d'emploi évolue.
En contrepartie de l'accompagnement souhaité et inscrit dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi du demandeur d'emploi, ce dernier doit répondre à différents engagements, listés aux articles L. 5412-1 et L. 5412-2 du code du travail, comme le fait d'élaborer ou d'actualiser le projet personnalisé d'accès à l'emploi, d'accepter les offres raisonnables d'emploi qui lui sont proposées, et de manière plus générale de s'impliquer activement dans sa démarche de reprise d'emploi (participation aux formations, présence aux rendez-vous avec son conseiller...).
En cas de manquements à l'un de ces engagements, le demandeur d'emploi fait l'objet d'une sanction qui peut schématiquement se décomposer en deux parties qui sont couplées en réalité :
- Un effet sur l'accompagnement avec la radiation du demandeur d'emploi qui n'est plus inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi. Il n'est donc plus demandeur d'emploi et n'a plus accès à l'offre de service de Pôle emploi.
- Un effet sur le revenu de remplacement qui peut être suspendu ou supprimé.
La durée de la radiation et la suspension ou suppression du revenu de remplacement sont définies dans le décret n°2018-1335 du 28 décembre 2018, en fonction du manquement du demandeur d'emploi et de sa répétition dans le temps.
Le contrôle des engagements des demandeurs d'emploi est réalisé par Pôle emploi à travers les conseillers en charge de l'accompagnement qui peuvent constater objectivement certains manquements et par les conseillers dédiés au contrôle de la recherche d'emploi (CRE) chargés de repérer l'insuffisance de recherche d'emploi à travers une procédure spécifique.
Dans le cadre du parcours contractualisé vers l'emploi (PACEA), le contrat mentionne :
- les phases du parcours, leurs objectifs et leur durée définis par le bénéficiaire et le conseiller en mission locale ;
- les engagements de chaque partie au contrat pour chaque phase. Parmi ces engagements figurent pour le bénéficiaire la participation active aux différentes actions prévues au sein des phases d'accompagnement ainsi que la sincérité et l'exactitude des informations communiquées, notamment au titre de l'attribution de l'allocation ponctuelle prévue à l'article L. 5131-5 du code du travail ;
- le cas échéant, l'attribution d'une allocation ponctuelle et son montant.
Le contrat d'engagement jeune (CEJ) s'appuie sur la même logique que le parcours contractualisé vers l'emploi mais définit plus précisément le plan d'action de l'accompagnement intensif proposé par la mission locale ou Pôle emploi et mentionne la définition d'un conseiller référent. Concernant les contreparties attendues, l'article L. 5131-6 du code du travail précise que : « Son bénéfice est conditionné au respect d'exigences d'engagement, d'assiduité et de motivation ». L'article R. 5131-16 du même code précise ces obligations : assiduité, participation active à l'ensemble des actions prévues ainsi que sincérité et exactitude des informations communiquées. Ainsi, en signant son contrat d'engagement jeune, le bénéficiaire s'est engagé à suivre de manière assidue et active l'ensemble des activités et actions qui lui sont proposées par son conseiller dans le cadre du plan d'action qu'ils ont élaboré conjointement.
La circulaire n° DGEFP/MAJE/2022/45 du 21 février 2022 relative à la mise en oeuvre du contrat d'engagement jeune a précisé le niveau d'intensité de l'accompagnement proposé aux jeunes concernés. Ce niveau a été fixé à un minimum de 15 à 20 heures d'activités par semaine
Concernant les sanctions qui peuvent s'appliquer aux jeunes en contrat d'engagement jeunes, la procédure est précisée à l'article R. 5131-17 du code du travail. Le barème de sanction du contrat d'engagement jeune est précisé à l'article R. 5131-18 du code du travail avec la durée de suppression en fonction de la répétition du manquement constaté. Par ailleurs, une fausse déclaration dans le but de percevoir l'allocation entraîne automatiquement la rupture du contrat.
S'agissant plus particulièrement des jeunes engagés en contrat d'engagement jeunes et inscrits comme demandeurs d'emploi, les modalités de sanctions spécifiques au contrat d'engagement jeune priment sur celles applicables aux demandeurs d'emploi, sauf en situation de fraudes si le jeune perçoit également l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Ainsi, notamment pour les jeunes percevant un revenu de remplacement, le barème de sanction relatif au revenu de remplacement est aligné sur celui du contrat d'engagement jeune (article R. 5426-3 du code du travail). Lorsque le jeune est suivi par une mission locale, une sanction mettant fin au contrat d'engagement jeune n'a pas pour corollaire automatique une exclusion de la mission locale. En effet, en cas de rupture du contrat, le jeune est réorienté vers une autre modalité d'accompagnement, proposée par le même opérateur ou par un autre.
Pour les jeunes en parcours contractualisé vers l'emploi, le contrat d'engagement prend fin en cas de manquement du bénéficiaire à ses obligations contractuelles en vertu de l'article R. 5131-13 du code du travail.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
L'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, intégré au bloc de constitutionnalité, prévoit que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».
Toutefois, l'article 5 de ce même préambule indique que « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ».
Dans une décision du 15 décembre 202236(*), le Conseil constitutionnel considère que ces exigences constitutionnelles, tout en impliquant l'existence d'un régime d'indemnisation des travailleurs privés d'emploi, n'empêchent pas le législateur de prévoir certaines obligations pour les demandeurs d'emploi, à la condition que celles-ci poursuivent un objectif d'intérêt général et soient proportionnées.
En l'espèce, « il relève, en premier lieu, que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu inciter les travailleurs privés d'emploi à accepter des emplois à durée indéterminée afin notamment de lutter contre la précarité résultant de l'embauche dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de mission d'intérim. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. ».
Il examine par ailleurs la proportionnalité des obligations imposées aux demandeurs d'emploi et leurs incidences sur leur indemnisation au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi. Ainsi, en l'espèce, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions contestées ne méconnaissaient pas les exigences constitutionnelles précitées dans la mesure où « le demandeur d'emploi n'est pas privé de l'allocation d'assurance chômage si la dernière proposition de contrat à durée indéterminée qui lui a été adressée n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l'emploi préalablement établi, lequel précise la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local ».
Ainsi, le présent article s'inscrit dans le cadre de ces dispositions à valeur constitutionnelle.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Dans la convention n° 88 de l'Organisation internationale du travail sur le service de l'emploi de 1948 (ratifiée par la France en 1952) et en application de l'article 6, le service de l'emploi doit notamment « aider les travailleurs à trouver un emploi convenable et les employeurs à recruter des travailleurs qui conviennent aux besoins des entreprises » et « prendre des mesures appropriées pour faciliter la mobilité géographique en vue d'aider au déplacement de travailleurs vers les régions offrant des possibilités d'emploi convenables ».
Dans la convention n° 122 de l'Organisation internationale du travail sur la politique de l'emploi de 1964 (ratifiée par la France en 1971), l'article 1er dispose notamment « qu'il y aura libre choix de l'emploi et que chaque travailleur aura toutes possibilités d'acquérir les qualifications nécessaires pour occuper un emploi qui lui convienne et d'utiliser, dans cet emploi, ses qualifications ainsi que ses dons, quels que soient sa race, sa couleur, son sexe, sa religion, son opinion politique, son ascendance nationale ou son origine sociale ».
Les dispositions du présent article s'inscrivent dans ce cadre conventionnel.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARE
Le rapport « Comparaison des services publics de l'emploi de différents pays européens » de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales de février 2023 portant sur cinq pays (Allemagne, Danemark, Espagne - Catalogne -, Belgique - Flandre - et Suède) permet de disposer des éléments ci-après. Il ressort que ces pays se sont dotés de dispositifs de sanction relativement proches. La comparaison des systèmes de sanction n'est pas aisée, chaque pays utilisant des termes techniques différents. A l'exception de la Catalogne, qui se distingue par une politique assumée de sanctions très limitées (et inappliquées depuis 2020 à la suite de la crise sanitaire), les différents services publics de l'emploi disposent globalement de moyens pour sanctionner les demandeurs d'emploi qui ne se présenteraient à leur rendez-vous, qui ne font pas assez d'efforts pour retrouver un emploi, ou qui ne satisfont pas à leur obligation de déclaration.
Dans le détail, chaque système a toutefois ses spécificités.
Au niveau des pratiques :
- Le Danemark est le pays qui sanctionne le plus systématiquement et le plus lourdement les recherches d'emploi insuffisantes. Pour l'ensemble des acteurs du service public de l'emploi rencontrés, notamment l'union des syndicats d'employés, c'est la contrepartie naturelle à des allocations chômage relativement généreuses (90 % du salaire de référence avec un plafond de 2 602 euros par mois) et relativement longues (24 mois). Dans cet esprit, la commune de Copenhague envoie les demandeurs d'emploi employables qui ne font pas assez d'efforts pour retrouver un emploi durant leurs trois premiers mois de chômage faire un stage de deux semaines dans des équipes de destruction d'espèces nuisibles ;
- Viennent ensuite la Flandre et la Suède, qui appliquent aussi de nombreuses sanctions. En Suède, ces sanctions sont pour la plupart appliquées de façon automatiques ;
- L'Allemagne affiche une politique de sanctions ferme, mais compte, dans les faits un nombre de demandeurs d'emploi effectivement sanctionnés très restreint. La situation va encore évoluer avec le vote, en novembre 2022, de la transformation du minima social Arbeitlosengeld, créé par les réformes Hartz au début des années 2000, en Bürgergeld, qui s'accompagne d'un allègement des motifs et des montants des sanctions. La principale sanction, en Allemagne, reste toutefois le passage au bout d'un an de l'assurance chômage et des agences pour l'emploi au minimum social et aux Jobcenters ;
- La Catalogne n'applique plus de sanctions depuis 2020 à la suite de la crise sanitaire.
2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITE DE LÉGIFÉRER
Dans le cadre des modifications introduites par la création de France Travail, le public inscrit comme demandeurs d'emploi sera élargi, avec notamment les demandeurs d'emploi inscrits actuellement à Pôle emploi, les jeunes actuellement inscrits en mission locale et les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).
Ces différents publics n'ont actuellement pas le même type de contrat : le Projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) pour les demandeurs d'emploi, le Contrat d'Engagement Jeune (CEJ) ou le Parcours contractualisé vers l'emploi (PACEA) pour certains jeunes et le Contrat d'engagement réciproque (CER) pour certains bénéficiaires du revenu de solidarité active. Cela se traduit par un régime de droits et devoirs différents avec des motifs de sanction et un barème associé très hétérogènes.
Il est donc nécessaire de modifier le cadre de droits et devoirs actuel, en introduisant le nouveau contrat unique qui sera signé par l'ensemble des personnes inscrites à France Travail. Ce nouveau contrat fixera le nouveau cadre de droits et devoirs qui sera appliqué à chaque personne.
En outre, l'inscription généralisée des personnes dépourvues d'emploi (bénéficiaires du revenu de solidarité active et jeunes sollicitant un accompagnement notamment) implique d'actualiser les dispositions législatives relatives au contrôle des engagements des demandeurs d'emploi afin de clarifier le rôle de chaque acteur concerné (opérateur France Travail, conseils départementaux, missions locales) et de prévoir une plus grande transparence de chacun sur l'exercice effectif de ce contrôle dans le cadre du nouvel écosystème France Travail. Par ailleurs, les nouvelles missions de l'opérateur France Travail nécessitent également de prévoir dans la loi la possibilité pour ce dernier de proposer des sanctions lorsque le demandeur d'emploi est bénéficiaire du revenu de solidarité active (cf. article 3).
Ainsi, l'ensemble de ces éléments qui se trouvent dans le code du travail et dans le code de l'action sociale et des familles doivent être modifiés.
Ces évolutions nécessitent des modifications législatives.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mise en place de France Travail se traduira par deux nouveautés qui sont liées entre elles : l'instauration d'un nouveau contrat unique pour toutes les personnes inscrites à France Travail prévoyant un cadre rénové relatif aux engagements réciproques de la personne accompagnée et de l'organisme en charge de l'accompagnement.
Par ailleurs, les modifications apportées aux dispositions relatives au contrôle des obligations des demandeurs d'emploi ont pour objectif d'assurer l'harmonisation des pratiques et la clarification des rôles des différents acteurs en la matière à l'aune du nouvel écosystème France Travail et de la généralisation de l'inscription comme demandeurs d'emploi de toute personne dépourvue d'emploi sollicitant un accompagnement.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
S'agissant du contrat, l'option alternative à celle retenue aurait consisté à garder en l'état les dispositions actuelles avec des contrats différents en fonction du profil de la personne (projet personnalisé d'accès à l'emploi, Contrat d'engagement jeune et contrat d'engagement réciproque), associées aux modalités de droits et devoirs actuelles.
Cette option n'apparait pas en cohérence avec l'ambition du projet de loi d'assurer une convergence des pratiques et outils de l'ensemble des acteurs de l'écosystème du service public de l'emploi et de proposer un système plus lisible.
3.2. OPTION RETENUE
L'option retenue consiste à unifier, au sein d'un contrat unique, des droits et devoirs adaptés au profil et au parcours d'accompagnement proposé à chaque personne inscrite à France Travail.
L'inscription de toutes les personnes en recherche d'emploi auprès de France Travail permet d'organiser un parcours usager comportant une étape de contractualisation harmonisée entre la personne et l'organisme référent vers lequel il a été orienté. Le projet de loi prévoit un contrat unifié autour d'un socle commun d'engagements parmi lesquels figurent « son assiduité et sa participation active aux actions prévues par le plan mentionné au 3° » (article L. 5411-6 II-2°). Le plan d'action (article L. 5411-6 II- 3°) comporte l'ensemble des actions de formation, d'accompagnement et d'appui nécessaire à la mise en oeuvre du projet d'insertion sociale ou professionnelle du demandeur d'emploi. Ce plan d'action spécifique à chaque demandeur d'emploi permet de traduire l'individualisation des obligations notamment en « précisant les objectifs d'insertion sociale ou professionnelle et, le cas échéant, le niveau d'intensité de l'accompagnement requis » (article L. 5411-6 II- 3°). Le délai maximal de signature du contrat sera fixé par décret.
Ce plan d'action pourra, le cas échéant, intégrer des actions visant un accompagnement intensif, qui pourra permettre de proposer 15 à 20 heures d'activités consacrées au parcours professionnel de la personne afin de faciliter son insertion en emploi : entretien, ateliers, formation professionnelle, immersion, selon un référentiel qui sera partagé avec l'ensemble des acteurs de l'insertion.
Un tel accompagnement intensif est déployé dans le cadre du contrat d'engagement jeune et a été identifié comme un facteur clé de réussite dans le cadre du benchmark européen pour les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Il doit être adapté au regard de la situation de la personne accompagnée, de ses besoins et des difficultés qu'elle rencontre.
Une expérimentation est actuellement conduite dans dix-huit départements, elle vise à proposer un accompagnement intensif pour les allocataires du revenu de solidarité active avec pour cible 15 à 20 heures consacrées à son parcours. Les résultats de ces pilotes viendront enrichir la réflexion sur le déploiement opérationnel des parcours et les modalités pertinentes de déploiement de l'intensité de l'accompagnement.
Le projet de loi définit un régime d'engagements harmonisé et adapté en fonction de la nature et de la finalité du parcours qui ont été posées à l'article L. 5411-5. Ainsi, pour les personnes en parcours professionnel ou socio professionnel, les obligations visent la réalisation d'actions concourant à l'insertion sociale ou professionnelle. A ce titre, il est proposé, comme dans le cadre du projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) actuel, de définir l'offre raisonnable d'emploi dans le nouveau contrat d'engagement (article L.5411-6-1 I).
Pour les personnes en parcours social (qu'elles soient allocataires du revenu de solidarité active ou non) au regard de l'impossibilité de court terme à rechercher un emploi, cette disposition ne s'applique pas, le contrat d'engagement est adapté dans ses objectifs et sa durée autour des actions d'insertion sociale nécessaires en amont de la préparation du parcours professionnel (article L.5411-6-1 II). Ces actions doivent permettre de lever les freins empêchant temporairement l'accès à l'emploi tels que les freins liés à l'état de santé, à la mobilité, à la garde d'enfants ou à l'accès au logement par exemple et d'améliorer l'accès aux droits des personnes concernées.
S'agissant du contrôle, le constat du manquement est assuré par l'organisme référent signataire du nouveau contrat d'engagement unique. L'opérateur France Travail assurera ainsi le contrôle des engagements des allocataires du revenu de solidarité active pour lesquels il sera l'organisme référent, et proposera au président du conseil départemental les mesures de suspension ou suppression du revenu de solidarité active. Le suivi des pratiques de sanctions sera partagé par l'opérateur France Travail, par les conseils départementaux et par les missions locales de façon transparente avec la gouvernance du réseau France Travail pour en évaluer les effets et en améliorer les pratiques in itinere. Le projet prévoit la possibilité, par convention, que l'opérateur France Travail, le président du conseil départemental et les missions locales puissent organiser des modalités de contrôle conjoint.
Les typologies de sanctions prévues dans le code du travail ne sont pas modifiées par le présent projet de loi. S'agissant des bénéficiaires du revenu de solidarité active, les éléments sont indiqués dans la partie de l'étude d'impact consacrée à l'article 3.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Afin d'instituer un contrat d'engagement unique, le projet de loi prévoit une refonte de la rédaction des articles L. 5411-6 et L.5411-6-1 du code du travail relatifs au projet personnalisé d'accès à l'emploi afin d'y définir le contenu du nouveau contrat et un renvoi à cet article dans les articles L. 5131-4 à L. 5131-6 du même code encadrant respectivement l'actuel parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi (PACEA) et le contrat d'engagement jeune (CEJ). La rédaction plus large de l'article L. 5411-6-1 se traduit par la suppression des articles L. 5411-6-2 et L. 5411-6-3 dont les dispositions essentielles sont reprises dans cet article.
L'article L. 5426-1 du code du travail est également modifié afin de préciser les organismes en charge des contrôles selon les différents cas de figure (demandeurs d'emplois, bénéficiaire du revenu de solidarité active, jeunes suivis en mission locale).
Les articles L. 5411-6-4, L. 5412-1 et L. 5422-1 sont modifiés, de même que les intitulés de la section 1 du chapitre VI du titre II et de la section 2 du chapitre 1er du titre Ier du livre IV de la cinquième partie du code du travail.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Dans la même logique que l'article 1er, ces dispositions devraient permettre d'accroitre la qualité et l'efficacité des parcours d'accompagnement, avec les effets sur l'emploi décrits précédemment.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Par son effet « remobilisateur » et l'amélioration des parcours d'accompagnements, l'option retenue concourra in fine à augmenter le nombre de potentiels candidats pour les entreprises, notamment celles concernées par des tensions de recrutement et mieux gérer les propositions de rencontre avec des employeurs.
4.2.3. Impacts budgétaires
Les financements supplémentaires induits par cette mesure seront intégrés dans l'estimation des moyens supplémentaires pour l'ensemble du réseau France Travail, qui seront précisés dans le projet de loi de finances pour 2024.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le dispositif proposé, est de nature à inciter les conseils départementaux à expérimenter une meilleure articulation entre la politique de contrôle de Pôle emploi et celle qu'ils appliquent pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active.
Les autres impacts de cette mesure sur les collectivités territoriales sont identiques à ceux exposés dans la partie de cette étude d'impact consacrée à l'article 3 du projet de loi.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Néant.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Les personnes en situation de handicap auront accès à un accompagnement adapté à leurs besoins et à leur situation. Un diagnostic global sera réalisé par le référent désigné pour identifier les besoins de la personne et les offres à mobiliser. Des actions adaptées pourront être proposées, l'ambition étant de rendre accessible les offres, notamment de formation, à toutes les personnes et tous les types de handicap. L'opérateur France Travail et le réseau des Cap emploi, compétents pour accompagner les personnes en situation de handicap dans leur recherche d'emploi, pourront mobiliser leur expertise pour faciliter l'accès à l'emploi.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Néant.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Ces dispositions permettront d'unifier, au sein d'un contrat unique, des droits et obligations adaptés au profil et au parcours d'accompagnement proposé à chaque personne inscrite à France Travail. Le modèle de contrat prévoira la mention d'un plan d'actions, inspiré du contrat d'engagement jeune. Cela favorisera la lisibilité pour des jeunes qui basculent d'un opérateur à un autre.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Néant.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mise en place d'un contrat unique avec un socle de devoirs puis des engagements adaptés à la situation de la personne, est de nature à concilier :
- l'impératif d'égalité devant les obligations générales devant peser sur toute personne bénéficiant d'un soutien de la collectivité dans sa démarche d'insertion ;
- la prise en compte de la situation spécifique de chacun, en adaptant les actes visant l'insertion sociale et professionnelle contractualisés avec l'organisme qui l'accompagne et par conséquent la constatation d'éventuelles manquements à ces actes devant générer des sanctions.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Néant.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La mesure a été soumise à la consultation obligatoire :
- de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) au titre du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail, dont les avis ont été rendus le 25 mai 2023 comme il suit :
o CFDT : défavorable ;
o CGT : défavorable ;
o FO : défavorable ;
o CFTC : abstention ;
o CFE-CGC : prise d'acte ;
o MEDEF : prise d'acte ;
o CPME : favorable ;
o U2P : favorable ;
o Régions : défavorable ;
- du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) au titre de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023 ;
- du conseil d'administration de Pôle emploi, au titre de l'article R. 5312-6 du code du travail, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La mesure entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2025 et s'applique aussi bien aux personnes inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi à compter de cette date, qu'aux personnes déjà inscrites sur cette liste à cette date.
Pour les demandeurs d'emploi inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi avant le 1er janvier 2025, l'organisme référent en charge de l'accompagnement conclut, dans un délai fixé par décret, le contrat d'engagement mentionné à l'article L. 5411-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de la présente loi. Ce contrat se substitue alors au contrat dont dispose l'intéressé : selon le cas, projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE), parcours contractualisé d'accès à l'emploi et à l'autonomie (PACEA), contrat d'engagement jeunes (CEJ) ou contrat d'engagement réciproque (CER).
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions du présent article seront applicables sur l'ensemble du territoire métropolitain, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, soumises au principe de l'identité législative. Une ordonnance viendra préciser les adaptations éventuellement applicables aux collectivités et territoires d'outre-mer précités (cf. article 11 du projet de loi).
Elles ne sont pas applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les conditions d'application des dispositions relatives au contrat d'engagement mentionnées aux articles L. 5411-6 et L. 5411-6-1 du code du travail.
Un décret simple viendra préciser le délai dans lequel le contrat d'engagement du demandeur d'emploi est élaboré à la suite de son orientation.
Un décret détermine la date d'entrée en vigueur de ces dispositions ainsi que le délai dans lequel le contrat d'engagement est conclu par les demandeurs d'emploi accompagnés par chaque organisme référent à compter de l'entrée en vigueur de cette mesure.
Article 3 : Orientation, droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La section 3 du code de l'action sociale et des familles (CASF) prévoit les droits et devoirs du bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA) (Livre II : différentes formes d'aide et d'action sociales ; Titre VI : lutte contre la pauvreté et les exclusions ; chapitre II : le revenu de solidarité active).
Elle reconnait un « droit à un accompagnement social et professionnel » (article L.262-27 du code de l'action sociale et des familles) aux bénéficiaires du revenu de solidarité active ainsi qu'à leur conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité et détermine des obligations, en particulier l'obligation de « rechercher un emploi, d'entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d'entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle » (article L.262-28 du code de l'action sociale et des familles) qui se matérialise par la signature d'un contrat d'engagement réciproque ou projet personnalisé d'accès à l'emploi.
Ces droits et devoirs concernent les bénéficiaires du revenu de solidarité active qui sont sans emploi ou ne tirent de l'exercice d'une activité professionnelle que des revenus inférieurs à 500 € (article D. 262-65 du code de l'action sociale et des familles), soit 2,3 millions de personnes fin 2020 (98% des bénéficiaires du revenu de solidarité active)37(*).
Pour rendre effectifs ces droits et devoirs, les bénéficiaires du revenu de solidarité active sont orientés vers des institutions et organismes compétents en matière d'accompagnement professionnel, socio-professionnel ou social. Le département étant responsable des politiques d'insertion (article L.115-2 du code de l'action sociale et des familles), la compétence d'orientation est confiée au président du conseil départemental qui est chargé, en fonction de la situation du bénéficiaire, de déterminer l'institution ou l'organisme le plus adapté pour l'accompagner.
La loi (article L.262-29 du code de l'action sociale et des familles) fixe une orientation prioritaire des bénéficiaires vers un accompagnement professionnel ou socio-professionnel. Cette disposition permet d'affirmer l'objectif d'insertion durable vers l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active et la possibilité de travailler concomitamment l'insertion professionnelle et les problématiques sociales de la personne. L'accompagnement à visée sociale est subsidiaire et est limité aux bénéficiaires connaissant des difficultés particulières, notamment en matière de logement ou de santé. Le CASF prévoit également une orientation des bénéficiaires de moins de 25 ans vers les missions locales quand leur situation le justifie. L'orientation doit intervenir dans les 2 mois après l'ouverture de droit (article R. 262-65-2 du code de l'action sociale et des familles), la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté s'étant donné une cible plus ambitieuse d'un mois pour favoriser une entrée en parcours rapide des bénéficiaires.
Une convention entre les acteurs départementaux de l'insertion (le département, Pôle emploi, l'Etat, les personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi, la caisse d'allocations familiales, la caisse de mutualité sociale agricole, un représentant des centres communaux et intercommunaux d'action sociale...) est prévue à l'article L. 262-32 pour définir les modalités de mise en oeuvre du dispositif d'orientation et du droit à l'accompagnement sur le territoire. Une convention spécifique entre le département et Pôle emploi est également prévue lorsque le département souhaite confier à Pôle emploi des parcours d'accompagnement allant au-delà de son offre de droit commun (article L.262-33 du code de l'action sociale et des familles).
En pratique, au niveau national, les orientations sont réalisées38(*) :
- Vers pôle emploi dans 42% des cas ;
- Vers le conseil départemental ou territorial dans 31% des cas ;
- Vers les d'organismes hors service public de l'emploi autres que le conseil départemental ou territorial (centres communaux d'action sociale, associations ...) dans 21% des cas ;
- Vers les organismes du Service public de l'emploi (autre que pôle emploi) dans 6% des cas.
Une fois orienté vers l'organisme adapté, le bénéficiaire du revenu de solidarité active se voit désigner un référent chargé de son accompagnement avec lequel il élabore un contrat énumérant les engagements réciproques en matière d'insertion. L'institution signataire du contrat ainsi que les obligations associées au contrat diffèrent en fonction de l'orientation réalisée :
- Les personnes orientées vers un accompagnement professionnel ou socio-professionnel réalisé par Pôle emploi signent un projet personnalisé d'accès à l'emploi (prévu dans le code du travail) avec Pôle emploi. Elles doivent s'inscrire à Pôle emploi et ont la qualité de demandeur d'emploi. Leur projet personnalisé d'accès à l'emploi précise les actes positifs et répétés de recherche d'emploi que le bénéficiaire s'engage à accomplir et définit l'offre raisonnable d'emploi (ORE)39(*) ;
- Les personnes orientées vers un accompagnement professionnel ou socio-professionnel réalisé par un organisme participant au service public de l'emploi autre que Pôle emploi signent un contrat d'engagement réciproque avec le département représenté par le président du conseil départemental. Sur le modèle du projet personnalisé d'accès à l'emploi, il précise les actes positifs et répétés de recherche d'emploi que le bénéficiaire s'engage à accomplir et définit l'offre raisonnable d'emploi (ORE)40(*) ;
- Les personnes orientées vers un accompagnement social signent un contrat d'engagement réciproque avec le département, représenté par le président du conseil départemental, ou son délégataire. Ce contrat, librement débattu, énumère les engagements réciproques mais ne définit pas les actes positifs et répétés de recherche d'emploi ou l'offre raisonnable d'emploi41(*).
Le régime de sanctions attaché aux droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active est de la compétence du Président du Conseil départemental qui peut, après avis d'une équipe pluridisciplinaire prévue à l'article L. 262-39 du code de l'action sociale et des familles, décider, dans le respect du barème fixé par voie réglementaire, de suspendre en tout ou partie le versement du revenu de solidarité active au bénéficiaire. La suspension du revenu de solidarité active prévue dans les textes correspond à une suppression de l'allocation : tout ou partie de l'allocation n'est pas versée au bénéficiaire qui ne peut la récupérer. Si la suppression de l'intégralité de l'allocation dure dans le temps, le Président du Conseil départemental procède à la radiation de la personne de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Quatre types de manquements sont prévus par la loi (article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles) pour fonder la décision de sanctions :
- Lorsque, du fait du bénéficiaire et sans motif légitime, le projet personnalisé d'accès à l'emploi ou le contrat d'engagement réciproque n'est pas établi dans les délais prévus ou n'est pas renouvelé ;
- Lorsque, sans motif légitime, les dispositions du projet personnalisé d'accès à l'emploi ou les stipulations du contrat d'engagement réciproque ne sont pas respectées par le bénéficiaire ;
- Lorsque le bénéficiaire accompagné par Pôle emploi a été radié de la liste des demandeurs d'emploi ;
- Lorsque le bénéficiaire refuse de se soumettre aux contrôles prévus par le code de l'action sociale et des familles.
La décision du Président du Conseil départemental est précédée d'un avis rendu par une « équipe pluridisciplinaire », composée non seulement de professionnels de l'insertion sociale et professionnelle du territoire, mais aussi de représentants des bénéficiaires eux-mêmes. L'objectif de ces équipes est de renforcer la possibilité donnée au bénéficiaire susceptible d'être sanctionné de présenter ses observations et de faire valoir sa situation dans sa globalité. Les équipes pluridisciplinaires sont chargées, outre des avis en matière de sanctions, de donner un avis sur les demandes de réorientation.
Pour faciliter opérationnellement la mise en oeuvre de l'orientation et des droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active, la section suivante (section 4) porte sur le contrôle et les échanges d'informations. Elle permet notamment la transmission d'informations de Pôle emploi vers les conseils départementaux concernant les inscriptions et les radiations sur la liste des demandeurs d'emploi. Ces transmissions permettent notamment aux départements de suivre les obligations des bénéficiaires orientés vers Pôle emploi.
Le cadre légal de la section 3 décrite ci-dessus est adapté dans les territoires où le revenu de solidarité active est recentralisé à titre expérimental.
En réponse à la difficulté de financement du revenu de solidarité active rencontré par certains départements et à la demande des collectivités, l'article 43 de la loi de finances pour 2022 a prévu la mise en oeuvre d'une expérimentation de recentralisation de l'allocation pour 5 ans, à partir du 1er janvier 2022. La Seine-Saint-Denis et les Pyrénées-Orientales participent à l'expérimentation à ce titre. L'article a été complété par l'article 132 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, qui prévoit une seconde vague d'entrée dans l'expérimentation à partir du 1er janvier 2023, pour une durée de quatre ans. L'allocation « revenu de solidarité active » est ainsi recentralisée en Ariège.
Sur ces territoires, sont recentralisées, à titre expérimental, les compétences d'instruction administrative, d'attribution, de contrôle et recouvrement des indus et le financement des prestations. Ces compétences sont confiées par l'Etat à la caisse d'allocations familiales et à la caisse de mutualité sociale agricole.
Le cadre de l'orientation et des droits et devoirs est inchangé à l'exception de la compétence de sanctions qui est transférée au directeur de la caisse d'allocations familiales ou de la mutualité sociale agricole, afin de respecter le principe du décideur-payeur. Le Président du Conseil départemental propose, après avis de l'équipe pluridisciplinaire qu'il a constituée, une décision de sanctions au directeur de la caisse qui prend effectivement la décision de sanctions. Pour les manquements des 3° et 4° de l'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles, le président du Conseil départemental peut émettre un avis défavorable motivé à une proposition de sanction, qui lie le directeur de la caisse.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le revenu de solidarité active relève de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ayant valeur constitutionnelle qui dispose que « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». La détermination des obligations et du régime de sanctions applicables aux bénéficiaires du revenu de solidarité active doit tenir compte de cette exigence constitutionnelle qui fait du revenu de solidarité active le dernier filet de sécurité pour les personnes qui ne tirent que des ressources limitées de leur travail ou des droits qu'ils ont acquis en travaillant ou qui sont privés d'emploi.
Les textes de loi prévoyant les expérimentations de la recentralisation du revenu de solidarité active relèvent de l'alinéa 4 de l'article 72 de la Constitution qui dispose que « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ».
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La mise en oeuvre de l'orientation et des droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active est très hétérogène en fonction des départements et n'est pas toujours pas optimale.
S'agissant de l'orientation, l'application de la compétence par les départements est très disparate : certains conseils départementaux choisissent d'orienter à la suite d'entretiens physiques aux modalités variées, quand d'autres s'appuient sur des systèmes informatisés d'aide à l'orientation fondés sur des données transmises notamment lors de la demande d'allocation auprès des caisses (par exemple, les données socio-professionnelles). Un diagnostic socio-professionnel précis n'est pas toujours réalisé pour décider de l'orientation. Ces organisations variées conduisent à des décisions d'orientation, et des répartitions entre les acteurs de l'insertion, très hétérogènes d'un département à l'autre, sans que la disparité de profils ou de contexte sociologique ou économique entre départements ne puisse l'expliquer. A titre d'exemple, l'orientation vers Pôle emploi est de 0% en Corrèze, de 4% dans la Marne mais de 65% dans l'Allier et 71% à la Réunion42(*). Ces grandes disparités interrogent sur la cohérence des orientations réalisées et leur adéquation aux besoins des bénéficiaires. Par ailleurs, l'orientation effective des bénéficiaires n'est pas réalisée pour tous puisqu'en 2020, 17% des bénéficiaires du revenu de solidarité active soumis aux droits et devoirs n'étaient pas orientés vers un parcours d'insertion43(*) (avec 15 départements à plus de 30 % des allocataires du revenu de solidarité active non-orientés). Enfin, les délais d'orientation, 95 jours en moyenne nationale, ne respectent pas l'exigence de deux mois à compter de l'ouverture de droit fixée dans le code de l'action sociale et des familles.
Une partie non-négligeable des bénéficiaires ne dispose pas d'un contrat d'engagement réciproque : seuls 47 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active orientés vers un organisme autre que Pôle emploi disposent d'un contrat. Le contrat est ensuite peu suivi puisque seules 20 % des personnes disposent d'un contrat en cours de validité. 76 % des contrats d'engagements réciproques ne contiennent aucune action orientée vers la préparation à la recherche d'emploi et seuls 21 % des contrats d'engagements réciproques contiennent au moins une action d'insertion visant à s'inscrire dans un parcours de recherche d'emploi44(*). Les réorientations vers des parcours d'accompagnement plus adaptés à l'évolution de la situation de la personne sont rares puisque seulement 6% des personnes soumises aux droits et devoirs et orientées fin 2020 ont connu durant l'année écoulée une réorientation d'un organisme du service public de l'emploi vers un organisme hors service public de l'emploi, ou vice versa45(*).
L'accès à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active demeure difficile. En 2019, le taux de sortie en emploi par mois des bénéficiaires du revenu de solidarité active était de 3,9% contre 8,2% pour les demandeurs d'emploi. Ce taux était également plus faible que celui des autres publics bénéficiant de dispositifs spécifiques (demandeurs d'emploi de longue durée, résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), personnes de plus de 50 ans, etc.).
Parmi les bénéficiaires du revenu de solidarité active, seuls 56% accédaient à un emploi durable contre 68% pour la moyenne des demandeurs d'emplois. La sortie effective en emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active demeure assez résiduelle. Les deux tiers des bénéficiaires du revenu de solidarité active sortis en emploi sont amenés à changer 3,8 fois de situation dans les cinq années qui suivent leur réinsertion, avec environ 41% des anciens allocataires qui reviennent au revenu de solidarité active après en être sortis46(*).
Il est par ailleurs à noter que l'organisation institutionnelle de l'orientation et les droits et devoirs sont mal-connus par les bénéficiaires du revenu de solidarité active, ce qui peut avoir une incidence sur la fluidité des parcours. Seulement 58 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active disent avoir déjà entendu parler des droits et devoirs associés au bénéfice du revenu de solidarité active, 41 % déclarent savoir ce qu'est un référent unique et 35 % ce qu'est un contrat d'engagement réciproque (CER) fin 201747(*). Pour les bénéficiaires, l'accompagnement est la première composante du revenu de solidarité active qui doit être améliorée : 35 % d'entre eux attendent un meilleur suivi, contre seulement 12 % qui revendiquent une augmentation de l'allocation48(*).
S'agissant du régime de sanctions, des difficultés sont évoquées par les acteurs de l'accompagnement au sujet de la lisibilité et de la maniabilité du système.
Par ailleurs, le régime relatif au revenu de solidarité active est jugé peu maniable, en raison des délais de transmission entre les acteurs de l'accompagnement et de la faible progressivité de la sanction. Il en résulte une faible appropriation par les acteurs, avec une hétérogénéité dans les pratiques qu'il est toutefois difficile de quantifier. La Cour des comptes notait ainsi dans son rapport sur le revenu de solidarité active de janvier 2022 qu'« il n'existe pas de statistique nationale sur le non-respect des droits et devoirs. Les données disponibles dans les départements étudiés confirment cependant que les sanctions pour non-respect des engagements sont rares ».
Enfin, les transmissions de données et d'informations entre les acteurs de l'insertion sur le parcours des bénéficiaires du revenu de solidarité active prévues dans le code de l'action sociale et des familles ne sont pas suffisantes pour garantir un suivi optimal de l'accompagnement et un parcours « sans couture ».
Les expérimentations de la recentralisation sont récentes mais démontrent déjà leur intérêt en matière d'accompagnement puisqu'elles permettent aux conseils départementaux d'obtenir des marges de manoeuvre importantes pour mieux accompagner les bénéficiaires du revenu de solidarité active et enrichir l'offre d'accompagnement. Les départements expérimentateurs se sont engagés dans une convention ad hoc signée avec les services de l'Etat à développer leur politique d'insertion et à en rendre compte annuellement au préfet de département.
Les dispositions du projet de loi portant sur les expérimentations permettent d'adapter ces expérimentations au nouveau cadre des droits et devoirs sans en dénaturer l'esprit.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Les dispositions du présent projet de loi visent à améliorer l'effectivité des droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active pour garantir un accompagnement adapté et qualitatif des personnes leur permettant d'accéder in fine, et de manière accélérée, à l'emploi. Il permet aussi de mettre en cohérence les dispositions relatives aux droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active avec le cadre applicable aux personnes dépourvues d'emploi prévu dans le code du travail.
Pour cela, il est proposé une inscription automatique et une amélioration de l'accompagnement pour toutes les personnes dépourvues d'emploi par souci de simplicité et d'efficacité pour les usagers, par exigence d'équité entre nos concitoyens et par souci de mieux connaitre les besoins de l'ensemble des personnes sans emploi afin de leur apporter la solution la plus appropriée.
Pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active, cela se traduit par une inscription automatique, dès le dépôt de la demande de revenu de solidarité active, à France Travail en qualité de demandeur d'emploi. Cette inscription, gérée par le nouvel opérateur France Travail, permettra de garantir le suivi de tous les bénéficiaires du revenu de solidarité active tout au long de leur parcours. Cette inscription ne concernera pas les bénéficiaires du revenu de solidarité active, s'ils ont atteint l'âge d'annulation de la décote ou s'ils justifient, à l'âge légal de départ en retraite, une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes leur permettant de percevoir une pension de retraite à taux plein.
Pour améliorer l'entrée en parcours des bénéficiaires du revenu de solidarité active, en particulier les délais et la cohérence des décisions d'orientation, il est proposé la détermination, au niveau du comité national France Travail, de critères communs d'orientation qui pourront être précisés par le préfet et le président du Conseil départemental pour prendre en compte les spécificités locales. La délégation de la compétence d'orientation à l'opérateur France Travail est rendue possible, sur la base du volontariat, dans le cadre d'une convention entre l'opérateur et le Conseil départemental.
En cas d'absence de décision d'orientation dans un délai qui sera fixé par décret, l'opérateur France Travail sera compétent pour orienter le bénéficiaire du revenu de solidarité active concerné afin de lui permettre une entrée rapide en parcours. Un suivi des orientations des personnes dépourvues d'emploi sur le territoire sera réalisé pour vérifier que les objectifs d'entrée rapide et qualitative en parcours sont bien atteints.
Pour garantir un accompagnement de qualité, adapté à la situation de la personne et en cohérence avec le cadre d'accompagnement renouvelé dans le code du travail, les parcours d'accompagnement s'inscriront délibérément dans une approche globale de la situation de la personne, visant l'emploi, sans jamais perdre de vue la nécessité de lever, concomitamment ou préalablement, les freins sociaux pour un parcours professionnel réussi.
Ils s'ouvriront par un diagnostic global de la situation de la personne, actualisé ensuite périodiquement, réalisé selon des modalités harmonisées par le référent de parcours désigné permettant de garantir une égalité de traitement des personnes tout en s'adaptant aux besoins de chacun. Suivra la signature d'un contrat d'engagement périodiquement actualisé, unifié autour d'un socle commun d'engagements pour toutes les personnes dépourvues d'emploi.
Les obligations inscrites dans le contrat continueront d'être individualisées à travers notamment la définition du plan d'actions spécifique à chaque personne au regard de sa situation et précisant, le cas échéant, le niveau d'intensité de l'accompagnement. Ces obligations seront adaptées à la situation sociale de la personne et à son éloignement à l'emploi. Le contrat précisera également les engagements de l'organisme réfèrent : désignation d'un conseiller référent, actions que l'organisme s'engage à mettre en oeuvre. Des « cordes de rappel » seront prévues durant le parcours pour vérifier l'adéquation de l'accompagnement à la situation de la personne et sécuriser les transitions pour des parcours « sans couture »49(*).
Pour faciliter la mobilisation des bénéficiaires du revenu de solidarité active dans leur parcours d'accompagnement et améliorer la lisibilité des droits et devoirs, le régime des obligations est adapté en fonction de la nature et de la finalité du parcours. Là encore, il sera adapté à la situation sociale de la personne et à son éloignement à l'emploi. Le régime de sanctions applicable aux bénéficiaires du revenu de solidarité active est également rénové pour améliorer la capacité des décisions de sanctions à remobiliser la personne dans son parcours. L'objectif est de construire un régime de sanctions plus progressif, afin qu'il soit plus effectif ; est ainsi créé une nouvelle sanction, intermédiaire, dite de suspension-remobilisation. Elle consistera à suspendre temporairement une partie de l'allocation versée au bénéficiaire ; pendant la suspension, l'accompagnement proposé à la personne se poursuit et les droits suspendus sont restaurés dès lors qu'elle accepte de reprendre son parcours vers l'emploi. La proposition de suspension par France Travail, pour les personnes dont il est l'organisme référent, n'est pas automatique mais bien adaptée à la situation, notamment sociale, des bénéficiaires et fait l'objet d'une procédure de contradictoire préalable.
Enfin, pour garantir un suivi optimal du parcours des bénéficiaires du revenu de solidarité active et pour simplifier le quotidien des personnes accompagnées, il est proposé de faciliter la transmission des données portant sur l'orientation et l'accompagnement entre les acteurs de l'insertion, dans le respect des règles du règlement général de protection des données (RGPD).
Dans les territoires recentralisés, l'objectif est le même : contribuer à améliorer l'effectivité des droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active pour garantir un accompagnement adapté et qualitatif des personnes et, in fine, un retour à l'emploi. Une attention est néanmoins portée au maintien des principes de la recentralisation : pour les territoires expérimentateurs, le maintien de ces principes permet aussi de garantir leur mise en oeuvre dans un cadre qui n'est pas dénaturé ; les principes structurants des expérimentations sont maintenus.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Pour répondre aux objectifs d'amélioration de l'effectivité des droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active, d'accélération de leur retour à l'emploi et de mise en cohérence du cadre d'accompagnement proposé aux personnes dépourvues d'emploi, plusieurs options ont été étudiées, notamment lors de la mission de concertation et de préfiguration de France Travail confiée au Haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises.
Pour accélérer l'entrée en parcours des bénéficiaires du revenu de solidarité active et garantir une équité de traitement entre les territoires, il a été envisagé, outre l'inscription automatique des bénéficiaires du revenu de solidarité active sur la liste des demandeurs d'emploi, de confier la compétence d'orientation au nouvel opérateur France Travail. Cette option permettait d'offrir une entrée en parcours identique pour toutes les personnes dépourvues d'emploi et l'application des mêmes critères et modalités à tous. Cette option a été écartée pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active, car elle remettait en cause la compétence d'orientation reconnue aux présidents des conseils départementaux et ne permettaient pas de prendre en compte les évolutions et améliorations réalisées ces dernières années par les départements dans ce domaine, notamment dans le cadre de la stratégie pauvreté et du service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE).
Pour améliorer l'accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active, il a été envisagé de rendre systématique, en début de parcours, un co-diagnostic réalisé par l'opérateur France Travail et le département afin d'apporter une double expertise en matière d'insertion professionnelle et sociale à tous les bénéficiaires avant le début effectif de leur accompagnement.
Cette option permettait de garantir à tous une analyse de sa situation avec un prisme emploi. Il a cependant été décidé de maintenir une certaine liberté opérationnelle pour la mise en oeuvre territoriale de cette phase de diagnostic, d'autant plus à une période où 18 territoires sont en train d'expérimenter la réforme. Ceci permet de tenir compte de la diversité des ressources disponibles et des organisations mises en place et de ne pas préempter dans la loi les modalités opérationnelles de mise en oeuvre de ce chantier.
Des options ont également été discutées sur le contrat d'engagement, notamment sur l'opportunité de maintenir des contrats distincts en fonction de l'orientation décidée (projet personnalisé d'accès à l'emploi pour les personnes orientées vers Pôle emploi, contrat d'engagement réciproque avec l'offre raisonnable d'emploi pour les orientations vers des parcours sociaux-professionnels ou contrat d'engagement réciproque pour les parcours sociaux). Cette option ne permettait pas d'harmoniser les obligations de toutes les personnes inscrites à France Travail et d'apporter des solutions au manque de lisibilité sur les droits et devoirs.
S'agissant du cadre des sanctions, plusieurs options d'harmonisation voire de fusion des cadres applicables aux personnes dépourvues d'emploi ont été envisagées.
3.2. OPTION RETENUE
Il est proposé de maintenir la compétence d'orientation et de sanctions au Président du Conseil départemental en favorisant, notamment par des outils communs et des principes harmonisés et partagés, la collaboration avec l'opérateur France Travail et les autres acteurs de l'insertion.
S'agissant de la compétence d'orientation, il est prévu l'application de critères communs définis au plan national, qui pourront être précisés au niveau départemental par arrêté conjoint du président du conseil départemental et du préfet, et la possibilité de délégation de compétence à l'opérateur France Travail. Les conventions prévues aux articles L. 262-32 et L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles sur la mise en oeuvre de l'orientation et des modalités d'accompagnement sont supprimées, la création du comité départemental France Travail constituant un nouvel espace de discussions et de décisions sur ces sujets.
Concernant le cadre des sanctions, les motifs des manquements sont revus afin de les rendre plus précis et lisibles et une nouvelle sanction, la suspension-remobilisation, est créée par le code de l'action sociale et des familles. Elle consistera à suspendre temporairement tout ou partie de l'allocation versée au bénéficiaire ; pendant la suspension, l'accompagnement proposé à la personne se poursuit et les droits suspendus sont restaurés dès lors qu'elle accepte de reprendre son parcours vers l'emploi. La sanction visant à supprimer tout ou partie de l'allocation, seule sanction prévue dans les dispositions actuelles du code de l'action sociale et des familles50(*), est maintenue ainsi que la procédure contradictoire qui lui est attachée, à savoir la consultation préalable d'une équipe pluridisciplinaire avant toute prise de décision. Le cadre proposé garantit ainsi le respect d'une procédure contradictoire adaptée à la nature spécifique de l'allocation (un minimum social familialisé, dernier filet de sécurité). Il améliore aussi la maniabilité du système en prévoyant, par exemple, la délégation par le président du conseil départemental des décisions de suspension à l'opérateur France Travail.
S'agissant du parcours d'accompagnement, un diagnostic fondé sur un référentiel et un outil communs est prévu pour garantir la prise en compte de l'ensemble des aspects de la situation de la personne ainsi qu'un contrat d'engagement harmonisé qui apporte de la lisibilité sur les obligations de toutes les personnes accompagnées vers l'insertion et vers l'emploi. Les modalités de signature du contrat sont inchangées : les personnes orientées vers l'opérateur France Travail signeront un contrat d'engagement avec l'opérateur, ceux orientés vers le département ou ses délégataires avec le président du conseil départemental. Comme prévu à l'article 2, ce contrat d'engagement prévoira notamment un plan d'action pour intégrer des actions visant, le cas échéant, un accompagnement intensif, qui pourra permettre de proposer 15 à 20 heures d'activités. Ces activités seront consacrées au parcours professionnel de la personne afin de faciliter son insertion en emploi : entretien, ateliers, formation professionnelle, immersion, selon un référentiel qui sera partagé avec l'ensemble des acteurs de l'insertion. Elles seront adaptées au regard de la situation particulière de la personne, notamment sociale, de ses besoins et de son éloignement à l'emploi.
Comme indiqué à l'article 2, une expérimentation est actuellement conduite dans dix-huit départements, elle vise à proposer un accompagnement intensif pour les allocataires du revenu de solidarité active avec pour cible 15 à 20 heures consacrées à leur parcours. Les résultats de ces pilotes viendront enrichir la réflexion sur le déploiement opérationnel des parcours et les modalités pertinentes de déploiement de l'intensité de l'accompagnement.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie principalement les dispositions de la section 3 du chapitre II du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles et n'en modifie pas l'ordre juridique interne. Huit articles de la section sont modifiés (L. 262-27, L. 262-29, L. 262-30, L. 262-31, L. 262-34, L. 262-37, L. 262-38, L. 262-39), certains uniquement pour adapter les formulations et renvois mais sans modification substantielle de l'article, et quatre articles sont supprimés (L. 262-32, L. 262-33, L. 262-35 et L. 262-36).
Dans le reste du chapitre 2, cinq articles sont modifiés, l'article L. 262-19, l'article L. 262-25, l'article L. 262-44 et l'article L. 263-4-1 pour adapter les formulations et renvois et un, l'article L. 262-42, pour faciliter l'échange de données entre le département et l'opérateur France Travail.
Pour les territoires d'expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active en métropole, l'article 43 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 est également adapté.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Les dispositions de l'article, portant sur les droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active, visent à accélérer leur retour à l'emploi en améliorant la qualité de leur accompagnement et en renforçant les outils de remobilisation. Ces dispositions devraient donc elles aussi avoir un impact positif sur le retour à l'emploi des allocataires du revenu de solidarité active.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
L'intensification de l'accompagnement et la mise en oeuvre de critères communs d'orientation favorisant le déploiement de parcours professionnels et socio-professionnels supposent un engagement des entreprises dans les dispositifs offrant aux bénéficiaires du revenu de solidarité active la possibilité de découvrir le monde de l'entreprise (immersions, stages ...). Les instances de coopération existantes, telles que les clubs « les entreprises s'engagent », constitueront un levier pour favoriser cet engagement.
L'accompagnement rénové des bénéficiaires du revenu de solidarité active doit aussi donner les moyens au plus grand nombre d'accéder à l'emploi. Ces dispositions contribueront ainsi à former et accompagner les bénéficiaires du revenu de solidarité active vers les offres d'emploi ouverts par les entreprises.
4.2.3. Impacts budgétaires
En améliorant l'accès à l'emploi des allocataires du revenu de solidarité active à l'emploi, ces dispositions contribueront à diminuer les dépenses du revenu de solidarité active, qui correspondent aujourd'hui à plus 12 milliards d'euros par an.
L'intensification de l'accompagnement nécessitera des moyens supplémentaires pour l'ensemble du réseau France Travail et qui seront précisés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les dispositions de cet article ne modifient pas les compétences des départements en matière d'orientation, d'accompagnement et de sanctions et ne touchent pas aux grands équilibres à l'oeuvre. Les départements continuent d'avoir une place prépondérante en matière d'accompagnement socio-professionnel et social et leur compétence sur les politiques d'insertion à destination des bénéficiaires du revenu de solidarité active est préservée.
Les nouvelles mesures ont donc un impact sur la coordination entre les départements et les acteurs de l'insertion, en particulier l'opérateur France Travail. Cette coordination pourra prendre forme au sein du comité départemental France Travail co-présidé par le président du conseil départemental et le préfet de département. Dans ce cadre, les acteurs de l'insertion, dont éventuellement des collectivités et centres communaux d'action sociale du territoire, seront invités à se prononcer sur une éventuelle précision des critères nationaux d'orientation, à échanger sur l'offre d'accompagnement du territoire et à suivre l'application de l'orientation pour toutes les personnes dépourvues d'emploi. La coordination des acteurs passera aussi par l'évolution des transmissions de données et d'information et l'utilisation d'outils et procédures communs.
L'enjeu d'une intensification de l'accompagnement supposera également une mobilisation des départements sur l'enrichissement de l'offre d'accompagnement et d'actions de levée des freins à l'emploi. Il supposera aussi un renforcement des moyens alloués en interne à l'accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Les contractualisations avec l'Etat pourront permettre d'accompagner ce renforcement de l'offre d'accompagnement.
Enfin, certaines procédures et pratiques professionnelles seront à faire évoluer au sein des départements, mais aussi des communes chargées par le département d'accompagner des bénéficiaires du revenu de solidarité active, notamment concernant le format du contrat d'engagement ou les procédures de sanctions appliquées.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les services de l'Etat seront engagés dans la coordination des acteurs de l'insertion en matière de droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active, notamment du fait de leur participation au comité départemental France Travail qui traitera de ces sujets. Ils accompagneront le déploiement d'offres nouvelles d'accompagnement ainsi que la mobilisation des entreprises dans le parcours des bénéficiaires du revenu de solidarité active.
Ils continueront d'être garant du cadre légal applicable aux bénéficiaires du revenu de solidarité active.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impact sur la société
Néant.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Si les personnes en situation de handicap n'ont pas vocation à percevoir le revenu de solidarité active, d'autres minima sociaux étant dédiés à la prise en compte du handicap (l'allocation adulte handicapé notamment), il est possible que certaines d'entre elles le perçoivent, soit parce qu'elles ne répondent pas à l'ensemble des critères des minima sociaux dédiés, soit parce qu'elles sont en attente d'une reconnaissance de leur handicap.
Dans tous les cas, les personnes en situation de handicap auront accès, comme tout bénéficiaire du revenu de solidarité active, à un accompagnement adapté à leurs besoins et à leur situation. Un diagnostic global sera réalisé par le référent désigné pour identifier les besoins de la personne et les offres à mobiliser. Des actions adaptées pourront être proposées, l'ambition étant de rendre accessible les offres, notamment de formation, à toutes les personnes et tous les types de handicap. L'opérateur France Travail et le réseau des Cap emploi, compétents pour accompagner les personnes en situation de handicap dans leur recherche d'emploi, pourront mobiliser leur expertise pour faciliter l'accès à l'emploi.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Les dispositions nouvelles prévues dans le présent article visent à garantir une équité de traitement de tous les bénéficiaires du revenu de solidarité active en matière de droits et devoirs et d'orientation.
La prise en compte spécifique des bénéficiaires du revenu de solidarité active majoré, c'est-à-dire le revenu de solidarité active versé aux parents isolés qui concernent 96% de femmes, est maintenu : les obligations qui s'appliquent à ces bénéficiaires tiennent compte de leurs sujétions particulières, notamment en matière de garde d'enfants. Le diagnostic global mis en place en entrée de parcours permettra une adaptation de l'accompagnement à ces contraintes et un traitement de ces freins pour contribuer à les lever (solutions de garde d'enfants...).
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Les bénéficiaires du revenu de solidarité active de moins de 25 ans continueront d'être accompagnés dans leur insertion sociale et professionnelle et bénéficieront de l'accompagnement intensifié porté par le présent article. L'orientation vers la mission locale / France Travail jeunes est maintenue pour ceux dont la situation le justifie. D'autres acteurs, en fonction du besoin et de la situation du jeune, pourront être notamment compétents pour l'accompagnement, l'opérateur France Travail et le département.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Néant.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
L'objectif est de proposer un meilleur accompagnement aux bénéficiaires du revenu de solidarité active pour leur donner toutes les chances d'accéder à l'emploi. Les impacts attendus sont donc un accompagnement effectif de tous les bénéficiaires du revenu de solidarité active soumis aux droits et devoirs, un meilleur accès à l'emploi de ces bénéficiaires et une meilleure insertion sociale avec une levée des freins.
Tous les bénéficiaires du revenu de solidarité active auront la qualité de demandeur d'emploi, à l'exception des personnes à la retraite.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Néant.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La mesure a été soumise à la consultation obligatoire de :
- la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) au titre du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail, dont les avis ont été rendus le 25 mai 2023 comme il suit :
o CFDT : défavorable ;
o CGT : défavorable ;
o FO : défavorable ;
o CFTC : abstention ;
o CFE-CGC : prise d'acte ;
o MEDEF : prise d'acte ;
o CPME : favorable ;
o U2P : favorable ;
o Régions : défavorable ;
- le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) au titre de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023 ;
- le conseil d'administration de Pôle emploi, au titre de l'article R. 5312-6 du code du travail, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023 ;
- la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et du conseil central d'administration de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), au titre des articles L. 200-3 du code de la sécurité sociale et L. 723-35 du code rural et de la pêche maritime, qui a rendu un avis favorable respectivement les 24 mai 2023 et 26 mai 2023.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La mesure entre en vigueur au 1er janvier 2025 s'agissant des dispositions relatives à l'orientation, au contrat d'engagement et aux régimes de droits et devoirs applicables aux bénéficiaires du revenu de solidarité active.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions du présent article s'appliqueront sur l'ensemble du territoire métropolitain, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, soumises au principe de l'identité législative. Elles seront adaptées dans les territoires dans lesquels le revenu de solidarité active est recentralisé à titre expérimental, dans les conditions prévues par l'article 11 du projet de loi.
Elles ne sont pas applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat viendra compléter les nouvelles dispositions relatives aux droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active et adapter les textes réglementaires existants sur le sujet en particulier les décrets n°2009-404 du 15 avril 2009 et n°2012-294 du 1er mars 2012, le décret no 2022-130 du 5 février 2022 relatif à l'expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active.
TITRE II - UN RENFORCEMENT DES MISSIONS DES ACTEURS AU SERVICE DU PLEIN EMPLOI GRACE A UNE ORGANISATION RENOVÉE ET UNE COORDINATION PLUS EFFICIENTE
Article 4 : Réseau France Travail et gouvernance
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
L'accompagnement des demandeurs d'emploi, plus particulièrement de ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail, et la réponse aux besoins de recrutement des employeurs supposent l'implication d'une multiplicité d'institutions et d'acteurs à tous les échelons du territoire : Etat, collectivités territoriales, opérateurs publics et acteurs associatifs ou privés en charge de l'insertion sociale et professionnelle et de la formation professionnelle. Chacun, du fait de son champ de compétence et d'expertise, apporte une contribution à la réponse au besoin d'insertion des personnes et de recrutement des employeurs.
Les enjeux d'inclusion des personnes les plus éloignées de l'emploi et de résorption des tensions de recrutement sont à la confluence des politiques publiques de l'emploi, de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi et des politiques sociales dont la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités s'est construite sur quarante années de décentralisation.
Ainsi, l'organisation actuelle de l'écosystème emploi, formation professionnelle, insertion traduit la prise en compte, à la fois, de la spécificité de certains publics (allocataires du revenu de solidarité active, jeunes, personnes en situation de handicap...), de l'imbrication des compétences et de la complexité des dispositifs et de leurs financements, tout en recherchant à toujours mieux coordonner les modalités d'intervention de chacun autour de sujets d'intérêts partagés et d'actions conjointes.
Cette organisation est fondée sur un cadre juridique législatif (code général des collectivités, code du travail, code d'action sociale et des familles) s'agissant des compétences de l'Etat, des collectivités dans le champ de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'insertion, des acteurs impliqués, des missions des opérateurs. S'agissant de la gouvernance, elle est fondée à la fois sur la norme législative et des instructions du ministre en charge de l'emploi et de la formation professionnelle.
1.1.1. L'existence de plusieurs guichets chargés de l'accompagnement des personnes en recherche d'emploi et de réponse aux besoins des entreprises
Les trois opérateurs du service public de l'emploi (SPE) sont les suivants :
- l'opérateur principal, Pôle emploi, établissement public administratif sui generis en charge de l'indemnisation et du placement des demandeurs d'emploi intégrant 900 agences ( article L. 5312-1 du code du travail) ;
- les 440 missions locales51(*) ( article L. 5314-1 du code du travail), réseau d'associations présidées par des élus, exerçant une mission en faveur de l'insertion socio-professionnelle des jeunes ;
- les 100 Cap emploi, organismes de placement spécialisés chargés de l'accompagnement, de suivi et de maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap ( article L. 5214-3-1 du code du travail) (ayant opéré un rapprochement avec Pôle emploi pour constituer des lieux unique d'accueil).
S'agissant des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, elles ont été créées par l'ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982 relative aux mesures destinées à assurer aux jeunes de 16 à 18 ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale.
Elles déploient près de 7000 points de contact sur le territoire.
Conformément aux orientations issues du « rapport Schwartz », ces structures, principalement constituées sous forme associative52(*), ont pour objet, dans le cadre de leur mission de service public pour l'emploi, d'aider les jeunes à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale, au moyen d'un accompagnement global et multidimensionnel (emploi, santé, logement, mobilité etc.).
Si les missions locales ont vocation à accueillir tout jeune de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi (en 2022, elles ont accompagné près d'1,1 million de jeunes53(*)), leur action est plus spécifiquement tournée, d'une part, vers les jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, dits « NEET ». Parmi les 387 000 jeunes accueillis pour la première fois par les missions locales en 2022, 83,4 % étaient des jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation. D'autre part, leur action est aussi plus particulièrement tournée vers les mineurs, en particulier depuis qu'elles ont été chargées du contrôle du respect de l'obligation de formation des jeunes âgés de seize à dix-huit ans par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance ( article L. 114-1 du code de l'éducation). L'action des missions locales est principalement articulée autour de deux dispositifs, qui s'inscrivent dans le cadre du droit à l'accompagnement garanti à tout jeune en application des dispositions de l'article L. 5131-3 du code du travail : le parcours contractualisé vers l'emploi (PACEA) et le contrat d'engagement jeune (CEJ) déployé depuis le 1er mars 2022.
Le contrat d'engagement jeune a la spécificité d'être un accompagnement intensif et personnalisé, mis en oeuvre par les missions locales mais également par Pôle emploi.
En 2022, 277 236 jeunes ont bénéficié de ce dispositif : 171 142 suivis par une mission locale et 106 094 suivis par Pôle emploi.
S'agissant des Cap Emploi ou organismes de placement spécialisés chargés de l'accompagnement, de suivi et de maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap, ils exercent une mission de service public.
La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale reconnait la place des Cap emploi au sein du service public de l'emploi. Elle leur confie la mission du conseil en évolution professionnelle (CEP) pour les personnes en situation de handicap ainsi que la possibilité d'être prescripteurs des périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP).
La loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels élargit les missions des organismes de placement spécialisés en leur confiant l'accompagnement au maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap à compter du 1er janvier 2018, dans un objectif de sécurisation des parcours professionnels des publics les plus fragiles, notamment pour accompagner les transitions professionnelles.
Une convention pluriannuelle d'objectifs est signée depuis avril 2017 au niveau régional entre chaque Cap emploi et les représentants de l'Etat, de l'Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées (Agefiph), du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique (FIPHFP) et de Pôle emploi. Les missions des Cap emploi en tant qu'opérateurs de placement spécialisés y sont reconnues comme services d'intérêt économique général (SIEG).
Leurs missions, qui prennent la forme d'actions d'information, de conseil et d'accompagnement, vis-à-vis des personnes en situation de handicap comme des employeurs privés ou publics, sont structurées selon deux axes :
- L'accompagnement vers l'emploi, délivré pour les personnes en situation de handicap, en recherche d'emploi :
Cette mission fait l'objet d'une offre de service intégrée qui a été généralisée en 2022, permettant aux demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi (DEBOE) d'être accompagnés au sein d'un lieu unique d'accueil (LUA), par des conseillers Cap emploi pour les demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi les plus en difficultés au regard de leur handicap (modalité d'accompagnement « Expert handicap ») ou par des conseillers Pôle emploi formés aux questions de handicap. Les actions pouvant être mobilisées comprennent notamment la réalisation de diagnostics, la mise en place d'appuis ponctuels notamment pour mobiliser des aides et des prestations spécifiques et de droit commun ou accéder à la formation.
- L'accompagnement dans l'emploi destiné à permettre le maintien dans l'emploi des personnes pour lesquelles est repérée une inadéquation entre la situation de travail et son état de santé ou son handicap, ou en vue d'une évolution professionnelle, dès lors que la situation nécessite une expertise Handicap / Emploi :
Ces missions s'inscrivent dans le cadre des politiques nationales déployées par l'Etat, avec l'appui de l'Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées et du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique, et déclinées en région (Plan régional d'insertion des travailleurs handicapés - PRITH, Plan régional de santé au travail - PRST, etc.), et doivent être réalisées en coordination et en complémentarité avec les différents acteurs de la prévention de la désinsertion professionnelle (services de prévention et de santé au travail - SPST -, organismes de Sécurité Sociale, centres de gestion...) et plus généralement entre les acteurs de la santé, de l'emploi et de la formation professionnelle.
La mission première du Cap emploi est d'explorer les champs du possible, en lien avec l'employeur et les services de prévention et de santé au travail, dans la recherche de solutions pour le maintien dans l'emploi de la personne au sein de son entreprise ou auprès de l'employeur public de rattachement.
Le Cap emploi intervient également, dans une logique de sécurisation des parcours et dès lors que le handicap nécessite une expertise handicap / emploi, pour des projets de maintien dans et en emploi ou d'évolution professionnelle en complémentarité de l'intervention des opérateurs habilités à délivrer le conseil en évolution professionnelle des actifs occupés. Par ailleurs, s'ajoutent aux opérateurs du service public de l'emploi les 100 services insertion des départements pour les allocataires du revenu de solidarité active ( article L. 115-2 du code d'action sociale et des familles).
Chacun développe son offre de services et d'accompagnement, à destination des personnes et des employeurs, adossée à des systèmes d'information propres à chacun et ponctuellement connectés entre eux.
Au cours des cinq dernières années, plusieurs initiatives et impulsions ont été engagées pour rapprocher ces guichets, agir sur les offres de services des différents réseaux et renforcer la coordination opérationnelle pour « agir ensemble », sans aller jusqu'à une approche véritablement intégrée.
Dans le champ de l'accompagnement des personnes en situation de handicap, un rapprochement entre Pôle emploi et le réseau des Cap emploi a été organisé, à compter de 2019, à la suite du comité interministériel du handicap du 25 octobre 2018 et du comité interministériel de transformation publique du 29 octobre 2018. Il s'agissait de mettre en place, d'une part, des lieux uniques d'accueil grâce à la présence de conseillers des Cap emploi dans les locaux des agences Pôle emploi, et, d'autre part, un cadre de pilotage unifié entre les deux opérateurs au service des demandeurs d'emploi en situation de handicap en matière d'accès à l'emploi (fixation par Pôle emploi d'un objectif de territoire commun sur la base de cibles nationales co-définies, conduite du dialogue de gestion des cap emploi par Pôle emploi).
Dans le champ de l'accompagnement des jeunes, un accord cadre de partenariat co-signé par l'Etat formalise, depuis 2006, la relation entre les deux opérateurs pour poser les principes de coordination et de complémentarité d'interventions sur les territoires. A compter de 2022, suite aux actions opérationnelles de rapprochement entre Pôle emploi et les missions locales issues du plan « 1 jeune 1 solution » une évolution significative des relations entre les deux opérateurs s'est mise en place à la faveur du déploiement du « Contrat d'engagement jeune » (CEJ) dont ils sont les opérateurs à travers une offre de service commune, une clarification des critères d'orientation des jeunes entre les deux réseaux, un outillage et un cadre de pilotage du contrat engagement jeune commun.
Dans le champ de l'accompagnement des allocataires du revenu de solidarité active (ARSA), une double démarche a été engagée :
- d'une part, dès 2019, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (SNPLP), des conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (CALPAE), couvrant la période 2019-2022, ont été conclues entre l'Etat et les départements permettant de mobiliser des moyens ciblés sur des objectifs communs et de s'engager sur des résultats en contrepartie d'un financement additionnel de la part de l'Etat. Les objectifs visaient une amélioration du processus d'orientation (en délai et en qualité) et une amplification de l'offre d'accompagnement intensif vers l'emploi des allocataires du revenu de solidarité active en intégrant la double approche sociale et professionnelle par le biais de la garantie d'activité départementale complétant l'accompagnement global mis en place dès 2014 et reposant sur un binôme avec un conseiller insertion professionnelle de Pôle emploi et un travailleur social du département ;
- d'autre part, la création du service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE) proposant, sur la base du volontariat (appel à manifestation d'intérêt), aux départements de développer, en lien avec Pôle emploi, un socle de services pour améliorer les parcours : diagnostic partagé entre les acteurs intervenant sur les champs de l'insertion et de l'emploi ; coordination et suivi de parcours et une accessibilité renforcée de l'offre de solutions sociale et professionnelle. En 2023, ce sont au total 79 territoires qui sont engagés dans la démarche.
1.1.2. Des compétences des politiques emploi, formation professionnelle et insertion partagées entre l'Etat et les collectivités territoriales
L'Etat a la responsabilité de la politique de l'emploi, précisée par les textes législatifs et réglementaires ( livre premier de la cinquième partie du code du travail) et qui s'incarne à la fois dans la définition, le financement et le pilotage de programmes et dispositifs et dans la mobilisation et l'animation du service public de l'emploi dont les textes fixent la mission : « l'accueil, l'orientation, la formation et l'insertion ; il comprend le placement, le versement d'un revenu de remplacement, l'accompagnement des demandeurs d'emploi et l'aide à la sécurisation des parcours professionnels de tous les salariés » ( article L. 5311-1 du code du travail) et les acteurs ( articles L. 5311-2 à 4 du code du travail).
L'Etat au niveau national et territorial (préfet, direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités - DREETS, direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarité - DDETS) est le garant des principes généraux du service public de l'emploi (continuité, égalité, adaptabilité) tout en intégrant les évolutions successives qui sont intervenues dans le champ emploi-formation-orientation au fil des années pour inscrire in concreto la logique de territorialisation des politiques publiques déconcentrées, en articulation avec les compétences décentralisées aux collectivités territoriales (régions, départements, communes et groupements) dans des domaines proches des questions d'emploi (développement économique, formation professionnelle, insertion sociale).
Les régions ont acquis une compétence de droit commun en matière de formation professionnelle ( article L. 6121-2 du code du travail) et d'orientation ( article L. 214-1 du code de l'éducation) et de développement économique ( article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales), les départements sont en charge des politiques d'insertion, non seulement à destination des allocataires du revenu de solidarité active (article L. 115-2 du code d'action sociale et des familles), mais au titre de la compétence « pour mettre en oeuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l'accueil des jeunes enfants et à l'autonomie des personnes » ( article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales) et les communes et intercommunalités à travers notamment les centres communaux d'action sociale (CCAS) et les centres intercommunaux d'action sociale (CIAS). Les collectivités territoriales, à tous les niveaux, apportent leur concours au développement de l'emploi et au développement économique et social de leurs territoires justifiés par l'intérêt public local.
Ainsi, l'Etat, responsable devant l'opinion publique, s'appuie sur les contributions de politiques pilotées par les conseils régionaux (la formation professionnelle est une condition du retour vers un emploi durable) ou les conseils départementaux (l'effectivité de l'insertion des bénéficiaires du revenu de solidarité active en particulier est un élément important pour améliorer le taux d'emploi en France).
A ce titre, l'Etat a mis en place un cadre d'action renouvelé avec les collectivités territoriales au travers de la contractualisation. L'animation territoriale aux différents niveaux de son organisation est déclinée du périmètre infra-département au régional par des instances de coordination dénommées Service Public de l'Emploi. Elles sont placées sous l'autorité des préfets et sous-préfets avec l'appui des services déconcentrés de l'Etat (DREETS et DDETS PP).
Dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC), l'Etat a cherché à redéfinir ses modalités d'intervention en matière de formation des demandeurs d'emploi pour que les conseils régionaux investissent les priorités qu'il définit au niveau national en privilégiant l'approche contractuelle, prévue à l'article L. 6122-2 du code du travail « la mise en oeuvre d'un programme national défini par l'Etat et destiné à répondre à un besoin additionnel de qualification au profit de jeunes sortis du système scolaire sans qualification et des personnes en recherche d'emploi disposant d'un niveau de qualification inférieur ou égal ou égal au baccalauréat, en insistant en priorité sur les personnes en situation d'illettrisme, avec ou sans activité professionnelle (...) » pour lesquelles « l'Etat engage une procédure de conventionnement avec la région ».
Cette nouvelle logique s'est traduite par les pactes régionaux pour l'investissement dans les compétences (PRIC) signés avec l'ensemble des régions à l'exception des régions Auvergne Rhône-Alpes et Provence Alpes Côte d'Azur couvrant la période 2019-2022.
Avec la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (SNPLP), le choix a été clairement posé d'introduire une nouvelle place de l'Etat dans les politiques d'insertion et de solidarités décentralisées, avec un objectif plus marqué d'articulation avec les politiques de l'emploi traduisant la conviction que l'accès à l'emploi constitue, lorsque cela est possible, la meilleure garantie d'une sortie durable de la pauvreté.
Des conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (CALPAE), couvrant la période 2019-2022, ont été conclues entre l'Etat et les départements permettant de mobiliser des moyens ciblés sur des objectifs communs et de s'engager sur des résultats en contrepartie d'un financement additionnel de la part de l'Etat autour d'objectifs notamment pour l'insertion des allocataires du revenu de solidarité active.
1.1.3. De nombreux acteurs porteurs de dispositifs d'insertion professionnelle, d'insertion sociale ou d'insertion socio-professionnelle
Les parcours d'accompagnement des personnes éloignées de l'emploi supposent d'activer une palette de dispositifs, programmes qui sont mis en oeuvre, au-delà de Pôle emploi, missions locales et Cap emploi, par une multiplicité d'acteurs institutionnels et non institutionnels qui peuvent être financés par un ou plusieurs financeurs (Etat, région, départements, communes).
Ces acteurs, pour le plus grand nombre, sont des acteurs au titre des deuxième et troisième rangs54(*) , n'apportant qu'une partie des solutions d'accompagnement ou d'insertion ( articles L. 5311-3 à 4 du code du travail), notamment, l'Agence pour l'emploi des cadres (APEC), l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE), les opérateurs publics ou privés de placement, mais aussi les maisons de l'emploi ( article L. 5313-1 du code du travail), les plans locaux pour l'insertion et l'emploi ( article L. 5131-2 du code du travail). Cette liste d'acteurs de l'insertion professionnelle peut s'élargir à d'autres partenaires, dès lors qu'ils poursuivent des objectifs convergents et respectent les obligations du service public et qu'ils sont conventionnés par l'Etat. En raison du caractère de plus en plus dynamique des marchés de l'emploi et de la multiplicité des acteurs qui en font partie, les services publics de l'emploi ont également progressivement renforcé leurs liens avec les agences en charge du développement économique et des territoires et les secteurs privés et associatifs.
Le champ de l'insertion sociale est également caractérisé par une diversité d'acteurs : organismes de prestations sociales (Caisses d'allocations familiales, et caisses de la mutualité sociale agricole, institué par article L. 262-16 du code d'action sociale et des familles), des centres communaux d'action sociale et les centres intercommunaux d'action sociale ( articles L. 123-4 et L. 123-4-1 du code d'action sociale et des familles), des structures notamment maison de l'emploi, plans locaux d'insertion et d'emploi et des acteurs associatifs. De par leur objet d'accompagnement social pour la levée de freins à l'emploi lié à des problématiques notamment de logement, d'état de santé, ou d'accompagnement social ou socioprofessionnel, ces structures peuvent être financées par le département qui leur délègue l'accompagnement des allocataires du revenu de solidarité active dans le cadre des plans départementaux d'insertion qui « définit la politique départementale d'accompagnement social et professionnel, recense les besoins d'insertion et l'offre locale d'insertion et planifie les actions d'insertion correspondantes. » ( article L. 263-1 du Code d'action sociale et des familles).
1.1.4. Une gouvernance à chaque niveau territorial pour coordonner les acteurs et les politiques publiques
Au niveau régional, la gouvernance en vigueur découle de l'effet conjugué, d'une part, des dispositions législatives issues de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale, de la loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) n°2015-991 du 7 août 201555(*) et de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, et, d'autre part, des dispositions de deux instructions : l' instruction du gouvernement du 15 juillet 2014 relative à l'organisation et au rôle du service public de l'emploi sur les territoires et de l'instruction du ministre en charge de l'emploi du 14 octobre 2016 relative à la mise en oeuvre des articles 6 et 7 de la loi NOTRe et de la plateforme Etat-Régions signée le 30 mars 2016.
Les comités régionaux de l'emploi, la formation et l'orientation professionnelles (CREFOP), instance de gouvernance quadripartite, sont co-présidés par le préfet et le Président du Conseil régional. Les partenaires sociaux assurent en parallèle les vice-présidences.
L'instance réalise des diagnostics, études, suit et évalue les politiques nécessaires pour assurer la coordination entre les acteurs des politiques d'orientation, de formation professionnelle et d'emploi et la cohérence des programmes de formation dans la région. Elle veille à la bonne articulation avec les différents schémas régionaux.
Le comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles est doté d'une commission chargée de la concertation relative aux politiques de l'emploi sur le territoire, qui assure la coordination des acteurs du service public de l'emploi et ouvre la possibilité, si le contexte s'y prête, à se substituer à la formation stratégique du service public régional.
Toutefois, les dispositifs nationaux des politiques de l'emploi continuent à être pilotés par l'Etat. L'existence de la commission emploi du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles n'exclut pas l'organisation de réunions entre l'Etat et ses opérateurs sous l'égide du préfet de région auxquelles peuvent être conviés d'autres acteurs.
Ces réunions régionales, notamment dans le cadre du service public de l'emploi régional permettent la définition d'une stratégie régionale de l'emploi et la liaison avec les services publics de l'emploi départemental. La distinction entre la coordination des acteurs, relevant du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles et le pilotage des dispositifs nationaux relevant de l'Etat, ont conduits dans la majorité des régions de maintenir des services publics régionaux (neuf sur les treize régions métropolitaines).
Les services publics de l'Emploi régionaux fonctionnent à la fois en instance technique réunissant les directeurs des membres, en charge de la conception et du suivi des travaux et, en instance stratégique - en présence du préfet et des élus et parfois des organisations syndicales et professionnelles, en charge de la validation des propositions de l'instance opérationnelle et du partage des travaux.
Par ailleurs, au fil du temps, des réunions ad hoc ont pu se développer en fonction des nombreux programmes à déployer ou de thématiques spécifiques non intégrées au comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles notamment dans le cadre du suivi des conventions pluriannuelles d'objectifs des missions locales, du déploiement du Contrat engagement jeunes, de l'obligation de formation 16-18 ans.
Une nouvelle instance de coordination régionale de l'action des Régions et de Pôle emploi en matière de formation professionnelle a été initiée en 2019 mais celle-ci n'a pas réellement prospéré à ce jour, notamment en raison de la crise sanitaire. Cette expérimentation a cependant été dotée d'une base législative dans le cadre de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique local (dite loi « 3DS ») qui prévoit, dans son article 12, la création d'instances régionales de coordination des conseils régionaux avec l'action de Pôle emploi.
Cet article prévoit en outre que l'instance régionale communique aux présidents des conseils départementaux, les projets de recommandation pour qu'ils puissent formuler des avis sur toute question susceptible d'intéresser leur coopération avec Pôle emploi et l'instance régionale, dans le cadre de l'approche globale de l'accompagnement des demandeurs d'emploi les plus fragilisés.
Au niveau départemental, le service public de l'emploi départemental est l'échelon de déclinaison des politiques régionales et nationales, il permet également la coordination avec les politiques d'insertion.
Le service public de l'emploi départemental permet de mettre en oeuvre des plans d'action pour promouvoir, provoquer des dispositifs (ex. plan un jeune, une solution, résorption des métiers en tension, ...) et en suivre la bonne avancée, agir sur les structures de l'insertion par l'activité économique par rapport aux besoins du territoires, décline les différentes conventions avec les partenaires comme la Maison départementale des personnes handicapée - MDPH, l'Office français de l'immigration et de l'intégration - OFII... et peut porter des actions mettant en coordination l'ensemble des partenaires et acteurs territoriaux.
Le service public de l'emploi départemental veille également à la bonne coordination des actions du service public de l'emploi avec celle du programme départemental d'insertion (PDI) qui définit la politique départementale d'accompagnement social et professionnel, recense les besoins d'insertion et l'offre locale d'insertion et planifie les actions d'insertion correspondantes ( article L. 263-1 du code de l'action social et des familles).
Pour mettre en oeuvre le programme départemental d'insertion, le Conseil départemental conclut avec les parties intéressées un pacte territorial d'insertion (PTI) auquel il peut associer l'Etat, Pôle emploi et les organismes du service public de l'emploi, notamment, les missions locales, les Cap emploi, les chambres consulaires, etc. Le pacte territorial d'insertion ( article L. 263-2 du code de l'action social et des familles) définit les modalités de coordination des actions entreprises par les parties pour favoriser l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du revenu de solidarité active : « Pour la mise en oeuvre du programme départemental d'insertion, le département conclut avec les parties intéressées un pacte territorial pour l'insertion. Le pacte peut associer au département, notamment, l'Etat, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail, les organismes concourant au service public de l'emploi, les maisons de l'emploi ou, à défaut, les personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi, les organismes compétents en matière d'insertion sociale, les organismes mentionnés à l'article L. 262-16 du présent code, les organisations syndicales représentatives à l'échelon national, les organismes consulaires intéressés et les collectivités territoriales intéressées, en particulier la région, et leurs groupements, ainsi que les associations de lutte contre l'exclusion. Il définit notamment les modalités de coordination des actions entreprises par les parties pour favoriser l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Le pacte prévoit, en particulier, au titre de la formation professionnelle, le concours de la région aux politiques territoriales d'insertion. Le pacte pour l'insertion peut faire l'objet de déclinaisons locales dont le président du conseil départemental détermine le nombre et le ressort. ».
Ainsi le service public de l'emploi départemental prévoit la participation des Conseils départementaux. Par ailleurs, les Conseils départementaux du ressort de la région sont associés aux réflexions et travaux conduits par le comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles en matière d'insertion professionnelle, selon des modalités définies dans son règlement intérieur. Les Conseils départementaux peuvent être associés aux gouvernances ad hoc mises en place dans le cadre de pilotage de dispositifs ou de projets sectoriels.
La démarche service public de l'insertion et de l'emploi a été l'occasion de pousser (au-delà de la coordination institutionnelle) à un renforcement de la coordination opérationnelle des professionnels, plus spécifiquement des départements et de Pôle emploi pour l'accompagnement des allocataires du revenu de solidarité active. La définition même du service public de l'insertion et de l'emploi le catégorise comme une démarche et non comme un dispositif avec une gouvernance propre, ce qui a pour conséquence que les territoires sont libres de s'organiser comme ils le souhaitent. Ainsi, la plupart des territoires ont mis en place une gouvernance opérationnelle de suivi du déploiement effectif du projet territorial agissant sur les parcours.
Quelques territoires de gouvernance, ont cherché à faire évoluer les instances pré-existantes dans les champs de l'emploi, de l'insertion et de la formation.
Enfin, quel que soit le modèle de gouvernance retenu localement, le service public de l'insertion et de l'emploi est perçu comme un vecteur qui a permis de rapprocher de manière significative l'ensemble des parties prenantes de l'insertion, non seulement entre l'Etat et les conseils départementaux mais aussi entre ces derniers et Pôle emploi.
Au niveau local, le service public de l'emploi de proximité n'est pas un échelon de déclinaison des politiques régionales mais un échelon de proximité dédié à la concertation avec les acteurs du territoire pour la mise en place de projets territoriaux de développement de l'emploi et de réponse aux besoins de sécurisation des transitions professionnelles. Il doit contribuer à la territorialisation des politiques publiques et à l'émergence et au portage de projets dans une démarche « bottom-up ».
Le service public de l'emploi de proximité est le niveau territorial du comité de bassin d'emploi le plus opérationnel pour aller au contact des entreprises, connaître et se faire connaître auprès des acteurs de l'emploi et de la formation, impulser un travail collaboratif entre les entreprises et les acteurs de terrain, permettant la recherche de solutions rapides et efficaces.
Quelques régions ont décliné les missions de la commission emploi du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles au niveau infra départemental au sein de comités locaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles -CLEFOP (Hauts-de-France, en Bourgogne-Franche-Comté, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Bretagne). Par exemple, le conseil régional du Pays de la Loire a mis en place 18 cellules territoriales coanimées par l'Etat, Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi, des développeurs économiques des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et de l'agence régionale, et les chambres consulaires. Ces cellules du comité local de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles permettent d'étudier collectivement la situation spécifique de chaque entreprise et d'activer une mobilisation adaptée des dispositifs avec un tableau de suivi. Les cellules territoriales entreprises emploi de Vendée ont traité en 2 ans près de 200 situations d'entreprises.
La participation des élus territoriaux au service public de l'emploi s'est construite au fil des constructions des compétences des collectivités territoriales et de la nécessaire coordination des actions. Si la co-présidence Etat-Région du comité régional de l'emploi, la formation et l'orientation professionnelle est prévue par le code du travail, la présidence des autres instances, prévues par instructions, renvoyant à une présidence de facto par l'Etat mais ne fait pas obstacle à d'autres formats selon les contextes territoriaux. Ainsi, les élus régionaux et départementaux sont souvent présents dans les instances départementales et infra-départementales et ceux des intercommunalités aux instances infra-départementales.
Les réformes sur le cadre de gouvernance au niveau régional, les initiatives engagées ces cinq dernières années ne suffisent pas encore à aller jusqu'à une approche véritablement intégrée des institutions et acteurs concourant à l'insertion des personnes et aux besoins de recrutement.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
1.2.1. La libre administration des collectivités territoriales
La libre administration des collectivités territoriales est un principe consacré par l'article 72 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi, [les] collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. ».
L'autonomie locale et la libre administration des collectivités territoriales impliquent, outre une organisation et un financement propre, la possibilité de disposer et d'exercer de façon effective des compétences56(*)
Toutefois, le juge constitutionnel reconnaît au législateur la possibilité d'assujettir « les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations et à des charges, c'est à la condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d'intérêt général, qu'elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu'elles n'entravent pas leur libre administration et qu'elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée »57(*).
Les dispositions du présent article relatives au réseau France Travail et à sa gouvernance s'inscrivent dans ce cadre constitutionnel, notamment en ce qui concerne les nouvelles modalités d'intervention des conseils régionaux et des conseils départementaux dans l'écosystème France Travail. L'objectif recherché est de mieux travailler avec l'ensemble des opérateurs et acteurs de l'insertion et de l'emploi et de construire des parcours d'accompagnement parfaitement articulés pour traiter tous les freins d'accès vers l'emploi. L'engagement des collectivités territoriales dans France Travail reste une faculté. Elles choisissent de participer à cette dynamique par la signature d'une charte d'engagement. Ce choix leur permet de co-présider l'instance territoriale France Travail.
Ainsi, les dispositions du présent article n'entravent pas la libre administration des collectivités territoriales. En effet, la nouvelle gouvernance proposée ne remet pas en question la répartition des compétences entre les conseils régionaux, les conseils départementaux et l'Etat. Dans les conditions prévues par le juge constitutionnel, un nouveau cadre d'exercice de ces compétences est créé afin de mieux coordonner les actions de chacun et d'assurer le respect d'un socle minimal de principes et de règles par l'ensemble des acteurs des politiques de l'emploi et de l'insertion. A des fins d'intérêt général, il s'agit de garantir à toute personne en recherche d'un emploi l'offre de services la plus efficiente possible pour son insertion sur le marché du travail.
1.2.2. La liberté d'association et les missions locales/Cap emploi
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, décide, en se fondant sur le Préambule de la Constitution de 1958, et plus particulièrement sur l'alinéa 1er du Préambule de la Constitution de 1946, que la liberté d'association, parce qu'elle constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République, appartient au bloc de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel précise que le principe de la liberté d'association est à la base des dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
Toutefois, le principe constitutionnel de la liberté d'association ne s'oppose pas à ce que des catégories particulières d'associations fassent l'objet d'obligations ou de mesures spécifiques de contrôle de la part de l'État en raison notamment des missions de service public auxquelles elles participent58(*)
Les dispositions du présent article relatives aux nouvelles obligations fixées aux missions locales dans le cadre du nouvel écosystème France Travail s'inscrivent dans ce cadre constitutionnel.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Trois conventions négociées dans le cadre de l'Organisation internationale du travail - OIT fixent les principes de l'organisation et du fonctionnement du service public de l'emploi :
- la convention n° 88 de 1948 prévoit notamment que chaque pays doit entretenir un service public et gratuit de l'emploi ;
- la convention n° 122 de 1964 définit la politique de l'emploi ;
- la convention n° 181 de 1997 sur les agences d'emploi privés reconnait le rôle des opérateurs privés de placement.
Conformément à ces textes, les services publics de l'emploi ont pour principal objectif de mettre en contact les demandeurs d'emploi avec les employeurs. Les missions essentielles des services publics de l'emploi sont ainsi l'accueil et l'information des demandeurs d'emploi, leur accompagnement (qui regroupe les activités d'orientation, de conseil, d'intermédiation et de placement sur le marché du travail ou dans un dispositif de formation professionnelle), le versement des indemnités liées au chômage, ainsi que les services rendus aux employeurs en matière de prospection et de collecte d'offre d'emploi et d'aide au recrutement.
Les services publics de l'emploi peuvent parfois gérer directement des centres de formation, être responsables de l'orientation et de l'insertion socio-professionnelle des jeunes dans le système scolaire, verser des minimas sociaux, des prestations familiales et des allocations pour des personnes handicapées, agréer et superviser les agences d'emploi privées ou délivrer des autorisations de travail. Les services publics de l'emploi jouent enfin un rôle essentiel pour identifier et faciliter les évolutions structurelles du marché du travail.
En outre, conformément à la réglementation européenne relatives aux aides d'Etat accordées à certaines entreprises chargées de la gestion de Services d'intérêt économique général (SIEG), la décision d'exemption 2012/21/UE détermine dans quelles mesures des aides octroyées pour des services répondant à des besoins sociaux liés à l'accès et à la réinsertion sur le marché du travail, peuvent être présumées compatibles avec le marché intérieur et exemptées de notification à la Commission (article 2 § 1 (a)).
Pour cela, trois critères cumulatifs doivent être remplis, à savoir (i) l'existence d'obligations de service public clairement définies et confiées à l'entreprise par un acte exprès de la puissance publique pour une durée maximale de 10 ans ; (ii) l'établissement préalable, objectif et transparent des paramètres de calcul de la compensation ; (iii) la mise en place d'un contrôle régulier, au moins tous les trois ans, afin de veiller à l'absence de surcompensation.
Un rapport comprenant une description détaillée de l'application de cette décision doit être remis tous les deux ans à la Commission.
Les organismes de placement spécialisés (OPS), dits « CAP Emploi », ont aujourd'hui la qualification de service d'intérêt économique général (SIEG). Les textes constitutifs du mandat de service public qui leur sont confiés correspondent à la loi du 11 février 2005 qui reconnaît à ces organismes une mission de service public dans le champ de l'insertion professionnelle des personnes handicapées en milieu ordinaire ( art. L. 5214-3-1 du code du travail), en complémentarité avec le service public de l'emploi, ainsi que l'article 101 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels qui élargit la mission des organismes spécialisés de placement au maintien dans l'emploi à compter du 1er janvier 2018. La loi précise les missions de service public, tandis qu'une convention pluriannuelle d'objectifs définit les engagements de l'organisme à mettre en oeuvre le projet d'intérêt économique général visant à assurer la préparation, l'accompagnement, le suivi durable et le maintien dans l'emploi des personnes handicapées.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Le rapport « Comparaison des services publics de l'emploi de différents pays européens » de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales de février 2023 portant sur cinq pays (Allemagne, Danemark, Espagne - Catalogne -, Belgique - Flandre - et Suède) permet de disposer d'éléments ci-après. L'objectif de cette étude était d'identifier les bonnes pratiques pouvant inspirer le service public de l'emploi français. La mission a approfondi cinq thèmes reflétant les principaux axes d'amélioration du système français : la coordination des acteurs du service public de l'emploi, le diagnostic initial de la situation des demandeurs d'emploi, les modalités de leur accompagnement, le contrôle de la recherche d'emploi et l'offre de service aux employeurs.
Les pays et régions étudiés par la mission présentent des modèles de service public de l'emploi très différents en termes d'organisations, de périmètre, de compétences des acteurs publics, de niveau d'externalisation, de stratégie envers les demandeurs d'emploi et de moyens mis en oeuvre. Si ces différences s'expliquent par le contexte historique, politique et socioéconomique, de nombreux enseignements peuvent toutefois être tirés pour le modèle français.
L'organisation des services publics de l'emploi étudiés est moins morcelée que l'organisation française. Quatre des cinq services publics de l'emploi étudiés disposent de guichets uniques d'accompagnement des demandeurs d'emploi (Catalogne, Danemark, Flandre, Suède) et le service public de l'emploi allemand comprend deux guichets d'accompagnement aux périmètres très bien définis. Ces pays ont généralement confié la politique du service public de l'emploi à un ou deux échelons institutionnels. A titre d'illustration, le service public de l'emploi allemand relève d'un opérateur central, la Bundesagentur für Arbeit, et de l'échelon intercommunal.
Les services publics de l'emploi sont devenus des écosystèmes qui reposent désormais sur plusieurs opérateurs, publics et privés. Par exemple, l'opérateur central suédois Arbetsförmedlingen, guichet unique du service public de l'emploi, s'appuie sur de très nombreux prestataires privés auprès de qui il a externalisé l'accompagnement des demandeurs d'emploi.
Ø Le service public de l'emploi allemand :
L'Allemagne a un taux de chômage de 3% en octobre 2022. Le service public de l'emploi allemand est un système dual avec deux réseaux d'accompagnement des demandeurs d'emploi largement pilotés par une agence nationale, la Bundesagentur für Arbeit
Il existe deux réseaux d'accompagnement des demandeurs d'emploi, largement pilotés par une agence nationale, la Bundesagentur für Arbeit, dont la gouvernance est aux deux-tiers entre les mains des partenaires sociaux :
- Les 156 agences pour l'emploi, qui dépendent exclusivement de la Bundesagentur für Arbeit, accompagnent les demandeurs d'emploi (56 000 équivalents temps plein environ pour 800 000 demandeurs d'emploi fin 2021) pendant les 12 mois où ils bénéficient de l'assurance chômage contributive ;
- Les 406 jobcenters qui accompagnent les demandeurs d'emploi ne bénéficiant pas ou plus de l'assurance chômage contributive (1,7 million de personnes fin 2021) mais du minimum social, fusionné avec l'assistance chômage par la loi Hartz IV quels que soient leur age et leur éloignement de l'emploi.
La Bundesagentur für Arbeit, dont le modèle ressemble le plus à Pôle emploi, emploie plus de 101 000 équivalents temps plein auxquelles il faut ajouter de l'ordre de 20 000 équivalents temps plein dans les jobcenters cogérés qui sont des agents publics territoriaux, et 11 000 équivalents temps plein dans les jobcenters gérés en autonomie par l'échelon intercommunal.
Ø Le service public de l'emploi danois : un guichet unique et communal au sein d'un système décentralisé mais très intégré.
Le Danemark a un taux de chômage de 4,5 % en octobre 2022.
À la différence de l'Allemagne ou de la France, le service public de l'emploi danois ne repose pas sur un grand opérateur principal mais est décentralisé aux communes : ses moyens et ses objectifs, définis par la loi, sont mis en oeuvre par les 98 communes du pays (Kommune). Dans chaque commune, un Jobcenter, guichet unique du service public de l'emploi accueille l'ensemble des publics, quels que soient leur âge et leur éloignement à l'emploi.
La cohérence du service public de l'emploi danois est assurée par :
- une agence nationale placée sous l'autorité du ministère du travail, l'agence STAR, créée en 2014, qui est responsable de la supervision et du contrôle du service public de l'emploi géré par les communes. Chaque commune s'engage annuellement sur des objectifs chiffrés, dans un plan annuel pour l'emploi. Si la commune s'écarte de la trajectoire définie, elle fait l'objet d'une supervision renforcée de l'agence STAR et doit s'engager sur un plan d'action permettant de redresser la tendance ;
- un système d'information commun à toutes les communes, qui permet de disposer d'une information précise sur l'activité et les résultats de chaque Jobcenter.
Le service public de l'emploi danois est le mieux doté en effectifs et en moyens financiers parmi les pays étudiés. Les Jobcenters emploient ainsi de l'ordre de 10 000 équivalents temps plein pour 150 000 usagers du service public de l'emploi, sans compter les effectifs des caisses d'assurance chômage, distinctes des Jobcenters.
Ø Le service public de l'emploi flamand (Belgique) : un guichet unique et régionalisé, qui gère aussi des centres de formation
La région de Flandre belge a un taux de chômage de 3,6 % au troisième trimestre 2022, inférieur à la moyenne nationale de 2,1 points.
La Flandre a confié son service public de l'emploi à l'agence VDAB, guichet unique des demandeurs d'emploi, qui organise l'accompagnement de ses usagers selon deux modalités :
- les demandeurs d'emplois considérés comme les plus autonomes ne bénéficient que des outils digitaux développés par le VDAB. Trois centres de contact (contact centers), des plateformes composées d'agents, sont à disposition par mail ou par téléphone si ces demandeurs d'emploi ont besoin d'aide ;
- les moins autonomes sont accompagnés dans 60 centres de compétences (competence centers), des agences qui rassemblent des équipes d'accompagnement des demandeurs d'emploi et des centres de formation.
Le VDAB emploie 4 500 équivalents temps plein. Ses usagers sont environ 180 000 fin 2022 en comptant les services en ligne, mais ceux bénéficiant de services d'accompagnement en présentiel placement, coaching, formations) sont environ 40 000.
Ø Le service public de l'emploi catalan (Espagne) : un guichet unique et régionalisé
La Catalogne espagnole a un taux de chômage de 9,3 % en octobre 2022.
Le service public de l'emploi espagnol est un autre exemple de service public de l'emploi décentralisé au niveau régional (Comunidad autónoma), qui a un certain nombre de points communs avec le service public de l'emploi flamand. En Catalogne, le service public de l'emploi est géré par une agence placée sous l'autorité du gouvernement régional, le SOC. Celui-ci associe également quelques communes à la mise en oeuvre de certaines missions du service public de l'emploi, notamment la commune de Barcelone. 69 agences locales du SOC sont à l'oeuvre dans les quatre provinces de Catalogne.
Le SOC emploie 1 800 équivalents temps plein, dont 1 026 en agence. Le SOC et le SEPE partagent les mêmes locaux. Le SEPE compte environ 600 équivalents temps plein en Catalogne.
Par ailleurs, cinq communes de la région dont Barcelone ont développé leur propre agence de développement économique, qui comprend un service d'accompagnement aux demandeurs d'emploi. La principale, Barcelona Activa, comptait en juillet 2021 de l'ordre de 460 équivalents temps plein et son offre recoupe en grande partie celle du SOC.
Ø Le service public de l'emploi suédois : un opérateur centralisé et largement externalisé en 2019
La Suède a un taux de chômage de 7,7 % en octobre 2022.
Le service public de l'emploi suédois repose sur l'Arbetsförmedlingen, un opérateur public national centralisé, comme en Allemagne ou en France, qui dispose d'un réseau de 112 agences et emploie environ 10 000 agents.
Toutefois, en 2019, l'accompagnement des demandeurs d'emploi a été très largement privatisé : l'Arbetsförmedlingen a réduit ses effectifs de 30 % et a délégué à des prestataires privés agréés l'accompagnement et le placement des demandeurs d'emploi. Si l'Arbetsförmedlingen continue d'être un guichet unique d'accueil et d'inscription des demandeurs d'emploi, de multiples opérateurs privés prennent en charge des pans du service public de l'emploi qui sont assurés, dans les autres pays, par des acteurs publics. Les demandeurs d'emploi ont ainsi le choix entre plusieurs opérateurs privés pour les accompagner, conformément à l'objectif de la réforme
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
Notre système actuel se caractérise comme l'un des systèmes européens qui cumule le plus grand nombre d'acteurs intervenant dans ce champ : Etat, régions, départements, bloc communal, mais aussi une multitude d'opérateurs publics et d'acteurs associatifs et privés.
La diversité des enjeux à gérer (formation, emploi mais aussi mobilité, santé, logement, garde d'enfants...) pour un accompagnement efficace vers l'emploi de toutes les personnes qui en ont besoin, la fragmentation des compétences institutionnelles générant une multiplicité des partenariats, des financements, des instances et donc une dispersion des efforts conduisent à repenser le modèle de la coopération pour garantir une action commune à destination des personnes et des entreprises. Ainsi par exemple, au niveau départemental, plus de 13 instances de pilotage de dispositifs d'insertion professionnelle ont été dénombrées (service public de l'emploi départemental, plan départemental d'insertion, pacte territorial d'insertion, comité de pilotage du service public de l'insertion et de l'emploi, comité de pilotage de la stratégie pauvreté, comité départemental de l'insertion par l'activité économique, comité de pilotage du contrat engagement jeune, comité de pilotage de l'obligation de formation 16-18 ans...).
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le déploiement des politiques de l'emploi nécessite l'articulation de nombreux sujets (développement économique, formation professionnelle, levée des freins périphériques...) et oblige à une nécessaire coordination continue, à tous les échelons, d'acteurs aux pratiques et enjeux variés.
En dépit de l'engagement de tous ces acteurs au service de l'insertion des personnes et des efforts déployés par tous pour résoudre les problèmes et apporter des réponses concrètes aux personnes comme aux entreprises qui en ont besoin, le système présente un certain nombre de limites qui se traduisent par une grande complexité pour les usagers, des difficultés de pilotage et de financement de certaines politiques que le foisonnement des instances de coordination ne permet pas de résorber.
Les constats généraux partagés relèvent :
- des parcours d'accompagnement peu articulés avec des risques de rupture par manque de lien avec les acteurs ;
- une partie des entreprises ne recourent pas aux services de Pôle emploi et ne trouvent pas toujours des candidats ayant les savoir-être et savoir-faire attendus et sont insuffisamment sollicitées dans les phases d'accompagnement des personnes à insérer professionnellement ;
- un manque de connaissance des offres de services respectives et une collaboration parfois fragile (le plus souvent par manque de temps) des porteurs de solution qui impactent la qualité des parcours ;
- un « effet de concurrence » pouvant être ressenti par les opérateurs de l'emploi et de l'insertion ;
- de nombreuses instances existantes se limitant trop souvent au partage d'informations (nécessaire mais insuffisant), impliquant des coûts d'organisation importants mais des résultats peu mesurables ;
- une logique de financement et d'offre descendante éloignée des bassins de vie qui constituent pourtant l'échelon le plus proche des besoins des personnes, niveau peu structuré et peu outillé actuellement ;
- un manque de partage de données au niveau territorial et un manque d'interconnexion des systèmes d'information pour orienter efficacement les décisions et actions à prendre.
2.1.1. Dispositions relatives aux missions locales et aux Cap emploi
L'article est nécessaire pour clarifier l'articulation entre les dispositions législatives existantes propres aux missions locales (chapitre IV du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail, articles L. 5314-1 et suivants) et aux Cap emploi (section 1 bis du chapitre IV du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code du travail, article L. 5214-1) d'une part, et celles régissant le fonctionnement de France Travail, d'autre part, et qui sont créées dans le cadre du présent projet de loi.
Il s'agit en particulier de prévoir que ces entités constitueront des opérateurs spécialisés du futur réseau France Travail, qu'elles participeront en tant que telles aux instances de gouvernance et que les missions d'accompagnement vers l'emploi qu'elles exercent s'inscriront dans un processus commun aux opérateurs France Travail.
2.1.2. La multiplicité de guichets pour les usagers (personnes et entreprises) aux offres de services (référentiels et pratiques) très variées et insuffisamment articulées ne permet pas d'assurer, pour tous, sur tout le territoire, une qualité des parcours et la réponse aux besoins des employeurs
Ø Des risques pour les personnes qui n'ont pas la garantie d'être accompagnées par la bonne structure en fonction de leurs besoins
De nombreux acteurs ont développé des offres de services et/ou des parcours d'accompagnement permettant d'avoir un foisonnement de propositions sur un territoire donné et à l'inverse, un manque de réponse sur d'autres territoires (zones blanches).
Compte tenu de la dispersion des acteurs et des responsabilités limitées, peu d'acteurs sont aujourd'hui en mesure d'identifier, d'une part, l'ensemble des personnes dépourvues d'emploi sur un territoire et d'en connaître leurs besoins et, d'autre part, l'ensemble des offres de service. C'est ainsi que des personnes en difficulté (jeunes ni en emploi, ni en études ni en formation dénommée d'après une expression anglosaxone NEETS (neither in employment nor in education or training), allocataires du revenu de solidarité active, personnes bénéficiant de la reconnaissance de travailleur handicapé, etc.) se retrouvent sans solutions et les risques de rupture de parcours et d'éloignement à l'emploi restent importants.
Les offres de services sont peu interconnectées les unes aux autres, ne sont pas toujours connues des autres acteurs du territoire. Elles peuvent parfois être redondantes et concurrentes. Ainsi, l'accompagnement global co-réalisé par Pôle emploi et les départements peut se voir concurrencer par d'autres actions d'accompagnement socio-professionnel développés par des départements ou bien sous l'impulsion de l'Etat dans le cadre de la garantie départementale d'activité qui a eu du mal à prouver sa réelle complémentarité.
Les accompagnements sont souvent formels, de nombreuses personnes étant même sans aucun accompagnement (17 % des allocataires du revenu de solidarité active ne sont pas orientés vers un organisme d'accompagnement, soit environ 340 000 personnes59(*)).
En outre, une part importante de bénéficiaires orientés hors pôle emploi ne disposent pas d'un contrat d'engagement réciproque, ce qui interroge sur la qualité de l'accompagnement social et socio-professionnel engagé : seuls 47 % des bénéficiaires du RSA60(*) orientés vers un organisme autre que Pôle emploi disposent d'un contrat d'engagements réciproques (CER). Cette part est en baisse par rapport à fin 2019 (-3 points de pourcentage, à champ constant), particulièrement pour les personnes orientées vers le conseil départemental ou territorial (-9 points)61(*).
Les pratiques d'orientations sont également souvent hétérogènes ; chaque opérateur disposant de ses propres référentiels, ceci peut expliquer les différences d'orientation ou de construction de parcours.
Cette situation s'accompagne de passerelles entre les opérateurs parfois complexes pour les publics notamment les jeunes (Pôle emploi oriente chaque année entre 150 000 et 200 000 jeunes demandeurs d'emploi vers les missions locales) et les allocataires du revenu de solidarité active (les parts respectives des accompagnement vers Pôle emploi ou vers le social varient d'un département à l'autre sans explication liée aux caractéristiques sociales ou économiques du territoire, peu de réorientations sont effectives en cours d'accompagnement).
Ce constat entraîne des répercussions sur la qualité des accompagnements. Leurs contenus sont souvent peu individualisés et variés, et insuffisamment tournés vers l'emploi et l'entreprise. Les accompagnements peuvent être mis en oeuvre par différents prestataires, obligeant a minima le bénéficiaire à s'adapter et le plus souvent à réexpliquer sa situation ou répéter ses démarches.
Ø Une insatisfaction pour les entreprises
Les entreprises font face aujourd'hui à de fortes tensions de recrutement. L'accompagnement des entreprises par le service public de l'emploi et les collectivités s'est amélioré ces dernières années, pourtant, les entreprises en France ont de plus en plus de mal à recruter. Les entreprises non-utilisatrices ont encore souvent une perception négative du service public de l'emploi qui s'est historiquement construit dans une posture de « laisser venir ». Le nombre d'acteurs publics et privés susceptibles d'accompagner les entreprises dans leur projet de recrutement est très important. Une myriade d'aides, d'outils (job boards) et de dispositifs d'appui existe. Pourtant, les entreprises disent ne pas s'y retrouver, notamment les très petites, petites et moyennes entreprises et recruter reste l'un des principaux freins au développement d'un grand nombre d'entre elles aujourd'hui. Un enjeu majeur réside en plus de simplicité, lisibilité et efficacité des services. Par ailleurs, les plus petites entreprises ont un réel besoin d'accompagnement dans leur pratique de recrutement.
2.1.1. L'absence d'interconnexion des systèmes d'information et le manque de partage de données limitent la capacité de coordination des acteurs autour des parcours des personnes et de pilotage des politiques publiques
Actuellement, les systèmes d'information sont propres à chaque acteur de la chaîne d'accompagnement et revêtent des niveaux de structuration hétérogène (systèmes d'information nationaux, multiples logiciels de gestion du revenu de solidarité active et des parcours d'accompagnement pouvant être associés, outils spécifiques à chaque association, etc.). Si des échanges de données existent, ils restent souvent bilatéraux et ont un impact limité au regard de la multiplicité des intervenants.
Enfin, cette quasi-absence de « communs numériques » se double de l'absence de définition partagée des éléments devant constituer une base de données commune à l'ensemble des opérateurs et acteurs de l'emploi. Ainsi, un formulaire commun d'informations nécessaires à toute demande d'accompagnement sera établi ainsi que des indicateurs de pilotage homogènes, répondant à un cahier des charges partagés à tous les opérateurs et acteurs de France Travail.
Il en résulte une insuffisance d'indicateurs de pilotage des opérateurs, des politiques publiques communs à l'ensemble des acteurs.
Cette absence d'interconnexion pénalise à la fois les accompagnateurs et les usagers :
- pour les particuliers, la nécessité de donner ses informations plusieurs fois à différentes structures, avec des ruptures de parcours en cas de changement de référent ;
- pour les conseillers des différents réseaux d'accompagnement, la nécessité de passer un temps disproportionné à la saisie d'informations déjà connues, et des opportunités manquées faute de visibilité sur le parcours de la personne et l'offre de services disponible ;
- pour les entreprises, un manque de lisibilité des services et une sur-sollicitation ou au contraire une absence de sollicitation de certains employeurs ;
- pour les acteurs publics, les institutions, les opérateurs, un manque de données consolidées pour assurer le pilotage dans leur champ de compétences respectifs et une méconnaissance de l'ensemble des solutions disponibles sur un territoire et la part des publics qu'elles accueillent.
Des initiatives existent déjà pour créer ces « communs » (hub Agora sur le champ de la formation professionnelle, plateforme de l'inclusion, OuiForm, ROME 4.0 (Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois), passeport de compétences, etc.).
2.1.2. Une multiplicité d'instances qui ne permettent pas de garantir une coordination opérationnelle des acteurs efficace et une pleine efficiente des politiques de l'emploi, de la formation et de l'insertion
La multiplicité des instances est le fruit d'une construction au fil des années dans le cadre de circulaires ou instructions ministérielle, à l'exception du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, seule instance figurant dans le code du travail. Cette organisation en mille feuilles ne favorise pas l'interconnexion entre les instances ni une approche suffisamment transverse des besoins du territoire et des réponses à y apporter.
Chaque dispositif ou plan déployé génère la mise en place d'un comité de suivi et de pilotage. Plus de quinze instances ont été dénombrées entre le niveau régional, départemental et infra-départemental. Ces instances mobilisent les mêmes acteurs - un noyau autour de l'Etat, Pôle Emploi, missions locales, collectivités territoriales ainsi que les acteurs impliqués par la thématique ou l'action et s'emploient à organiser la coopération des acteurs entre eux.
Cette situation comporte des coûts (de transaction et de coordination) humains non négligeables pour les services de l'Etat, les collectivités et l'ensemble des acteurs. Il convient néanmoins de consacrer ces coûts de transaction et de coordination à la conduite d'actions en commun, et non à la résolution de difficultés d'articulation liées à un système mal conçu.
Il est également constaté une concurrence dans les offres du territoire ou une insuffisance de solutions adaptées mais également une certaine dispersion des moyens financiers déployés pour l'accompagnement des personnes et des entreprises, le plus souvent alloués de manière descendante sans réelle prise en compte de la demande ni des autres financements assurés par les autres acteurs.
En dépit des obligations de reporting multiple imposées à tous les acteurs, le pilotage par les résultats reste difficile à partager en raison des obstacles rencontrés : des définitions et sources d'indicateurs disparates selon les acteurs ; des indicateurs parfois déconnectés des bases de données et systèmes d'information des acteurs, des indicateurs encore trop souvent centrés sur les moyens...
La construction d'une instance unique par niveau territorial pour coordonner et animer les politiques de l'insertion, l'emploi et la formation professionnelle et l'ensemble des acteurs favorisera une meilleure connaissance des besoins, des acteurs, des offres et permettra la construction d'actions adaptées.
Cette solution ambitionne de faire converger toutes les initiatives au service d'un territoire et de mieux utiliser les ressources humaines et financières.
Au-delà des moyens, il est nécessaire de construire une nouvelle relation entre les acteurs dont l'opérateur France Travail. Cette proposition s'inscrit dans la nécessité de disposer d'outils permettant de mieux piloter et de mesurer l'impact territorial.
L'absence de conjugaison de ces éléments pénalise actuellement :
- les acteurs territoriaux pour lesquels la multiplicité des instances est chronophage et parfois peu cohérente ;
- les entreprises qui sont souvent sollicitées pour être accompagnées successivement par des acteurs ayant une approche en silo ;
- les usagers pour lesquels la gouvernance est complètement invisible alors qu'elle est au coeur des succès des parcours bien construits et coordonnés ;
- pour les acteurs publics, les institutions, les opérateurs, un manque d'indicateurs communs et de culture de la performance et de l'impact pour assurer le pilotage dans leur champ de compétences.
Cette imbrication complexe et chronophage rend donc indispensable une clarification et une transformation de l'écosystème dans son fonctionnement pour faciliter la recherche de complémentarités d'objectifs en amont et de moyens en aval, faute de quoi les acteurs présents sur le terrain continueront à s'épuiser sans pour autant offrir à nos concitoyens la qualité de service légitimement attendue.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Devant le constat de la multiplicité des acteurs dans le champ de l'insertion sociale et professionnelle pour partie inévitable, le besoin d'une coopération repensée et accompagnée de clarifications et simplifications est apparu comme une évidence.
Les enjeux de la réforme France Travail se posent, à la fois par simplicité pour les usagers, par souci d'efficacité pour les personnes, par exigence d'équité entre les concitoyens, confrontés à des pratiques trop disparates aujourd'hui selon les territoires, et par souci, pour les décideurs et financeurs, de mieux connaitre les besoins de l'ensemble des personnes dépourvues d'emploi et des employeurs afin de leur apporter la solution la plus appropriée.
L'objectif poursuivi consiste à garantir une articulation optimale entre les acteurs chargés de l'accompagnement vers l'emploi quel que soit le public qu'ils accompagnent, afin que chaque personne puisse être orientée vers le bon accompagnement et puisse se voir proposer les bonnes solutions, à chaque moment et sans rupture dans les parcours.
Plus précisément, le présent article vise à traduire trois objectifs de la réforme pour répondre à ces enjeux :
2.2.1. L'objectif de transformation de Pôle emploi en opérateur France Travail, ensemblier opérationnel de l'offre de services d'un réseau d'acteurs complémentaires.
La transformation de Pôle emploi en opérateur France Travail est au coeur du projet France Travail. Les missions de ce nouvel opérateur doivent s'inscrire pleinement en réponse aux intérêts et besoins combinés de l'Etat, des partenaires sociaux, des collectivités et plus globalement de tous les acteurs de l'écosystème emploi-formation-insertion dans une approche territoriale.
Pour traduire cela, plusieurs évolutions sont engagées comme gages d'une meilleure efficacité : d'une part, les missions et compétences de l'opérateur nécessitent d'être renforcées pour couvrir l'ensemble des personnes en recherche d'emploi ou dépourvues d'emploi (incluant les allocataires du revenu de solidarité active) et d'autre part, des missions nouvelles lui sont confiées pour la construction du patrimoine commun (cf. article 5), celles-ci étant exercées « pour le compte commun » des acteurs du réseaux et pour faciliter leur coopération.
Le réseau France Travail doit se constituer autour de l'Etat, des collectivités locales, de l'opérateur France Travail et des opérateurs associés que sont les missions locales et les cap emploi. Ce réseau sera enrichi de partenaires France Travail : Agence pour l'emploi des cadres (APEC), Agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), Opérateurs de compétences (OPCO), Agence régionale de la santé (ARS), Caisse d'allocations familiales (CAF), Mutualité sociale agricole (MSA), Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE), Plan Local pour l'Insertion et l'Emploi (PLIE), centres communaux d'action sociale (CCAS), réseau consulaires... et le secteur associatif de l'insertion professionnelle et sociale.
L'opérateur France Travail, ensemblier opérationnel de l'offre de services du réseau France Travail devra favoriser un vrai dialogue sur les enjeux opérationnels, régulier et renseigné, entre les différents acteurs sur leurs champs d'action et d'expertises, afin d'éclairer la prise de décision de la gouvernance et de responsabiliser chaque contributeur par une plus grande transparence sur les résultats obtenus.
L'opérateur France Travail sera responsable devant l'Etat, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux dans le cadre des instances rénovées.
2.2.2. L'objectif d'une coopération opérationnelle renforcée entre les acteurs du réseau France Travail fédérés par des principes et des outils communs actés dans une charte d'engagements et matérialisés dans la constitution de communs physiques, numériques et méthodologiques
Ce réseau trouvera sa force et sa légitimité dans des engagements réciproques autour de principes d'actions communs et la mobilisation d'un patrimoine commun.
Un nouveau rôle sera confié à l'opérateur France Travail chargé, dans le cadre de la gouvernance France Travail, d'une part, d'organiser « pour le compte de tous et avec tous » les conditions de la collaboration et de l'efficacité collective, à savoir « la maitrise d'oeuvre » de communs physiques, méthodologiques, numériques.
Il s'agira de construire le patrimoine commun correspondant d'une part, à des communs physiques (maillage du réseau d'accueil), méthodologiques (processus d'orientation, référentiel de pratique de diagnostic, méthode renouvelée d'intervention...), numériques (interopérabilité des systèmes d'information et mise à disposition de services numériques, par exemple, outil de diagnostic, dossier de suivi partagé des personnes), et d'autre part, à un partage de la donnée et des indicateurs communs pour rendre possible un pilotage collectif du système nécessaire à chaque niveau de gouvernance. Les membres du réseau s'engageront à mobiliser ce patrimoine commun en signant la charte d'engagements qui définit les règles applicables et fixe les principes de transparence, de coopération, de redevabilité et de pilotage des actions par les résultats. Cette charte comporte une double dimension, un engagement à coopérer pour assurer que les signataires partagent les mêmes enjeux de résultat et un engagement à mettre en oeuvre les actions du patrimoine commun (procédures, référentiels, services numériques.). Le contenu de la charte d'engagement permettra une différenciation des engagements en fonction de la nature de la contribution du signataire.
Cette évolution n'est possible qu'avec l'installation d'une gouvernance nationale France Travail, associant les parties prenantes, chargée d'assurer la définition des orientations stratégiques du patrimoine commun et le suivi de la mise en oeuvre par le réseau.
2.2.3. L'objectif de transformation et simplification des instances territoriales pour mieux prendre en compte les besoins du territoire et d'avantage piloter par les résultats
La rénovation et la simplification des instances de gouvernance autour d'une instance unique est le gage d'une meilleure coordination et convergence, adossée à deux leviers, une charte d'engagement et une contractualisation avec les collectivités territoriales et une fonction d'appui et de soutien de l'opérateur France Travail aux instances.
Cet objectif se traduit dans une gouvernance simplifiée et unifiée à tous les échelons territoriaux permettant de créer les conditions d'une coopération rénovée et d'assurer un meilleur pilotage.
Cette ambition de lisibilité se retrouve dans chaque instance territoriale, correspondant aux domaines de compétences des collectivités territoriales et selon le principe de subsidiarité à partir du local afin d'inverser la logique d'action actuellement très descendante pour aller du local vers le national.
La rationalisation des instances s'accompagne d'une nouvelle modalité de gouvernance, donnant une plus grande place à la co-présidence des instances entre l'Etat et les collectivités territoriales, dotée de nouveaux moyens de pilotage par l'impact, d'outils et de leviers comme le respect des chartes d'engagement et la possibilité de faire auditer une structure si les actions déployées ne répondent pas aux objectifs définis.
L'ambition repose sur plusieurs leviers : la mise en place d'une gouvernance duale, stratégique et politique au niveau de la co-présidence Etat/collectivité pour la prise de décision, et opérationnelle au niveau des opérateurs avec le rôle d'animation métier opérationnelle confié à l'opérateur France Travail pour assurer un impact concret et rapide en faveur des publics ; un pilotage aux résultats avec un suivi partagé de l'impact concret des actions, permettant à chaque acteur et à chaque instance d'avoir le bon niveau d'information afin d'agir efficacement.
Pour Pôle emploi, la transformation en opérateur France Travail implique une évolution majeure, passant d'une position d'opérateur isolé à un animateur opérationnel ayant vocation à favoriser l'efficience collective et à faciliter l'action et l'impact de chaque acteur, dans une logique de complémentarité, dans le cadre d'une intervention plus territoriale et d'une démarche orientée plus usagers et résultats.
Cette clarification et ce renforcement d'une gouvernance resserrée et opérationnelle simplifieront les repères pour :
- la co-présidence avec un reporting global permettant de piloter et d'ajuster au plus près des besoins et de mesurer l'efficacité des actions entreprises ;
- les acteurs et partenaires actuels avec un engagement unique dans un instance décisionnelle et opérationnelle et une charte garantissant leur adhésion au réseau ;
- les usagers du territoire - entreprises et personnes, avec un gage de solutions bien construites et articulées ; une meilleure réactivité pour s'adapter aux besoins.
Cette gouvernance simplifiée se focalisera sur le caractère très opérationnel des actions à mener avec une culture commune autour des engagements de la charte, des process et objectifs clairs et partagés.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La complexité du système actuel a conduit, au cours des dernières années, à envisager d'autres options :
3.1.1. S'agissant des missions locales et des Cap emploi, les options suivantes ont été écartées :
- Le maintien des missions locales et des Cap emploi en-dehors du réseau des opérateurs France Travail, qui aurait été contraire aux objectifs de la réforme qui vise précisément à mieux articuler les actions des acteurs du service public de l'emploi ;
- A l'inverse, une fusion de ces entités avec l'opérateur France Travail n'a pas été souhaitée : les missions locales et les Cap emploi ont développé une forte expertise propre en matière d'accompagnement de certains publics que l'Etat ne souhaite pas remettre en cause, la logique pragmatique de France Travail étant de s'appuyer sur les acteurs existants et compétents dans leur champ de compétence, en veillant à les inscrire dans une action commune et cohérente.
3.1.2. Une révision de la répartition des compétences institutionnelles entre l'Etat, les départements et les régions
Dans le périmètre des politiques publiques de l'emploi et de la formation professionnelle, l'Etat interagit notamment, avec les régions compétentes sur la formation professionnelle des demandeurs d'emploi et avec les départements, chefs de file de l'insertion des allocataires du revenu de solidarité active. La séparation des compétences institutionnelles ne fait pas toujours sens d'un point de vue opérationnel lorsqu'on se situe au niveau de l'usager et de son accompagnement. L'usager, ainsi que le professionnel du placement, ne dispose à aucun endroit d'une présentation exhaustive, commune à l'ensemble des financeurs de formation ou de solutions de levée des freins sociaux.
Aussi, cette séparation structurelle des compétences entre formation, accompagnement et levée des freins sociaux et l'absence d'indicateurs consolidés sur l'ensemble du champs ne permettent pas une appréciation partagée de l'efficacité des politiques publiques et conduisent à poser régulièrement la question de la clarification des compétences soit pour une recentralisation autour de l'Etat et de l'opérateur principal, Pôle emploi, soit pour une décentralisation accrue au profit des collectivités territoriales.
La diversité des enjeux à traiter (formation, emploi mais aussi mobilité, santé, logement, garde d'enfants...), la singularité des territoires de proximité (bassins de vie) ne pourrait pas se résoudre par une recentralisation autour d'une réponse unique, un opérateur unique, un plan d'action pensé de manière uniforme et centralisée. Si celle-ci permettrait d'inscrire plus directement ces compétences (formation, insertion) dans le prolongement de la politique de l'emploi, elle pourrait s'avérer contraire à la priorité donnée à la territorialisation des politiques publiques.
De même, une décentralisation accrue ne réglerait pas l'émiettement des compétences et la dispersion des efforts sans éviter un risque d'accroissement de l'inégalité de traitement sur les territoires.
Plus globalement, ces options engendreraient dans un sens comme dans l'autre, des coûts et un temps long. Plutôt qu'une réforme lourde des compétences a été privilégié un changement opérationnel et rapide des modalités d'intervention locales.
3.1.3. La poursuite de l'approche conventionnelle et partenariale
Une option consisterait à prolonger les démarches conventionnelles entre les opérateurs et à engager une nouvelle génération de contractualisation engagées d'une part, entre l'Etat et les départements, dans la suite de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté lancée en 2018 (contractualisation 2019-2023 prévue par instruction interministérielle) et d'autre part, entre l'Etat et les régions dans le champ de la formation des demandeurs d'emploi par le biais des Pactes régionaux pour l'investissement dans les compétences.
La démarche de contractualisation incitative avec un cadre de référence plus ou moins structurant a suscité un réel intérêt de la part des Départements et Régions.
Toutefois, ce type de contractualisation ne se suffit pas à elle seule, car elle peine à identifier, pour les cibler, les éléments tangibles sur lesquels les progrès doivent être établis et reste insuffisamment prescriptives pour engager davantage les parties prenantes et objectiver les résultats obtenus en les adossant à des indicateurs de pilotage contemporains des actions.
3.2. OPTION RETENUE
L'option retenue a pour objet de passer à l'échelle d'une transformation profonde avec une approche intégrée de l'accompagnement des personnes en recherche d'emploi et de réponses aux besoins des employeurs garantissant une plus grande homogénéité du service rendu sur l'ensemble du territoire et plus d'efficacité (taux de retour à l'emploi, réduction des offres d'emploi vacantes) et d'efficience (optimisation des financements publics).
3.2.1. Missions locales et Cap emploi
Les missions locales et les Cap emploi deviennent des opérateurs spécialisés au sein du réseau France Travail. En tant que tel, il est nécessaire de prévoir que ces opérateurs participent à la gouvernance de France Travail à tous les niveaux, et notamment au niveau local.
Les missions locales, dans ce cadre renouvelé, sont compétentes pour accueillir et orienter les jeunes qui les sollicitent vers l'opérateur le plus adapté, qu'il s'agisse du réseau des missions locales, de l'opérateur France Travail, des Cap emploi ou du Conseil départemental.
Elles assurent l'inscription auprès de l'opérateur France Travail de ces jeunes et procèdent, le cas échéant, à leur accompagnement, ce qui inclut :
- L'établissement d'un diagnostic personnalisé selon les principes et dans l'outil commun France Travail ;
- La définition d'un accompagnement adapté, qui se matérialise par la signature d'un contrat d'engagement France Travail, pouvant prendre la forme d'un parcours contractualisé vers l'emploi (PACEA) ou d'un contrat d'engagement jeune (CEJ) ;
- La réalisation de cet accompagnement et le contrôle du respect des engagements pris dans ce cadre ;
- Le cas échéant, l'orientation ou la réorientation vers un autre opérateur du réseau France Travail.
Elles exercent parallèlement à ces actions des missions générales d'accueil et d'information au bénéfice des jeunes qui les sollicitent.
En tant qu'opérateurs spécialisés du réseau France Travail, les missions locales auront notamment pour rôles de :
- Faciliter et permettre l'accès des jeunes à l'offre de services des acteurs du réseau France Travail au travers de leurs actions d'aller vers, d'accès aux droits et d'accueil inconditionnel ;
- Assurer l'accompagnement direct ou en appui des membres du réseau France Travail des jeunes ayant besoin d'un accompagnement socio-professionnel inscrits à France Travail ;
- Contribuer auprès de l'opérateur France Travail et les partenaires du réseau à apporter une réponse appropriée aux besoins de recrutement de toutes les entreprises le nécessitant ;
- Co-élaborer, aux côtés de l'opérateur France Travail et de tous les acteurs susceptibles de contribuer aux actions sur le territoire, la proposition de plan d'action (pluri-)annuel pour le public jeune sur chaque territoire, contenant les résultats et évolutions de l'année n-1, le diagnostic de la situation, les objectifs communs en matière de repérage, d'accompagnement et de retour à l'emploi et décrivant les partenariats à mobiliser et les moyens à y associer ;
- Contribuer à l'élaboration et l'amélioration du patrimoine commun France Travail physique, numérique et méthodologique pour l'ensemble des sujets touchant à l'accompagnement socioprofessionnel des jeunes.
Le dialogue de gestion et le conventionnement direct entre la mission locale et ses financeurs, Etat d'une part, et collectivités d'autre part, sera maintenu. La contractualisation entre les financeurs et les opérateurs et partenaires de France Travail devra toutefois intégrer le cadre d'action collectif organisé au sein des plans d'action locaux France Travail.
Pour les Cap emploi, le lieu unique d'accueil généralisé depuis 2022 permet déjà une collaboration étroite en matière d'accompagnement vers l'emploi avec Pôle emploi, futur opérateur France Travail, et une mise en complémentarité des expertises en particulier pour la prise en compte des besoins de compensation et de rétablissement des demandeurs d'emploi relevant d'une des catégories bénéficiant de l'obligation d'emploi.
Dans ce cadre, l'accueil, l'inscription et l'orientation des demandeurs d'emploi en situation de handicap restera assuré par l'opérateur France Travail. L'accompagnement pourra être réalisé par un « conseiller expert handicap » de Cap emploi ou par un conseiller Pôle emploi « identifié handicap » en fonction de la situation ou des enjeux de la personne.
La poursuite de ce schéma des équipes mixtes de Cap emploi et Pôle emploi sur l'accompagnement des employeurs publics et privés doivent permettre d'augmenter les opportunités de recrutement pour les DEBOE, et d'assurer une continuité de service du recrutement jusqu'à l'adaptation des postes de travail.
Les missions en matière de maintien dans l'emploi, qui s'inscrivent dans un écosystème spécifique, n'ont pas en revanche vocation à s'inscrire systématiquement dans l'accompagnement proposé par France Travail.
En tant qu'opérateur spécialisé du réseau France Travail, les Cap emploi auront pour missions de :
- Faciliter et permettre l'accès des personnes en situation de handicap à l'offre de services des acteurs du réseau France Travail ;
- Assurer l'accompagnement direct ou en appui des membres du réseau France Travail des personnes en situation de handicap inscrites à France Travail et relevant de leur domaine de compétence ;
- Contribuer, en lien avec l'opérateur France Travail, à apporter une réponse appropriée aux besoins de recrutement de toutes les entreprises le nécessitant ;
- Participer à la construction, à l'échelle des bassins de vie/bassins d'emploi avec tous les membres du réseau France Travail concernés et impliqués, le « plan d'action local France Travail » ;
- Contribuer à l'élaboration et l'amélioration du patrimoine commun France Travail physique, numérique et méthodologique.
3.2.2. La structuration d'un réseau France Travail
Le projet de loi, par la création de l'article L. 5311-7 du code du travail, définit les missions du réseau France Travail : « missions d'accueil, d'orientation, d'accompagnement, de formation, d'insertion, de placement des personnes à la recherche d'un emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles et, s'il y lieu, de versement d'un revenu de remplacement aux demandeurs d'emploi ». Celles-ci reprennent pour partie les missions du service public de l'emploi (mentionnées à l'article L. 5311-1 du code du travail et enrichies au fil du temps par instructions ministérielles qui couvrent un champ plus large notamment autour de la sécurisation des parcours des personnes en emploi et le soutien du développement de l'emploi et de l'activité).
Il définit un réseau d'acteurs à double niveau :
- Un réseau resserré d'acteurs de droit constitué, outre des services de l'Etat, des collectivités territoriales, de l'opérateur France Travail et des deux opérateurs Missions locales et Cap emploi spécialisés respectivement dans l'accompagnement des jeunes et des personnes en situation de handicap. Le réseau sera fédéré autour de principes, pratiques et outils partagés, comme les outils de diagnostic, actés dans une charte d'engagement et matérialisés dans la constitution d'un patrimoine commun. Il s'agira de mettre en oeuvre le patrimoine commun (système d'information dit communs numériques, process, partage de données et d'informations, méthode renouvelée d'intervention, indicateurs communs...) pour conduire des actions convergentes en faveur du plein emploi et le socle commun d'engagements sur l'offre de services à destination des personnes et des employeurs ainsi que les principes de coordination des interventions pour assurer la continuité des parcours. Il constituera le noyau dur des comités exécutifs des instances de gouvernance France Travail qui associeront au niveau national et régional les partenaires sociaux ;
- Un réseau élargi de partenaires apportant des solutions d'accompagnement, des offres de service spécifiques comme des solutions d'aide à la mobilité structuré autour de quelques engagements communs permettant d'assurer les conditions d'une action collective plus efficace. La signature de la charte d'engagement permettra de fédérer tous les acteurs autour d'objectifs communs de résultat.
L'ensemble recouvre non seulement les acteurs du service public de l'emploi ( articles L. 5311-2 à 4 du code du travail) mais intègre les acteurs qui oeuvrent dans le champ de l'accompagnement social notamment les organismes débiteurs de prestations sociales ( articles L. 262-16 du code de l'action sociale et des familles) et le réseau de structures d'insertion sociale délégataires des conseils départementaux ( article L. 262-29 du code de l'action sociale et des familles).
3.2.3. Une coopération fondée sur des engagements respectifs et des outils partagés constitutifs d'un patrimoine commun
Le changement d'échelle de la coordination des acteurs en charge de l'accompagnement des personnes vers l'emploi passe par l'organisation d'une coopération autour d'objets opérationnels et concrets, que chacun s'engage à mettre en oeuvre dans son propre environnement.
Le projet de loi précise, dans le respect des compétences institutionnelles, les éléments constitutifs et structurants du réseau France Travail, de nature à créer les conditions d'une coopération effective ayant pour finalités « d'assurer le suivi et la continuité des parcours d'insertion ainsi que la réalisation des actions d'accompagnement socio-professionnel des bénéficiaires » (article L. 5311-8 du code du travail).
Ainsi deux leviers sont identifiés, la constitution d'un patrimoine commun et une charte d'engagements qui seront coconstruits avec les représentants des opérateurs spécialisés et des conseils départementaux et co-pilotés dans le cadre du comité national France Travail, présidé par le ministre en charge de l'emploi.
Ø Le patrimoine commun
S'agissant du patrimoine commun, le projet de loi en définit le périmètre constitué :
- De méthodes communes : critères communs d'orientation des personnes, socle commun de services et règles de coordination des interventions (diagnostic, suivi des parcours, modularité des accompagnement, ...) ;
- Du numérique : interopérabilité des systèmes propres à chacun des acteurs avec les outils et services numériques communs permettant un partage d'information et des données à caractère personnel nécessaires au suivi des parcours ; les précisions relatives aux traitements de données à caractère personnel nécessaires au partage des données seront apportées par un décret en Conseil d'Etat dans le respect des règles de droit commun en matière de protection des données personnelles ;
- Des informations nécessaires au pilotage et à l'évaluation des actions de chacun autour d'indicateurs communs ;
- De référentiels métiers et des actions de développement des compétences communs à l'ensemble des professionnels du réseau France Travail.
Sous la responsabilité de l'Etat et des collectivités qui co-présideront les instances de gouvernance locales, l'opérateur France Travail, en qualité de maître d'oeuvre, sera chargé de proposer les bases du patrimoine commun et de l'élaborer « pour le compte de tous » en associant les représentants des opérateurs spécialisés et des départements ( article L. 5312-1 du code du travail) dans le cadre des orientations stratégiques définies par le comité national France Travail. L'opérateur France Travail suivra et facilitera la mise en oeuvre de l'exigence d'interopérabilité (article L. 5312-1-II 3°).
Ø La charte d'engagements
S'agissant de la charte d'engagements, le projet de loi (article L. 5311-8-II du code du travail) pose le principe de la signature de la charte d'engagements élaborée par le comité national France Travail qui définit les engagements visant à préciser le cadre de coopération relatif aux principes et actions à mettre en oeuvre. Cette signature conditionne la co-présidence par le président de la collectivité territoriale selon le niveau territorial concerné (article L. 5311-10 du code du travail).
La charte d'engagements, qui sera concertée avec les membres de droit du réseau, devrait préciser les engagements à :
- mettre en oeuvre les principes et actions définis par le comité national France Travail, dont la mobilisation des éléments du patrimoine commun et le pilotage à l'impact ;
- décliner ces engagements dans les conventions qui les lient avec des organismes publics ou privés au titre d'un service à caractère social, socio-professionnel ou professionnel activé dans un parcours d'insertion et à s'assurer de leur bonne application ;
- rendre compte de la mise en oeuvre selon des modalités qui seront précisées par décret (article L. 5311-11 du code du travail) après concertation avec les parties prenantes.
La charte d'engagement ne comporte pas de disposition contractuelle mais emporte un engagement à participer à la dynamique France Travail. Le défaut de signature remettra en cause la co-présidence de l'instance pour les collectivités territoriales, et pour l'ensemble des signataires, la participation aux instances et éventuellement aux financements de l'Etat.
Ø Le comité national France Travail
Le projet de loi propose la création d'une instance nationale, le comité national France Travail, présidée par le ministre chargé de l'emploi, qui aura pour rôle de définir les orientations stratégiques et le pilotage du patrimoine commun au réseau France Travail (article L. 5311-9 du code du travail).
Elle est garante de la conception partagée des communs physiques, méthodologiques, numériques, métiers, et de la charte d'engagements et du suivi des nouvelles modalités de coopération qui en découlent. Elle émet un avis (article L.5311-9 - I 5°) sur l'arrêté national fixant les critères d'orientations ainsi que sur la convention pluriannuelle conclue entre l'opérateur France travail, l'Etat et l'Unedic.
C'est le lieu qui permet de :
- garantir la logique de co-construction des modalités de coopération en élaborant la charte d'engagements et les orientations pour développer et adapter les communs, qui devront être déployés par chaque acteur dans son propre réseau dont il reste responsable ;
- veiller à la mise en oeuvre des orientations stratégiques, des principes d'engagements et des communs et s'assurer du suivi des engagements et de la qualité de service. A ce titre, elle peut organiser des audits auprès des trois opérateurs et des organismes mettant en oeuvre un accompagnement et ayant conclu une convention avec les signataires de la charte d'engagement. Pour les organismes délégataires d'une collectivité territoriale, l'accord préalable de la collectivité est requis (article L. 5311-9 du code du travail).
Cette instance, dont la présidence est assurée par le ministre chargé de l'emploi ou son représentant, permettra de réunir, en formation plénière, l'ensemble des partenaires du réseau France Travail dans la logique des Comités des parties prenantes mis en place lors de la concertation sur le projet France Travail (article L 5311-11 II). Lorsque le comité est appelé à délibérer pour l'exercice des attributions prévues aux 2° à 6° du I, ont voix délibérative les membres suivants : Etat, représentants des collectivités territoriales, représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Les personnes morales mentionnées au 2° et au 3° du II de l'article L. 5311-7, celles mentionnées au III du même article, ainsi que l'organisme mentionné au dernier alinéa de l'article L. 5311-2, ont voix consultative (article L 5311-11 II).
La composition ainsi que les modalités d'organisation (notamment organisation en commission) et de fonctionnement seront précisées par décret en Conseil d'Etat (article L. 5311-11 du code du travail).
Certains actes font l'objet d'une approbation par le ministre chargé de l'emploi (article L.5311-9 dernier alinéa) avant leur publication.
3.2.4. Une simplification des instances territoriales co-présidées par l'Etat et les collectivités territoriales pour une plus grande territorialisation des politiques publiques de l'emploi, la formation et l'insertion
Le projet de loi crée dans la loi une instance de gouvernance qui permet de créer les conditions d'une coordination des politiques publiques à chaque niveau territorial, tout en prévoyant une capacité d'adaptation pour le niveau infra-départemental qui constitue le maillon opérationnel au coeur de l'action du réseau France Travail (article L. 5311-10 du code du travail). En fonction des caractéristiques des territoires tenant à leur situation économique et sociales ou en raison de projets particulièrement impactants pour le développement de l'emploi ou des transitions professionnelles, des instances pourront être installées sur ces zones ou bassin d'emploi. Ces nouvelles instances ont vocation à regrouper et fusionner les autres instances pré existantes.
Il définit un encadrement minimum pour l'organisation des instances de gouvernance et préserve les compétences respectives de l'Etat, des régions et des départements.
Il pose le principe d'une co-présidence par l'Etat et les collectivités sur leur échelon dès lors que leur représentant est signataire de la charte d'engagements.
Ces comités ont vocation à assurer une meilleure cohérence transverse, des décisions plus éclairées, une meilleure fluidité dans leur mise en oeuvre à partir des données de pilotage communes et ajustées régulièrement et rendant compte du niveau d'atteinte des objectifs fixés. Le projet de loi définit les grandes lignes du socle de missions communes (article L. 5311-10 du code du travail) aux différents niveaux territoriaux qui visent à assurer :
- le pilotage et la coordination de la mise en oeuvre des orientations stratégiques arrêtées par le comité national ; à ce titre, il est prévu de confier aux instances territoriales, notamment, la réalisation d'un diagnostic territorial et la définition partagée des objectifs du réseau France Travail ; la promotion de l'offre de services du réseau France Travail ; le partage des tableaux de bord de pilotage et la mise en oeuvre des plans d'actions correctives ; ainsi, les instances pourront s'appuyer sur des tableaux de bords adaptés à chaque niveau de décision et proposant des indicateurs adaptés aux enjeux et objectifs du territoire qui prioriseront la mesure d'impact ;
- le suivi de la mobilisation des actions définies dans le cadre du patrimoine commun et de la charte d'engagements notamment par le rendu compte par les signataires de la charte et la mobilisation d'audits selon des modalités fixées par décret ;
- une approche en logique de « conférence des solutions/financeurs »62(*) dans l'objectif d'articuler et optimiser les moyens portés par l'Etat et les collectivités territoriales, sur la base d'une analyse des besoins des usagers (particuliers, entreprises et autres employeurs) au niveau de bassin d'emploi, du bassin de vie, espace coeur de l'action opérationnelle. La conférence des financeurs permettra de partager un programme coordonné de financement pour assurer une meilleure couverture des besoins des publics, dans le respect des compétences de chacun.
Les compositions, modalités d'organisation et missions seront précisées par décret en Conseil d'Etat.
Ø Au niveau régional
Au niveau régional, le comité France Travail est intégré au sein du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, confortant ainsi l'intérêt, à la fois du quadripartisme et de la co-présidence Etat-région installée depuis la loi de 2014 (cf. infra modification de l'article L. 6123-3 du code du travail). Sous réserve de l'accord du représentant de l'Etat dans la région et du président du conseil départemental, le comité France Travail régional peut également exercer les missions et reprendre la composition du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles.
La mention relative à la stratégie de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles prévue à l'article L. 6123-4-1 du code du travail est supprimée dans la suite de la suppression de cette stratégie par l'article 36 V la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Le projet de loi prévoit également la représentation de droit de représentants des départements compte tenu de leur place déterminante au niveau départemental dans les offres de solution, alors qu'aujourd'hui les collectivités départementales du ressort de la région sont associées aux réflexions et travaux conduits par le comité en matière d'insertion professionnelle, selon des modalités définies dans son règlement intérieur ( article R. 6123-3-4 du code du travail).
En intégrant le comité régional France Travail, co-présidé Etat-région, au sein du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP) et en inscrivant au titre des missions celle d'assurer « la coordination des acteurs du réseau France Travail défini à l'article L. 5311-7, s'agissant notamment des interventions de la région, de l'Etat et de l'opérateur France Travail en matière de formation professionnelle, ainsi que des autres missions prévues au III de l'article L. 5311-10 », ou en laissant le choix à la gouvernance locale Etat-Région de décider que le comité régional France Travail exerce les missions du CREFOP », le projet de loi vise à conforter la logique d'une gouvernance partagée et souple, et renforce le rôle de la Région dans la coordination des acteurs engagés dans le nouveau cadre de coopération posé par France Travail.
Il est proposé d'en tirer les conséquences et de clarifier le cadre législatif en vigueur, au demeurant peu appliqué. Ainsi, il est proposé la suppression :
- des conventions régionales pluriannuelles de coordination de l'emploi, de l'orientation et de la formation prévues à l'article L.6123-4 du code du travail qui n'ont pas été mises en place à l'exception d'une seule région ; ce document étant en partie redondant avec le Contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP) prévu par l'article L. 214-13 du code de l'éducation. en effet, les deux documents portent sur l'emploi et la formation, l'un à visée de coordination et l'autre d'analyse des besoins. La convention régionale pluriannuelle de coordination de l'emploi a pour objet de préciser les conditions dans lesquelles sont mobilisés de manière coordonnée les outils des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Etat et de la région au regard de la situation locale de l'emploi et dans le cadre de la politique nationale de l'emploi. En pratique, cette convention dispose d'un contenu beaucoup plus large dans les objectifs. Le contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles a quant à lui pour objet l'analyse des besoins à moyen terme du territoire régional en matière d'emplois, de compétences et de qualifications et la programmation des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes, compte tenu de la situation et des objectifs de développement économique du territoire régional. La gouvernance France Travail concourt à mieux coordonner les acteurs et les dispositifs ciblés dans ces deux documents ;
- de l'instance régionale de coordination entre Pôle emploi et la région prévue à l'article 12 de la loi dite « loi 3DS » non codifié faisant suite à une phase d'expérimentation ; le projet de loi inscrit explicitement ce point, les domaines qui sont identifiés dans l'article 12 comme pouvant faire l'objet de recommandations pourront être intégrés dans le nouveau décret en Conseil d'Etat relatif à l'article L. 6123-3 du code du travail ;
- de la possibilité d'organiser une délégation à la Région de la coordination des différents intervenants (Missions locales, Plan locaux pour l'insertion et l'emploi, Cap emploi, Maison de l'Emploi, Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau territorial) prévue à l'article L. 5311-3-1 du code du travail, instauré par la loi Notre du 7 aout 2015. Cette disposition n'a pas été suivie d'effet à ce jour compte tenu des enjeux électoraux et pourrait contrevenir aux missions du réseau France Travail.
Ø Au niveau départemental
Au niveau départemental, est créé le comité départemental France Travail. Il est co-présidé par le préfet de département et le président du Conseil départemental.
Il serait compétent en matière de parcours d'accompagnement renforcé des publics les plus éloignés de l'emploi. Le Comité pourrait structurer ses travaux autour de la nouvelle contractualisation entre l'Etat et le conseil départemental portant sur le champ de l'insertion sociale et professionnelle. Dans une logique de « conférence des financeurs », le Comité départemental aurait une fonction importante dans la meilleure articulation des dispositifs ou des financements mis en oeuvre à cet échelon pour optimiser les financements et l'action de tous les acteurs mobilisés afin d'enrichir l'offre de solutions et de l'adapter aux besoins de proximité exprimés dans les diagnostics remontés des Comités France Travail locaux et consolidés au niveau départemental sur les sujets « insertion » et « levée des freins périphériques ».
La conférence des financeurs se réunira au moins deux fois par an à la demande de la co-présidence en vue de la programmation budgétaire ainsi qu'en milieu d'année pour apporter les rééquilibrages nécessaires en fonction des réalisations financières.
Elle réunira a minima l'Etat, le Conseil départemental, l'opérateur France Travail, Cap Emploi, les missions locales, les établissements publics de coopération intercommunale disposant d'une compétence en lien avec les missions du réseau France travail pour mieux articuler et coordonner les financements, chaque financeur restant responsable de ses financements. Elle sera réunie au moins deux fois par an sur demande de la co-présidence.
Il aura pour rôle de garantir la définition et la mise en oeuvre des politiques d'insertion des publics éloignés de l'emploi, grâce à la construction des parcours d'insertion vers l'emploi et à l'adaptation des modalités d'orientation et d'accompagnement des allocataires du revenu de solidarité active au regard de l'offre d'insertion sur le territoire. En cohérence, le Comité assurera :
- le suivi de bonne exécution de la contractualisation entre l'Etat et le Conseil départemental
- l'articulation, dans une logique de coordination des co-financements, de ce contrat avec les autres dispositifs financés à ce niveau : programmes départementaux et pactes territoriaux de l'insertion, Pacte ambition de l'insertion par l'activité économique, Fond social européen +.
Ø Au niveau local
Les comités locaux France Travail seront institués au niveau local par le représentant de l'Etat dans la région, en fonction des caractéristiques des territoires et après concertation avec le président du conseil régional et les présidents des conseils départementaux
Le comité local France Travail est co-présidé par le représentant de l'Etat et un ou plusieurs représentants d'une ou plusieurs collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales, désignés par le représentant de l'Etat dans la région, après avis des représentants des collectivités locales membres du comité local.
Ce comité aura pour rôle de garantir la coordination de la mise en oeuvre opérationnelle des politiques emploi, formation et insertion sur le bassin d'emploi/bassin de vie.
Les comités locaux définissent un plan local d'actions France Travail et assurent ainsi la coordination de la mise en oeuvre opérationnelle des politiques emploi, formation, insertion à l'échelle du territoire de proximité en mobilisant les moyens des niveaux supra. Avec l'appui opérationnel de l'opérateur France Travail, ce comité formalisera annuellement un diagnostic territorial partagé et définira le plan local d'actions visant à couvrir les besoins du territoire grâce aux moyens exposés supra et locaux mobilisables, à relever les enjeux actuels et à venir, par exemple en termes de tensions ou de projections de recrutements, à initier ou à soutenir des initiatives locales permettant de capter et satisfaire davantage de publics ou d'offres d'emploi.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie principalement les dispositions du titre premier du livre III de la cinquième partie du code du travail intitulé « Service public de l'emploi » et en modifie l'ordre juridique interne avec la création d'un chapitre 1 bis : Réseau France Travail composé de deux sections : Section 1 : Composition et patrimoine commun du réseau France Travail et Section 2 : Gouvernance du réseau France Travail.
La section 1 comporte deux articles nouveaux : l'article L. 5311-7 pour définir le réseau France Travail, ses missions et sa composition et l'article L. 5311-8 pour fixer le périmètre du patrimoine commun (méthodologique, numérique, métier...) au réseau France Travail et poser le principe de la charte d'engagements des membres du réseau.
La section 2 comporte trois articles : l'article L. 5311-9 pour créer le comité national France Travail, l'article L. 5311-10 pour créer les instances territoriales et l'article L. 5311-11.
Il abroge également au chapitre premier, l'article L. 5311-3-1.
Il modifie également le titre II du livre 1er de la sixième partie du code du travail en modifiant l'article L. 6123-3 et en abrogeant l'article L. 6123-4.
Il supprime l'article 12, non codifié, de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
Par ailleurs, les articles L. 5214-3-1 et L. 5314-2 du code du travail sont modifiés afin de préciser les modalités de participation des organismes de placement spécialisés dans l'insertion professionnelle des personnes handicapées et des missions locales au réseau France Travail ainsi qu'à ses instances de gouvernance.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Néant.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Les dispositions de l'article, portant sur le réseau France Travail et sa gouvernance, visent à rendre plus efficace la coopération entre tous les acteurs du réseau France Travail et ainsi améliorer significativement l'impact du service rendu aux personnes en recherche d'emploi et aux employeurs en besoin de recrutement. En outre, cette rationalisation de la gouvernance permettra de rendre plus efficientes les politiques publiques de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'insertion.
En particulier :
- la mise en place de communs numériques (dont tableaux de bord et indicateurs partagés) permettra aux différents acteurs de prendre des décisions sur la base de faits et résultats observés, améliorant ainsi l'allocation des dépenses publiques ;
- l'élaboration de plans d'action au niveau des bassins d'emploi devrait améliorer la connaissance des publics et ainsi la qualité des réponses apportées aux besoins des personnes et des entreprises.
La mise en place, au niveau local, d'un comité France Travail, qui oeuvrera à piloter un plan d'action local, élaboré annuellement sur la base d'un diagnostic territorial partagé, vise à mieux appréhender les besoins spécifiques d'un territoire et ainsi à y répondre le plus efficacement possible.
Cette plus grande efficacité et efficience de l'ensemble du réseau France Travail, permettra d'accélérer le retour à l'emploi des personnes et d'augmenter le taux de pourvoi des offres d'emploi, et ainsi réduire le chômage.
En outre, l'amélioration des parcours d'accompagnement à destination des jeunes et des personnes en situation de handicap contribuera à accélérer leur retour à l'emploi, pour ces publics sur lesquels les enjeux sont majeurs (taux de chômage des jeunes de 17,3% et des personnes en situation de handicap de 14% 63(*)).
4.2.2. Impacts sur les entreprises
La mise en commun des offres de services des membres du réseau France Travail, du dépôt d'offre « une fois pour tous »64(*), permettant une diffusion généralisée auprès de l'ensemble des acteurs concernés pour améliorer la satisfaction du besoin de l'entreprise, la mise en place d'un interlocuteur privilégié pour toute entreprise qui le souhaite et l'intensification de l'accompagnement vers l'emploi d'un plus grand nombre de personnes en recherche d'emploi est de nature à réduire les emplois non pourvus.
La proactivité en direction des entreprises ainsi que la coordination et l'optimisation des ressources communes (stratégie coordonnée de prospection d'offres d'emploi et de promotion des profils des personnes en recherche d'emploi) devraient en outre permettre de détecter plus d'opportunités d'emploi tout en étant plus efficient dans cette détection (éviter que plusieurs acteurs sollicitent les mêmes entreprises et qu'à l'inverse d'autres entreprises ne le soient jamais).
Enfin, la participation des partenaires sociaux dans les instances nationales et régionales, la participation des opérateurs de compétences en qualité de partenaires du réseau France Travail et la mobilisation de clubs d'entreprises sont de nature à permettre de mieux comprendre les besoins des entreprises et de mieux y répondre.
4.2.3. Impacts budgétaires
Ces mesures devraient avoir un impact sur une diminution des coûts de coordination opérationnelle et l'efficience globale du système (par exemple au travers de la rationalisation du nombre d'instances, de la suppression des doublons entre acteurs, de l'accès à des reporting automatisés, de la gestion partagée de la relation entreprise, etc.).
La quantification des gains d'efficience en termes d'économies de moyens est un exercice difficile en l'absence de données précises sur l'allocation du temps de l'ensemble des agents du réseau France Travail (Missions Locales, Conseils départementaux, structures d'insertion par l'activité économique...). Elle ne peut donc être menée dans le cadre de cette étude d'impact.
Les pilotes territoriaux et expérimentations effectuées en 2023-2024 permettront d'effectuer une série de cartographies territoriales précises des acteurs et de leurs effectifs, des activités faites en doublon par différents opérateurs et des gains d'efficience associés à la mise en oeuvre de meilleurs outils pour les conseillers.
A partir de ces observations de terrain, fondées sur une mise en oeuvre effective locale du projet France Travail, des hypothèses plus précises pourront être faites sur les gains d'efficience cibles.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les dispositions de cet article ne remettent pas en cause les compétences des départements en matière d'insertion ni les compétences des régions en matière de formation professionnelle des demandeurs d'emploi et ne touchent pas aux grands équilibres à l'oeuvre.
Les départements continuent d'avoir une place prépondérante en matière d'accompagnement socio-professionnel et social et leur compétence sur les politiques d'insertion à destination des bénéficiaires du revenu de solidarité active est préservée. Les régions continuent d'avoir une place prépondérante en matière de formation professionnelle des demandeurs d'emploi.
Les nouvelles mesures ont donc un impact sur la coordination entre les collectivités territoriales, l'Etat, l'opérateur France Travail et les opérateurs spécialisés ainsi que les autres acteurs de l'accompagnement fédérés dans le réseau France Travail. Cette coordination s'incarne par l'appartenance au réseau France Travail, la signature de la charte d'engagements autour de principes d'actions communs, l'évolution des transmissions de données et d'information et l'utilisation d'outils et procédures communs.
Les collectivités territoriales seront conduites, dès lors qu'elles seront signataires de la charte d'engagements, à co-présider avec l'Etat, les instances territoriales de leur ressort territorial permettant une intégration plus forte de leurs compétences avec celles de l'Etat.
L'enjeu d'une intensification de l'accompagnement supposera également une mobilisation des départements sur l'enrichissement de l'offre d'accompagnement et d'actions de levée des freins à l'emploi.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Tout d'abord, l'unification du système d'information, la définition d'indicateurs de pilotage communs, la création d'un dispositif commun de développement de compétences des conseillers, et la définition d'un socle de services et d'engagements de qualité commun sont de nature à assurer une meilleure intégration et coordination des acteurs du service public de l'emploi.
En outre, les services de l'Etat (directions régionales de l'économie, de l'emploi du travail et des solidarités et directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités) sont confortés dans leur rôle de stratège pour le pilotage des politiques de l'emploi et conservent à cet égard une responsabilité première en matière de politique de l'emploi - mais en intégration beaucoup plus forte avec les compétences des régions et départements.
La transformation portée par France Travail implique deux grands changements majeurs : une nouvelle relation avec les collectivités territoriales pour plus d'efficience des politiques publiques de l'emploi, la formation et l'insertion ; une nouvelle relation de travail avec l'opérateur France Travail et avec les opérateurs spécialisés que sont les Missions locales et Cap emploi.
La co-présidence avec la collectivité s'appuiera notamment sur les contractualisations Etat/Régions sur la formation et Etat/départements sur l'insertion et la levée des freins et sur la charte d'engagements France Travail. L'Etat y jouera un rôle de régulateur et d'interlocuteur clé en raison de sa capacité à porter des décisions avec les collectivités, par exemple dans une logique de conférence de financeurs.
Les services de l'Etat continuent à être engagés dans le pilotage et le financement des acteurs de l'insertion notamment en conservant les liens contractuels avec les missions locales, les structures de l'insertion par l'activité économique, les porteurs de projet associatifs et à ce titre auront la responsabilité de veiller à la convergence stratégique d'ensemble des opérateurs et partenaires qui auront tous vocation à inscrire demain leur action dans le cadre du réseau France Travail.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Néant.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
L'approche France Travail est porteuse de sens pour concourir à l'inclusion des personnes en situation du handicap en confortant une approche du droit commun, tout en reconnaissant l'expertise du réseau des Cap emploi déjà engagés dans la démarche de lieux uniques d'accompagnement au sein des agences Pôle emploi.
En effet, elle permettra d'aller encore plus loin dans l'offre de services intégrée qui a pour objectif de traduire en un service concret cet objectif de « société inclusive » : la délivrance de services « adaptés » aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap, inclus au sein d'un « service de droit commun » plus facilement accessible.
Ainsi, dans la continuité du rapprochement déjà amorcé entre les Cap emploi et Pôle emploi (dont les premiers effets sont tangibles depuis 2022 en termes de retour à l'emploi et de satisfaction des personnes en situation de handicap), cet article permettra d'améliorer l'insertion sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap, à travers notamment une meilleure visibilité de l'offre de services en direction des demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi et une fluidification des parcours.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Les dispositions nouvelles relatives aux instances veilleront à réserver la parité dans leur composition, par des précisions dans les décrets d'application.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Cet article permettra d'améliorer l'insertion sociale et professionnelle des jeunes.
En inscrivant pleinement les missions locales au sein du réseau France Travail, la mesure permettra en effet une meilleure coordination des acteurs du service public de l'emploi dans leurs actions d'insertion des publics jeunes, afin de proposer à chacun la modalité d'accompagnement et les solutions les plus adaptées à sa situation et ses aspirations.
Tous les jeunes continueront d'être accompagnés dans leur insertion sociale et professionnelle soit par l'opérateur France Travail soit par les missions locales, tout en étant assurés d'une part, de l'application de critères et process communs à tous les opérateurs, et d'autre part d'être pris en charge par l'opérateur le plus à même de répondre à leur besoin au cours du temps et de pouvoir passer, en fonction de l'évolution de leur situation, d'un parcours d'insertion socio-professionnelle à un autre sans rupture ni nécessité de répéter des actions déjà effectuées.
La meilleure coordination des offres de solution et la qualité des parcours d'accompagnement qui en découlera permettront aux jeunes de s'insérer plus rapidement sur le marché du travail. De plus, les démarches d'aller-vers seront intensifiées pour le public jeune.
La mesure permettra également d'améliorer la prise en charge par les Cap emploi des jeunes sortant du système scolaire. Elle contribuera à améliorer la prise en charge des besoins de compensation.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Néant.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
L'organisation d'une offre de service France Travail dans une logique d'aller vers et non plus de « laisser venir », est de nature à permettre au plus grand nombre d'accéder aux services d'accompagnement et de rendre plus lisible l'organisation en place.
La mise en place de communs numériques et notamment l'obligation de partage d'information et de données entre les professionnels est de nature à donner une effectivité au principe « dites-le nous une fois ».
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Néant.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La mesure a été soumise à la consultation obligatoire :
- de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) au titre du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail, dont les avis ont été rendus le 25 mai 2023 comme il suit :
o CFDT : favorable ;
o CGT : défavorable ;
o FO : défavorable ;
o CFTC : abstention ;
o CFE-CGC : prise d'acte ;
o MEDEF : prise d'acte ;
o CPME : favorable ;
o U2P : favorable ;
o Régions : défavorable ;
- du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) au titre de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les mesures entreront en vigueur le 1er janvier 2024 à l'exception de celles de l'article L. 5214-3-1 (Cap emploi), du II de l'article L. 5311-8 du code du travail (signature de la charte d'engagements), des articles L. 5311-10 (gouvernance territoriale), L. 5314-2 (missions locales) et L. 6123-3 (CREFOP) du même code, dans leur rédaction issue de la présente loi, qui entreront en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard au 1er janvier 2025.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions du présent article s'appliqueront sur l'ensemble du territoire métropolitain, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, soumises au principe de l'identité législative. Une ordonnance viendra préciser les adaptations éventuellement applicables aux collectivités et territoires d'outre-mer précités (cf. article 11 du projet de loi).
Elles ne sont pas applicables dans les collectivités de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en conseil d'Etat viendra préciser les modalités de mise en oeuvre du chapitre 1bis du titre premier du livre III de la cinquième partie du code du travail relatif au réseau France Travail et à sa gouvernance, notamment :
- Les modalités de traitement des données à caractère personnel nécessaires à l'exercice des missions des personnes morales constituant le réseau France Travail ;
- La composition ainsi que les modalités d'organisation et de fonctionnement des instances de gouvernance du réseau France Travail ;
- Les modalités selon lesquelles les signataires de la charte d'engagement rendent compte de la mise en oeuvre de leurs actions ;
- Les objectifs et modalités des audits susceptibles d'être organisés par ces instances en vue de garantir la qualité de l'offre de service aux demandeurs d'emplois.
Ce décret en Conseil d'Etat viendra en outre adapter les dispositions réglementaires existantes relatives aux comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP).
Article 5 : L'opérateur France Travail
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Depuis sa création en 2008 dans le cadre de la fusion entre les services de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et du réseau des Assedic, Pôle emploi est en première ligne face au défi économique et social que constitue la lutte contre le chômage.
Pôle Emploi est une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière dont les missions et le cadre général de fonctionnement sont définis aux articles L. 5312-1 et suivants du code du travail.
Les principales missions confiées65(*) sont :
- accueillir et inscrire les demandeurs d'emploi et contrôler la recherche d'emploi ;
- indemniser les demandeurs d'emploi pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage et pour le compte de l'État au titre du régime de solidarité ;
- accompagner, orienter et former les personnes à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel ;
- aider et conseiller les entreprises dans leurs recrutements et la mise en relation entre les offres et les demandes d'emploi ;
- analyser et prospecter le marché du travail ;
- recueillir, traiter et diffuser les données relatives au marché du travail et à l'indemnisation des demandeurs d'emploi.
Les principales orientations stratégiques et objectifs assignés à Pôle emploi sont définis dans le cadre d'une convention tripartite pluriannuelle conclue entre l'Etat, l'Unédic et Pôle emploi. Cette dernière, dont le contenu est précisé par l'article L. 5312-3 du code du travail, est établie habituellement sous un format quadriennal au regard de la situation de l'emploi et au vu des moyens prévisionnels alloués par l'Unédic et l'Etat.
A titre illustratif, la convention en cours, exceptionnellement prolongée par avenant pour l'année 2023, a encadré la trajectoire d'offre de service pour la période 2019-2022 autour de trois orientations :
- Accélérer et faciliter le retour à l'emploi durable des demandeurs d'emploi, en adaptant la personnalisation et l'intensification de l'accompagnement aux besoins de chacun, tout au long de son parcours ;
- Lutter plus efficacement contre les difficultés de recrutement des entreprises en répondant de manière personnalisée et réactive aux besoins des entreprises, notamment des très petites et petite et moyennes entreprises (très petites et moyennes entreprises) ;
- Développer et valoriser les compétences et les qualifications des demandeurs d'emploi afin de favoriser les recrutements en proposant notamment des formations plus pertinentes, plus personnalisées, plus lisibles et plus rapidement accessibles.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le préambule de la constitution du 27 octobre 1946, partie intégrante du bloc de constitutionnalité, reconnait à chacun un droit à l'emploi et un droit à l'assistance. Les missions de l'opérateur France Travail s'inscrivent pleinement dans la concrétisation de ces droits à valeur constitutionnelle.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
En 1952, la France a ratifié la convention n°88 de 1948 de l'Organisation International du Travail (OIT) sur le service de l'emploi.
Par cette ratification, la France s'engage à maintenir un service public de l'emploi gratuit à l'échelle nationale qui met en relation les personnes et les emplois, aide les employeurs à trouver les travailleurs dont ils ont besoin et harmonise les compétences, avec les besoins du marché du travail, dans l'ensemble de l'économie.
La tâche essentielle du service de l'emploi doit être de réaliser, en coopération, s'il y a lieu avec d'autres organismes publics et privés intéressés, la meilleure organisation possible du marché de l'emploi comme partie intégrante du programme national tendant à assurer et à maintenir le plein emploi.
En 1971, la France a ratifié la Convention n° 122 de 1964 qui définit la politique de l'emploi et prévoit comme objectif essentiel, une politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Le rapport « Comparaison des services publics de l'emploi de différents pays européens » de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales de février 2023 portant sur cinq pays (Allemagne, Danemark, Espagne - Catalogne -, Belgique - Flandre - et Suède) permet de disposer des éléments ci-après. L'organisation du service public que l'emploi peut porter différents modèles selon les caractéristiques géographiques, institutionnelles et socioéconomique d'un pays.
L'Allemagne, comparable à la France pour sa taille et l'existence d'une agence centralisée aux larges compétences en matière de service public de l'emploi, possède un service public de l'emploi à deux réseaux d'accompagnement. Le premier est national, la Bundesagentur fur Arbeit, responsable de l'accompagnement des demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'assurance chômage contributive, proche du modèle de Pôle emploi, et le second est territorialisé, pour les demandeurs d'emploi bénéficiant du minimum social, lorsque les municipalités autonomes refusent la cogestion avec l'agence nationale.
Contrairement à l'Allemagne ou la France, et modèle de la flexisécurité, au Danemark, le service public de l'emploi possède un guichet unique décentralisé aux communes sous la supervision et le contrôle d'une agence nationale. De plus un pilotage national est organisé par un système d'information commun à l'ensemble des communes.
Opérant dans un contexte de chômage plus élevé qu'en France, le service public de l'emploi de la région de Catalogne en Espagne repose sur un guichet unique décentralisé au niveau régional tout comme le service public de l'emploi de la région de Flandre, en Belgique, qui gère en plus les centres de formation.
Puis, avec un taux de chômage équivalent à la France, la Suède, depuis 2019, repose son service public de l'emploi sur un opérateur centralisé dont l'accompagnement et le placement des demandeurs d'emploi est délégué à des prestataires privés.
La France est le seul des pays de ceux évoqués à compter trois grands guichets d'accompagnement des demandeurs d'emploi (Pôle emploi, Services d'insertion des départements et les missions locales), et le seul pays à avoir des réseaux d'indépendant spécialisés dans l'accompagnement des jeunes, les travailleurs handicapés et les cadres. Il faut aussi ajouter que d'autres acteurs interviennent pour la levée des freins périphériques, et les régions ont en charge de l'orientation et la formation.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le chômage a significativement diminué ces cinq dernières années pour atteindre 7,2%66(*), mais pas encore suffisamment pour répondre à l'objectif de plein emploi. Le taux d'emploi, à 73,6% en 2022, poursuit également sa progression mais traduit encore la difficulté d'intégrer ou maintenir sur le marché du travail certaines populations (les séniors ou les bénéficiaires du revenu de solidarité active, notamment).
Parallèlement, le contexte actuel est caractérisé par un accroissement significatif des tensions sur le marché du travail, les entreprises rencontrant des difficultés pour trouver le personnel dont elles ont besoin, dans un nombre croissant de secteur d'activité et de métiers
Le paradoxe de la coexistence de la difficulté de certains actifs à retrouver un emploi et de la difficulté des entreprises à recruter illustre la nécessité d'approfondir les dynamiques d'appariement entre offre et demande par une modernisation de l'organisation du service public de l'emploi et par une intensification de l'accompagnement et un meilleur repérage des demandeurs d'emplois.
Bien que Pôle emploi soit l'opérateur central et prépondérant, le service public français compte, comparativement aux systèmes observés dans d'autres pays européens, un nombre très important d'acteurs intervenant dans le champ de l'inclusion, de la formation et de l'emploi : Etat, régions, départements, communes, mais aussi une multitude d'opérateurs publics, d'acteurs associatifs et privés. Concernant uniquement les initiatives en matière d'accompagnement vers l'emploi, il existe en complément de l'action de Pôle emploi de nombreux opérateurs spécialisés en fonction de typologie de public : l'insertion sociale et professionnelle des jeunes les plus en difficulté est assurée par les missions locales, l'accompagnement et le retour à l'emploi des travailleurs handicapés est assuré par Cap emploi et l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) joue un rôle privilégié pour accompagner le public cadres. L'accroissement de l'efficacité de cette organisation, passe par une meilleure coordination et un meilleur partage des méthodes, des outils et des données.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif principal de la réforme est de transformer le service public de l'emploi actuel en un écosystème accessible pour tous, lisible, organisé et coordonné tout en répondant au principe de « Dites-le nous une fois », qui soit plus ancré sur les besoins du territoire. Pour ce faire, cette réforme passe par la transformation de Pôle emploi en opérateur France Travail.
Cet opérateur central du service public de l'emploi devra agir au nom et pour le compte de l'ensemble des acteurs publics, dans le cadre d'une intervention plus territorialisée en développant sa capacité à animer un écosystème d'acteurs.
Pour garantir l'unité de cet écosystème, l'opérateur assumera une fonction d'animation, de support et de soutien, ainsi que la production et mise en place de communs physiques, numériques et méthodologique
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Deux options peuvent être schématiquement envisagées :
- Un rapprochement institutionnel des différents acteurs impliqués autour d'un opérateur central, assorti de transferts de compétences au bénéfice du dit opérateur ;
- Une évolution significative du partenariat des différents acteurs avec un rôle d'animation et de coordination appuyé confié à un opérateur.
3.2. OPTION RETENUE
L'option retenue correspond au schéma fondé sur une évolution forte du partenariat entre les différents opérateurs avec une animation et coordination appuyées d'un opérateur central. Elle a été privilégiée dans un souci de ne pas remettre en cause le statut juridique des opérateurs associés et de permettre une meilleure acceptabilité de la réforme. Il s'agit d'une transformation profonde d'une part, de l'écosystème de l'emploi, de la formation et de l'insertion dans le cadre du réseau France Travail et, d'autre part, de l'opérateur principal de l'Etat, Pôle emploi transformé en opérateur France Travail.
La transformation en opérateur France Travail implique des objectifs redéfinis pour inscrire pleinement les missions en propre déjà codifiés et les missions nouvelles en réponse aux intérêts combinés de l'Etat, des collectivités, des partenaires sociaux et plus globalement de tous les acteurs de l'écosystème.
Les missions et compétences jusqu'à présent dévolues à Pôle emploi sont reprises et renforcées dans une première partie de l'article L. 5312-1 du même code afin de permettre en particulier l'inscription sur la liste de demandeur d'emploi de l'ensemble des personnes en recherche d'emploi ou ayant besoin d'un accompagnement et l'orientation en miroir des articles L5411-1, L.5411-5 et L.5411-5-1. Enfin, le suivi constitue en enjeu essentiel pour assurer des parcours sans couture adaptés aux besoins socioprofessionnels des personnes et pour faire face aux changements de situation et faciliter le relais pour les changements d'accompagnement. C'est la raison pour laquelle cette mission est confiée à l'opérateur France Travail dans la mesure où toutes les personnes sont inscrites en qualité de demandeurs d'emploi auprès de lui. Ces évolutions appellent une modification des alinéas 1°, 3°, 4° et 4°bis de l'article réorganisé.
Enfin, les décisions de reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH) pour les personnes sans emploi, déjà inscrites en tant que demandeurs d'emploi ou souhaitant l'être, seront transmises à l'opérateur, afin de permettre de proposer aux personnes en situation de handicap un accompagnement adapté à leur besoin. L'opérateur France Travail, en lien avec les Cap emploi, formulera à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles des propositions en matière d'orientation vers le milieu protégé et les établissements et services de réadaptation professionnelle, dans des conditions fixées par la convention mentionnée au même article. Ces évolutions requièrent la création des alinéas 2° bis et 2° ter du I. de l'article réorganisé.
Fruit de la réforme, le nouvel opérateur France Travail se voit confier des missions et des activités nouvelles, « pour le compte de tous », afin de faciliter la collaboration entre les acteurs du réseau et permettre la bonne animation des instances de gouvernance. Ces ajouts, au nombre de 10 alinéas sont regroupés dans une seconde partie prévue à l'article L. 5312-1 du code précité.
Il est chargé d'organiser, « pour le compte de tous et avec tous », les conditions de la collaboration et de l'efficacité collective, dans une logique de gouvernance duale Etat/collectivités du réseau France Travail en veillant à :
- assurer la maitrise d'ouvrage déléguée et la maîtrise d'oeuvre des « communs » physiques, des communs méthodologiques ainsi que des communs numériques en transformant son système d'information dans une approche plateforme, en suivant et en facilitant la mise en oeuvre de l'exigence de l'interopérabilité avec les systèmes d'information des autres acteurs ainsi qu'en assurant un rôle support;
- coconstruire avec les membres du réseau France Travail les propositions de feuilles de route opérationnelles à soumettre à la décision de chaque échelon de la gouvernance France Travail ;
- exercer une fonction de soutien à la gouvernance en contribuant à la préparation des nouvelles instances de gouvernance territoriales co-présidées par l'Etat et par les collectivités territoriales (en fonction de l'échelon) et au rendu compte de l'action et des résultats collectifs obtenus en produisant les indicateurs et analyses nécessaires.
Cette transformation entraîne une évolution majeure en passant d'un opérateur parmi la diversité d'opérateurs dans le paysage du service public de l'emploi à un animateur opérationnel d'écosystème « pour le compte de tous » ayant vocation à favoriser l'efficience collective et faciliter l'action et l'impact de chaque acteur de l'insertion, la formation, et l'emploi, dans le cadre d'une intervention plus territorialisée et d'une démarche plus orientée usagers et résultats.
Enfin, le texte propose un toilettage de diverses dispositions, notamment liées au contexte de la création de Pôle emploi en 2008, devenues obsolètes. Il s'agit notamment de la référence à l'ordonnance de 2005 relatives aux marchés passés par certaines personnes publiques non soumises au code des marchés publics, devenue inutile et infondée à la suite de la parution du code de la commande publique, ou encore la suppression de la mention du conseil national de l'emploi, de la formation, et de l'orientation professionnelles disparu en 2019.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La transformation de Pôle emploi en opérateur France Travail entraîne la modification de plusieurs articles intégrés au chapitre II - placement et accompagnement des demandeurs d'emploi - du titre Ier du livre III - Service public de l'emploi et placement - de la cinquième partie du code du travail.
L'article L. 5312-1 du code précité reprend et modifie les dix alinéas présents avant la transformation pour les intégrer dans une première partie, elle-même complétée par deux nouveaux alinéas. Une seconde partie composée de dix alinéas est également intégrée à cet article. L'article L.5312-2 est également modifié afin de prendre en compte le changement de dénomination de Pôle emploi en « opérateur France Travail ».
L'article L. 5312-3 du code du travail est modifié à la marge pour actualiser le contenu de la convention tripartite entre l'Etat, l'Unédic et le nouvel opérateur. En parallèle, l'article L. 2271-1 du code du travail est modifié par cohérence afin de supprimer l'avis préalable de la commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle sur le projet de cette convention tripartite pluriannuelle, qui sera déjà issu d'une concertation avec les partenaires sociaux.
Les articles L. 5312-7, L. 5312-8 et L. 5312-12-1 du même code sont aussi modifiés afin de prendre en compte les implications de la transformation.
Le code du travail, le code de la sécurité sociale, le code de l'éducation, le code général des impôts, le code des relations entre le public et l'administration, la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté sont aussi modifiés afin de prendre en compte le changement de dénomination de Pôle emploi en « opérateur France Travail ».
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Néant.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
La transformation en opérateur France Travail, impliquant des objectifs redéfinis pour inscrire pleinement les missions de l'opérateur en réponse aux intérêts combinés de l'Etat, des collectivités, des partenaires sociaux et plus globalement de tous les acteurs de l'écosystème, contribue aux effets macro-économiques décrits en introduction, notamment via l'objectif d'atteinte du plein emploi.
Par ses nouvelles missions, l'opérateur France Travail contribuera à la meilleure coordination des actions des différents intervenants, à un pilotage amélioré et au partage des mesures d'impact, contribuant ainsi à améliorer l'efficacité du service public de l'emploi et à accroître le taux d'emploi.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Dans le cadre des missions dédiées à la mise en oeuvre du patrimoine commun, l'opérateur France Travail proposera un socle commun de services au bénéfice des entreprises permettant de mettre en place un « guichet unique » et offrant un parcours en ligne ou accompagné « sans couture » fluide et simplifié.
Par le développement de ses missions, l'opérateur France Travail aura pour objectif de renforcer le levier de la relation entreprise en venant aider, au bon moment, les entreprises à recruter plus facilement et durablement tous les talents par un accompagnement proactif et renforcé notamment pour les très petites entreprises et petites et moyennes entreprises (très petites et moyennes entreprises). Les membres du réseau France Travail pourront notamment consacrer plus de temps à des activités de prospection, activité essentielle pour révéler le potentiel d'emplois du pays.
Une approche plateforme / patrimoine commun permettra à terme la diminution du coût d'accès à l'information pour tous, et des économies de fonctionnement (marchés, etc.).
4.2.3. Impacts budgétaires
L'élargissement des missions et compétences jusqu'à présent dévolues à Pôle emploi notamment afin de permettre l'inscription, l'enregistrement et le suivi de l'ensemble des personnes en recherche ou ayant besoin d'un emploi et la responsabilité d'apporter une réponse appropriée aux besoins de recrutement de toutes les entreprises de France le nécessitant et plus seulement aux entreprises utilisatrices de Pôle emploi, va nécessiter des besoins additionnels pour l'opérateur, qui seront précisés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.
La mise en place des communs aura par ailleurs un impact sur l'efficience globale du système, avec par exemple notamment une diminution du coût d'accès à l'information pour tous.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
En adoptant une logique de gouvernance duale, l'opérateur exercera une partie de ces missions sous la supervision d'autorités nationales mais aussi locales. En effet, si l'animation opérationnelle est assurée par l'opérateur France Travail, l'Etat et les collectivités territoriales assurent la gouvernance stratégique et décisionnelle du réseau France Travail.
Ainsi, les collectivités territoriales pourront s'appuyer sur ce nouvel opérateur et piloter les instances de gouvernance locales notamment par la mise à disposition de tableaux de bord issus des données SI de ce dernier.
De plus seront mis à disposition des actions de développement des compétences pour les personnels des collectivités territoriales pour favoriser la coordination et la complémentarité des actions dans le cadre du réseau France Travail.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Le nouvel opérateur France Travail se voit confier des missions et des activités nouvelles, « pour le compte de tous », afin de faciliter la collaboration entre les acteurs du réseau et permettre la bonne animation des instances de gouvernance. Concernant le pilotage et le suivi des missions de l'opérateur France Travail, le rôle des services de l'Etat est renforcé étant élargi aux nouvelles missions en lien avec la gouvernance duale.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Néant.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
En lien avec l'étude d'impact sur l'orientation et l'inscription, l'opérateur a pour mission d'identifier les personnes en situation de handicap ayant besoin d'un accompagnement vers l'emploi et leur proposer un accompagnement adapté à leur soin.
De ce fait, par la volonté de laisser aucune personne sans solutions, et en lien avec le rapprochement Cap emploi avec Pôle emploi, les personnes en situation de handicap bénéficieront d'une facilité d'inscription à France Travail et la garantie que l'offre de formation soit accessible à tout demandeur d'emploi handicapé, quel que soit son handicap.
Ainsi, la mesure de transmission par les maisons départementales à France Travail des décisions de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé qui sont déjà accompagnées par le service public de l'emploi, ou souhaitent l'être, permettra une meilleure prise en compte des besoins spécifique des personnes. Elle est respectueuse de leur volonté puisqu'elle est subordonnée à leur accord. Tout demandeur d'emploi en situation de handicap pourra désormais être accompagné par le service public de l'emploi. Les équipes de France Travail et des opérateurs associés assureront ensuite l'accompagnement adapté avec les outils du droit commun. Le rapprochement entre Pôle emploi et les cap emploi a déjà permis une meilleure coordination des acteurs au bénéfice des personnes. Il s'agit désormais de l'étendre à l'ensemble du parcours vers et dans l'emploi dans une logique inclusive.
Pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, une prestation d'appui renforcé à la détermination du projet professionnel est créée. Elle permettra, avec la personne pleinement actrice de ses choix professionnels, de diagnostiquer les compétences, de tester différents terrains professionnels en milieu ordinaire y compris en entreprise adaptée, ou en milieu protégé pour construire un projet professionnel avec la personne. Les orientations vers les établissements ou services d'aide par le travail seront prononcées par les maisons départementales des personnes handicapées sur une préconisation du service public de l'emploi à l'issue d'un travail réalisé avec la personne sur son projet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
La transformation de l'opérateur Pôle emploi en opérateur France Travail ne modifie en rien la mission pour ce dernier de participer activement à la lutte contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité homme-femme.
Par ailleurs l'ajout de la mission pour le compte de tous de proposer les principes d'un socle commun de services au bénéfice des personnes et des employeurs sera l'opportunité d'encourager et de développer des méthodes de recrutement inclusives et non discriminatoires.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
La mise en oeuvre du contrat d`engagement jeune, un programme intensif d'accompagnement de 15 à 20 heures par semaine minimum, avec une mise en activité systématique et régulière, demeure une mission confiée en partie67(*) à l'opérateur France Travail.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Néant.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La transformation du service public de l'emploi et plus particulièrement de Pôle emploi en opérateur France Travail, objet de cet article, cherche à clarifier et rendre plus lisible l'offre de service accessible aux particuliers.
Les modifications apportées par cet article permettent de répondre au défi de l'inclusion et l'emploi en assurant, dans une démarche d'aller vers, l'enregistrement à France Travail de l'ensemble des particuliers quel que soit leur situation et permettre un accompagnement adapté et efficace.
L'opérateur France Travail, en tant que maître d'oeuvre des communs France Travail, participe à la simplification des démarches administratives pour les particuliers en mettant à disposition un espace personnel où sera enregistré l'ensemble des données liées à l'usager. Cet espace alimentera une base de données accessible à l'ensemble des acteurs du réseau France Travail qu'ils pourront modifier ou alimenter au fil du parcours et feront ainsi vivre le principe de « Dites-le nous une fois ».
A travers la réalisation de ses nouvelles missions, France Travail permettra ainsi une amélioration globale de l'efficacité du service public de l'insertion et de l'emploi, en :
- développant un système d'information plateforme rassemblant :
o l'ensemble des données sur ses usagers afin de donner vie au principe du « dites-le nous une fois » ;
o et des services digitaux de qualité ouverts à l'ensemble des particuliers et des professionnels qui les accompagnent ;
- construisant un dispositif de développement de compétences unifiés pour l'ensemble des professionnels de l'accompagnement des personnes dans leur insertion socio-professionnelle, garantissant des standards de qualité et une culture commune inter-organisations dans cet accompagnement ;
- proposant un socle de services et d'engagements de qualité valable sur tout le territoire pour tous les usagers, quelle que soit la structure qui les accompagne.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La mesure a été soumise à la consultation obligatoire :
- de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) au titre du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail, dont les avis ont été rendus le 25 mai 2023 comme il suit :
o CFDT : favorable ;
o CGT : défavorable ;
o FO : défavorable ;
o CFTC : abstention ;
o CFE-CGC : prise d'acte ;
o MEDEF : prise d'acte ;
o CPME : favorable ;
o U2P : favorable ;
o Régions : défavorable ;
- - du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) au titre de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023.
- du conseil d'administration de Pôle emploi, au titre de l'article R. 5312-6 du code du travail, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023.
La mesure a été soumise à la consultation facultative du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) au titre de l'article L. 146-1 du code de l'action sociale et des familles, qui a rendu un avis favorable le 26 mai 2023.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La mesure entre en vigueur au 1er janvier 2024, s'agissant des dispositions prévoyant l'élargissement des missions de Pôle emploi et sa transformation en opérateur France Travail.
Toutefois, entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard au 1er janvier 2025, s'agissant des dispositions relatives aux missions de l'opérateur France Travail en matière d'appui aux instances de gouvernance territoriales (dispositions du b du 7° du II de l'article L. 5312-1 du code du travail, dans sa rédaction).
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'appliquera sur l'ensemble du territoire métropolitain, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, soumises au principe de l'identité législative. Une ordonnance viendra préciser les adaptations éventuellement applicables aux collectivités et territoires d'outre-mer précités (cf. article 11 du projet de loi).
Elle n'est pas applicable dans les collectivités de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les conditions de mise en oeuvre des nouvelles missions de Pôle emploi, dans le cadre de sa transformation en opérateur France Travail.
Article 6 : Les opérateurs chargés du repérage et de l'accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l'emploi
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Au cours de la précédente mandature, des offres de repérage, remobilisation et d'accompagnement renforcés ont été déployées sous différentes formes pour les publics les plus vulnérables.
En premier lieu, le Plan d'investissement dans les compétences (PIC) a financé des expérimentations pour formaliser des offres d'accompagnement intégrées pour des publics éloignés de l'emploi. Ainsi, le dispositif « 100% inclusion » et le dispositif « Intégration professionnelle des réfugiés-IPR » ont permis la mise en oeuvre de parcours intégrés et personnalisés auprès de jeunes et de demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés et de bénéficiaires de la protection internationale, depuis le repérage jusqu'à l'accès à l'emploi ou à l'activité durable en passant par de la remobilisation, permettant la construction de projets professionnels et le développement ou la valorisation de compétences.
Ces actions prennent plusieurs formes et s'adaptent au public cible mais aussi aux territoires et aux écosystème dans lesquels ils se déploient :
- Repérage : repérer les bénéficiaires qui ne sont pas forcément connus des institutions publiques pour les remettre en action (maraudes, bus itinérants notamment en milieu rural, réseaux sociaux...) ;
- Remobilisation : mettre en action les bénéficiaires pour leur permettre, dans une posture active, de les motiver, les dynamiser (sas de rupture de quelques jours à 2 semaines, ateliers socio-professionnels, création d'un projet collectif -faire un budget, travailler avec partenaires...) ;
- Accompagnement : l'entrée dans l'accompagnement se concrétise par la co-construction d'un parcours d'accompagnement, avec des objectifs fixés entre le bénéficiaire et le référent. Le parcours d'accompagnement est basé sur une relation de confiance, qui est permise grâce à des contacts réguliers. Le référent va faire des diagnostics réguliers, pour ensuite accompagner le bénéficiaire vers chacune des briques nécessaires à son parcours. L'objectif est d'à la fois répondre aux besoins à l'instant T du bénéficiaire, et d'anticiper les besoins des bénéficiaires en mobilisant les bonnes briques et/ou les bons partenaires au bon moment.
- Accompagnement à visée insertion professionnelle : ateliers CV, immersions en entreprise, découverte métiers, simulation d'entretien... ;
- Formations : formations aux savoirs de base, français langue étrangère, ateliers gestion financière, auto-entrepreneuriat... ;
- Accompagnement social (demande de logement social, financement du permis de conduire, couverture santé, garde d'enfant...).
Plus d'une centaine de projets, de durées variables, ont été déployés depuis 2019, pour un objectif de 72 000 personnes accompagnées pour 100% inclusion et de 27 000 bénéficiaires (dont 21 000 entrées effectives) pour Insertion professionnelle des réfugiés (IPR). En 2022, 18 d'entre eux ont bénéficié d'une extension qui leur a permis d'obtenir des moyens supplémentaires pour amplifier l'impact de leur action et de prolonger leur projet. En 2023, tous les lauréats ont la possibilité de prolonger leur projet jusqu'au 31 décembre, par voie d'avenant, afin de leur permettre d'atteindre leurs objectifs quantitatifs.
En deuxième lieu, le contrat engagement jeune (CEJ) pour les jeunes en rupture a permis de compléter l'offre du contrat engagement jeune, portée par les deux réseaux Pôle emploi et Missions locales, par des initiatives portées par des opérateurs publics et privés fournissant des services relatifs au placement, à l'insertion, à la formation, à l'accompagnement et au maintien dans l'emploi des personnes en recherche d'emploi.
Dans ce cadre, 185 projets proposant des actions de repérage et de remobilisation aux jeunes éligibles au contrat engagement jeune les plus éloignés de l'emploi et pouvant ensuite les accompagner, conjointement avec une mission locale, dans le cadre de leur contrat engagement jeune, ont été mis en oeuvre sur l'ensemble du territoire.
Ces différentes expérimentations ont pris la forme d'appels à projets, conférant beaucoup de liberté et de capacité d'initiative aux lauréats qui ont été retenus pour proposer des solutions adaptées aux publics accompagnés mais aussi en lien avec les réalités territoriales.
Les appels à projet, conduits dans le cadre du PIC, ont permis de servir de laboratoire d'accompagnement global pour les bénéficiaires les plus éloignés de l'emploi. Les travaux de capitalisation conduits à cet égard attestent de la pertinence d'une offre d'accompagnement globale pour les publics les plus vulnérables, avec la mobilisation d'outils et de méthodes adaptés.
Ces projets ont permis de développer des techniques et actions de repérage et de financer ces temps, souvent considérés comme informels et donc en dehors des radars des institutions, qui n'ont pas la capacité d'aller vers les personnes invisibles. Ces techniques prennent la forme de maraudes en pied d'immeubles dans les quartiers prioritaires de la ville, de rencontres informelles lors d'événements locaux (match de foot, marchés, kermesse, forum des associations, etc.).
Une fois le repérage effectué, les projets ont développé des accompagnements individualisés permettant l'accompagnement vers l'emploi tout en levant les freins périphériques (garde d'enfant, mobilité, logement, accès aux droits, santé...) qui garantissent un retour durable à l'emploi. Les accompagnements tiennent compte des situations individuelles, s'adaptent en cas d'accident de parcours, mixent des temps collectifs avec des temps individuels et croisent les logiques de remobilisation avec des temps de préparation à l'emploi (formation, ateliers curriculum vitae, travailler sur la confiance en soi etc.). Ces projets ont également permis d'assurer un lien, une continuité avec les entreprises pour préparer les futurs employeurs à l'accueil de personnes en situation de fragilité et assurer la meilleure intégration de ces publics dans leurs postes.
Les résultats obtenus sont encourageants compte tenu des publics accompagnés.
Ainsi, même s'il est difficile de mesure la fragilité des publics à partir de quelques indicateurs, on note dans les appels à projet du Plan d'investissement dans les compétences, les profils suivants :
- 67% des personnes peu ou pas qualifiées pour le programme 100% inclusion ;
- 8% de mères isolées pour le programme 100% inclusion ;
- 28% de femmes pour le programme Intégration professionnelle des réfugiés ;
- 11% des travailleurs handicapés pour le programme 100% inclusion.
Ainsi, 34% des bénéficiaires sont en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de plus de 6 mois ou en formation qualifiante à la sortie du parcours « 100% inclusion ». 37,6% des bénéficiaires sont en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de plus de 6 mois ou en formation qualifiante à la sortie du parcours « Intégration des étrangers primo-arrivants - IPR ». Par ailleurs, en fonction de niveau de socialisation, du degré d'autonomie des bénéficiaires, on note chez l'ensemble des bénéficiaires une progression importante qui leur permet d'être dans une nouvelle dynamique, car l'accompagnement et les activités proposées sont parfois le seul lieu de socialisation des bénéficiaires.
Dans ce contexte, les actions développées dans le cadre des dispositifs exposés supra nécessitent de pouvoir être soutenues à l'avenir dans un nouveau cadre.
La détection de l'ensemble des personnes sans emploi est en effet un prérequis essentiel pour pouvoir connecter chacun et chacune aux solutions adaptées d'emploi, de formation ou d'accompagnement sur leur territoire et faire de la promesse du plein emploi une réalité.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Les dispositions du présent article ont pour objet d'améliorer sensiblement l'accompagnement des personnes rencontrant des difficultés d'insertion sur le marché du travail afin d'atteindre l'objectif du plein-emploi.
Elles s'attachent dès lors à assurer l'effectivité du droit constitutionnel d'obtenir un emploi prévu au point 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Le Conseil constitutionnel a attribué une valeur constitutionnelle à ce préambule depuis la d écision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 du Conseil constitutionnel.
En effet, ce préambule pose une obligation positive qui induit pour le législateur d'intervenir pour mettre en oeuvre la norme constitutionnelle. Ainsi, ce dernier doit définir une politique de l'emploi permettant de concrétiser ce droit constitutionnel d'obtenir un emploi.
Dès 1983, le Conseil constitutionnel en a déduit qu'il appartient au législateur, dans le cadre de la compétence que lui reconnaît l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, « de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d'obtenir un emploi en vue de permettre l'exercice de ce droit au plus grand nombre possible d'intéressés » ( décision n°83-156 DC du 28 mai 1983), formule constamment reprise depuis.
Pour mettre en oeuvre cette politique, le législateur dispose toutefois d'une très large marge d'appréciation.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Les dispositions du présent article s'inscrivent dans le cadre de la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) n°122 sur la politique de l'emploi (1964), entrée en vigueur le 15 juillet 1966.
Cette convention prévoit notamment qu'en vue de stimuler la croissance et le développement économiques, d'élever les niveaux de vie, de répondre aux besoins de main-d'oeuvre et de résoudre le problème du chômage et du sous-emploi, les pays signataires devront appliquer une politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi. Cette politique doit tendre à garantir qu'il y aura du travail pour toutes les personnes disponibles et en quête d'un travail.
En outre, conformément à la réglementation européenne relatives aux aides d'Etat accordées à certaines entreprises chargées de la gestion de Services d'intérêt économique général (SIEG), la décision d'exemption 2012/21/UE détermine dans quelles mesures des aides octroyées pour des services répondant à des besoins sociaux liés à l'accès et à la réinsertion sur le marché du travail, peuvent être présumées compatibles avec le marché intérieur et exemptées de notification à la Commission (article 2 § 1 (a)).
Pour cela, trois critères cumulatifs doivent être remplis, à savoir (i) l'existence d'obligations de service public clairement définies et confiées à l'entreprise par un acte exprès de la puissance publique pour une durée maximale de 10 ans ; (ii) l'établissement préalable, objectif et transparent des paramètres de calcul de la compensation ; (iii) la mise en place d'un contrôle régulier, au moins tous les trois ans, afin de veiller à l'absence de surcompensation.
Un rapport comprenant une description détaillée de l'application de cette décision doit être remis tous les deux ans à la Commission.
La qualification de service d'intérêt économique général sera ainsi retenue pour la nouvelle catégorie d'organismes spécialisés dans le repérage et la remobilisation vers l'emploi et l'autonomie, créée par le présent article.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Néant.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
L'article 34 de la Constitution prévoit que la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail. A ce titre, le législateur définit les principales missions de service public attachées aux politiques de l'emploi et de l'insertion ainsi que les catégories d'organismes chargées de leur mise en oeuvre.
Les travaux de préfiguration de France Travail ont permis de mettre en évidence la nécessité pour l'Etat de pérenniser et d'organiser une offre d'accompagnement spécifique au profit des personnes qui ne sont pas (ou mal) repérées par les institutions et le service public de l'emploi (SPE) en particulier, dans une logique de parcours dit « sans couture ».
Il s'agit de proposer un cadre pérenne pour un service dédié aux publics les plus en rupture (qu'ils soient jeunes ou non), porté par des organismes publics et privés spécialisés, en complémentarité des services proposés par les opérateurs classiques de France Travail.
La reconnaissance de cette nouvelle catégorie d'organismes vise à répondre aux spécificités de ces publics (y compris sur le volet repérage et la logique « aller vers ») et à démultiplier les solutions et l'offre d'accompagnement, dans un contexte de massification du public à accompagner et de l'intensité d'accompagnement.
A cet égard, la disposition législative relative au nouveau régime juridique applicable aux opérateurs publics et privés spécialisés dans le repérage et la remobilisation des publics éloignés des solutions institutionnelles, s'avère nécessaire pour définir les missions de service public confiées à ces organismes, les obligations afférentes à ces derniers ainsi que leurs modalités de financement (sur le modèle des Cap emploi pour les demandeurs d'emploi en situation de handicap). Elle permet en outre de reconnaitre l'existence d'un service d'intérêt économique général (SIEG), au sens du droit de l'Union européenne, en confiant formellement des missions d'intérêt général à ces organismes (mandat).
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif de cette disposition, en cohérence avec l'objectif général de la mise en place de France Travail, est de garantir que chaque personne puisse être orientée vers le bon accompagnement et puisse se voir proposer les bonnes solutions, à chaque moment et sans rupture dans les parcours.
Plus particulièrement, le présent article permet de confier des missions de service public à des opérateurs reconnus en matière de repérage, de remobilisation et d'accompagnement global des personnes très éloignées des acteurs institutionnels de l'insertion sociale et professionnelle, en lien avec le réseau France Travail.
Il s'agit donc de proposer une « offre inclusion », pilotée par l'Etat en lien avec l'opérateur France Travail, permettant de répondre aux enjeux du plein emploi en complémentarité et en articulation étroite avec l'offre du service public de l'emploi.
Cette complémentarité prendra la forme de :
- modalités d'accompagnement spécifiques qui mettent en oeuvre des compétences et méthodes peu mobilisées par les acteurs du service public de l'emploi (logique de subsidiarité) ;
- prise en charge de publics spécifiques pour leur proposer une intensité d'accompagnement qui ne peut pas être prise en charge directement par le service public de l'emploi (logique de massification/démultiplication de l'offre).
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
L'option alternative envisagée consistait à poursuivre la mobilisation des porteurs en renouvelant ou en élaborant des appels à projets. Toutefois, cette option est écartée dans la mesure où ces appels à projets permettent une période d'expérimentations qui par conséquent ne sécurisent pas les actions initiées de façon plus pérenne.
3.2. OPTION RETENUE
Au titre des missions de service public qui leur seront confiées, ces organismes devront conclure des conventions d'objectifs et de moyens avec l'Etat qui préciseront notamment les modalités d'évaluation des résultats obtenus par ces organismes ainsi que la qualité des actions qu'ils mettent en oeuvre.
L'option retenue prévoit la création d'une nouvelle catégorie d'organismes dans la loi à laquelle sont attachées plusieurs missions : le repérage, la remobilisation et l'accompagnement global (tant professionnel que social et comprenant des modules de formation).
Pour bénéficier de la qualité d'« organismes chargés du repérage et de l'accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l'emploi », les structures devront répondre, selon une procédure qui sera définie par voie réglementaire, à un cahier des charges qui sera arrêté par le ministre chargé de l'emploi.
Ces derniers concluent par la suite avec l'Etat une convention annuelle d'objectifs et de moyens.
Les missions qu'ils prennent en charge sont ainsi des missions de service public et constitutives d'un service d'intérêt économique général (SIEG). Dès lors, le financement accordé à ces opérateurs au titre de ces missions constitue une compensation pour leurs obligations de service public.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail est complété par un nouveau chapitre VI relatif aux organismes spécialisés dans le repérage et la remobilisation vers l'emploi et l'autonomie. Ce nouveau chapitre comporte un article L. 5316-1 qui précise les nouvelles missions de services public confiées à cette nouvelle catégorie d'organismes ainsi que les conditions nécessaires pour bénéficier de cette qualification et les modalités de conventionnement avec l'Etat. Par ailleurs, il est complété par les articles L.5316-2 et L.5316-3.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Néant.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Néant.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Néant.
4.2.3. Impacts budgétaires
Pour les publics jeunes, le principal impact budgétaire concerne le financement de l'ensemble des actions « d'aller-vers » pour proposer un accompagnement plus systématique aux jeunes en situations de potentielles « rupture », par exemple la prévention et la lutte contre le décrochage scolaire dans les établissements du secondaire et de l'enseignement supérieur, l'accompagnement des jeunes de l'Aide Sociale à l'Enfance ou encore les collaborations renforcées avec la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
Ces besoins sont intégrés dans l'estimation des moyens à reconduire dans la trajectoire du plan d'investissement dans les compétences (PIC) et seront précisés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le déploiement d'une offre de repérage et remobilisation des publics les plus vulnérables par l'Etat devra être réalisé en complémentarité de l'offre de France Travail et en lien avec les accompagnements réalisés par les collectivités territoriales, notamment les Départements dans le cadre de l'accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (cf. Gouvernance).
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Le pilotage des opérateurs de repérage et de remobilisation des personnes très éloignées des acteurs institutionnels de l'insertion sociale et professionnelle sera opéré par l'Etat via ses services déconcentrés qui sont actuellement mobilisés sur la mise en oeuvre de l'ensemble des programmes développés notamment sous l'égide du Plan d'investissement dans les compétences.
Les services ont donc d'ores et déjà identifiés les pratiques sur leurs territoires susceptibles de répondre à ce type de besoin, ont la capacité à analyser les projets qui répondront au cahier des charges définies par arrêté, connaissent bien l'écosystème du repérage et de la remobilisation.
La charge comprendra :
- La procédure de reconnaissance de la qualité d'opérateur de repérage et de remobilisation ;
Le conventionnement avec les opérateurs et le pilotage de la mise en oeuvre de chacune des conventions ;
Le pilotage d'ensemble du dispositif notamment pour garantir son articulation et sa complémentarité avec l'offre du réseau France Travail.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
L'offre d'accompagnement apportée par les opérateurs de repérage et de remobilisation permettra de trouver des solutions adaptées pour les publics qui ne sont pas en lien avec les institutions du service public de l'emploi et qui ne bénéficient pas ou peu aux dispositifs de droit commun. Cette offre contribuera donc à l'égalité des chances et à la lutte contre le non-recours aux dispositifs de l'emploi qui est importante pour ces publics.
Ces opérateurs contribueront ainsi à une société plus inclusive en permettant la levée des freins vers l'emploi.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Néant.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Néant.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
La meilleure coordination des offres de solution et la qualité des parcours d'accompagnement permettront aux jeunes de s'insérer plus rapidement sur le marché du travail. De plus, les démarches d'aller-vers seront intensifiées pour le public jeune.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Néant.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Le repérage et la remobilisation des personnes très éloignées des acteurs institutionnels de l'insertion sociale et professionnelle doit permettre de leur redonner toutes leurs chances de s'insérer durablement sur le marché du travail.
Il sera mis en oeuvre pour les personnes qui en ont le plus besoin et dont l'accompagnement au sein du service public de l'emploi n'est pas totalement adapté ou pour lequel le service public de l'emploi ne peut répondre faute de dispositifs intégrés disponibles instantanément.
Il vise donc les publics invisibles qui ont souvent renoncé à trouver des solutions auprès des acteurs institutionnels ou qui sont totalement désocialisés et ne sont pas dans une dynamique de recherche active.
L'offre proposées par ces nouveaux opérateurs permettra au réseau France Travail de trouver des solutions pour donner du contenu aux 15-20 heures d'activités prévues par le projet de loi.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Néant.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La mesure a été soumise à la consultation obligatoire de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) au titre du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail, dont les avis ont été rendus le 25 mai 2023 comme il suit :
o CFDT : favorable ;
o CGT : défavorable ;
o FO : défavorable ;
o CFTC : abstention ;
o CFE-CGC : prise d'acte ;
o MEDEF : prise d'acte ;
o CPME : favorable ;
o U2P : favorable ;
o Régions : défavorable.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2024.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'appliquera sur l'ensemble du territoire métropolitain, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, soumises au principe de l'identité législative. Une ordonnance viendra préciser les adaptations éventuellement applicables aux collectivités et territoires d'outre-mer précités (cf. article 11 du projet de loi).
Elle n'est pas applicable dans les collectivités de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques.
5.2.3. Textes d'application
Un décret simple viendra définir les modalités d'application de la mesure, notamment la procédure de conventionnement ainsi que le contenu, les conditions d'exécution, de suivi et de renouvellement et de contrôle des conventions.
Article 7 : Formation - compétence de l'Etat et de l'opérateur France Travail (POEI)
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Dans la perspective d'un retour à l'emploi, la formation apparaît comme un levier essentiel : elle améliore le taux de retour à l'emploi de 10% en moyenne à 3 ans68(*), effet qui s'accentue dans le cas de publics désavantagés sur le marché du travail (seniors, personnes peu qualifiées, personnes en situation de handicap). Par ailleurs, certains types de formations permettent un retour plus fréquent à l'emploi, en particulier les préparations opérationnelles à l'emploi individuelles (POEI), formations en entreprise qui visent à pourvoir un emploi identifié.
Le système de formation professionnelle a profondément évolué au cours de la période récente. Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) et la réforme du compte personnel de formation (CPF) lui ont donné une nouvelle dimension : les formations sont aujourd'hui plus largement disponibles pour les demandeurs d'emploi inscrits auprès de Pôle emploi. Le compte personnel de formation autonome, c'est-à-dire l'inscription à une formation par le demandeur d'emploi lui-même, sans nécessiter le concours d'un conseiller, représente 44% des entrées en formation. En trois ans, le nombre des entrées en formation des demandeurs d'emploi inscrits a pratiquement doublé. Les formations ont été mieux ciblées vers les publics les plus éloignés de l'emploi grâce au programme d'investissement dans les compétences. Le troisième rapport du comité scientifique69(*) de l'évaluation du programme d'investissement dans les compétences confirme en outre le rôle essentiel du financement additionnel de l'Etat pour augmenter le nombre de formations mises à disposition des personnes visées par le PIC, et ainsi permettre aux opérateurs en charge de l'accompagnement des personnes de réaliser des parcours complets d'accès à l'emploi et de réduction des tensions de recrutement. Pour autant, il subsiste des marges d'amélioration.
D'un point de vue quantitatif : si l'accès à la formation s'est amélioré, il demeure insuffisant pour certains publics (jeunes suivis par les missions locales, bénéficiaires du revenu de solidarité active, personnes en situation de handicap, seniors). Deux types de formation pourraient être développés en particulier : les formations aux compétences socle et savoirs de base, d'une part, et les formations de préparation à l'emploi dans les entreprises d'autre part.
D'un point de vue qualitatif : la formation ne conduit pas toujours à l'emploi. Le taux d'insertion dans l'emploi 6 mois après une formation est inférieur à 60%70(*). Les délais d'entrée en formation sont globalement stables autour d'une moyenne de trois mois, mais supérieur à six mois dans 10% des cas. Les attentes prolongées constituent une perte de chances pour la personne sans emploi : un demandeur d'emploi sur 5 dit avoir simplement « attendu » jusqu'au début de sa formation sans mettre ce temps à profit pour la recherche d'emploi. La qualité de l'accompagnement est perfectible : le conseil en évolution professionnelles (CEP) et l'orientation dans le processus de formation sont marqués par une grande hétérogénéité71(*). L'accompagnement en cours et en fin de formation n'est ni systématique, ni homogène sur le territoire. Enfin, la place prise par le compter personnel de formation autonome interroge le rôle du conseiller.
La région dispose d'une compétence de principe en matière de formations destinées aux personnes cherchant à s'insérer sur le marché du travail (articles L. 6121-1 et suivants du code du travail).
Par ailleurs, l'Etat peut aujourd'hui intervenir pour les formations dont le faible développement ou le caractère émergent le justifient ; ou encore dans le cadre du programme d'investissement dans les compétences, qui donne lieu à une contractualisation prioritaire avec le conseil régional, et subsidiaire avec Pôle emploi ( article L. 6122-1 du code du travail).
Pôle emploi est compétent en matière d'aides individuelles à la formation et peut acheter des formations collectives sous réserve d'une convention conclue avec le conseil régional.
Dès lors, la coordination des achats de formation demeure un point de sensibilité entre Pôle emploi et les régions : elle donne lieu à des pratiques hétérogènes selon que les régions ont conventionné ou non les achats de formation avec Pôle emploi, et selon qu'elles ont ou non accepté de signer un pacte régional d'investissement dans les compétences (PRIC) ; elle est coûteuse en temps pour les équipes et susceptible d'emporter des coûts d'échelle, et les instances de coordination apparaissent formelles et insuffisamment opérationnelles.
Afin de répondre aux besoins de recrutement des employeurs, les partenaires sociaux ont, à travers l'accord national interprofessionnel du 5 octobre 2009 sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation de l'emploi, prévu la création d'un dispositif de préparation opérationnelle à l'emploi individuelle (POEI) permettant l'appariement entre une offre d'emploi et un demandeur d'emploi identifié. Ce dispositif a été introduit par la suite dans le code du travail par la loi n°2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Les formations avant embauche ont pour objectif de permettre à une personne en recherche d'emploi de bénéficier d'une formation nécessaire à l'acquisition des compétences requises pour occuper un emploi identifié. Il s'agit de mettre en place des formations courtes qui permettent la formation d'un demandeur d'emploi en amont de son embauche et l'adaptation de son profil aux compétences requises pour le poste.
Ces formations peuvent prendre deux formes différentes :
- des formations individuelles qui visent à former une personne en recherche d'emploi pour un emploi, les préparations opérationnelles à l'emploi (POEI) et les formations préalables au recrutement (AFPR) ;
- des formations collectives qui visent à former des personnes en recherche d'emploi en lien avec des besoins d'employeurs anticipés par les branches professionnelles et les opérateurs de compétences (OPCO) pour leurs entreprises adhérentes.
Les formations individuelles à l'embauche visent précisément l'appariement entre le besoin de recrutement d'un employeur sur un emploi précis, matérialisé par une offre d'emploi déposée à Pôle emploi, et une personne en recherche d'emploi précise, ainsi qu'une formation identifiée afin d'adapter le profil aux compétences requises. L'employeur est à l'initiative d'une demande de préparations opérationnelles à l'emploi individuelles et s'engage sur une intention d'embauche nominative.
Les publics visés par les formations individuelles à l'embauche sont au premier chef les demandeurs d'emploi. Le législateur est par ailleurs venu élargir le bénéfice du dispositif à certains salariés (salariés en contrat unique d'insertion ou en contrat à durée déterminée d'insertion au sein d'une structure d'insertion par l'activité économique).
Les emplois visés sont des contrats de droit commun ou des contrats en alternance, dans tous les cas en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée (d'une durée minimum de 12 mois pour les préparations opérationnelles à l'emploi individuelles et de 6 à 12 mois pour les aides aux formations préalables au recrutement).
Dès lors que ces formations reposent sur une intention d'embauche d'une personne en recherche d'emploi identifiée, de la part de l'employeur, elles sont extrêmement efficaces en termes de retour à l'emploi. En effet, le taux de retour à l'emploi est de 85% pour une aide aux formations préalables au recrutement et 80% pour une préparation opérationnelle à l'emploi individuelle.
De plus, ces formations sont particulièrement utiles dans les secteurs et par les entreprises qui connaissent des tensions de recrutement. Ainsi, environ 40% d'entre elles sont réalisées dans les secteurs du commerce / réparation automobile, de l'hébergement et restauration, des activités administratives et des transports72(*).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
A l'exception du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 prévoit que « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat. », aucune autre disposition constitutionnelle n'encadre l'action de l'Etat en matière de formation professionnelle.
Les dispositions du présent article s'inscrivent pleinement dans cet impératif fixé à la Nation.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Néant.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Néant.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Considérant les avancées permises dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences et le rôle essentiel du financement additionnel de l'Etat pour augmenter le nombre de formations mises à disposition des personnes les plus éloignées de l'emploi, il est envisagé de reconduire un plan d'investissement significatif de l'Etat sur la formation aux côtés des régions, avec une contractualisation priorisant l'insertion des publics éloignés de l'emploi et ciblant particulièrement les métiers en tension immédiate ou à venir. Ce futur programme reconduira le mécanisme de subsidiarité des plans régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC), qui permettent à l'Etat d'être garant des priorités sociales et économiques, de partager ces objectifs avec les régions et, à défaut de contractualisation, d'en confier la mise en oeuvre a l'opérateur France Travail.
Les contractualisations régionales des nouveaux Pactes de Formation devront prioriser plus clairement les deux finalités suivantes :
- L'accessibilité des formations proposées aux publics les plus éloignés de l'emploi (jeunes sans qualification, allocataires du revenu de solidarité active, demandeurs d'emploi de longue durée, seniors, personnes en situation de handicap, personnes réfugiées notamment). Les formations préalables à la qualification, qui remettent dans une dynamique d'apprentissage, devraient être particulièrement concernées, que celles-ci soient ou non intégrées dans des formations impliquant un continuum d'apprentissages (savoirs de base, formation qualifiante ou professionnalisante, périodes en entreprise) ;
- Les formations aux métiers et emplois les plus en tension de recrutement, pour répondre aux enjeux immédiats mais aussi en anticipation des besoins à venir, en prenant mieux en compte l'expression des besoins des entreprises à court et moyen-terme.
S'agissant des formations individuelles avant embauche, elles constituent un accélérateur marqué du retour à l'emploi et elles s'avèrent particulièrement pertinentes pour atteindre l'enjeu du plein emploi, compte tenu du fait qu'elles répondent efficacement aux tensions de recrutement, observées dans le contexte de forte reprise économique observée depuis l'été 2021.
En effet, une étude de Pôle emploi de décembre 202173(*) a souligné le contexte de forte reprise économique qui s'est accompagné d'une forte augmentation des intentions de recrutement et des tensions. Ainsi, près de six établissements sur dix ont cherché à recruter entre avril et septembre 2021, dont 16% ont cherché à recruter plus qu'avant la crise sanitaire ; plus de sept établissements sur dix ayant cherché à recruter déclarent avoir rencontré des difficultés de recrutement, dont 39% estiment avoir rencontré des difficultés plus importantes qu'avant la crise.
Dans l'enquête 2023 de Pôle emploi sur les besoins de main d'oeuvre (BMO), le nombre d'intentions d'embauche se stabilise à un niveau très élevé, (3039 420 intentions), et s'accompagne d'une nouvelle des difficultés de recrutement anticipées comme en 2022 : près de 61% des recrutements sont jugés difficiles selon les entreprises (+ 10 points par rapport à 2020).
Cependant, la part des formations avant embauche reste relativement faible dans le total des entrées en formation (9 à 11% du total des entrées en formation selon les années d'après les données de Pôle emploi.
Ainsi, pour contribuer à l'objectif du plein emploi, il apparaît nécessaire d'amplifier le déploiement de ces formations, en particulier les formations individuelles qui ciblent directement le besoin précis d'une entreprise, et reposent sur le principe d'une intention d'embauche.
Face à la complexité des démarches à réaliser par les entreprises qui peuvent entraver le recours à ce type d'aides, il apparaît nécessaire de renforcer les démarches de simplification, même si des actions ont déjà été engagées par Pôle emploi avec la dématérialisation des demandes directement depuis l'espace personnel de l'employeur (sur pole-emploi.fr)www.pole-emploi.fr. Dans le cadre de la concertation relative à la préfiguration de France Travail, il est ressorti des échanges réalisés avec des entreprises sur le sujet de la formation, des attentes sur une simplification des dispositifs afin de les rendre plus accessibles et plus adaptés aux contraintes de l'entreprise.
S'agissant de l'intervention de l'Etat et de l'opérateur au niveau national, il est attendu de développer des formations et modalités innovantes permettant de répondre à certains freins à la mobilité ou autres freins à l'entrée en formation, en capitalisant sur les innovations du PIC du dernier quinquennat et de rendre plus accessible la formation à distance aux demandeurs d'emploi qui n'ont pas d'autres modalités possibles pour se former (contraintes organisationnelles, géographiques, handicap...).
Afin de faciliter l'engagement des personnes dans un parcours vers l'emploi, il parait nécessaire de développer des modalités et des formations innovantes et notamment la formation à distance (FOAD) qui devrait être rendue pleinement accessible pour les personnes éloignées du marché du travail lorsque cette modalité pédagogique est la plus adaptée. Elle fait actuellement l'objet d'un marché public national passé par Pôle emploi, après concertation avec Régions de France, prenant fin en mars 2024.
Compte-tenu de la nécessité d'optimiser les conditions de gestion et d'achat de formations aux organismes de formation déterritorialisés, l'opérateur France Travail pourrait adapter son marché national aux besoins identifiés, pour le compte de tous, et en concertation étroite avec les régions ce qui suppose une modification législative pour le prévoir expressément.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La poursuite d'un plan d'investissement significatif de l'Etat sur la formation aux côtés des régions, avec une contractualisation rénovée priorisant l'insertion des publics éloignés de l'emploi et ciblant particulièrement les métiers en tension immédiate ou à venir nécessite d'adapter le cadre juridique en visant notamment les métiers connaissant des tensions particulières de recrutements.
En second lieu, l'article vise l'élargissement de l'intervention de l`Etat en matière d'achat de formation au niveau national afin de développer des formations et modalités innovantes permettant de répondre à certains freins à la mobilité ou autres freins à l'entrée en formation et de rendre plus accessible la formation à distance aux demandeurs d'emploi qui n'ont pas d'autres modalités possibles pour se former (contraintes organisationnelles, géographiques, handicap...).
Enfin, pour répondre aux besoins de recrutement des entreprises et de formation des demandeurs d'emploi, et ainsi de contribuer à l'objectif du plein emploi, l'objectif est d'amplifier le déploiement des formations individuelles, dès lors qu'elles ciblent directement le besoin précis d'une entreprise, reposent sur le principe d'une intention d'embauche et sont donc particulièrement efficaces en termes de retour à l'emploi.
Pour assurer ce déploiement, il est nécessaire d'assouplir les modalités de recours par les entreprises, de simplifier les démarches et de mobiliser tous les acteurs qui sont au contact des entreprises.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
S'agissant des formations à distance, il a été envisagé de poursuivre le marché porté par Pôle emploi en application du I de l'article L. 6122-1 du code du travail (organisation et financement de formations rares ou émergentes) considérant que la proportion de formations de ce type restait minime par rapport aux formations dites classiques compte-tenu du développement encore faible de ce segment de l'offre de formation. Toutefois, il parait nécessaire de prévoir explicitement dans le code du travail la mention de la formation ouverte et à distance (FOAD) parmi la liste des formations susceptibles d'être organisée par l'Etat, compte tenu du caractère déterritorialisé des formations.
S'agissant des préparations opérationnelles à l'emploi individuelles, il a été envisagé d'ouvrir les formations individuelles aux intentions d'embauche non nominatives sur un poste visé, plutôt qu'une intention d'embauche avec un demandeur d'emploi identifié en amont afin d'assouplir les modalités de recours et d'encourager le recours aux formations individuelles par des très petites et moyennes entreprises qui peuvent être réticentes sur un engagement précis.
Cependant, cette mesure aurait conduit à modifier de manière substantielle la formation devenue préparatoire à l'embauche et non plus à l'emploi comme c'est le cas aujourd'hui, elle aurait pu s'apparenter de fait à une formation collective réalisée en dehors des procédures de marchés publics, pour les besoins d'un seul employeur unique et aurait également induit des effets d'aubaine importants, a fortiori dans le cas où l'entreprise dispose d'un organisme de formation interne.
3.2. OPTION RETENUE
3.2.1. Ajuster le champ du futur programme national défini par l'Etat
La mesure consiste à conforter les dispositions permettant la contractualisation par mécanisme de subsidiarité qui a permis le déploiement des plans régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC) et à défaut de contractualisation avec les Régions, d'en confier la mise en oeuvre à l'opérateur France Travail. La rédaction proposée intègre la référence aux besoins des entreprises, en indiquant que « pour la mise en oeuvre d'un programme national défini par l'Etat et destiné à répondre à un besoin additionnel de qualification des personnes en recherche d'emploi et aux besoins des entreprises, notamment celles qui rencontrent des difficultés particulières de recrutement, l'Etat engage une procédure de conventionnement avec la région ».
3.2.2. Conférer une compétence de principe à l'Etat pour l'achat de formations exclusivement à distance
En sus de l'intervention de l'Etat qui est prévue sur le financement de la formation dont le faible développement ou le caractère émergeant justifient, temporairement ou durablement, des actions définies au niveau national pour répondre aux besoins de compétences, il est proposé d'ajouter la possibilité de l'Etat pour l'achat de formations exclusivement à distance, au regard de la nature non territorialisée de la formation. La loi précise que la compétence de l'Etat s'exerce après concertation avec les régions.
Il est enfin proposé d'insérer une mention dans le code du travail indiquant que pour la mise en oeuvre de ces plans de formation, l'Etat peut conclure une convention avec l'opérateur France Travail, compte-tenu notamment de l'existence du système d'information et de l'équipe de pilotage déjà mis en place pour déployer et piloter ce type de commandes (caractère spécifique du suivi du positionnement, de l'inscription et de l'assiduité par exemple).
3.2.3. Amplifier les formations à l'embauche individuelles
Au regard de leur proximité avec les entreprises en termes de conseil et d'accompagnement, le déploiement massif des formations individuelles repose en partie sur l'appui des opérateurs de compétences (OPCO) dans la mobilisation des formations individuelles préalables à l'emploi.
Depuis fin 2020, les opérateurs de compétences peuvent prescrire des formations individuelles dans le cadre de l'expérimentation « tiers de confiance ». Cette pratique permet de toucher les entreprises qui ne recourent pas spontanément à ces formations en s'appuyant sur les opérateurs de compétences qui identifient les entreprises ayant des intentions d'embauche et les accompagnent dans l'élaboration du plan de formation. En 2022, 2 100 préparations opérationnelles à l'emploi individuelles ont été réalisées grâce à la prescription des opérateurs de compétences.
L'article 7 entérine dans la loi le principe de cette mobilisation des opérateurs de compétences et permet également d'élargir cette possibilité à des organismes expressément autorisés par l'opérateur France Travail (comme les missions locales ou l'association pour l'emploi des cadres), afin d'élargir le champ des entreprises qui auraient recours à cette aide au recrutement.
De plus, l'article 7 renvoie au décret la définition des contrats visés par les formations à l'embauche individuelles, ce qui permet d'adapter ces critères aux besoins des employeurs. Afin d'élargir le périmètre et de simplifier le paysage des aides à la formation pour les entreprises il est envisagé d'ouvrir à des contrats durables mais d'une durée minimale plus courte (comme c'est le cas aujourd'hui pour l'action de formation préalable à l'embauche, ce qui conduirait à la supprimer par souci de lisibilité) et aux contrats saisonniers pour répondre aux besoins importants qui nécessitent de former des demandeurs d'emploi issus d'autres métiers.
Enfin, un nouveau portail numérique sera déployé afin de répondre aux attentes des entreprises, et en particulier des très petites et moyennes entreprises sur le manque de connaissances des services/aides aux entreprises, la complexité de la multiplicité de l'offre de services et des partenaires et le manque de temps et moyens humains nécessaires pour faire les démarches de demande d'aide.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La présente mesure implique une modification des dispositions du code du travail relatives à la compétence de l'Etat en matière de formation professionnelle des personnes à la recherche d'un emploi ( article L. 6122-1 du code du travail) et à la préparation opérationnelle à l'emploi individuelle ( article L. 6326-1 et article L. 6326-2 du code du travail).
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Néant.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Le développement de la préparation opérationnelle à l'emploi individuelle permettra une meilleure insertion des personnes dans l'emploi et une réduction plus rapide des tensions de recrutement. Les travaux d'évaluation du Plan d'Investissement dans les Compétences ont montré que l'impact emploi de la préparation opérationnelle à l'emploi individuelle était prêt de trois fois supérieur à celui des formations qualifiantes.
Les actions de formation associées à des promesses d'embauche présentent en effet les taux de retour à l'emploi les plus élevés (85 %74(*)) y compris pour les demandeurs d'emploi de longue durée.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
La préparation opérationnelle à l'emploi individuelle permet de répondre à des besoins précis des entreprises et pour lesquels elles ne parviennent pas à recruter des profils ayant exactement ces compétences. Le développement de la préparation opérationnelle à l'emploi individuelle doit ainsi permettre de réduire les tensions de recrutement et contribuer à la croissance des entreprises.
Les actions de formation préalable au recrutement et les préparations opérationnelles à l'emploi individuelles sont aujourd'hui réalisées en volume majoritairement dans quelques secteurs (la restauration rapide représentait en 2022 16% du volume total) et non systématiquement dans l'ensemble des secteurs en tension ou émergents, ce que permettra le développement de la préparation opérationnelle à l'emploi individuelle. Ce phénomène de concentration se marque en outre à l'intérieur même de chacun de ces secteurs autour de quelques organismes de formation particulièrement actifs auprès des entreprises (dans le numérique par exemple).
Enfin, ces formations étant d'une durée relativement courte (durée moyenne de 288 heures pour les préparations opérationnelles à l'emploi individuelles en 2022), leur développement favorisera une accélération des recrutements en assurant aux entreprises un levier de montée en compétence rapide et adapté à leurs besoins.
4.2.3. Impacts budgétaires
Les moyens affectés au développement de l'outil préparation opérationnelle à l'emploi, aux contractualisations avec les Régions et au déploiement de la formation ouverte à distance seront précisés dans le projet de loi de finances pour 2024.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le meilleur ciblage de la contractualisation entre l'Etat et les régions, notamment en réponse aux besoins des entreprises, permettra à ces dernières de mobiliser plus pleinement le levier de la formation en lien avec leur schéma de développement économique. L'évolution concernant la compétence de l'Etat pour acheter des formations exclusivement à distance sera globalement neutre pour la plupart des collectivités territoriales qui n'ont pas développé de catalogue de formation ouverte à distance et ne l'envisagent pas prioritairement. Elle nécessitera une concertation renforcée avec les quelques collectivités territoriales qui ont un investissement historique sur des formations à distance pour que les financements respectifs restent complémentaires - ce que le texte prévoit et que la gouvernance des comités nationaux et régionaux France Travail facilitera.
Les risques de redondance ou de substitution paraissent théoriques, au vu de l'expérience actuelle du marché « formation ouverte à distance - FOAD » porté par Pôle emploi et de son intégration complémentaire aux formations à distance de certaines régions et aux formations présentielles75(*). La demande est en effet massivement supérieure au nombre de places totales proposées par les différents acheteurs de formation à distance : à titre d'exemple, le volume de candidatures complètes venant de demandeurs d'emploi reçues chaque mois par l'un des attributaires du dispositif 100% formation ouverte à distance est supérieur aux places annuelles ouvertes dans le cadre des dispositifs existants.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La conception et le lancement d'un nouveau marché FOAD au catalogue revu et articulé avec les objectifs stratégiques du prochain PIC-PRIC seront effectuées par les services de l'Etat et l'opérateurs France Travail.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Néant.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
La simplification de l'aide individuelle à la formation avant embauche et son ouverture à des contrats de durée plus courte qu'actuellement doivent permettre un accès accru des personnes en situation de handicap. C'est également le bénéfice visé par la pérennisation d'un marché « formation ouverte à distance » dont l'accès des personnes en situation de handicap devra constituer un axe central.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Néant.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Néant.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Néant.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
L'impact en direction des individus est fort et positif puisque l'objectif est de mettre la formation encore plus à la portée de tous et en particulier des plus éloignés de l'emploi, en particulier les formations qui conduisent rapidement à l'emploi.
Enfin, l'impact visé est une levée des freins à la formation lorsqu'ils relèvent d'obstacles de mobilité géographique ou d'organisation sociale ou familiale (les parents isolés par exemple, le plus souvent des femmes). Plus de demandeurs d'emploi qui ont besoin de formations à distance pour se former et développer les compétences nécessaires à leur employabilité, pourront le faire en tous points du territoire. En particulier les inscrits à France Travail résidants dans les départements et régions d'outre-mer auront accès à des formations que le tissu des organismes de formation locaux ne leur permettrait pas de suivre, sans avoir besoin de se séparer de leurs familles ou de renoncer en raison de frais annexes trop importants.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Néant.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La mesure a été soumise à la consultation obligatoire :
- de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) au titre du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail, dont les avis ont été rendus le 25 mai 2023 comme il suit :
o CFDT : favorable ;
o CGT : défavorable ;
o FO : défavorable ;
o CFTC : abstention ;
o CFE-CGC : prise d'acte ;
o MEDEF : prise d'acte ;
o CPME : favorable ;
o U2P : favorable ;
o Régions : défavorable ;
- du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) au titre de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023 2023 ;
- du conseil d'administration de Pôle emploi, au titre de l'article R. 5312-6 du code du travail, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2024.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'appliquera sur l'ensemble du territoire métropolitain, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, soumises au principe de l'identité législative. Une ordonnance viendra préciser les adaptations éventuellement applicables aux collectivités et territoires d'outre-mer précités (cf. article 11 du projet de loi).
Elle n'est pas applicable dans les collectivités de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques.
5.2.3. Textes d'application
Un décret simple définira la nature et la durée du contrat de travail pouvant être conclu à l'issue de la formation dispensée dans le cadre d'une préparation opérationnelle à l'emploi individuelle.
TITRE III - FAVORISER L'ACCÈS À L'EMPLOI DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
Article 8 : Dispositions en faveur de l'insertion dans l'emploi des personnes en situation de handicap
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La société française s'est engagée depuis plusieurs années dans un mouvement incluant davantage les personnes vivant avec un handicap, grâce notamment aux leviers de la loi de 200576(*).
Depuis 2017, de nouvelles avancées ont pu être réalisées, notamment :
- du fait de mesures nouvelles portées dans la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : réforme de l'obligation d'emploi, obligation d'un référent handicap dans les entreprises de plus de 250 collaborateurs et les centres de formation des apprentis, etc. ;
- sous l'impulsion de nouvelles stratégies de développement : rapprochement du réseau des Cap emploi avec les agences Pôle emploi, déploiement des plateformes emploi accompagné sur les situations de handicap invisible, plan Cap vers l'Entreprise Inclusive de 2018 pour le développement des entreprises adaptées, plan de transformation des établissements et services d'aide par le travail de 2022 pour favoriser les trajectoires vers le milieu ordinaire et renforcer le droit des travailleurs.
Celles-ci se traduisent dans les chiffres :
- Le nombre de demandeurs d'emploi en situation de handicap a ainsi amorcé une baisse continue depuis fin 2018. La demande d'emploi s'établit à 457 370 demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs en situation de handicap en janvier 2023 (catégorie A, B et C) contre 472 240 en janvier 2022 et 518 490 en janvier 201977(*).
- L'année 2022 marque également le passage du cap des 10 000 apprentis en situation de handicap. Si leur part dans l'effectif total des apprentis reste stable (1,4 %), leur nombre progresse significativement de + 144 % entre 2019 et 2022 (11 659 entrées en apprentissage de travailleurs en situation de handicap).
Néanmoins il demeure des marges de progrès importantes :
- En 2020, les titulaires d'une reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap représentaient 6,5 % de la population âgée de 15 à 64 ans. La proportion d'inactifs y est plus importante que le reste de la population (58 % contre 29 %), et ceux qui sont actifs sont plus souvent au chômage (36 % des bénéficiaires d'une reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap étaient en emploi contre 65 % de la population en âge de travailler). Les demandeurs d'emploi bénéficiant d'une reconnaissance de leur handicap sont plus âgés (48 ans contre 39 ans) et ont un niveau de scolarité moins élevé que les autres demandeurs d'emploi. Quel que soit l'âge ou le diplôme, les bénéficiaires d'une reconnaissance de handicap accèdent moins souvent à l'emploi que les autres demandeurs d'emploi au cours de l'année qui suit leur inscription.
- Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est passé de 19% à 13% entre 2017 et 2022 mais reste supérieur au taux de chômage observé pour l'ensemble de la population (8%78(*)).
- Les circuits administratifs occasionnent des démarches lourdes et peu compréhensibles pour les intéressés avec un ou des passages multiples auprès de la maison départementale des personnes en situation de handicap (orientations, obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap pour des catégories qui bénéficient par ailleurs de l'obligation d'emploi) ;
- Les dispositifs d'emploi spécifiques existants nécessitent d'être pérennisés (expérimentations en entreprises adaptées).
La concertation France travail, comme le groupe de travail « Emploi » préparatoire à la Conférence nationale du handicap qui s'est tenue le 26 avril 202379(*), ont permis d'aboutir, avec le concours de l'ensemble des grandes institutions de l'accompagnement des personnes en situation de handicap vers l'emploi (service public de l'emploi, Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes en situation de handicap et Fonds pour l'insertion des personnes en situation de handicap dans la Fonction publique, représentants du conseil national consultatif des personnes en situation de handicap, représentants des associations, collectivités territoriales, partenaires sociaux entreprises, professionnels du secteur) à un ensemble d'axes d'amélioration visant à :
- donner la pleine responsabilité au service public de l'emploi pour l'accompagnement de tous les demandeurs d'emploi ;
- améliorer l'orientation professionnelle (établissement et service d'aide par le travail (ESAT), entreprise adaptée, entreprise ordinaire avec emploi accompagné, entreprise ordinaire) et rendre la personne actrice de la construction de son projet professionnel ;
- lever les freins à l'accès à l'emploi et inciter à la reprise d'activité en milieu ordinaire ;
- rendre accessibles les formations de droit commun et faciliter les parcours professionnels ;
faire en sorte que les travailleurs en établissement et service d'aide par le travail (ESAT) disposent des mêmes droits individuels et collectifs que les salariés.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
En vertu de l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, est garantis à tous, « notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».
L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose : « La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
Le Conseil constitutionnel admet toutefois, de jurisprudence constante, que le législateur ne méconnaît pas ce principe lorsque, se fondant sur des critères objectifs et rationnels, en rapport direct avec la finalité d'intérêt général qu'il s'est assignée, il a soit réglé de façon différente des situations différentes, soit dérogé à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
Le Conseil constitutionnel juge ainsi qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées dès lors que les différences de traitement qui en résultent répondent à des fins d'intérêt général qu'il appartient au législateur d'apprécier80(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'article 27 de la convention des Nations Unies du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées, entrée en vigueur le 20 mars 2010 en France, fait obligation aux Etats signataires de reconnaitre « aux personnes handicapées, sur la base de l'égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, favorisant l'inclusion et accessibles aux personnes handicapées. Ils garantissent et favorisent l'exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont acquis un handicap en cours d'emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives ». Les Etats doivent notamment « promouvoir les possibilités d'emploi et d'avancement des personnes handicapées sur le marché du travail, ainsi que l'aide à la recherche et à l'obtention d'un emploi, au maintien dans l'emploi et au retour à l'emploi ».
Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne adoptée le 7 décembre 2000 fixe plusieurs droits fondamentaux concernant directement les personnes en situation de handicap et leur intégration sur le marché du travail :
- L'article 15 précise que « Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée. Tout citoyen de l'Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s'établir ou de fournir des services dans tout État membre. Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler sur le territoire des États membres ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens de l'Union ».
- L'article 21 prévoit en outre qu'est « interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. Dans le domaine d'application des traités et sans préjudice de leurs dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite ».
- L'article 26 indique par ailleurs que « l'Union reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté ».
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
2.1.1. Faciliter la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
L'article L. 5212-13 du code du travail prévoit que les catégories ci-après dénommées « bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés » bénéficient de l'obligation faite à tout employeur privé ou public de plus de vingt salariés d'employer 6 % de travailleurs handicapés, mutilés de guerre ou assimilés :
- travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ;
- victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % et titulaires d'une rente ;
- titulaires d'une pension d'invalidité, à condition que leur invalidité réduise au moins des deux tiers leur capacité de travail ;
- anciens militaires et assimilés, titulaires d'une pension militaire d'invalidité ;
- sapeurs-pompiers volontaires titulaires d'une allocation ou rente d'invalidité attribuée suite à accident ou maladie liée au service ;
- titulaires de la carte mobilité inclusion ;
- titulaires de la carte d'invalidité ;
- titulaires de l'allocation aux adultes handicapés ;
- victimes d'attentat terroriste.
Dans le champ du travail et de l'emploi, nombre de dispositifs sont réservés par la loi aux personnes reconnues bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs (BOETH) au titre d'une reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap. Par conséquent, les personnes bénéficiant de l'obligation d'emploi des travailleurs en situation de handicap mais relevant des autres catégories précitées, dont celles titulaires d'une rente d'incapacité et d'un titre d'invalidité, doivent faire une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap pour accéder aux mêmes droits que les titulaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Cette situation est source d'incompréhension des personnes et parfois des employeurs et de lourdeur administrative.
Une mesure législative est nécessaire afin d'introduire une mesure générale d'extension des droits prévus par le code du travail.
2.1.2. Supprimer l'orientation en milieu ordinaire qui devient de droit et faciliter l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
Actuellement, l'article L. 5213-2 du code du travail relatif à la reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap dispose que cette reconnaissance « s'accompagne d'une orientation vers un établissement ou service d'aide par le travail, vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle ».
Cette situation conduit :
- d'une part à ce que l'insertion sur le marché ordinaire du travail soit conditionnée à une orientation ;
- d'autre part à des passages réitérés devant les maisons départementales des personnes handicapées pour modifier les orientations.
Il en résulte un surcroît d'activité pour les maisons départementales des personnes handicapées et des délais d'attente importants pour les personnes, pouvant leur faire perdre des opportunités d'emploi.
La mesure proposée consiste donc à supprimer l'orientation en milieu ordinaire, qui devient de droit. L'orientation en milieu ordinaire étant prévue par la loi, sa suppression relève également du domaine de la loi. Il en va de même de l'articulation systématique entre la délivrance de la qualité de travailleur handicapé et l'orientation.
2.1.3. Transférer à l'Etat la gestion de l'emploi accompagné afin de renforcer l'insertion dans l'emploi en milieu ordinaire et mieux identifier l'emploi accompagné dans la palette des solutions sur le champ professionnel
L`emploi accompagné est un dispositif qui a pour objet l'insertion dans et vers l'emploi des travailleurs en situation de handicap rencontrant les plus forts besoins d'accompagnement. Il se singularise par le fait que l'accompagnement inclut à la fois la personne et son employeur ou collectif de travail, sans limitation de durée pendant toute la vie professionnelle avec une intensité variable selon les besoins exprimés, et concerne donc principalement l'accompagnement de personnes en situation de handicap invisible (troubles psychiques, troubles du spectre de l'autisme, déficience intellectuelle...).
Il est mobilisable à tout moment du parcours professionnel et peut intervenir au moment de la recherche d'emploi, lors de l'embauche, de l'intégration, mais aussi quand la personne est déjà en poste en fonction des besoins afin de favoriser son maintien en emploi et éviter des ruptures pour inaptitude.
L'accès au dispositif résulte d'une prescription initialement confiée à la seule maison départementale des personnes en situation de handicap et qui a été étendue au service public de l'emploi afin d'accroître les possibilités d'accès au public concerné.
La gestion du dispositif est actuellement assurée au niveau local par une personne morale gestionnaire médico-sociale désignée à la suite d'un appel à candidature porté par l'Agence régionale de santé (ARS). Une convention individuelle d'accompagnement conclue entre la personne morale gestionnaire du dispositif d'emploi accompagné, la personne accompagnée ou son représentant légal et son employeur, précise notamment les modalités d'accompagnement et de soutien du travailleur en situation de handicap et de l'employeur.
Au niveau national, l'emploi accompagné se caractérise par une forte dimension partenariale. Les conditions d'engagement des différents acteurs, notamment financiers sont précisées dans le cadre d'une convention nationale entre l'Etat, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées et le Fonds pour l'insertion des personnes en situation de handicap dans la Fonction publique. Cofinancé par l'Etat, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées et le Fonds pour l'insertion des personnes en situation de handicap dans la Fonction publique, la mise en oeuvre des dispositifs associe étroitement au niveau national la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS), la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA). Elle s'appuie au niveau territorial sur les Agences régionales de santé (ARS), les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et les délégations de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes en situation de handicap et le Fonds pour l'insertion des personnes en situation de handicap dans la Fonction publique.
Depuis 202281(*), les structures d'emploi accompagné fonctionnent sous la forme de plateformes départementales de services intégrés mutualisant les moyens et savoir-faire des acteurs sociaux, médico-sociaux et de l'emploi, sur un même territoire, pour l'accompagnement des personnes en situation de handicap vers et dans l'emploi ordinaire.
Le dispositif, à l'initiative des pouvoirs publics, connaît un fort dynamisme, une augmentation de ses crédits et du nombre de personnes accompagnées. Au 31 décembre 202282(*), on dénombre :
- 7 666 personnes accompagnées : soit + 45 % en un an ;
- 3 167 entrées dans le dispositif national ;
- 50% des personnes accompagnées ayant des Trouble du Neuro-Développement (TND) (troubles du spectre de l'autisme, troubles du développement intellectuel ainsi que les troubles cognitifs) ;
- Une importante augmentation des prescriptions par le Service Public de l'Emploi (SPE) (+200%) : Pôle Emploi pour les situations d'accès à l'emploi et les Cap emploi pour les situations d'accès à l'emploi et de maintien en emploi ;
- Une diminution du nombre de personne en liste d'attente (-8%).
- La proportion de personnes sans emploi diminue en moyenne de 7,3 points par année d'ancienneté dans le dispositif.
Afin de poursuivre la montée en charge du dispositif initialement porté dans le champ médico-social, l'ouvrir effectivement au champ de l'emploi, et permettre une meilleure appropriation par les employeurs, une modification de la partie législative du code du travail est nécessaire. Par ailleurs, la simplification de la gestion actuelle est nécessaire afin de garantir la poursuite de la croissance du dispositif au bénéfice des personnes le plus éloignées de l'emploi.
2.1.4. Introduire en droit commun le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire
Les expérimentations ouvertes aux entreprises adaptées sont menées dans le cadre d'une loi, sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, qui dispose que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».
Ces expérimentations ont été prolongées d'un an et s'achèvent au 31 décembre 2023.
Le recours à la loi s'impose pour la pérennisation des dispositifs expérimentés :
- La création d'un contrat à durée déterminée sous des conditions dérogatoires au regard du régime juridique applicable aux contrats à durée déterminée en application de l'article L. 1242-3 du code du travail ;
- La création d'entreprises adaptées de travail temporaire en tant que nouvelle catégorie d'entreprise adaptée bénéficiant également de dérogations qui les singularisent pour remplir leur objectif, par rapport aux règles applicables aux entreprises de travail temporaire ordinaires.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
2.2.1. Faciliter la reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap
Dans le champ de l'emploi, les dispositifs suivants sont à ce jour ouverts aux seuls titulaires reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés (RQTH) et non aux autres catégories de bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés :
- Les mesures relatives à l'apprentissage, et notamment le déplafonnement de l'âge, l'allongement de la durée de l'apprentissage, la majoration du coût contrat pour répondre aux besoins d'aménagement ;
- La majoration de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ;
- Le recrutement par une entreprise adaptée ;
- Le bénéfice de l'emploi accompagné ;
- L'accès aux activités des établissements et services de pré orientation et de réadaptation professionnelle.
Il est proposé d'élargir l'ensemble des dispositions prévues initialement pour les personnes disposant de la reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés. Il s'agit, d'une part, d'une mesure d'accès aux droits et de simplification pour les personnes et les employeurs et, d'autre part, d'allègement pour les maisons départementales des personnes handicapées.
2.2.2. Supprimer l'orientation en milieu ordinaire qui devient de droit et faciliter l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap
La suppression de l'orientation en milieu ordinaire a pour objet d'améliorer l'insertion professionnelle de l'ensemble des travailleurs en situation de handicap, y compris ceux évoluant en milieu protégé. En effet, la mesure revient à poser le principe suivant lequel le milieu ordinaire est l'orientation de droit commun ouverte à tous sans validation préalable. L'accès au milieu ordinaire est, en conséquence, de droit sans avoir à être prononcé. Il s'agit d'une forte mesure d'inclusivité sociale et professionnelle hautement symbolique. La disposition constitue également une mesure de simplification de l'accès au droit en ce qu'elle évite de devoir solliciter les services de la maison départementale des personnes en situation de handicap en cas de souhait de l'intéressé d'évoluer en milieu ordinaire.
2.2.3. Transférer à l'Etat la gestion de l'emploi accompagné afin de renforcer l'insertion dans l'emploi en milieu ordinaire et mieux identifier l'emploi accompagné dans la palette des solutions sur le champ professionnel
L'emploi des travailleurs en situation de handicap est une politique prioritaire du gouvernement. L'attribution de la compétence de pilotage de l'emploi accompagné aux services de l'Etat a pour objet de permettre une simplification de la gestion pour une montée en puissance du dispositif et d'ouvrir la participation à des structures du champ de l'emploi.
Il sera ainsi possible d'établir des synergies avec les autres dispositifs d'insertion et de maintien en emploi au bénéfice des personnes. Ce dispositif pourra ainsi être proposé aux personnes et employeurs en tant qu'outil pertinent, en articulation avec les autres types et intensités d'accompagnement possibles.
2.2.4. Introduire en droit commun le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire
Le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire visent à :
- Identifier ou consolider un projet professionnel du salarié, et accompagner la réalisation de ce projet dans l'entreprise adaptée elle-même ou en-dehors ;
- Développer les opportunités d'emploi pour les travailleurs reconnus handicapés en multipliant les possibilités d'acquisition d'expérience professionnelle significative en emploi dans le cadre d'un parcours individualisé en lien avec les besoins de compétence d'une entreprise ou d'un bassin d'emploi ;
- Favoriser les transitions professionnelles en activant le triptyque « emploi-accompagnement-formation » selon les besoins et les capacités de chaque salarié.
Ainsi l'entreprise adaptée de travail temporaire en tant que spécialiste de l'intérim pour les personnes en situation de handicap (contrats de mission ou contrat à durée indéterminée intérimaires) doit-elle être en mesure de développer des solutions spécifiques de ressources humaines telles que le placement, l'intérim ou l'accompagnement des employeurs engagés dans une démarche de recrutement de travailleurs en situation de handicap.
Le contrat à durée déterminée tremplin vise quant à lui la construction de passerelles entre les entreprises adaptées et les autres entreprises (publiques et privées) en ouvrant la possibilité d'une montée en qualification des salariés en situation de handicap pour répondre aux besoins spécifiques d'une entreprise en vue d'une future embauche
Chaque mois, grâce à ces dispositifs, près de 2 000 personnes en moyenne sont insérées en emploi. Parmi elles, 33% de bénéficiaires ont plus de 50 dans le cadre des CDD tremplin et 39% en EATT. Ces 330 entreprises adaptées expérimentatrices du CDD tremplin et 22 entreprises adaptées de travail temporaire sont positionnées sur une solution d'emploi pour les autres entreprises du milieu ordinaire.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
3.1.1. Faciliter la reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap
Une option alternative, non retenue, consiste à étendre la délivrance de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, sans complément d'instruction, aux administrations délivrant des titres ouvrant droit au bénéfice de l'obligation d'emploi.
Cette option n'a pas été retenue du fait de son caractère peu opérationnel. Elle conduirait à transférer les charges administratives des maisons départementales des personnes en situation de handicap aux autres administrations, et en particulier aux caisses de sécurité sociale, avec des risques d'appréciations hétérogènes selon les administrations. Le développement de flux d'échanges de données serait par ailleurs nécessaire afin d'informer les maisons départementales des personnes en situation de handicap de la délivrance d'un titre par une autre administration.
3.1.2. Supprimer l'orientation en milieu ordinaire qui devient de droit et faciliter l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap
Sans objet.
3.1.3. Transférer à l'Etat la gestion de l'emploi accompagné afin de renforcer l'insertion dans l'emploi en milieu ordinaire et mieux identifier l'emploi accompagné dans la palette des solutions sur le champ professionnel
Sans objet.
3.1.4. Introduire en droit commun le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire
Une alternative aurait été de mettre fin aux expérimentations sans pérennisation ou de prolonger la durée des expérimentations.
Le contrat à durée déterminée tremplin est porteur d'une nouvelle approche de l'accompagnement dans l'emploi et vers l'emploi des personnes en situation de handicap, et cible en particulier certaines personnes en situation de handicap pour lesquelles le cadre de droit commun ne valorise pas pleinement la construction d'une expérience significative adossée à l'acquisition de compétences. En outre, dans un contexte où le taux de chômage des personnes reconnues handicapées demeure deux fois supérieur au reste de la population, le retrait d'une nouvelle forme de mise en emploi pourrait s'analyser comme une perte de chance pour ces personnes.
S'agissant des entreprises adaptées de travail temporaire, c'est le constat de l'absence de prise en compte des personnes en situation de handicap dans le secteur de l'intérim qui a présidé à la proposition d'expérimentation.
3.2. OPTION RETENUE
3.2.1. Faciliter la reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap
Les dispositions du code du travail relatives à l'apprentissage, aux entreprises adaptées et aux établissements de services et d'aide par le travail bénéficiant actuellement aux titulaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur en situation de handicap seront étendues aux catégories bénéficiant de l'obligation d'emploi et connaissant des restrictions, à l'exclusion des ayants droits (enfants de supplétifs, veufs et veuves de guerre, pupilles de la nation).
Il s'agit des :
- travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ;
- victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % et titulaires d'une rente ;
- titulaires d'une pension d'invalidité, à condition que leur invalidité réduise au moins des deux tiers leur capacité de travail ;
- anciens militaires et assimilés, titulaires d'une pension militaire d'invalidité ;
- sapeurs-pompiers volontaires titulaires d'une allocation ou rente d'invalidité attribuée suite à accident ou maladie liée au service ;
- titulaires de la carte mobilité inclusion ;
- titulaires de la carte d'invalidité ;
- titulaires de l'allocation aux adultes handicapés ;
- victimes d'attentat terroriste.
3.2.2. Supprimer l'orientation en milieu ordinaire qui devient de droit et faciliter l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
La mesure retenue supprime l'orientation en milieu ordinaire ainsi que la concomitance entre la délivrance de la qualité de travailleur handicapé et l'orientation.
3.2.3. Transférer à l'Etat la gestion de l'emploi accompagné afin de renforcer l'insertion dans l'emploi en milieu ordinaire et mieux identifier l'emploi accompagné dans la palette des solutions sur le champ professionnel
Le dispositif d'emploi accompagné, organisé par l'Etat, sera mis en oeuvre par des organismes respectant les conditions d'un cahier des charges prévu par arrêté des ministres chargés de l'emploi et du handicap, avec lesquels l'Etat ainsi que l'opérateur France travail, une mission locale ou un cap emploi concluent une convention à cet effet. Cette convention pourra également associer les fonds mentionnés aux articles L. 5214-1 du code du travail et L. 351-7 du code général de la fonction publique.
3.2.4. Introduire en droit commun le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire
L'option retenue est la pérennisation dans le code du travail :
- des dispositions permettant à toutes les entreprises adaptées de recourir aux contrats à durée déterminée « tremplin » sous réserve de se doter des moyens humains, compétences et méthodes pour mettre en oeuvre le triptyque emploi/accompagnement/formation afin de favoriser la transition professionnelle des salariés vers les autres employeurs (privés ou publics) classiques. L'entreprise adaptée pérennisée s'engagera à développer une fonction de passerelle (ou sas) au bénéfice des salariés volontaires recherchant un accès à l'emploi durable hors des dispositifs d'insertion ;
- des dispositions permettant à toutes les entreprises adaptées qui le souhaitent de pouvoir créer une entreprise adaptée de travail temporaire dans le cadre d'une personne morale distincte au sein de laquelle l'entreprise adaptée dispose du pouvoir de décision et exerce le contrôle.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Ø Faciliter la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
Afin d'étendre aux catégories bénéficiant de l'obligation d'emploi les dispositions ouvertes par le code du travail aux titulaires de la qualité de travailleurs handicapés, il est créé un nouvel article L. 5212-13-1.
Ø Supprimer l'orientation en milieu ordinaire qui devient de droit et faciliter l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
L'article L. 5213-2 du code du travail est modifié.
Le premier alinéa regroupe les dispositions relatives à l'attribution de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé : compétence et durée.
Les deuxièmes et troisièmes alinéas établissent, sans modification, les équivalences, pour les mineurs de seize ans, et au titre de l'orientation vers un établissement ou service d'aide par le travail ou vers un centre de rééducation professionnelle ou un établissement et service de réadaptation professionnelle vaut reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Ø Transférer à l'Etat la gestion de l'emploi accompagné afin de renforcer l'insertion dans l'emploi en milieu ordinaire et mieux identifier l'emploi accompagné dans la palette des solutions sur le champ professionnel
L'article L. 5213-2-1 du code du travail est modifié pour tenir compte du transfert de compétence à l'Etat.
Ø Introduire en droit commun le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire
Les articles L. 5213-13, L. 5213-14, L. 5213-15, L. 5213-18 et L. 5213-19-1 du code du travail sont modifiés pour introduire le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire.
Les articles L. 5213-13-2 et L. 5213-13-3 du code du travail sont créés pour introduire le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
L'ensemble des mesures en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés participe de l'approche d'une politique du handicap par le respect des droits et l'inclusion dans le droit commun conformément à la convention des nations unies relatives aux droits des personnes handicapées.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Les mesures visent à améliorer l'emploi des personnes en situation de handicap et à poursuivre l'objectif de plein emploi des personnes en situation de handicap. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap a baissé de six points entre 2017 et 202283(*), mais il reste encore deux fois supérieur au tout public. Les mesures proposées ont vocation amplifier l'insertion en emploi des personnes en situation de handicap.
L'accès à l'emploi pour tous dans les conditions du droit commun constitue un objectif fixé par la conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 pour le plein emploi, y compris des personnes en situation de handicap. En revanche, aucun objectif de baisse, ni de projection n'a été fixé dans ce cadre.
Toutefois, il demeure l'objectif d'atteindre 6% de taux d'emploi de bénéficiaires de l'obligation par l'ensemble des entreprises de plus de 20 salariés et plus assujetties à cette obligation. Ce taux s'élevait à 3,5% et 4,5% en comptant les majorations accordées pour l'emploi des travailleurs de 50 ans et plus84(*).
L'accès à l'emploi pour tous dans les conditions du droit commun est un objectif fixé par la CNH du 26 avril 2023 pour le plein emploi y compris des personnes en situation de handicap. En revanche il ne fixe d'objectif de baisse ou de projection. Toutefois, il demeure l'objectif d'atteindre 6% de taux d'emploi de bénéficiaires de l'obligation par l'ensemble des entreprises de plus de 20 salariés et plus assujetties à cette obligation. Ce taux selon la DARES en 2021 s'élevait à 3,5% et 4,5% en comptant les majorations accordées pour l'emploi des travailleurs de 50 ans et plus.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Ø Faciliter la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
L`extension des dispositions du code du travail aux catégories bénéficiant de l'obligation d'emploi constituera une mesure de simplification : les entreprises, les centres de formation pourront bénéficier d'aides de l'Etat ou de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées, non pas seulement pour des publics bénéficiant d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, mais également pour des publics bénéficiaires de l'obligation d'emploi. La mesure permettra également aux entreprises adaptées d'élargir le public en situation de handicap qu'elles peuvent recruter et ainsi contribuer à résoudre leurs problématiques de recrutement.
Ø Transférer à l'Etat la gestion de l'emploi accompagné afin de renforcer l'insertion dans l'emploi en milieu ordinaire et mieux identifier l'emploi accompagné dans la palette des solutions sur le champ professionnel
Cette mesure permettra d'identifier davantage l'emploi accompagné comme une solution sur le champ professionnel et non du médico-social, ce qui contribuera à une meilleure visibilité et à une plus grande mobilisation par les employeurs confrontés à des situations de maintien en emploi pour certains de leurs salariés en situation notamment de handicap psychique.
Ø Introduire en droit commun le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire
L'introduction dans le droit commun des contrats à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire positionne les entreprises adaptées comme productrices de solutions de recrutement pour les autres entreprises du milieu ordinaire. Ces dispositifs bien appréhendés par les recruteurs pourraient contribuer à réduire les tensions dans certains secteurs.
4.2.3. Impacts budgétaires
Ø Faciliter la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
L'extension, aux catégories bénéficiant de l'obligation d'emploi connaissant des restrictions, des dispositions du code du travail ouvertes aux titulaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est sans effet sur les dispositifs d'emploi dont le financement est contingenté (emploi accompagné, entreprises adaptées).
S'agissant de l'extension des mesures propres à l'apprentissage, en 2022 en dépit d'une augmentation conséquente, seulement 11 000 personnes handicapées sont entrées en apprentissage, dont moins de 30% sont concernés par le déplafonnement d'âge ouverts aux titulaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Ø Supprimer l'orientation en milieu ordinaire qui devient de droit et faciliter l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
Sans objet.
Ø Transférer à l'Etat la gestion de l'emploi accompagné afin de renforcer l'insertion dans l'emploi en milieu ordinaire et mieux identifier l'emploi accompagné dans la palette des solutions sur le champ professionnel
Sans objet.
Ø Introduire en droit commun le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire
Une fois intégrés au droit commun, les contrats à durée déterminée tremplin et les entreprises adaptées de travail temporaire ne seront plus financés à travers des appels à candidature, mais par conventionnement avec les services déconcentrés régionaux de l'Etat, à l'instar de ce qui existe aujourd'hui pour les entreprises adaptées.
Les moyens alloués aux contrats à durée déterminée tremplin et aux entreprises adaptées de travail temporaire seront précisés dans le projet de loi de finances pour 2024.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les modifications introduites sur la fin de l'orientation en milieu ordinaire, ou l'extension des droits de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé aux catégories de bénéficiaires de l'obligation n'entraine aucune aggravation des charges des collectivités territoriales. Par conséquent aucune conséquence à prévoir sur les dotations versées par la CNSA au département au titre des maisons départementales du handicap. Le département qui délivre les carte mobilité inclusion devra désormais accompagner sa décision d'une notification informant le bénéficiaire qu'il dispose également des droits attachés à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
La pérennisation des contrats à durée déterminée tremplin ou des entreprises adaptées de travail temporaire n'entraine aucune charge pour les collectivités, celles-ci ne participant pas au financement de ces structures. Lorsqu'elles décident de créer une entreprise adaptée, elles reçoivent les aides financières de l'Etat associées à l'emploi des personnes éligibles au dispositif.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Ø Faciliter la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
L'allègement de la charge administrative des maisons départementales des personnes handicapées résultant de l'extension des dispositions applicables aux bénéficiaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé à d'autres catégories de bénéficiaires de l'obligation d'emploi est difficilement quantifiable. Il n'est en effet actuellement pas possible de connaître le nombre de personnes bénéficiant de l'obligation d'emploi sans être titulaire de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Le croisement des données de la Caisse nationale des solidarités actives et des caisses primaires d'assurance maladie interviendra courant 2023 au travers du Système national des données de santé (SNDS). Les éléments devraient être disponibles en 2024.
Il appartiendra en outre aux administrations qui délivrent des titres ouvrant droit à l'obligation d'emploi d'informer leurs titulaires de cette mesure d'extension des droits.
Cette mesure aura enfin un impact sur le processus de gestion des contrats, dont les systèmes d'information de gestion de l'alternance de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et des financeurs de l'apprentissage. Une modification du Cerfa du contrat d'apprentissage et de sa notice par le ministère chargé de l'emploi seront nécessaires pour ajouter les nouvelles catégories de bénéficiaires.
Ø Supprimer l'orientation en milieu ordinaire qui devient de droit et faciliter l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
Sans objet.
Ø Transférer à l'Etat la gestion de l'emploi accompagné afin de renforcer l'insertion dans l'emploi en milieu ordinaire et mieux identifier l'emploi accompagné dans la palette des solutions sur le champ professionnel
Ceci suppose un transfert des moyens aux services de l'Etat (Dreets et Ddets notamment) en charge de sa future gestion, ainsi qu'à l'administration centrale.
Ø Mesure de pérennisation des expérimentations en entreprise adaptée :
Le présent article n'a pas d'incidence sur l'emploi public, ni sur la charge administrative. La pérennisation des dispositifs expérimentaux s'inscrit à moyen constant pour les services déconcentrés et centraux.
Ø Introduire en droit commun le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire
Des développements informatiques (estimés à environ 1,6 millions d'euros correspondant à 1 300 jours de développement) devront être réalisés dans le système d'information de l'agence de service et de paiements.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Les différentes mesures proposées à l'article 8 favorisent l'inclusion professionnelle et sociale des personnes en situation de handicap. Ces mesures conforteront la place des personnes en situation de handicap comme faisant pleinement partie du collectif de travail et de la société en améliorant les adaptations du droit commun à leur situation.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Ces mesures tendent à mieux prendre en compte les spécificités des personnes en situation de travail avec handicap dans le droit commun et à valoriser leurs potentiels. Articulées aux mesures de la conférence nationale du handicap ne nécessitant pas de modifications législatives, mais aussi au projet France Travail, elles auront pour effet de mobiliser l'ensemble des parties prenantes et contribueront à changer le regard sur le handicap au travail.
Ces dispositions auront pour effet d'améliorer tous les stades du parcours vers l'emploi des personnes : diagnostic, orientation, formation, accès à l'emploi, évolution de carrière avec une même ligne conductrice : adapter l'environnement professionnel de droit commun aux personnes en situation de handicap, éviter de créer des structures et dispositifs spécifiques.
La mesure relative à l'évolution du processus d'orientation professionnelle est réellement transformatrice. Elle permet à toutes les personnes en situation de handicap de bénéficier des services du service public de l'emploi même sortant d'établissements spécialisés, de participer à la construction de leur projet professionnel et d'éviter des orientations en ESAT sans tester au préalable d'autres environnements de travail ou de dispositifs de l'emploi comme les entreprises adaptées ou l'emploi accompagné.
Plusieurs mesures apportent des simplifications notables : l'ouverture aux bénéficiaires de l'obligation d'emploi des dispositions du code du travail liées à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé permettra de bénéficier de droits et d'accompagnement sans devoir engager une demande auprès de la maison départementale des personnes handicapées.
Le déploiement de la réforme des entreprises adaptées doit être regardé comme intrinsèquement lié à la réforme de l'obligation d'emploi mise en oeuvre par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 précitée et entrée en vigueur au 1er janvier 2020, qui repose en particulier sur la priorité à l'emploi direct dans les entreprises assujetties. La disposition proposée contribue directement à la mise en oeuvre de la stratégie du Gouvernement en faveur de l'insertion économique et sociale des personnes en situation de handicap, sans emploi et très éloignées du marché du travail. Elle contribuera à la meilleure insertion des travailleurs handicapés dans le monde de l'entreprise. Le renforcement des instruments favorables à l'acquisition d'une expérience professionnelle significative adossée à des actions de formation articulées à l'accompagnement du projet professionnel de salariés en situation de handicap doit ainsi permettre d'améliorer l'accès à l'emploi et à la qualification des travailleurs reconnus handicapés, sans emploi et éloignés du marché du travail.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
La pérennisation des expérimentations en entreprises adaptées n'a pas d'impact direct en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. En revanche, l'Etat reste vigilant sur la mobilisation des entreprises adaptées à rééquilibrer la proportion des femmes employées qui s'établit à 36% des salariés85(*). On note par ailleurs que la population en contrat à durée déterminée tremplin est plus féminisée (41% de femmes, contre 35% tous contrats confondus).
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
La mesure qui prévoit une nouvelle modalité d'orientation professionnelle des personnes concernera particulièrement les jeunes sortant de l'Education nationale (classe ulis86(*)) ou d'Institut Médico Educatif. Désormais, ils bénéficieront systématiquement d'un accompagnement de droit commun par le Service Public de l'Emploi et ceux qui seront orientés en établissement et service d'aide par le travail l'auront été après avoir travaillé leur projet professionnel en testant le champ des environnements possibles : établissement et service d'aide par le travail, entreprise adaptée, entreprise ordinaire classique, entreprise ordinaire avec emploi accompagné, entreprise ordinaire.
Par ailleurs, la suppression de l'orientation en milieu ordinaire permettra d'éviter la situation du jeune à qui une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé a été délivrée avec une orientation milieu protégé exclusive donc du milieu ordinaire et qui attend qu'une place se libère en établissement et service d'aide par le travail sans mobiliser le Service Public de l'Emploi dès lors qu'il a été posé qu'il ne pouvait évoluer en milieu ordinaire et ce uniquement sur la base de sa demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Les entreprises adaptées hors expérimentation comptent en 2022 peu de jeunes (environ 10% de moins de 30 ans). Structurellement, le handicap est avant tout acquis au cours de la vie professionnelle. Par conséquent, la majorité des salariés pris en charge dans un parcours en entreprise adaptée sont dans la tranche d'âge des 50 ans et plus. On comptait 22% de 50 à 55 ans et 23% de 56 ans et plus en 2022.
Parmi les entreprises adaptées engagées dans les expérimentations, la population en contrat à durée déterminée tremplin est toutefois plus jeune (20% de moins de 30 ans, contre 10% tous contrats confondus et 34% de plus de 50 ans, contre 45% tous contrats confondus).
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
V. notamment impacts sur les personnes en situation de handicap.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le projet d'article est soumis à la consultation obligatoire de :
- la commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) au titre du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail, dont les avis ont été rendus le 25 mai 2023 comme il suit :
o CFDT : favorable ;
o CGT : défavorable ;
o FO : défavorable ;
o CFTC : abstention ;
o CFE-CGC : prise d'acte ;
o MEDEF : prise d'acte ;
o CPME : favorable ;
o U2P : favorable ;
o Régions : défavorable ;
- le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) au titre de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023.
La mesure a été soumise à la consultation facultative du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) au titre de l'article L. 146-1 du code de l'action sociale et des familles, qui a rendu un avis favorable le 26 mai 2023.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Ø Faciliter la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
Les dispositions concernées entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel de la République française.
Ø Supprimer l'orientation en milieu ordinaire qui devient de droit et faciliter l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
Les dispositions concernées entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel de la République française.
Ø Transférer à l'Etat la gestion de l'emploi accompagné afin de renforcer l'insertion dans l'emploi en milieu ordinaire et mieux identifier l'emploi accompagné dans la palette des solutions sur le champ professionnel
Les dispositions concernées entrent en vigueur le 1er janvier 2025.
Ø Introduire en droit commun le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire
Les dispositions concernées entrent en vigueur le 1er janvier 2024.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions modifiées sont applicables de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, collectivités soumises au principe de l'identité législative, ainsi qu'à Mayotte. Une ordonnance viendra préciser les adaptations éventuellement applicables aux collectivités et territoires d'outre-mer précités (cf. article 11 du projet de loi).
5.2.3. Textes d'application
Ø Faciliter la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé
Un décret en Conseil d'Etat précisera le modèle d'attestation établissant l'équivalence de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Ø Supprimer l'orientation en milieu ordinaire qui devient de droit et faciliter l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et mieux identifier l'emploi accompagné dans la palette des solutions sur le champ professionnel
Sans objet.
Ø Transférer à l'Etat la gestion de l'emploi accompagné afin de renforcer l'insertion dans l'emploi en milieu ordinaire
Un arrêté des ministres chargés de l'emploi et du handicap définira le cahier des charges à respecter par les organismes chargés de la mise en oeuvre du dispositif « emploi accompagné ».
Ø Introduire en droit commun le contrat à durée déterminée tremplin et l'entreprise adaptée de travail temporaire
Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de mise en oeuvre du contrat à durée déterminée tremplin et de l'entreprise adaptée de travail temporaire.
Article 9 : Faire converger les droits sociaux des travailleurs handicapés en milieu protégé
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
1.1.1. La compensation du handicap, les maisons départementales des personnes handicapées et la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées
Créées par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées87(*), les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont le « guichet unique » des personnes en situation de handicap et leurs proches. Elles ont pour rôle d'accueillir, d'informer et d'évaluer les besoins de compensation des personnes en situation de handicap dans tous les domaines de la vie (scolaire, professionnel, quotidien...).
Les décisions d'attribution de prestations ou d'orientation sont prises par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Ces commissions sont gérées par les maisons départementales des personnes handicapées et prennent leur décision sur la base d'évaluations de la situation des personnes en situation de handicap réalisées par l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées.
En 2021, 1,7 million de personnes ont déposé au moins une demande de compensation du handicap auprès de leur maison départementale des personnes handicapées soit 2,5% de la population française. Au total, les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ont attribué près de 3,7 millions de prestations ou orientations dont environ 456 000 orientations ou formations professionnelles88(*).
120 000 travailleurs handicapés sont actuellement accompagnés par environ 1 400 établissements et services d'aide par le travail à la suite d'une décision d'orientation des maisons départementales des personnes handicapées vers ces établissements.
1.1.2. Les établissements et services d'aide par le travail (ESAT)
Le régime juridique, financier et budgétaire des établissements et services d'aide par le travail (ESAT), dont les droits des travailleurs handicapés qui y sont admis et accompagnés suite à une décision d'orientation de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, est défini par des dispositions législatives et réglementaires du code de l'action sociale et des familles (CASF), à titre principal89(*), ainsi que par le code du travail, en particulier pour ce qui concerne le compte personnel de formation, et le code de la sécurité sociale (pour ce qui concerne les droits à l'allocation adulte handicapé).
La mise en oeuvre du plan « établissements et services d'aide par le travail », co-construit avec les représentants du secteur en 2021, a nécessité en 2022 l'adoption de dispositions législatives et réglementaires modifiant le code de l'action sociale et des familles et le code du travail.
Ainsi, l'article 136 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale comprend une mesure phare consistant à faire bénéficier les travailleurs sortant d'établissement et service d'aide par le travail d'un parcours renforcé en emploi, se traduisant par un accompagnement au long cours à caractère médico-social et professionnel, permettant avec le droit à réintégration en établissement et service d'aide par le travail, des allers-retours entre les statuts d'usager et de salarié.
Des transitions professionnelles progressives sont également facilitées par la possibilité donnée à une personne orientée et accueillie en établissement et service d'aide par le travail d'exercer simultanément une activité à temps partiel en milieu protégé et une activité salariée à temps partiel, dans la limite des durées maximales du travail fixées par le code du travail.
Un décret du 13 décembre 2022 relatif au parcours professionnel et aux droits des travailleurs en établissement et service d'aide par le travail90(*) aménage les conditions dans lesquelles les travailleurs handicapés peuvent être orientés en établissement et service d'aide par le travail. Il précise également les conditions de mise en oeuvre d'une double activité en milieux ordinaire et protégé, en vigueur depuis le 1er janvier 2023, les droits ouverts dans le cadre du parcours renforcé en emploi pour les travailleurs qui entrent en milieu ordinaire, ainsi que de nouveaux droits individuels et collectifs ouverts aux travailleurs en milieu protégé ainsi que les modalités de suivi des mesures du plan, avec la remise d'un rapport d'activité par les établissements et services d'aide par le travail aux agences régionales de santé.
Un décret complémentaire du 22 décembre 202291(*) définit des modalités de calcul de l'allocation adulte handicapé en cas d'exercice simultané et à temps partiel d'une activité en milieu ordinaire et en établissement et service d'aide par le travail dont l'objectif est d'inciter les travailleurs en établissement et service d'aide par le travail à s'engager dans le temps partagé.
Dans la continuité et en cohérence avec le plan « établissement et service d'aide par le travail », en particulier le décret du 13 décembre 2022 précité, lors de la Conférence nationale du handicap qui s'est tenue le 26 avril dernier, le Président de la République a annoncé différentes mesures devant être prises afin de renforcer les droits individuels et collectifs des travailleurs en établissement et service d'aide par le travail pour les faire converger vers ceux reconnus aux salariés par le code du travail.
Le présent article sécurise le parcours des travailleurs d'établissement et service d'aide par le travail qui en sortent.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Sans objet.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
La Convention de l'Organisation des Nations Unies de 2006 relative aux droits des personnes handicapées met l'accent en général sur la dignité de ces personnes et sur leurs droits quant à leurs conditions de vie et de travail, qui doivent être égales à celles des autres.
La Charte des droits fondamentaux du 18 décembre 2000, annexée depuis décembre 2009 au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) comporte plusieurs articles constitutifs de droits sociaux fondamentaux pour l'ensemble des travailleurs de l'Union européenne. Il s'agit des articles 27 (droit à l'information et à la consultation des travailleurs), 28 (droit de négociation et d'actions collectives), 29 (droit d'accès aux services de placement), 30 (protection en cas de licenciement injustifié) et 31 (conditions de travail justes et équitables).
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans une décision du 26 mars 201592(*) (affaire Fenoll), a jugé que les personnes accompagnées et exerçant une activité professionnelle en établissement et service d'aide par le travail étaient des travailleurs au sens du droit de l'Union européenne (catégorie juridique plus large que celle de salarié dans notre droit national, puisqu'elle inclut également les stagiaires qui n'ont pas de contrat de travail mais un contrat de stage, ainsi que les apprentis qui ont un contrat de travail de type particulier).
A la suite de cette décision de la Cour de justice de l'Union européenne, la Cour de cassation a confirmé, par un arrêt du 16 décembre 201593(*) rendu dans la même affaire, que les travailleurs en établissement et service d'aide par le travail demeurent des usagers d'une structure médico-sociale dès lors qu'ils n'ont pas de contrat de travail, mais un contrat de soutien et d'aide par le travail régi par le code de l'action sociale et des familles.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
2.1.1. Proposition d'orientation par l'opérateur France travail vers le milieu protégé et vers les établissements et services de réadaptation professionnelles à la commission des droits et de l'autonomie
Afin de permettre à l'opérateur France Travail d'exercer pleinement sa nouvelle mission mentionnée au 2° ter de l'article L. 5312-1 du code du travail, consistant à formuler des propositions d'orientation vers le milieu protégé et vers les établissements et services de réadaptation professionnelle à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapée, une disposition législative est nécessaire afin de fonder les décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées en matière professionnelle sur ces propositions (modification du L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles).
2.1.2. L'évolution des établissements et services d'aide par le travail (ESAT)
Le Gouvernement a pour objectif de permettre aux 120 000 travailleurs handicapés accompagnés par environ 1 400 établissements et services d'aide par le travail de bénéficier de l'essentiel des droits individuels et collectifs des salariés, dont le régime juridique relève de dispositions législatives codifiées au sein du code du travail, et d'être ainsi « assimilés salariés » tout en restant titulaires d'un contrat qui n'a pas la nature d'un contrat de travail.
Aussi, il apparait nécessaire de compléter le code de l'action sociale et des familles par des dispositions législatives rendant applicables aux travailleurs en établissement et service d'aide par le travail les dispositions législatives du code du travail applicables aux salariés, en précisant selon quelles modalités ils peuvent être exercés dans l'établissement.
Le choix de prévoir des dispositions législatives au sein du code de l'action sociale et des familles et d'opérer un renvoi aux articles du code du travail permet d'assurer une évolution parallèle des droits, sans qu'il soit besoin de repasser par un décret. Certains articles du code de l'action sociale et des familles nécessitent toutefois d'adapter leur contenu pour prendre en compte la spécificité des travailleurs en établissement et service d'aide par le travail, notamment en matière de représentation des travailleurs.
La modification de la dénomination des établissements et services d'aide par le travail et du contrat passé avec le travailleur nécessite également de modifier le code de l'action sociale et des familles dans sa partie législative.
S'agissant de la sécurisation des parcours des travailleurs d'établissement et service d'aide par le travail qui en sortent, une disposition législative est nécessaire pour rendre obligatoire la convention d'appui entre l'employeur et l'établissement et service d'aide par le travail.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
2.2.1. Proposition d'orientation par l'opérateur France travail ou le cap emploi vers le milieu protégé et vers les établissements et services de réadaptation professionnelles à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées
La présente mesure vise à fluidifier le parcours des personnes en situation de handicap en permettant à France Travail de formuler directement à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des propositions d'orientation professionnelle permettant ainsi d'enrichir l'offre de droit commun en matière d'accompagnement des personnes en situation de handicap en recherche d'emploi.
2.2.2. L'évolution des établissements et services d'aide par le travail (ESAT)
Il s'agit de reconnaître aux travailleurs en établissement et service d'aide par le travail des droits individuels et collectifs leur conférant un statut de quasi-salarié ou d'assimilé salarié et de rendre applicables aux établissements et service d'aide par le travail certaines obligations prévues par le code du travail.
Par ailleurs, les dispositions actuellement en vigueur applicables aux travailleurs en établissement et service d'aide par le travail et plus favorables que celles régissant les salariés sont maintenues (par exemple sur le compter personnel de formation ou le maintien de la rémunération garantie pendant certains congés).
Ces nouveaux droits vont couvrir un large champ.
Parmi ces nouvelles dispositions qui seront applicables aux établissements et services d'aide par le travail et/ou à leurs travailleurs, il convient de mentionner notamment :
- L'inscription des « droits collectifs fondamentaux » dans le code de l'action sociale et des familles : le droit d'adhérer à un syndicat et le droit de grève ; le droit d'alerte et de retrait ainsi que le droit d'expression directe et collective ;
- Le renforcement de l'association aux travaux du comité économique et social (CSE) de l'établissement et service d'aide par le travail des travailleurs élus dans les instances représentatives spécifiques à ces structures ;
- La prise en charge des frais de transports domicile-travail ;
- L'extension du bénéfice des titres restaurants et des chèques vacances aux travailleurs des établissements et services d'aide par le travail ;
- Le bénéfice d'une complémentaire santé pour ces travailleurs ;
Certaines dispositions seront prises uniquement par voie réglementaire ; il en est ainsi notamment :
- du renforcement de la couverture conventionnelle des travailleurs d'établissement et service d'aide par le travail, en précisant les conditions dans lesquelles ces travailleurs peuvent négocier des accords sur des thématiques qui les concernent particulièrement et en prévoyant que leur sont applicables les stipulations conventionnelles applicables aux salariés des établissements et services d'aide par le travail plus favorables ;
- de la réduction de la durée des périodes d'essai des travailleurs des établissements et services d'aide par le travail de six à deux mois.
Par ailleurs, conformément aux annonces de la conférence nationale du handicap, une réflexion et des travaux sont en cours sur le montant de la rémunération garantie auquel ont droit les travailleurs en établissement et service d'aide par le travail et les contributions respectives de l'établissement et service d'aide par le travail et de l'Etat (aide au poste), ainsi que le bénéfice pour ces travailleurs d'une couverture à l'assurance chômage pour leur permettre particulièrement que les périodes d'activité professionnelle en ESAT soient prises en compte.
En outre, la présente mesure sécurise le parcours des travailleurs d'établissement et service d'aide par le travail qui en sortent en rendant obligatoire, sauf opposition de la personne, la signature d'une convention entre l'employeur et l'établissement et service d'aide par le travail.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
3.1.1. Proposition d'orientation par l'opérateur France travail ou le cap emploi vers le milieu protégé et vers les établissements et services de réadaptation professionnelles à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées
Une option alternative, non retenue, consiste à donner à l'opérateur France travail la compétence de prononcer directement (sans passage par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapée) une décision d'orientation en milieu protégé ou en établissement et service de réadaptation professionnelle.
Cette alternative n'a pas été retenue de manière à conserver l'approche globale de la situation des personnes et garantir ainsi une réelle cohérence entre l'ensemble des décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées permettant l'accompagnement d'une même personne.
3.1.2. L'évolution des établissements et services d'aide par le travail (ESAT)
Une des options aurait consisté à accorder le statut de salariés à ces travailleurs en établissement et service d'aide par le travail et qu'ils bénéficient d'un contrat de travail conclu avec l'établissement et service d'aide par le travail au sein duquel ils sont admis. Cette option a été écartée au motif qu'elle exposait ces travailleurs, qui peuvent être dans une situation de relative fragilité en raison de leur handicap, à l'application des règles du lien de subordination et des modalités de licenciements ou de rupture conventionnelle associées aux contrats de travail, qui sont moins protectrices pour les travailleurs. En outre, le Défenseur des droits s'est prononcé en 2019 contre une requalification des contrats des travailleurs d'établissement et service d'aide par le travail en contrats de salariés94(*). Au surplus, cette option ne fait pas consensus au sein des organisations et fédérations représentatives du secteur.
3.2. OPTION RETENUE
3.2.1. Proposition d'orientation par l'opérateur France travail ou le cap emploi vers le milieu protégé et vers les établissements et services de réadaptation professionnelles à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées
L'option retenue consiste à revoir le processus actuel en demandant que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées prononce les orientations vers le milieu protégé et vers les établissements et services de réadaptation professionnelle en fonction de la proposition qui sera faite par l'opérateur France Travail ou cap emploi, dans le cadre d'une convention conclue entre la maison départementale des personnes handicapées, l'opérateur France travail et le cap emploi.
3.2.2. L'évolution des établissements et services d'aide par le travail (ESAT)
Pour les motifs précédemment évoqués, l'option d'une convergence des droits des travailleurs en établissements et services d'aide par le travail vers ceux des salariés, en maintenant les dispositions protectrices du code de l'action sociale et des familles, est retenue et se matérialise par les dispositions législatives du présent projet de loi.
S'agissant de la sécurisation du parcours du travailleur qui sort d'établissement et de service d'aide par le travail, l'option retenue consiste à rendre obligatoire la convention prévue à l'article L. 344-2-5 du code de l'action sociale et des familles.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Il convient de modifier l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles afin de permettre à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapée de fonder ses décisions en matière d'orientation en milieu protégé et établissement et service de réadaptation professionnelle sur les propositions de France Travail et ainsi déroger à l'évaluation par l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées.
L'extension des droits individuels et collectifs des travailleurs en établissement et service d'aide par le travail pour les faire converger vers ceux des salariés nécessite de compléter substantiellement la partie législative du code de l'action sociale et des familles.
Cette extension se traduit par la création de trois articles du code de l'action sociale et des familles :
- Les articles L. 344-2-6 et L. 344-2-7 qui étendent à ces travailleurs les dispositions du code du travail relatives au droit d'expression directe et collective, au droit d'alerte et de retrait, au droit d'adhérer au syndicat professionnel de son choix, au droit de grève, au remboursement de frais de transport, ainsi qu'au bénéfice de certains avantages divers (tickets restaurant et chèques vacances),
- Les articles L. 344-2-8 et L. 344-2-9 qui vont permettre au délégué des travailleurs et à des représentants de l'instance collective en établissement ou service d'aide par le travail de participer aux réunions du comité social et économique portant sur la santé, la sécurité et les conditions de travail.
- L'article L. 344-2-10 qui va permettre à ces travailleurs de bénéficier d'une complémentaire santé.
Par ailleurs, afin de sécuriser le parcours professionnel du travailleur qui a conclu un contrat de travail à sa sortie d'établissement et service d'aide par le travail, l'article L. 344-2-5 est modifié pour rendre obligatoire la convention d'appui passée entre l'établissement ou le service et l'employeur. La nouvelle rédaction de l'article L. 344-2-4 relatif à la mise à disposition de travailleurs auprès d'un utilisateur, conduit à supprimer la référence aux dispositions du code du travail sur le prêt de main d'oeuvre à but lucratif.
L'article L.521-1 est également modifié.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Ces dispositions sur les droits des travailleurs en établissement et service d'aide par le travail renforcent la conformité de notre droit national avec la Convention des Nations Unies et le droit de l'Union européenne (Charte des droits fondamentaux).
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Les impacts macroéconomiques de telles mesures sont difficiles à évaluer, mais elles sont de nature, en association avec d'autres concernant notamment la formation de ces travailleurs, à contribuer à une meilleure insertion professionnelle, y compris sur le marché du travail.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Parmi les nouveaux droits reconnus aux travailleurs d'établissement et de service d'aide par le travail, certains droits sociaux fondamentaux n'entraînent pas de coûts supplémentaires importants en termes de dépenses de fonctionnement.
En revanche, la participation financière des établissements et services d'aide par le travail à certains frais ou dépenses de transport des travailleurs, aux tickets-restaurant et chèques vacances, et surtout au bénéfice d'une complémentaire santé pour leurs travailleurs, va augmenter les charges d'exploitation des établissements et services d'aide par le travail et pourrait réduire les excédents nets de gestion, qui peuvent être mobilisés pour le versement de la nouvelle prime de partage de la valeur.
Pour mémoire, les tarifs d'une complémentaire santé se situent en moyenne entre 30 et 100 euros par mois selon l'option choisie et le profil. A titre d'illustration, si le secteur qui accueille 120 000 travailleurs opte pour une mutuelle au tarif de 50 euros par mois, cela engendre une dépense annuelle supplémentaire pour les établissements et services d'aide par le travail de 600 euros × 120 000 / 2 (50% à la charge de l'établissement et service d'aide par le travail) = 36 millions d'euros.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les dispositions relatives à l'orientation vers le milieu protégé et vers les établissements et services de réadaptation professionnelle par la commission des droits et de l'autonomie sur proposition de l'opérateur France travail ou du cap emploi devrait, dans une certaine mesure, alléger la charge de l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées. Toutefois, cet allègement dépendra des modalités prévues dans les conventions, et notamment de la participation des équipes de la maison départementale des personnes handicapées au parcours renforcé mis en oeuvre par France Travail.
Les dispositions qui ouvrent de nouveaux droits pour les travailleurs en établissements et services d'aide par le travail n'entrainent pas de charges nouvelles pour les collectivités territoriales, dans la mesure où le fonctionnement de ces établissements et services relève d'un financement par l'assurance maladie. Certains avantages « sociaux » seront pris en charge par le budget annexe de production et de commercialisation des établissements.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La présente mesure devrait, dans une certaine mesure, alléger la charge de l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées. Toutefois, il est impossible de le mesurer aujourd'hui. Cet allègement pourra également dépendre des modalités prévues dans les conventions, et notamment de la participation des équipes de la maison départementale des personnes handicapées au parcours renforcé mis en oeuvre par France Travail.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Néant.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Cette mesure tend à simplifier et fluidifier le parcours des personnes en situation de handicap.
Elle permet aux personnes les plus éloignées de l'emploi d'explorer leurs potentialités dans le cadre d'un accompagnement proposé par l'opérateur France Travail ou le cap emploi et d'identifier un projet professionnel mieux adapté.
Les propositions formulées à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées par France Travail seront ainsi issues de cet accompagnement de proximité, au plus près des souhaits et choix de vie des personnes. Ces propositions co-construites seront directement adressées à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, sans nécessité d'une nouvelle évaluation par la maison départementale des personnes handicapées. Cette mesure est ainsi garante de gain en matière de délai de prise de décision.
En outre, les travailleurs handicapés en établissement et service d'aide par le travail vont bénéficier de nouveaux droits individuels et collectifs reconnus à l'ensemble des salariés, quelle que soit leur situation.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
L'âge moyen des travailleurs en établissement et service d'aide par le travail, qui se situe aux alentours de 40 ans, est en augmentation constante ces dernières années en raison de la part croissante de travailleurs âgés de plus de 50 ans (plus de 20%)95(*).
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La présente mesure vise à simplifier le parcours des personnes en situation de handicap tout en leur permettant de valoriser et explorer leurs potentialités dans le cadre d'un parcours d'accompagnement proposé par France Travail.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La mesure a été soumise à la consultation facultative du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) au titre de l'article L. 146-1 du code de l'action sociale et des familles qui a rendu un avis favorable le 26 mai 2023.
La mesure a été soumise à la consultation obligatoire du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) au titre de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Ø Proposition d'orientation par l'opérateur France travail ou le cap emploi vers le milieu protégé et vers les établissements et services de réadaptation professionnelle à la commission des droits et de l'autonomie
Les dispositions concernées entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel de la République française.
Ø L'évolution des établissements et services d'aide par le travail (ESAT)
Les dispositions concernées entrent en vigueur au 1er janvier 2024 pour permettre à l'ensemble des acteurs concernés, au-delà même des établissements et services d'aide par le travail et de leurs organisations gestionnaires, de s'adapter pour contribuer au mieux à leur mise en oeuvre. Par dérogation, les dispositions du 4° de l'article L. 344-2-6 et de l'article L. 344-2-10 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la présente loi, entrent en vigueur le 1er juillet 2024.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions modifiées sont applicables de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, collectivités soumises au principe de l'identité législative, ainsi qu'à Mayotte. Une ordonnance viendra préciser les adaptations éventuellement applicables aux collectivités et territoires d'outre-mer précités (cf. article 11 du projet de loi).
5.2.3. Textes d'application
Les conventions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la présente loi, sont conclues au plus tard le 1er janvier 2027.
Concernant l'évolution des droits des travailleurs des établissements et services d'aide par le travail, ces nouveaux droits, dans leur majorité, ne nécessitent pas de texte d'application, à l'exception des dispositions visant à permettre la participation des représentants des personnes handicapées accueillies aux réunions du comité social et économique de l'établissement.
La mise en place d'une complémentaire santé exigera des dispositions réglementaires.
Par ailleurs, certains droits nouveaux reconnus aux travailleurs nécessitent uniquement un décret en Conseil d'Etat (alignement de la durée de la période d'essai sur celle des salariés non-cadres ; bénéfice des droits conventionnels plus favorables applicables aux salariés de l'établissement et service d'aide par le travail, négociation d'accords).
TITRE IV - GOUVERNANCE EN MATIERE D'ACCUEIL DU JEUNE ENFANT
Article 10 : Gouvernance en matière d'accueil du jeune enfant
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Une offre d'accueil insuffisante, au recours marqué par de fortes inégalités sociales
Fin 2020, la France compte 1 307 700 places d'accueil, soit un taux de couverture de 58,8 places théoriques pour 100 enfants de moins de trois ans96(*) (cf. tableau ci-dessous). L'offre est plurielle pour répondre à la diversité des besoins des parents et s'adapter aux réalités territoriales. En proposant 31,9 places pour 100 enfants de moins de trois ans, les assistants maternels représentent 54 % des places disponibles, devant les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) qui offrent 36 % des places disponibles.
Le taux de couverture en mode d'accueil a progressé continument depuis 20 ans, permettant de faire reculer l'accueil à titre principal par les parents de 14 points (passant de 70 % en 2002 à 56 % en 2021)97(*) et ainsi améliorer le taux d'emploi des mères d'enfant de moins de 3 ans (passant de 55 % en 2003 à 63 % en 2020). Néanmoins, pour la première fois en 2020, le taux de couverture en mode d'accueil a reculé de 1 point, notamment du fait de la crise sanitaire qui a pu freiner les ouvertures de places d'accueil en crèche, leur progression ayant été insuffisante pour compenser la baisse de l'offre des assistants maternels.
Surtout, le niveau de l'offre comme sa répartition territoriale et son accessibilité financière sont insatisfaisants :
- L'offre est marquée par des inégalités en matière d'accessibilité territoriale : 12 départements ont des taux de couverture en mode d'accueil inférieurs à 50 %. Le Haut conseil de l'enfance et de la famille (HCFEA) indique dans son dernier rapport98(*) qu'« environ un quart des communes n'offre aucune place d'accueil formel. À l'autre bout de l'échelle, dans un autre quart des communes, le taux de couverture des besoins d'accueil des enfants de moins de 3 ans par un mode d'accueil formel est supérieur à 75 %. (...) Pour 15 % des enfants de moins de trois ans, l'offre d'accueil proposée est inférieure à 30 % ;
- L'offre est marquée par des inégalités en matière d'accessibilité financière : dans 35 départements, l'offre est constituée à plus de 70 % d'assistants maternels qui est un mode d'accueil généralement plus couteux pour les familles que la crèche financée au titre de la prestation de service unique (PSU) de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF)99(*). En effet, le reste-à-charge pour un couple percevant l'équivalent de deux SMIC qui souhaite que son enfant soit accueilli à plein temps, est deux fois plus important en cas de recours à un assistant maternel (12 %) qu'à une crèche (6 %) ;
- L'offre est insuffisante : le HCFEA estime qu'il faudrait 140 000 places supplémentaires pour éviter que 6,6 % des mères soient contraintes, par le manque de services d'accueil accessibles, d'arrêter leur activité professionnelle, de rester en inactivité ou de travailler à temps partiel. Pour permettre à chaque enfant de bénéficier au moins d'une journée d'accueil, même si ses parents sont inactifs, ce sont 239 000 places supplémentaires qu'il faut envisager.
Pour l'ensemble de ces raisons, le recours à l'offre d'accueil est marqué par des inégalités sociales fortes : 71 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté ne recourent à aucune solution d'accueil, contre 33 % pour l'ensemble des familles avec enfants de moins de trois ans. Ces inégalités d'accès ont un double effet pervers :
- Elles conduisent à des risques de retrait total ou partiel du marché du travail précarisant particulièrement les femmes : on estime que plus de 160 000 parents, le plus souvent des mères, sont empêchés de prendre ou reprendre un emploi faute de mode d'accueil adapté à leurs besoins et à leurs moyens. Favoriser l'accès à un mode d'accueil permettrait donc de lever les freins périphériques à l'accès à l'emploi ;
- Elles créent des inégalités de destin : les études scientifiques mettent en évidence que « la fréquentation d'un mode d'accueil de qualité avec d'autres enfants permet de réduire ces inégalités de manière forte et durable. Des travaux français et internationaux portant sur les modes d'accueil collectifs ont montré que : (1) Les enfants qui bénéficient d'un accueil en crèche ont un meilleur développement cognitif et socio-émotionnel, (2) les enfants défavorisés sont ceux qui en bénéficient le plus, (3) quand les modes d'accueil sont de qualité élevée, et (4) avec une transition progressive à l'entrée du mode d'accueil, puis au passage vers le système scolaire »100(*). La crèche n'est pas le seul mode d'accueil participant au développement de l'enfant et à la lutte contre les inégalités sociales. En effet, les modes d'accueil individuel ou d'autres lieux d'accueil permettant des expériences de socialisation précoce de qualité contribuent également au développement de l'enfant, en particulier dans l'acquisition du langage. Favoriser l'accès à un mode d'accueil est donc un levier d'investissement social très fort, participant dans la durée à la société du plein-emploi101(*).
Pour autant, face à ces enjeux, la dynamique de progression de nouvelles places s'essouffle :
- Le nombre de places en accueil individuel, après avoir progressé continument jusqu'en 2015, pour atteindre 1 361 900 places, se réduit en raison notamment d'une pyramide des âges défavorable des assistants maternels. Entre 2016 et 2020, le nombre des places qu'ils proposent s'est réduit de 72 000. A l'horizon 2030, ce sont 40 % des assistants maternels actuellement en activité qui seront partis en retraite, faisant courir le risque d'une réduction massive de leur capacité d'accueil ;
- En accueil collectif, à fin 2022, l'objectif de création de 30 000 places nettes supplémentaires en crèches dites « Psu102(*) », fixé par la Convention d'objectifs et de gestion (COG) signée entre l'Etat et la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) pour la période 2018-2022, ne sera atteint qu'à hauteur de 50 % en termes de places créées, même s'il sera légèrement dépassé en termes de places décidées en investissement grâce à l'efficacité du plan « Rebond petite enfance »103(*). Ce résultat témoigne de l'essoufflement progressif depuis dix ans du modèle de production des places nouvelles. Les freins identifiés relèvent de la capacité de co-financement, notamment en dépenses de fonctionnement, des collectivités territoriales, des difficultés à mobiliser du foncier, notamment dans les zones où la pression immobilière est forte, et de l'accentuation des pénuries de professionnels de la petite enfance.
Une gouvernance du secteur de la petite enfance marquée par une pluralité d'acteurs devant se coordonner pour porter des orientations communes
La pluralité des acteurs mettant en oeuvre la politique d'accueil du jeune enfant et les risques inhérents à leur manque de coordination pour porter des orientations communes sont régulièrement identifiés comme un frein au déploiement d'un véritable service public de l'accueil du jeune enfant, à même de garantir pour les parents une égalité d'accès à l'information relative aux modes d'accueil, à une offre disponible sur l'ensemble du territoire, accessible financièrement et de qualité. Le paysage de l'accueil du jeune enfant est en effet complexe :
- Les communes ont très largement investi cette politique, malgré son caractère facultatif. Elles interviennent dans le financement de la grande majorité des crèches, soit parce qu'elles les gèrent directement (60 % du parc des établissements et services d'accueil du jeune enfant), soit parce qu'elles les co-financent. En effet, les communes et leurs groupements soutiennent l'accueil du jeune enfant en versant, en complément des caisses d'allocations familiales (CAF), des subventions de fonctionnement ou d'investissement aux gestionnaires privés, lucratifs et non lucratifs. Deuxièmes financeurs du secteur après la caisse nationale des allocations familiales, les communes mobilisaient en 2020 environ 2,95 milliards d'euros en investissement et fonctionnement (soit 20 % du total des financements consacrés à l'accueil des enfants de moins de 3 ans). Les communes sont en outre les interlocuteurs de proximité des parents à la recherche d'un mode d'accueil. A ce titre, elles ont largement investi les Relais petite enfance (RPE), dont 80 % sont gérés par le bloc communal, qui leur permettent également d'accompagner les assistants maternels de leur territoire ;
- La branche Famille de la Sécurité sociale est le principal co-financeur du secteur et concentre 67 % des dépenses concernant l'accueil individuel ou collectif (soit 9,9 milliards d'euros en 2020). Les CAF se voient assigner des objectifs de développement de places d'accueil en établissement d'accueil du jeune enfant (EAJE), dans le cadre de la COG signée avec l'Etat. Pour les réaliser, elles accompagnent les communes dans le développement de leur politique d'accueil ;
- Les départements sont le seul acteur à avoir une compétence obligatoire en matière de politique d'accueil du jeune enfant : ils ont en effet la charge, à travers leurs services de Protection maternelle et infantile (PMI), d'assurer les missions d'agrément, d'autorisation et d'avis d'ouverture, de suivi et de contrôle des modes d'accueil du jeune enfant collectifs comme individuels ;
- Les régions, à travers leur schéma de formation sanitaire et sociale, mettent en oeuvre la politique de formation de plusieurs diplômes permettant d'exercer en crèche : éducateur de jeunes enfants, auxiliaire de puériculture et infirmier puériculteur.
Plusieurs avancées ces dernières années ont permis d'améliorer la coordination de ces acteurs :
- Au niveau départemental, le comité départemental des services aux familles (CDSF), créé par l'ordonnance du 19 mai 2021104(*), a la charge d'assurer la coordination des acteurs intervenant dans le champ de l'accueil du jeune enfant et du soutien à la parentalité. Il est présidé par le préfet de département, entouré, en tant que vice-présidents, par le président du conseil départemental, un représentant des communes et intercommunalités, et le président du conseil d'administration de la CAF. Il associe les représentants des gestionnaires, des professionnels de l'accueil individuel comme collectif, et des familles usagères. La région est également membre du CDSF. Cette instance, qui permet d'organiser un espace de mise en oeuvre partenarial et coordonné de la politique d'accueil du jeune enfant, a été installée dans environ 60 % des départements ;
- Au niveau infra-départemental, les conventions territoriales globales (CTG) signées entre les CAF et les collectivités territoriales, visent à définir conjointement les ambitions et le plan d'actions pour déployer les services aux familles, notamment d'accueil du jeune enfant et de soutien à la parentalité dans chaque territoire. Les CTG se sont déployées de manière dynamique depuis leur généralisation en 2020 : d'après les données de la CNAF, plus de 90 % des habitants sont actuellement couverts par ces conventions, signées pour moitié à l'échelon intercommunal.
Les pénuries de professionnels pèsent sur la capacité de développement et la qualité d'accueil
L'offre d'accueil est marquée par une forte hétérogénéité quant à la qualité d'accueil, constat souligné par le récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) relatif à la qualité de l'accueil et à la prévention de la maltraitance dans les crèches, commandé par le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées et remis par l'Inspection en mars 2023.
Parmi les facteurs pesant sur la qualité, le rapport souligne le manque de professionnels. D'après l'étude de la CNAF conduite en avril 2022 à la demande du Comité de filière « petite enfance », 48,6% des crèches collectives déclarent un manque de personnel auprès d'enfants et 10 500 postes auprès d'enfants et de direction sont déclarés durablement vacants ou non remplacés.
Le rapport de l'IGAS fait le constat que depuis ces dix dernières années le nombre de diplômés a progressé moins vite que le nombre de places en EAJE. Entre 2011 et 2021, le nombre de diplômés d'éducateurs de jeunes enfants a progressé de sept points, alors que, dans le même temps le nombre de places en EAJE a augmenté de 31%. Le niveau de diplômés est très variable d'une région à l'autre. D'après les données de l'enquête « Ecoles » de la Drees, on comptait, en 2021, en moyenne 3,7 diplômés d'éducateurs de jeunes enfants pour l'équivalent de 1 000 places d'accueil, mais seulement 2,7 en Normandie, contre 5 dans le Grand Est. Pour les diplômés d'auxiliaire de puériculture, les disparités sont encore plus grandes, allant de 5,3 diplômés pour l'équivalent de 1 000 places d'accueil pour la région Pays de la Loire à 19,2 en Provence Alpes Côte d'Azur.
Une concertation nationale et territoriale pour lever les freins au développement d'un service d'accueil de qualité
Face à ces défis, la Première ministre a annoncé dans sa déclaration de politique générale du 6 juillet 2022 devant l'Assemblée nationale la création d'un service public de la petite enfance répondant à l'engagement de campagne du Président de la République :
« Nous répondrons à la première préoccupation des parents aujourd'hui : le manque de solutions d'accueil pour les enfants - et notamment les enfants de moins de 3 ans. Pour réussir, mon Gouvernement souhaite bâtir, avec les collectivités, un véritable service public de la petite enfance. Il permettra d'offrir les 200 000 places d'accueil manquantes. Nous voulons des solutions proches des domiciles, accessibles financièrement. ». L'engagement est de garantir, pour toutes les familles, l'accès à une place d'accueil de qualité pour leur jeune enfant, jusqu'à son entrée à l'école maternelle, à un prix raisonnable et similaire quel que soit le mode d'accueil.
Soucieux de conduire ce projet avec l'ensemble des acteurs partie-prenante de la politique d'accueil du jeune enfant, le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, a souhaité mener une concertation nationale sur le service public de la petite enfance dans le cadre du Conseil national de la refondation sur le plein emploi. Entre janvier et mai 2023, la concertation territoriale, a fait étape dans quatorze villes, couvrant chaque région, y compris les territoires d'Outre-Mer. Plus d'une dizaine de CDSF se sont également mobilisés pour faire parvenir une contribution.
Parallèlement, un groupe de travail technique associant les administrations centrales, la branche Famille et les associations représentatives des élus s'est réuni à sept reprises entre février et avril 2023, pour élaborer un scénario d'évolution de la gouvernance du secteur offrant une place plus stratégique au bloc communal et identifier ses conditions de réussite.
Les dispositions proposées sont le fruit des enseignements et propositions issus de la concertation et de ce groupe de travail, ainsi que des recommandations des rapports récents du Conseil économique, social et environnemental, du HCFEA, et de l'IGAS.
Les mesures proposées s'articulent autour de deux axes :
- D'une part, clarifier les rôles et missions des acteurs contribuant, à chaque échelon territorial, à la politique d'accueil du jeune enfant. A titre principal, l'ambition est de confier aux communes de nouvelles compétences, en tant qu'autorité organisatrice (AO) de l'accueil du jeune enfant ;
- D'autre part, doter ces acteurs, notamment les autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant, de leviers nouveaux ou rénovés, notamment en matière de lutte contre les pénuries de professionnels, de régulation de l'implantation de l'offre d'accueil, d'appui financier et en ingénierie de la branche Famille, ou encore de mobilisation du foncier.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Les mesures proposées confiant aux communes de nouvelles compétences obligatoires répondent aux exigences constitutionnelles en matière de création de compétences :
- L'article 34 de la Constitution dispose que « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ». La détermination de nouvelles compétences pour les collectivités territoriales et leurs groupements ressort donc du domaine de la loi ;
- L'article 72-2 de la Constitution dispose que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Cette disposition est également prévue par la loi, à l'article L.1614-1-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Conformément à une jurisprudence constance du Conseil constitutionnel, l'accompagnement financier est défini librement par le législateur, sous la seule réserve, pour l'accroissement des charges qui résulte de la création de compétences, de ne pas dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales. Sur ce point, le Conseil Constitutionnel effectue un contrôle restreint « consistant à vérifier que les ressources de ces collectivités n'ont pas baissé ou que leurs charges n'ont pas augmenté au point qu'elles ne disposeraient plus de marge d'appréciation dans la détermination de leurs dépenses »105(*).
Le projet de loi tire les conséquences de ces obligations en instituant, au VI de l'article 10, un principe d'accompagnement financier pour compenser l'accroissement des charges résultant de l'exercice obligatoire, par une commune, de l'ensemble des compétences d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant.
Ses modalités seront précisées par une prochaine loi financière afin d'assurer la concomitance entre l'accompagnement et l'entrée en vigueur des nouvelles compétences obligatoires.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Même si la coordination des acteurs intervenant dans le champ de la petite enfance s'est renforcée, leur action reste conduite dans des logiques de silos qui lui sont in fine préjudiciables. Il peut être ainsi indiqué à titre d'exemples qu'à l'heure actuelle :
- En matière de développement de nouvelles places d'accueil, seule la CNAF s'engage sur un objectif chiffré (réduit au seul périmètre des crèches directement financées par la PSU et à l'exclusion des micro-crèches indirectement solvabilisées par la prestation d'accueil du jeune enfant versée aux parents) dans le cadre du COG qu'elle conclut avec l'Etat. Ni les départements (qui autorisent les places à ouvrir), ni les communes (principaux gestionnaires et co-financeurs) ne prennent part à cet engagement ;
- En matière d'inspection et de contrôle des structures, le manque de coordination entre les services de PMI des départements (qui doivent s'assurer de la sécurité et de la santé des enfants accueillis) et la CAF qui contrôle la qualité financière et de gestion, l'inspection du travail ou encore les administrations déconcentrées en charge de la concurrence et de la répression des fraudes réduit la portée utile des contrôles ;
- Enfin, en matière de formation des professionnels de la petite enfance, il est nécessaire d'instaurer des échanges, aujourd'hui quasi-inexistants, entre l'échelon régional, responsable de l'élaboration du schéma des formations sanitaires et sociales, et l'échelon départemental, pivot depuis la création en 2021 des CDSF de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans le secteur de la petite enfance.
Pour remédier à ces limites en matière de gouvernance de la politique d'accueil du jeune enfant, il est proposé de créer de nouvelles compétences obligatoires pour les communes, de compléter les compétences en matière d'accueil du jeune enfant de l'Etat, des régions et des organismes débiteurs des prestations familiales et d'en définir les modalités d'exercice coordonnées. Pour ce faire, il est proposé de modifier la partie législative du code de l'action sociale et des familles, du code de l'éducation, du code de l'urbanisme, du code de la santé publique et du code de la sécurité sociale.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Les objectifs poursuivis s'articulent autour de deux axes :
2.2.1. Clarifier les rôles et missions des acteurs contribuant, à chaque échelon territorial, à la politique d'accueil du jeune enfant
Le schéma suivant est proposé pour clarifier les rôles et missions des acteurs :
- A l'échelon national, le projet de loi prévoit que le Gouvernement adopte par arrêté, une stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant qui détermine des priorités et objectifs en matière :
o De développement quantitatif (par exemple, un objectif national de taux de couverture de la demande d'accueil par une offre abordable) et qualitatif (par exemple, des critères de qualité d'accueil déclinés en référentiels de pratiques professionnelles et organisationnelles et de référentiels de contrôle) de l'offre d'accueil ;
o D'emplois, de compétences et de qualifications dans le secteur de l'accueil du jeune enfant, ainsi que de besoins nationaux de formation professionnelle nécessaires pour soutenir les objectifs de développement de l'offre et d'amélioration de la qualité d'accueil.
La définition de ces priorités et objectifs a vocation à faire l'objet d'une consultation large des acteurs (associant en premier lieu les collectivités territoriales et la branche Famille) et d'une évaluation régulière.
Le projet de loi prévoit que ces orientations nationales soient déclinées dans les schémas départementaux des services aux familles (SDSF) élaborés par les CDSF ;
- A l'échelon régional, le projet de loi précise la nature et les modalités de mise en oeuvre de l'obligation faite à la région, pour l'établissement de son schéma régional de formations sanitaires et sociales, de tenir compte des orientations nationales en matière de formation professionnelle et des besoins locaux de professionnels de la petite enfance identifiés par les CDSF ;
- A l'échelon départemental :
o Le CDSF, sous la présidence du préfet de département, décline dans son schéma départemental des services aux familles les orientations nationales tant au plan quantitatif (notamment le nombre de places nouvelles et leur répartition entre accueil collectif et accueil individuel) que qualitatif (notamment en termes de formation de professionnels et de plans de contrôle croisés) ;
o Le département continue d'assurer ses actuelles compétences d'avis, d'autorisation, d'agrément et d'inspection-contrôle de l'offre. Ces compétences n'évoluent pas mais leur mise en oeuvre est davantage coordonnée avec d'autres acteurs : les communes, via les relais petite enfance, s'agissant de l'information des futurs candidats à l'agrément et de l'accompagnement et l'appui à l'amélioration continue des pratiques professionnelles des assistants maternels ; les caisses d'allocations familiales et les services de l'Etat (inspection du travail, DGCCRF) s'agissant du contrôle des établissements. Sur certains territoires bien couverts en offre d'accueil, un avis préalable de l'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant quant au lieu d'installation des projets nouveaux est désormais requis pour initier la procédure de demande d'autorisation ;
La branche Famille, à travers le réseau des caisses d'allocations familiales, concourt au déploiement de la stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant et accompagne les communes (ou leurs groupements en cas de transfert), en mobilisant son expertise, son ingénierie et ses leviers financiers en vue de leur donner les moyens d'exercer pleinement leur compétence nouvelle d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant. Son niveau de financement et/ou l'intensité de son appui en ingénierie sont renforcés sur certains territoires qui connaissent un déficit important d'offre d'accueil ;
- A l'échelon communal ou intercommunal, et en cohérence avec le rôle majeur qu'elles jouent de longue date dans le déploiement de cette politique publique, le projet de loi conforte les communes (ou leurs groupements en cas de transfert) comme l'acteur-clé du secteur de la petite enfance au niveau local, en leur confiant la qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant, détaillée infra.
2.2.2. Doter les acteurs, notamment les autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant, de leviers nouveaux ou rénovés
Pour atteindre les objectifs en matière de développement de places d'accueil et d'amélioration de la qualité de l'accueil qui y est proposé, les acteurs doivent être dotés de nouveaux leviers, dans les domaines suivants :
- La lutte contre la pénurie de professionnels de la petite enfance : pour garantir un nombre suffisant de professionnels diplômés susceptibles d'exercer dans les établissements d'accueil du jeune enfant, le projet de loi prévoit que la stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant précise les objectifs nationaux en matière de formation de nouveaux professionnels de la petite enfance et que les régions prennent en compte ces orientations nationales ainsi que les besoins locaux de formation émanant des comités départementaux des services aux familles, pour l'établissement de leur schéma régional des formations sanitaires et sociales ;
- Le soutien financier et en ingénierie de la branche Famille : ces leviers sont renvoyés à la convention d'objectifs et de gestion conclue entre la caisse nationale des allocations familiales et l'Etat. Néanmoins, le projet de loi précise le rôle joué par la branche Famille dans l'appui aux autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant en vue du bon déploiement du service public de la petite enfance ;
- La libération de foncier : la capacité à dégager du foncier pour l'installation d'une crèche ou d'une maison d'assistants maternels constitue un frein important pour les collectivités. Le projet de loi ajoute explicitement le développement des services aux familles au nombre des objectifs de la planification urbaine ;
- La régulation de l'offre, l'inspection et le contrôle des modes d'accueil, tenant compte des recommandations du rapport précité de l'inspection générale des affaires sociales : alors que les communes ne gèrent pas directement des modes d'accueil qui constituent pourtant la majorité des places d'accueil (accueil individuel, micro-crèche), le projet de loi leur donne de nouveaux leviers en qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant pour leur permettre de contribuer davantage à la procédure de décision d'ouverture de nouvelles places, en émettant un avis préalable à la demande d'autorisation afin de mieux réguler l'implantation de l'offre au regard de leur besoin ;
- Le soutien au renouvellement de l'offre d'accueil individuel qui constitue le principal risque en matière de destruction de places dans les dix prochaines années. La réforme du complément mode de garde (CMG) adoptée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 permet de lever les freins à l'accessibilité financière des familles en rapprochant les restes à charges des familles d'avec l'accueil en crèche PSU. Des évolutions réglementaires du cadre normatif et des leviers nouveaux de la branche Famille viendront répondre aux freins relatifs à l'installation de nouveaux professionnels. Le projet de loi apporte des moyens de lever les freins liés à la difficulté pour les parents d'être employeurs, en étendant à cette fin les missions des relais petite enfance.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Plusieurs scénarios ont été envisagés visant à conforter le rôle des communes dans la gouvernance de la politique d'accueil du jeune enfant :
- Le statu quo : dans ce scénario, pour atteindre les objectifs d'amélioration de la coordination des acteurs pour développer de nouvelles places d'accueil, le renforcement des outils actuels de conventionnement, tels que les conventions territoriales globales et les schémas départementaux des services aux familles, est privilégié. Au regard des défis à relever par le secteur de la petite enfance, l'approfondissement des outils actuels, qui n'ont pas réussi à lever les freins identifiés supra., est apparu comme insuffisant ;
- La création d'un droit individuel à un mode d'accueil opposable par l'usager-parent à une collectivité responsable de le satisfaire, sanctionné en cas de défaillance par une compensation de l'usager non satisfait : au regard notamment de la pénurie de professionnels qualifiés, de la composition de l'offre dont une part déterminante relève du secteur privé (lucratif ou non) échappant à l'action des pouvoirs publics (garde à domicile), et de l'absence de leviers suffisants d'un même niveau de collectivité propres à lui permettre de développer seul une réponse rapide aux besoins qui lui seraient exprimés, sa mise en oeuvre n'est pas apparue constituer une option crédible ;
- L'obligation faite à une collectivité de créer des solutions d'accueil en nombre suffisant pour atteindre un taux de couverture cible défini nationalement, sanctionnée financièrement en cas de défaillance : basé sur l'exemple de la loi « SRU » en matière de création de logements sociaux, ce scénario n'a pas été retenu au regard de la diversité de l'offre d'accueil, sur laquelle - pour sa majorité - les collectivités disposent de trop peu de leviers (accueil individuel et en micro crèche Paje). En outre, la concertation territoriale comme les travaux conduits avec les associations représentatives des élus ont souligné l'importance d'une adaptation locale des orientations nationales.
3.2. OPTION RETENUE
3.2.1. Priorités et objectifs nationaux en matière d'accueil du jeune enfant
Le projet de loi prévoit que le Gouvernement détermine une stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant. Celle-ci définit les priorités et objectifs nationaux pluriannuels de développement quantitatif et qualitatif de l'offre d'accueil du jeune enfant, qui seront ensuite déclinés à l'échelon départemental. Pour soutenir ces objectifs de développement, elle prévoit également les objectifs nationaux en matière de formation professionnelle.
Sur le modèle de ce qui existe en matière de santé, le pilotage par le biais d'une stratégie nationale permet la réunion des différentes parties prenantes sur des objectifs partagés. Cette méthode répond au besoin, souligné par le récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales relatif à la qualité de l'accueil et à la prévention de la maltraitance dans les crèches, de doter le secteur de la petite enfance d'un cap clair et fédérateur.
Poursuivant l'objectif d'améliorer la politique de contrôle des modes d'accueil, le projet de loi précise que les missions des services de la protection maternelle et infantile relatives à la surveillance et au contrôle des établissement d'accueil du jeune enfant et des assistants maternels relèvent non de la stratégie nationale de santé comme à l'heure actuelle mais de la stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant appelée à déterminer les priorités en matière de qualité d'accueil.
3.2.2. Missions de l'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant
Pour porter le déploiement des services d'accueil du jeune enfant sur tous les territoires et sans préjudice des compétences des départements, il est proposé de conforter le rôle des communes et de leur confier la qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant. A ce titre, elles sont compétentes pour assurer :
- Le recensement des besoins des enfants de moins de trois ans et de leurs familles en matière de services aux familles, et des établissements d'accueil du jeune enfant et des assistants maternels offrant des places d'accueil sur le territoire ;
- L'information et l'accompagnement des familles ayant un ou plusieurs enfants de moins de trois ans ainsi que des futurs parents ;
- Le pilotage du maintien et du développement des modes d'accueil ;
- Le soutien à la qualité d'accueil des modes d'accueil, notamment en matière d'amélioration continue des pratiques professionnelles.
Pour tenir compte des capacités de financement des communes, le projet de loi prévoit que le périmètre des nouvelles compétences obligatoires des communs croîts en fonction du niveau de leur population :
· Toutes les communes doivent assurer un socle minimal de compétences :
o Informer les parents sur les services d'accueil en matière de petite enfance et les orienter vers les ressources du territoire (la caisse d'allocations familiales ou la mutualité sociale agricole, le relai petite enfance le plus proche, etc.) ;
o Recenser sur leur territoire les besoins des enfants de moins de trois ans et des familles, et l'offre disponible ;
Les communes de moins de 3 500 habitants comptent en moyenne moins de 20 enfants de moins de trois ans et six naissances par an. C'est pourquoi le périmètre de leurs compétences obligatoires est restreint à ce socle minimal de compétences.
· Les communes de plus de 3 500 habitants, qui comptent en moyenne 55 naissances par an et 114 enfants de moins de trois ans, doivent assurer des compétences supplémentaires de pilotage qualitatif et quantitatif de l'offre d'accueil. A ce titre :
o Elles élaborent et mettent en oeuvre un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant, qui était déjà une faculté prévue par le code de l'action sociale et des familles (CASF). Le schéma est élaboré en concertation avec la caisse d'allocations familiales qui apporte son appui financier et en ingénierie pour le mettre en oeuvre, mais également avec les entreprises et associations qui concourent à l'accueil du jeune enfant. Il recense les besoins des enfants de moins de trois et de leurs familles et les services d'accueil pour y répondre. Il prévoit une trajectoire pluriannuelle de développement ou de redéploiement de ces services, ainsi que les moyens financiers et en nombre de professionnels nécessaires pour la mettre en oeuvre. Il précise les partenariats mis en oeuvre par l'autorité organisatrice pour déployer le service d'accueil du jeune enfant. Il peut s'agir notamment, à titre d'exemple, des partenariats avec les services d'accueil non gérés directement par l'autorité organisatrice : avec l'éducation nationale pour favoriser la transition vers l'école maternelle ou avec les acteurs de l'insertion sociale et professionnelle pour lever les freins à la reprise d'emploi relevant de l'accueil des jeunes enfants. Le schéma détaille également les modalités de mise en oeuvre de la mission d'accompagnement des modes d'accueil et d'amélioration continue des pratiques professionnelles. Ce schéma, ses actualisations et son bilan (intermédiaire et final) sont transmis au comité départemental des services aux familles afin qu'ils puissent assurer un suivi du déploiement de la politique d'accueil du jeune enfant et des nouvelles compétences confiées aux autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant.
Elles assurent l'animation du réseau des modes d'accueil collectifs et individuels du territoire, par exemple en organisant des temps d'échanges et d'information, notamment en vue d'une bonne mise en oeuvre, dans les pratiques professionnelles quotidiennes, des principes établis par la charte nationale d'accueil du jeune enfant, appelés à être déclinés en référentiels de pratiques professionnelles, organisationnelles et de contrôle dans le cadre de la stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant.
· Dans les communes de plus de 10 000 habitants, le projet de loi précise les modalités de mise en oeuvre des compétences d'information aux familles et de soutien à la qualité d'accueil. Elles doivent être assurées par un relai petite enfance (RPE). Ces communes comptent en moyenne 1 190 enfants de moins de trois ans et 421 naissances par an, ce qui nécessite de disposer d'équipements dédiés à l'information et l'accompagnement des parents. D'après les données de la Caisse nationale des allocations familiales, 89 % de ces communes disposent d'ores et déjà d'un relai petite enfance. Pour lever les difficultés des parents à assurer leur rôle d'employeur d'un assistant maternel ou d'une garde à domicile, le projet de loi leur donne la faculté d'assurer des démarches administratives pour leur compte.
La compétence de création, d'extension, de transformation et de gestion d'établissements et de services d'accueil des enfants reste une compétence facultative pour toutes les collectivités territoriales en application de l'article L. 2324-1 du code de la santé publique. Chacune peut ainsi faire le choix des services d'accueil et modalités de gestion à privilégier sur son territoire.
3.2.3. Modalités de transfert de la qualité d'autorité organisatrice (AO) de l'accueil du jeune enfant et des compétences s'y rattachant par une commune à un groupement de collectivités territoriales dont elle est membre
Au 1er janvier 2023, plus d'un tiers des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (428), 32 syndicats de communes et 9 syndicats mixtes exercent la compétence « petite enfance »106(*).
Afin de ne pas déstabiliser les organisations actuelles, le projet de loi prévoit la possibilité pour une commune de transférer la qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant et les compétences s'y rattachant à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ou syndicat de communes, à un syndicat mixte fermé ou à un syndicat mixte ouvert restreint.
Afin de garantir la cohérence de l'exercice des missions d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant et la lisibilité de l'action publique pour les familles sur un territoire donné, et par dérogation aux règles de droit commun fixées dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) en matière d'intercommunalité, le projet de loi prévoit que les quatre compétences se rattachant à la qualité d'autorité organisatrice (recensement des besoins et des équipements, information et accompagnement des familles, pilotage du maintien et du développement des modes d'accueil, soutien à la qualité d'accueil des modes) soient obligatoirement transférées « en bloc ».
Le projet de loi prévoit également qu'en cas de transfert, les obligations mises à charge des communes en tant qu'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant et applicables selon un seuil de population (3 500 ou 10 000 habitants) s'appliquent au regard du nombre total des habitants des communes ayant transféré leur qualité d'autorité organisatrice à l'établissement public de coopération intercommunale ou au syndicat mixte.
3.2.4. Accompagnement financier de l'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant
L'accroissement des charges des communes qui résulte de l'exercice obligatoire des quatre compétences d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant est accompagné de ressources déterminées par la loi. Celles-ci seront prévues en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale en fonction du vecteur qui sera retenu pour gérer cet accompagnement financier.
3.2.5. Appui et leviers nouveaux apportés aux autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant en matière de régulation de l'implantation de l'offre
Le projet de loi propose de doter les autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant de nouveaux outils pour améliorer la régulation de l'offre et l'implantation territoriale des services d'accueil du jeune enfant. Pour ce faire, le SDSF définit deux types de zones, que le préfet fixe par arrêté :
- Les zones sous-dotées en service d'accueil du jeune enfant. Ces zones, notamment les territoires d'outre-mer, doivent pouvoir faire l'objet d'un appui financier et en ingénierie spécifiques et majorés ;
- Les zones déjà bien couvertes en mode d'accueil, sur lesquelles la procédure d'autorisation d'ouverture pour les établissements privés est complétée pour que l'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant puisse exprimer dès la naissance du projet un avis en opportunité au regard de sa stratégie de couverture territoriale en mode d'accueil. Ainsi, sur ces zones, les projets d'ouverture d'établissement doivent faire l'objet d'un avis préalable de l'autorité organisatrice.
3.2.6. Modalités d'accompagnement des autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant n'ayant pas pu mettre en oeuvre leurs compétences nouvelles
Poursuivant l'objectif de garantir, sur l'ensemble du territoire, la mise en oeuvre d'une politique d'accueil du jeune enfant cohérente avec les orientations nationales et départementales, et d'assurer à chaque famille une offre d'information et d'accompagnement, le projet de loi prévoit les actions à mettre en oeuvre par le préfet de département en sa qualité de président du comité départemental des services aux familles lorsqu'il constate au moins l'une des trois situations suivantes :
- Les missions ne sont pas exercées : une autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant de plus de 3500 habitants n'a pas élaboré de schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant et/ou une autorité organisatrice de plus de 10 000 habitants ne dispose pas de relais petite enfance ;
- Les missions sont imparfaitement exercées : le schéma pluriannuel de maintien et de développement n'a pas été élaboré en cohérence avec le schéma départemental des services aux familles ;
- Les missions sont partiellement exercées : l'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant ne met pas en oeuvre le schéma pluriannuel de maintien et de développement dans les conditions qu'elle s'était elle-même fixées.
Dans les trois situations ci-dessus et à l'issue d'un délai de trois ans après l'adoption de la stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant :
- Le comité départemental des services aux familles invite l'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant concernée à expliquer les raisons de ce défaut de mise en oeuvre de ses obligations. Ces raisons peuvent notamment tenir, par exemple, aux caractéristiques sociodémographiques du territoire (par exemple une diminution du nombre de naissances), au potentiel fiscal par habitant, aux difficultés à mobiliser un soutien financier et une expertise suffisants, ou à la bonne couverture en mode d'accueil dans les territoires limitrophes permettant ainsi de couvrir les besoins des familles.
- Au vu des réponses apportées, le représentant de l'Etat dans le département, après avis du comité départemental des services aux familles, peut préciser à l'autorité organisatrice concernée les éléments qu'il lui appartient de mettre en oeuvre pour respecter ses obligations dans un délai qu'il détermine ;
- A l'issue de ce délai ou au vu des réponses apportées par l'autorité organisatrice, le représentant de l'Etat dans le département, après avis des membres du comité départemental des services aux familles, peut :
o D'une part, en cas de manquement à l'obligation d'établir, en cohérence avec le schéma départemental des services aux familles, le schéma pluriannuel de maintien et de développement, mandater la caisse des allocations familiales pour qu'elle établisse un projet de schéma Celui-ci est soumis à l'autorité organisatrice dans un délai de trois mois. Dans un délai de deux mois à compter de sa réception par l'autorité organisatrice, le représentant de l'Etat dans le département, après avis du comité départemental des services aux familles, rend opposable le projet de schéma, en y apportant, le cas échéant, ses amendements et ceux de l'autorité organisatrice ;
o D'autre part, en cas de manquement à l'obligation de disposer d'un relai petit enfance, mandater la caisse des allocations familiales pour établir un projet de création de relai petite enfance. Celui-ci est soumis à l'approbation de l'autorité organisatrice dans un délai de trois mois.
3.2.7. Leviers en matière de lutte contre les pénuries de professionnels
Le projet de loi complète le code de l'éducation afin de préciser l'obligation faite aux régions de prendre en compte, dans l'élaboration de leur schéma des formations sanitaires et sociales, les besoins nationaux de formation professionnelle tels que définis par la stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant et les besoins prévisionnels en matière de professionnels identifiés localement par les comités départementaux des services aux familles.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Plusieurs dispositions modifient le code de l'action sociale et des familles afin de clarifier les rôles et missions des acteurs parties-prenantes du déploiement de la politique d'accueil du jeune enfant :
- L'article L. 214-1 qui définit les services aux familles est modifié afin que le Gouvernement définisse les priorités et objectifs de la politique d'accueil du jeune enfant dans le cadre d'une stratégie nationale ;
- Un article L. 214-1-3 est ajouté pour octroyer la qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant aux communes, définir les compétences qui s'y rattachent, leurs modalités de mise en oeuvre et préciser les modalités de transfert éventuel à l'échelon intercommunal ;
- Pour tenir compte de ces nouvelles compétences et prévoir les modalités d'intervention dans les cas où elles ne seraient pas mises en oeuvre, les articles suivants sont modifiés :
o L'article L. 214-2-1 relatif au relai petite enfance est modifié pour enrichir les missions de ces équipements rendus obligatoires pour les communes de plus de 10 000 habitants ;
o L'article L. 214-2 relatif au schéma pluriannuel de développement des services d'accueil des enfants de moins de six ans est remplacé. Il définit désormais les attendus du schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant rendu obligatoire pour les communes de plus de 3 500 habitants. L'article L. 214-3 qui prévoit la possibilité de déléguer à un établissement public de coopération intercommunale ce schéma devient caduque dans la mesure où les modalités de transfert sont désormais prévues à l'article L. 214-1-3 ; sa rédaction est donc modifiée pour tenir compte de ce changement ;
o En cas de manquement de l'autorité organisatrice aux obligations qui ont été mises à sa charge, l'article L. 214-3 prévoit dans sa nouvelle rédaction les modalités d'intervention du représentant de l'Etat dans le département ;
- Pour améliorer la régulation de l'implantation de l'offre d'accueil au regard des orientations nationales, un article L. 214-5-1 est ajouté. Il prévoit, d'une part, de définir les zones marquées par un déficit d'offre d'accueil et pour lesquelles des dispositifs d'aide spécifique peuvent être mis en place par la caisse d'allocations familiales (ou la mutualité sociale agricole) et, d'autre part, d'identifier celles déjà bien couvertes, pour lesquelles la procédure d'autorisation d'ouverture est adaptée.
En matière de lutte contre les pénuries de professionnels, l'article L. 214-13 du code de l'éducation est modifié pour indiquer l'obligation faite aux régions de tenir compte des besoins de professionnels de la petite enfance dans l'élaboration de leur schéma de formation sanitaires et sociales. En miroir, l'article L. 451-2 du code de l'action sociale et des familles relatif aux modalités d'élaboration du schéma régional des formations sociales est également modifié.
L'article L. 101-2 du code de l'urbanisme est modifié pour tenir compte explicitement des services aux familles dans les orientations générales en matière d'urbanisme.
L'article L. 2111-1 du code de la santé publique est modifié pour indiquer que les missions des services de protection maternelle infantile relatives à la surveillance et au contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant et des assistants maternels relèvent de la stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant.
L'article L. 223-1 du code de la sécurité sociale est modifié pour préciser le concours apporté par la caisse nationale des allocations familiales au déploiement de la stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant et en particulier aux autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant, au titre de la gestion de son fonds d'action sanitaire et sociale.
Enfin, un article L.214-8 est créé dans le code de l'action sociale et des familles pour préciser que les modalités d'application du chapitre concerné du code seront prévues par décret en Conseil d'Etat.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Les freins sociaux visent toutes les difficultés dites « périphériques » ou non-professionnelles (transport, logement, santé...) qui entravent le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi. Près de 30 % des demandeurs d'emploi déclarent au moins un frein social à l'emploi. Parmi ceux-ci, 12 % évoquent des contraintes familiales comme le recours à un mode d'accueil formel du jeune enfant107(*).
En contribuant à la réalisation des objectifs de développement de 200 000 nouvelles places d'accueil, les mesures proposées doivent permettre d'augmenter le taux d'emploi global, en facilitant la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle des parents et en levant un frein au retour à l'emploi.
Ainsi, il a vocation à apporter une réponse aux 6,6 % de mères qui sont contraintes par le manque de services d'accueil accessibles soit d'être inactives, soit de travailler à temps partiel (estimation Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge).
A titre d'exemple et comme énoncé précédemment, la progression du taux de couverture en mode d'accueil entre 2003 et 2020 s'est accompagnée d'une progression du taux d'emploi des mères d'enfant de moins de trois ans de huit points.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
En soutenant la création de 200 000 places d'accueil, favorisant les capacités des parents à concilier leur vie familiale et professionnelle, les entreprises bénéficient de plusieurs effets positifs indirects : réduction de la durée de travail subie et du renoncement à une activité professionnelle au moment de la naissance d'un enfant faute d'une place d'accueil, diminution de l'absentéisme des parents de jeunes enfants en raison de l'absence de solution d'accueil, diminution du stress des salariés, etc.
A ce titre, le rapport Damon-Heydeman pour renforcer le modèle français de conciliation entre vie des parents, vie des enfants et vie des entreprises rappelle que les entreprises ont avant tout « besoin de salariés heureux, dans leur vie familiale, mais également toujours investis dans leur vie professionnelle. Il ne faut pas, d'une part, qu'ils soient contraints de trop longuement s'absenter, au risque d'ailleurs de fragiliser leur carrière. Mais ils doivent pouvoir disposer de suffisamment de temps aux moments cruciaux de leur vie familiale, notamment dans les premiers mois de vie de l'enfant. Il ne faut pas d'autre part, qu'ils soient inquiets quant aux possibilités de trouver une offre de services, pour leurs jeunes enfants, correspondant à leurs aspirations. En un mot, les entreprises ont, sur ce dossier, d'abord besoin d'une offre d'accueil de la petite enfance qui soit renforcée et organisée de façon optimale » (p. 31).
Les dispositions proposées, en clarifiant la gouvernance du secteur et en proposant un cap clair dans le cadre d'une stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant, viennent consolider et renforcer le modèle français de conciliation vie familiale-vie professionnelle.
4.2.3. Impacts budgétaires
Les impacts budgétaires directs des mesures proposées consistent en l'accompagnement financier par l'Etat d'une partie des compétences obligatoires des autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant, tel qu'il sera défini dans le cadre de l'élaboration des lois financières (loi de finances ou loi de financement de la sécurité sociale) pour 2024.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
L'impact sur les collectivités territoriales concerne, à titre principal, les communes qui sont déjà très largement engagées en matière d'information et d'accompagnement des familles dans leur recherche d'un mode d'accueil, de financement et de gestion de modes d'accueil. Ainsi, elles gèrent 80 % des 3 200 relais petite enfance, 60 % des crèches et mobilisent près de trois milliards d'euros chaque année en faveur de la politique d'accueil du jeune enfant.
Les dispositions proposées visent à conforter et à développer cette action par la reconnaissance des communes en qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant sur les territoires. Les nouvelles compétences obligatoires des communes se rattachant à cette qualité d'autorité organisatrice sont proportionnées à la taille des communes et peuvent être transférées à un groupement de collectivités (cf. point 2.4 supra).
Les mesures envisagées prévoient un accompagnement financier des communes qui exercent à titre obligatoire les quatre compétences de la qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant. L'exercice des quatre compétences n'étant obligatoire que pour les communes de plus de 3 500 habitants, l'accompagnement financier ne concernera que ces communes, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la compensation financière des créations et extensions de compétences108(*).
Pour les communes de moins de 3 500 habitants, l'exercice obligatoire des deux compétences « socles », d'information et d'accompagnement des familles et de recensement de l'offre et des besoins, ne devrait pas générer de surcoûts significatifs en raison du faible nombre de naissances (en moyenne six par an) et d'enfants de moins de trois ans (en moyenne moins de 20) :
- Pour exercer ses compétences d'information et d'accompagnement des familles, la commune peut être amenée à recevoir individuellement les familles lors d'un entretien d'une heure. Ainsi si l'ensemble des 31 800 communes de moins de 3 500 habitants réalisent un entretien individuel d'une heure pour chacun des 626 000 enfants de moins de trois ans que comptent ces communes et en rentenant l'hypothèse que cet entretien est réalisé par un agent de catégorie B rémunéré à hauteur de 64 000 euros chargés pour un temps plein de 1 607 heures (soit environ 40 euros par heure), le coût total induit s'élève à environ 25 millions d'euros, soit un surcoût moyen par commune de 800 euros. Pour 67 % des communes de moins de 3 500 habitants qui comptent moins de 20 enfants de moins de 3 ans, le surcoût moyen est de 300 euros.
Sachant que les recettes réelles de fonctionnement (RRF) de ces communes sont de 9,6 milliards d'euros, ces surcoûts représentent environ 0,26 % des recettes réelles de fonctionnement des communes de moins de 3 500 habitants ;
- Pour exercer ses compétences de recensement des besoins des familles et d'équipements pour y répondre, la commune serait amenée à identifier le nombre d'enfants de moins de trois ans (par exemple en consultant le registre des naissances de trois dernières années), à cartographier les offres d'accueil sur son territoire (consultation du site internet monenfant.fr, demande à la protection maternelle et infantile de la liste des assistants maternels agréés). La charge de recueil de ces données et de consolidation dans un document est estimée à 8 heures la première année de mise en oeuvre, puis 2 heures les années suivantes pour la mise à jour, soit un coût négligeable.
En complément, pour l'ensemble des communes, quelle que soit leur taille, ou pour leur groupement le cas échéant, les caisses d'allocations familiales apportent leur soutien à l'investissement et au fonctionnement des relais petite enfance :
- En investissement : en 2022, le coût des projets de relais petite enfance, qui ont été adressés aux caisses d'allocations familiales (141 projets), était d'en moyenne 300 412 euros. La subvention apportée par la caisse d'allocations familiales couvre en moyenne 27 % de ce coût ;
- En fonctionnement : le coût moyen annuel d'un animateur de relais petite enfance est de 62 085 euros. La subvention apportée par la caisse d'allocations familiales le couvre à hauteur de 53,8 %.
L'accompagnement financier institué par le législateur et le soutien de la branche Famille en faveur des RPE permettent de soutenir les services « petite enfance » des autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant. Il sera en tout état de cause complété par les financements majorés, en fonctionnement et en investissement, en direction des établissements d'accueil du jeune enfant apportés par la branche Famille dans les termes fixés par la convention d'objectifs et de gestion 2023-2028 qu'elle signera avec l'Etat.
Délai de mise en oeuvre permettant aux autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant de s'adapter
Les dispositions créant la qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant et des compétences s'y rattachant ont une date d'application différée (septembre 2025), pour laisser suffisamment de temps aux communes pour s'organiser et préparer, le cas échéant, le transfert des compétences à l'échelon intercommunal.
Impacts pour les régions
Le contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP) prévu par l'article L. 214-13 du code de l'éducation a pour objet l'analyse des besoins à moyen terme du territoire régional en matière d'emplois, de compétences et de qualifications et la programmation des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes, compte tenu de la situation et des objectifs de développement économique du territoire régional. Ce contrat de plan définit, sur le territoire régional et, le cas échéant, par bassin d'emploi, les orientations régionales en matière de formation professionnelle initiale et continue, y compris celles relevant des formations sanitaires et sociales.
Ce contrat est élaboré par la région au sein du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles sur la base des documents d'orientation présentés par le président du conseil régional, le représentant de l'Etat dans la région, les autorités académiques, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs.
Les dispositions proposées viennent préciser que dans cette phase d'élaboration, la région doit s'appuyer sur les objectifs nationaux en matière de formation professionnelle et des besoins locaux de professionnels de la petite enfance identifiés par le comité départemental des services aux familles, que le représentant de l'Etat dans le département a transmis au représentant de l'Etat dans la région. Ces dispositions s'inscrivent dans la conduite habituelle de la procédure d'élaboration du schéma des formations sanitaires et sociales établi par la région.
Impacts pour les départements
Le périmètre des compétences des départements est inchangé. La création d'un avis préalable émis par l'autorité organisatrice dans la procédure d'autorisation d'ouverture dans les zones déjà bien pourvues en mode d'accueil du jeune enfant doit permettre de soutenir les services de la protection maternelle et infantile dans la régulation de l'offre d'accueil au regard des besoins du territoire.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
A l'appui du SDSF, l'action nouvelle à réaliser par le représentant de l'Etat dans le département est de prendre un arrêté déterminant, d'une part, les zones caractérisées par une offre d'accueil du jeune enfant insuffisante ou par des difficultés dans l'accès à l'offre, et, d'autre part, celles caractérisées par un niveau d'offre d'accueil du jeune enfant particulièrement élevé.
La durée maximale du schéma départemental des services aux familles étant fixée à six ans (en application de l'article D. 214-2 du code de l'action sociale et des familles), les actions à réaliser par les services de l'Etat pour mener à bien cette mission représentent, sauf modification du schéma départemental des services aux familles, une charge supplémentaire modérée.
La nouvelle mission assignée aux comités départementaux des services aux familles quant au suivi et à l'accompagnement des autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant dans la mise en oeuvre de leurs missions pourrait aussi avoir un effet indirect sur le représentant de l'Etat dans le département qui préside ce comité.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
En 2022, la France a enregistré 723 000 naissances (selon les estimations Insee réalisées fin novembre 2022), soit 19 000 de moins qu'en 2021 (- 2,6 %). Le nombre de naissances en 2022 est ainsi le plus faible depuis 1946. Si cette tendance démographique s'explique en partie, dans un contexte de régime de fécondité stable, du fait du plus faible nombre de personnes en âge de procréer, elle est également liée au fait d'un report des naissances et à une diminution du nombre d'enfants par femme. Un des facteurs explicatifs à cette tendance pourrait être un contexte socio-économique désincitatif109(*). Le fait que 160 000 parents sont empêchés de prendre ou reprendre un emploi faute de mode d'accueil adapté à leurs besoins et à leurs moyens et que cette situation pénalise particulièrement les femmes pourraient représenter un frein à la décision d'avoir un enfant.
En contribuant à la réalisation des objectifs de développement de 200 000 nouvelles places d'accueil en individuel et collectif, les mesures permettent de proposer des solutions d'accueil à davantage d'enfants de moins de trois ans et de soulager ainsi la crainte d'être contraint de cesser son activité professionnelle.
Au-delà de l'augmentation du nombre de places d'accueil, la création d'une compétence obligatoire pour l'ensemble des communes en matière d'information et d'accompagnement des parents d'enfants de moins de trois ans devrait contribuer à réduire la complexité de l'entrée dans la parentalité et de la recherche d'un mode d'accueil. Cette mesure de simplification est cohérente avec celle adoptée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 relative au complément de libre choix du mode de garde, favorisant la convergence des restes-à-charge entre l'accueil au sein d'une crèche « prestation service unique » et auprès d'un assistant maternel.
Ces dispositions ont vocation à augmenter la confiance des parents dans l'accompagnement dont ils pourront bénéficier à leur entrée dans la parentalité. Cette confiance sera notamment accrue par un renforcement de la qualité d'accueil. A cet effet, une compétence obligatoire en matière de soutien à la qualité d'accueil est confiée aux autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant.
La qualité d'accueil est un des critères essentiels pour faire de l'accueil du jeune enfant un levier d'investissement social.
En effet, l'étude de cohorte EDEN (Étude des déterminants du développement et de la santé de
l'enfant portant sur 1 428 enfants suivis de la grossesse jusqu'à l'âge de 8 ans) souligne que les enfants ayant été accueillis dans un mode d'accueil collectif présentent par la suite moins de difficultés dans l'interaction avec d'autres et facilitent l'ouverture vers le collectif. De la même façon, l'étude de cohorte ELFE (permettant le suivi de plus de 18 000 enfants depuis leur naissance en 2011 en France métropolitaine) suggère un meilleur développement lorsque l'accueil des enfants permet la pratique d'activités à visée éducative (soit les crèches, relais petite enfance, lieux d'accueil enfants-parents).
Le développement de 200 000 nouvelles places d'accueil et le renforcement du maillage du territoire en relais petite enfance auront des impacts importants en termes de développement des enfants et de prévention de la reproduction des inégalités sociales. En effet, comme le rappelle la revue des dépenses en matière de politiques d'accueil du jeune enfant conduite par l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale des finances en 2017, les travaux de l'économiste James Heckman soulignent que « l'investissement en faveur de la très petite enfance offre un rapport coût bénéfice considérable au regard des montants qui peuvent être dépensés en faveur de la lutte contre le décrochage scolaire au collège ou la lutte contre le chômage ».
La création d'une compétence obligatoire en matière d'information des familles pour toutes les communes et de pilotage quantitatif et qualitatif de l'offre d'accueil pour les communes de plus de 3 500 habitants permettra de faire de la petite enfance un service public à part entière qui favorisera le développement et le bien-être des enfants accueillis, la lutte contre les inégalités sociales et un des piliers d'une politique familiale nataliste.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Avant la réforme proposée, aucun acteur n'était désigné pour accompagner les modes d'accueil collectif en matière de qualité d'accueil et d'accompagnement des pratiques professionnelles en dehors du strict cadre du contrôle des établissements et des services.
La création d'une compétence obligatoire de soutien à la qualité d'accueil, notamment en matière d'amélioration continue des pratiques professionnelles, pour les communes de plus de 3 500 habitants devrait participer à l'amélioration de l'inclusion des familles et enfants présentant un handicap ou atteints de maladies chroniques et ainsi répondre à une demande croissante des parents. Elle pourra concrètement se traduire notamment par l'organisation de séances d'analyse de la pratique pour les directeurs et directrices de crèches, par la mise en place de journées de formation sur des thèmes spécifiques tels que l'accueil inclusif.
En effet, les critères de la qualité d'accueil sont définis au II de l'article L. 214-1-1 du code de l'action sociale et des familles. Ils incluent la mise en oeuvre d'un « accueil favorisant l'inclusion des familles et enfants présentant un handicap ou atteints de maladies chroniques ». Pour rendre effective cette inclusion, il est nécessaire d'accompagner les professionnels de l'accueil individuel et collectif à mieux répondre à la diversité des besoins des enfants accueillis. Cet accompagnement facilitera les adaptations de fonctionnement des modes d'accueil et des pratiques professionnelles. Le développement des relais petite enfance dont une des missions consiste à accompagner les professionnels de l'accueil individuel (assistant maternel, garde d'enfant à domicile), participera à également à cet objectif.
Il convient de préciser que le bonus « inclusion handicap » a augmenté entre 2021 et 2022 de 11%, passant de 22 793 M euros en 2021 à 25 307 M euros en 2022. Il bénéficie à 5 407 EAJE qui accueillent 12 004 enfants bénéficiaires porteurs de handicap ou en cours de détection. Cette progression montre le besoin des parents de confier leurs enfants au sein d'un établissement d'accueil du jeune enfant.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Selon l'Insee110(*), « en 2019, le revenu salarial des femmes reste inférieur en moyenne de 22 % à celui des hommes (28 % en 2000). Un peu moins d'un tiers de cet écart s'explique par des différences de durée de travail ». Les différences de durée de travail entre femmes et hommes sont fortement corrélées à leur vie de famille.
En effet, à la naissance d'un enfant, en raison des besoins de conciliation vie privée et vie professionnelle, les femmes restent toujours plus nombreuses que les hommes à interrompre ou à réduire leur activité professionnelle. La probabilité de cessation d'activité à la naissance d'un enfant est par ailleurs plus élevée pour les femmes les moins diplômées.
En 2020, 81 % des mères en couple ont une activité professionnelle contre 96 % des pères. Cette même année, les femmes qui travaillent sont « trois fois plus souvent à temps partiel que les hommes »111(*). En outre, « parmi les inactifs au sens du BIT, seuls 7 % des hommes le sont pour des raisons familiales ou se disent ``au foyer'' en 2018, contre 55 % des femmes »112(*). L'arrivée d'un enfant continue donc à affecter davantage la vie professionnelle des mères que des pères et a des effets durables sur le niveau de vie des femmes et les inégalités entre les femmes et les hommes. Ainsi, les femmes partent plus tardivement à la retraite que les hommes avec des pensions inférieures.
« Le moment de la naissance du premier enfant constitue une des périodes où les inégalités professionnelles entre hommes et femmes se forment » 113(*). L'effet de la parentalité sur l'activité professionnelle des femmes est particulièrement fort dans les trois premières années qui suivent une naissance. Selon la même étude de l'Insee, « entre 25 et 49 ans, le taux d'activité des mères est plus faible lorsque l'un des enfants est âgé de moins de 3 ans, surtout à partir de deux enfants. [...] En revanche, pour les pères âgés de 25 à 49 ans, en couple ou non, le taux d'activité varie peu avec le nombre et l'âge des enfants ». Durant cette période, les femmes recourent par ailleurs moins à la formation professionnelle continue, ce qui est pénalisant en termes d'évolution professionnelle. « 24 mois après la naissance, 13 % d'entre elles ont suivi au moins une formation de 18 heures ou plus (ce chiffre atteint 8 % pour celles qui ont suspendu leur activité professionnelle), contre 21 % des pères »114(*).
D'après la revue des dépenses en matière de politiques d'accueil du jeune enfant conduite par l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale des finances en 2017, environ 5 % des femmes ayant un emploi à temps partiel à la suite de la naissance de leur enfant l'ont fait de manière subie faute d'un mode d'accueil adapté à leurs besoins. Le développement important des places d'accueil qui sera généré par la rénovation de la gouvernance de la politique d'accueil du jeune enfant ainsi que l'accès facilité à l'information concernant la disponibilité des modes d'accueil et le reste-à-charge pour les familles devraient permettre aux femmes qui le souhaiteraient de poursuivre une activité à plein temps. Le manque de places d'accueil est particulièrement problématique pour les femmes en situation de monoparentalité.
Les dispositions proposées permettent donc de lutter contre les inégalités de salaires et de pensions liées aux interruptions d'activité professionnelle au moment de la naissance des enfants.
Par ailleurs, les interruptions professionnelles prolongée d'un seul des deux parents auprès de l'enfant ont des effets sur le long-terme sur la répartition au sein du foyer des responsabilités et tâches parentales souvent préjudiciables pour les femmes. Aussi, ces dispositions seront propices à une meilleure répartition des tâches entre les parents, participant ainsi à la lutte contre les stéréotypes de genre.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Au-delà de l'impact positif en matière d'investissement social détaillé précédemment, les dispositions proposées ont vocation à favoriser l'insertion des jeunes dans les métiers de la petite enfance. Selon une enquête réalisée par la Caisse nationale des allocations familiales en juillet 2022, il manque presque 10 000 professionnels au sein des établissements d'accueil du jeune enfant (postes vacants ou non pourvus). Aussi, il est prévu de modifier l'article L. 214-13 du code de l'éducation afin de mieux prendre en compte les besoins en matière de recrutement des professionnels de crèches.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Au-delà des impacts sur les parents et notamment les femmes, en matière de conciliation vie familiale et professionnelle, les dispositions proposées favorisent l'information des familles qui recherchent un mode d'accueil et leur accompagnement en particulier lorsqu'ils n'ont pas trouvé de solution d'accueil. La recherche d'un mode d'accueil est aujourd'hui régulièrement jugée comme « le parcours du combattant115(*) ». L'enquête conduite par Ipsos, auprès d'un échantillon représentatif de 1 083 personnes ayant un enfant âgé de 0 à 6 ans, dans le cadre de la consultation territoriale sur le service public de la petite enfance, souligne que la recherche d'un mode d'accueil est une étape angoissante pour les parents : 61 % estiment qu'il s'agit d'une source de stress importante, notamment pour les salariés à temps plein (66 %). Ce stress incite les parents à chercher une solution bien avant la naissance de leur enfant, 61% des parents déclarant avoir recherché un mode d'accueil pendant la grossesse. Seuls 12 % l'ont fait après l'accouchement. Enfin, 19% des parents déclarent ne pas avoir recherché de solution d'accueil, le plus souvent parce qu'ils souhaitent s'occuper eux-mêmes de leurs enfants après la naissance. Mais ces recherches n'ont pas forcément été fructueuses : un quart déclare ne pas avoir trouvé de solution d'accueil au moment de la naissance notamment au sein de l'agglomération parisienne (36 %) et auprès de ceux se déclarant actuellement en congé parental (36 %). A l'inverse, 50 % disent avoir trouvé une solution d'accueil et 25% n'ont pas cherché. A noter que 30 % des parents ont cherché un mode d'accueil pendant plus de trois mois (contre 70 % pendant trois mois ou moins).
Pour effectuer ces recherches, les lieux gérés par les collectivités territoriales sont cités par une large majorité de parents (66 %). Dans le détail, 38 % des parents se sont tournés en priorité vers des assistants maternels, 37 % auprès des crèches de leur quartier et 30 % vers leurs proches. Arrivent ensuite le relai petite enfance (28%), la mairie (27 %), un site Internet officiel (26 %), un site Internet dédié (18 % dont 26 % en Île-de-France), la protection maternelle infantile (14 %) ou un autre canal (9 %). De manière générale, la moitié des parents (50 %) aurait souhaité avoir accès à plus d'information sur les modes d'accueil.
Les dispositions proposées relatives à l'obligation d'information des familles sont de nature à améliorer l'accompagnement des parents à travers un interlocuteur unique et bien identifié notamment au sein des relais petite enfance, rendu obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants.
D'après l'enquête Ipsos, cité supra., lorsque les parents recourent à un assistant maternel, 28 % d'entre eux reconnaissant avoir eu des difficultés dans la gestion du contrat de travail. Les dispositions proposées, permettant également au relai petite enfance de réaliser pour le compte du parent employeur des tâches administratives, visent à soutenir les parents dans leur rôle d'employeur.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Néant.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Les mesures relatives à cet article ont été soumises à la consultation obligatoire de :
- la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), au titre de l'article L. 723-35 du code rural et de la pêche maritime, qui a rendu un avis favorable le 26 mai 2023 ;
- le Conseil d'administration de Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), au titre de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et selon le délai de droit commun prévu à l'article R. 200-3 du code de la sécurité sociale, qui a rendu un avis favorable le 24 mai 2023 ;
- le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), au titre de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, qui a rendu un avis défavorable le 26 mai 2023 ;
- Le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (Formation Enfance), au titre de l'article L. 142-2 du code l'action sociale et des familles, qui a rendu un avis le 26 mai 2023.
La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle s'est également prononcée sur cet article. Ses membres ont rendu leurs avis ont le 25 mai 2023 comme il suit :
o CFDT : favorable ;
o CGT : défavorable ;
o FO : défavorable ;
o CFTC : abstention ;
o CFE-CGC : prise d'acte ;
o MEDEF : prise d'acte ;
o CPME : favorable ;
o U2P : favorable ;
o Régions : défavorable.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les dispositions entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française, à l'exception de celles relatives :
- à la création de la qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant et des compétences qui s'y rattachent ;
- à l'intervention du président du comité départemental des services aux familles en cas de non mise en oeuvre (ou mise en oeuvre partielle) des compétences obligatoires mises à la charge des autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant de plus de 3 500 habitants.
Ces dispositions sont applicables au 1er septembre 2025.
Cette date d'application permet de donner un délai d'environ deux ans aux communes pour s'adapter aux nouvelles exigences qui leur incombent en tant qu'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant ou d'organiser, le cas échéant, le transfert de tout ou partie des compétences à l'échelon intercommunal. En outre, dans l'hypothèse où la stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant serait adoptée en 2024, l'intervention du président du comité départemental des services aux familles ne peut être effective qu'en 2027 (trois ans après).
En outre, cette application différée est cohérente avec la mise en oeuvre au plus tard au 1er juillet 2025 de la réforme du complément de libre choix du mode de garde pour le recours à l'emploi direct d'un assistant maternel ou d'une garde à domicile. En garantissant pour les familles employant ces professionnels pour l'accueil de leur enfant, un reste à charge équivalent à celui qu'ils auraient eu en recourant à une crèche Psu (appliquant le barème national des participations familiales), cette réforme, adoptée par la loi de financement de la sécurité sociale 2023, constitue une étape importante de la mise en oeuvre du service public de la petite enfance, complémentaire de la réforme de la gouvernance du secteur prévue par les mesures proposées dans le présent projet de loi.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions du code de l'action sociale et des familles s'appliquent de plein droit dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon régies par le principe de l'identité législative.
Les dispositions du code de l'éducation s'appliquent de plein droit dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon régies par le principe de l'identité législative.
Les dispositions du code de la santé publique s'appliquent de plein droit dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon régies par le principe de l'identité législative
L'article L.101-2 du code de l'urbanisme s'applique de plein droit dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution. Il ne s'applique pas à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces collectivités sont compétentes en matière d'urbanisme, conformément aux articles LO 6214-3 (2°), LO 6314-3 (II 1°) et LO 6414-1 (II 3°) du code général des collectivités territoriales.
Les dispositions précitées ne s'appliquent pas à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat sera pris pour préciser les dispositions relatives à la rénovation de la gouvernance des services aux familles avec notamment l'élaboration d'une stratégie nationale et la création d'une autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant.
Un décret simple sera nécessaire afin de préciser les modalités de détermination des priorités d'action en matière de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile concernant des modes d'accueil du jeune enfant.
TITRE V - DISPOSITIONS APPLICABLES DANS LES TERRITOIRES D'OUTRE-MER
Article 11 : Habilitation à légiférer par voie d'ordonnance pour les adaptations outre-mer
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Le présent article habilite le gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi permettant une adaptation de la présente loi aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution, ainsi qu'à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
1.1.1. Dispositions du code du travail
La gouvernance territoriale des politiques emploi, formation et insertion actuellement en vigueur est présentée de manière détaillée dans la présente étude d'impact à la faveur de l'article 4 du présent projet de loi.
Elle est organisée, au niveau régional, autour du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP) prévu par la loi ( article L. 6123-3 du code du travail) et d'instances régionales prévues par instruction à savoir notamment le service public de l'emploi régional), ou des comités thématiques par dispositifs. Au niveau départemental, autour d'instances du service public de l'emploi départemental et des instances attachées à l'insertion. Au niveau local, la situation est variable selon les territoires.
Par ailleurs, les comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles sont installés dans les collectivités d'outre-mer suivantes :
- En Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion en vertu des articles R. 6523-15 et suivants du code du travail ;
- A Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint Pierre et Miquelon, en vertu des articles R.6523-22 et suivants du code du travail ;
- A Mayotte, en vertu des articles R. 6523-26-1 et suivants du code du travail.
1.1.2. Dispositions du code de l'action sociale et des familles
Le cadre légal de la section 3 du code de l'action sociale et des familles (CASF) qui prévoit les droits et devoirs du bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA) (Livre II : différentes formes d'aide et d'action sociales ; Titre VI : lutte contre la pauvreté et les exclusions ; chapitre II : le revenu de solidarité active) - voir article 3 - est adapté dans les territoires où le revenu de solidarité active est recentralisé, à titre pérenne (Outre-Mer).
A la demande des collectivités, le financement et la gestion du revenu de solidarité active ont été transférés à l'Etat en Guyane, à Mayotte et à La Réunion. La recentralisation du revenu de solidarité active en Guyane et à Mayotte est mise en oeuvre depuis le 1er janvier 2019 à la suite de la parution concomitante de l'article 81 de la loi de finances pour 2019 et des décrets n° 2018-1321 du 28 décembre 2018 relatif à la recentralisation du revenu de solidarité active en Guyane et à Mayotte et n° 2019-371 du 26 avril 2019 relatif aux modalités d'échanges de flux pour la mise en oeuvre du RSA en Guyane et à Mayotte. A La Réunion, l'article 77 de la loi de finances pour 2020 et le décret n° 2019-1485 du 28 décembre 2019 relatif à la recentralisation du revenu de solidarité active à La Réunion ont transféré à l'Etat le financement et la gestion du RSA à compter du 1er janvier 2020.
Sont recentralisées les compétences d'instruction administrative, d'attribution, de contrôle et recouvrement des indus, le financement des prestations et l'orientation des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Ces compétences sont confiées par l'Etat à la caisse d'allocations familiales pour la Guyane et La Réunion et à la caisse gestionnaire du régime des prestations familiales à Mayotte.
Les droits et devoirs qui s'appliquent aux bénéficiaires du revenu de solidarité active sont les mêmes que ceux prévus à la section 3. Les compétences en matière d'orientation et de sanctions sont néanmoins transférées au directeur de la caisse d'allocations familiales (la caisse gestionnaire du régime des prestations familiales à Mayotte) et, pour la Guyane et la Réunion, une orientation supplémentaire vers la caisse d'allocations familiales est prévue pour les bénéficiaires recevant un revenu de solidarité active majoré. La signature des contrats d'engagement réciproques reste de la compétence de la collectivité d'Outre-mer du fait du maintien de la compétence d'insertion. Les équipes pluridisciplinaires sont constituées par le directeur de la caisse.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
En vertu de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
A l'expiration du délai, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.
Les articles 73 et 74 de la Constitution régissent les conditions dans lesquelles les lois et règlements s'appliquent soit de plein droit ou soit peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.
Le présent projet de loi s'applique aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte), régies par le principe de « l'identité législative » : s'y applique de plein droit le droit commun tel qu'issu des lois et règlements nationaux.
S'agissant des collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis-et-Futuna et Polynésie française) et de la Nouvelle-Calédonie, le principe de « spécialité législative » y prévaut.
Les statuts de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les soumettent toutefois à un régime d'assimilation législative qui prévoit un principe d'application de plein droit des lois et règlements sauf dans le domaine de leurs compétences.
Le revenu de solidarité active relève de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ayant valeur constitutionnelle qui dispose que « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». La détermination des obligations et du régime de sanctions applicables aux bénéficiaires du revenu de solidarité active doit tenir compte de cette exigence constitutionnelle qui fait du revenu de solidarité active le dernier filet de sécurité pour les personnes qui ne tirent que des ressources limitées de leur travail ou des droits qu'ils ont acquis en travaillant ou qui sont privés d'emploi.
En outre, la recentralisation du revenu de solidarité active à Mayotte, à La Réunion et en Guyane relève de l'article 73 de la constitution, qui dispose que « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. ».
Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées selon le cas, par la loi ou par le règlement.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
2.1.1. Pour les dispositions du code du travail
Les limites de la situation actuelle sont détaillées dans la présente étude d'impact à la faveur de l'article 4 du présent projet de loi.
Le projet de loi dans son article 4 organise les instances de gouvernance France Travail à chaque échelon territorial dans un objectif de simplification des instances pour mieux prendre en compte les besoins du territoire et davantage piloter par les résultats.
A ce titre, il crée, à chaque niveau territorial, une instance présidée par l'Etat et le président de la collectivité, signataire de la charte d'engagements France Travail :
- Au niveau régional, un comité France Travail qui se substitue à la commission obligatoire dite « commission emploi » au sein du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles ;
- Au niveau départemental, un comité départemental France Travail [et Solidarités] et intègre le service public de l'empli départemental ;
- Au niveau local, un comité France Travail local et intègre le service public de l'emploi de proximité.
2.1.2. Pour les dispositions du code de l'action sociale et des familles
Les constats posés au titre de l'article 3 de la présente loi se posent aussi pour les territoires d'Outre-Mer.
Pour autant, dans les territoires d'Outre-mer recentralisés, la recentralisation de la compétence d'orientation a permis d'améliorer significativement l'effectivité de l'entrée en parcours des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Le déploiement d'un outil numérique d'orientation et de suivi à La Réunion, l'outil Espoar, a contribué fortement à améliorer cette phase. La recentralisation du revenu de solidarité active a également permis de donner de nouvelles marges de manoeuvre aux collectivités d'outre-mer en matière d'insertion et de consolider la gouvernance entre les différents acteurs sur le territoire.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif poursuivi est d'assurer la possibilité pour le Gouvernement d'étendre et d'adapter la disposition de la présente loi aux différents collectivités d'outre-mer et veiller par ce biais à une application cohérente de la présente loi dans l'espace.
2.2.1. Pour les dispositions du code du travail
L'objectif est que la réforme France Travail s'applique sur l'ensemble du territoire de la République y compris en outre-mer mais s'agissant du point spécifique des instances territoriales l'objectif est d'adapter la mesure pour tenir compte des spécificités institutionnelles des collectivités territoriales uniques de Martinique, Guyane et Mayotte.
2.2.2. Pour les dispositions du code de l'action sociale et des familles
Dans les territoires recentralisés, les objectifs sont similaires aux objectifs posés à l'article 3 de la présente loi : contribuer à améliorer l'effectivité des droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active pour garantir un accompagnement adapté et qualitatif des personnes et, in fine, un retour à l'emploi.
Une attention est néanmoins portée au maintien des principes de la recentralisation, notamment en matière d'orientation et d'entrée en parcours dans les territoires d'Outre-mer et en matière de sanctions, compétences confiées par l'Etat aux caisses chargées du service de l'allocation (caisses des allocations familiales en Guyane et à la Réunion, caisse de sécurité sociale à Mayotte), pour pérenniser les évolutions qui ont fait leur preuve.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
L'alternative à la présente mesure aurait consisté à prévoir explicitement les dispositions d'adaptation aux outre-mer dans le présent projet de loi. Toutefois, afin de veiller à ce que toutes les adaptations nécessaires soient prévues pour les collectivités et territoires d'outre-mer, cette option a été écartée.
3.2. OPTION RETENUE
En application de l'article 38 de la Constitution, la présente mesure prévoit une habilitation à légiférer par voie d'ordonnance pour le Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, afin d'adapter les dispositions de cette loi aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
Durant un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement sera habilité à modifier la loi par voie d'ordonnance pour adapter les dispositions de cette loi aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance, le Gouvernement devra déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement.
L'impact des mesures que le Gouvernement décidera d'étendre et d'adapter aux collectivités d'outre-mer fera l'objet d'une évaluation dans le cadre de l'étude d'impact du projet d'ordonnance.
5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION
Concernant l'habilitation donné au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures prévues au présent article, un délai d'habilitation de six mois est nécessaire.
Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
* 1 Indicateur différent du taux de retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active figurant dans le projet annuel de performance (PAP) 2023 qui est plus large dans la mesure où il comprend l'ensemble des emplois, et pas seulement les emplois durables.
* 2 Source : Enquête Orientation et accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active - direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques.
* 3 Source : Pôle emploi pour les demandeurs d'emploi ; Pour les allocataires du revenu de solidarité active, la source est une estimation de la mission de préfiguration France Travail, sur la base des données d'effectifs des départements et le rapport de la cour des comptes sur le revenu de solidarité active.
* 4 Source : l'accompagnement global des demandeurs d'emploi, éclairages et synthèses, Pôle emploi, 2018.
* 5 Source : Quels effets de la Garantie Jeunes sur l'insertion professionnelle de ses bénéficiaires. Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques, 2023.
* 6 Données de mai 2023, Pour les première cohortes de jeunes inscrits à Pôle emploi, qu' il soient suivi par PE ou les ML (environ 50 % des jeunes inscrits°
* 7 Source : Enquête Orientation et accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active - direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques.
* 8 Source : Pôle emploi et Enquête entreprises dans le cadre de la mission de préfiguration France Travail.
* 9 Source : « Estimation à partir de la base des déclarations préalables à l'embauche.
* 10 Source : « Are Active Labor Market Policies Directed at Firms Effective? Evidence from a Randomized Evaluation with Local Employment Agencies », Algan, Crépon, Glover, 2023 ; Evaluation du dispositif Action recrut', Pôle emploi.
* 11 Coût estimé par la mission pour une personne en modalité « Renforcé » à Pôle emploi.
* 12 Source : Bureau des minima sociaux, Direction générale de la cohésion sociale.
* 13 Source : Chiffres clés 2022, UNML, i-Milo.
* 14 Source : « Cap emploi », Site du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion, août 2022.
* 15 Source : Panorama chiffré, Apec, mars 2023.
* 16 Articles L. 262-15, L. 262-16 et D. 262-28 du code de l'action sociale et des familles : l'instruction de la demande de revenu de solidarité active peut être réalisée par les services du département, les caisses d'allocations familiales ou les caisses de Mutualité Sociale Agricole (MSA), voire par les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale ou des associations (L.262-15). Le service de l'allocation du revenu de solidarité active est réalisé par la caisses d'allocation familiale ou la mutualité sociale agricole (L.262-16).
* 17 Article L. 115-2 du code de l'action sociale et des familles.
* 18 Article L. 262-29 du code de l'action sociale et des familles
* 19 Source : Minima sociaux et prestations sociales, DREES, 2022
* 20 Article L.262-29 du code de l'action sociale et des familles.
* 21 Source : Enquête Orientation et accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active - direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, 2021.
* 22 Cour des comptes, « Le revenu de solidarité active », 13 janvier 2022.
* 23 Enquête OARSA, 2021
* 24 Source : Chiffres clés 2022, UNML, i-Milo.
* 25 Source : Etude Pôle emploi, novembre 2018, « l'accompagnement global des demandeurs d'emploi : une réponse adaptée aux besoins d'un public particulièrement fragilisé »).
* 26 Source : Rapport public, Cour des comptes, « Le Revenu de Solidarité Active », janvier 2022
* 27 Source : « Minima sociaux et prestations sociales », édition 2022, DREES
* 28 Moyenne en juin 2022.
* 29 Conseil constitutionnel, décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, Loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, cons. 26.
* 30 Conseil constitutionnel, décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l'égalité des chances, cons. 19.
* 31 Décision n° 2006-535 DC précitée, cons. 20.
* 32 Conseil constitutionnel, 29 mai 1990, n° 90-274 DC
* 33 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-760 DC du 18 janvier 2018
* 34 Article R. 262-65-2 du code de l'action sociale et des familles.
* 35 Source : « Plus d'un tiers des CDI sont rompus avant un an », Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques, 2015.
* 36 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022, Loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
* 37 DREES, panorama des minima sociaux, 2022
* 38 Enquête OARSA, 2021
* 40 Article L.262-35 du CASF.
* 41 Article L.262-36 du CASF.
* 42 Le revenu de solidarité active, rapport public thématique de la Cour des comptes, Janvier 2022
* 43 Enquête OARSA 2021.
* 44 « Le revenu de solidarité active », rapport public thématique de la Cour des comptes, Janvier 2022.
* 45 Panorama des minima sociaux, édition 2022 / Enquête auprès des bénéficiaires de minima sociaux (BMS) de 2018.
* 46 « Le revenu de solidarité active », rapport public thématique de la Cour des comptes, Janvier 2022.
* 47Panorama des minima sociaux, édition 2022 / Enquête auprès des bénéficiaires de minima sociaux (BMS) de 2018
* 48 Le revenu de solidarité active, rapport public thématique de la Cour des comptes, Janvier 2022 : les résultats sont issus d'une étude de satisfaction commandée par la Cour des comptes à BVA. Les résultats se basent sur un échantillon de de 1011 bénéficiaires du RSA et 305 anciens bénéficiaires.
* 49 Expression consacrée par Thibaut GUILLUY, rapport de la mission de préfiguration de France travail, 19 avril 2023.
* 50 La terminologie utilisée à l'actuel article L.262-37 du CASF, qui prévoit une « suspension » de l'allocation, correspond en réalité à une sanction de suppression : le bénéficiaire sanctionné ne peut récupérer les sommes non-perçues lorsqu'il se conforme à ses obligations.
* 51 Source I-milo / site internet de l'Union nationale des missions locales, 2022.
* 52 5% des 436 missions locales sont constituées sous forme de groupement d'intérêt public.
* 53 Source : chiffres clés des missions locales, Union nationale des missions locales ( https://www.unml.info/le-reseau/les-chiffres-cles/)
* 54 Aussi dénommés deuxième et troisième cercles historiquement dans le cadre d'instructions et de circulaires relatives au service public de l'emploi. Au premier rang ou cercle, figurent les services de l'Etat chargés de l'emploi et de l'égalité professionnelle, Pôle emploi, les Cap Emploi et les Missions locales, opérateurs généralistes porteurs de l'ensemble des solutions d'accompagnement. Les acteurs de deuxième rang ou cercle comportent les collectivités territoriales - régions, départements, EPCI. Enfin, le troisième rang ou cercle comprend tous les autres acteurs qui n'apportent qu'une partie des solutions d'accompagnement dans la construction de parcours et enrichissent ainsi l'offre de solution.
* 55 La loi Notre constitue le troisième volet de la réforme des territoires souhaitée par le Président de la République, après la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (loi MAPTAM),
* 56 Conseil constitutionnel, 29 mai 1990, n° 90-274 DC
* 57 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-760 DC du 18 janvier 2018
* 58 Conseil constitutionnel, décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000.
* 59 Données issues du rapport de la Cour des comptes, « Le revenu de solidarité active (RSA) », janvier 2022.
* 60 Idem.
* 61 Idem.
* 62 loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au veillisssement
* 63 Source : Institut national de la statistique et des études économiques.
* 64 Cette expression provient de la démarche Service public plus, visant à simplifier les démarches des usagers et à partager certaines informations. « Une fois pour tous » correspond au dépôt d'une offre auprès d'un opérateur ou acteur. Ce dépôt permettra une information à tous les réseaux, visant une meilleure satisfaction du besoin et une plus grande réactivité.
* 65 https://www.pole-emploi.org/poleemploi/mission/nos-missions.html?type=article
* 66 Insee, enquêtes Emploi annuelles jusqu'en 2002 ; enquête Emploi en continu à partir de 2003.
* 67 Les missions locales et l'opérateur sont les deux acteurs de la mise en oeuvre du CEJ.
* 68 « Quels taux de retour à l'emploi pour les demandeurs d'emploi formés ? », Dares Analyses n°11, février 2022 et « Quelles sont les chances de retour à l'emploi après une formation ? L'apport de la base ForCe pour l'analyse des trajectoires individuelles du chômage vers l'emploi », Documents d'études, n°261, août 2022.
* 69 Troisième rapport du comité scientifique de l'évaluation du Plan d'investissement dans les compétences | DARES (travail-emploi.gouv.fr).
* 70 56,9% en 2021 et 58,9% au T1 2022, avec des différences importantes selon la typologie des formations : 30% pour les formations aux savoirs de base ; 35% pour les formations de pré-qualification ; 47% pour les formations de perfectionnement et d'élargissement des compétences ; 52% pour les formations certifiantes et enfin 79% pour les formations d'adaptation au poste de travail.
* 71 64% des demandeurs d'emploi se déclarent satisfaits de l'aide apportée par Pôle emploi, quand 88% s'estiment satisfaits de la formation elle-même.
* 72 Données Pôle emploi, 2022.
* 73 « Les difficultés de recrutement depuis la reprise de l'activité en 2021 », Eclairage et Synthèses, Pôle emploi,décembre 2021.
* 74 Source : Quelles sont les chances de retour à l'emploi après une formation ? Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques, 2022.
* 75 Extrait d'une étude menée avec l'un des attributaires : « l'offre de formation pilotée nationalement permet de compléter l'offre existante. Les besoins qui ne seront pas couverts en termes de métiers du numérique en Ile-de-France pour 2030 s'élèvent à 116 000 emplois, et à 16 000 emplois pour la région Hauts-de-France (DARES). En d'autres termes, il faudrait former en moyenne tous les ans respectivement 16 500 et 2 300 demandeurs d'emploi supplémentaires - en plus de l'offre existante - pour atteindre ces objectifs. A titre de comparaison, ces volumes sont entre deux et trois fois supérieurs aux nombre d'entrées en formation totaux (couvrant entre trois et quatre années d'exécution) ouverts dans le cadre des dispositifs régionaux.
* 76 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
* 77 Source Pôle emploi - statistiques du marché du travail- https://statistiques.pole-emploi.org/
* 78 Source : dossier de presse CNH du 26 avril 2023.
* 79 Conférence nationale du handicap, Dossier de presse, publié le 26 avril 2023.
* 80 V. notamment décision n° 2012-656 DC du 24 octobre 2012.
* 81 Circulaire n° DGCS/SD3B/SD5A/DGEFP/METH/2021/237 du 31 décembre 2021 relative au fonctionnement et au déploiement des dispositifs emploi accompagné en mode plateforme.
* 82 Rapport du 24 février 2023 du Collectif France pour la recherche et la promotion de l'emploi accompagné (CFEA) à partir des données issues de l'outil DAMAaas au titre de l'année 2022.
* 83 Source : Institut national de la statistique et des études économiques.
* 84 Source : Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), 2021.
* 85 Chiffre répartition par genre - données - Extranet -EA2- Agence de services et de paiement 2022.
* 86 Ulis : unités localisées pour l'inclusion scolaire.
* 87 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
* 88 Rapport d'activité 2021 des maisons départementales des personnes handicapées (CNSA).
* 89 Articles L. 243-1 à L. 243-6, L. 311-4, L. 3121-1, L. 344-1-1 à L. 344-2-5 et R. 243-1 à D. 243-31 du code de l'action sociale et des familles.
* 90 Décret n° 2022-1561 du 13 décembre 2022 relatif au parcours professionnel et aux droits des travailleurs handicapés admis en établissements et services d'aide par le travail.
* 91 Décret n° 2022-1614 du 22 décembre 2022 relatif au calcul de l'allocation aux adultes handicapés en cas d'activité simultanée et à temps partiel en milieu ordinaire et dans un établissement et service d'aide par le travail.
* 92 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62013CJ0316
* 93 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000031652562
* 94 Décision du Défenseur des droits n° 2019-160 : « La question s'est posée de savoir si cette décision de la CJUE serait susceptible d'avoir comme conséquence la reconnaissance du statut de salarié aux usagers de l'ESAT en considérant que cette relation de travail particulière réunit les conditions du lien de subordination entrainant l'application du droit du travail.
Pour le Défenseur des droits, cette requalification du contrat n'apparait cependant pas souhaitable ni pour les ESAT ni pour leurs usagers. En effet, cela viendrait à transformer en contrat de travail la relation particulière entre la personne handicapée accueillie et l'encadrant, qui est aujourd'hui basée sur un soutien et un accompagnement médico-social. ».
* 95 Enquête 2018 de la DREES auprès des établissements et services pour enfants et adultes handicapés (ES-Handicap).
* 96 Lettre de l'Observatoire nationale de l'accueil du jeune enfant, décembre 2022, n°7.
* 97 Drees, Etudes et résultats n°1257, février 2023
* 98 Rapport du HCFEA sur l'« Accueil des enfants de moins de 3 ans : relancer la dynamique » adopté le 7 mars 2023 (pages 280-287).
* 99 La Prestation de service unique - PSU - est une modalité de financement des établissements d'accueil du jeune enfant offrant une tarification nationale accessible.
* 100 Synthèse du séminaire organisé par la Cnaf, France Stratégie et le HCFEA, « Premiers pas. Développement du jeune enfant et politique publique », octobre 2021
* 101 Voir également le n° 322 du Trésor-Eco de janvier 2023, « Les inégalités d'accès aux crèches et leurs enjeux économiques » de la direction générale du Trésor.
* 102 La Prestation de service unique - PSU - est une modalité de financement des établissements d'accueil du jeune enfant offrant une tarification nationale accessible.
* 103 Plan « Rebond petite enfance » (2021-2022) : mesures visant à soutenir l'activité des structures d'accueil de la petite enfance fragilisées par la crise sanitaire.
* 104 Ordonnance n° 2021-611 du 19 mai 2021 relative aux services aux familles.
* 105 Décision n° 2011-144 QPC du 30 juin 2011.
* 106 Données issues de BANATIC.
* 107 Données Pôle Emploi, 2021
* 108 Décision n° 2008-569 DC du 7 août 2008, considérant 13 : "13. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; que ces dispositions ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire ; que, dans cette hypothèse, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales ;"
* 109 D. Breton, Nicolas Belliot, Magali Barbieri, et al., L'évolution démographique récente de la 2022, En région comme au niveau national, des comportements démographiques encore marqués par la Covid-19, INED
* 110 Philippe Roussel, Femmes et hommes : une lente décrue des inégalités, Insee Références - Vue d'ensemble, Édition 2022.
* 111 Ibid.
* 112 Ibid.
* 113 P.Mayeur et G. Turan- Pelletier (IGAS), J-B. Castet, C. Hérody et F.Werner (IGF), La politique d'accueil du jeune enfant - Revue de dépenses 2017.
* 114 Ibid.
* 115 Constat notamment établi dans le cadre des rencontres organisées au cours du Conseil national de la refondation dédié à la petite enfance.