- Entretien avec M. Alioune Blondin Beye, représentant spécial du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies en Angola
M. Blondin Beye a rappelé que la spécificité de la situation actuelle de l'Angola tenait largement à son passé : cinq siècles de colonisation, suivies de quinze années de lutte de libération, puis de vingt années de guerre civile. De plus, ce sont les deux dernières années de conflit, de 1992 à 1994, qui ont été les plus dures.
Il a d'ailleurs fallu un an de négociations pour parvenir à la signature du Protocole de paix à Lusaka, le 20 novembre 1994.
La communauté internationale considère que, globalement, les irrégularités observées lors des élections de 1992 ne sont pas de nature à en altérer les résultats. Cette communauté a donc été conduite à exiger la reconnaissance de ces élections par l'UNITA ainsi que des concessions militaires. Le Gouvernement angolais a, lui, été contraint à des concessions politiques.
L'application du protocole de paix est articulée en trois séquences : d'abord, de novembre 1994 à décembre 1995, la sortie de la guerre ; puis le casernement des troupes de l'UNITA couplé à leur désarmement, qui est en cours ; enfin, la participation de l'UNITA à la gestion publique, qui doit sceller la réconciliation nationale.
Malheureusement, le règlement du dossier angolais est entravé par la méfiance qui persiste entre les deux camps ; ainsi, l'annonce faite par Jonas Savimbi, à l'occasion du trentième anniversaire de la fondation de l'UNITA, de son refus de la vice-présidence qui lui a été proposée, atteste de cette méfiance.
Cependant, la situation sur le terrain offre des gages d'espoir avec la disparition des combats. Les incidents à déplorer depuis de début de l'année 1996 qui ont fait trois victimes (deux soldats de l'UNAVEM et un membre d'une O.N.G.) relèvent d'actes de banditisme et non de faits de guerre. L'ONU n'a d'ailleurs pas ménagé ses efforts en déployant, conformément à ses engagements plus de 7 000 hommes en Angola. Les opérations de casernement ont permis de regrouper près de 20 000 anciens combattants de l'UNITA, ce qui est satisfaisant. Certains départs de ces combattants ont été improprement désignés comme des désertions, alors qu'il s'agit plutôt de démobilisations anticipées. En revanche, il est incontestable que les armes restituées ne sont pas celles qui ont alimenté vingt ans de guerre civile.
Une étape difficile reste à franchir : celle de la démobilisation. Sachant que le Gouvernement dispose actuellement de 140 000 hommes et l'UNITA de 60 000 pour une armée dont le format final sera de 90 000, il faudra rendre à la vie civile 110 000 hommes en les encadrant.
Les cas de la Somalie et du Mozambique, pour prendre deux contre-exemples, montrent la difficulté de l'exercice.
Il reste également à définir les modalités de la sélection des soldats de l'UNITA qui seront intégrés dans l'armée nationale. L'ensemble de ces opérations requiert, pour leur réussite, de gros moyens budgétaires, et le maintien de la paix civile.
Dans l'immédiat, il est indéniable que l'effort principal à accomplir incombe à l'UNITA ; c'est peut-être pourquoi son chef est méfiant envers le poste de vice-président qui lui a été offert, et que cette méfiance s'est accrue avec l'évocation de la création d'une deuxième vice-présidence. En réalité, il s'agit là de la transposition de l'exemple sud-africain, qui comporte aussi deux vice-présidentes. Mais cette offre semble prématurée, car l'urgence du moment est la réussite du casernement, puis de la démobilisation.
Le statut de Jonas Savimbi au sein des institutions devra plutôt être négocié lors de la phase ultime de réconciliation nationale. C'est d'ailleurs pourquoi le Protocole de Lusaka est muet sur ce point.
En conclusion, M. Blondin Beye a décrit ses efforts pour associer les pays voisins de l'Angola au processus de paix, et a fermement rappelé que la communauté internationale n'appuiera que la seule évolution pacifique du pays.
17 Vendredi 12 avril 1996