Restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.

Discussion générale

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La proposition de loi soumise à votre examen a été déposée par le président Gabriel Attal dans le contexte de mutations profondes qui secouent notre société, avec une jeunesse à la fois auteure et victime de faits de plus en plus nombreux et violents. L'actualité récente en témoigne, avec des faits graves commis par des mineurs, parfois très jeunes, sur d'autres mineurs, parfois très jeunes.

Si la justice est l'affaire de tous, c'est encore plus le cas de celle des mineurs. Or l'État se révèle trop souvent un parent défaillant.

Pour protéger notre jeunesse et répondre aux infractions, nous pouvons compter sur l'engagement de tous les acteurs de la chaîne pénale : juges, huissiers, avocats, surveillants pénitentiaires, policiers et gendarmes, acteurs sociaux.

Chacun mesure que notre société est confrontée à une délinquance des mineurs toujours plus prégnante. Nous faisons face à des faits de plus en plus violents. Ce phénomène, qui certes ne touche pas seulement notre pays, est intolérable.

L'année dernière, 21 % des mis en cause avaient moins de 18 ans - ils sont impliqués en particulier dans des affaires de vol et de trafic de stupéfiants. Cela nous oblige à revoir nos pratiques sans remettre en cause les principes de la justice des mineurs, fondée sur l'éducation et l'accompagnement.

Nous ne devons pas non plus fermer les yeux sur les causes multiples de cette violence : précarité et isolement, défaillance de certains parents, questions migratoires et échecs de l'intégration, logements insalubres, réseaux de prostitution et de drogue ; l'école, les structures culturelles, nous-mêmes ne jouons pas toujours notre rôle. Chacun doit assumer sa part de responsabilité.

À commencer par les parents, car on ne met pas au monde un enfant impunément. Certains ont démissionné, mais d'autres doivent être accompagnés, notamment les femmes seules qui travaillent tard le soir ou tôt le matin et font face à des adolescents à qui manque l'autorité du père. Nous devons sanctionner les parents défaillants et aider ceux qui crient à l'aide. Les mineurs ont besoin d'un cadre et de respect. Nous devons renforcer l'autorité, qui va de pair avec l'éducation.

Mon anté-prédécesseur, Éric Dupond-Moretti, a présenté le nouveau code de la justice pénale des mineurs, destiné notamment à rendre plus lisibles et cohérents les textes applicables. Cette réforme d'ampleur a été à l'origine d'améliorations, en particulier un raccourcissement des délais de jugement : en moyenne, les mineurs sont jugés aujourd'hui en moins de neuf mois. Je salue le travail considérable mené pour y parvenir.

La justice pénale des mineurs repose sur trois principes fondamentaux, consacrés par le Conseil constitutionnel.

D'abord, la spécialisation des acteurs de la procédure : les mineurs doivent être jugés par des juridictions spécialisées. Nous n'y revenons pas.

Ensuite, la primauté de l'éducatif sur le répressif : un mineur doit faire l'objet d'abord de mesures éducatives et éventuellement, lorsque les circonstances le justifient, répressives. Je considère qu'il faut l'éducatif et le répressif, et non l'éducatif ou le répressif. Je crois, monsieur le rapporteur, que c'est le sens dans lequel iront nos travaux.

Enfin, l'atténuation de la responsabilité du mineur en fonction de son âge - ce qu'on appelle communément l'excuse de minorité. À cet égard, la proposition de loi renverse en quelque sorte la charge de la preuve pour ce qui est de savoir si le juge peut considérer ou non que l'excuse n'a pas à s'appliquer.

Ces grands principes engagent la France, qui a également ratifié la Convention internationale de droits de l'enfant ; nous célébrons cette année les 35 ans de ce texte international, le plus ratifié de tous, avec 196 pays engagés. Son article 40 consacre la spécificité de la justice des mineurs.

Mais ces principes ne sont pas synonymes d'impunité ; ils doivent être conciliés avec la nécessité de prévenir les atteintes à l'ordre public. C'est donc d'une main tremblante, mais ferme tout de même, qu'il nous appartient de garantir l'autorité de la justice sur les mineurs - exercice délicat qui a donné lieu à l'Assemblée nationale à des débats longs et passionnés, mais toujours respectueux.

Un mineur délinquant doit être puni, mais il est souvent un mineur en danger. Nous devons agir pour protéger l'enfance en amont.

Le juge des enfants intervient dans le cadre de l'assistance éducative lorsqu'il y a danger pour un mineur au sein de sa famille. Cette procédure peut donc concerner des mineurs qui n'ont commis aucune infraction. Les mineurs sont entendus par le juge des enfants, qui doit rechercher l'adhésion des familles.

Mais les mineurs délinquants ont souvent connu un parcours de mineur isolé, à l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou ont subi les effets d'une déstructuration familiale.

Nous devons agir sur les deux volets de la justice des mineurs : une réponse plus ferme et une prévention plus efficace, en liaison avec les départements.

La procédure d'audience unique pose question, mais me paraît nécessaire. Le Gouvernement accompagnera cette réflexion sans tomber dans la démagogie, pour une réponse plus rapide.

La meilleure représentativité des tribunaux est une demande du Gouvernement. Je me félicite que la discussion sur ce sujet puisse avoir lieu. Je salue le travail considérable des assesseurs, qui aident les tribunaux à prendre en compte la situation sociale des jeunes.

Nous devons conjuguer fermeté et accompagnement. Le drame qui a touché le jeune Elias à Paris montre l'absurdité de notre système : les deux jeunes suspects étaient bien connus des services de la justice des mineurs, mais la violation de leurs mesures éducatives n'aurait entraîné aucune sanction.

Alors que la défiance envers nos institutions est de plus en plus prégnante, nous devons garantir l'autorité, l'efficacité et l'humanité de la justice. La fermeté que nous voulons instaurer n'est pas une fin en soi, mais une condition de la restauration de la confiance de nos concitoyens dans la justice. La justice des mineurs ne peut être celle des majeurs, mais les mineurs d'aujourd'hui ne sont pas ceux de 1945 : entre ces deux vérités, nous devons écrire une loi juste.

Le Gouvernement regrette l'absence de dispositions sur la protection de l'enfance. Nous en reparlerons.

Les modifications défendues par le rapporteur n'emportent pas toujours notre adhésion. Mais le Sénat saura trouver, conformément à nos engagements constitutionnels et internationaux, qu'il a toujours respectés...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Constitutionnels, pas toujours !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - ... une voie de sagesse. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Francis Szpiner, rapporteur de la commission des lois .  - Des infractions de plus en plus violentes sont commises par des mineurs de plus en plus jeunes. Chacun d'entre nous a dans sa ville ou son département trop d'exemples de cette évolution préoccupante. Nous devons la juguler.

De nombreuses actions ont déjà été engagées, comme le nouveau code de la justice pénale des mineurs, grâce auquel les délais de jugement ont été raccourcis de 40 %, entre autres progrès.

Je me réjouis que le garde des sceaux ait rappelé les principes, intangibles, de la justice des mineurs, à commencer par la primauté de l'éducation : un mineur n'est pas un justiciable comme un autre. Nous avons en la matière des obligations qui résultent à la fois de notre Constitution et de nos engagements internationaux.

La justice des mineurs manque aussi de moyens : difficultés matérielles des juridictions, manque de places dans les structures spécialisées, moyens insuffisants de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Dans ce contexte, il n'est pas illégitime que nous examinions, une nouvelle fois, un texte sur la justice des mineurs. Si l'entrée en vigueur du nouveau code de la justice pénale des mineurs est encore fraîche, il aurait été naïf de croire qu'il résoudrait tout. La commission des lois n'est donc pas hostile par principe à rouvrir ces débats.

Néanmoins, nous avons le devoir, particulièrement au Sénat, de ne pas céder à deux tentations. La première serait de légiférer sous le coup de l'émotion suscitée par un fait divers, car nul ne peut se satisfaire de lois de circonstance dépourvues de portée. La seconde, de mettre de côté les principes dégagés par le Conseil constitutionnel en 2002.

La proposition de loi votée par l'Assemblée nationale a-t-elle échappé à ces deux écueils ? La commission des lois a répondu par la négative. Elle en a tiré les conséquences en remaniant profondément certains dispositifs et en en supprimant d'autres. Mais nous avons laissé ouvertes de nombreuses initiatives. Nous regrettons d'avoir travaillé dans des délais très contraints ; pour être fréquentes, ces conditions ne sont pas acceptables.

Le premier volet de ce texte tend à responsabiliser les parents. Nous avons adopté en la matière une démarche constructive. Si nous avons supprimé la redéfinition des éléments constitutifs du délit de soustraction des parents à leurs obligations légales, imprécise au point de fragiliser le texte, nous avons étendu le périmètre de la circonstance aggravante pour y inclure des délits dont la preuve sera plus simple à apporter ; nous avons ainsi cherché à muscler le texte en le rendant plus applicable. Nous avons supprimé la sanction civile contre les parents ne répondant pas à leur convocation en matière d'assistance éducative, mais sécurisé le dispositif actuel en matière pénale. Et c'est le Sénat qui a organisé la responsabilité réelle des parents en les associant au remboursement des dommages.

Oui, nous avons supprimé la comparution immédiate, parce qu'elle n'atteignait pas l'objectif recherché. Où est l'agresseur du rabbin d'Orléans ? En prison, et il sera jugé dans trois semaines. L'audience immédiate permet une réponse efficace. Nous considérons qu'il faut plutôt faciliter le recours à l'audience unique.

S'agissant de l'atténuation des peines, nous avons supprimé l'article 5, de portée limitée. En matière législative, il n'est pas inutile d'avoir un peu de mémoire : ce dispositif a été en vigueur entre 2007 et 2014, sans conduire à aucune inflexion. Les juridictions peuvent déjà déroger à l'excuse de minorité. Quand elles le veulent, qu'elles soient composées de magistrats seuls ou de magistrats et de jurés, elles peuvent prononcer les peines prévues pour les majeurs.

Enfin, le texte apportait des modifications au code de la justice pénale des mineurs, que nous avons en partie supprimées.

Ainsi, la commission des lois a expurgé du texte les dispositifs les plus problématiques. Oui, les Français attendent du législateur une réponse forte. Il faudra un jour parler des peines courtes, ce qui n'est pas l'objet de ce texte.

Merci, monsieur le garde des sceaux, d'avoir rappelé les principes de la justice des mineurs, qui doivent être respectés. Rien, mes chers collègues, n'est pire que les lois inutiles et inapplicables ! Ceux qui voudraient délibérément ne pas respecter la Constitution fragiliseraient notre État de droit, et la dénonciation facile du gouvernement des juges fait le lit de ceux qui veulent l'abattre. (Applaudissements sur plusieurs travées à gauche ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)

Nous disposons déjà des moyens de combattre les infractions les plus graves. M. le garde des sceaux peut, par voie de circulaire, demander au parquet de requérir des peines sévères pour les ports d'armes et de couteaux. Nous avons le devoir d'écrire une loi qui ne sera pas source de déception par son inefficacité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées à gauche)

M. Joshua Hochart .  - Restaurer l'autorité de la justice face aux mineurs délinquants et à leurs parents : noble ambition et chantier colossal. Mais quel aveu ! Alors que l'autorité républicaine s'est dissoute dans le laxisme et l'angélisme, ce texte va plutôt dans le bon sens. Enfin la majorité se réveille ; enfin, elle écoute les Français et Marine Le Pen.

Mais ce texte ne fait qu'effleurer la surface d'un problème abyssal. L'immeuble est en feu, et vous brandissez un pistolet à eau... Les amendes pour parents défaillants plafonnées à 7 500 euros ? C'est beaucoup, mais dérisoire dans certains cas, au vu de la gravité des faits. Les sénateurs du Rassemblement National proposeront plutôt de supprimer les allocations des parents défaillants.

L'assignation à résidence avec bracelet électronique dès 13 ans est la mesure la plus symbolique et la moins contraignante du texte. Un mineur condamné pour trafic de stupéfiants continuera depuis sa chambre, comme du reste le font les majeurs depuis leur cellule.

Le texte ne fait qu'effleurer l'ordonnance de 1945, ce monument d'indulgence en vertu duquel un mineur multirécidiviste est considéré comme un enfant égaré.

C'est un premier pas, mais bien mou. Rien sur les mineurs étrangers, rien sur la protection du corps professoral. Pourtant, la France n'en peut plus d'attendre : pendant que nous débattons, des citoyens se font agresser, des policiers caillasser, des enseignants insulter.

Français, tenez bon : on arrive !

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Dominique Vérien applaudit également.) Impossible d'aborder ce texte sans une pensée pour toutes les victimes, leurs familles et leurs proches. Hier encore, une rixe a entraîné la mort d'un jeune de 17 ans dans l'Essonne.

Rixes, agressions, et trafics deviennent une réalité trop familière. La délinquance des mineurs s'impose à nous, de plus en plus précoce et de plus en plus grave.

La réponse judiciaire est plus rapide, mais des lacunes persistent. Si les mesures éducatives doivent être privilégiées, notre arsenal doit évoluer. Il faut une réponse ferme quand le mineur persiste, pour protéger nos concitoyens et mettre fin à la spirale de la délinquance.

La minorité est trop souvent une excuse pour réduire les peines de façon automatique. L'enjeu est d'introduire davantage de coercition sans porter atteinte à nos règles constitutionnelles. La dimension éducative doit rester centrale, mais il faut un équilibre entre éducation et sanction.

Ce texte comporte des avancées majeures que nous soutenons. Sur l'initiative du rapporteur, la commission des lois l'a précisé et sécurisé.

Pour préserver nos enfants de la délinquance, il faut replacer l'autorité parentale au centre. Notre groupe soutient pleinement la meilleure indemnisation des victimes, à laquelle participeront les parents - bien souvent, c'est l'assureur qui s'en charge.

Le rapporteur a introduit des dispositions sur le terrorisme et le crime organisé. Les réseaux criminels, conscients de la clémence de notre système, n'hésitent pas à recruter des mineurs. Quand un réseau criminel recrute un tueur à gages de 14 ans, où est notre responsabilité ? Nous n'avons d'autre choix que d'étendre le placement, l'assignation à résidence et, le cas échéant, la détention préventive.

Les mesures éducatives ne sont pas toujours efficaces et souvent insuffisantes. Il ne s'agit ni de traiter les mineurs comme des adultes ni de nier l'importance de l'approche éducative, mais nous devons donner à la justice les moyens d'être efficace. Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)

Mme Lauriane Josende .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapport « Prévenir la délinquance des mineurs - Éviter la récidive » de septembre 2022 a montré l'étendue du chantier. Il faudrait un traitement profond et exhaustif plutôt que des textes au coup par coup.

Cette proposition de loi a été largement remaniée en commission des lois. Elle est perfectible, mais constitue un amorçage pour lutter contre la délinquance juvénile qui gangrène peu à peu notre pays.

Notre indulgence devient notre faiblesse, notre bienveillance se retourne contre nous. Cessons d'opposer répression et éducation. Une sanction immédiate et adaptée revêt intrinsèquement une vertu éducative ; il faut donc sanctionner le mineur le plus tôt possible dans son parcours de délinquance.

J'ai déposé un amendement pour faciliter l'audience unique, afin de ne pas retarder la sanction : la césure crée un sentiment d'impunité, comme cela est largement démontré.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est l'inverse !

Mme Lauriane Josende.  - Nous devrons ouvrir le débat de fond sur l'âge de la majorité pénale, au-delà de la sacro-sainte excuse de minorité. Cela appelle une réforme d'ampleur, pour prendre en compte l'évolution de la criminalité des mineurs.

Nous devons protéger nos enfants. N'oublions jamais que les premières victimes de la délinquance des mineurs sont d'autres mineurs. En chacun de nous il y a un parent à rassurer, face à une évolution sociétale bien plus rapide que nos décisions législatives.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et INDEP ; Mme Christine Herzog applaudit également.)

Mme Salama Ramia .  - (M. Daniel Chasseing applaudit.) Cette proposition de loi puise son origine dans les émeutes urbaines qui ont suivi le décès de Nahel à Nanterre en 2023.

Nous voulons mettre les parents face à leurs responsabilités. Sans remettre en cause l'architecture du code de la justice pénale des mineurs, il convient de redonner un sens aux notions, qui nous sont chères, de famille, d'autorité, d'éducation et de justice.

Le nouveau code de la justice pénale des mineurs a divisé les délais de jugement par deux depuis 2019.

Hélas, cette proposition de loi a été dénaturée par la commission des lois.

M. Guy Benarroche.  - Améliorée !

Mme Salama Ramia. - S'agissant du renforcement de la responsabilité parentale, nous regrettons que l'article 1er ait été vidé de sa substance.

De même, les articles 4, 5, 6, 9 et 10 ont été supprimés alors qu'ils traduisaient une volonté d'équilibre. Nous croyons à l'obligation de présence des parents aux audiences en matière d'assistance éducative, pour les sensibiliser à la nécessité d'aider leur enfant à se ressaisir.

Nous proposerons de rétablir l'article 2, vidé de sa substance en commission.

Nous souhaitons aussi rétablir la comparution immédiate. On ne peut se revendiquer comme caïd et ne pas en répondre sans délai devant la justice. Seuls les cas les plus extrêmes seraient concernés : les infractions graves, commises en flagrance, par des mineurs d'au moins 16 ans, en état de récidive légale.

Nous appelons en responsabilité à rétablir l'article 5, qui écarte l'atténuation de peine lorsqu'un mineur de plus de 16 ans commet certains crimes et délits graves en état de récidive légale. C'est une réponse nécessaire, conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2007, à l'escalade de la violence juvénile.

L'appel à la responsabilité des parents doit s'étendre aux proches auxquels les enfants sont confiés, qu'il y ait ou non délégation de l'autorité parentale. À Mayotte notamment, des jeunes mineurs sont confiés à des proches de confiance, mais en réalité livrés à eux-mêmes ; ces parents de substitution doivent honorer leur promesse.

Les jeunes doivent retrouver le cadre familial qui construit, transmet des valeurs et le sens des responsabilités. La justice n'est pas l'ennemi : elle garantit au contraire une réhabilitation sociale. Nous saluons le travail exemplaire de la PJJ, qui contribue à faire de la justice des mineurs un levier de réinsertion.

Nous vous invitons à voter cette proposition de loi, telle que nous souhaitons la rétablir. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Marc-Philippe Daubresse applaudit également.)

Mme Sophie Briante Guillemont .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La délinquance des mineurs a baissé de 30 % entre 2017 et 2023. C'est bon signe, mais cette délinquance est de plus en plus violente et implique des auteurs toujours plus jeunes : 10 % des mineurs poursuivables sont âgés de moins de 13 ans. La violence et l'âge sont deux paramètres qui défient notre compréhension de la délinquance juvénile.

Une fois n'est pas coutume, nous voudrions répondre par une nouvelle loi.

En 2022, un rapport d'information de la commission de la culture et de la commission des lois soulignait la corrélation entre décrochage scolaire et délinquance, l'appât du gain comme motivation dans la narco-criminalité et le rôle amplificateur des réseaux sociaux.

La délinquance des mineurs est à la croisée de plusieurs politiques publiques : lutte contre les violences intra-familiales, contre la pauvreté, éducation, politique de la ville.

Ce n'est pas l'approche de cette proposition de loi, qui n'a qu'un angle : la répression, censée, selon l'auteur, « provoquer un sursaut d'autorité et une prise de conscience » chez les adolescents concernés.

Le rapporteur Szpiner a réalisé un travail de juriste et en a tiré des conclusions implacables, auxquelles nous souscrivons. Il a ainsi supprimé la comparution immédiate, inadaptée à la justice des mineurs, que le Gouvernement veut réintroduire sous une forme remaniée.

Ce faisant, notre commission des lois n'est ni hors sol, ni laxiste. Elle adresse un message de sérieux. Ne faisons pas miroiter aux Français des mesures inadaptées à la réalité de la justice des mineurs, déjà profondément remaniée il y a quatre ans.

Le nouveau code conserve les grands principes de l'ordonnance de 1945, auxquels nous sommes attachés : distinction entre le mineur et l'adulte, primauté de l'éducatif sur le répressif, juridiction spéciale.

La commission n'a pas modifié la philosophie du texte, qui étend la circonstance aggravante et fait participer les parents à la réparation financière des dommages causés par leurs enfants. Nous ne souscrivons pas à cette vision de l'autorité parentale : on risque surtout d'accélérer la rupture de la cellule familiale qui préserve de la délinquance.

Enfin, il est illusoire de penser faire face sans augmenter les moyens, alors qu'au pénal comme au civil, nombre de mesures éducatives ou de protection ne peuvent être mises en oeuvre faute de moyens.

La majorité du RDSE s'abstiendra et votera contre en cas de rétablissement de la rédaction initiale. (Applaudissements sur les travées du RDSE et à gauche)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Trois ans après la large réforme de la justice pénale des mineurs, Gabriel Attal a souhaité faire évoluer la loi, face à des infractions toujours plus graves et des auteurs toujours plus jeunes.

Certains jeunes n'hésitent pas à sortir un couteau pour un simple différend. L'ultraviolence se banalise : 21 % des affaires impliquant des mineurs sont pour coups et blessures volontaires, une proportion plus élevée que chez les adultes !

Ce changement de paradigme doit trouver un écho dans la prise en charge par la justice. Le texte prévoyait une comparution immédiate pour les cas les plus graves, et facilitait la levée de l'excuse de minorité.

Se pose également la question de la responsabilité des parents. Nous pensons tous à la mère isolée, qui travaille de nuit et ne peut surveiller ses enfants - pas question d'aggraver son fardeau par des mesures punitives. Mais il y a aussi des parents démissionnaires, or l'éducation relève de la sphère familiale et nous devons le rappeler.

Le texte prévoyait une réécriture du délit de soustraction, une amende pour les parents ne se présentant pas aux convocations, et une responsabilité accrue des parents pour les dommages causés par leurs enfants. C'est peu dire que le rapporteur n'a pas été convaincu : quatre articles supprimés, deux vidés de leur substance... Si certaines mesures étaient mal cadrées, il aurait mieux valu les réécrire que les supprimer.

Le rapporteur a aussi amélioré certains aspects du texte, notamment l'article 3. Il aurait pu aller plus loin, sans jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous proposerons de rétablir en partie l'article 1er - tout en protégeant la mère qui refuserait de présenter ses enfants à un père violent ou abusif, ainsi que l'article 2 : il n'est pas acceptable que certains parents ne se présentent pas aux convocations. À l'article 3, nous proposerons que l'indemnisation soit due par les deux parents, même si l'assurance est au nom de la mère. C'est une mesure d'équité et de responsabilisation.

Nous souhaitons rétablir la comparution immédiate et les dispositions relatives à l'excuse de minorité, en réservant cet indéniable durcissement pénal aux cas les plus graves, car notre justice doit être en phase avec la réalité de cette nouvelle violence. L'assassin de Philippine avait bénéficié de l'excuse de minorité lors d'une précédente condamnation pour viol : il avait été condamné à sept ans de prison, cinq avec les remises de peine...

Il faut sanctionner rapidement les cas les plus graves et ne pas laisser sans contrainte des individus dangereux, quel que soit leur âge.

Ce texte n'est pas parfait, il ne répond pas au manque de moyens de la PJJ, mais il n'en est pas moins nécessaire, malheureusement, face à une délinquance qui évolue vite. Notre justice ne doit pas prendre plus de retard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; François Patriat applaudit également.)

M. Ian Brossat .  - « La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains ». Ainsi s'ouvrait l'ordonnance de 1945, signée par le général de Gaulle, qui organisait la justice pénale des mineurs selon les principes d'atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge, de primauté de l'éducatif sur le répressif et de spécialisation des juridictions.

Nous nous apprêtions à combattre cette proposition de loi. En effet, mettre systématiquement en cause la responsabilité des parents en supposant qu'ils sont démissionnaires est contreproductif.

M. Olivier Paccaud.  - Pas toujours !

M. Ian Brossat.  - Les parents de mineurs délinquants ne sont pas forcément maltraitants. Souvent, ils sont contraints de cumuler plusieurs emplois, aux horaires décalés. Ces familles, souvent monoparentales, ont avant tout besoin d'un accompagnement.

Où est l'État pour combler ces carences ? Cette année encore, la PJJ, l'ASE et la justice des mineurs ont été abandonnées. Il manque 26 000 postes pour atteindre la moyenne européenne de dix-neuf élèves par classe. Le programme « Jeunesse et vie associative » a été amputé de 52 millions d'euros. La Cour des comptes alerte sur les inégalités dans les politiques publiques qui renforcent la précarité.

Cette proposition de loi prévoyait la comparution immédiate pour les plus de 16 ans. C'est une atteinte au principe de spécificité de la justice pénale des mineurs, contreproductive car inadaptée au temps de l'enfant, privé d'un temps de réflexion et d'accompagnement.

Le texte permettait également de déroger plus facilement à l'atténuation de responsabilité pénale. On interdit aux mineurs de voter, mais on les condamne comme des adultes ! Cette surenchère est vaine.

Nous saluons la lucidité du rapporteur, qui a évité le pire. Nous nous opposons toutefois à l'article 4 bis : même quand l'infraction est grave, un enfant de 13 ans ne peut pas être considéré comme un adulte, encore moins placé en détention provisoire. Ce serait contreproductif.

Nous défendrons toujours la primauté de l'éducatif sur le répressif.

Nous voterons contre le texte, mais serons attentifs aux modifications qui seront apportées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Encore une proposition de loi d'affichage, sans avis du Conseil d'État, sans concertation avec les acteurs de terrain. Et ce, alors que les effets de loi Belloubet n'ont pas été évalués. Il n'est pas bon de voter des mesures manifestement contraires à la Constitution, disiez-vous, monsieur le ministre, sur la loi Immigration. Au législateur de veiller au droit. Je rejoins le rapporteur : cette loi est mal écrite, au mieux inefficace ; les articles supprimés en commission n'avaient d'autre but que d'afficher une autorité forcément salvatrice. Merci à la présidente Jourda pour sa vigilance.

Je salue la réécriture de l'article 1 et la suppression de l'article 2. Alors qu'il manque des travailleurs sociaux à la PJJ et à l'ASE, la proposition de loi ferme les yeux sur ces dysfonctionnements et préfère jeter le discrédit sur les familles. C'était déjà le cas dans la proposition de loi sur le narcotrafic.

Cet acharnement contre des familles souvent monoparentales et précaires ajoute des maux aux maux sans rien résoudre dans le parcours éducatif et social des mineurs.

Notre groupe se félicite de la suppression de l'article 4. Encore une pure mesure d'affichage ! La justice des mineurs ne peut pas être cela.

Nous saluons la suppression de l'article 5 qui aurait été une source de complexité pour les juges.

Ce texte d'un ancien Premier ministre, redevenu député après un été de trêve politique olympique, relaye le mythe d'un prétendu laxisme judiciaire. Or un tiers des peines prononcées à l'encontre des mineurs sont des peines de prison. Les peines sont plus fréquentes et plus sévères : environ 800 mineurs sont incarcérés chaque mois depuis 2024, contre 700 au cours des dernières années.

La part de mineurs impliqués dans les délits est passée de 22 % en 1998 à 12 % en 2023 : c'est une baisse volumétrique tendancielle.

Le sujet de la justice des mineurs est celui des moyens, sur lequel la Défenseure des droits ne cesse d'alerter. Nous restons attentifs à l'évolution du texte et défendrons la spécificité de la justice des mineurs. (Applaudissements à gauche ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La violence des mineurs brise des vies et nourrit un sentiment d'échec collectif. Nous devons appréhender cette question sans céder à l'émotion provoquée par ces drames.

Quelques chiffres : en 2022, on comptait 168 900 affaires mettant en cause des mineurs, contre 198 000 en 2021, mais il est vrai que cette délinquance se rajeunit et devient plus violente. Le taux de réponse pénale est de plus de 90 % ; elle intervient plus systématiquement et plus vite que pour les majeurs : 816 mineurs étaient incarcérés au 1er octobre 2024, contre 614 en janvier 2023.

C'est l'apport récent du code de la justice pénale des mineurs, qui a refondu la procédure autour d'une double audience : l'audience de culpabilité, qui acte la responsabilité, et l'audience de sanction. Entre les deux, un travail éducatif qu'on pourrait appeler séquence de probation.

Le code va plus loin : il permet de sanctionner les parents qui ne se présenteraient pas aux audiences, d'échapper au principe d'atténuation, de juger plus vite les mineurs de plus de 16 ans multiréitérants. L'audience unique est une forme de comparution immédiate ; elle devait être l'exception, mais représente le tiers des affaires.

Le code de la justice pénale des mineurs est tout sauf permissif. Il est donc d'autant plus étonnant de voir arriver un texte pour « restaurer l'autorité de la justice », qui ignore les principes constitutionnels et internationaux de la justice des mineurs.

Le texte voté à l'Assemblée nationale aggravait les sanctions autour de trois lignes rouges : comparution immédiate, proscrite par le Conseil constitutionnel en 2011, inversion du principe d'atténuation des peines pour les mineurs de plus de 16 ans, qui pose un problème de proportionnalité, aggravation des sanctions envers les parents. Il relevait plus de la réaction à l'actualité que d'une volonté de corriger des faiblesses structurelles de la justice des mineurs que sont l'inapplication des peines prononcées, le manque d'éducateurs et la saturation des lieux d'accueil de la PJJ. On compte un juge des enfants pour 400 enfants, 650 places en milieu fermé, 4 200 mesures en attente d'application.

Pensez-vous qu'un mineur ne passera pas à l'acte s'il encourt quatre ans plutôt que trois ? Qu'un parent tiendra mieux ses enfants s'il encourt une amende plus élevée ? Concentrons-nous plutôt sur l'exécution des peines et le renforcement de l'institution judiciaire.

Sans être en phase avec la philosophie du texte, nous avons souscrit aux modifications de la commission, mais les amendements de séance traduisent la même inquiétante stratégie que lors des textes sur les prestations sociales ou sur la ferme France : on invoque l'opinion publique pour voter des mesures inconstitutionnelles, on attend la censure, puis on accuse le Conseil constitutionnel de s'opposer à la volonté du peuple - comme si l'inconstitutionnalité n'était plus un argument. (Applaudissements à gauche)

Nous avons montré, lors de la proposition de loi sur le narcotrafic, que nous savions être responsables. La délinquance des mineurs est une réalité, qui mérite une réponse réfléchie. Nous refusons d'opposer répression et éducation : il faut les deux.

Il est irresponsable d'entraîner le Parlement dans une forme de trumpisme législatif (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; « Oh ! » indignés à droite) en exposant le Conseil constitutionnel à la vindicte de l'opinion.

Pour notre part, nous agirons en respectant l'État de droit, avec pour devise : rigueur scientifique, honnêteté intellectuelle. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, du GEST et du RDSE)

M. Marc-Philippe Daubresse .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapporteur nous a présenté une vision fort critique du texte, pourtant voté à l'Assemblée nationale, par tous les groupes soutenant le Gouvernement. Le texte qui sort de la commission a été amélioré juridiquement sur la forme, mais aussi substantiellement modifié sur le fond.

La réponse est non - mais au fait, quelle était la question ? Cette proposition de loi n'est pas un texte de circonstance.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ah bon ?

M. Marc-Philippe Daubresse.  - La violence des mineurs, plus grave, plus précoce, plus organisée, n'épargne plus aucun territoire.

Les mineurs âgés de 13 à 17 ans comptent pour 6 % de la population, mais représentent 40 % des mineurs mis en cause dans les vols avec violence. Le nombre de mineurs mis en cause pour coups et blessures volontaires sur d'autres mineurs a augmenté de 350 % depuis vingt ans. Ils sont toujours plus impliqués dans le narcotrafic, et dans les rixes entre bandes, dans la délinquance de rue. Le nier, c'est nier ce que vivent les Français, qui nous demandent de durcir notre politique pénale.

Ce matin, Bruno Retailleau...

M. Guy Benarroche.  - Ah, voilà !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - ... a plaidé pour de courtes peines de prison de quelques semaines, pour la comparution immédiate et pour que l'excuse de minorité devienne l'exception. (Protestations à gauche ; applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il fallait le garder comme président de groupe !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - La réforme du code de la justice pénale des mineurs est insuffisante face à l'augmentation exponentielle de la violence. Il faut responsabiliser les parents et adapter nos procédures pour les mineurs récidivistes de plus de 16 ans. Nous proposerons de rétablir des articles supprimés, en renforçant les garanties procédurales. Les Français attendent de nous une réponse forte. Assumons nos responsabilités politiques ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; Mme Christine Herzog applaudit également.)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il fut un temps où la minorité était sacrée, ou l'autorité des parents était respectée, où l'école imposait ses règles, ou la justice n'excusait pas systématiquement. Mais ouvrons les yeux : les mineurs d'après-guerre n'ont rien à voir avec ceux de 2025.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ils étaient pires !

M. Stéphane Le Rudulier.  - Aujourd'hui, des bandes ultraviolentes terrorisent nos quartiers, agressent les professeurs, caillassent les pompiers. Dimanche, un rabbin a été agressé en pleine rue à Orléans. Marseille, capitale du narcotrafic, est gangrenée par une armée de tueurs à gages adolescents, qui exécutent pour quelques milliers d'euros, qui n'ont peur de rien, car ils savent que la justice ne les sanctionnera jamais à la hauteur de leur crime. Il faut que cela cesse ! À 16 ou 17 ans, on sait ce que l'on fait. « Quand on ne sanctionne pas, on encourage », disait Nicolas Sarkozy.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Des nouvelles des réquisitions du parquet ? Avec ou sans bracelet électronique ?

M. Stéphane Le Rudulier.  - Nous devons rétablir l'autorité -  de l'État, des parents, de l'école. Fini les rappels à la loi, les peines symboliques : un acte grave appelle une sanction immédiate. Les mineurs de 2025 doivent comprendre que la République n'est pas une grande muette laxiste. Si certains adultes refusent d'éduquer leurs enfants, à nous de protéger la société de ces bombes à retardement.

L'impunité entraîne la récidive. Cessons de sacrifier la justice sur l'autel de la naïveté. La sanction a aussi une fonction éducative. Ce n'est pas un acte de répression aveugle, mais un acte fondateur de la responsabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a deux mois, le jeune Élias a été assassiné dans mon arrondissement par des mineurs multirécidivistes qui auraient dû être sous les verrous. Il faut en finir avec la culture de l'excuse, l'impunité et le renoncement. L'initiative de Gabriel Attal comportait des avancées significatives, sur des thèmes chers à la majorité sénatoriale. Je proposerai de rétablir certaines dispositions.

Il faut réévaluer la réforme qui a conduit à la césure du procès pénal des mineurs, et en tirer les conséquences. La punition n'est pas l'antithèse de l'éducation, mais son corollaire. Attendre que le mineur s'enfonce dans la délinquance pour agir, c'est laisser penser que la justice tolère. La première transgression doit être immédiatement sanctionnée. Il faut donc pouvoir prononcer de très courtes peines de prison, pour rappeler l'autorité de la loi et éviter la récidive.

Cessons d'invoquer la minorité comme prétexte à l'inaction. Pourquoi des mineurs capables d'une brutalité inouïe bénéficieraient-ils d'une indulgence systématique, au seul prétexte de leur âge ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est faux !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - La comparution immédiate doit être possible quand la gravité des faits l'exige. Pas de justice à la carte : en cas de refus, le mineur doit pouvoir être placé en détention provisoire. (M. Guy Benarroche s'indigne.)

Il faut une justice plus ferme, plus efficace, qui protège. Il y va de l'avenir de notre jeunesse, car les premières victimes de cette hyperviolence juvénile sont des jeunes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Le débat a largement débuté, mais je note que personne ne revient sur le constat.

Je lève le gage sur l'amendement n°40 de Mme Ramia et sur l'amendement n°28 de M. Daubresse.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Quelle surprise !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Sur les moyens de la PJJ, je ne puis qu'être d'accord, et vous engage à soutenir les crédits du ministère de la justice lors du prochain budget. La loi de programmation pour la justice a prévu des effectifs et des investissements supplémentaires pour la PJJ et pour la justice des mineurs ; j'ai souhaité rajouter une centaine de juges des enfants d'ici 2027 pour réduire le nombre moyen de dossiers par magistrat, aujourd'hui de 400.

Il y a un problème d'attractivité des métiers de la PJJ, mais aussi de suivi. Changer les dispositions du code sans donner à la justice les moyens de fonctionner n'aurait pas grand sens.

Les départements ont aussi une responsabilité en matière de protection de l'enfance.

Nous devrons donner plus de moyens au ministère de la justice - vous vous en souviendrez au prochain budget.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est rarement nous qui refusons de voter les crédits !

Discussion des articles

Article 1er

M. Olivier Paccaud .  - « Si j'aurais su, j'aurais pas venu ! » : vous connaissez tous cette réplique culte de Petit Gibus, dans l'adaptation cinématographique de La Guerre des boutons. Mais nous ne sommes plus en 1912, date de parution du roman de Louis Pergaud, et Gérald Darmanin n'est pas le père Zéphirin, le garde champêtre. On n'utilise plus l'épée de bois ou la fronde, mais la kalachnikov ou le chalumeau. On est passé de Disney à Pulp Fiction, Orange Mécanique ou La Haine. Les temps ont changé : plus de violence, plus précoce.

L'excuse de minorité s'engouffre dans les failles du système. Des mineurs délinquants sont devenus des acteurs majeurs de la galaxie mafieuse. Oui, cette loi est utile. Oui, nous avons besoin de justice, de parents responsables et de sanctions adaptées aux réalités de 2025 !

« On n'est pas sérieux quand on a 17 ans » écrivait Rimbaud du haut de ses 16 ans, mais la violence n'attend pas le nombre des années.

Notre législation doit s'adapter pour protéger notre société et notre jeunesse en danger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Claude Tissot .  - Cette proposition de loi est une réponse aux révoltes urbaines de 2023. Vous menez un combat populiste, avec une loi rédigée sous le coup de l'émotion. Nous sommes en présence d'un texte qui fédère contre lui, partiellement désavoué en commission à l'Assemblée nationale, puis complètement désavoué en commission au Sénat. Il va à l'encontre de nos engagements internationaux, notamment de la Convention internationale des droits de l'enfant, et de certains principes constitutionnels.

Monsieur le ministre, vous appelez, à raison, au respect de l'autorité. Mais si l'autorité humilie, elle ne fera qu'embraser. Non contents de fragiliser des familles déjà éprouvées, vous vous concentrez sur la seule réponse répressive et balayez d'un revers de main les avancées en psychologie de l'enfant. Vous offrez une fois encore des gages à l'idéologie punitive.

Les mesures d'accompagnement donnent pourtant des résultats pour ces jeunes qui, un jour, ont fait l'erreur de basculer. Il faut dire aux éducateurs, aux magistrats, que le budget de la justice ne sera pas renforcé pour les mineurs et qu'à la place vous proposez d'enfermer plus vite et plus longtemps.

J'espère que vous garderez sur la conscience que les jeunes qui ont déjà un pied dans la criminalité auront aussi, à cause de vous, un pied dans le chômage et la récidive. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme la présidente.  - Amendement n°53 de M. Reichardt.

L'amendement n°53 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié bis de Mme Vérien et alii.

Mme Dominique Vérien.  - Cet amendement rétablit l'article 1er, tout en conservant des avancées du rapporteur.

Les parents sont déjà punis s'ils se soustraient à leurs obligations légales. Si cette soustraction conduit leur enfant à commettre un crime ou plusieurs délits ayant donné lieu à condamnation, les parents seront punis de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende.

Nous retenons aussi des avancées du rapporteur comme l'extension du périmètre de la circonstance aggravante et la suppression de la peine complémentaire de travaux d'intérêt général.

Mme la présidente.  - Amendement n°37 rectifié ter de M. Rochette et alii.

M. Pierre Jean Rochette.  - En commission, le rapporteur a supprimé la circonstance aggravante. Mon amendement la restaure en remplaçant le lien direct par le caractère concomitant du comportement fautif du parent et de la commission du crime ou du délit par le mineur.

Il fait aussi entrer dans le champ de la soustraction le fait pour un parent de ne pas empêcher un mineur de circuler en dépit du couvre-feu.

Mme la présidente.  - Amendement n°42 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - La commission a introduit un « joker juridique » pour le parent défaillant, en excluant les violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours. La peine applicable serait portée à cinq ans de prison et 50 000 euros d'amende.

Mme la présidente.  - Amendement n°39 rectifié ter de M. Rochette et alii.

M. Pierre Jean Rochette.  - Cet amendement de repli ne retient que la circonstance aggravante.

Mme la présidente.  - Amendement n°38 rectifié ter de M. Rochette et alii.

M. Pierre Jean Rochette.  - Cet amendement de repli ne retient que le non-respect du couvre-feu.

Mme la présidente.  - Amendement n°56 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement exclut le délit de non-présentation d'enfant du périmètre des circonstances aggravantes, car c'est parfois un dernier recours pour protéger un enfant de violences intrafamiliales. La jurisprudence a admis que la non-présentation pouvait être justifiée en cas de sentiment de peur de l'enfant.

Pour protéger les parents qui protègent leurs enfants, nous ne voulons pas condamner un parent qui a choisi de protéger son enfant plutôt que de respecter la loi.

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos1 rectifié ter, 37 rectifié ter, 39 rectifié ter et 38 rectifié ter.

L'article 227-17 du code pénal n'a donné lieu qu'à 220 condamnations. On ne pourrait se retourner contre les parents qu'après une condamnation définitive du mineur... Nous serions alors très loin de la commission des faits.

La concomitance restreint trop fortement le champ : la rédaction de la commission est la plus opérante pour condamner les parents.

Monsieur Benarroche, je suis un peu embêté : il est vrai que la jurisprudence admet des circonstances légitimes à la non-présentation. Cependant, nous parlons ici de condamnations définitives... Sagesse sur l'amendement n°56 ?

Avis défavorable à l'amendement n°42. La réponse doit pouvoir être immédiate.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - L'amendement n°53 me paraissait mieux rédigé que l'amendement n°1 rectifié ter, mais comme il n'a pas été défendu, avis favorable à l'amendement n°1 rectifié ter. Je partage cependant les observations du rapporteur : la CMP pourra en débattre.

Je souscris aux propos de M. Benarroche et du rapporteur : la jurisprudence le prévoit déjà et la rédaction de M. Reichardt l'incluait. Sagesse sur l'amendement n°56.

Avis défavorable aux autres.

Mme Dominique Vérien.  - Monsieur Benarroche, j'ai oublié de préciser que votre préoccupation sur la non-présentation était reprise dans notre amendement.

Mme Laurence Rossignol.  - Si c'est le cas, les services du Sénat nous le confirmeront.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Le rapporteur a expliqué avec précision en quoi ces amendements sont inutiles - et le garde des sceaux n'est pas en désaccord. Nous sommes là pour faire la loi. Pourquoi voter des mesures inutiles ? Le groupe SER ne votera pas ces amendements.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - On n'est pas à la fac de droit.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous voterons en revanche l'amendement n°56. La jurisprudence est une source de droit, certes, mais il est plus sûr de l'inscrire dans le code.

L'amendement n°1 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que les amendements nos37 rectifié ter, 42 et 39 rectifié ter.

L'amendement n°38 rectifié ter est retiré.

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°56, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°58 de Mme Ramia et alii.

Mme Salama Ramia.  - La rédaction actuelle de l'article 1er exclut certaines situations répandues dans l'Hexagone comme outre-mer, celles de tiers recueillant l'enfant sans transfert de l'autorité parentale par la justice. Or à Mayotte, les mineurs délinquants, issus de l'immigration régionale, sont régulièrement confiés à des proches. Les adultes qui en acceptent la garde ne s'emparent pas de l'autorité confiée et ces enfants sont livrés à eux-mêmes. Aussi nous proposons d'étendre la sanction à ceux qui ont accepté la garde continue - en non ponctuelle - du mineur.

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Avis défavorable : les obligations qui résultent de l'autorité parentale résultent de l'autorité parentale... Sans transfert, il ne peut y avoir de responsabilité de fait. Et en cas de non-scolarisation ou de mauvais traitements, le code pénal général s'applique.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

Après l'article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°43 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Depuis trop longtemps, nous assistons impuissants à une délinquance juvénile qui sème le chaos, en toute impunité. Où sont les parents ? Une partie de ces mineurs appartiennent à des familles où les parents sont soit absents, soit démissionnaires, soit complices. Nous voulons suspendre ou supprimer les allocations familiales pour mettre fin au laxisme parental. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - J'invite notre collègue à lire le code de la justice pénale des mineurs : en cas de placement, ce sont les personnes ou l'établissement qui reçoivent les allocations et non les parents.

Tel que rédigé, cet amendement s'expose à un triple risque constitutionnel, puisque l'ensemble du foyer est sanctionné - à rebours du principe d'imputabilité -, la peine est automatique - à rebours du principe d'individualisation des peines - et il risque de violer d'autres principes à valeur constitutionnelle - droit de mener une vie familiale normale, droit au logement.

Travaillons plutôt à un meilleur partage des informations entre la justice des mineurs, la CAF et les services déconcentrés de l'État.

Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié de Mme Vérien et alii.

Mme Dominique Vérien.  - Nous rétablissons l'article 2 pour que les parents soient tenus de déférer aux convocations. Je comprends qu'une mesure éducative est meilleure quand il y a adhésion, mais si les parents ne se rendent pas aux convocations, on ne risque pas d'avancer ! L'amende peut les motiver à venir devant le juge des enfants.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°9 rectifié de Mme Ramia et alii.

Mme Salama Ramia.  - Défendu.

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous avons procédé à des dizaines d'auditions et personne ne nous a fait part de cette demande. En réalité, l'article 311-5 du code de la justice pénale des mineurs n'a donné lieu qu'à 32 amendes civiles en huit ans. C'est dire combien les juges ne sont pas demandeurs !

Mais nous rendrons un avis favorable à l'amendement de Marie-Do Aeschlimann.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Je suis en désaccord avec le rapporteur. Cet article responsabilise les parents en leur demandant de venir à l'audience, quand leur enfant doit comparaître. Aujourd'hui, un certain nombre de dysfonctionnements affectent la justice des mineurs, notamment le manque de présence des procureurs. Ces dispositions devraient pouvoir être rappelées par le procureur de la République quand les parents n'accompagnent pas l'enfant.

Les parents doivent acter le fait que leur autorité n'est pas respectée ou réfléchir à la façon de la restaurer. Ce n'est pas au juge de prendre la place des parents lorsqu'ils existent.

Il est vrai, pour avoir rencontré les professionnels dès mon arrivée place Vendôme, que ce n'est pas une demande des magistrats ; mais c'est du bon sens : qui pourrait s'y opposer ?

La majorité des parents ne viennent pas. Imaginons un enfant de 16 ou 17 ans qui ne voit pas ses parents à l'audience : cela montre un certain désintérêt.

Bien sûr, les parents peuvent être dans l'incapacité de venir - éloignement géographique, divorce difficile, travail en horaires décalés. On pourrait imaginer un mécanisme de justification d'absence.

Avis favorable.

Mme Dominique Vérien.  - Apparemment, si mon amendement était adopté, celui de Marie-Do Aeschlimann deviendrait sans objet : pourrais-je rectifier le mien pour intégrer le sien, si elle en est d'accord ?

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - J'allais le proposer. Je prévois d'aligner le montant des amendes à 7 500 euros. En matière civile, la sanction s'élève à 10 000 euros ; en matière pénale, c'est 3 750 euros.

Mme Salama Ramia.  - Je rectifie également le mien.

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Je suis favorable à l'amendement n°44 : il est de bon sens d'aligner les montants. Mais ce qui me gêne, dans l'amendement n° 2 rectifié, c'est le renvoi à un décret en Conseil d'État des modalités d'application d'une peine. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - La CMP devra se pencher sur la rédaction.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Décidément !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - C'est son rôle. Je pense notamment au cas de parents qui ne pourraient pas venir, de bonne foi.

Madame Aeschlimann, vous prévoyez 7 500 euros d'amende ; on pourrait déjà porter la porter à 3 500 euros.

Sous réserve de ces observations, avis favorable aux deux amendements et à leur fusion.

M. Christophe Chaillou.  - Depuis tout à l'heure, monsieur le ministre, vous nous dites : on verra en CMP. Mais alors à quoi bon débattre d'un texte, après un travail très sérieux de la commission ?

Croyez-vous vraiment, monsieur le ministre, qu'une amende incitera les parents à se présenter à l'audience ? Quand on connaît le terrain, on sait bien que non. Et le rapporteur l'a dit : personne ne demande ce dispositif. On se fait plaisir, sans efficacité.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - La CMP est le moment parlementaire par excellence : le Gouvernement n'y est pas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ça, c'est bien !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Si vous ne voulez pas de CMP, il faut voter le texte sans modification.

Mme Laurence Harribey.  - Ce n'est pas ce qui a été dit !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Bien souvent, quand on s'attache à la forme, c'est qu'on a une difficulté sur le fond.

J'ai été maire. Les bornes d'incendie étaient ouvertes tous les jours. On avait beau faire, rien n'y faisait ; c'était très agaçant. Tout a changé quand on a décidé de facturer aux parents les litres d'eau indûment versés. L'été d'après, pas une borne n'a été ouverte !

M. Christophe Chaillou.  - Et ça a été réglé ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Oui, c'étaient des titres de recettes. Venez à Tourcoing !

M. Guy Benarroche.  - Je ne voterai pas ces amendements. Nous ne participons jamais ou presque aux CMP ; dans les quelques CMP auxquelles j'ai participé, je n'ai pas eu l'impression que le Gouvernement était absent. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le confirme.) Et on reçoit les documents, plusieurs dizaines de pages, deux minutes avant la réunion... Laissez délibérer le Sénat.

Une fois vous nous dites de ne pas voter l'amendement et que l'on verra en CMP, et maintenant c'est l'inverse, vous nous dites de voter l'amendement et que l'on verra en CMP...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Très bien !

Les amendements identiques nos2 rectifié bis et 9 rectifié bis sont adoptés et l'article 2 est ainsi rédigé.

L'amendement n°44 rectifié quater n'a plus d'objet.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°57 de Mme Ramia et alii.

Mme Salama Ramia.  - Défendu.

L'amendement n°57, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°46 rectifié de Mme Vérien et alii.

Mme Dominique Vérien.  - La commission des lois a ouvert la possibilité pour l'assureur de faire participer les parents. Cet amendement précise que cette participation sera due par les deux parents. Dans une famille monoparentale, c'est souvent la mère qui souscrit l'assurance ; or le père doit aussi participer.

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Une jurisprudence prévoit que deux parents, même séparés, sont solidaires. Votre amendement risque d'alourdir la rédaction. Avis défavorable, à défaut d'un retrait.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

Mme Dominique Vérien.  - Je ne vois pas en quoi cela alourdirait...

L'amendement n°46 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°45 rectifié quinquies de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - La commission a amendé à juste titre l'article 3, en permettant aux assureurs de faire participer les parents à l'indemnisation d'un dommage commis par leur enfant, tout en tenant compte de leur solvabilité. Cet amendement vise à éviter que la participation des parents ne soit utilisée comme argument commercial : nous prévoyons qu'une telle promesse serait réputée nulle et non écrite.

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Sagesse.

L'amendement n°45 rectifié quinquies est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Article 4 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°48 rectifié sexies de Mme Carrère-Gée et alii.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Le texte de l'Assemblée nationale était imparfait, mais il nous faut une procédure de comparution immédiate des mineurs : actuellement, les délais sont trop longs, ce qui compromet l'autorité de la justice et les attentes des victimes.

La comparution immédiate renforcera l'efficacité de la justice pénale. La réponse judiciaire doit être plus réactive et adaptée à la gravité des faits.

La comparution immédiate sera possible pour les mineurs déjà connus de la justice et pour les délits passibles d'une peine de plus de trois ans pour les plus de 16 ans et de plus de cinq ans pour les moins de 16 ans.

Il n'y aura pas de justice pénale à la carte. Si le mineur ou ses parents s'opposent à la comparution immédiate, celui-ci pourra être envoyé en détention provisoire ou soumis à une mesure de sûreté ; il sera jugé dans les plus brefs délais.

Cela ne remet pas en cause la spécificité du droit pénal des mineurs.

Mme la présidente.  - Amendement n°52 du Gouvernement.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Nous proposons de réintroduire cet article dans une rédaction légèrement différente du texte de Gabriel Attal.

À la différence de Mme Carrère-Gée, nous limitons notre amendement aux seuls mineurs de plus de 16 ans -  c'était aussi le cas dans la version proposée par Gabriel Attal.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié de Mme Vérien et alii.

Mme Dominique Vérien.  - Cet amendement vise à rétablir l'article 4, mais je le retire au profit de celui de Mme Carrère-Gée.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°10 rectifié de Mme Ramia et alii.

Mme Salama Ramia.  - C'est aussi un amendement de rétablissement. La comparution immédiate ne concernera que les mineurs de plus de 16 ans déjà condamnés pour des infractions graves passibles de plus de 7 ans de prison et en état de récidive légale. Ils pourront être déférés le jour même pour une justice plus efficace. Cette procédure est réservée aux situations exceptionnelles.

Ainsi, nous faisons le choix d'une justice rapide et rigoureuse.

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - L'amendement n°10 rectifié est inapplicable : il faudrait que le mineur soit en récidive, c'est-à-dire que tous les droits de recours sont épuisés. D'ici là, il aura atteint la majorité !

Sur l'amendement de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, j'attire l'attention du Sénat sur le fait que présenter des gamins de 13 ans en comparution immédiate ne passera jamais devant le Conseil constitutionnel. Jamais ! Vous rendez-vous compte de ce que vous vous apprêtez à voter ?

M. Olivier Paccaud.  - Oui !

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Et pour quels faits ? Si ce ne sont pas des faits criminels - le mineur irait alors directement devant le juge d'instruction - c'est tout le code pénal ! En réalité, vous supprimez purement et simplement la justice des mineurs. Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable à l'amendement n°48 rectifié sexies. Si vous le votez, vous en prendrez la responsabilité !

Je remercie le Gouvernement pour son avis défavorable sur l'amendement n°48 rectifié sexies. (M. Gérald Darmanin sourit.) Mais j'ai l'impression que son amendement n°52 n'a pas prévu non plus de limite d'âge. Avis défavorable.

L'audience immédiate permet de juger un mineur rapidement : ainsi de l'agresseur du rabbin d'Orléans qui dort en prison et sera jugé dans trois semaines. Pour des faits criminels, le juge d'instruction a tous les moyens pour prononcer la détention et le contrôle judiciaire.

Cet amendement n'apporte rien : vous confondez la justice et la justice expéditive. Ce n'est pas ma conception.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - L'amendement n°52 ne concerne que les mineurs de plus de 16 ans, en raison des dispositions visées. Mais s'il faut le préciser... Je n'ose parler de CMP ! (M. Francis Szpiner s'en amuse.)

Il s'agit non pas de réitération, mais bien de récidive. Néanmoins, vous êtes trop fin juriste, monsieur le rapporteur, pour ignorer que tout le monde ne va pas en appel ou en cassation...

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Avec une loi pareille, les avocats le conseilleront !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Certainement, cher maître... Mais même pour des cas peu nombreux, cela peut être utile. J'aurais aimé avoir ces dispositions lorsque nous avons eu à connaître les émeutes de 2023. La moyenne d'âge des interpellés était de 16 ans, et il s'agissait parfois de récidivistes. Nous aurions aimé pouvoir les soumettre à comparution immédiate pour les faire dormir en prison et éviter l'effet mimétique.

Non, cette disposition ne révolutionnera pas la justice pénale des mineurs, mais je pense que ce rétablissement, mieux écrit, est utile.

Madame Carrère-Gée, il n'est ni constitutionnel ni raisonnable qu'un jeune de 13 ans passe en comparution immédiate pour des délits passibles d'une peine de plus de cinq ans.

Avant 13 ans, on n'est pas pénalement responsable ; passer de rien à tout - la comparution immédiate  - , c'est dur.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - On est responsable à 13 ans. (Exclamations sur les travées du groupe SER)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Pour que cette disposition soit constitutionnelle, de manière à ce que tout l'article 4 ne soit pas censuré, il faudrait au moins changer cet âge.

Mme Laurence Rossignol.  - On va peut-être voter l'amendement de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, alors. (Sourires)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Il faudrait donc rectifier votre amendement, madame Carrère-Gée.

M. Olivier Paccaud.  - Ne restons pas à zéro.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - C'est ce que je propose. Avec une rectification, je retirerai mon amendement et donnerai un avis de sagesse.

Je préfère l'amendement du Gouvernement -  ou celui de Mme Carrère-Gée, si celle-ci le rectifie  - à l'amendement n°10 rectifié : dès lors, retrait, sinon avis défavorable.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Votre amendement, monsieur Darmanin, s'applique à tous les mineurs. (M. Gérald Darmanin le conteste.) Il permet la comparution immédiate des mineurs de plus de 13 ans. Vous en parlez comme si on allait envoyer tous ces mineurs en comparution immédiate.

Mon amendement porte sur les mineurs de plus de 13 ans déjà connus de la justice et qui ont commis des faits passibles de cinq ans de prison.

Je suis favorable à une rédaction commune, mais ayons conscience que l'amendement du Gouvernement est identique au nôtre.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - L'amendement du Gouvernement fait référence aux articles L. 423-7 et L. 423-4, concernant l'audience unique, qui ne s'applique qu'aux plus de 16 ans. Ne faites pas dire à mon amendement ce qu'il ne dit pas.

La séance est suspendue quelques instants.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - J'ai rectifié mon amendement afin de favoriser son adoption la plus large. Nous remplaçons « plus de 13 ans » par « plus de 15 ans ».

Mme la présidente.  - Ce sera l'amendement n°48 rectifié septies.

M. Francis Szpiner.  - C'est votre dernier prix ? J'y suis défavorable, mais me réjouis que vous ayez mentionné 15 ans : je sais que le Conseil constitutionnel rejettera cette disposition. (On s'en amuse à gauche.)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Excellent !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Je retire l'amendement n°52. Sagesse sur l'amendement n°48 rectifié septies.

L'amendement n°52 est retiré.

Mme Marion Canalès.  - Le débat qui nous occupe est celui de l'accélération de la réponse pénale. Certains y voient un signe de fermeté. Nous y voyons un renoncement aux principes qui guident la justice pénale des mineurs. Plus haut, plus vite, plus fort !

Le code de la justice pénale des mineurs a à peine quelques années. Sur quoi se base-t-on pour une telle modification ? Où se trouve le principe de primauté de l'éducatif ? Tout ceci nous semble absolument incompatible : nous voterons contre l'amendement n°48 rectifié septies.

Mme Laurence Rossignol.  - Quelles sont les hypothèses dans lesquelles cette comparution immédiate pourrait être utilisée ? On parle beaucoup des vols avec violences ou des émeutes urbaines - vous m'accorderez qu'il n'y en a pas tous les trois mois, et heureusement, d'ailleurs.

Une forme d'infraction pénale nous préoccupe beaucoup : celles à caractère sexuel. Il pourrait être utile d'être cohérent dans nos différents travaux. Nous savons que lorsqu'un mineur commet une infraction sexuelle, passible de plus de trois ans de prison, il peut de nouveau commettre l'infraction dans un centre éducatif fermé.

Très probablement, celui-ci a été précédemment victime de violences sexuelles. Pourquoi est-il utile d'avoir un temps entre l'audience de culpabilité et l'audience de sanction ? Pour qu'il exprime ce qu'il a subi en tant que victime et pour qu'il prenne conscience de ce qu'il a fait en tant qu'auteur.

Avec ce que vous proposez, vous créez une machine à récidivistes de violences sexuelles.

Non, la délinquance des mineurs, ce n'est pas uniquement mettre le feu à la bibliothèque.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Je voterai l'amendement n°48 rectifié septies ; nous sommes plusieurs à l'avoir cosigné.

La première version de la proposition de loi était inapplicable et posait de nombreux problèmes constitutionnels - merci au rapporteur pour son alerte. Comment être plus efficace ? Le symbole de la comparution immédiate est susceptible de faire évoluer des comportements. Cela aurait pu changer la donne lors des émeutes.

Même si la CMP revient sur l'âge, votons cet amendement, aussi fondamental que celui qui revient sur les atténuations de peine.

Mme Laurence Rossignol.  - Cela n'existe pas, les atténuations de peine !

M. Guy Benarroche.  - La rapporteur a été très clair. Qu'une comparution immédiate puisse dissuader, pourquoi pas ? Mais quelles études le démontrent ? Il n'y a eu ni étude d'impact ni avis du Conseil d'État.

Le rapporteur considère que passer de 16 à 15 ans expose à un risque supplémentaire d'inconstitutionnalité. Que visez-vous ? En votant sciemment une loi inconstitutionnelle, qui plus est inutile, ne cherchez-vous pas la censure, afin de hurler, une fois de plus, contre le prétendu gouvernement des juges ? À mettre ainsi en cause le Conseil constitutionnel, vous mettez le pied à l'étrier à Marine Le Pen. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Kerrouche.  - « Les crimes de sang ont augmenté dans d'invraisemblables proportions. Des jeunes gens terrorisent la capitale. Face à cette armée encouragée au mal par la faiblesse des lois répressives et l'indulgence inouïe des tribunaux, que faisons-nous ? La suppression de l'apprentissage, l'affaiblissement des moyens de répression, et surtout ce fameux esprit de sensibilité humanitaire qui conduit à relâcher les délinquants aussitôt arrêtés ou à les condamner à des peines minimales, dans des prisons confortables. » Ce texte est paru le 20 octobre 1907, dans Le Petit Journal. Toujours les mêmes fantasmes !

Ce soir, nous ne faisons pas la loi, nous votons un tract politique.

L'arsenal existant est suffisant. Ce que vous faites, c'est ajouter un tract politique à de la propagande. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Mme Laurence Rossignol et Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Très bien !

M. Antoine Lefèvre.  - Tout en nuances !

M. Ian Brossat.  - Nous légiférons avec désinvolture, en nous en remettant à la CMP ou au Conseil constitutionnel. Cela ne fait pas honneur à notre assemblée.

Il y a quelques mois, nous débattions d'une proposition de loi du groupe Les Républicains qui interdisait aux mineurs de recourir aux bloqueurs de puberté. Vous expliquiez que les mineurs ne savent pas ce qu'ils font...

Mme Laurence Harribey.  - C'est vrai.

M. Ian Brossat.  - ... et qu'il faut les traiter comme des enfants. Mais lorsqu'ils commettent des actes de délinquance, il faudrait les traiter comme des adultes ? C'est contradictoire. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°48 rectifié septies est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°239 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 221
Contre 119

L'amendement n°48 rectifié septies est adopté et l'article 4 est ainsi rédigé.

L'amendement n°10 rectifié n'a plus d'objet.

Après l'article 4 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°36 rectifié quater de Mme Josende et alii.

Mme Lauriane Josende.  - La césure génère chez les plus jeunes un sentiment d'impunité.

Le code de la justice pénale des mineurs permet d'y déroger par l'audience unique, mais cette faculté est peu utilisée. Nous voulons y remédier ; en votant cet amendement, vous améliorerez la qualité de la réponse pénale.

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Sagesse.

Mme Laurence Harribey.  - Je ne comprends pas bien. Supprimer la césure, c'est bafouer le sens du code de la justice pénale des mineurs qui prévoit une audience de culpabilité et une audience de sanction. « Tu casses, tu répares », disait Gabriel Attal. Or, pour réparer, il faut une césure ! C'est l'occasion d'une prise de conscience, afin que la culpabilité se traduise par une réparation.

M. Francis Szpiner, rapporteur.  - Dans le cours normal de la justice, on déclare le mineur coupable, puis il y a césure. On peut y déroger par l'audience unique, qui est visée par cet amendement. Dans ce cas, il est logique de raccourcir le délai.

Mme Laurence Harribey.  - D'accord.

L'amendement n°36 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Nous avons examiné 20 amendements, il en reste 31.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 26 mars 2025, à 15 heures.

La séance est levée à minuit et demi.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 26 mars 2025

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Dominique Théophile, vice-président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente,

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Catherine Conconne

1Questions d'actualité

2Désignation :

- des dix-neuf membres de la mission d'information sur le thème : « Faciliter l'accès aux services publics : restaurer le lien de confiance entre les administrations et les administrés » (droit de tirage du groupe RDPI) ;

- des vingt-trois membres de la mission d'information sur le thème : « 10 ans après la loi NOTRe et la loi Maptam, quel bilan pour l'intercommunalité ? » (droit de tirage du groupe RDSE).

3. Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents (texte de la commission, n°464, 2024-2025)