PAYS-BAS
Les Pays-Bas se sont engagés, dès les années 1980, dans une politique de simplification de la législation et de la réglementation qui a préludé à la création, en 2000, de l'Autorité consultative de contrôle de la pression normative 10 ( * ) (Adviescollege toetsing regeldruk, ACTAL) .
On examinera successivement les grandes étapes du déroulement de la politique de simplification, notamment en direction des entreprises, puis les missions et l'activité actuelles d' ACTAL .
I. LA POLITIQUE DE SIMPLIFICATION MISE EN oeUVRE DEPUIS 2007
Sans remonter aux origines de la politique néerlandaise de simplification qui a débuté durant les deux dernières décennies du XX e siècle, on s'en tiendra ici, d'une part, aux importantes décisions politiques prises en 2007 et 2010 et, d'autre part, à la généralisation de la démarche connue sous le nom de « cadre d'évaluation intégral de la politique et de la réglementation » ou démarche « IAK ».
A. UNE VOLONTÉ POLITIQUE RÉAFFIRMÉE EN 2007 ET 2010
Deux grands cycles de simplification se sont déroulés entre septembre 2007 et le printemps 2010, d'une part, puis à compter de l'automne 2010, de l'autre.
• Les objectifs fixés entre 2007 et 2010
Aux Pays-Bas, la simplification est devenue un sujet politique qui figure dans les programmes établis à l'occasion de la constitution des gouvernements de coalition qui dirigent le pays.
C'est ainsi que l'accord de coalition du 7 février 2007 qui a présidé à la formation du gouvernement Balkenende IV 11 ( * ) prévoyait que : « La lourde charge de travail administratif serait diminuée et que l'intervention efficace des pouvoirs publics dans leur ensemble serait favorisée, par la diminution systématique du nombre de "couches " administratives mêlées à tout sujet, sans modifier l'organisation administrative établie par la Constitution. Les mots d'ordre étant, en la matière, la différentiation et le "sur mesure" ».
Venant après l'étude intitulée Éliminer la paperasserie que l'OCDE consacra à la simplification administrative en 2003 12 ( * ) , la « Note sur le renouvellement de l'administration nationale » publiée par le Gouvernement Balkenende IV en septembre 2007 soulignait la nécessité, pour les pouvoirs publics, de :
- limiter les règles au strict nécessaire ;
- supprimer les coûts administratifs superflus ;
- et mettre en oeuvre un contrôle efficace.
En ce qui concerne les entreprises, cette note fixait pour objectif de :
- diminuer les coûts administratifs de 25 % ;
- limiter les « coûts de mise en oeuvre » (nalevingskosten) disproportionnés ;
- accélérer les procédures d'autorisation en étendant l'application du principe selon lequel le silence de l'administration vaut approbation ;
- faire en sorte que le régime des subventions soit simplifié ;
- et améliorer l'information des entrepreneurs.
En avril 2010, un bilan de cette politique estimait à 329 millions d'euros le montant des économies réalisées en matière de « coûts de mise en oeuvre » et soulignait le caractère pionnier de la démarche du pays dans ce domaine, considérant qu'à terme près de 544 millions d'euros étaient susceptibles d'être économisés à ce titre.
En matière de simplification, le même document évoquait l'instauration des « dates annuelles fixes de changement » et la création d'un site internet dédié aux réponses consécutives aux questions des entreprises.
Soulignant la nécessité de l'» intériorisation » de la politique de réduction des coûts par l'administration, le rapport faisait état de conventions signées entre ACTAL , l'autorité chargée de la surveillance en la matière, et les ministères, afin que ceux-ci soient désormais responsables ex ante de l'évaluation des mesures, d'une part, et du recours à la procédure « IAK » (voir infra ) par l'administration lors de la préparation des textes, d'autre part.
• La politique de simplification à compter de l'automne 2010
L'accord du 30 septembre 2010 concernant la formation du Gouvernement Rutte-Verhagen 13 ( * ) prévoyait quant à lui, dans le même sens que le précédent :
- une diminution des coûts et de la « pression normative » pour les entreprises de 10 % par rapport à 2010 ;
- une réduction du nombre des enquêtes statistiques de l'équivalent de l'INSEE ;
- une diminution annuelle des coûts administratifs de 5 % par an à compter de 2012 ;
- une réforme d' ACTAL destinée à lui permettre de réaliser un contrôle externe sur la base des réclamations qui lui seraient adressées, d'une part, et d'utiliser la méthode du naming and shaming , d'autre part ;
- une « trêve des inspections » (inspectievacantie) pour les entreprises, résultant d'un recours à l'auto-certification (certificering) ;
- et une automatisation de l'attribution des autorisations, hormis dans le cas de demandes concernant le droit des étrangers.
B. DES INITIATIVES ORIGINALES
1. Le recours au modèle des « coûts standards » pour l'évaluation quantitative des charges
Les Pays-Bas ont été parmi les pionniers à recourir, dès 2002, au modèle des « coûts standards » afin de mesurer les coûts résultant pour les entreprises des décisions des pouvoirs publics. Cette méthode, utilisée concomitamment par quelques États membres de l'OCDE, a montré qu'à cette époque 16,4 milliards d'euros, soit 3,6 % du PIB néerlandais, étaient absorbés par l'ensemble des charges administratives. L'encadré ci-après, tiré du rapport de l'OCDE intitulé Éliminer la paperasserie , publié en 2007, présente les grands traits de cette méthode.
Méthodologie du modèle de coûts standards Source : OCDE, Éliminer la paperasserie : Des stratégies nationales pour simplifier les formalités administratives , 2007, p. 48. Le modèle des coûts standards (MCS) mesure les coûts administratifs imposés aux entreprises par les réglementations du gouvernement central. Les coûts sont principalement déterminés par des entretiens avec les entreprises. Grâce à ces entretiens, il est possible de préciser en détail le temps que les sociétés passent pour respecter les réglementations du gouvernement. 1 Le MCS décompose la réglementation en composantes gérables que l'on peut mesurer : obligations d'information, données exigées et activités administratives. 2 Le MCS estime ensuite le coût que représente chaque activité sur la base de quelques paramètres de coûts simples : le prix : le prix est composé d'un tarif, des salaires et des frais généraux consacrés aux activités administratives en interne ou des coûts horaires pour les services externes ; le temps : le temps requis pour accomplir l'activité administrative ; la quantité : la quantité est composée de la taille de la population d'entreprises concernées et de la fréquence à laquelle cette activité doit être effectuée chaque année. 3 L'association de ces éléments donne la formule de base du MCS : Coût par activité administrative = Prix x Temps x Quantité Les obligations d'information sont des obligations de fournir des informations et des données au secteur public ou à des tiers (par exemple rapports sur les conditions de travail, fourniture d'étiquetage). Une « exigence de données » représente chaque élément d'information qui doit être fourni pour respecter une obligation d'information. Chaque obligation d'information est composée d'au moins une « exigence de données » (par exemple numéro de TVA, identité de l'entreprise). Pour fournir des informations pour chaque « exigence de données », un nombre donné d'activités administratives doit être réalisé. Ces activités peuvent être faites en interne ou être sous traitées. Elles peuvent être mesurées (par exemple description, calcul, archivage des informations). |
2. Le cadre d'évaluation intégral de la politique et de la réglementation : la démarche « IAK »
La démarche dénommée « Cadre d'évaluation intégral de la politique et de la réglementation » (Integraal Afwegingskader voor beleid en regelgeving, IAK) résulte de l'initiative prise, en 2008, par les directeurs chargés de la législation dans les différents ministères. Démarche inspirée du Regulatory Impact Assessment (RIA) mis en oeuvre dans plusieurs pays, elle repose sur l'utilisation des technologies de l'information pour la préparation des politiques publiques et des textes normatifs. Elle fut, initialement, aussi destinée à éviter la multiplication des instruments d'évaluation, des manuels de procédure et de coordination des processus administratifs dans et entre les ministères, puisqu'elle concerne tant les politiques publiques que la préparation de la législation par les ministères.
Le Gouvernement a présenté, dans une lettre du 14 avril 2011 du ministre de la Justice au président de la Seconde chambre des États Généraux (tweede Kamer) , l'homologue de l'Assemblée nationale française, sa démarche en matière de réduction des coûts administratifs. Elle fait suite à une initiative du précédent Gouvernement communiquée au Parlement en décembre 2009.
La politique qui repose sur l'utilisation systématique de la procédure dénommée « cadre d'évaluation intégral de la politique et de la réglementation » tend à ce que « seule voie le jour une réglementation qui soit vraiment nécessaire et proportionnée, caractérisée par une pression normative (regeldruck) , la plus faible possible » 14 ( * ) .
La démarche concerne les textes soumis au Parlement par le Gouvernement. Ceux-ci doivent être accompagnés par les réponses à sept questions destinées à mettre en évidence le caractère adéquat des solutions proposées par le projet en question. Ces questions sont les suivantes :
1. Quelle est l'origine du projet ?
2. Qui concerne-t-il ?
3. Quel est le problème posé ?
4. Quel est l'objectif poursuivi ?
5. Qu'est-ce qui justifie l'intervention des autorités ?
6. Quel est le meilleur instrument en termes de légalité, d'efficacité et d'« exécutabilité » ?
7. Quelles sont les conséquences des mesures pour les citoyens, les entreprises, les pouvoirs publics et l'environnement ?
Le ministère de la Sécurité et de la Justice gère le programme au niveau national, fournissant une aide à distance (helpdesk) , un correspondant « IAK » étant de surcroît désigné dans chaque ministère. Ces questions sont traitées par le biais d'un dossier d'examen (afwegingsdossier) numérique, mis en partie (les administrations peuvent échanger des informations non accessibles à tout un chacun) à la disposition du public sur Internet ( naarhetiak.nl ), qui présente les étapes de l'adoption du projet et le contenu des réponses aux questions évoquées supra .
Depuis le mois de février 2009, date de sa première utilisation, la démarche IAK a été systématisée, permettant un examen des projets selon une procédure formalisée en plusieurs phases, précisant les « points de passage obligés » de la réflexion. Progressivement amélioré en collaboration avec les ministères utilisateurs, cet instrument repose sur le respect de dix-huit « exigences de qualité » (kwaliteitseisen) et la mise à disposition des décideurs et des rédacteurs des informations destinées à la préparation des textes. Le système, accessible sur Internet, est doté de trois fonctions :
- réunir des informations et les rendre accessibles afin de permettre les échanges entre les administrations ;
- mettre en ordre les procédures, par la nécessité de répondre de façon systématique, « pas à pas », aux sept questions précitées ;
- et établir un compte rendu (rapportage) des informations conservées afin de permettre leur réutilisation.
La gestion de l'instrument - perfectionné sur la base de 22 projets-pilotes lancés en 2010 - permet d'instituer de nouvelles exigences (eisen) à respecter et de supprimer celles qui seraient devenues inutiles.
Depuis le 1 er septembre 2011, les projets dotés des effets les plus importants sont examinés par la « Commission administrative sur l'évaluation des effets » (ambtelijke commissie voor effecttoetsing, CET) , constituée sur le modèle des Impact assessment boards créés dans certains pays. Présidée par le ministre de l'Économie, cette commission réunit des représentants des différents ministères et examine, sur la base d'un programme annuel, les résultats des évaluations effectuées.
Dans son audit de l'évolution du « fardeau normatif » 15 ( * ) ACTAL a relevé qu'au cours de ses neuf premiers mois de fonctionnement, le CET n'avait étudié que 7 dossiers, sur les 269 susceptibles d'avoir un impact en la matière, dont 53 (20 %) avaient été examinés par ACTAL qui a recommandé qu'à terme, ce comité analyse au moins un quart des dossiers et que ses observations soient rendues publiques.
C. LES PROGRAMMES DE RÉDUCTION DE LA PRESSION DES RÈGLES
1. Le programme de réduction des règles concernant les entreprises 2007-2011
Selon le Gouvernement, le programme de réduction de la pression normative (Regeldruk) aurait permis une réduction des coûts administratifs 16 ( * ) :
- de 329 millions d'euros (- 13 %) pour les entreprises ;
- et de 25 % des coûts pour les particuliers, aussi bien en temps qu'en euros.
2. Le programme de réduction de la pression des règles 2011-2015
Le programme de réduction de la pression des règles 2011-2015 (Programma Regeldruck Bedrijven 2011-2015) a été publié le 8 février 2011.
Conçu comme une partie de la politique gouvernementale concernant les entreprises, ce programme repose sur :
- des objectifs quantitatifs ;
- la prévention d'une nouvelle pression normative ;
- l'amélioration du service fourni ;
- et des modalités de contrôle.
En termes d' objectifs quantitatifs , le Gouvernement a prévu une diminution de la pression normative, calculée sur la base d'une étude réalisée en 2007 et actualisée, correspondant à 7,417 milliards d'euros en 2011, de 5 % par an à compter de 2013. Cette démarche repose notamment sur des mesures de :
- simplification complémentaire des prélèvements salariaux ;
- réduction des prélèvements sur les auto-entrepreneurs ;
- diminution des demandes de nature statistique émanant de l'équivalent de l'INSEE ;
- et allègement des normes dans les domaines de la législation environnementale notamment issue du droit communautaire ainsi que du droit administratif.
Le projet prévoit aussi de porter une attention particulière aux coûts d'application des dispositions normatives -pour la mesure desquels les Pays-Bas ont développé une méthodologie spécifique-, comme par exemple la compensation des coûts de mise en conformité des filtres à suie sur les camions ou encore l'étanchéification du sol dans le cadre de certaines activités industrielles.
En termes de réduction des coûts administratifs, le projet prévoyait notamment :
- une simplification des feuilles de paie par la fixation d'un concept unifié de salaire servant de base au calcul des cotisations sociales ;
- la simplification et le raccourcissement des déclarations d'impôt sur les sociétés et des déclarations de bénéfices ;
- l'allègement des conditions de constitution d'une SARL et la modification des règles de majorité ;
- la suppression de diverses autorisations administratives ;
- la simplification du régime de contrôle des établissements de soin ;
- ainsi que la réduction des coûts relatifs aux contrôles dans le domaine des hôpitaux, de la boucherie industrielle et des transports.
En matière de prévention d'une nouvelle pression normative , le programme repose d'une part sur l'utilisation de la méthode « IAK » (voir supra), d'autre part sur la rationalisation des contrôles et le renforcement des consultations sur Internet préalable à l'édiction des normes, et enfin sur le recours à des dispositions qui pourront avoir un caractère provisoire.
L' amélioration du service fourni aux entreprises est conçue, dans le programme engagé en 2011, afin de réduire les motifs d'insatisfaction des entreprises résultant du dépassement des délais, d'attitude non coopératives ou contradictoires de l'administration ou encore de l'éparpillement de l'information. Elle passe notamment par le recours aux nouvelles technologies qui permettent par exemple de constituer un « dossier d'entreprise » (ondernemingsdossier) qui rassemble une fois pour toutes des informations nécessaires aux administrations et réutilisables par celles-ci. Les collectivités territoriales peuvent, de surcroît, obtenir un « certificat de bon service rendu » lorsqu'elles se conforment à des normes correspondant aux besoins exprimés par les entreprises. Les conditions d'octroi d'autorisations par leurs soins sont harmonisées au niveau national, tandis que la règle selon laquelle le silence vaut acceptation est étendue à de nouveaux domaines. Elle se traduit enfin par le recours, renforcé, aux « dates fixes » de modification de la réglementation et de la législation.
Les modalités de contrôle doivent reposer davantage sur la confiance que sur la méfiance de sorte que les entreprises qui remplissent leurs obligations bénéficient d'assouplissements, notamment en termes de contrôle, dans le cadre de « rendez-vous » fixés périodiquement et se voient appliquer un nombre réduit de contrôles, sauf dans certaines branches concernées par des contrôles prévus au niveau européen caractérisées par un danger élevé ou des incidents particuliers. Dans ce domaine également, l'utilisation des technologies de l'information permet aux inspecteurs d'échanger des données sans surcoût pour les entreprises soumises aux contrôles.
* 10 En fonction du contexte, l'expression « regeldruk » sera traduite par « pression » normative ou par « fardeau » normatif.
* 11 Gouvernement de coalition soutenu par une majorité composée des chrétiens-démocrates du CDA, des travaillistes (PvDa) et de l'Union chrétienne (ChristenUnie) , le cabinet Balkenende IV est resté aux affaires du 22 février 2007 au 14 octobre 2010.
* 12 Éliminer la paperasserie. La simplification administrative dans les pays de l'OCDE , OCDE, 2003.
* 13 Gouvernement de coalition soutenu par une majorité composée du VVD et du CDA, le cabinet Rutte-Verhagen est resté aux affaires du 14 octobre 2010 au 5 novembre 2012.
* 14 Tweede Kamer der Staten-Generaal, Vergarderjaar 2010-2011, 29 515, Kabinetsplan administratieve lasten , Nr. 330, Brief van de minister van Veiligheid en Justitie , p. 1.
* 15 ACTAL, Minder Haagse bureaucratie. Meer maatschappelijk effect. Aanbevelingen voor het kabinet op basis van de eerste regeldrukaudit , La Haye, 2012.
* 16 Ministerie van Binnenlandse Zaken en Koninkrijksrelaties, 16 mei 2011, Eindrapportage Vernieuwing Rijksdienst, 2011-2000187257 , p. 7.