SÉANCE

du mardi 25 mars 2025

72e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nicole Bonnefoy.

La séance est ouverte à 09 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Prisonniers arméniens détenus illégalement à Bakou

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - En septembre 2023, l'attaque fulgurante de l'Azerbaïdjan au Haut-Karabakh a fait des milliers de morts et a poussé à l'exode la quasi-totalité de la population - plus de 100 000 Arméniens - sans autre choix que de partir ou mourir.

La communauté internationale se félicite de l'annonce d'un futur traité de paix, mais nous savons très peu de choses sur son contenu ; faute d'alliés puissants, l'Arménie a dû faire beaucoup de concessions.

Les prisonniers de guerre arméniens ne peuvent être les oubliés des négociations ; 23 d'entre eux croupissent dans les geôles azerbaïdjanaises : anciens dirigeants de l'Artsakh, journalistes, militants des droits humains. Le 17 janvier, à Bakou, s'est ouvert un simulacre de procès, véritable théâtre de l'horreur. Nous avons vu leurs visages émaciés, leurs corps éprouvés par les privations. Tous sont torturés, humiliés. L'eau leur est refusée, la lumière ne s'éteint jamais, visites et soins médicaux sont interdits. Certains sont battus, d'autres vont disparaître dans l'anonymat. La France va-t-elle à son tour les abandonner ? Que faisons-nous pour les sortir de là ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La France suit attentivement le procès des Arméniens du Haut-Karabakh devant le tribunal militaire. Nous sommes particulièrement attentifs aux alertes des ONG sur l'équité des procès et le traitement des accusés. Nous avons rappelé à plusieurs reprises au gouvernement azerbaïdjanais ses obligations internationales en matière de respect des droits fondamentaux, notamment le droit à une procédure régulière et à un procès équitable, ainsi que des conditions de détention dignes et sûres. Les signalements de torture et de mauvais traitements doivent faire l'objet d'une enquête rapide et impartiale.

Il faut une paix durable. Nous avons salué l'aboutissement des négociations et appelons à fixer sans délai une date pour la signature du traité de paix. La normalisation des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, dans le respect de l'intégrité territoriale et de la souveraineté des deux États, doit permettre au Sud Caucase de devenir un espace de paix, d'intégration et de coopération avec des frontières ouvertes. Nous continuons à suivre cette situation de très près ; nous connaissons votre engagement et vous ferons un complément de réponse par écrit si vous le souhaitez.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Merci.

Situation critique en République démocratique du Congo

M. Akli Mellouli .  - La République démocratique du Congo (RDC) s'enfonce dans une crise aux ramifications régionales et internationales alarmantes. Cette guerre hybride est alimentée par des intérêts économiques, miniers et stratégiques qui échappent aux logiques classiques.

Le mouvement M23, soutenu par le Rwanda, s'inscrit dans une toile complexe d'ingérences, de prédation des ressources naturelles et de reconfiguration d'alliances régionales. Ce groupe armé, responsable d'exactions massives, avance en territoire congolais avec des moyens militaires incompatibles avec une simple rébellion locale. Ce n'est pas une guerre civile, c'est une agression dissimulée aux conséquences humanitaires désastreuses : plus de 6,9 millions de déplacés internes, des milliers de civils massacrés, des violences sexuelles systématisées, des structures de santé débordées, notamment à Goma, où plus de 4 500 blessés ont été pris en charge fin février.

Ce drame résonne douloureusement en France. De nombreux Français d'origine congolaise vivent dans l'angoisse, impuissants face au cauchemar de leurs proches. Joseph, un jeune collégien de Vitry, présent en tribune, m'a fait part de son désespoir alors que sa famille est restée à l'est du pays.

La France reste trop prudente - jusqu'à quand ? Quelle ligne rouge devra-t-elle être franchie pour qu'elle sorte de l'ambiguïté, alors que la souveraineté congolaise s'effondre ? La France est-elle enfin prête à nommer les responsabilités pour mettre fin à ce conflit qui menace tout l'équilibre de l'Afrique centrale et à prendre des sanctions, comme l'Allemagne et le Canada ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La diplomatie française est mobilisée sur tous les fronts pour que la paix revienne dans cette région qui a déjà été trop meurtrie. Notre objectif : obtenir un cessez-le-feu et la reprise du dialogue entre les parties. Le président de la République et le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sont en contact régulier avec leurs homologues de la région. Jean-Noël Barrot s'est rendu à Kinshasa et à Kigali fin janvier, porteur d'un message clair : le droit international doit être respecté, les armes ne résoudront pas les problématiques complexes de l'est de la RDC.

Au Conseil de sécurité de l'ONU, la diplomatie française a porté la résolution 2773, adoptée à l'unanimité le 21 février dernier, qui condamne pour la première fois clairement l'offensive et appelle le Rwanda à mettre fin à son soutien au M23 et à se retirer du territoire de la RDC. C'est un message fort et unanime.

À Bruxelles, nous avons adopté de nouvelles mesures contre neuf personnalités du M23 et de l'armée rwandaise et une entité, et sommes ouverts à d'autres mesures.

Nous avons décidé d'un appui humanitaire additionnel de 3 millions d'euros. Nous sommes mobilisés sur tous les fronts pour que les conditions d'une paix et d'une prospérité durables soient enfin réunies.

Création d'une « MDPH 99 » pour les Français établis hors de France

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Pour les Français de l'étranger, la reconnaissance du handicap d'un enfant puis l'obtention d'aide pour recruter un accompagnant d'élève en situation de handicap (AESH) relèvent du parcours du combattant.

Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont des guichets uniques qui recueillent toutes les demandes. Si les Français vivant à l'étranger peuvent choisir n'importe quelle MDPH, celle de Paris est la plus sollicitée avec 119 demandes l'année dernière contre 13 dans le Rhône. La procédure est longue, complexe et mal adaptée aux spécificités des Français résidant hors de France.

En concertation avec les conseillers des Français de l'étranger, j'avais proposé la création d'une MDPH dédiée aux Français de l'étranger. Cette piste a été écartée, faute d'un nombre de demandes jugé suffisant. Pourtant, le nombre de bénéficiaires d'AESH est passé de 69 en 2015-2016 à 474 en 2023-2024.

Les besoins sont réels et les dysfonctionnements persistent malgré les efforts des différents groupes de travail. Pourquoi ne pas implanter un guichet au sein d'une MDPH existante qui centraliserait les demandes et dont le personnel serait spécifiquement formé ? Cela réduirait les délais de traitement, améliorerait l'accompagnement des familles et garantirait que l'école inclusive soit accessible à tous nos enfants, où qu'ils se trouvent.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - L'accompagnement des familles des enfants en situation de handicap à l'étranger constitue une priorité de l'action sociale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. En 2024, 821 allocations d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et 473 aides au financement des AESH ont été versées, pour 4,1 millions d'euros.

Le ministère a engagé un dialogue avec la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et le ministère de la santé afin de sensibiliser les MDPH à l'harmonisation des pratiques et à l'accélération du traitement des dossiers. Une fiche technique sur les spécificités des Français de l'étranger est en cours d'actualisation.

Pour toute urgence ou lorsque le délai d'instruction se prolonge, nos services saisissent la MDPH concernée pour inscrire le dossier à la commission pluridisciplinaire.

La création d'une MDPH dédiée aux Français de l'étranger n'a pas été retenue en raison du nombre limité des allocataires en situation de handicap résidant à l'étranger au regard du nombre moyen d'allocataires gérés par une MDPH en France.

L'AEFE travaille avec la CNSA pour faciliter les procédures pour obtenir un AESH. Des facilités peuvent être mises en place en cas de difficulté de paiement, notamment pour les familles boursières à 100 %.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Malgré vos efforts, des difficultés demeurent. Examinez ma proposition.

Circulaire relative aux aspirations endotrachéales

M. Pascal Martin .  - La circulaire du 22 novembre 1999 relative aux aspirations endotrachéales entraîne des difficultés d'application pour les parents dont les enfants sont atteints de maladies rares qui les empêchent de s'alimenter par eux-mêmes. En effet, elle prévoit que le maintien de la liberté des voies respiratoires nécessite des aspirations endotrachéales périodiques, qui peuvent être pratiquées par les parents et, en cas d'indisponibilité, par des infirmiers et des masseurs kinésithérapeutes habilités à accomplir ces gestes, ainsi que sur prescription médicale par les personnes ayant suivi une formation ad hoc en l'absence d'infirmiers. Les infirmières libérales refusent souvent d'intervenir : la gastrotomie est un acte jugé trop contraignant. Les parents sont alors obligés de s'absenter de leur travail pour brancher et débrancher l'alimentation de leur enfant, y compris lorsqu'il est à l'école, car le personnel scolaire n'est pas autorisé à le faire. De nombreux parents manquent de tiers susceptibles d'assurer, périodiquement et très rapidement, ces aspirations. Dans certains instituts médico-éducatifs (IME), les infirmiers en charge des enfants trachéotomisés ne peuvent assurer des soins réguliers en raison de leur surcharge de travail.

Quelles sont les solutions envisagées lorsque les parents, souvent désemparés, ne peuvent s'absenter de leur travail et qu'ils ne parviennent pas à recourir aux personnes autorisées par la circulaire pour intervenir rapidement sur leurs enfants ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Les familles sont souvent stressées par cette situation de nécessité vitale. Le maintien de la liberté des voies respiratoires nécessite chez les personnes trachéotomisées des aspirations endotrachéales périodiques qui ne peuvent être planifiées et doivent être effectuées très rapidement. Les patients qui ont l'usage de leurs mains les réalisent eux-mêmes. Lorsque ce n'est pas le cas, ils doivent avoir recours à l'assistance d'un tiers.

Jusqu'en 1999, seuls les infirmiers et les masseurs kinésithérapeutes étaient habilités à accomplir ce geste, ce qui compromettait le retour à domicile ou l'accueil en structure d'hébergement de personnes dont l'état ne nécessitait plus une hospitalisation. Les textes parus en 1999 ont permis à toute personne ayant suivi une formation ad hoc à pratiquer ces aspirations en l'absence d'un infirmier.

Les problèmes soulevés relèvent de l'organisation et d'un manque de personnel. Des solutions liées à l'environnement de chaque personne sont à trouver dans le dialogue et dans l'organisation. Le personnel scolaire est parfaitement autorisé à faire ce geste s'il a suivi cette courte formation. En 2021, nous avons ajouté cet acte dans la formation des aides-soignants et des ambulanciers afin d'augmenter le nombre de personnes formées susceptibles d'intervenir.

Une concertation dans le cadre de la refonte de la profession d'infirmier a été lancée depuis 2023, aboutissant au vote en première lecture à l'Assemblée nationale d'une proposition de loi élargissant les compétences des infirmiers. Cette problématique spécifique sera abordée avec les infirmiers libéraux et il n'y aura aucun blocage dans les textes. C'est une absolue nécessité tant pour les personnes concernées que pour leur entourage.

Projet de décret menaçant le secteur de la petite enfance

M. Stéphane Le Rudulier .  - Le décret relatif à la nouvelle procédure d'autorisation d'accueil du jeune enfant et de renforcement de la qualité de l'accueil dans les microcrèches doit entrer en vigueur le 1er janvier 2026 et suscite de nombreuses inquiétudes chez les professionnels de la petite enfance.

Personne n'a rien de plus précieux à confier que ses enfants. Aligner les normes d'encadrement dans les microcrèches à celles en vigueur dans les crèches de petite taille est un objectif louable et partagé par tous. Mais l'État est actuellement incapable de former un nombre suffisant de candidats pour répondre aux besoins d'encadrement, ce qui pourrait faire disparaître 80 000 places d'accueil et plusieurs milliers de microcrèches, alors que nous manquons de professionnels qualifiés.

Pouvez-vous confirmer que cette réforme ne s'appliquera pas aux 15 000 professionnels déjà en poste titulaires d'un CAP Petite Enfance et que le niveau de qualification exigé ne concernera que les recrutements à compter du 1er septembre 2026 ? Pouvez-vous entamer une concertation sur le calendrier de cette réforme, la formation et la mise en oeuvre de mesures transitoires ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Ce projet de décret est fondamental pour assurer la qualité d'accueil du jeune enfant. De nombreuses informations erronées ont circulé. Il vise à aligner les normes d'encadrement des microcrèches sur les petites crèches. Les microcrèches devront compter au moins un professionnel de catégorie 1 -  et l'accueil de moins de trois enfants par un seul professionnel, sous réserve qu'il soit titulaire de ce diplôme. Par ailleurs, un directeur ne pourra exercer des fonctions de direction que pour deux établissements au maximum.

Ce décret n'entrera en vigueur qu'à compter du 1er septembre 2026. Les auxiliaires de puériculture ou tout autre référent technique avant cette date pourront être maintenus sur leur poste. Les titulaires d'un CAP n'auront pas à acquérir le diplôme d'État d'auxiliaire de puériculture et pourront continuer à exercer. De nombreuses crèches disposent déjà d'un ou d'une directrice, d'un référent technique pour deux structures et de 40 % de personnel qualifié. Ces mesures sont essentielles pour respecter les besoins des enfants et leur sécurité.

L'État n'abandonne pas les microcrèches. Il finance ces établissements, notamment par le versement aux parents du complément de libre choix du mode de garde (CMG). Le prix de revient moyen des microcrèches reste inférieur au plafond de 10 euros ; je ne dispose à ce jour d'aucun élément financier démontrant l'inverse.

Pour reconnaître l'engagement des professionnels et renforcer l'attractivité des métiers, le Gouvernement facilitera l'accès au diplôme d'État d'auxiliaire de puériculture ou de tout autre diplôme de catégorie 1 par voie de validation des acquis de l'expérience.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Une mobilisation importante s'est tenue en février. Il est urgent d'ouvrir la concertation avec les professionnels du secteur et les élus locaux pour améliorer la qualité de l'accueil et augmenter les effectifs.

Résidences de répit partagé

M. Olivier Rietmann .  - En France, plus de 11 millions de personnes soutiennent un proche en situation de handicap, de perte d'autonomie ou de maladie, et ce nombre devrait augmenter. En décembre 2022, l'Igas préconisait notamment le développement des séjours de vacances aidés-aidants, solution reprise par la stratégie Agir pour les aidants. L'Igas déplore toutefois le peu d'appels à projets ou à manifestations d'intérêt et la réticence des ARS à financer ce type d'offre. C'est pourtant une solution plébiscitée, comme en ont témoigné les amendements de Philippe Mouiller, Patrick Kanner et Monique Lubin lors de l'examen des textes budgétaires pour 2025. L'annexe du dernier PLFSS indique ainsi que 80 millions d'euros y seraient en partie consacrés. Sur le terrain, cette hausse est attendue par les ARS et par les porteurs de projet - je pense notamment à Luxeuil-les-Bains, qui offrirait aux aidants un accès aux soins thermaux. Madame la ministre, cette enveloppe servira-t-elle au déploiement de nouvelles places en résidence de répit partagé ? Comment inciterez-vous les ARS à s'en saisir ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Le rôle des aidants familiaux est essentiel dans cette chaîne de solidarité, mais aussi de vulnérabilité. Leur engagement a un effet sur leur santé, leur activité professionnelle, leur bien-être, leur temps libre. Ils expriment un besoin de répit ; pour y répondre, la stratégie de mobilisation et de soutien pour les aidants 2023-2027, dotée de 100 millions d'euros, compte un chapitre qui y est consacré avec l'objectif de créer 6 000 places supplémentaires d'ici 2027. Les résidences de répit partagé offrent effectivement à des personnes en perte d'autonomie, des séjours de vacances avec leurs proches aidants. En 2019, la France en comptait trois et nous n'en sommes effectivement qu'au début. Un engagement a été pris en 2024 d'en créer deux en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, avec 2,6 millions d'euros de crédits à la clé. Pour Luxeuil-les-Bains, l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté n'a reçu aucun dossier formel. Seule une demande de rendez-vous de l'association - dont je salue le président - est parvenue à l'ARS Bourgogne-Franche-Comté qui examinera le dossier avec la plus grande attention.

Baisse de la prise en charge de l'apprentissage

M. Stéphane Piednoir .  - Grâce à l'apprentissage, les entreprises recrutent à un coût significativement moins élevé que des jeunes diplômés. Le cap du million de jeunes en apprentissage a été franchi l'an dernier, mais l'augmentation du reste à charge risque d'aboutir à une baisse substantielle. C'est regrettable : les étudiants les moins favorisés verront leur accès à des études de qualité limitées. Les aides à l'apprentissage ont certes créé un appel d'air pour des écoles lucratives peu scrupuleuses qui accueillent 15 % des étudiants, mais à l'inverse, les établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig), qui réinvestissent l'intégralité de leurs revenus dans la formation, ne pourront pas absorber cette baisse. Il faut certes réduire la dépense publique, mais en prenant en compte la qualité des formations. Pouvez-vous fixer des critères objectifs en la matière ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - L'apprentissage a fait l'objet d'une révolution culturelle : la France a fait le choix de l'étendre à tous les jeunes, quel que soit leur niveau de qualification, pour montrer, dans un pays obsédé par les diplômes, que ce n'était pas une voie de garage. Les aides aux entreprises ont été rationalisées, passant de 6 000 à 5 000 euros pour celles de moins de 250 salariés qui concentrent 80 % des apprentis, et nous allons continuer. Nous devons aussi adapter les offres d'apprentissage aux besoins de l'économie et aux métiers d'avenir. Nous avons lancé fin novembre une concertation avec les branches professionnelles pour qu'elles puissent décider de variations beaucoup plus fortes. Cela passe aussi par une plus grande information des jeunes et des familles avec Parcoursup ou Inserjeunes, qui donnent des perspectives sur le taux d'emploi et les rémunérations attendues. Il faut enfin de meilleurs contrôles qualité ; nous y travaillons avec la ministre de l'éducation nationale et mon collègue de l'enseignement supérieur : une régulation est à faire, non simplement via Qualiopi et le travail de la Cour des comptes, mais également sur le contenu des formations.

Généralisation des déclarations préremplies pour le RSA

M. Jean-Gérard Paumier .  - L'État a récemment décidé de simplifier les démarches d'accès au RSA et à la prime d'activité en lançant Solidarité à la source, dispositif calqué sur le prélèvement à la source des impôts, qui devrait bénéficier à plus de 6 millions de Français. S'il n'y a eu aucune étude d'impact, une expérimentation a au moins eu le mérite d'être lancée depuis deux mois dans les Alpes-Maritimes, l'Aube, l'Hérault, les Pyrénées-Atlantiques et la Vendée. Par un décret du 1er mars, le Gouvernement l'a toutefois généralisée, sans évaluation. Quelle étrange méthode, quand on connaît la charge financière que cela représente pour des départements déjà en difficulté, et sans prise en compte des propositions de Départements de France : nous avons là tous les ingrédients d'une réforme mal engagée... Comment expliquez-vous cette généralisation dans un calendrier aussi précipité ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - La solidarité à la source, effective depuis le 1er mars 2025, est une avancée concrète de simplification pour un meilleur accès des droits des plus fragiles et une meilleure allocation des ressources par la diminution des indus et une lutte plus efficace contre la fraude. Pourquoi généraliser ? Parce qu'aucun dysfonctionnement majeur n'a été constaté et que la réforme a été bien accueillie par les allocataires. Les déclarations préremplies sont très peu corrigées par ces derniers et, après vérification, ces corrections sont majoritairement faites à tort. Enfin, à la demande de Départements de France, un comité mensuel de suivi de la réforme s'est réuni pour la première fois vendredi dernier.

C'est une simplification très concrète pour nos concitoyens, génératrice d'économies ; c'est aussi le premier bloc d'une réforme attendue, l'allocation sociale unifiée, chère à Michel Barnier et reprise par le Gouvernement, afin de bien différencier les minima sociaux et le travail, qui doit payer plus.

M. Jean-Gérard Paumier.  - Le Gouvernement avait soutenu récemment la prorogation de l'expérimentation du dispositif pour plus d'égalité des chances concernant différentes écoles de service public. Mais là, il généralise à marche forcée, sans consultation ni évaluation : les départements sont inquiets ! Rassurez-les.

Police ou gendarmerie : cas d'une portion d'autoroute

M. Daniel Fargeot .  - Le rapport de la Cour des comptes du 13 janvier pointe un problème structurel dans la répartition des zones de compétences entre police et gendarmerie. La portion d'autoroute A1 de 13 km entre Surville et Roissy-en-France, dans le Val-d'Oise, en est un exemple concret : elle relève de la compétence de la compagnie CRS-7 autoroutière Nord-Île-de-France placée sous l'autorité de la préfecture de police, mais du fait de son éloignement géographique et des priorités d'intervention, cette dernière n'intervient que rarement, délaissant cette zone et ouvrant la voie à des runs sauvages et à des intrusions de migrants, par exemple.

Les autorités locales, le préfet du Val-d'Oise, la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et le procureur de la République sont unanimes : il faut transférer cette portion d'autoroute en zone gendarmerie, en continuité avec l'Oise voisine. Même la préfecture de police ne semble pas s'y opposer, mais la décision resterait bloquée à la direction générale de la police nationale (DGPN). Cet axe autoroutier est un corridor stratégique ; pourquoi cette inertie bloque-t-elle une décision de bon sens attendue par tous les acteurs de terrain ? Le Gouvernement tente-t-il de clarifier cette situation ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Non, les policiers de la CRS autoroutière Nord-Île-de-France ne négligent pas cette zone, bien au contraire - je tiens à saluer leur engagement : en 2024, ils ont procédé à plus de 360 interventions pour accidents de la circulation, vols de fret, rodéos, délits routiers ; ils ont dressé plus de 700 procès-verbaux électroniques et traité plus de 200 délits, sans parler de lutte contre la vitesse excessive.

Pour autant, la répartition des compétences peut faire l'objet d'une réflexion concertée, mais rassurez-vous : aucune décision n'est bloquée au niveau de la DGPN. Le rapport de la Cour des comptes souligne la particularité de cette portion d'autoroute qui est de la compétence de la police pour la sécurité routière comme pour l'ordre public et la police judiciaire. En tout état de cause, soyez certains qu'indépendamment des zones de compétence, policiers comme gendarmes sont pleinement mobilisés pour l'A1.

Bonification des trimestres des sapeurs-pompiers volontaires

M. Patrice Joly .  - Il y a près de deux ans, la loi du 14 avril 2023 octroyait aux sapeurs-pompiers volontaires justifiant d'au moins dix années d'engagement un trimestre pour les dix premières années et un trimestre par période de cinq années supplémentaires. Cette mesure de reconnaissance reste toutefois suspendue à la publication d'un décret d'application. Faut-il rappeler que les sapeurs-pompiers volontaires représentent près de 78 % des effectifs et jouent un rôle fondamental, notamment dans les zones rurales et périurbaines, en particulier avec le changement climatique, les catastrophes naturelles et les crises sanitaires ? Sans eux, notre dispositif de sécurité serait fragilisé.

Malgré l'engagement de Sabrina Agresti-Roubache pris en décembre ici même, ce décret n'a toujours pas été publié. Cette situation engendre des interrogations légitimes, notamment sur la prise en compte des années de service antérieures à 2023, et pourrait freiner le recrutement des nouveaux volontaires : la perspective d'une bonification de retraite constitue un levier majeur pour attirer et retenir ces femmes et hommes indispensables à notre sécurité. Pouvez-vous préciser la date de publication de ce décret et garantir qu'il s'appliquera à l'ensemble des sapeurs-pompiers volontaires, qu'ils aient effectué des carrières complètes ou non ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - L'engagement des 200 000 sapeurs-pompiers volontaires est remis en question par leur possible requalification en travailleurs. Ce sont des citoyens engagés, qu'il faut reconnaître, et le Gouvernement leur rend hommage. Le décret d'application de la mesure que vous citez n'a pas encore été pris : les premières écritures ne satisfaisaient pas l'esprit de la loi. Le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, est favorable à ce que l'attribution de trimestres soit progressive en s'ajoutant à des années complètes de cotisation. La concertation nécessite du temps pour ne pas aboutir à une situation insatisfaisante pour nos sapeurs-pompiers. Des travaux en interministériel ont repris ; comme vous, nous souhaitons qu'ils aboutissent le plus rapidement possible. Je ne peux pas vous donner de date, mais notre implication devrait vous rassurer.

Indemnisation à la suite de catastrophes naturelles

M. Philippe Grosvalet .  - Chaque année, l'état de catastrophe naturelle est attribué à 6 000 communes à la suite d'inondations, qui, à elles seules, entraînent des indemnisations de l'ordre de 20 milliards d'euros. Les dommages subis par le magasin Leclerc de Saint-Nicolas-de-Redon sont estimés à 9 millions d'euros ; pour la galerie marchande, le montant s'élève à 6 millions d'euros.

Résultat : les assureurs sont réticents à assurer les équipements publics des communes en raison des risques climatiques, comme le signalait déjà notre collègue Jean-Yves Roux en 2021. Les entreprises et les particuliers risquent eux aussi d'être touchés. Or il faut être couvert par un contrat d'assurance pour bénéficier de l'indemnisation.

Comment le Gouvernement compte-t-il garantir les indemnisations en cas de sinistre ? Quelles suites seront données au rapport sur l'assurabilité des collectivités, remis au Gouvernement au mois d'avril dernier ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Face à la hausse de la sinistralité, le régime d'indemnisation, créé en 1982, est soumis à de fortes contraintes financières. C'est pourquoi le taux de la surprime CatNat a augmenté le 1er janvier 2025 : les ressources du régime augmenteront de 1,2 milliard d'euros par an.

Les collectivités rencontrent de plus en plus de difficultés à s'assurer, car les compagnies résilient des contrats ou imposent des conditions tarifaires difficilement soutenables.

Mais des solutions existent. Malgré un contexte budgétaire très contraint, l'État a augmenté de 145 millions d'euros les crédits du fonds Barnier, qui permet aux collectivités de se protéger contre les risques naturels. S'engager dans ces travaux réduit aussi le montant des primes demandées par les assureurs.

Délai d'attente pour passer l'examen du permis de conduire

M. Guislain Cambier .  - La mobilité favorise l'épanouissement, mais surtout l'insertion économique et sociale de chacun. Dans nos territoires ruraux, pourtant situés à quelques encablures des métropoles, l'accès à l'examen du permis de conduire est problématique. Dans le Cambrésis, le délai d'attente est de neuf mois pour le permis auto ; les écoles situées en dehors de l'Avesnois sont favorisées pour l'attribution des places pour le permis moto.

Résultat : faute de visibilité sur la date d'examen, de nombreux élèves prennent la route sans permis pour se rendre au travail. Ainsi, on estime à 100 000 le nombre de conducteurs roulant sans permis. Alors que l'offre de transport est souvent inexistante dans nos territoires, ne pas pouvoir conduire favorise l'isolement. Peut-on enfin être attentif à la situation du Cambrésis et de l'Avesnois ? Les auto-écoles se retrouvent, elles aussi, en grande difficulté.

L'inégalité entre zones urbaines et territoires ruraux est flagrante et se renforce. Quelles solutions le Gouvernement compte-t-il instaurer pour réduire ces délais ? Augmenterez-vous le nombre d'inspecteurs ou déploierez-vous un dispositif spécifique pour ces zones périphériques dans lesquelles vivent 40 % des Français ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Le département du Nord se situe dans la moyenne nationale, avec un délai de passage de la deuxième épreuve pratique après un échec à la première de 76 jours, contre 77 au niveau national ; un taux de réussite à l'examen de 57,60 %, pour 58,77 % au niveau national ; enfin, un seuil formateur, c'est-à-dire le nombre d'élèves pris en compte par un formateur, de 5,4 pour 5,8 au niveau national.

Le Nord dispose de 50 postes d'inspecteurs qui seront tous pourvus dans les prochains mois : les six postes vacants ont en effet été attribués à des lauréats du concours. En outre, un inspecteur retraité continuera à réaliser des examens dès le 1er avril prochain. La situation s'améliore, donc.

M. Guislain Cambier.  - Même si les chiffres que vous évoquez sont des moyennes, je vous remercie pour cette bonne nouvelle. Veillons toutefois à ce que les grandes entreprises, situées en dehors du territoire, ne phagocytent pas toutes les places offertes aux examens.

Avenir de l'écocontribution

M. Didier Mandelli .  - Les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) doivent verser une écocontribution pour gérer la fin de vie des produits que celles-ci mettent sur le marché. La loi Agec a porté à 25 le nombre de filières concernées.

Les principes de non-réfaction et de répercussion à l'identique de l'écocontribution ne seront malheureusement plus obligatoires pour la filière REP de l'ameublement après le 31 décembre 2025 : celle-ci risque d'être déstabilisée.

La multiplication et l'accumulation des prises de marges sur l'écocontribution augmentent artificiellement le prix des produits et conduisent certains professionnels à remettre en cause le versement de ces écocontributions. Il est donc urgent de pérenniser la non-réfaction et la répercussion à l'identique pour l'ensemble des filières. Le Gouvernement est-il favorable à cette demande ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Affichage du montant de l'écocontribution sur la facture, impossibilité de négocier son montant à la hausse ou à la baisse sur l'ensemble de la chaîne : ce que l'on appelle la contribution visible sécurise le dispositif.

La responsabilité élargie du producteur découle du principe pollueur-payeur. L'écocontribution incite les producteurs à améliorer l'écoconception de leurs produits.

Dans la filière des équipements électriques et électroniques et celle des meubles, la contribution visible est répercutée jusqu'au consommateur final : cela évite que celle-ci fasse l'objet de négociations tarifaires tout au long de la chaîne de distribution. A contrario, ce dispositif est moins favorable à l'écoconception des produits ; il implique des charges administratives pour tous les acteurs ; enfin, il réduit l'intensité concurrentielle.

Ces dispositions présentent donc des avantages et des inconvénients, qui seront étudiés lors des travaux de la filière REP du bâtiment, annoncés récemment par Agnès Pannier-Runacher. (Mme Anne-Catherine Loisier ironise.)

M. Didier Mandelli.  - Je suis assez circonspect. Voilà plusieurs mois que j'alerte le Gouvernement sur cette situation. La contribution visible est indispensable. Qu'une nouvelle concertation ait lieu, très bien ! Mais la filière ameublement et celle des produits et matériaux de construction du bâtiment ont besoin de visibilité.

Indemnisation à la suite d'attaques de loups (I)

Mme Frédérique Puissat .  - Nous, sénateurs de tous bords politiques, sommes nombreux à vous interpeller sur les enjeux liés à la prédation du loup. Nous ne lâcherons pas, car nous sommes conscients du travail des éleveurs et de leurs souffrances.

La grille d'indemnisation établie en février 2024 tient compte de plusieurs paramètres, dont l'âge et la finalité de l'animal. Mais elle n'opère pas de distinction entre les brebis allaitantes, gestantes ou non suitées : cela nous semble inéquitable, car la prédation de brebis gestante entraîne une indemnisation pour la seule brebis, et non pour l'agneau porté par celle-ci. J'ai à l'esprit l'exemple d'un agriculteur ayant retiré les agneaux du ventre de la mère après une attaque.

Comptez-vous réviser la grille pour tenir compte de ce paramètre ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Deux réunions se tiendront aujourd'hui sur ce sujet extrêmement important.

Les éleveurs peuvent être indemnisés au titre des pertes directes et indirectes subies par leur troupeau, en application de l'arrêté du 22 février 2024. Les pertes directes correspondent à la perte d'animaux vivants, qui sont indemnisés pour leur valeur intrinsèque. Le montant de ces indemnisations a été revalorisé de 30 % en février 2024. L'indemnisation des femelles gestantes ou reproductrices est deux à cinq fois plus élevée que celle des agneaux.

Les pertes indirectes sont liées au stress et à la perturbation du troupeau, avec comme conséquence des avortements ou des baisses de lactation, entre autres. Le montant est fixé de façon forfaitaire selon la taille du troupeau attaqué ; cela n'est pas satisfaisant. C'est pourquoi le calcul de ces pertes indirectes est en cours de révision, dans le cadre du plan national d'actions 2024-2029 sur le loup et les activités d'élevage.

Mme Frédérique Puissat.  - Nous suivrons ces travaux avec attention. Je pense aux éleveurs, alors que débutent les estives. Dans tous les territoires, c'est la panique : nous comptons sur le Gouvernement.

Indemnisation à la suite d'attaques de loups (II)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Ma collègue a évoqué les pertes directes. Pour ma part, je concentrerai mon propos sur les pertes indirectes, calculées selon la taille du troupeau.

Les zones de polyculture comptent souvent des troupeaux de moins de cent animaux. En l'occurrence, l'indemnisation consiste en un forfait de 150 euros, auquel s'ajoutent quelques centimes par bêtes concernées. Ces éleveurs de zones intermédiaires rencontrent donc de graves difficultés : un agneau valant 90 euros à la naissance, la perte peut rapidement s'élever à plusieurs milliers d'euros pour l'exploitant.

Avortements sur les bêtes pourchassées, dommages sur les clôtures, achat de nouvelles agnelles, frais bancaires : autant de surcoûts pour les éleveurs. Alors que le coût d'une agnelle s'élève à 250 euros, les forfaits en vigueur ne sont pas à la hauteur des pertes réelles. Les éleveurs, dont les revenus sont faibles, sont en situation de grande détresse.

Le Gouvernement compte-t-il mieux indemniser les troupeaux de moins de cent animaux ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Chacun mesure l'impact économique de ce phénomène qui s'étend au-delà des territoires traditionnellement concernés.

Je l'ai dit tout à l'heure : les éleveurs peuvent être indemnisés au titre des pertes directes et indirectes subies par leur troupeau, en application de l'arrêté du 22 février 2024. L'indemnisation des femelles gestantes ou reproductrices est deux à cinq fois plus élevée que celle des agneaux.

Un travail est en cours pour affiner l'indemnisation de ces pertes indirectes. Nous souhaitons que ces travaux aboutissent le plus rapidement possible afin de réviser l'arrêté de février 2024.

Les éleveurs bénéficient d'un accompagnement financier en vue d'installer des clôtures électriques. En cas de dégradation, les réparations peuvent être indemnisées à hauteur de 80 % dans le cadre d'un contrat de protection. Je vous invite à prendre contact avec vos préfets, extrêmement mobilisés sur ce sujet.

Projet de parc éolien - Gâtinais Val-de-Loing

M. Louis Vogel .  - Le projet de construction et d'exploitation du parc éolien de la Tonnelle, situé sur les communes de Souppes-sur-Loing, Poligny et Bagneaux-sur-Loing, prévoit l'implantation d'éoliennes à 1,2 km du centre-bourg de Poligny et à 3 km de Souppes-sur-Loing. La communauté de communes Gâtinais Val-de-Loing se mobilise fortement en faveur des énergies renouvelables : pas moins de 25 éoliennes sont ainsi déjà en place. Or la communauté de communes et les communes incluses dans la zone d'implantation potentielle s'opposent au projet, sur lequel la concertation est ouverte depuis le 5 février 2025.

Si le tracé réalisé respecte bien plusieurs contraintes posées par les services de l'État compétents et les gestionnaires de réseaux, la voix des collectivités doit être entendue. Quelle est la position du Gouvernement sur ce projet ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Je connais votre attachement à votre territoire et au dialogue avec les élus locaux, dont le rôle dans la transition écologique est primordial. L'éolien terrestre est essentiel à l'atteinte de nos objectifs environnementaux, mais il soulève également des interrogations.

La voix des territoires et des élus locaux doit être entendue dans les processus d'élaboration des projets d'énergies renouvelables. Le Gouvernement a exprimé son intention de la prendre en compte. L'analyse des contributions à l'enquête en cours fondera la décision du préfet d'autoriser ou non ce projet de parc éolien. Si ce dernier est mis en oeuvre, il pourra être soumis à des mesures de compensation.

M. Louis Vogel.  - Je sais votre souci de faire entendre la voix des collectivités territoriales. Je fais confiance à votre ministère pour que ce projet en tienne compte. Les collectivités ne s'opposent pas à ce projet par conservatisme, mais par souci de sauvegarder la ruralité.

Conséquences du règlement européen 2023/1115 sur la Guyane

M. Georges Patient .  - La Guyane sera-t-elle une fois de plus sacrifiée sur l'autel de la bonne conscience écologique ? Couverte à plus de 96 % par la forêt, dont 95 % de forêt primaire, elle sera une victime collatérale du règlement européen 2023/1115 relatif à la lutte contre la déforestation importée, qui omet la réalité de ce territoire. Une nouvelle fois, l'Union européenne légifère en oubliant les régions ultrapériphériques.

La Guyane est la seule région française dont la surface agricole utile croît en continu pour répondre à la croissance démographique et au défi de la souveraineté alimentaire. Le passage de 20 % à 50 % d'autosuffisance pour la production bovine à horizon 2030 a été acté dans le schéma d'aménagement régional. Or ce règlement interdit la mise sur le marché de certaines productions agricoles - bovins, cacao, café, huile de palme, bois - si elles ont été produites sur des terres défrichées après le 30 décembre 2020, ce qui mettra un coup d'arrêt brutal à des productions locales essentielles et bloquera le développement de la filière de production d'huile de palme.

Le Gouvernement doit agir vite et fort et demander une dérogation à ce règlement pour la Guyane. Après l'interdiction des forages pétroliers, les difficultés rencontrées par les employeurs locaux, le blocage des aides aux pêcheurs, trop, c'est trop !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - J'entends votre inquiétude. Le règlement que vous citez, partie importante du pacte vert européen, limite l'entrée sur le marché européen et l'exportation de certains produits de base associés à la déforestation et à la dégradation des forêts. La spécificité de la Guyane a été bien identifiée. Le schéma d'aménagement régional confère à certains espaces une vocation agricole. Le Gouvernement est très attentif à cette alerte. Nous sommes pleinement mobilisés pour faire passer ces messages auprès de la Commission européenne.

Structures judiciaires à Mayotte

M. Saïd Omar Oili .  - Le directeur de la prison de Majicavo a démissionné en octobre dernier pour dénoncer la surpopulation carcérale, cause de tensions croissantes entre les détenus et le personnel pénitentiaire, éprouvé dernièrement par la mutinerie du 28 septembre 2024. Le taux d'occupation de cette prison est de 650 détenus pour une capacité de 278 places. La surpopulation est renforcée par le manque de structures judiciaires. Une cité judiciaire, un second centre pénitentiaire et un centre de semi-libertés avaient été annoncés.

Le 22 octobre 2024, j'ai sollicité par courrier le ministre de l'époque pour connaître l'état d'avancement de ces projets. Le 28 octobre, le garde des sceaux m'a répondu que leur calendrier de construction me serait rapidement communiqué. Je n'ai rien reçu. Pourriez-vous me communiquer cette information ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - J'adresse mon plein soutien ainsi que celui du Gouvernement à nos concitoyens mahorais. Le personnel de la justice assure sur place la continuité de ses missions avec courage et résilience, dans un contexte difficile. Le projet de la cité judiciaire de Mayotte regroupera des juridictions dispersées actuellement sur quatre sites. Un terrain a été identifié, le démarrage de la phase d'étude est prévu en 2026. La construction d'un second centre pénitentiaire à Mayotte a été annoncée en 2022, pour 400 places. En mars 2023, des recherches foncières ont débuté. Le garde des sceaux a demandé à ses services de se rendre sur place pour poursuivre les échanges avec les acteurs locaux et procéder aux évaluations géotechniques nécessaires.

Aucun centre de semi-liberté indépendant n'est prévu pour le moment. En revanche, l'intégration d'un tel centre dans le second centre pénitentiaire de Mayotte sera envisageable une fois que sa construction aura été lancée.

M. Saïd Omar Oili.  - Les élus locaux ne sont au courant de rien. Parmi la dizaine de terrains que nous avions proposés pour la construction de la deuxième prison, aucun ne convenait au ministère de la justice. Dites-nous la vérité : voulons-nous réellement construire cette deuxième prison, qui est indispensable ? Associez-nous dans la recherche de terrains.

Suppression de postes et de classes et fin de la décharge pour les directeurs d'écoles à Paris

M. Ian Brossat .  - La communauté scolaire parisienne est en colère, pour deux raisons : la suppression de la décharge accordée, au-delà de cinq classes, aux directeurs d'école à Paris, heureusement repoussée par Élisabeth Borne, et les suppressions de postes d'enseignants dans le premier degré. Près de 180 classes sont menacées de fermeture. Alors que la baisse de la démographie scolaire à Paris représente 3 % de la baisse de la démographie nationale, Paris concentre 25 % des suppressions de postes. De plus, nombre de suppressions de classes ont lieu dans des réseaux d'éducation prioritaire (REP). Le Gouvernement compte-t-il revenir sur ces suppressions ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - La question du taux d'encadrement scolaire est sensible dans tous les territoires, y compris à Paris où la baisse démographique sera particulièrement sensible à la rentrée prochaine, avec 3 200 élèves en moins pour le seul premier degré. Le nombre d'élèves par classe est en moyenne moins élevé à Paris qu'en Europe, avec 20 élèves par classe contre 21. De plus, en REP, 8 élèves sur 10, tous niveaux confondus, sont scolarisés dans des classes de moins de 20 élèves. Les fermetures prévues se traduiront donc par une hausse du taux d'encadrement.

La décharge d'enseignement accordée depuis 1982 aux directeurs d'écoles publiques parisiennes à partir de cinq classes, contre treize dans le reste du pays, a été décidée en accord avec la mairie de Paris. Or la Ville de Paris n'a plus contribué à ce dispositif depuis 2019, soit une perte sèche de 116 millions d'euros pour le ministère de l'éducation nationale et de fortes disparités territoriales. En septembre, la Cour des comptes a demandé au Gouvernement de mettre fin à cette situation. Le ministère a engagé une concertation avec la ville, puis Élisabeth Borne a signé un moratoire repoussant la fin de ce régime dérogatoire. La question reste entière.

M. Ian Brossat.  - Rien n'interdit au Gouvernement d'étendre ce dispositif dérogatoire à d'autres villes ! (Mme Françoise Gatel s'en amuse.) Le sort réservé à Paris n'est pas favorable.

Ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse

M. Daniel Chasseing .  - Le report en janvier 2027 de la livraison des trains Oxygène pour la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) pose de nombreux problèmes. Les délais annoncés par l'ancien directeur général de SNCF Logistics Alain Picard - livraison d'un maximum de trains en décembre 2026 et de la totalité en 2027 - doivent absolument être respectés.

Pour l'association « Urgence ligne Polt » et les élus, reporter une troisième fois cette livraison, initialement prévue fin 2023, était déjà inacceptable. Les passagers devront donc subir pendant trois ans des locomotives de plus de 40 ans et des voitures Corail à bout de souffle, souvent en panne malgré le travail sérieux des cheminots.

Cette ligne ferroviaire est stratégique : elle dessert quatre régions, 32 départements et 5 millions d'usagers potentiels. L'étoile ferroviaire de Brive-la-Gaillarde, essentielle pour la Corrèze, le Lot, la Dordogne, le Cantal et l'Aveyron, doit être protégée.

Quelles solutions concrètes pour garantir la livraison des nouvelles rames et l'achèvement des travaux de rénovation d'ici fin 2026 ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Je connais votre attachement au désenclavement des territoires. Pas moins de 2,4 milliards d'euros d'investissements ont été déployés pour cette ligne. Des travaux sont en cours sur les infrastructures. À partir de décembre 2027, les trains les plus rapides relieront Paris à Limoges en 2 h 52. Entre août 2025 et janvier 2026, une grande opération est prévue au nord d'Orléans. Près de sept allers-retours sur dix pourront circuler chaque jour, et le trafic de nuit sera sauvegardé.

Marc Ferracci et Philippe Tabarot ont commandité un audit sur les retards d'approvisionnement dans la filière ferroviaire, qui nous éclairera sur les mesures à prendre.

M. Daniel Chasseing.  - En 1980, il fallait 3 h 50 pour aller de Brive à Paris. Il faut 4 h 40 en 2025 ! Cette ligne doit être réhabilitée. Sa vétusté est néfaste pour les usagers et l'économie de nos territoires.

Difficulté des communes à souscrire un contrat d'assurance

Mme Marion Canalès .  - Quelque 1 500 communes n'ont pas de contrat d'assurance, faute d'avoir reçu une réponse à leur appel d'offres, ou en raison de tarifs trop élevés.

Dans le Puy-de-Dôme, l'un des dix départements dont le taux de sinistralité est dégradé, la commune de Thiers a vu ce poste de dépense augmenter de 118 %. Depuis 2023, un nombre croissant de collectivités voient leur contrat résilié par les assureurs.

Le rapport de notre collègue Husson et celui commandé par le Gouvernement au vice-président de l'AMF et à l'ancien président de Groupama abordent le sujet.

Des propositions ont été formulées pour lutter contre d'éventuels déserts assurantiels - saisine du médiateur de l'assurance, mission de réflexion sur la création d'un observatoire des tarifs des assurances -, sans toutefois que celles-ci répondent aux inquiétudes.

Qu'adviendra-t-il des mesures concrètes proposées dans les deux rapports ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Il s'agit d'un sujet important, dont il a été beaucoup question au Sénat. Le Gouvernement a confié un rapport au maire de Vesoul, Alain Chrétien, au titre de ses fonctions à l'AMF, et à un ancien responsable de Groupama.

Avec François Rebsamen, nous sommes attentifs à l'augmentation des prix et des franchises des assurances des collectivités, ainsi qu'à l'absence de réponse aux appels d'offres. Dans mon département d'Ille-et-Vilaine, une commune n'a pas d'assurance. L'offre d'assurance s'est contractée, ce qui se traduit par une hausse des primes. S'y ajoute l'augmentation des risques climatiques et cyber.

Cette situation n'est pas tenable. En liaison avec les représentants du secteur et les associations d'élus, le Gouvernement annoncera dans les prochaines semaines des actions concrètes issues des rapports mentionnés.

Zones FRR dans le Cher

M. Rémy Pointereau .  - Les communes d'Azy et de Laverdines dans le Cher sont exclues du zonage issu de la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), devenues France Ruralités Revitalisation (FRR). Pourtant, elles remplissent les critères nécessaires.

Depuis 2019, Laverdines fait partie d'une commune nouvelle, avec Baugy et Saligny-le-Vif, qui, elles, bénéficient de ce classement. En juillet 2021, le maire de Baugy avait obtenu la confirmation de la direction départementale des territoires (DDT) du Cher du classement de l'ensemble de la commune nouvelle ; or vos services m'indiquent le contraire. Comment l'expliquer ? C'est un signal décourageant pour la création de communes nouvelles, à laquelle vous êtes attachée, madame la ministre. Azy, entourée de communes classées FRR, est également exclue du dispositif.

Les entreprises et les professionnels de santé attendent ce classement pour s'installer. Envisagez-vous des ajustements ou des dérogations pour que ces communes bénéficient d'un soutien légitime ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Je connais votre engagement en faveur de ce dispositif et je vous en remercie. Il ne se passe pas une journée sans que je sois interpellée sur le sujet.

La situation est très complexe : je dois mettre en oeuvre les dispositions adoptées par le Parlement et celles conclues dans les accords locaux. La situation actuelle n'est pas satisfaisante ; il faudra remettre le système à plat.

Des communes qui n'étaient plus classées en ZRR l'ont été de nouveau en juillet 2024 pour ne plus l'être en 2027. Reprenons ce sujet de manière calme et mesurée notamment pour étudier la collision avec les dispositifs visant à faciliter l'installation de professionnels de santé.

En raison d'une approche par bassin de vie ou par intercommunalité, associée à la justification de conditions de seuils de population et de revenus médian inférieurs à la moyenne nationale, des communes éligibles seules au dispositif ne le sont plus. C'est le cas des communes évoquées.

Ma réponse est aussi claire que ce dispositif -  qui ne l'est pas totalement.

M. Rémy Pointereau.  - Il faut mettre en place un comité de suivi. En outre, le préfet doit disposer d'un pouvoir de dérogation.

Sauvegarde de la ligne ferroviaire Guéret-Felletin

M. Jean-Jacques Lozach .  - Le 9 janvier 2025, la population creusoise a appris par voie de presse la fermeture de la ligne ferroviaire reliant Guéret à Felletin à compter d'août 2025. La mort programmée de cette ligne de désenclavement est désastreuse, notamment pour le développement économique ; elle alimente le sentiment d'abandon et fragilise toute une chaîne de mobilités, l'accès aux gares de Limoges et à Bordeaux, notamment.

Les besoins en régénération de la voie sont urgents ; leur financement relève de la responsabilité de l'État, de la région Nouvelle-Aquitaine et de la SNCF.

Le succès de la pétition « Touche pas à ma p'tite ligne ! » confirme la nécessité de préserver le ferroviaire, mobilité la plus adaptée à la lutte contre le réchauffement climatique.

Que comptez-vous faire pour assurer le maintien et la rénovation de cette liaison et mettre un terme à cette fracture ferroviaire qui éprouve mon département ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Votre question, au coeur des ruralités, concerne le maintien des petites lignes ferroviaires. En 2021, un protocole signé entre l'État et la région Nouvelle-Aquitaine prévoyait la répartition des besoins entre les cofinanceurs pour la régénération de 1 856 kilomètres de petites lignes ferroviaires. Celle de la ligne Guéret-Felletin est à la charge du conseil régional. Entre 50 et 80 millions d'euros sont nécessaires pour assurer la poursuite des circulations.

Le Gouvernement et plus particulièrement Philippe Tabarot souhaitent explorer les solutions envisageables au maintien de cette liaison essentielle aux Creusois, en concertation avec les acteurs concernés. L'avenir de cette ligne a été inscrit au deuxième plan particulier pour la Creuse, dont la signature ne saurait tarder. En effet, les crédits annoncés sont disponibles et François Rebsamen vous propose de le rencontrer avec des élus creusois.

Zonage FRR en Lot-et-Garonne

M. Michel Masset .  - Dans le Marmandais, et dans d'autres territoires du Lot-et-Garonne, le nouveau découpage France Ruralités Revitalisation (FRR) a créé une situation critique : 21 communes du bassin de vie de Marmande sur les 43 que compte l'intercommunalité en sont exclues, ce qui entraîne des distorsions au sein de l'EPCI, des départs de médecins ou d'entreprises. Ce dumping fiscal réorganise l'espace et les activités dans un territoire déjà fragilisé.

Marmande n'est pas considérée comme une commune rurale, ce qui lui interdit tout rattrapage. Or des villes dans la même situation bénéficient du classement. Cette situation, incohérente, entraîne un risque de fracture pour le Marmandais et le Lot-et-Garonne. Marmande, centre urbain intermédiaire, appartient à un EPCI rural selon l'Insee. Si le déclassement devait perdurer, elle pâtirait de cette situation. Je suis certain que tel n'est pas l'objectif du Gouvernement.

Pouvons-nous envisager l'examen rapide de ce dossier ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Cher monsieur Masset, comme je l'ai expliqué lors de ma réponse à Rémy Pointereau, les nouveaux critères de zonage des FRR, qui prennent en compte la population et le revenu médian au niveau du bassin de vie ou d'un EPCI, ont créé une nouvelle cartographie insatisfaisante. C'est pourquoi les ex-communes en zones de revitalisation rurale (ZRR) y ont été intégrées, ce qui engendre des situations suscitant l'incompréhension au sein des intercommunalités. Nous avons échangé longuement sur ce sujet et vous défendez bien votre territoire.

Sincèrement, la perfection n'a pas été atteinte en la matière. J'ai demandé à la direction générale des collectivités locales (DGCL) de procéder à une première évaluation et de travailleur pour aboutir à plus de cohérence. Les communes qui ne sont pas éligibles au dispositif FRR ou ZRR peuvent bénéficier de mesures favorables en matière économique.

M. Michel Masset.  - Chère madame Gatel, en effet, nous avons besoin de souplesse. Je souscris à l'idée d'un comité de suivi et nous serions ravis de vous recevoir sur notre territoire, madame la ministre.

Gratuité de la portion d'autoroute reliant Annemasse à Saint-Julien-en-Genevois

Mme Sylviane Noël .  - Le 10 mars dernier, après un avis favorable de l'Autorité de régulation des transports (ART), la préfecture de Haute-Savoie a annoncé la fin de la gratuité de la portion de l'autoroute A40 reliant Annemasse à Saint-Julien-en-Genevois, en vigueur depuis quarante ans, à compter du 1er janvier 2029.

Cette décision soudaine et unilatérale de l'État suscite la colère des élus locaux et des habitants. Ce tronçon, un axe de contournement du Grand Genève, est emprunté par 50 000 véhicules par jour ; il devrait rester gratuit au même titre que d'autres axes autour de Paris, Lyon ou Tours.

Au-delà du strict impact financier, notamment pour les salariés payés en euros qui l'utilisent au quotidien, cela risque d'entraîner un report massif du trafic sur le réseau secondaire -  déjà saturé  - et de créer des nuisances environnementales et sonores pour les riverains éprouvés par les ballets incessants de véhicules venant de Suisse ou s'y rendant.

Quelles suites le Gouvernement entend-il donner à cette décision ? (M. Loïc Hervé applaudit.)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Permettez-moi d'associer Loïc Hervé à votre engagement. Entre 1991 et 2016, les frais d'exploitation étaient pris en charge par le conseil départemental de Haute-Savoie, qui n'a pas prorogé cette convention, créant une situation juridique qualifiée de non-droit selon la Cour des comptes. Le Gouvernement a pris le temps de la concertation pour régulariser cette situation. Des mesures d'accompagnement sont aussi mises en oeuvre : la remise à péage est accompagnée d'un abattement de 35 % dès le premier trajet pour les usagers disposant d'un badge. S'y ajoutent les réductions pour les usagers fréquents, qui paieront moins d'un euro un trajet.

Les conditions de circulations seront améliorées à Saint-Julien-en-Genevois et à Entrebières. Selon des études réalisées, l'impact sur le réseau secondaire est de l'ordre de 3 % du trafic actuel, mais une enveloppe de 750 000 euros sera consacrée à l'accompagnement des aménagements sur ce réseau secondaire.

Mme Sylviane Noël.  - Ces mesures ne suffiront pas à nous faire avaler la pilule ! Nous attendons une décision politique en lien avec les élus locaux pour éviter des effets très lourds.

M. Loïc Hervé.  - Comme en Bretagne !

Sécurisation des passages à niveau

M. Joshua Hochart .  - Lundi dernier, dans le Pas-de-Calais, deux militaires du 41e régiment de transmission de Douai ont tragiquement perdu la vie, percutés par un train à un passage à niveau. J'ai une pensée pour leurs familles, leurs frères d'armes et les blessés. Ce drame vient s'ajouter à la longue liste des accidents survenus à des intersections critiques entre la route et le rail.

Malgré des efforts de sécurisation, les passages à niveau restent un véritable danger. Si certains ont été supprimés ou modernisés, force est de constater que trop peu de moyens sont alloués à leur modernisation, et les collectivités locales, en première ligne, peinent à obtenir les financements nécessaires.

La sécurisation de ces infrastructures vieillissantes doit être une priorité absolue. Les communes et départements, aux budgets contraints, ne peuvent pas assumer seuls les investissements colossaux nécessaires. Le plan de sécurisation des passages à niveau, initié en 2021, a certes permis de financer 130 projets pour 26 millions d'euros, mais cela reste largement insuffisant.

Ce drame nous rappelle brutalement que chaque jour de retard de ces travaux coûte des vies.

Il est urgent que l'État prenne ses responsabilités en augmentant significativement les crédits dédiés, mais aussi en simplifiant les démarches. Quelles mesures concrètes le Gouvernement prendra-t-il pour renforcer cet accompagnement ? Avec quels nouveaux financements ? Pouvez-vous nous garantir que la sécurisation de ces infrastructures deviendra une véritable priorité ?

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité .  - Nous sommes très sensibles à cette question. Nous pensons aux victimes.

Je n'accuse personne, mais des comportements de conduite aboutissent parfois à ce résultat.

Certains passages à niveau, vétustes, ne garantissent pas de bonnes conditions de sécurité.

Après l'accident tragique de Millas en 2017, l'État a pris le problème à bras-le-corps, dans le cadre d'un plan annoncé en 2019, qui se déroule conformément aux prévisions. Un certain nombre de passages à niveau ont été sécurisés. L'État apporte un soutien financier annuel à ce plan, auquel 80 millions d'euros ont été ajoutés au titre du plan de relance. Les besoins exprimés par les préfets de région sont couverts.

Le Gouvernement est déterminé à poursuivre ces efforts, pour que de tels drames ne se reproduisent pas.

Accès au foncier des jeunes agriculteurs

Mme Marie-Claude Lermytte .  - Alors que les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) ont pour missions essentielles de dynamiser l'agriculture, favoriser l'installation des jeunes, protéger l'environnement et accompagner le développement de l'économie locale, il est regrettable que de jeunes agriculteurs renoncent à leur projet faute de terre.

La durée des procédures est un frein non négligeable, et la motivation des décisions est souvent incompréhensible. Un sentiment d'injustice frappe les jeunes agriculteurs qui voient des terres rétrocédées à des agriculteurs déjà installés, passant parfois par des prête-noms ou des sociétés opaques. Dès lors, la durée des recours devient intolérable.

Cette situation semble liée au fonctionnement des Safer et à leurs moyens financiers. Mises en place en 1960, elles sont nécessaires mais doivent impérativement s'adapter.

J'espère que le texte que l'Assemblée nationale a adopté sur ce sujet sera inscrit à l'ordre du jour du Sénat prochainement. La Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) a saisi Bruxelles, dénonçant un abus de position dominante. Sur le terrain, les contestations et interrogations sont nombreuses.

Quelles mesures de simplification des démarches et de réduction des délais le Gouvernement compte-t-il prendre ?

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je partage votre préoccupation. Le renouvellement des générations en agriculture est un défi majeur.

Les Safer ont rétrocédé en pleine propriété plus de 32 000 hectares pour installation en 2023, à 71 % hors du cadre familial. La loi de finances pour 2025 a porté le délai de substitution de 6 à 10 mois afin de laisser le temps à des opérations complexes de se monter, ou aux jeunes d'obtenir des garanties bancaires. Le Gouvernement soutient toutes les options de transmission du foncier agricole hors acquisition, dont le portage, qui permet de ne pas grever le compte d'exploitation ; l'acquisition est retardée au moment où l'exploitation est financièrement stabilisée.

Les commissaires du Gouvernement auprès des Safer exercent une tutelle appuyée en vue d'obtenir des éléments clairs, précis et non stéréotypés sur les motivations des décisions. C'est central pour l'acceptabilité de celles-ci.

Soyez assurée que je veille à simplifier la transmission, enjeu capital.

Gestion du loup dans la Nièvre

Mme Nadia Sollogoub .  - La méthode de comptage du loup employée par l'Office français de la biodiversité (OFB) suscite de nombreuses interrogations.

Ces dernières années, les cartographies de l'OFB faisaient état d'une présence occasionnelle du loup dans la Nièvre. En 2022, elles ne mentionnent plus aucune présence. Or cette absence de reconnaissance officielle est en contradiction complète avec les observations récurrentes et documentées sur le terrain.

Pouvez-vous préciser la méthodologie de l'OFB ? Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer la transparence de la collecte des données et assurer une meilleure prise en compte des signalements par les acteurs locaux ?

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Élue d'un territoire d'élevage, je sais combien la présence du loup affecte le pastoralisme. Il est indispensable de disposer de données fiables.

La méthode d'estimation de la population lupine par l'OFB a fait l'objet d'une évolution en 2024. Il a été décidé d'une estimation unique pour une meilleure lisibilité. De plus, les marges d'erreur de l'ancienne méthodologie étaient de plus en plus importantes, ce qui ruinait la confiance et nourrissait la colère des éleveurs. Enfin, il y avait un réel besoin de transparence.

La nouvelle méthode a été présentée aux membres du Groupe national loup fin 2024 et mise en oeuvre début 2025. Unique en Europe, elle permet de disposer rapidement d'une estimation fiable. En tout cas, c'est le voeu que je forme.

L'OFB a développé une carte accessible au grand public sur le site Loupfrance.fr. Vous pourrez y retrouver les indices recueillis dans la Nièvre et le traitement qui leur a été réservé. C'est gage de transparence.

Les données que vous évoquez sont issues de l'ancienne méthode. Or la nouvelle méthodologie établit un suivi plus fiable. Nous pourrons ainsi mieux réguler.

Mme Nadia Sollogoub.  - L'essentiel est de s'assurer que cette méthode de comptage met en évidence que le loup a échappé à tout contrôle : 11 attaques en 2023, 48 en 2024 et déjà 39 en 2025 ! Peu importe la méthode de comptage, il faut des autorisations de régulation. C'est absolument vital.

Les éleveurs ont un immense sentiment d'abandon. Ils sont dans une situation dramatique. Toutes les nuits, ils se demandent où le carnage aura lieu. Des milices s'organisent. Il est impossible, en territoire de bocage, de rentrer les animaux toutes les nuits. Les procédures sont incompréhensibles et les éleveurs, fous de rage et de désespoir.

Contrôle des salmonelles dans les oeufs

M. Christian Klinger .  - Les producteurs d'oeufs traversent une crise majeure. Actuellement, dès qu'un prélèvement unique détecte une suspicion de salmonelle, tout le cheptel de poules pondeuses doit être abattu. Sauf que ces résultats sont souvent discutables. Des analyses complémentaires réalisées par des laboratoires accrédités montrent régulièrement qu'il n'y a, en réalité, aucune contamination. C'est un vrai désastre pour les éleveurs !

En un an, le cheptel alsacien a chuté de 17 %. Certains exploitants sont à bout. Toute la filière est en danger, alors même que nous importons des oeufs de pays non européens où les règles sanitaires sont moins strictes.

Il faudrait un second test de confirmation avant l'abattage, comme en Belgique et aux Pays-Bas, tester directement les oeufs plutôt que les poussières ou les fientes, ou encore assouplir les règles pour les oeufs destinés à être consommés après cuisson.

L'Anses, saisie début 2023, n'a toujours pas rendu ses conclusions sur ces procédures. Comment répondre aux attentes des éleveurs et éviter un effondrement de cette filière ?

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - La filière oeuf est l'une des rares où nous sommes en souveraineté alimentaire. Les consommateurs plébiscitent l'oeuf français.

La salmonellose provoque de nombreuses intoxications alimentaires. Les méthodes de prélèvement en élevage sont basées sur les caractéristiques propres à cette bactérie, dont les volailles sont porteuses saines, et qui est excrétée par intermittence, ce qui rend sa détection difficile. Un prélèvement unique suffit. Les analyses, réalisées par des laboratoires agréés supervisés, sont particulièrement fiables.

L'Anses, saisie sur l'optimisation des méthodes de prélèvement en élevage, rendra ses travaux à l'automne 2025.

Les élevages relevant de la charte sanitaire sont indemnisés après la découverte de salmonelle.

La viande contaminée peut être tout aussi dangereuse que les oeufs. Il faut tout mettre en oeuvre pour préserver la santé humaine, ainsi que la confiance des consommateurs dans nos filières.

M. Christian Klinger.  - On attendra les résultats de l'enquête de l'Anses, mais les éleveurs me disent que la détection de salmonelle dans les poussières ne signifie pas qu'il y en a dans l'oeuf. Un deuxième test serait une solution, parce qu'après abattage du cheptel, il faut longtemps avant d'avoir à nouveau des oeufs. Or les Français aiment les oeufs !

Fièvre catarrhale ovine

M. Guillaume Gontard .  - Depuis l'été dernier, 26 000 élevages ont été touchés par la fièvre catarrhale ovine (FCO), qui a entraîné une surmortalité animale de 10 % au niveau national. C'est une hécatombe dans le nord-est de la France avec la FCO-3 et en Auvergne-Rhône-Alpes avec la FCO-8.

Alerté par les éleveurs et les parlementaires, votre ministère a réagi : 14 millions de doses de vaccins contre la FCO ont été commandées l'an dernier, et des avances d'indemnisation ont été versées aux éleveurs. Ces efforts ont réduit la mortalité et sauvé la trésorerie de milliers d'exploitations. Mais des vaccins manquent encore et la France dépend toujours des importations.

Surtout, nous devons nous préparer aux futures épidémies, qui se multiplieront dans les années à venir, en raison du réchauffement climatique et des échanges internationaux.

Quel est le périmètre des assises du sanitaire animal ? Comment assurer la disponibilité des vaccins ? Alors que de nouvelles souches de virus apparaissent, comme la FCO-12 aux Pays-Bas, quels moyens pour renforcer la recherche scientifique, les services vétérinaires et d'équarrissage ? Comment les spécificités de l'élevage en plein air seront-elles prises en compte, alors que les règles sont conçues pour l'élevage en hangar ?

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je suis mobilisée sur ce sujet depuis le jour de mon entrée en fonction.

Du 2 août 2024 au 16 février 2025, une zone régulée a été mise en place pour limiter la maladie et préserver les échanges commerciaux. Dès le printemps 2024, une ambitieuse campagne de vaccination a été lancée. L'État a commandé 14 millions de doses de vaccins, pour 37 millions d'euros.

Dès mon arrivée au Gouvernement, j'ai mis en place un fonds d'urgence exceptionnel de 75 millions d'euros pour répondre à l'intégralité des demandes d'indemnisation.

Le Gouvernement a réagi rapidement en instaurant un guichet avance, qui a répondu à l'urgence en novembre 2024, puis un guichet solde, qui instruit les 9 425 dossiers déposés entre le 30 janvier et le 14 février.

Il faut une stratégie sanitaire résiliente axée sur la prévention. C'est pourquoi j'ai lancé les assises du sanitaire animal. Cette année, nous laissons le temps aux filières et au ministère de coconstruire les contrats sanitaires de filières. Nous anticipons la campagne de vaccination de 2025. Certes, nous manquons de laboratoires français qui produisent des vaccins, mais nous faisons tout pour accéder aux vaccins chaque fois qu'ils existent.

M. Guillaume Gontard.  - Alors que nous approchons de la période à risque, nous déplorons le manque de coordination entre départements.

Fermeture de la fosse de Petosse

Mme Annick Billon .  - Il y a trois ans, après plusieurs épidémies de grippe aviaire, l'État a ouvert en urgence des sites d'enfouissement, compte tenu de l'insuffisance des capacités d'équarrissage.

Dans ce cadre, une zone de préstockage temporaire a été créée à Petosse, en Vendée, sans que les élus en aient été informés. Fin 2022, les restes du site de Tallud-Sainte-Gemme ont été transférés dans cette fosse, là encore sans information des élus : le maire de Petosse l'a découvert en voyant arriver les camions chargés de carcasses...

La durée d'exploitation de cette fosse ayant été fixée à vingt-quatre mois, elle aurait dû fermer voilà un an. Pourtant, plus de 13 000 tonnes y sont encore stockées.

Pendant des mois, les questions des élus locaux sont restées sans réponse. Jusqu'à récemment, aucune information ne leur avait été communiquée sur les tests sanitaires.

Alors qu'un récent rapport d'inspection présente plusieurs solutions pour vider la fosse, les modalités d'évacuation des matières stockées n'ont pas été tranchées. Comment le Gouvernement entend-il résoudre cette situation, et dans quel délai ?

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le Gouvernement est conscient des enjeux liés au site de stockage temporaire de Petosse.

Entre 2019 et 2023, notre pays a fait face à plusieurs épidémies d'influenza aviaire. Au plus fort de la crise, les usines d'équarrissage étant saturées, des mesures exceptionnelles ont dû être prises. Dans ce cadre, deux sites temporaires de stockage ont été créés à Petosse et Tallud-Sainte-Gemme. Afin de maîtriser les risques sanitaires et environnementaux, ces mesures ont été prises de manière concertée entre les ministères de l'agriculture et de l'environnement.

Le site de Petosse n'est pas destiné à l'équarrissage : il accueille un enfouissement temporaire décidé dans le cadre d'une gestion de crise. Sa qualité a été saluée par les représentants de la Commission européenne chargés d'apprécier la gestion de la crise d'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP).

L'État cherche des solutions pour fermer ce site. Mon prédécesseur, Marc Fesneau, a diligenté une mission conjointe du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable, dont le rapport vient de m'être rendu. Les recommandations formulées sont en cours d'examen. Je prendrai une décision dans les prochains mois, en liaison avec les autorités locales.

Conséquences de la nouvelle tarification de l'eau

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - J'attire votre attention sur les conséquences de la tarification de l'eau entrée en vigueur le 1er janvier dernier pour les agriculteurs irrigants raccordés au réseau d'eau potable.

La redevance pour consommation de 0,43 euro par mètre cube place dans une situation intenable les professionnels maralpins raccordés, qui pratiquent une agriculture à taille humaine, sobre et orientée vers le maraîchage multirotations. Décidée sans concertation, cette charge pèse de manière disproportionnée sur les secteurs agricoles et agroalimentaires. La situation est critique dans mon département, où de nombreux agriculteurs dépendent du réseau d'eau potable.

Cette situation est le fruit du démantèlement des réseaux agricoles, de la pression urbaine et de l'absence d'un tarif spécifique agricole, qui permettrait d'éviter le décuplement des factures.

Sans action urgente, des cessations d'activité en cascade sont à craindre, de même que des renoncements à l'installation. Étranglés, les agriculteurs maralpins attendent une solution rapide : ils demandent la suspension des factures et l'instauration d'aides ciblées pour les professionnels en situation de dépendance. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Vous mettez en lumière les effets cumulés de la réforme des redevances des agences de l'eau et des tarifs votés par celles-ci pour financer le plan Eau. L'enjeu est majeur pour les agriculteurs irrigants raccordés à l'eau potable, notamment dans les Alpes-Maritimes.

La réforme vise à rééquilibrer la contribution des différentes catégories d'usagers au financement de la politique de l'eau, à promouvoir la sobriété et à simplifier la fiscalité. Les redevances de consommation d'eau et de performance du service sont assises sur la consommation ; la redevance de performance assainissement repose sur l'eau usée rejetée.

Pour de nombreux professionnels, agriculteurs comme industriels de l'agroalimentaire, les factures s'envolent - elles sont parfois multipliées par vingt. Nous devons les accompagner par un mécanisme ciblé : j'y travaille avec mes collègues de l'écologie, de l'industrie et du budget.

Par ailleurs, les agences de l'eau ont reçu pour instruction d'accompagner les professionnels concernés dans la mise en oeuvre de procédés plus sobres.

L'eau est une ressource précieuse et limitée, mais on ne peut demander à des acteurs de l'économiser quand ils n'en ont pas. Nous devons leur donner accès à une ressource indispensable à l'exercice de leur activité dans certains territoires ; il y va de leur pérennité. Dans les années à venir, les progrès technologiques permettront une irrigation plus économe.

Difficultés de l'industrie

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le Gouvernement tente de relativiser les difficultés de notre industrie et accuse de pessimisme ceux qui mettent en doute sa stratégie - si elle existe.

Pourtant, les faits sont là : les restructurations tombent en cascade. Vous prétendez que les ouvertures d'usine sont plus nombreuses que les fermetures, mais vous comptabilisez les simples extensions, quel que soit le montant investi.

Nos industries sont loin de tourner à plein régime. En décembre dernier, le taux d'utilisation est même tombé à 73,9 %, un niveau inédit en quinze ans hors Covid.

À Billy-Berclau, l'usine ACC ne monte pas suffisamment en cadence. Le fossé technologique se creuse, notamment avec la Chine. Travailleurs et élus mettent pourtant du coeur à l'ouvrage. La Commission européenne envisage une subvention, mais ACC répond : encore faut-il réussir à survivre jusque-là...

Nous allons dans le mur : il est urgent de rectifier le tir ! Quelle est la stratégie du Gouvernement en matière de planification ? Comment comptez-vous soutenir Lhoist et Catensys ? Tiendrez-vous l'engagement de M. Lescure de revenir à Calais ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Je vous réponds au nom de Marc Ferracci.

Nous oeuvrons à une réindustrialisation par territoire, avec des formations et des financements adaptés. Depuis 2017, nous avons créé 130 000 emplois dans l'industrie. L'année dernière, nous avons enregistré 89 créations et extensions nettes de site.

Il ne s'agit pas de nier les difficultés. Certains secteurs sont plus particulièrement exposés à une concurrence internationale plus ou moins loyale - je pense notamment à l'automobile. Un certain nombre de normes nationales ou européennes, mises en place pour de bonnes raisons, nous désavantagent par rapport à des concurrents qui n'ont pas les mêmes standards.

Dans l'acier, nous avons des surcapacités. Par le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, nous voulons nous assurer que l'acier qui entre en Europe n'est pas produit dans des conditions déloyales. Dans la chimie, nous devons être plus attractifs.

Le rôle de l'État est d'accompagner les secteurs et les salariés. Nous concluons des accords avec certaines entreprises, comme Arc. Nous continuerons d'agir avec force. Je transmettrai à mon collègue votre demande de retour dans le Calaisis.

Ligne THT entre Fos-sur-Mer et Jonquières-Saint-Vincent

M. Laurent Burgoa .  - La création d'une ligne aérienne à très haute tension (THT) est envisagée dans le cadre de la décarbonation de Fos-sur-Mer, deuxième zone la plus émettrice de CO2 en France.

Je comprends l'objectif, mais m'oppose au tracé retenu qui, dans le Gard, nuira à un secteur agricole et viticole emblématique : les Costières-de-Nîmes. Cette AOP a une importance majeure dans l'un des départements les plus pauvres. De plus, les territoires qui seraient traversés abritent des sites naturels, des monuments et des paysages qui suscitent une forte activité touristique. La construction de cette ligne risque donc de fragiliser l'emploi local.

Le collectif Stop THT 13-30, qui fédère plus de vingt associations engagées pour la préservation de l'environnement en Crau, Camargue, Alpilles et Terre d'Argence, propose une autre solution : déplacer la production d'hydrogène à Aramon, à proximité des sources d'électricité, et l'acheminer par des ouvrages enterrés le long des digues du Rhône. Le Gouvernement entend-il examiner cette alternative ? Sinon, pourquoi ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - La ligne Fos-Jonquières est essentielle pour décarboner la zone de Fos, où de nombreux projets dépendent de sa réalisation. Quelque 20 milliards d'euros et 10 000 emplois sont en jeu.

Les inquiétudes liées aux conséquences de cette ligne dans les territoires traversés sont tout à fait légitimes.

Envisager un enfouissement supposerait de lancer non seulement des études supplémentaires, mais aussi une recherche de terrains. Cet enjeu foncier est très complexe.

De plus, les conséquences environnementales d'un enfouissement risqueraient d'être plus importantes, notamment sur les milieux humides.

Enfin, cette solution serait plus coûteuse, et sa mise en oeuvre serait plus longue de deux à cinq ans.

La Commission nationale du débat public a été saisie par le préfet, pour que cette question difficile fasse l'objet d'un débat bien organisé et que cette ligne ne soit pas imposée, mais discutée collectivement.

M. Laurent Burgoa.  - Contrairement à certains élus populistes, je ne m'oppose pas au projet, dont je comprends l'utilité. Mais il faut réfléchir à des projets pour le Gard de nature à compenser les désagréments subis.

Évolution du cadre réglementaire du photovoltaïque (I)

M. Stéphane Demilly .  - Le 12 février dernier, le Gouvernement a annoncé mettre en consultation un projet d'arrêté réduisant le soutien au photovoltaïque sur bâtiments, hangars et ombrières, avec effet rétroactif au 1er février 2025, pour le segment de puissance 0 à 500 kWc (kilowatt crête).

On ne laisse pas aux professionnels le temps de se retourner. Une entreprise de mon département, qui emploie 35 salariés, s'inquiète des conséquences de ces revirements ininterrompus, alors que le pacte solaire a été signé avec l'État il y a moins d'un an... Cette décision aura également des conséquences pour les agriculteurs et pour les collectivités locales, pour qui les projets photovoltaïques sont une source de financement.

Ces évolutions signifient-elles un moratoire pour la filière ? En avez-vous évalué les conséquences ? Le Conseil supérieur de l'énergie a demandé des modifications ; la Commission de régulation de l'énergie (CRE), davantage de prévisibilité. Allez-vous en tenir compte ? Je sais les contraintes budgétaires ; néanmoins, ne pourrait-on envisager une évolution moins radicale, en concertation avec les acteurs de la filière solaire ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Vous relayez légitimement les préoccupations suscitées par ces annonces.

Les modifications envisagées ne seront pas mises en oeuvre immédiatement. Les contrats déjà signés ne sont aucunement remis en cause : ils continueront de s'appliquer selon les conditions fixées par l'arrêté tarifaire d'octobre 2021.

Nous avons bien conscience des enjeux pour les entreprises du secteur ; Marc Ferracci veille à ce que les acteurs puissent s'adapter.

Pourquoi cette décision ? Sur le seul mois de janvier 2025, les demandes de contrats ont rempli la moitié de l'objectif annuel 2025. Cet emballement nous conduit à réfléchir au potentiel de déploiement, à la qualité et à l'origine des panneaux installés, et à réajuster le soutien apporté.

Le Conseil supérieur de l'énergie, réuni le 6 mars dernier, a été l'occasion d'apporter une clarification. Un projet d'arrêté tarifaire sera publié dans les prochains jours. L'appel d'offres sera simplifié, pour un volume donné sur le segment 100-500 kWc, avec un tarif viable économiquement ; il sera mis en place au plus vite, après échange avec les acteurs.

Les engagements du pacte solaire ne sont pas remis en question. Le secteur s'est emballé, il nous faut reprendre la main collectivement, dans la concertation.

Évolution du cadre réglementaire du photovoltaïque (II)

M. Alain Duffourg .  - Dans le Gers, 80 % des agriculteurs ont investi dans le photovoltaïque : ce sont 300 exploitations qui seront impactées par la baisse du tarif de rachat. Il s'agissait pourtant d'un dispositif à la fois écologique et intéressant pour les agriculteurs, puisque l'autoconsommation élimine les coûts de transport.

Le gouvernement entend-il revenir en arrière et entamer une concertation avec les organisations syndicales, les chambres d'agriculture et les institutionnels ?

Le malaise agricole demeure, le projet de loi d'orientation n'a pas entièrement répondu aux revendications légitimes. Dans plusieurs départements, les syndicats agricoles « de connivence » ont été remplacés à la tête des chambres d'agriculture par des syndicats « de rupture » - celle du Gers est désormais gérée par la Coordination rurale, organisme puissant et revendicatif. Si ces derniers n'obtiennent pas satisfaction, ils mèneront des actions...

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Le Gouvernement mesure l'impact des modifications récentes du tarif de rachat bonifié.

Je comprends les inquiétudes des acteurs locaux du Gers - notamment des agriculteurs, confrontés aux incertitudes climatiques, pour qui le photovoltaïque procure un complément de revenu. Ils ont besoin de visibilité.

Nous maintenons notre ambition sur le photovoltaïque, et le pacte solaire est toujours sur la table.

Le Conseil supérieur de l'énergie s'est tenu le 6 mars. Nous apportons des modifications au projet d'arrêté, et prévoyons un appel d'offres simplifié pour réguler les volumes tout en préservant le soutien à la filière sur le segment 100-500 kWc.

Il s'agit de trouver un équilibre entre la maîtrise du coût pour le contribuable et la compétitivité du secteur. Il n'y aura pas de rétroactivité pour les contrats déjà signés : les conditions tarifaires en vigueur resteront applicables. Nous avons pris en compte les préoccupations des collectivités, des syndicats d'énergie et des agriculteurs.

En parallèle, nous publierons prochainement un arrêté très attendu, permettant le soutien aux petits projets photovoltaïques au sol, afin de valoriser les friches.

Le Gouvernement est conscient de la nécessité d'un cadre stable et prévisible. Nous continuerons à accompagner la filière, tout en veillant à ce que ce soutien soit cohérent avec les besoins énergétiques et avec nos ressources collectives.

Évolution du cadre réglementaire du photovoltaïque (III)

Mme Viviane Artigalas .  - Ma question porte sur le même sujet - preuve de son importance ! Le projet d'arrêté rétroactif inquiète les PME de la filière, les particuliers qui choisissent l'autoconsommation, et les agriculteurs qui profitent de leurs bâtiments agricoles pour compléter leurs revenus. Dans les Hautes-Pyrénées, il risque de mettre à mal les projets solaires territoriaux portés par le syndicat départemental d'énergie. L'arrêt brutal des projets en cours menacerait la viabilité de nombreuses entreprises et la pérennité des emplois.

Le photovoltaïque est une technologie mature, compétitive, essentielle dans la transition écologique. C'est une filière dynamique et un écosystème non délocalisable, qu'il faut impérativement soutenir. Où en sont vos réflexions sur le sujet ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Le petit photovoltaïque participe à la transition énergétique, tout en apportant un complément de revenu et en favorisant l'autoconsommation. Votre département compte plusieurs projets solaires locaux, signe de l'engagement des acteurs.

Nous continuerons de soutenir de manière équilibrée et concertée le segment en dessous de 500 kWc. Cependant, vu l'engouement massif pour ce dispositif - en un mois, nous avons réalisé la moitié des objectifs de l'année ! - nous rééquilibrons notre soutien. Les ajustements sur le cadre tarifaire, découlant du Conseil de l'énergie du 6 mars, ne seront en aucun cas rétroactifs et le dialogue va se poursuivre. Un appel d'offres simplifié sur le segment 100-500 kWc, avec un tarif viable, sera mis en place. Nous sommes conscients de la situation particulière des collectivités. Un arrêté pour soutenir les petits projets photovoltaïques au sol sera également publié.

Nous croyons à l'énergie solaire, mais le petit photovoltaïque a un coût pour la collectivité, à travers les incitations fiscales et le coût du raccordement. Pour de très petites installations, les coûts de raccordement excèdent parfois les gains ; il est plus intéressant de favoriser l'autoconsommation. Il faut un équilibre entre les intérêts locaux et l'intérêt collectif d'un système électrique maîtrisé, rentable, économique, efficient et décarboné.

Mme Viviane Artigalas.  - L'arrêté ne sera pas rétroactif, dont acte.

L'impact du coût de raccordement sur la rentabilité aurait dû être évalué avant. Au demeurant, les opérateurs savent déjà estimer l'intégration des projets photovoltaïques, maîtriser les coûts et préserver la sûreté des réseaux.

Nous ne tiendrons pas la trajectoire zéro carbone en 2050 avec ce stop and go. Ce changement brutal de politique, sans débat ni vote, aura des conséquences graves.

Difficultés de l'entreprise F2J-Japy

Mme Annick Jacquemet .  - L'entreprise F2J-Japy, située à Valentigney, dans le pays de Montbéliard, bassin industriel orienté vers le secteur automobile, traverse une crise inquiétante. Elle emploie encore 102 salariés, mais en huit ans, a dû engager six plans de sauvegarde de l'emploi, fragilisant tout un territoire.

F2J-Japy peine à se diversifier, entre l'arrêt programmé de la vente de véhicules thermiques et la concurrence de pays aux normes environnementales et sociales moins exigeantes. Ces mutations n'ont hélas pas été suffisamment anticipées, alors que la transition écologique nécessite notamment des investissements dans la formation. C'est l'objet d'une mission sénatoriale sur l'avenir de la filière automobile, dont je suis corapporteur avec Alain Cadec et Rémi Cardon.

Quelles mesures prendre afin d'accompagner financièrement et stratégiquement la diversification de F2J-Japy, tout en préservant l'outil industriel et les emplois locaux ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - L'entreprise F2J-Japy est spécialisée dans les produits métalliques destinés à des grands groupes industriels, en particulier dans le secteur automobile. Elle souffre de la baisse des commandes liée à l'évolution du marché et la fin du thermique, et de la hausse du coût des matières premières.

Nous suivons de près le projet de restructuration, qui se traduit par un plan de réduction des effectifs. L'entreprise s'est engagée à rechercher des solutions de reclassement et à aider à l'accompagnement, à la mobilité et à la formation.

Sa pérennité passera par sa diversification, alors qu'elle dépend à 90 % de Stellantis. Des premières commandes ont été engrangées dans le machinisme agricole ou la fabrication de châssis de groupes électrogènes. Des échanges réguliers sont organisés avec Bercy.

Plus largement, la Commission européenne vient d'annoncer un plan d'envergure, reprenant les propositions de la France, pour aider la filière automobile dans cette phase de transition inédite. Ce plan, de bien meilleure facture, permettra de soutenir massivement la filière des batteries électriques, qui crée des emplois. Le principe de préférence européenne, que nous défendions, est acté et bénéficiera à nos sous-traitants. Nous introduirons des critères de contenu local pour localiser les chaînes de valeur en Europe.

Nous traversons une passe difficile, mais la stratégie est désormais plus claire, plus cohérente et plus positive pour nos territoires qui se cherchent un avenir.

Emplois menacés chez Valeo

M. Thierry Cozic .  - Quelque 1 150 emplois sont menacés chez Valeo. En juillet 2024, l'équipementier automobile a annoncé rechercher un repreneur pour plusieurs de ses sites français, dont celui de Suze-sur-Sarthe. En février, il a annoncé la cessation anticipée de l'activité du site, au 25 avril. Ce sont 250 salariés qui attendent leur licenciement ou leur reclassement : aucune famille ne sera épargnée. L'intersyndicale dénonce un mépris inacceptable.

Le groupe Valeo, qui affiche de très bons résultats financiers pour l'exercice 2024 et a bénéficié du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) de 2020 à 2023, a pourtant délocalisé une partie de son activité dans des pays low cost.

L'État français, actionnaire de l'entreprise, doit protéger les salariés. Comment le Gouvernement compte-t-il éviter que cette situation ne se reproduise ? Quid de l'accompagnement social des salariés ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Suze-sur-Sarthe fait partie des sites pour lesquels Valeo cherche un repreneur depuis juillet 2024. La situation de Valeo en France s'est considérablement dégradée dernièrement en raison d'un déficit de compétitivité et de la remise en cause de la technologie 48V. S'ajoutent des difficultés conjoncturelles - baisse des volumes et stratégies d'achat des constructeurs dans des pays à bas coût.

Face à la chute de son chiffre d'affaires, Valeo a cherché des repreneurs pour deux de ses sites. L'un a trouvé un repreneur, mais pas le second, dans la Sarthe. Les salariés concernés ont été informés en novembre de la décision de fermeture et, après quatre mois de recherche d'un repreneur, une procédure pour signer un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été engagée.

Le Gouvernement est attentif à la qualité du dialogue social et au respect du code du travail. Il veille aussi à ce que Valeo maintienne une ambition forte en France. Ces dix dernières années, 9 milliards d'euros ont été investis en R&D, 2 milliards en outils de production. Dans les deux prochaines années, Valeo devrait investir 1,7 milliard d'euros en R&D - moteurs électriques, batteries, intelligence artificielle, logiciels embarqués.

Considérons la situation de la filière au niveau européen. Le plan européen annoncé la semaine dernière reprend les exigences françaises de préférence européenne et de contenu local : c'est une excellente nouvelle pour l'avenir de la filière et l'industrie européenne.

Tarifs de recharge des véhicules électriques

M. Bernard Buis .  - Pourquoi n'existe-t-il aucune obligation d'affichage des tarifs de recharge pour les véhicules électriques, alors que cette transparence est exigée des fournisseurs d'énergie pétrolière ? La question a déjà été posée en juillet 2023 par notre collègue Christian Bilhac, mais elle est restée sans réponse.

Les tarifs sont variables et souvent très élevés. En effet, alors que le prix d'achat du kWh auprès d'EDF varie de 6 à 11 centimes, les tarifs pratiqués aux bornes peuvent atteindre 69 centimes ! L'opacité empêche les automobilistes de comparer les offres. Ces écarts, dans un marché qui bénéficie de subventions publiques, sont injustifiés.

Afin de renforcer la confiance des usagers, le Gouvernement envisage-t-il d'étendre l'obligation d'affichage des tarifs à la recharge des véhicules électriques ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Le sujet que vous soulevez a trait au pouvoir d'achat et à la transition écologique. J'y suis sensible.

Le nombre de voitures électriques est passé de 2 % du parc français en 2020 à 17 % en 2023, et 13 millions de véhicules électriques pourraient être en circulation en 2030. Nous comptons 150 000 bornes de recharge et voulons atteindre les 400 000.

La transparence des prix est essentielle pour le consommateur. Le prix de la recharge électrique dépend de la quantité d'électricité fournie, mais aussi de la puissance de la charge et la durée d'occupation de la borne. En outre, le nombre de véhicules se rechargeant en même temps, le niveau de charge initiale du véhicule et le modèle de la batterie ont un impact sur la durée de la recharge, donc sur le prix.

L'information tarifaire est donc beaucoup plus complexe que pour les carburants. Des règles harmonisées d'information sur les prix sont entrées en vigueur en avril 2024 : les points de recharge doivent désormais indiquer le prix de l'énergie en kWh, le prix de la durée d'occupation en minutes et le prix de la session de recharge. En outre, pour les bornes de recharge rapide de puissance supérieure à 50 kW, l'affichage du prix devra être indiqué sur la borne elle-même.

Afin de garantir l'application de ces nouvelles dispositions, la DGCCRF a lancé en 2025 une enquête nationale. Nous verrons s'il convient d'aller plus loin, afin que le consommateur n'ait pas le sentiment d'être pris en otage.

Contrats obsèques

M. Christophe Chaillou .  - J'attire l'attention du Gouvernement sur les distorsions de concurrence en matière funéraire, liées à l'offensive d'opérateurs proposant des contrats obsèques en capital ou des formules de financement à l'avance.

Ces contrats sont en très forte augmentation : des souscriptions en hausse de plus de 15 % entre 2022 et 2023, pour 5,3 millions de contrats au total. Malgré un strict encadrement par la loi, de nombreux organismes financiers influencent les souscripteurs et les familles en deuil, en les orientant vers des entreprises partenaires, le plus souvent des groupes funéraires -  alors que les PME représentent 60 % du marché et plus de 26 000 emplois. Certains organismes retardent même volontairement le versement du capital lorsque l'opérateur funéraire choisi n'est pas l'un de leurs partenaires exclusifs !

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de rétablir la libre concurrence organisée par la loi Sueur de 1996 ? Les familles en deuil doivent pouvoir choisir librement leur opérateur funéraire.

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - La question du financement des funérailles concerne tous les Français. La DGCCRF va lancer une enquête nationale, ciblant 1 000 opérateurs funéraires, pour contrôler notamment le respect du nouveau modèle de devis funéraire, applicable à compter du 1er juillet prochain.

Les Français sont de plus en plus nombreux à recourir à des contrats d'assurance obsèques pour ne pas laisser cette charge à leur famille. C'est une question de pouvoir d'achat, mais aussi intime.

Il existe deux types de contrats d'assurance obsèques : soit des prestations funéraires déterminées à l'avance, soit un capital versé à un bénéficiaire pour financer les obsèques. Dans le premier cas -  qui représente 20 % du marché  - , la loi prévoit déjà expressément que le souscripteur peut changer à tout moment d'opérateur et de prestations, mais qu'à son décès, sa volonté doit être respectée. Dans le second, majoritaire, un capital est versé à un bénéficiaire choisi par le souscripteur : ce bénéficiaire est libre de choisir l'opérateur et les prestations - les assurances peuvent faire des suggestions, mais l'information sur ce libre choix mériterait d'être renforcée, j'en conviens.

Le député Daniel Labaronne nous a fait les mêmes retours que vous : le bénéficiaire se voit parfois imposer un opérateur funéraire et des prestations, ce qui me semble soulever de sérieuses difficultés. Les services de Bercy ont été chargés d'évaluer la légalité de ces contrats et nous envisagerons, le cas échéant, des ajustements ou des sanctions.

M. Christophe Chaillou.  - Merci pour ces précisions très utiles. Nous restons vigilants, car ce sujet touche de nombreuses familles.

Shein et droits de douane

Mme Marie-Claire Carrère-Gée .  - La déferlante du e-commerce à très bas prix menace l'industrie et le commerce, avec une concurrence ultra-déloyale : prix cassés, frais de transport quasi gratuits pour faire 10 000 kilomètres, pas de droit de douane, etc. Il y a urgence : chaque mois, des emplois disparaissent qui ne réapparaîtront pas de sitôt !

Il y a deux ans, afin d'enquêter sur les dérives de la fast fashion, l'un de vos prédécesseurs a saisi la DGCCRF, dont les conclusions étaient attendues pour l'automne 2023. Or elles n'ont toujours pas été rendues. Cela contraste avec votre efficacité sur le déréférencement de la plateforme Wish, preuve que quand on veut, on peut ! Où en est cette enquête de la DGCCRF ?

Pourquoi les colis de moins de 150 euros qui déferlent dans nos aéroports sont-ils exonérés de droits de douane ? Cela doit cesser, sans attendre 2026. Pourquoi ne pas envisager le paiement d'un droit forfaitaire pour tous ces colis de faible valeur et le transfert de la responsabilité du paiement des droits de douane du consommateur vers la plateforme ? Quelles sont les méthodes de contrôle de nos services des douanes ? Sont-ils dotés de moyens suffisants ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Ce sujet est au coeur de mon action comme ministre de tutelle des douanes. L'enquête de la DGCRF, sur Shein en particulier, est en cours, et je ne puis vous donner plus de détails.

Nous coordonnons notre action au niveau européen via le réseau de coopération en matière de protection des consommateurs (CPC). Le 3 février, la Commission européenne a informé Shein du lancement d'une enquête sur la conformité de ses pratiques aux obligations européennes - pratiques commerciales, droit des consommateurs, clauses abusives, indication des prix, numérique, etc. La Commission déterminera les prochaines étapes sur la base de ces éléments.

Je vous communiquerai le résultat de notre enquête, dès que la procédure m'y autorisera.

L'enjeu du déréférencement de Wish en 2021 était différent : il s'agissait de produits dangereux pour la sécurité des consommateurs.

Je suis très engagée au niveau européen pour mettre en place l'union douanière, afin d'appliquer droits de douane et TVA à l'ensemble des produits qui entrent sur notre sol. Quelque 800 millions d'articles sont entrés en France l'an dernier par petits colis. Je déplore de la fraude à la TVA, du non-paiement des droits de douane, mais aussi beaucoup de contenus illicites - drogue, contrefaçons, médicaments falsifiés.

Hier, j'ai présenté à La Seyne-sur-Mer le bilan des douanes 2024. Ce sujet est l'une de mes priorités, car il conduit à de moindres recettes pour nos finances publiques, une mise en danger des consommateurs et cet immense dumping alimente, je le crains, une crise industrielle en Europe. Notre mobilisation est totale, et je vous ferai parvenir toutes les informations souhaitées, dans le respect des enquêtes en cours.

La séance est suspendue à midi quarante.

Présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.