LE RÉFÉRÉ ADMINISTRATIF
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES (octobre 1998)
Table des matières
-
NOTE DE SYNTHESE
- 1) La suspension des effets d'un acte administratif peut être ordonnée dans tous les pays étudiés
- 2) En Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni, le juge peut prononcer des mesures provisoires à l'encontre de l'administration, et, en Italie, un projet de loi prévoit d'attribuer les mêmes prérogatives au tribunal administratif
- ALLEMAGNE
- BELGIQUE
- ESPAGNE
- ITALIE
- ROYAUME-UNI
NOTE DE SYNTHESE
En France, le
traitement de l'urgence par le juge administratif est vivement critiqué. La
multiplication des procédures d'urgence particulières, considérée comme
inefficace, a
conduit certains à proposer l'introduction d'un référé administratif. Cette
procédure
permettrait au juge administratif de régler provisoirement un litige en cas
d'urgence,
tout comme le juge judiciaire que le code de procédure pénale autorise à
"
prescrire
en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui
s'imposent
".
Les réflexions menées actuellement dans notre pays autour de l'introduction d'un
référé administratif conduisent naturellement à s'interroger sur l'existence de
procédures équivalentes chez nos principaux voisins, l'
Allemagne
, la
Belgique
,
l'
Espagne
, l'
Italie
et le
Royaume-Uni
.
L'examen de la législation et de la jurisprudence dans ces cinq pays permet de
mettre en
évidence que :
-
si le juge peut ordonner la suspension des effets d'un acte administratif
dans tous
les pays étudiés...
- ... il ne peut prononcer d'autres mesures provisoires à l'encontre de
l'administration
qu'en Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni.
1) La suspension des effets d'un acte administratif peut être ordonnée dans tous les pays étudiés
Alors qu'en
Belgique, en Espagne et en Italie, la suspension
fait l'objet d'une
requête
spécifique, elle est automatique en Allemagne,
où la loi sur la
juridiction
administrative prévoit l'effet suspensif du recours en annulation et du recours
administratif qui en constitue le préalable obligatoire. Ce principe connaît
certes
quelques exceptions, législatives ou administratives, mais la Cour
constitutionnelle
estime que la décision de l'administration d'ordonner l'exécution immédiate
doit rester
exceptionnelle.
Au Royaume-Uni, où il n'existe pas de tribunaux administratifs, le juge peut
enjoindre à
l'administration de surseoir à l'exécution d'une décision s'il l'estime
nécessaire.
Peu importe que le requérant lui ait ou non adressé une requête spécifique. La
décision de suspendre l'acte administratif est prise de façon discrétionnaire
par le
juge.
2) En Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni, le juge peut prononcer des mesures provisoires à l'encontre de l'administration, et, en Italie, un projet de loi prévoit d'attribuer les mêmes prérogatives au tribunal administratif
En Allemagne et
en Belgique, la loi a en effet institué un référé administratif, tandis qu'au
Royaume-Uni, c'est l'évolution jurisprudentielle récente qui permet aux
tribunaux de
prendre des mesures provisoires pour sauvegarder les intérêts des particuliers
face à
l'administration.
En revanche, cette possibilité n'existe ni en Espagne, ni en Italie. Dans ce
dernier
pays, toutefois, une réforme législative devrait permettre l'introduction
prochaine d'un
référé administratif.
a) Le référé administratif en Allemagne et en Belgique
En
Allemagne
,
la loi sur la juridiction administrative prévoit que le
juge compétent au
fond
peut,
dans certaines circonstances, prendre une ordonnance de référé. En
Belgique
, les
lois coordonnées sur le
Conseil d'Etat
ont été modifiées en 1991 pour
que ce
dernier puisse prendre des mesures provisoires.
Le juge administratif allemand ne peut pas prononcer d'ordonnance de référé
dans les
cas où l'effet suspensif s'applique, c'est-à-dire notamment dans les litiges
portant sur
l'annulation d'une décision administrative. En revanche, il peut le faire
lorsque l'effet
suspensif a été écarté -par une loi ou par une décision administrative-, ainsi
que
lorsque le requérant réclame l'obtention d'une prestation ou la reconnaissance
d'un
droit par exemple. La loi prévoit deux catégories d'ordonnances de référé, les
unes,
dites de sauvegarde, tendent à " geler " la situation,
tandis que les
autres, dites de réglementation, se traduisent par des mesures provisoires qui
empêchent
la survenance de dommages liés au caractère tardif de la décision principale du
juge.
A l'inverse, le Conseil d'Etat belge ne peut prendre de mesures provisoires que
si le juge
de l'excès de pouvoir est saisi d'une demande de suspension de l'exécution d'un
acte.
Par ailleurs, la loi ne donne aucune indication sur les mesures provisoires
qu'il peut
ordonner.
b) Le pouvoir discrétionnaire des tribunaux anglais de prendre des mesures provisoires pour sauvegarder les droits des particuliers face à l'administration
Le fait qu'aucune injonction ne puisse être prononcée par le juge contre la Couronne constituait une règle fondamentale du droit anglais jusqu'au début des années 90, mais la jurisprudence a évolué sous l'influence du droit communautaire. Depuis 1993, elle reconnaît en effet aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures provisoires de sauvegarde des droits des particuliers lorsque l'attribution de dommages-intérêts ne constitue pas une solution satisfaisante.
c) La réforme italienne envisagée
Un projet de loi
relatif à la justice administrative a été déposé au Sénat en décembre 1997. Il
fait
suite au dépôt de plusieurs propositions de loi à la Chambre des députés et à
celui
d'un projet antérieur à la dissolution parlementaire.
Le projet actuellement étudié par la commission des lois modifierait la loi de
1971 sur
les tribunaux administratifs régionaux pour leur permettre de prendre des
mesures
conservatoires autres que la suspension lorsque l'exécution de l'acte contesté
risquerait de produire des dommages graves et irréparables. La réforme envisagée
constituerait l'aboutissement d'une ouverture jurisprudentielle perceptible
depuis le
milieu des années 80.
* *
*
Si le projet de loi italien est adopté, l'Espagne sera, parmi nos proches voisins, le seul à ne pas avoir introduit le référé administratif sous une forme ou sous une autre.
ALLEMAGNE
La
Loi
fondamentale
énonce que
"
quiconque est lésé dans ses droits fondamentaux par la
puissance publique
dispose d'un recours juridictionnel
". Pour garantir l'application
de ce
précepte constitutionnel, et en particulier pour assurer la protection
provisoire des
droits des particuliers contre les décisions de l'administration, la
loi
sur la
juridiction
administrative
a prévu deux dispositifs :
|
I. LA SUSPENSION DES EFFETS D'UN ACTE ADMINISTRATIF
Les recours en
annulation et les recours administratifs préalables suspendent automatiquement
les effets
des actes contestés.
Un particulier qui veut obtenir l'annulation d'un acte administratif individuel
ne peut
pas saisir directement le tribunal administratif. Il doit tout d'abord déposer
un
recours
administratif préalable
(1(
*
))
au cours duquel
la
légalité et l'opportunité
de la décision administrative sont examinées.
C'est
seulement si le recours administratif préalable est rejeté que l'intéressé peut
intenter une action en annulation devant le tribunal administratif.
L'article 80 de la loi de 1960 sur la juridiction administrative prévoit
l'effet
suspensif du recours en annulation et du recours administratif qui en constitue
le
préalable obligatoire.
1) Le principe de l'effet suspensif
Le recours
administratif préalable au recours en annulation suspend la décision contestée.
Ainsi,
le propriétaire d'un immeuble faisant l'objet d'un arrêté de démolition n'est
pas tenu
de démolir dans la mesure où il dépose un recours administratif préalable contre
l'arrêté. De même, le recours administratif préalable portant sur un permis de
construire accordé à un voisin empêche celui-ci de commencer ses travaux.
L'effet suspensif constitue une application de l'exigence constitutionnelle de
protection
des droits des citoyens. L'article 19-4 de la Loi fondamentale dispose en effet
que
"
quiconque est lésé dans ses droits par la puissance publique
dispose d'un
recours juridictionnel "
. Selon la Cour constitutionnelle, cette
disposition
empêche l'introduction en droit allemand de la règle générale selon laquelle
les actes
administratifs sont immédiatement exécutoires.
L'effet suspensif s'applique à partir de la date de publication de l'acte. Les
mesures
d'application déjà prises doivent donc être rapportées.
L'effet suspensif cesse :
- soit lorsque la décision est devenue incontestable, par exemple du fait de
l'absence de
dépôt d'une action en annulation après le rejet du recours administratif
préalable ;
- soit, dans l'hypothèse où l'action en annulation a été rejetée en première
instance, trois mois après l'expiration du délai légal au cours duquel le
pourvoi
contre la décision rendue en première instance doit être motivé.
2) Les exceptions au principe
L'effet suspensif peut être écarté par la loi ou par une décision administrative expresse. Après avoir été écarté, il peut être rétabli par l'administration ou par le juge administratif.
a) Les exceptions législatives
La loi sur les
tribunaux administratifs en prévoit deux. Elle exclut l'effet suspensif
pour :
- les décisions et mesures urgentes prises par les fonctionnaires de
police ;
- le recouvrement de prélèvements publics. Il s'agit essentiellement des impôts
locaux,
qui relèvent de la compétence de la juridiction administrative (les autres
impôts
relevant de celle des juridictions financières), ainsi que des redevances et
taxes
correspondant à des prestations publiques.
La loi sur les tribunaux administratifs prévoit également que d'autres
exceptions
peuvent être édictées par une loi fédérale ou par une loi d'un Land. Ainsi, les
actions intentées contre des décisions prises en application de la loi sur la
procédure
d'asile n'ont, pour la plupart, pas d'effet suspensif.
b) Les exceptions administratives
Dans tous les
cas, l'autorité dont émane l'acte, ainsi que celle qui est compétente pour
statuer sur
le recours administratif préalable, peuvent décider l'exécution immédiate de
l'acte
contesté. Cette décision doit, sauf urgence extrême, être motivée et justifiée
soit
par l'intérêt général (retrait du permis de conduire fondé sur le danger
menaçant la
collectivité), soit par l'intérêt majeur de l'une des parties.
D'après la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, la décision de
l'administration
d'ordonner l'exécution immédiate doit rester exceptionnelle.
c) Le rétablissement de l'effet suspensif
Par
l'administration
Lorsque l'effet suspensif a été écarté par la loi ou par l'administration, il
peut,
sauf disposition contraire du droit fédéral, être rétabli par l'autorité qui a
pris
la décision contestée ou par celle qui est compétente pour statuer sur le
recours
administratif préalable.
En matière de recouvrement de prélèvements publics, le rétablissement de l'effet
suspensif est impératif "
s'il existe des doutes sérieux sur la
régularité de
l'acte administratif individuel attaqué ou si l'exécution devait avoir pour le
redevable
un caractère de dureté inéquitable, non justifié par des intérêts publics
dominants
".
Le rétablissement est demandé par l'administration elle-même ou par l'une des
parties.
Par le juge administratif
Le juge administratif compétent au fond peut aussi, s'il est saisi d'une
demande,
rétablir l'effet suspensif d'une décision administrative.
Le requérant destinataire de l'acte, ou le tiers concerné, doit mettre en avant
une
plausible violation de ses droits et l'absence de solution permettant d'obtenir
plus
simplement le rétablissement de l'effet suspensif.
Pour prononcer le sursis, le juge met en balance l'intérêt du requérant et
celui des
autres parties en présence.
* *
*
Ce dispositif
s'est révélé insuffisant dans l'hypothèse où l'acte administratif apporte un
avantage
ou une charge à un tiers. C'est pourquoi, depuis
la révision adoptée en
1990
, la
loi sur la juridiction administrative prévoit le cas des
actes administratifs
individuels qui ont des effets à l'égard des tiers
.
Dans l'hypothèse où l'acte cause un préjudice à un tiers, si celui-ci introduit
un
recours, l'administration compétente pour le recours administratif préalable
peut
ordonner l'exécution immédiate sur requête du bénéficiaire, ou surseoir à
l'exécution sur requête du tiers et préserver les droits de ce dernier par des
mesures
conservatoires.
Inversement, si l'acte crée des obligations à son destinataire et des droits au
profit
de tiers, l'exécution immédiate peut être ordonnée à la demande d'un tiers.
Cependant, le tribunal, saisi par les parties, peut modifier ou suspendre les
mesures
prises par l'administration.
II. LES MESURES PROVISOIRES
La loi sur la
juridiction administrative prévoit à l'article 123 que le tribunal peut, dans
certaines
circonstances, prendre une
ordonnance de référé
.
Cette procédure ne peut être utilisée qu'en dehors des cas où l'effet
suspensif
s'applique. Elle est donc exclue lorsque le litige principal porte sur
l'annulation d'une
décision administrative
. En revanche, elle peut être utilisée lorsque le
requérant
réclame l'émission d'un acte administratif individuel, l'obtention d'une
prestation
(versement d'une somme d'argent par exemple), ou la reconnaissance d'un droit.
Elle permet à un particulier de demander au juge administratif compétent au
fond de
prendre soit une ordonnance de sauvegarde comportant des mesures provisoires,
soit une
ordonnance de réglementation comportant des mesures d'urgence.
Le requérant doit prouver la nécessité d'une telle ordonnance : il doit faire
valoir
une atteinte à ses droits, à laquelle il ne peut être remédié par un autre
moyen que
par une ordonnance en référé. Pour prendre sa décision, le juge doit évaluer les
probabilités de succès du recours principal et estimer les différents intérêts
en
présence. Le juge ne peut prendre que des mesures provisoires.
1) Les ordonnances de sauvegarde
Une ordonnance de sauvegarde peut être demandée s'il existe " un risque qu'une modification de la situation existante rende impossible ou sensiblement plus difficile la réalisation d'un droit du requérant ". Elle vise donc au maintien du statu quo : ainsi, elle peut empêcher la promotion d'un fonctionnaire avant qu'il ne soit statué sur le recours d'un concurrent qui s'estime plus apte.
2) Les ordonnances de réglementation
Le juge administratif peut aussi prendre une ordonnance de réglementation " pour régler une situation provisoire concernant un rapport litigieux lorsque cette réglementation paraît nécessaire, notamment dans le cas de rapports de droit s'étendant dans le temps, pour écarter des préjudices substantiels ou faire échec à une violence imminente ou pour d'autres raisons ". Une telle ordonnance peut permettre par exemple l'inscription provisoire d'un étudiant ou l'allocation provisoire de prestations sociales à un demandeur.
* *
*
En pratique, il est difficile de délimiter le domaine des ordonnances de sauvegarde et celui des ordonnances de réglementation. On constate cependant que les secondes sont beaucoup plus utilisées que les premières.
BELGIQUE
Les procédures
d'urgence ont été
modifiées par la
loi du 19 juillet 1991
, qui introduit un référé
administratif dans les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.
|
I. LA SUSPENSION DES EFFETS D'UN ACTE ADMINISTRATIF
1) La requête
La demande en
suspension doit être introduite par une requête distincte mais néanmoins
accessoire
à la requête en annulation
. Elle doit être déposée au plus tard en même
temps
que cette dernière.
Sous l'empire de la loi de 1989, la demande de suspension avait pour effet de
suspendre
automatiquement l'acte attaqué
. Suite à la paralysie qui en a découlé, cette
mesure a été supprimée : seul un
arrêt
du Conseil d'Etat peut désormais
ordonner une suspension.
2) La juridiction compétente
L'article 17
nouveau des lois coordonnées limite la compétence de suspension du Conseil
d'Etat
"
aux actes et règlements pris par une autorité administrative
susceptibles
d'être annulés en vertu de l'article 14, alinéa premier
" des lois
coordonnées.
Dans les autres cas, c'est le juge judiciaire statuant en référé qui demeure
compétent.
Le Conseil d'Etat n'est en effet compétent que lorsque les conditions suivantes
sont
respectées :
- l'
acte
qui fait grief
doit émaner d'une autorité
administrative
;
- l'acte doit avoir le caractère d'une
décision
;
-
tout recours
préalable
instauré par une disposition législative
ou
réglementaire
doit avoir été exercé
.
De plus, les articles 92 et 93 de la constitution limitent la compétence du
Conseil
d'Etat puisque, de façon générale, ils confient au
pouvoir judiciaire le soin
d'examiner les contestations portant sur des droits subjectifs
,
c'est-à-dire celles
qui ont pour objet des droits civils ou politiques. Le Conseil d'Etat tranche
des
questions de droit objectif.
Les conflits éventuels d'attribution entre le Conseil d'Etat et les tribunaux
et cours
judiciaires sont tranchés par la Cour de cassation.
3) La procédure de suspension
a) La procédure normale
Les parties
ayant été entendues ou appelées, la suspension est ordonnée par un arrêt de la
chambre compétente au fond, qui doit être rendu dans les
quarante-cinq
jours
suivant l'introduction de la requête. Si la suspension a été ordonnée, il est
statué
sur la requête en annulation dans un délai de
six mois
.
La suspension est ordonnée si :
- les moyens invoqués apparaissent
sérieux
et de
nature à justifier
l'annulation de l'acte attaqué
;
- l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer un
préjudice grave
difficilement réparable
.
b) La procédure d'urgence
Dans les cas
d'extrême urgence, la suspension peut être ordonnée à titre provisoire par un
juge
unique. Si les parties n'ont pu être entendues, elles doivent être convoquées
dans les
trois jours devant la chambre qui statue sur la confirmation de suspension.
Si les parties ont été entendues, l'arrêt de confirmation doit être prononcé
dans les
quarante-cinq jours.
II. LES MESURES PROVISOIRES
1) La requête
En vertu de
l'article 18 des lois coordonnées, il appartient au Conseil d'Etat de prendre
seul les
mesures
provisoires nécessaires en vue de sauvegarder l'intérêt des parties ou des
personnes
qui ont intérêt à la solution de l'affaire
.
Les mesures provisoires ne peuvent être ordonnées que si le juge est
parallèlement
saisi d'une demande visant à la suspension de l'exécution d'un acte.
2) L'examen de la requête
La demande de
mesures provisoires est soumise aux mêmes conditions de fond que la demande en
suspension.
La loi ne donne pas d'indications précises sur les mesures qui peuvent être
ordonnées.
La palette des mesures envisageables est donc large, mais deux limites
s'imposent au
juge :
- le Conseil d'Etat n'est pas compétent pour donner des injonctions à
l'administration ;
- les mesures provisoires ne peuvent avoir pour objet des droits civils.
La procédure est semblable à celle de la demande en suspension, sous réserve
des points
suivants :
- les mesures provisoires peuvent être demandées après le dépôt de la requête en
annulation ;
- aucun délai n'est prévu pour rendre l'arrêt statuant sur des mesures
provisoires ;
- l'arrêt doit être rendu à l'unanimité de la chambre compétente pour statuer
sur le
fond.
En cas d'urgence, la procédure est identique à celle instituée pour la
suspension.
* *
*
Le référé
administratif instauré par la loi de 1991 présente de nombreux avantages par
rapport au
référé judiciaire :
- il présente les avantages classiques des recours adressés au juge de l'excès
de
pouvoir (procédure inquisitoriale, accès du requérant au dossier et délais
réglementés) ;
- il produit ses effets
erga omnes
puisque tout administré et toute
administration
sont tenus de s'y conformer ;
- il est examiné dans des délais très rapides, tout comme l'est ensuite la
requête en
annulation.
Toutefois, deux inconvénients majeurs subsistent. D'une part, le Conseil d'Etat
ne peut
ordonner la suspension d'une décision administrative sans que celle-ci ait
préalablement
fait l'objet d'un recours administratif, alors même que ce recours n'a pas
d'effet
suspensif. D'autre part, il n'est pas permis d'introduire une requête en
suspension
postérieurement à une requête en annulation.
ESPAGNE
Le
contentieux administratif espagnol
connaît une seule mesure de protection provisoire : la suspension des actes
administratifs,
admise dans certaines circonstances. En règle générale,
les recours
contre les décisions de l'administration n'ont pas d'effet suspensif. En
effet,
la loi
ne prévoit la suspension des effets des actes administratifs que dans des
conditions
restrictives. Cependant, la jurisprudence accueille assez volontiers les
demandes de
suspension
.
|
I. LA SUSPENSION DES EFFETS D'UN ACTE ADMINISTRATIF
La suspension
fait l'objet d'une
requête spécifique.
Elle peut être demandée au
tribunal
saisi du recours principal à tout moment après le dépôt de ce dernier.
La loi sur la juridiction administrative prévoit que le juge peut ordonner la
suspension
d'un acte si son "
exécution devait provoquer des dommages ou des
préjudices
impossibles ou difficiles à réparer
".
La loi n'autorise donc la suspension des effets des actes administratifs que
dans des
conditions assez restrictives
puisqu'elle ne se satisfait pas de la bonne
foi ou du
caractère sérieux de la requête.
Face à la rigidité de cette règle, la doctrine plaide pour le développement des
mesures de protection provisoire, et
les tribunaux ont développé une
jurisprudence
assez favorable aux requérants
. Depuis l'entrée en vigueur de la
constitution de
1978, ils ont en effet tendance à faire droit aux demandes de suspension
manifestement
fondées, même si elles ne répondent pas aux conditions exigées par la loi. De
plus, en
1992, le Tribunal constitutionnel a déclaré que la suspension constituait un
élément
de la protection due à chaque citoyen en vertu de
l'article 24 de la
constitution
qui énonce : "
Toute personne a le droit d'obtenir la
protection
effective des juges et des tribunaux pour exercer ses droits et ses intérêts
légitimes,
sans qu'en aucun cas cette protection puisse lui être refusée
. "
En règle générale, le Tribunal suprême admet la suspension en matière de
démolition,
de retrait d'autorisations professionnelles, de fermeture d'établissements
ouverts au
public, d'expulsion d'étrangers et de refus de prolongation des sursis
d'incorporation
militaire. En revanche, il a tendance à ne pas admettre la suspension pour les
questions
d'urbanisme, et en particulier pour les expropriations. Dans les autres
domaines, sa
position fluctue.
II. LE RECOURS SPECIFIQUE POUR PROTEGER LES DROITS FONDAMENTAUX
La loi organique
sur le Tribunal constitutionnel établit que, tant que les dispositions de
l'article 53-2
de la constitution
(2(
*
))
ne seront pas appliquées
par une loi
spécifique, c'est la voie contentieuse devant la juridiction administrative
décrite par
la loi 62/1978 relative à la protection des droits fondamentaux qui demeure la
procédure
juridique de protection des droits et des libertés fondamentales préalable au
recours
d'amparo
(3(
*
))
.
En effet, cette loi, qui est antérieure à la constitution, décrit trois
procédures
juridiques, administrative, civile et pénale, destinées à protéger les droits
fondamentaux (droits d'expression et d'association, liberté et secret de la
correspondance, liberté religieuse... ).
En particulier, en cas d'atteinte aux droits fondamentaux par l'administration,
elle
prévoit l'utilisation devant le juge administratif d'une
procédure
contentieuse
sommaire
qui se caractérise notamment par
l'absence de recours
préalable
,
ainsi que la
suspension
des effets de l'acte contesté
, sauf si
cette
suspension risque de causer "
un préjudice grave à l'intérêt général
".
ITALIE
Les recours
contentieux contre les
décisions de l'administration n'ont pas d'effet suspensif, mais il est
possible, après
introduction d'une requête en suspension, d'obtenir du tribunal
administratif régional
la suspension de l'acte contesté.
|
I. LA SUSPENSION DES EFFETS D'UN ACTE ADMINISTRATIF
La suspension
fait l'objet d'une
requête spécifique.
L'article 21 de la
loi de 1971
sur les
tribunaux régionaux
énonce en effet :
" Si le requérant,
alléguant
les dommages graves et irréparables qui découleraient de l'exécution de l'acte,
en
demande la suspension, le tribunal administratif régional se prononce sur la
demande par
une ordonnance motivée prise en chambre du conseil. "
En pratique,
le juge accorde assez généreusement le sursis à exécution
lorsque
le risque de "
dommages graves et irréparables "
existe
et qu'en outre, le requérant avance un
fondement juridique sérieux.
La procédure de suspension est indépendante de la procédure principale et les
ordonnances de sursis sont susceptibles d'appel.
II. LES MESURES PROVISOIRES
1) L'évolution jurisprudentielle
La Cour
constitutionnelle reconnaît depuis quelques années au juge administratif la
possibilité
de prendre des
mesures provisoires autres que la suspension.
En effet,
en 1985, à
l'occasion d'un litige d'ordre patrimonial en matière de fonction publique, la
Cour
constitutionnelle a reconnu au juge administratif le pouvoir de prendre les
mesures
d'urgence les plus appropriées pour protéger le requérant des effets d'un
jugement
tardif sur le fond.
Cette ouverture de la jurisprudence présente toutefois une portée limitée car
elle ne
concerne que les litiges relatifs à des droits subjectifs. Dans les autres cas,
les
ordonnances de sursis demeurent la seule protection envisageable.
2) La prochaine réforme législative
Les procédures
d'urgence du contentieux administratif devraient être modifiées par voie
législative
dans les prochains mois. En effet, un projet de loi relatif à l'accélération des
procès, présenté au Parlement en 1994, c'est-à-dire avant la dissolution
parlementaire, comportait plusieurs mesures relatives au contentieux
administratif.
Il prévoyait notamment l'institution de
" mesures préventives
provisoires ",
c'est-à-dire de procédures d'urgence autres que le
sursis
à exécution. Ce projet a été repris par une proposition de loi déposée à la
Chambre
des députés en février 1997. Une proposition de loi sur l'accélération de la
procédure administrative contentieuse, déposée à la Chambre des députés en juin
1997, a elle-même repris la partie de la proposition précédente consacrée au
contentieux administratif. Actuellement, il semble que le
projet de loi
n° 2934
portant dispositions en matière de justice administrative, déposé au Sénat le 10
décembre 1997
, ait plus de chances d'aboutir que les deux autres textes.
Ce texte, qui modifierait la loi de 1971 sur les tribunaux administratifs
régionaux, leur
permettrait de prendre d'autres mesures conservatoires que la suspension lorsque
l'exécution de l'acte contesté risquerait de produire des
" dommages graves
et irréparables ".
Cette condition serait assez restrictive, car le tribunal n'accepterait les
demandes de
mesures conservatoires que dans l'hypothèse d'une
" certitude
raisonnable
quant aux succès du recours ".
ROYAUME-UNI
Le fait
qu'aucune
injonction
ne
puisse être
prononcée par le juge contre la Couronne
constituait
une règle
fondamentale du droit anglais jusqu'au début des années 90.
En
conséquence, le juge
n'accordait le sursis à exécution sous forme d'injonction que dans des cas
très
exceptionnels.
|
(1) Quelques
exceptions à ce principe sont prévues par la loi, et le Tribunal administratif
fédéral
en a développé d'autres.
(2) L'article 53-2 de la constitution prévoit que : " Tout
citoyen pourra
demander la protection des libertés et des droits reconnus à l'article 14 et à
la
section première du chapitre deux devant les tribunaux ordinaires par une
action fondée
sur les principes de priorité et de la procédure sommaire et, le cas échéant,
par le
recours individuel d'amparo devant le Tribunal constitutionnel ". Les
droits
mentionnés sont les droits fondamentaux et les liberté publiques.
(
3
) Le recours d'amparo permet aux particuliers victimes d'une violation
de leurs
droits fondamentaux par l'administration de saisir le Tribunal
constitutionnel.