SÉANCE

du mercredi 9 avril 2025

79e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Catherine Di Folco.

La séance est ouverte à 15 h 05.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Gaza

M. Akli Mellouli .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) À Gaza, l'humanité s'effondre : jamais un peuple n'a été aussi méthodiquement isolé, affamé, bombardé, avec le silence complice de la communauté internationale. Des blessés graves ne peuvent être évacués ; des enfants meurent de faim à côté d'entrepôts pleins, volontairement bloqués ; des médecins entament des grèves de la faim pour exiger un cessez-le-feu et un corridor humanitaire.

Des femmes accouchent au sol sans anesthésie ; des chirurgiens opèrent à la lumière des téléphones portables, sans eau ni médicaments ; l'odeur de la mort remplace celle de la vie. Il y a un an, je disais : à Gaza, on ne soigne plus, on ampute. Désormais, on n'ampute plus, on enterre. Chaque jour qui passe est une trahison de nos valeurs fondamentales.

Il est temps de passer des discours aux actes. Si, comme le dit le Président de la République, notre pays est opposé à l'annexion de Gaza et de la Cisjordanie, la France doit reconnaître sans tarder l'État de Palestine, unique levier pour stopper le génocide. Allez-vous exiger un cessez-le-feu immédiat, l'ouverture d'un corridor humanitaire et le respect du droit international ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER, CRCE-K et du RDSE ; exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Vous auriez pu, dans votre question, saluer la visite du Président de la République hier à El-Arich, à 35 kilomètres de Gaza, pour apporter 8 tonnes de fret humanitaire, se rendre au chevet des blessés et rencontrer les acteurs humanitaires.

Vous auriez pu soulever la responsabilité historique du Hamas dans la situation dans laquelle est plongé le peuple palestinien. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

La France a bien fait passer les messages que vous souhaitez.

Une voix à gauche.  - Ce n'est pas très efficace...

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - Le Président de la République s'est entretenu avec les dirigeants des pays arabes afin qu'ils fassent pression sur le Hamas pour obtenir la libération des otages retenus dans les tunnels de Gaza. Il s'est entretenu avec le Premier ministre israélien et le Président américain pour obtenir une reprise du cessez-le-feu. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.)

Nous préparons avec l'Arabie saoudite la conférence des Nations unies sur la solution à deux États, seule susceptible d'apporter la paix et la sécurité à Israël comme au peuple palestinien. Cela passera, le moment venu, par des reconnaissances collectives et croisées, avec des garanties de sécurité permettant aux deux peuples de vivre en paix. C'est dans cet esprit que nous travaillons. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

M. Akli Mellouli.  - Quand le droit s'efface devant la force, quand la dignité humaine devient une variable d'ajustement diplomatique, l'ordre international vacille. Soyez fidèles aux valeurs de la France ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Droits de douane américains (I)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Les mots droits de douane sont les plus beaux du dictionnaire », disait le candidat Trump. Ils sont devenus le pire cauchemar de nombre d'entreprises françaises, salariés et consommateurs.

Après la surenchère permanente, le jour J a vu les États-Unis augmenter les droits de douane vis-à-vis de 56 pays, selon une règle de calcul tirée de ChatGPT. Pour l'Union européenne, ils sont portés à 21,2 %. Nombre de secteurs sont touchés : 24 % du secteur des boissons, spiritueux et eaux minérales, par exemple.

Quel est le plan du Gouvernement pour accompagner ces secteurs en urgence ? Comment ne pas s'étonner de l'impréparation de l'Europe ? Donald Trump fait ce qu'il avait annoncé. Quelles mesures de prévention et de riposte avons-nous préparées ? Dans un monde plus dangereux à l'est, moins amical à l'ouest, souvent non coopératif au sud, quand allons-nous sortir du monde des Bisounours ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, et sur plusieurs travées du groupe INDEP)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Les mots « droits de douane » sont d'abord synonymes d'impôt sur les classes moyennes américaines, qui vont s'appauvrir. Les derniers sondages montrent que les Américains sont conscients de l'impact désastreux sur leur pouvoir d'achat.

Ces décisions, nous ne les avons pas provoquées, et espérons qu'elles seront revues. Si le président Trump ne revient pas dessus, nous nous tenons prêts, en Européens, à riposter en mobilisant toute la palette des instruments à notre disposition, tarifaires et non tarifaires.

Au niveau européen, une première salve de contre-mesures a été adoptée ce matin : 22 milliards d'euros de produits américains seront soumis à des droits de douane de 25 %. La Commission européenne travaille à une deuxième salve de mesures.

Le Président de la République a réuni, avec le Gouvernement, les responsables des filières concernées dès jeudi. Hier, le ministre de l'industrie a réuni le Conseil national de l'industrie ; aujourd'hui, le ministre de l'économie consultera les représentants des filières et les syndicats sur les impacts attendus de ces décisions dévastatrices.

Le Gouvernement est mobilisé aux côtés des filières pour défendre nos intérêts. Nous prescrivons calme, détermination et unité. C'est dans cet esprit que nous échangeons avec nos partenaires européens et avec la Commission européenne, qui dispose de la compétence. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - L'Europe doit rester un pôle de stabilité, mais doit se faire respecter. Nous devons nous réarmer et redevenir acteurs de notre avenir.

Nos trois commissions des affaires économiques, de la défense et des affaires européennes vont mettre sur pied une mission d'information sur les nouveaux paradigmes du commerce international. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

Droits de douane américains (II)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Là où Donald Trump passe, le commerce trépasse. (On apprécie la formule.) Depuis 6 heures ce matin, des droits de douane supplémentaires s'appliquent au monde entier ou presque ; pour l'Union européenne, le tarif est de 20 %.

Cette guerre commerciale est une mauvaise réponse à un mauvais diagnostic. Mauvais diagnostic, car le Président Trump veut résorber de prétendus déficits commerciaux, mais ne prend en compte que les biens et non les services. Mauvaise réponse, car les économies sont interdépendantes. Les entreprises françaises emploient 700 000 salariés aux États-Unis ; les entreprises américaines, 400 000 salariés en France.

Les Américains seront les premiers à subir ce choc, mais les entrepreneurs français sont légitimement inquiets. La France exporte pour 48 milliards d'euros aux États-Unis : du chablis, bien sûr, du fromage, des produits de luxe, des cosmétiques, des produits pharmaceutiques.

Heureusement, l'Union européenne n'est plus l'idiot du village global, ouvert à tous les vents. Elle s'est réarmée en matière commerciale.

Comment allez-vous maintenir le dialogue avec cette administration déterminée, mais qui commence à se diviser ? Comment éviter que l'Union européenne soit le déversoir de produits chinois ? Comment aider nos entreprises à trouver de nouveaux débouchés ? Comment répliquer sans dommages collatéraux pour nos économies ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Vous avez raison. Laurent Saint-Martin et moi-même échangeons régulièrement avec nos interlocuteurs américains, notamment Scott Bessent. Nous le faisons aussi avec la Commission européenne, dont c'est le mandat : le commissaire Maro? ?ef?ovi? parle avec Howard Lutnick, le secrétaire au commerce américain.

Comment protéger l'Union européenne ? Par une réaction très vigoureuse. Un premier paquet de mesures a été décidé ce matin, qui s'appliquera à partir du 15 avril sur 22 milliards d'exportations américaines. Nous travaillons à un deuxième paquet, autour des droits de douane, mais aussi d'autres droits et sanctions.

Le conseil des ministres des finances de l'Union européenne à Varsovie en fin de semaine sera l'occasion de calibrer ce paquet. Nous voulons entamer les discussions pour faire baisser ces droits.

Les États-Unis ne représentent que 15 % de nos exportations, mais nous travaillons pour augmenter nos parts de marché ailleurs. Nous accompagnerons nos entreprises en ce sens ; c'est l'une des raisons de ma présence aux côtés du Président de la République en Égypte.

Notre objectif est le retour au libre-échange. Pour cela, nous dialoguerons assidûment avec les Américains et avec tous nos partenaires, en veillant aux équilibres mondiaux, pour revenir à la normale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Avenir de l'entreprise Verney-Carron

M. Pierre Jean Rochette .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) J'associe les trois sénateurs de la Loire à ma question.

Verney-Carron est le dernier fabricant français d'armes légères. Cette entreprise, située à Saint-Étienne, est menacée de liquidation judiciaire. La ville a apporté un soutien de 2 millions d'euros par un montage immobilier, mais il manque encore 1 million.

Alors que l'on parle quotidiennement de souveraineté, de réarmement, comment se fait-il que l'État n'arrive pas à injecter 1 million dans une entreprise aussi stratégique ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Nous suivons la situation de cette entreprise historique de Saint-Étienne, qui compte environ soixante salariés. Spécialisée dans la fabrication d'armes de prestige pour la chasse, elle n'a pas de contrat stratégique en lien avec les enjeux nationaux de défense. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Ses difficultés n'ont donc pas d'implication directe sur notre souveraineté. Elles sont liées à des commandes insuffisantes et à un fort endettement qui a conduit à la cessation des paiements et au redressement judiciaire.

Pour laisser le temps de trouver une solution pérenne, l'État a gelé un passif public de plus d'1 million d'euros ; 80 % des salariés sont en activité partielle, et le crédit d'impôt recherche a été débloqué. Les discussions sont en cours entre l'actionnaire et des repreneurs potentiels. Avec Sébastien Lecornu, nous serons vigilants à ce que la solution retenue soit la plus durable, pour les salariés, le savoir-faire et le territoire. Les élus seront tenus informés : vous pouvez compter sur notre mobilisation. (MM. François Patriat et Bernard Buis applaudissent.)

M. Pierre Jean Rochette.  - J'ai envie de vous croire !

Effectivement, Verney-Carron ne fournit pas la défense, mais elle fournit le ministère de l'intérieur. En fait, la commande publique s'est détournée des entreprises françaises et a préféré acheter allemand ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains et CRCE-K)

Mme Cécile Cukierman.  - On a renoncé à notre souveraineté nationale !

M. Pierre Jean Rochette.  - Les appels d'offres, c'est très bien, mais faire primer le critère prix tue l'entreprise française !

Il faut que l'entreprise et les emplois restent à Saint-Étienne. Une reprise, d'accord, mais attention à ce que Verney-Carron ne tombe pas dans des mains hostiles à nos valeurs.

Je le répète : la commande publique française a un problème avec les entreprises françaises. S'il n'y a pas d'armes françaises dans la défense, c'est parce qu'on a acheté à l'étranger. J'espère que nous corrigerons le tir à l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC, Les Républicains et CRCE-K ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

Saint-Pierre-et-Miquelon face aux droits de douane américains

M. Jean-Marc Ruel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire de 6 000 habitants et 242 km², se voit imposer 50 % de droits de douane sur ses exportations vers les États-Unis. Cette mesure, aussi absurde que brutale, a mis en lumière la vulnérabilité de mon archipel.

Vulnérabilité économique : ces taxes étranglent la filière pêche et renchérissent le coût de la vie sur l'archipel, dépendant de l'acheminement maritime depuis l'Hexagone ou le Canada.

Vulnérabilité structurelle : les infrastructures de transport sont à bout de souffle. Les quais des ports d'État menacent de s'effondrer, or aucun financement n'est prévu avant 2027.

Vulnérabilité géopolitique : l'accord Ceta a été relancé, mais les pays et territoires d'outre-mer en sont exclus, alors que nous sommes les plus proches voisins du Canada ! En 2019, on nous avait promis un fonds d'innovation et de diversification en compensation. Nous l'attendons toujours.

Le Gouvernement entend-il redonner à Saint-Pierre-et-Miquelon son rôle de plateforme stratégique ? Ou veut-on en faire une prison pour les OQTF les plus dangereux, comme le propose Laurent Wauquiez ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST, des groupes UC, SER et CRCE-K)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas le ministre de l'intérieur qui répond ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Décidément, le sort s'acharne !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ah ça !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - Il y a huit jours, le président Trump, oubliant que Saint-Pierre-et-Miquelon est un territoire à part entière de la République, lui applique un double tarif. Depuis quelques jours, certains proposent de faire de l'archipel un centre de rétention administrative. (MM. Akli Mellouli et Ronan Dantec applaudissent.)

Tous les territoires ultramarins sont membres à part entière de la République, fussent-ils dans l'Atlantique Nord. Chacun doit à Saint-Pierre-et-Miquelon respect et considération, comme à tous les territoires de la République. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du GEST, du RDSE et du groupe UC ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

Après les déclarations fracassantes dans le bureau ovale, Saint-Pierre-et-Miquelon a été retirée du décret présidentiel sur les droits de douane.

Tous les territoires de la République seront pris en compte dans les préconisations que nous ferons à la Commission européenne pour qu'elle ajuste sa réplique, afin d'obtenir le retrait de ces droits de douane et de défendre nos filières.

Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, le Ceta prend aujourd'hui une dimension différente, puisque le Canada est opposé à cette guerre commerciale qui ne fait que des perdants. (M. Fabien Gay s'exclame.)

M. Jean-François Husson.  - On ne va pas refaire le match !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - Le ministre d'État, ministre des outre-mer, en déplacement à Mayotte, aura à coeur, de poursuivre le plan de développement de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je lui ferai état de votre attente. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE)

Droits de douane américains (III)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Antoinette Guhl applaudit également.) Les conséquences potentiellement dévastatrices des taxes annoncées par Donald Trump inquiètent à juste titre le monde économique et nos compatriotes. La stratégie de négociation « zéro pour zéro » de la Commission européenne sera préjudiciable aux intérêts de la France et de nos filières les plus exposées : aéronautique, automobile, vins et spiritueux. Cette réponse profitera surtout à l'Allemagne et à l'Italie compte tenu de leurs excédents commerciaux.

Le président américain ne reviendra pas sur sa décision. Taxer les banques américaines et les Gafam n'aura aucun impact utile sur notre économie, faute d'alternatives françaises et européennes crédibles et d'investissements suffisants dans les services.

La bonne réponse, c'est de relocaliser certaines filières, de mettre en oeuvre des droits de douane ciblés et de prévoir une stratégie de planification industrielle qui renforcera notre souveraineté et améliorera notre balance commerciale. Elle nous protégera aussi de l'ajustement stratégique que la Chine ne manquera pas de mettre en oeuvre à l'égard du Vieux Continent.

Défendrez-vous cette stratégie auprès de la Commission européenne ? C'est la seule capable de protéger les Français et de redonner à la France les rênes de son destin économique.

Pour une fois, ne soyons plus perdants, mais pionniers ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Nous veillerons à ce que les décisions prises, qui appauvriront les classes moyennes et les entreprises américaines, soient revues. Sinon, nous n'aurions d'autre choix que de riposter, comme avec le passage à 25 % des droits de douane sur 22 milliards d'euros d'exportations américaines vers l'Europe, adopté ce matin, ou avec des mesures non tarifaires. En effet, depuis 2023, la Commission européenne dispose d'instruments pour limiter l'accès aux marchés publics ou à certains services sur le marché unique européen.

Nous ne pouvons pas nous contenter de réagir. Nous devons nous poser des questions sur nous-mêmes. Le marché unique n'a jamais été aussi important pour la diversification de nos entreprises. Or les barrières dressées entre pays de l'Union européenne représentent encore l'équivalent d'un droit de douane de 45 %. En les levant, nous donnerons aux entreprises la possibilité de compenser l'impact de l'extravagante décision américaine.

Nous devons nous préparer à la guerre commerciale avec les États-Unis. Gagnons en compétitivité, ôtons la chape de plomb qui pèse sur les entreprises françaises. Les annonces de la Commission européenne vont dans le bon sens. Il faut accélérer, pour gagner des parts de marché. (MM. François Patriat et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Les Français n'ont pas à assumer les conséquences budgétaires du diktat américain. Quand nos grands groupes français, au mépris de tout patriotisme économique, continuent à investir aux États-Unis pour contourner les droits de douane, ils refusent explicitement de soutenir notre économie et montrent une indifférence totale aux inquiétudes des Français. Le Gouvernement doit prendre des mesures pour éviter l'effondrement de certaines filières.

Le pouvoir d'achat des Français ne doit pas être une nouvelle fois amputé par une hausse des prix. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST ; M. Fabien Gay applaudit également.)

Nouvelle-Calédonie

M. Robert Wienie Xowie .  - Grâce à une approche nouvelle, le ministre d'État a permis que l'ensemble des partenaires, dont les représentants du peuple colonisé, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), amorcent la première phase de discussion, vers un accord gagnant-gagnant attendu avec fébrilité.

Le ministre a affirmé que l'accord de Nouméa constituait un socle intangible et confirmé que le droit à l'autodétermination était garanti par la Constitution pour le peuple colonisé, le peuple kanak.

Ces bases posées permettent d'espérer un compromis. Néanmoins, demeure une inconnue : l'accès à la décolonisation. Un proverbe de la région du député Tjibaou dit : « Tu saurais où se trouve la porte si tu avais aidé à construire la case. »

La trajectoire d'émancipation enclenchée depuis 1983 doit nous conduire à une évolution allant au-delà de l'accord de Nouméa. Il faut transférer des compétences régaliennes pour refermer la parenthèse coloniale en Kanaky-Nouvelle Calédonie.

Monsieur le Premier ministre, comment sortir de la décolonisation si la perspective n'est que de décoloniser dans la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)

M. François Bayrou, Premier ministre .  - L'une des premières décisions du Gouvernement, dès son installation, a été, sous l'autorité de Manuel Valls, de reprendre le dialogue, devenu très difficile après les événements de Nouvelle-Calédonie.

Dès le 29 janvier, j'ai écrit à toutes les formations politiques pour ouvrir des discussions en vue d'un accord politique et de la sortie du marasme qui date des émeutes de mai 2024.

L'expérience de Manuel Valls et son travail avec les Calédoniens offriront aux habitants de Nouvelle-Calédonie des perspectives importantes.

Dès février, des réunions se sont tenues à Paris, puis à Nouméa, où le ministre d'État s'est rendu à deux reprises. Un premier document d'orientation, puis un projet d'accord ont été examinés par toutes les parties.

Nous avançons collectivement, pas à pas, selon une méthode respectueuse de chacun. Nous nous inscrivons dans la lignée des accords de Matignon-Oudinot, puis de Nouméa.

La question de l'autodétermination est centrale, reconnue par les Nations unies, mais aussi par l'article 53 de notre Constitution.

Ce principe a souvent été rappelé, mais les conditions de son exercice sont au coeur des discussions. Trois référendums se sont déroulés : même si le dernier s'est tenu dans des conditions un peu particulières, tous se sont soldés par une réponse négative.

Les options sont sur la table : je sais votre aspiration à une souveraineté pleine et entière de la Nouvelle-Calédonie. Le ministre d'État reviendra à Nouméa fin avril pour ces discussions.

Je pense qu'un accord est possible. Or, sans un tel accord, le territoire ne pourra pas se rétablir.

Le Gouvernement le doit à l'ensemble des Calédoniens. L'État affirme donc qu'il est à leurs côtés, quelle que soit la forme adoptée : elle sera forcément originale pour ce pays qui retient depuis si longtemps notre engagement, et notre affection. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas un pays !

M. Robert Wienie Xowie.  - Nous serons attentifs aux suites données au processus de décolonisation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Avancées sur le statut de l'élu

M. Ludovic Haye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce lundi, une tribune de l'Association des petites villes de France (APVF) et d'élus nationaux était publiée dans Le Monde. Les violences contre les élus se multiplient, tout comme les démissions. Un maire sur deux ne se représentera pas en 2026, selon une étude du Cevipof d'hier. Ce chiffre monte à deux sur trois en zone rurale, contre un sur quatre en zone urbaine - c'est un révélateur brutal d'une fracture territoriale qui s'accentue.

Pourtant l'engagement altruiste des élus, celui de servir les autres et la République, ne faiblit pas. Il est temps de le reconnaître pleinement et de le valoriser.

Une révision du statut de l'élu ne serait pas un privilège, mais une juste reconnaissance. Les élus attendent des propositions concrètes, notamment sur l'aménagement du temps pour exercer leur mandat. Il faut aussi renforcer leur sécurité et durcir les sanctions contre ceux qui s'en prennent à eux.

Les élus souhaitent une indemnisation digne et une adaptation cohérente de leur retraite. Leur choix de faire passer leur engagement citoyen avant leur carrière professionnelle doit être reconnu.

Une proposition de loi sénatoriale, adoptée en mars 2024, tentait de répondre à ces enjeux. Elle reste en suspens. Depuis, une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale et la mission Woerth a rendu son rapport. Ces textes peuvent s'enrichir mutuellement.

À quelle date cette proposition de loi sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? Quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il y intégrer pour envoyer un message fort aux élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Mireille Jouve et M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Il y a un peu plus d'un an, le Sénat adoptait à l'unanimité une proposition de loi créant le statut de l'élu.

Je remercie le Premier ministre pour son engagement : il tient à la prospérité de ce texte, tout comme François Rebsamen. De nombreux élus ne cessent de réclamer son application.

Les élus locaux sont la République des faiseurs, des sentinelles. Chacun connaît l'importance de leur mission et la fragilité de leur engagement.

Le Gouvernement entend faire prospérer la proposition de loi sénatoriale, enrichie par les travaux de l'Assemblée nationale, d'Éric Woerth, de Boris Ravignon et de Christian Vigouroux.

Faciliter l'engagement des élus et sécuriser l'exercice de leur mandat sont des exigences et des urgences. Le Gouvernement entend que ce texte soit adopté avant la fin de la session. Il est temps de conclure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Professeur empêché de faire cours à l'université Lumière-Lyon-II

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 19 février dernier, à Lyon, un collectif radical prenait d'assaut la salle H 103 de l'université Lumière. Depuis, les provocations se multiplient : blocages, occupations, prières en plein campus, invectives publiques contre la direction accusée de racisme et d'islamophobie.

Le 1er avril, un nouveau cap a été franchi. Quinze militants cagoulés ont violemment interrompu le cours du professeur Fabrice Balanche, l'injuriant, le menaçant, le traitant de sioniste et de génocidaire.

Madame la ministre d'État, vous avez affiché votre soutien. Pourtant, la salle est toujours occupée et les intimidations continuent. L'idéologie professée est antifrançaise, radicale, violente. (M. Michel Savin renchérit.) Est-il tolérable que nos universités deviennent des zones de non-droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Mon message est clair : fermeté absolue et soutien total à Lyon-II et à ses enseignants. Empêcher la tenue d'un cours est inacceptable, encore plus par l'irruption d'individus cagoulés qui, menaçant le professeur, l'obligent à quitter son amphithéâtre. C'est intolérable. Avec Philippe Baptiste, nous ne laisserons rien passer.

L'université est le creuset de la démocratie, un espace d'expression respectueuse. L'établissement a immédiatement réagi en accordant la protection fonctionnelle au professeur et en faisant un signalement au procureur.

M. Stéphane Ravier.  - Demi-mesure !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Une information judiciaire est ouverte. J'ai demandé au ministère de se porter partie civile.

Avec Philippe Baptiste, nous défendrons toujours la liberté d'enseigner et serons aux côtés du professeur. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

M. Max Brisson.  - Vous venez de nouveau de condamner cette agression, c'est bien.

Samedi, Jean-Michel Blanquer vous a lancé un appel.

Interrompre un cours est une attaque frontale contre les libertés académiques et le cours du Pr Balanche ne l'a pas été par hasard. Il a été ciblé pour ses travaux sur le Moyen-Orient et parce qu'il refuse de céder à l'intimidation d'idéologues gauchistes islamistes. Ont aussi été ciblés Gilles Kepel, Bernard Rougier et Florence Bergeaud-Blackler par exemple. Jusqu'à quand laisserons-nous faire ? Il faut réagir fermement, exiger l'évacuation des locaux et exclure les agresseurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Mickaël Vallet, Alain Cazabonne et Aymeric Durox applaudissent également.)

Le ministre de l'intérieur protège ses policiers. Il est temps que le ministère de l'enseignement supérieur protège ses professeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Protection de l'enfance

Mme Marion Canalès .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Hier, la commission d'enquête sur les manquements de la protection de l'enfance a rendu son rapport, qui formule 450 préconisations.

Personne n'ignore l'état de la protection de l'enfance et des 400 000 enfants, accompagnés parfois, protégés pas toujours.

Quand les décrets d'application des lois votées seront-ils pris ? Il y a un écart immense entre les paroles et les actes. Seuls 30 % des bilans de santé globaux sont réalisés. À quand une loi pluriannuelle de protection de l'enfance pour tracer des perspectives et donner des moyens ? Qu'avez-vous fait du rapport sur le travail social ?

Il faut agir. Chacun de ces 400 000 enfants est une figure républicaine. Certains tiennent, d'autres non. Nous leur devons une mobilisation à la hauteur de leur résistance.

Le financement des solidarités ne saurait reposer uniquement sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). La protection de l'enfance repose sur le nombre d'appartements vendus : voilà la réalité de notre système !

Installerez-vous une commission nationale de reconnaissance de ces victimes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; MM. Philippe Grosvalet, Robert Wienie Xowie et Ian Brossat applaudissent également.)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles .  - Vous évoquez l'excellent travail de la députée Isabelle Santiago, avec laquelle je me suis entretenue à plusieurs reprises, comme avec la députée Perrine Goulet.

Lundi, j'ai mis en avant les sujets sur lesquels je souhaite travailler. Dans un premier temps, nous devons publier les décrets. C'est le cas de l'un de ceux qui concernent la loi Taquet.

Les départements s'engagent en faveur de l'aide sociale à l'enfance (ASE). L'État les accompagne.

Avec Florence Dabin, nous avons établi un plan d'action : pas d'enfant de moins de 3 ans en accueil collectif ; renforcement du vivier des assistants familiaux en les autorisant à travailler quand les enfants sont scolarisés ; examen de la rémunération des agents ; orientation professionnelle des enfants ; bilan de santé à l'arrivée à l'ASE. (Mme Laurence Rossignol réagit.)

Vous avez fait allusion aux travailleurs sociaux : j'ai rendez-vous à 16 h 30 avec le président Klein et Daniel Goldberg.

Sur décision du Premier ministre, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a été prolongée jusqu'en 2026 : telle est la mission confiée à la haute-commissaire Sarah El Haïry. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Marion Canalès.  - Je regrette que vous n'abordiez pas dans vos annonces le sort des enfants dépendant totalement de l'État. Quid des 150 enfants attendant une place en institut médico-éducatif (IME) en Gironde par exemple ?

Nous n'avons pas eu la chance de vous auditionner sur ces sujets, madame la ministre, et je le regrette. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Mme Laurence Rossignol.  - Très bien !

Soutien à Haïti et lutte contre le narcotrafic

Mme Micheline Jacques .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) L'année dernière, 50 tonnes de cocaïne ont été saisies, résultat de la lutte intensive contre le narcotrafic engagée sur notre territoire. En une seule nuit, la semaine dernière, 830 kg ont été interceptés. En Guyane, le dispositif d'interception des mules a réduit drastiquement les passages.

Mais la hausse des saisies est le corollaire de la hausse de la production. Les territoires français de la Caraïbe sont particulièrement exposés. Récemment, une chaîne de télévision a montré un trafiquant guadeloupéen, bracelet électronique à la cheville, poursuivant son trafic : ce n'est pas tolérable.

À moins de 1 000 kilomètres de Saint-Martin, Port-au-Prince est aux mains de gangs dont tout porte à croire qu'ils sont financés par des cartels. Si la capitale haïtienne devait tomber aux mains des trafiquants, le passage de la drogue et des armes serait facilité. Nous ne pouvons rester inactifs. La part des mineurs dans les rangs des gangs serait de 30 %, or nous ne pouvons demander à l'armée d'intervenir contre des enfants. En revanche, nous disposons de forces de police formées à la guérilla urbaine. Comment pouvons-nous aider Haïti pour éviter que ce pays ne devienne un hub du narcotrafic ?

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Hélas, les drogues les plus dures sont disponibles partout et tout le temps. Les Caraïbes sont une zone de transit entre les pays producteurs d'Amérique du Sud et les pays de consommation, en Amérique du Nord et en Europe.

Oui, Haïti est en plein chaos : crise sécuritaire, crise politique, crise humanitaire s'y imbriquent. Autant d'opportunités pour les gangs ultraviolents du narcotrafic.

Depuis longtemps, la France se tient aux côtés de ce pays. Nous aidons de notre mieux la police haïtienne : conseils, formation, livraison de matériel. Cette aide va être renforcée, ainsi qu'en sont convenus le Président de la République et le président du Conseil de transition, le 29 janvier dernier. Le Raid conseille la police haïtienne ; nous lui livrons des drones et même des véhicules blindés, et essayons de monter sur place un équivalent de notre Office anti-stupéfiants.

Alors que la plupart des pays se sont retirés du pays, la France continue de se tenir aux côtés des Haïtiens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. François Patriat et Alain Duffourg applaudissent également.)

Mme Micheline Jacques.  - Aider Haïti, c'est aider nos outre-mer caribéens. Je sais pouvoir compter sur votre détermination personnelle et celle de la France. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

Conséquences budgétaires des droits de douane américains

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Premier ministre estime à 0,5 point de PIB la répercussion potentielle sur notre économie de la hausse des droits de douane annoncée par le président Trump. C'est considérable.

Nous devons accompagner nos entreprises, notamment les filières exportatrices comme les vins et spiritueux ou l'aéronautique.

Mais c'est aussi choc sur nos finances publiques, déjà dégradées. La stagnation menace, et les plus pessimistes parlent même de récession.

Madame la ministre, vous avez saisi le Haut Conseil des finances publiques. Quelle est votre nouvelle prévision de croissance pour 2025 ? Comment conserver la confiance des marchés financiers, au moment où les taux remontent ?

L'objectif d'un déficit à 3 % en 2029 est-il compromis ? Allez-vous maintenir l'effort structurel de maîtrise des dépenses, hors dégradation nouvelle de la conjoncture ? La conférence sur les finances publiques de mardi prochain reviendra-t-elle sur cet objectif, ou vous donnerez-vous les moyens de respecter notre trajectoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat et MM. Michel Savin et Raphaël Daubet applaudissent également.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Plus la guerre commerciale que nous livrent les États-Unis durera, plus ses effets seront importants sur les économies européennes.

Cela représente, a priori, quelques points de PIB de croissance, mais les incertitudes sont fortes, y compris sur les mesures de rétorsion que nous prendrons pour résister et, surtout, pour annuler ces droits irrationnels et infondés.

Le cap fixé par le Premier ministre en matière de finances publiques est clair : sous aucun prétexte nous ne renoncerons à nous désendetter. C'est pourquoi j'ai annoncé ce matin une réduction des dépenses de 5 milliards d'euros, pour tenir compte du ralentissement de la croissance. Nous continuons de viser un déficit de 3 % ou moins en 2029 - parce que c'est le niveau à partir duquel nous stabiliserons, puis réduirons, notre dette.

Nous serons transparents envers la représentation nationale et les Français, pour que les contraintes soient connues et les décisions, comprises. C'est le sens de la réunion que le Premier ministre a convoquée la semaine prochaine : nous ferons le point sur la situation, les risques et nos objectifs, dans une transparence totale. (MM. François Patriat et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)

Interdiction du téléphone portable à l'école

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les effets délétères des écrans sur nos enfants et adolescents sont connus. Leur sommeil, leur attention sont altérés, source de décrochage. Le déluge numérique permanent auquel ils sont soumis est pour beaucoup dans la dégradation des apprentissages et plus largement de la réussite scolaire.

Depuis la dernière rentrée, une interdiction effective des téléphones portables est expérimentée dans un nombre réduit de collèges. Souhaitez-vous généraliser cette mesure à la rentrée prochaine ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER ; M. Yannick Jadot applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Oui, je souhaite que la pause numérique soit généralisée à tous les collèges à la prochaine rentrée.

M. Mickaël Vallet.  - Bravo !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Une enquête récente du Conseil national du livre (CNL) montre qu'en moyenne, un jeune passe cinq heures par jour sur un écran, mais seulement trois heures par semaine sur un livre. Et parmi ceux qui lisent, la moitié fait autre chose en même temps avec son téléphone...

Ce phénomène est préjudiciable à la réussite des élèves. D'où l'expérimentation, dans une centaine de collèges, de la pause numérique, à la suite du rapport de la commission Écrans, remis au Président de la République il y a un an. Les résultats sont très positifs : amélioration du climat scolaire, large soutien des parents et des professeurs. Naturellement, ce dispositif n'exclut pas des usages encadrés du numérique à des fins pédagogiques.

Dans le cadre de la généralisation de ce dispositif, les modalités de mise en oeuvre seront laissées à l'appréciation des chefs d'établissement, en liaison avec les conseils départementaux.

Cette mesure est essentielle pour le bien-être et la réussite de nos élèves. (MM. François Patriat et Jean-Baptiste Lemoyne ainsi que MmeVéronique Guillotin et Mireille Conte Jaubert applaudissent.)

M. Mickaël Vallet.  - C'est plus urgent que les uniformes !

M. François Bonhomme.  - Je souscris largement à votre position. Mais voilà quinze ans que ce phénomène sévit, provoquant des dégâts considérables et contribuant à l'effondrement du niveau des élèves. Oui, il faut généraliser l'interdiction effective. Mais il faudra faire preuve de fermeté et de courage. Et pourquoi ne pas étendre cette protection aux lycées ? (M. Mickaël Vallet renchérit.) Faites preuve de détermination ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Mickaël Vallet, Serge Mérillou, Jean-Claude Tissot et Alexandre Basquin applaudissent également.)

Mortalité infantile et services de maternité

M. Patrice Joly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis plusieurs années, la mortalité infantile augmente : 3,6 décès pour mille naissances en 2021, 3,9 en 2023, 4,1 en 2024. Quand allons-nous réagir ? En 2024, 2 800 nouveau-nés ont perdu la vie avant leur premier anniversaire. Les départements les plus pauvres et les départements ruraux, où 20 % de femmes en âge de procréer vivent à plus de 45 minutes d'une maternité, sont les plus touchés. Selon le récent rapport de l'Institut national d'études démographiques (Ined), la France est à la vingt-troisième place sur vingt-sept en matière de mortalité infantile.

Une enquête des journalistes Anthony Cortes et Sébastien Leurquin sur le scandale des accouchements en France a identifié les causes de cette régression inacceptable : la fermeture massive des maternités pour des raisons budgétaires et la pénurie de soignants faute de courage politique pour imposer une meilleure répartition. En cinquante ans, 75 % des maternités publiques ont disparu.

Pouvons-nous encore sacrifier la santé des femmes et des enfants, continuer de fermer les maternités qui réalisent moins de mille naissances et laisser les femmes accoucher sur les routes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles .  - Je salue le rapport que Mmes Jacquemet et Guillotin viennent de me remettre. (M. Jean-François Husson et Mme Jocelyne Guidez applaudissent.)

Les chiffres montrent que la période critique se situe entre le premier et le vingt-septième jour, mais nous manquons d'une évaluation précise des causes des décès. D'où ma décision de mettre en place un registre national. Équipement néonatal, précarité, éloignement de la maternité, âge de la mère à la naissance de son premier enfant : tous ces éléments doivent être renseignés, pour trouver les solutions.

Ensuite, je veux travailler sur un sujet transpartisan : je m'engage à réviser les derniers décrets en matière de néonatalité, qui datent de 1998. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin, M. Bernard Buis et Mme Annick Jacquemet applaudissent également.)

M. Patrice Joly.  - Devons-nous continuer, dans nos territoires, à être maltraités à la naissance, ignorés adultes et abandonnés en fin de vie ? Devons-nous fermer les yeux sur la tiers-mondisation de notre système de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Paul Maillot Rafanoharana

M. Christophe-André Frassa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voilà près de quatre ans que notre compatriote Paul Maillot, ancien officier de la gendarmerie française, purge sa peine dans des conditions innommables à Madagascar, à la suite de l'affaire dite Apollo 21. Le caractère arbitraire de sa détention est évident et les Nations unies ont demandé sa libération immédiate.

Paul Maillot ne doit pas être l'otage des relations entre la France et Madagascar. Il mérite l'assistance de son pays, la France, non une simple mobilisation de principe.

Le 24 avril, se tiendra à Madagascar le sommet des chefs d'État de la Commission de l'océan Indien ; il faut demander la libération de Paul Maillot. Sa fille aînée, présente en tribune, est éreintée. Les Malgaches souhaitent rééquilibrer nos relations bilatérales : dont acte ! C'est pourquoi Paul Maillot doit rentrer en France, dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Maryse Carrère et M. Éric Gold applaudissent également.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La situation de Paul Maillot est suivie de près par mon ministère, sous l'autorité du Premier ministre. Les agents consulaires de Madagascar l'ont régulièrement. Nous avons un dialogue soutenu avec les autorités malgaches dans le cadre de notre coopération judiciaire.

Les conditions de sa détention sont source de vives inquiétudes et nous plaidons pour leur amélioration.

Nous sommes aussi aux côtés de sa famille. Sa fille a été reçue par mon cabinet le 24 février. Mon ministère soutient et écoute tous nos compatriotes détenus à l'étranger, pour tenter d'obtenir l'amélioration de leurs conditions de détention et leur libération. Nous apportons aussi notre soutien moral à leurs familles. (M. François Patriat applaudit.)

M. Christophe-André Frassa.  - Il est temps de faire plus que du soutien moral.

M. Laurent Burgoa.  - Eh oui !

M. Christophe-André Frassa.  - Pour les Malgaches, Paul Maillot est un otage. La présence du Président de la République à la réunion de la Commission de l'océan Indien est une occasion : il faut que la libération de Paul Maillot soit évoquée lors de sa rencontre avec le président malgache. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Brigades de gendarmerie

M. Franck Dhersin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe mes collègues de la Marne et de la Haute-Loire à ma question.

En 2022, le Président de la République annonçait la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie afin de lutter contre les déserts sécuritaires, notamment dans les territoires ruraux. Nous saluons l'ampleur de l'engagement : 239 brigades ont finalement été créées.

La sécurité ne saurait être à géométrie variable. Pourtant, des signaux d'alerte nous remontent. Les élus sont prêts, mais les effectifs ne sont pas là. À Caudry, le maire a investi 90 000 euros, à Renescure, c'est 40 000 euros, mais on n'a aucune nouvelle des gendarmes promis ! Les 2 000 ETP annoncés ont-ils été budgétés ? Ou sont-ils gelés ?

Je vous invite à passer un week-end à Zuydcoote. (On apprécie la référence.) Les choses s'y passent bien, parce que c'est le seul endroit de France où les gendarmes sont payés par Sa Gracieuse Majesté.

Nous avons besoin de clarté et attendons que la promesse présidentielle soit tenue. Où en est la programmation ? Quand les effectifs seront-ils déployés ? Les engagements seront-ils honorés dans les délais annoncés ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Vous avez raison : j'ai récemment négocié une rallonge budgétaire avec mon homologue britannique, Yvette Cooper.

Le Président de la République a pris un engagement, en effet, mais c'est aussi un engagement législatif, avec la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

Nous avons déployé 80 brigades l'an dernier ; cette année, l'objectif est de 57. La priorité va aux départements qui n'ont pas encore été pourvus et aux collectivités territoriales qui ont déjà réalisé des investissements. Nous avons la masse salariale, mais nous devons encore obtenir l'autorisation de création des 464 postes de gendarmes.

Enfant de la ruralité, je connais bien la gendarmerie nationale, dont le statut est complémentaire à celui de la police nationale. Je tiens à son statut militaire et à son enracinement dans tous les territoires. Le gendarme est le soldat de la loi, mais aussi du lieu, car on ne protège bien que ce que l'on connaît bien. Plus il y a de distance, plus la confiance se réduit.

J'ai entendu votre question : il faut répondre aux engagements présidentiels, mais aussi législatifs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

La séance reprend à 16 h 35.