Quel avenir pour le pass Culture ?

M. Laurent Lafon, pour le groupe UC .  - Fer de lance de la politique d'accès des jeunes à la culture, le pass Culture est régulièrement ausculté, audité, signe que sa bonne adaptation à ses objectifs interroge. On constate son succès, mais aussi ses limites en matière de démocratisation ; il s'agit pourtant du deuxième opérateur du ministère de la culture.

Dans leur rapport budgétaire, nos collègues Didier Rambaud et Vincent Éblé ont posé en 2023 un diagnostic en demi-teinte : les résultats en volume sont bons, mais le pass ne diversifie pas assez l'accès à la culture. En 2024, l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) y est revenue, quand, en décembre dernier, la Cour des comptes a insisté sur le dérapage budgétaire du dispositif.

Notre commission s'est montrée dubitative sur le choix d'une politique de l'offre, qui promeut une approche consumériste de la culture. Jean-Raymond Hugonet, Sylvie Robert et Karine Daniel se sont fait l'écho de ces doutes, qui dépassent les clivages partisans de notre assemblée.

Ainsi, nous avons alerté sur le risque que le pass Culture ne devienne l'unique politique publique culturelle en faveur des jeunes, au détriment de l'éducation artistique et culturelle (EAC), par exemple.

Toutefois, si le pass Culture a échoué à être le sésame de la démocratisation et de la diversification des pratiques culturelles des jeunes, sa suppression serait irréaliste et préjudiciable.

Tout d'abord, l'outil est désormais plébiscité : 84 % des jeunes s'en sont saisis. Ils nous ont dit, au Sénat, qu'ils appréciaient l'autonomie qu'il offre, représentant une véritable « poche de liberté » qui leur permet de rompre avec le déterminisme socioculturel de leur milieu.

Ensuite, le pass a aussi donné un nouvel élan à la lecture. Nous nous réjouissons que les livres constituent le premier poste de dépenses du pass Culture. Les libraires se réjouissent de voir des jeunes franchir pour la première fois le seuil de leur librairie.

Il ne serait pas opportun non plus de supprimer d'un trait de plume un dispositif à 200 millions d'euros. Il n'est pas sûr que Bercy consente, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, à réattribuer les fonds au ministère de la culture.

Enfin, nous risquerions de fragiliser les librairies, les salles de spectacle et les cinémas indépendants.

Madame Dati, vous avez ouvert la voie à une réforme du pass Culture, totem présidentiel, comme l'est le service national universel (SNU). Nous devons réfléchir collectivement au recalibrage stratégique et budgétaire du pass.

Quels contours la réforme prendra-t-elle ?

Le principe de libre choix des jeunes doit être préservé. Par ailleurs, sans accompagnement spécifique pour susciter leur curiosité, les jeunes pourraient ne pas s'en saisir. Ensuite, les montants de la part individuelle du pass Culture doivent être lissés, car il y a trop d'écart entre les montants versés à 15, 16 et 17 ans d'une part et à 18 ans d'autre part. Enfin, pourriez-vous nous dire où en est le projet de modulation des montants sous conditions de ressources ?

Selon nous, le développement de la médiation culturelle est un préalable à toute réforme. Nous attendons des garanties à ce sujet.

Autre préoccupation : l'accès aux infrastructures culturelles pour les jeunes des territoires ruraux. La prise en charge des frais de transport est-elle à l'étude ?

Le continuum entre la part individuelle et collective doit être repensé, car les deux se nourrissent mutuellement. Avez-vous avancé avec votre collègue de l'éducation nationale ?

Une bonne coordination avec les collectivités territoriales est nécessaire. Le ministère de la culture doit rester vigilant. Nous nous réjouissons de la création du fonds d'innovation territoriale, qui place les directions régionales des affaires culturelles (Drac) au centre de cette politique. Toutefois, nous courons un risque de désengagement des collectivités territoriales face à la montée en puissance du pass Culture. Nous sommes convaincus que le soutien à la création, à l'éducation artistique et culturelle et aux établissements d'enseignement passe par un dialogue approfondi entre État et collectivités territoriales.

Lors du PLF, nous avons défendu un rééquilibrage du budget du pass, qui était devenu presque indécent. Cela dit, le budget de la SAS pass Culture échappe au contrôle du Parlement. Pouvez-vous nous assurer qu'elle deviendra un opérateur de l'État ?

S'il est repensé, le pass Culture mérite un avenir moins houleux que ses premières années de vie. (Applaudissements)

Mme Rachida Dati, ministre de la culture .  - Le groupe UC m'a proposé de débattre du pass Culture, notamment de sa part individuelle, et je l'ai accepté bien volontiers. Certains m'ont fait part de leurs très vives critiques. Je les entends, et je les ai même partagées. Cela dit, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain...

Il faut réfléchir à la façon dont il peut accomplir sa mission au service d'une culture plus démocratique. Il répond à deux enjeux : aller chercher les jeunes les plus éloignés de la culture et diversifier les pratiques culturelles des jeunes.

Vous avez dit qu'il s'agissait d'un totem présidentiel, mais je rappelle que le ministère a bénéficié de 1,4 milliard d'euros de crédits supplémentaires depuis 2017. Ce n'est pas rien !

Le pass Culture est un outil volontariste : on part de l'attente des jeunes. Cette politique s'inscrit dans la continuité de l'éducation artistique et culturelle, fondamentale pour que tous les jeunes, quels que soient leurs conditions sociales et leur territoire, puissent avoir accès à la culture.

Venons-en maintenant aux écarts constatés entre les ambitions et la réalité.

En l'état, le pass Culture n'est pas assez démocratique. Il peut même renforcer la reproduction sociale.

Les résultats sont là sur le plan quantitatif : 87 % des jeunes de 18 ans l'ont utilisé. Ce sont autant de jeunes qui ont acheté une place de cinéma - Almodovar ou un blockbuster - ou poussé la porte d'une librairie pour acheter un roman, un manga, ou même le code civil ! De ce point de vue, ce n'est pas un échec.

Je souligne le rôle des librairies indépendantes, des cinémas d'art et d'essai. Le pass est souvent la première porte d'entrée dans le monde de la culture.

Cependant, les inégalités persistent : neuf enfants de diplômés sur dix sont inscrits au pass Culture, contre sept enfants de non diplômés sur dix. La différence est importante.

Le problème réside dans la diversification des pratiques. Le spectacle vivant ne représente que 6 % des consommations du pass Culture et les musées moins de 1 %, alors qu'ils constituent l'essentiel de la part collective. Cela s'explique par une médiation inexistante.

J'ai donc pris l'initiative de recevoir les acteurs de l'éducation populaire, qui n'avaient pas été reçus au ministère de la culture depuis plus de quarante ans. Il est nécessaire d'éditorialiser l'application du pass Culture, sans quoi les jeunes s'y perdront ou ne rechercheront que ce qu'ils connaissent déjà.

Oui, la SAS pass Culture deviendra un opérateur du ministère de la culture. Nous y travaillons.

J'ai demandé à renforcer la communication et l'accompagnement avec les missions locales, les accompagnateurs de quartiers et les foyers ruraux. Nous renforçons les partenariats avec tous les réseaux d'éducation populaire.

Nous avons déjà commencé à travailler sur l'éditorialisation, en favorisant ce qui n'est pas spontanément plébiscité.

Autre point crucial : la mobilité en milieu rural. Nous avons développé la géolocalisation. Nous avons également expérimenté, dans le Grand Est, la convention Caravelle : les collectivités territoriales financent les coûts de mobilité. Je signerai avec François Sauvadet, président de Départements de France, une convention pour éviter tout désengagement et encourager encore plus la mobilité, afin de renforcer l'accès à la culture.

Le budget du pass Culture sera de 244 millions d'euros cette année. Il aurait été de 249 millions d'euros sans réforme, et de 254 millions d'euros en 2026.

Nous avons revu les critères d'attribution.

Nous travaillerons sur la conditionnalité : nous connaissons tous des jeunes dont les parents ont les moyens, mais qui ne sont plus à leur charge - il n'y a pas de raison qu'ils soient pénalisés. Nous proposerons une dotation supplémentaire pour les boursiers.

Nous reverrons aussi les montants alloués aux différents âges. Avec la réforme, la part individuelle commencera à 17 ans.

Je réformerai également le comité stratégique et la gouvernance du dispositif.

Le pass Culture est un sujet passionnant et emblématique de l'accès à la culture, ce n'est pas l'écume. Si nous devons réduire les budgets, nous devons aussi le préserver. Il faudra tenir compte cette année des 3 millions de jeunes déjà inscrits.

Mme Monique de Marco .  - Le pass Culture a été créé il y a cinq ans sur une belle idée : offrir à tous les jeunes la possibilité d'accéder à des activités culturelles dans les mêmes conditions.

Cela dit, il ne permet pas de diversifier l'accès à la culture - l'algorithme n'encourage pas des secteurs peu plébiscités, comme le spectacle vivant  - et ne permet pas de lutter contre une forme de reproduction sociale.

Il ne réduit pas non plus les inégalités territoriales. Dans le Médoc ou à Bordeaux, l'offre culturelle n'est pas la même, ce qui explique que les jeunes de mon territoire consacrent la majorité de leur pass à des offres numériques.

Les enseignants font un usage formidable de la part collective. Il serait dommage qu'elle disparaisse avec le pass Culture.

Comment comptez-vous résorber les inégalités territoriales ? Pourquoi ne pas identifier un référent dans les établissements ?

Le rapport de 2024 sur les enjeux de mobilité culturelle préconise d'intégrer une offre de mobilité à l'application. Y songez-vous ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Je partage votre constat, depuis longtemps. Nous avons fait bouger les choses en matière d'inégalités : en moins d'un an, grâce à une expérimentation probante, la part du spectacle vivant a augmenté de 30 %.

Intégrer les frais de mobilité dans le pass Culture, c'est réduire d'autant la dotation culturelle... Les enseignants s'en plaignent. Je préfère signer des conventions avec les collectivités sur ce point, comme je l'ai dit.

Dans tous les établissements scolaires, il y a un référent culturel - ce sont parfois les enseignants. J'ai discuté avec eux : ils mettent moins de temps à trouver l'activité culturelle que le moyen de transport. La mobilité, c'est ce sur quoi nous devons travailler.

Enfin, il faut faire de la médiation pour élargir le public, ce que nous faisons avec les instituts médico-éducatifs, les apprentis ou encore les lycées agricoles.

Mme Karine Daniel .  - Je me réjouis de ce débat, qui s'inscrit dans la suite des travaux de la commission de la culture, qui ont permis de bousculer nos idées reçues sur le pass Culture et les habitudes culturelles des jeunes.

Les jeunes sont avant tout attachés au principe d'universalité. Les prescripteurs en matière culturelle sont d'abord les jeunes entre eux, car ils ont des habitudes culturelles collectives. Les libraires constatent une augmentation du nombre de jeunes qui viennent en librairie, puis qui repartent avec d'autres livres que ceux qu'ils étaient venus a priori chercher.

Dans une période d'économies de moyens, il faudra faire des efforts sur le fonctionnement de la SAS. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Rachida Dati, ministre.  - Nos constats sont les mêmes ; notre volonté aussi.

Nous voulons préserver la part individuelle. J'ai déjà souligné la hausse de fréquentation des librairies par les jeunes grâce au pass Culture. La prescription se fait par le libraire, qui est lui-même un médiateur, et par les jeunes.

La médiation et la géolocalisation sont les nouvelles avancées du pass. Ainsi, un jeune à Marseille voit l'offre culturelle disponible à côté de chez lui, et pas ce qui se passe à Paris !

J'ai souhaité réformer le comité stratégique, car il n'était pas assez en lien avec le monde de la culture ; j'ai donc décidé d'y intégrer les représentants des lycées professionnels, ou encore de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), sur la recommandation de la Défenseure des droits.

M. Marc Laménie .  - Merci au groupe UC pour ce débat. Je partage les propos de la ministre, ainsi que du président Lafon.

Le pass Culture a bénéficié à 4 millions de jeunes, mais des critiques ont émergé, sur la rémunération des opérateurs chargés de sa mise en oeuvre mais aussi sur son budget, avec un financement de la part individuelle passé de 92 à 200 millions d'euros. On peut aussi critiquer l'insuffisance de l'adoption du pass Culture par les classes populaires.

Le pass Culture se heurte aux réalités du monde rural, où l'offre est réduite, l'accès au numérique parfois difficile et où des problèmes de déplacement se posent. Quelles actions prévoyez-vous en faveur des jeunes ruraux afin de favoriser l'égalité d'accès à la culture ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Le budget a augmenté car le nombre de jeunes accédant au pass Culture a été multiplié par trois.

Il est plus cohérent qu'il y ait une part collective qui fonctionne bien, au collège et au lycée, tout en ciblant la part individuelle sur les 17-18 ans. Tous les jeunes le disent : c'est au moment où l'on en a le plus besoin que l'on n'a plus rien.

Le salaire des employés de la SAS pass Culture est fixé par Bercy. Quant aux frais de fonctionnement, ils sont inférieurs à 10 %. Le changement de gouvernance devra améliorer l'efficacité.

Vous m'avez interrogée sur les dispositifs de mobilité et d'offre culturelle pour les territoires ruraux. Il peut être plus facile d'aller à Disneyland en TGV qu'au petit théâtre du coin. Plus nous consoliderons l'accès à la culture par la mobilité, plus nous renforcerons les compagnies locales.

M. Marc Laménie.  - Le soutien à la ruralité et à l'équité dans tous les territoires est une priorité.

M. Max Brisson .  - Le 18 janvier, j'ai appelé votre attention sur la mise à l'écart de certains spectacles pourtant plébiscités par le public. J'ai pointé du doigt l'entre-soi des choix réalisés. Vous avez reconnu que certains dirigeants du comité stratégique favorisaient la reproduction sociale, voire « se faisaient plaisir ». Est-ce là la règle de droit d'imposer à tous sa subjectivité ? Ces polémiques dégradent l'image d'une structure pourtant appréciée du public.

La transformation du comité va dans le bon sens. L'ensemble des manifestations culturelles seront-elles bien éligibles, même si elles déplaisent au comité ? Les modalités d'éligibilité seront-elles bien revues pour préserver le pass Culture de toute polémique ? Selon quel calendrier ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Nous avons parlé ensemble d'un spectacle, la dernière fois : la réponse avait été défavorable, car la demande concernait l'ensemble de l'entrée au parc d'attractions accueillant le spectacle, et non le spectacle lui-même. Or les parcs d'attractions ne sont pas éligibles.

Le spectacle du Puy du Fou est désormais éligible. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER). On vous invite !

Plusieurs voix sur les travées du groupe SER. - On ira ensemble ! (Rires)

Mme Rachida Dati, ministre.  - Les critères seront revus et objectivés, en toute transparence. Le comité change aussi. Ces modifications sont imminentes.

M. Max Brisson.  - Merci pour ces précisions. Quant aux sourires sur la partie gauche de l'hémicycle, ils font écho à l'entre-soi dont nous parlions.

Mme Nadège Havet .  - L'année 2024 a été une année record pour le cinéma et l'olympisme, tandis qu'il n'y a jamais eu autant d'intermittents qu'en 2022 - ce sont eux qui font vivre les festivals dans nos territoires.

Le pass Culture s'est ajusté. En décembre, la Cour des comptes soulignait un travail de démocratisation inachevé. En effet, 7 % des jeunes de 18 ans non entrés dans le dispositif ne sont pas scolarisés, alors qu'ils sont 20 % en population générale. Il existe donc des déséquilibres sociaux.

En Bretagne, le taux de couverture des établissements scolaires est de 95 %. Les bénéficiaires sont les grandes librairies indépendantes et le festival des Vieilles Charrues.

Mais des disparités territoriales existent. La problématique de la mobilité culturelle se pose. N'est-il pas primordial de faciliter l'accès aux lieux de culture ? Vous avez évoqué des discussions avec les collectivités territoriales pour la prise en charge du transport. Où en sommes-nous ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - La première région utilisatrice du pass Culture est la Bretagne (Mme Sylvie Robert renchérit), où il y a aussi beaucoup de territoires ruraux.

Nous avons noué des conventions avec les collectivités territoriales. Mes déplacements m'ont montré qu'il n'y avait pas de désert culturel ; mais, par la mobilité, on renforce l'offre accessible. La géolocalisation nous aidera à identifier là où il faudra renforcer la mobilité. Nous voulons soutenir des innovations, comme les plateformes de covoiturage, notamment pendant la période des festivals.

Quelque 66 % des jeunes ont découvert grâce au pass Culture une nouvelle pratique culturelle. C'est pourquoi il faut renforcer tout ce qui fonctionne.

Géolocalisation, mobilité et soutien des acteurs culturels locaux... ces axes pourront être financés dans le cadre du plan France ruralités.

M. Bernard Fialaire .  - Depuis sa création en 2019 et sa généralisation en 2021, le pass Culture est plébiscité par les jeunes : plus de 50 % des 15 ans et 84 % des 18 ans l'utilisent.

Même s'il ne permet pas à lui seul de corriger les inégalités, il contribue à une certaine démocratisation culturelle. Les librairies constatent l'arrivée d'un nouveau public, qui continue de venir ensuite.

Madame la ministre, vous souhaitez que les utilisateurs se tournent plus vers les librairies indépendantes, la presse écrite et le spectacle vivant. Mais certains jeunes vivent dans des zones blanches, avec peu d'institutions culturelles et d'offre de transport. Comment répondre aux difficultés matérielles d'accès à la culture ?

Certains proposent de faire varier le montant du pass selon la condition économique de l'utilisateur. Il me semble préférable de préserver l'universalité et l'unicité du dispositif pour éviter le non-recours aux aides par peur de la stigmatisation. Le pass fonctionne aussi parce qu'il est égalitaire. C'est aussi, pour certains jeunes, une première expérience de gestion d'un budget et, surtout, une vision de la culture qui n'est pas condescendante. Continuez à défendre le pass Culture !

Mme Rachida Dati, ministre.  - Comptez sur moi !

L'accès à la culture, c'est aussi l'accès à ses droits fondamentaux.

Je rappelais ce matin que la culture doit aussi être présente dans les campings, qui sont des lieux de vie et de villégiature qu'affectionnent les Français. Arrêtons de nous pincer le nez avec mépris !

Les jeunes femmes cherchent parfois de l'information sur la contraception ou l'avortement. Elles ont besoin d'accéder à des livres ou des documentaires sur leurs droits. Parmi les ouvrages achetés, il y a le code civil, mais aussi des documents sur l'accès aux droits fondamentaux.

Le fléchage vers les librairies indépendantes n'est pas possible, mais la géolocalisation fera connaître le petit libraire du coin.

Le règlement européen sur les aides à la presse empêche pour l'instant d'intégrer la presse au pass Culture, mais nous cherchons à la rendre éligible.

Mme Nathalie Goulet .  - Je suis arrivée de la commission des finances pleine de certitudes, notamment sur le coût du pass Culture. Et puis, j'ai écouté les uns et les autres le défendre avec énergie et je me dis que, finalement, les chiffres ne font pas tout.

Nous sommes ici trois élues de Normandie : le pass Culture n'est pas utilisé qu'en Bretagne. (Sourires) Je rappelle qu'il a été développé par la région Normandie.

Je comptais adresser de nombreuses critiques au pass Culture, mais, madame la ministre, vous y avez répondu par avance. (Sourires)

Me trouvant dépourvue quand la bise fut venue, je reformule ma question : comment coordonnerez-vous les nouveaux dispositifs avec ce que font les régions et les départements ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - La réforme est lancée, car je fais toujours le plus vite possible ce que je préconise : nous avons expérimenté en 2024 ; des partenariats ont été signés, avec la Charente-Maritime par exemple ; le pass Culture a été intégré au plan ruralité ; la gouvernance évolue ; nous expérimentons avec certaines régions de nouvelles formes de mobilité, dont du covoiturage pour les festivals. Les contrats de territoire sont rédigés sur mesure, avec les moyens nécessaires.

Si je me suis battue pour mon budget, c'est pour pouvoir déployer ces nouveaux dispositifs en direction des jeunes éloignés de la culture, notamment les jeunes ruraux.

Mme Nathalie Goulet.  - Il serait utile d'associer les parlementaires à ce travail, y compris la commission des finances du Sénat, qui serait ainsi plus éclairée le moment venu.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Bien sûr, comme nous associons déjà les élus locaux.

Depuis 48 heures, j'essaie de rattraper la petite coupe budgétaire... Le budget raboté me permettra de financer le pass Culture des jeunes qui ont eu 18 ans en 2024, mais pas au-delà, notamment pas celui des nouveaux publics que nous souhaitons viser.

Mme Nathalie Goulet.  - Il faudra aussi réfléchir au mécénat pour financer le pass Culture.

M. Pierre Ouzoulias .  - Mes collègues vous le confirmeront : jusqu'à présent, j'ai toujours voté contre le pass Culture, estimant que ce qui manque le plus à la culture, c'est la médiation, comme le président Lafon l'a dit.

Et puis mon libraire, à Bourg-la-Reine, Benoît, m'a dit que le pass Culture représentait 10 % de son chiffre d'affaires. Cela m'a fait réfléchir. Bien sûr, il voit des gamins acheter des mangas, mais, après avoir désacralisé le lieu, ces jeunes reviennent pour acheter autre chose, car le libraire est un formidable médiateur culturel. Voilà pourquoi, pour la première fois, cette année, je n'ai pas voté contre le pass Culture.

Je suis néanmoins très inquiet sur le prix unique du livre. Amazon - soutenue par le nouveau gouvernement américain  - risque de partir à son assaut, et si l'Europe cède, nous n'aurons plus de librairies. N'abandonnons pas le prix unique du livre, corollaire indispensable de notre politique de culture pour tous !

Mme Rachida Dati, ministre.  - Je suis ravie que nous nous rejoignions. Peut-être sur Notre-Dame de Paris aussi ? Je ne désespère pas... (Sourires)

M. Pierre Ouzoulias.  - Ou sur le musée du judaïsme ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Nous en avions parlé : j'ai tenu mon engagement !

M. Pierre Ouzoulias.  - Je vous en remercie.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Chacun sait que j'ai toujours été engagée sur l'accès à la culture.

Moi aussi, j'ai critiqué le pass Culture, mais conservons ce qui marche : l'accès à la culture et notamment à la lecture.

Certains voulaient que le pass Culture devienne un moyen de paiement. Je m'y refuse, car je veux que le jeune se rende dans la librairie. Comme l'enseignant, le libraire est un médiateur culturel. Les jeunes repartent avec un manga - pourquoi pas - et, la fois suivante, ils repartiront avec un autre livre.

J'ai reçu les acteurs de l'éducation populaire et de la médiation. Les moyens sont là.

Vous avez raison, nous avons une inquiétude sur le prix unique du livre. Nous avons donc saisi le Médiateur du livre. Nous devrons nous battre collectivement au niveau européen, mais aussi au niveau national, pour préserver le prix unique et nos librairies.

Mme Colombe Brossel .  - Nous avons tous le souci d'améliorer le pass Culture pour le rendre encore plus utile et démocratique. Ce n'est qu'un outil, mais il représente 25 % du programme budgétaire en faveur de la démocratisation culturelle.

Mais je ne doute pas que la dépêche AFP ne retiendra que l'entrée du Puy du Fou dans la programmation !

Mme Rachida Dati, ministre.  - Seulement le spectacle : soyez précise ! Avec vous, c'est toujours la polémique !

Mme Colombe Brossel.  - L'un des péchés originels du pass Culture, c'est le choix d'une délégation à une SAS, ce qui limite les contrôles. Heureusement, la Cour des comptes nous a appris que 16 millions d'euros avaient financé des escape games : stupeur !

Vous nous avez dit souhaiter transformer le pass Culture en opérateur public. Quel est le calendrier de cette réforme, s'agissant notamment du budget et du personnel ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Vous ne pouvez pas vous empêcher de polémiquer ! Nous ne sommes pourtant pas au conseil de Paris... (Protestations sur les travées du groupe SER) On est tranquilles, entre gens civilisés et, contrairement à ce qui se pratique au conseil de Paris, ici, on ne dit pas n'importe quoi (les protestations redoublent). Ce n'est pas le Puy du Fou qui est inclus dans le pass Culture, c'est le spectacle du Puy du Fou. Soyons précis.

Mme Colombe Brossel.  - Répondez à la question !

Mme Rachida Dati, ministre.  - C'est ce que je fais. La réforme est lancée : la présidence a changé ; pour le comité stratégique, c'est en cours ; les critères sont en place. Cette réforme prendra son plein essor en 2025. J'y crois et je constate qu'elle porte ses fruits.

Et je le redis : il s'agit du spectacle du Puy du Fou.

M. Max Brisson.  - Comme pour le spectacle de la Fête de l'Humanité...

Mme Colombe Brossel.  - J'entends donc que, au 31 décembre prochain, il n'y aura plus de SAS, mais un opérateur public. Mais quid du budget et du personnel ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - J'ai déjà répondu : la SAS pass Culture va devenir un opérateur public avant le 31 décembre prochain ; c'est en cours. Mais sachez qu'une SAS peut être opérateur public culturel.

Mme Colombe Brossel.  - Merci de ces délicieux enrichissements mutuels... J'en déduis que le personnel sera transféré et le budget, conservé.

M. Cédric Vial .  - Madame la ministre, simplification, décentralisation, voilà les leitmotivs de notre assemblée.

Nous partageons les objectifs du pass Culture : l'accès à la culture des plus jeunes et la démocratisation. Cependant, le volet individuel est également pris en charge par les départements ou les lycées. Sans parler de doublon, comment faire pour accompagner de manière plus décentralisée les collectivités territoriales, sans ajouter de couche supplémentaire ? (M. Pierre Ouzoulias renchérit.)

Mme Sylvie Robert.  - Très bien !

M. Cédric Vial.  - Aujourd'hui, l'accès au pass Culture est conditionné à l'âge, fixé entre 15 et 18 ans. Pourquoi ne pas prendre plutôt pour critère la scolarisation, pour permettre, par exemple, à des élèves ayant sauté une classe d'y avoir accès en seconde ?

Enfin, le volet collectif est effectivement un moyen de faire venir les jeunes au spectacle vivant. Mais pourquoi créer un opérateur de l'État, alors que le ministère de l'éducation nationale pourrait le gérer directement avec les établissements placés sous sa tutelle ? Cela simplifierait les choses...

Mme Rachida Dati, ministre.  - Vous souhaitez que le ministère soit en régie directe ? Mais dans ce cas, on recloisonnerait. Avec le système que nous envisageons, on sait ce qu'on peut proposer au sein de l'école et en dehors.

Certes, il existe des doublons. Maire d'arrondissement, j'avais créé un pass Culture avant celui de l'État, pour que les élèves découvrent le riche patrimoine de leur arrondissement. Mais ces dispositifs culturels n'existent pas dans tous les territoires. Aussi, le pass Culture permet de remplir l'objectif d'universalité.

Vous avez raison, il y a parfois beaucoup d'offres culturelles. Les contrats de territoire passés entre le ministère et les départements via les Drac contribuent précisément à éviter les doublons. Dans un département disposant déjà d'un dispositif culturel adapté, le pass Culture est moins utilisé. Cela ne se fait pas rue de Valois mais en proximité.

La convention que je vais signer avec Départements de France intégrera ce système, qui favorise l'équilibre, sans gaspillage.

Le médiateur rendra son rapport en février, monsieur Ouzoulias. (M. Pierre Ouzoulias en prend acte.)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Au vu des rapports sévères parus sur le pass Culture, il était plus qu'urgent de le reprendre en main pour justifier son maintien.

La Cour des comptes a critiqué l'absence de sélectivité des offres. J'ai également été surprise d'apprendre que 16 millions d'euros ont été dépensés dans des escape games ; je n'ai rien contre, mais ne confondons pas culture et divertissement. A contrario, les structures du spectacle vivant bénéficient peu du pass Culture et peinent à maintenir leurs programmes d'éducation artistique et culturelle. (Mme Sylvie Robert approuve.) J'attends d'ailleurs avec impatience le rapport de la Cour des comptes sur l'éducation artistique et culturelle.

Ensuite, la Cour des comptes critique le manque de sélectivité des bénéficiaires. Alors que nous fêtons les 20 ans de la loi Handicap, personne ne parle des personnes handicapées et de l'accessibilité de tous à la culture, des personnes en fauteuil roulant, mais également des personnes malentendantes ou ayant un handicap psychique. Madame la ministre, pouvez-vous vous engager à élargir le volet collectif aux établissements qui font de la médiation à destination de ces jeunes ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Les rapports n'ont pas été seulement sévères. Ils reconnaissent l'intérêt du pass Culture, y compris pour sa part individuelle. Les chiffres du président Lafon le démontrent : de nombreux jeunes n'ayant jamais eu accès à la culture, notamment aux librairies, ont pu y accéder. Même s'ils ne sont que dix, c'est toujours dix jeunes de plus.

Nous luttons tous contre le séparatisme et le communautarisme, qui conduisent à la radicalisation. J'ai travaillé sur ces sujets. Or que disent les jeunes radicalisés ? D'abord, on se radicalise avec l'interdiction d'accès à la culture : plus de livres, ni de musique, ni de sorties ; plus de contacts ni de socialisation... Le dispositif a l'avantage de rompre l'isolement et de contrer certaines personnes, voire associations, qui disent que la culture est dangereuse. Il faut donc améliorer la part individuelle du pass Culture pour toucher de nouveaux publics.

Nous avons introduit un fléchage sur le spectacle vivant, mais il faut l'amplifier et l'améliorer.

M. Adel Ziane .  - Effectivement, nous avons un peu souri sur le Puy du Fou, non pas par ironie, mais en raison de la timidité de Max Brisson.

M. Max Brisson.  - Toujours en nuance...

M. Adel Ziane.  - Je suis allé plus de quinze fois au Puy du Fou par mes attaches familiales : je connais bien ses spectacles. Pour autant, nous avions envie d'évoquer ce sujet.

Élu de Seine-Saint-Denis, conseiller municipal de Saint-Ouen, je m'interroge sur l'universalité du pass Culture : seuls 68 % des jeunes issus de milieux populaires ont activé leur pass.

La Cour des comptes critique le manque de diversité culturelle, la faible place accordée au spectacle vivant et l'absence de médiation culturelle gratuite.

Nous devons renforcer les partenariats avec les acteurs culturels locaux : librairies indépendantes, compagnies de théâtre...

Le ciblage des bénéficiaires est impératif. Comment comptez-vous agir pour faire du pass Culture un levier de démocratisation culturelle, notamment dans les quartiers populaires ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Je connais bien votre département, que j'ai visité pour travailler à la pérennisation de certains dispositifs culturels.

Vous avez raison sur la reproduction sociale. C'est plus facile pour certains de se servir de l'application.

Les 68 % que vous citez reposent sur le niveau de diplôme des parents. Selon la Cour de comptes, 87 % des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ont accès au pass Culture sur la part individuelle. C'est flatteur, mais l'utilisation est inégale selon les territoires. Et les jeunes qui l'utilisent le plus sont ceux qui bénéficient d'un environnement familial favorisé.

Il faudra corriger cela. La réforme commence à porter ses fruits. Je veux qu'elle prenne son plein essor en 2025.

Mme Pauline Martin .  - Le rapport d'information de la commission des finances de juillet 2023 se demandait si le pass Culture répondait au défi de la diversification des pratiques culturelles.

Le pass Culture n'est-il pas un simple effet d'aubaine, confirmant des habitudes culturelles ? C'est ce que semble d'ailleurs confirmer la Cour des comptes. Certains secteurs comme le spectacle vivant, le patrimoine ou la presse sont laissés de côté.

Quelle est la capacité du pass Culture à orienter les jeunes vers une offre diversifiée, sans l'ombre d'un doute sur des dérives mercantiles ou idéologiques ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Nous rendrons la presse éligible.

Nous modifions la tranche d'âge pour diversifier les pratiques.

M. Olivier Paccaud .  - Vous avez déjà un peu répondu... (Sourires) Selon le rapport de la Cour des comptes, hormis les 6 % des contributeurs de la plateforme, le pass Culture est financé par l'État. On est loin du financement à 20 % par l'État. Les dépenses n'ont cessé d'augmenter, passant de 93 millions d'euros en 2021 à 244 millions d'euros en 2024. Les dépenses ont augmenté de 50 % ces deux dernières années, si l'on cumule part collective et part individuelle. Le coût de cette dernière est en outre systématiquement supérieur aux dotations initiales.

La Cour des comptes a présenté trois pistes d'économies : réduire le montant du crédit, le soumettre à des conditions de ressources ou cibler les bénéficiaires selon des critères sociaux ou territoriaux. Il faudrait, selon elle, transformer la SAS pass Culture en opérateur public. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, notre Haute Assemblée a ponctionné 65 millions d'euros sur les crédits du dispositif lors de l'examen du PLF 2025. Pour quels ajustements ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - La croissance des dépenses est figée pour 2025. Nous nous y tiendrons. La SAS pass Culture deviendra un opérateur public, avec davantage de contrôle du ministère.

En février 2024, je voulais créer un fonds de dotation susceptible d'accueillir du mécénat ou des financements de la Caisse des dépôts, par exemple. Mais en tant qu'opérateur public, il sera ouvert au mécénat, y compris au mécénat d'entreprise, qui aide à la réinsertion des jeunes.

Mais la coupe budgétaire brutale m'empêchera d'intégrer les nouveaux venus.

M. Olivier Paccaud.  - Vive le Puy du Fou...

M. Pierre Ouzoulias.  - Et la Fête de l'Humanité !

M. Olivier Paccaud.  - ... admirable écrin du spectacle vivant, puisant aux sources du roman national, qui exporte son concept mémoriel fédérateur. (On s'en amuse à gauche.)

Bravo d'avoir intégré la Cinéscénie, mais les spectacles, M. Ziane l'a dit, mériteraient également d'être inclus dans le pass Culture. (M. Francis Szpiner applaudit.)

Mme Béatrice Gosselin .  - Je crains de ne pas être très originale. Le pass Culture a certaines limites en milieu rural. L'offre collective est un véritable atout pour faire découvrir aux publics scolaires des offres culturelles à moindre coût. J'ai ainsi reçu au Sénat des lycéens de la Manche, qui ont assisté à une pièce de théâtre et visité le Panthéon grâce au pass Culture. Reste néanmoins le problème du financement. Madame la ministre, j'ai entendu votre réponse concernant la nécessaire coordination avec les collectivités.

Je remercie M. Ouzoulias de son engagement en faveur du prix unique du livre - c'est primordial pour nos librairies. (M. Pierre Ouzoulias apprécie.)

Les structures du spectacle vivant souffrent de l'opacité de l'attribution des agréments. Il faut ouvrir le spectre. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour clarifier et assouplir ce processus ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Les dispositifs expérimentés en 2024 pour renforcer la mobilité du pass seront généralisés en 2025.

Les critères d'éligibilité deviendront plus transparents. Il sera donc plus facile de postuler et, éventuellement, d'engager des recours.

La géolocalisation permet aussi d'avoir de nouvelles offres. Cela favorisera tout le spectacle vivant et les activités culturelles locales. Le plan Fanfare, qui a très bien fonctionné en 2024, ce dont je suis très fière, sera poursuivi en 2025. Le plan Cabaret concernera 200 cabarets en France, pour une activité très française. Tout cela trouvera sa place.

Certes, envoyer un enfant de 14 ans au cabaret n'est pas idéal, mais ce sont aussi des métiers d'art. (M. Patrick Chaize le confirme.) Plus on discute avec les élus locaux, plus on aura une offre culturelle riche, comme l'est la France de sa culture.

Vous avez raison, nous devons maintenir le prix unique du livre, exception culturelle française. (Mme Béatrice Gosselin apprécie.)

Mme Sonia de La Provôté, pour le groupe UC .  - En ces temps incertains, notre action ne peut s'appuyer que sur du consensus.

Or, justement, chacun est d'accord pour dire qu'il était plus que temps de débattre du pass Culture. Et je remercie le groupe UC d'avoir pris cette initiative.

Le dispositif doit être réformé. La part collective donne satisfaction et doit être développée. Les enseignants se sont approprié l'outil, qui participe à l'éducation artistique et culturelle. En revanche, la part individuelle est davantage critiquée. Pour reprendre vos mots, madame la ministre, ce dispositif peine à être un outil d'émancipation culturelle et d'accès à la culture pour ceux qui en sont le plus éloignés. Or la part individuelle coûte 250 millions d'euros par an à l'État, trois fois plus que la part collective.

Les avis convergent pour dire que si le pass ne se surpasse pas, il va trépasser... (On s'en amuse ; Mme Rachida Dati sourit ; M. Pierre Ouzoulias applaudit.)

Quelque 84 % des jeunes sont inscrits, mais en bénéficient-ils ?

Le recours à la médiation culturelle a renforcé l'utilisation en faveur du spectacle vivant, qui a augmenté de 30 % en quelques mois.

Il faut recentrer le dispositif. Compte tenu de son coût, le pass ne doit pas aller vers l'impasse ni faire l'objet d'un tour de passe-passe. (Mme Rachida Dati s'en amuse.) La commission de la culture a refusé la baisse trop brutale de ses crédits pour vous permettre de présenter sa réforme.

Il faut démocratiser la part collective en l'élargissant aux maisons des jeunes et de la culture (MJC) et maisons de quartier, et élargir la part individuelle, par exemple aux jeunes apprentis. Il faut lutter contre la ségrégation culturelle par le lieu d'habitation, en finançant les déplacements vers l'offre culturelle, dans une démarche d'« aller vers ». Il faut renforcer le spectacle vivant par la médiation, la médiatisation -  meilleur outil pour l'accès à la culture.

La géolocalisation valorisera l'offre de proximité, financée par les collectivités territoriales.

Il faut rendre la gouvernance plus transparente : ouvrons le capot pour voir comment cela fonctionne. Une SAS publique était incongrue et difficile à suivre.

Des zones d'ombre demeurent. Les ressources extérieures - normalement 80 % du financement - ne sont toujours pas là.

Le pass Culture doit faire partie du plan Culture et ruralité.

Le pass Culture aura atteint ses objectifs quand les déterminants sociaux, territoriaux, familiaux et le handicap n'en limiteront plus l'usage. C'est ambitieux, le pass Culture n'est qu'une pierre dans la politique des droits culturels qui restent à construire. Nous serons attentifs à ces questions. Pour que le pass ne soit ni une passade, ni de passage, il doit être rendu plus efficient. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Nadège Havet et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme Rachida Dati, ministre.  - Je vous remercie de ce débat et de nos échanges constructifs. J'espère vous avoir convaincus de la nécessité de maintenir la part individuelle du pass Culture, face au séparatisme. Puissé-je avoir été entendue... De nombreux jeunes ont besoin de la culture, il ne faut pas les lâcher, car ce sont leurs droits fondamentaux et leur émancipation qui sont en jeu.

La séance est suspendue quelques instants.