EXPOSÉ DES MOTIFS

La convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée par la France et l'Ukraine le 31 janvier 1997 respecte les principes posés par le modèle de convention établi par l'OCDE. Sur certains points, elle tient compte des particularités des fiscalités internes des deux Etats.

Les principales dispositions en sont les suivantes :

L'article premier précise que la convention s'applique aux résidents d'un Etat contractant ou des deux Etats contractants.

L'article 2 énumère les impôts couverts par la convention. Le point 1 du Protocole annexé à la convention précise les règles conventionnelles applicables à la taxe sur les salaires.

L'article 3 énonce, selon l'usage, les définitions nécessaires à l'interprétation des termes utilisés dans la convention. Il précise que le droit fiscal prévaut sur les autres branches du droit pour l'interprétation des termes non définis par ailleurs dans la convention.

L'article 4 définit la notion de " résident ", qui constitue un critère essentiel de répartition des droits d'imposer entre les deux Etats. Le paragraphe 4 précise que sont des résidents les Etats eux-mêmes, leurs collectivités locales (et subdivisions politiques dans le cas de l'Ukraine) et leurs personnes morales de droit public ainsi que, dans le cas de la France, les sociétés de personnes et autres groupements de personnes dont le siège de direction effective est en France et qui sont soumis par la législation interne française au régime fiscal prévu notamment à l'article 8 du code général des impôts.

L'article 5 reprend dans l'ensemble la notion classique de l'établissement stable. Toutefois, il ajoute à la liste d'exemples traditionnels d'installations fixes qui sont considérées comme constituant un établissement stable, un local utilisé comme point de vente, et une structure utilisée pour l'exploration de ressources naturelles si sa durée est supérieure à six mois.

L'article 6 prévoit, comme il est d'usage, l'imposition des revenus des biens immobiliers au lieu de situation de ces biens. Les biens immobiliers sont définis par rapport à la législation de l'Etat où ils sont situés. Le point 2 du Protocole précise cette définition. Les revenus des actions, parts ou autres droits, conférant au détenteur la jouissance de biens immobiliers situés dans l'un des Etats contractants, sont imposables dans cet Etat.

L'article 7 relatif à l'imposition des bénéfices des entreprises reprend la règle classique selon laquelle les entreprises d'un Etat exerçant une activité industrielle ou commerciale dans l'autre Etat n'y sont assujetties à l'impôt sur les bénéfices que si leur activité y est exercée par l'intermédiaire d'un établissement stable et à raison des seuls bénéfices imputables à cet établissement. Par ailleurs, le paragraphe 3 traitant des dépenses déductibles pour la détermination des résultats imposables de l'établissement stable apporte des précisions sur les paiements effectués entre un établissement stable et le siège sous la dénomination de redevances, de commissions ou d'intérêts. Ces précisions confirment en les officialisant dans la convention les orientations retenues dans les commentaires du modèle de convention de l'OCDE.

L'article 8 pose le principe de l'imposition exclusive des bénéfices du transport international dans l'Etat de résidence de l'exploitant de l'entreprise. Il est par ailleurs précisé que l'article 8 s'applique aux revenus accessoires tirés par l'entreprise de la location "coque nue" de navires et d'aéronefs exploités en trafic international et aux revenus tirés de l'exploitation de conteneurs utilisés en trafic international.

L'article 9 règle, conformément au modèle de l'OCDE, le cas des transferts de bénéfices entre entreprises associées.

L'article 10 fixe le régime applicable aux dividendes. L'Etat de la source peut imposer les dividendes à un taux n'excédant pas 15 % de leur montant brut. Toutefois, ce taux est ramené à 5 % lorsque les dividendes sont payés à une société qui détient directement ou indirectement 10 % -dans le cas d'une société résidente de France- ou 20 %- dans le cas d'une société résidente de l'Ukraine- du capital de la société qui paie les dividendes.

En outre, un régime d'imposition exclusive à la résidence est prévu pour les dividendes payés aux sociétés qui détiennent directement ou indirectement au moins 50 % du capital d'une société distributrice si l'investissement dans la société distributrice atteint au moins 5 millions de francs ou s'il est inférieur à ce chiffre à la condition qu'il soit garanti par l'Etat, sa banque centrale ou toute autre personne agissant pour le compte de cet autre Etat.

Le transfert de l'avoir fiscal attaché aux dividendes de source française est prévu, dans les conditions habituelles, pour les distributions de bénéfices qui y ouvriraient droit selon la législation interne française et qui reviennent :

- soit à des personnes physiques résidentes d'Ukraine ;

- soit à des sociétés résidentes d'Ukraine qui détiennent, directement ou indirectement, moins de 10 % du capital de la société qui paie les dividendes.

Les résidents d'Ukraine qui n'ont pas droit au transfert de l'avoir fiscal peuvent obtenir le remboursement du précompte acquitté par la société distributrice à raison de ces dividendes.

La définition des dividendes est reprise du modèle de l'OCDE. Toutefois, afin de lever le doute sur la solution à appliquer aux distributions déguisées ou occultes, cette définition couvre tous les revenus soumis au régime fiscal des distributions de bénéfices.

L'article 11 prévoit, au paragraphe 1, que les intérêts ne sont imposables que dans l'Etat de résidence de la personne qui les reçoit.

Toutefois, l'Etat de la source peut imposer les intérêts provenant de contrats conclus à compter de la date d'entrée en vigueur de la convention à un taux n'excédant pas :

- 2% du montant brut des intérêts lorsqu'il s'agit d'intérêts bancaires, d'intérêts payés à une institution financière ou d'intérêts payés par une entreprise à une autre entreprise dans le cadre de crédits commerciaux ;

- 10% dans tous les autres cas, à l'exclusion des intérêts suivants qui sont exonérés dans l'Etat de la source :

- intérêts payés ou reçus par un Etat contractant, sa banque centrale, l'une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales ;

- intérêts correspondant à une dette assurée ou garantie par une de ces entités publiques ou par une personne agissant pour son compte.

L'article 12 fixe le régime applicable aux redevances. L'Etat de la source peut imposer les redevances pour l'usage ou la concession de l'usage d'un droit d'auteur (à l'exclusion de droits sur les logiciels) à un taux n'excédant pas 10 % de leur montant brut.

Les autres redevances ne sont imposables que dans l'Etat de résidence de la personne qui les reçoit.

Toutefois, au cours de la période de douze mois suivant la date d'entrée en vigueur de la convention, l'Etat de la source peut imposer les redevances payées en rémunération de l'usage ou de la concession de l'usage d'une marque de fabrique ou de commerce, d'un dessin ou d'un modèle à un taux n'excédant pas 5 % de leur montant brut.

Enfin, le point 6 du Protocole exclut explicitement certaines catégories de paiements (pour les services techniques, études d'ingéniérie ou activités de conseil) de la définition des redevances.

L'article 13 définit le régime applicable aux gains en capital. Le dispositif de base est conforme au modèle de l'OCDE. Il est complété par des dispositions qui permettent en particulier à la France d'appliquer sa législation interne aux cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière qui sont assimilés à des biens immobiliers.

Les articles 14, 15 et 16 traitent respectivement, de l'imposition des revenus des professions libérales et autres activités à caractère indépendant, des salaires et des rémunérations des administrateurs de sociétés. Leurs dispositions sont dans l'ensemble conformes à celles du modèle de l'OCDE. Il est précisé au point 7 du Protocole que le régime prévu pour les administrateurs de sociétés à l'article 16 de la convention est applicable également aux fonctions de gérance ou de direction visées à l'article 62 du code général des impôts.

L'article 17 relatif aux artistes et aux sportifs reprend les dispositions habituelles des conventions conclues par la France.

L'article 18 concerne les pensions du secteur privé et les rentes. Ces catégories de revenus sont imposables uniquement dans l'Etat de résidence du bénéficiaire. Toutefois, le paragraphe 2 empêche cet Etat d'imposer les pensions de sécurité sociale, à concurrence du montant de l'" allocation aux vieux travailleurs salariés " et de l'" allocation supplémentaire ".

L'article 19 définit le régime d'imposition des rémunérations et pensions publiques. Il maintient conformément au modèle de l'OCDE le principe de l'imposition exclusive des rémunérations publiques dans l'Etat de la source, sauf lorsque le bénéficiaire, dans le cas des rémunérations, rend les services dans l'autre Etat où il réside et sauf lorsqu'il possède la nationalité de cet Etat sans posséder en même temps celle du premier Etat. Dans ce cas, l'imposition revient à l'Etat de résidence.

L'article 20 permet d'exonérer, sous certaines conditions, les sommes perçues par les étudiants.

L'article 21 concerne le régime fiscal des revenus qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la convention. Selon la règle habituelle, ces revenus ne sont imposables que dans l'Etat de résidence de leur bénéficiaire à moins qu'ils ne soient rattachables à un établissement stable ou une base fixe que leur bénéficiaire possède dans l'autre Etat.

L'article 22 définit les règles d'imposition de la fortune qui sont directement inspirées du modèle de l'OCDE. Il comporte une disposition particulière qui consiste à aligner le régime d'imposition des actions, parts ou droits dans une société à prépondérance immobilière sur celui des immeubles.

L'article 23 traite des modalités d'élimination des doubles impositions.

La France retient la méthode du crédit d'impôt pour l'imposition des revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'en Ukraine selon les dispositions de la convention et qui sont considérés comme des revenus imposables d'un résident de France par la législation française.

Le crédit est calculé de façon différente selon les revenus :

a) revenus -soumis à l'impôt français sur les sociétés- consistant en bénéfices des entreprises ou en plus-values sur biens mobiliers qui font partie de l'actif d'un établissement stable, dividendes, intérêts, redevances, plus-values provenant de l'aliénation de biens immobiliers, de parts ou d'actions de sociétés à prépondérance immobilière, rémunérations reçues au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un aéronef, rémunérations d'administrateurs de sociétés, revenus des artistes et des sportifs : le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt ukrainien effectivement supporté à titre définitif conformément aux dispositions de la convention ; lorsque cet impôt excède l'impôt français correspondant à ces revenus, ce crédit est limité au montant de l'impôt français ;

b) revenus autres : le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. Cette méthode équivaut à une exemption avec progressivité.

En matière d'impôt sur la fortune, la France accorde un crédit d'impôt égal à l'impôt ukrainien perçu sur les éléments de fortune imposables en Ukraine selon les dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 22 de la convention. Ce crédit ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces éléments de fortune.

Du côté ukrainien la méthode du crédit d'impôt a été également retenue pour les revenus et la fortune.

L'article 24 est relatif à la non-discrimination. La non-discrimination relative aux personnes physiques qui sont des nationaux d'un Etat contractant est prévue au paragraphe 1 de cet article. Elle est étendue aux apatrides par le paragraphe 2. Le cas des entreprises est réglé aux paragraphes 3, 4 et 5.

Le bénéfice des exonérations ou avantages prévus par la législation d'un Etat en faveur de cet Etat, de ses collectivité territoriales (ou subdivisions politiques dans le cas de l'Ukraine) et de leurs personnes morales de droit public dont l'activité n'a pas un caractère industriel ou commercial est étendu aux entités de même nature de l'autre Etat.

Par ailleurs, la déduction des cotisations versées par un salarié résident d'un Etat à des caisses de retraite de l'autre Etat peut être autorisée sous certaines conditions.

Les dispositions relatives à la non-discrimination s'appliquent aux impôts de toute nature, y compris ceux qui ne sont pas couverts par la convention.

Dans le cas d'une société qui est un résident d'Ukraine et dont 20 % au moins du capital est détenu directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents de France ou qui est contrôlée par eux, le point 10 du Protocole précise que les intérêts, redevances et salaires payés par la société ukrainienne sont déductibles pour la détermination de son bénéfice imposable. Un principe analogue s'applique dans le cas d'un établissement stable ou à une base fixe situés en Ukraine d'un résident de France.

L'article 25 organise la procédure habituelle de concertation amiable entre les autorités compétentes des deux Etats.

L'article 26 autorise, avec les restrictions d'usage, les échanges de renseignements nécessaires pour l'application des dispositions de la convention et de la législation interne de chaque Etat relative aux impôts visés par la convention.

L'article 27 prévoit une assistance au recouvrement applicable aux impôts de toute nature ou dénomination.

L'article 28 traite de manière classique des membres des missions diplomatiques et des postes consulaires et des membres des missions permanentes auprès d'organisations internationales.

L'article 29 prévoit les modalités d'application de la convention et subordonne l'application des avantages conventionnels en matière de dividendes, d'intérêts et de redevances à la présentation de formulaires d'attestation de résidence, à moins que les autorités compétentes des Etats n'en conviennent autrement.

Par ailleurs, le point 5 du Protocole prévoit que les Etats contractants s'efforceront d'appliquer directement les avantages conventionnels en ce qui concerne la suppression ou la réduction des retenues à la source en matière de dividendes, intérêts et redevances.

L'article 30 précise les dates d'entrée en vigueur et de prise d'effet de la convention.

L'article 31 arrête les modalités selon lesquelles la convention pourra être dénoncée.

La convention est complétée d'un Protocole dont les principales dispositions ont été commentées avec les articles correspondants.

Telles sont les principales observations qu'appelle la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune qui est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole), délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole), signée à Paris le 31 janvier 1977 et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 26 août 1998

Signé : LIONEL JOSPIN

Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,

Signé : HUBERT VÉDRINE