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Table des matières
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi
Ingérence azérie en Nouvelle-Calédonie
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Dette de l'Algérie envers l'hôpital français
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
République démocratique du Congo
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Prise en charge du covid long dans le Grand Est
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Discussion des articles de la proposition de loi (Suite)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Article 16 (Précédemment réservé)
Intitulé de la proposition de loi
Discussion de l'article unique de la proposition de loi organique
Ordre du jour du jeudi 30 janvier 2025
SÉANCE
du mercredi 29 janvier 2025
47e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Marie-Pierre Richer.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
J'excuse l'absence du Premier ministre, qui s'est rendu à des obsèques.
Je salue notre nouveau collègue Jean-Marc Delia (M. Jean-Marc Delia se lève ; applaudissements), qui a remplacé Philippe Tabarot, nommé ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Je salue également le retour de nos collègues Agnès Canayer et Laurence Garnier. (Applaudissements) Nous les retrouvons avec plaisir. J'espère qu'elles aussi retrouvent avec plaisir cette douce maison.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Élias (I)
M. Olivier Henno . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il avait 14 ans, il rentrait d'un entraînement de foot ; il n'aura jamais 15 ans, car il a trouvé sur sa route deux adolescents délinquants récidivistes qui en voulaient à son téléphone portable. Tous deux étaient connus de la justice des mineurs pour des vols ou des violences. Ils avaient été présentés devant un juge le 30 octobre ; un jugement définitif devait être rendu en juin 2025 ; en attendant, ils continuaient à terroriser tout un quartier, en toute impunité.
C'est toute la justice des mineurs qui est en cause : elle n'est plus adaptée à cette ultraviolence. Freud disait que l'indulgence est une « forme cachée de la carence d'autorité ». La constance de la peine, dès la première infraction, est exigence impérative.
Notre justice des mineurs fonctionne très mal ; pour Élias et pour toutes les victimes, quelles évolutions envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . - Nous sommes tous des pères et des mères de famille et notre coeur se renverse lorsqu'un enfant trouve la mort pour un téléphone portable.
Nous devons condamner fermement les auteurs, mais aussi voir que trois choses ne vont pas dans notre justice des mineurs.
D'abord, une mesure éducative - qui précède la mesure répressive - non suivie n'est assortie d'aucune sanction. Je proposerai qu'une sanction - un enfermement dans un centre éducatif fermé - soit prise.
Ensuite, le parquet avait demandé l'enfermement, mais le magistrat a reporté la décision, conformément au code de la justice pénale des mineurs. Je suis favorable à la comparution immédiate des mineurs violents pour les faits les plus graves.
Enfin, les policiers ne sont pas informés des mesures d'interdiction de rencontre entre délinquants prises par la justice ; il faut améliorer cela. Nous le devons à Élias et à toutes les victimes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Vencorex
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je souhaitais m'adresser au Premier ministre, expert en planification. (Sourires)
L'urgence est d'arrêter l'hémorragie industrielle, avec un plan. Pendant que le CAC 40 distribue 100 milliards d'euros aux actionnaires, les plans de licenciement se multiplient, y compris dans des entreprises rentables : Michelin, General Electric, Fonderie de Bretagne, ArcelorMittal, Photowatt... Selon la CGT, 300 plans sont en cours, menaçant 300 000 emplois.
Alors que le chômage a augmenté de 3,9 % au dernier trimestre, vous continuez la politique de l'offre et distribuez des milliards d'euros sans contrepartie.
En Isère, Vencorex est un cas d'école. Sa fermeture annoncée sert de prétexte pour licencier et délocaliser : plus de 6 000 emplois sont menacés. C'est un enjeu de souveraineté. Voilà des mois que l'État doit agir ! Les salariés et les élus locaux réclament une nationalisation temporaire, à hauteur de 200 millions d'euros. Ne pas agir, c'est faillir. Cette nationalisation est un outil de planification.
Le Premier ministre va-t-il reprendre la main sur ce dossier, aller sur le site et nationaliser Vencorex ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Fabien Gay et Ian Brossat applaudissent également.)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Vous étiez à Bercy hier avec Marc Ferracci, pour évoquer le dossier Vencorex, qui illustre les difficultés de notre industrie.
Nous sommes mobilisés pour garantir notre souveraineté industrielle. La réindustrialisation est ma deuxième priorité, après le budget. La protection de notre industrie se joue aussi au niveau européen.
Le dossier Vencorex est complexe : malheureusement, l'entreprise est déjà en redressement judiciaire. Nous travaillons avec la filière pour maintenir les activités stratégiques - sur le nucléaire notamment. Nous proposerons un accompagnement individualisé à chacun des salariés. (M. Yannick Jadot lève les bras en signe de déception.)
Le Gouvernement considère que la nationalisation n'est pas la meilleure solution ni la plus économe de nos deniers publics. (Protestations sur les travées du GEST ; applaudissements sur les travées du RDPI)
Élias (II)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si Élias est mort, c'est notre faute à tous. Je suis mère de deux enfants, rackettés dans le XIVe arrondissement. Je leur ai toujours dit de ne pas jouer les héros - je voulais juste être sûre qu'ils rentrent à la maison.
Comment s'étonner de l'hyperviolence des mineurs si nous ne fixons pas les bonnes règles ?
Un : les parents doivent être responsabilisés. On ne devrait pas avoir droit à un logement social quand on intimide les gens en bas de chez soi. Et pas d'allocations familiales si on profite du trafic ou du racket.
Deux : la punition va de pair avec l'éducation. De fait, la loi interdit les courtes peines de prison. Seulement 6 centres pénitentiaires pour mineurs et 54 centres éducatifs fermés - qui ne le sont d'ailleurs pas...
Trois : on doit être puni dès le premier délit, et pour ce que l'on a fait - pas pour la façon dont on se comporte par la suite, avec un éducateur. Oui, les deux meurtriers d'Élias avaient vu un juge, la belle affaire ! Avec le principe de la césure entre audience de culpabilité et audience de sanction, cette dernière est si lointaine - neuf mois plus tard !
Quatre : l'excuse de minorité devrait être motivée par le juge, au cas par cas. Les mineurs ne sauraient être jugés comme les adultes, mais ne les jugeons pas non plus deux fois moins sévèrement, par principe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe INDEP ; MM. Franck Menonville et Hussein Bourgi applaudissent également.)
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je suis favorable à la motivation de l'excuse de minorité par le juge. La proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale le prévoit. Nous y travaillerons, avec le Sénat.
La césure permet de traiter rapidement l'affaire. Mais vous avez raison, il faut une punition la plus rapide possible. Trois ans après sa mise en place, évaluons la césure, à l'aune de ces faits divers ignobles.
Je retirerai prochainement les instructions pénales qui prévoient « Moins de six mois de prison, pas de prison », car ce n'est pas la politique pénale que j'entends mener.
Un juge pour enfants pour 300 gamins, 650 places en centres éducatifs fermés, c'est insuffisant. D'où ma décision d'allouer les 50 postes de magistrats qu'il me restait aux tribunaux pour enfants.
Je suis favorable à la responsabilisation des parents, mais je connais aussi, comme vous, des femmes seules qui travaillent de nuit à l'hôpital de Tourcoing et dont le gamin a de mauvaises fréquentations. Que l'on sanctionne ceux qui insultent les policiers, les magistrats, les enseignants, oui. Mais il faut aider ceux qui galèrent à faire entendre l'autorité de la République à leurs enfants. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. François Patriat. - Très bien !
Tarifs des mutuelles
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) En septembre dernier, avec Marie-Claire Carrère-Gée, nous avons rédigé un rapport sur les complémentaires santé. La hausse des cotisations pousse encore trop de Français à renoncer aux soins - c'est inacceptable.
Après une hausse de leurs tarifs de 8,1 % en 2024, les mutuelles annoncent une nouvelle augmentation de 6 % pour 2025, arguant de transferts de charges liés à l'augmentation du ticket modérateur sur les médicaments - le Gouvernement y a pourtant renoncé...
Notre rapport formulait plusieurs propositions : systématiser la concertation entre l'assurance maladie, les complémentaires santé et le Gouvernement pour anticiper ces hausses ; améliorer les échanges d'informations entre l'assurance maladie et les mutuelles pour lutter contre la fraude et cibler la prévention ; et créer une complémentaire senior solidaire.
Que compte faire le Gouvernement pour éviter que ces hausses de tarifs n'aggravent les inégalités dans l'accès aux soins ? Que retiendrez-vous de notre rapport ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles . - Le rapport que vous avez rédigé avec Marie-Claire Carrère-Gée propose des solutions intéressantes.
Les dépenses de santé augmentent en France. Certes, notre pays a la chance de connaître un vieillissement de sa population - mais cela ne justifie pas tout.
Avec Yannick Neuder, nous sommes convaincus qu'il faut introduire de la pluriannualité dans nos discussions avec l'assurance maladie et les mutuelles.
La prévention est insuffisamment efficace en France. Nous devons travailler avec tous les acteurs, y compris les mutuelles, en n'hésitant pas à utiliser les données, dans le respect de la confidentialité. Je rencontrais hier le professeur Vellas pour en parler. Le programme iCope a été expérimenté ; j'entends le généraliser, au bénéfice de 2 millions de Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI, M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
Hydroélectricité
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'hydroélectricité, énergie renouvelable et décarbonée, couvre 25 % de nos besoins lors des pics de consommation. C'est un enjeu industriel et son potentiel de développement est important. C'est aussi le premier moyen de stockage.
Notre retard dans ce domaine a un impact sur le fonctionnement du réseau électrique, en raison d'un déficit de capacités de stockage - le nombre d'heures vendues à prix négatif a été multiplié par trois en 2024.
Il faut de nouveaux projets de stations de transfert d'énergie par pompage (Step), en sortant du régime de la concession. Trois possibilités : modifier la directive européenne - voilà dix ans que le Gouvernement s'y emploie - , reprendre des concessions en régie - ce qui poserait d'autres difficultés - , ou passer du régime de la concession à celui de l'autorisation.
De nombreux projets sont prêts sur nos territoires, comme en Corrèze et en Aveyron. Le régime de l'autorisation, qui existe dans de nombreux pays européens, n'est que l'extension de ce qui existe dans le nucléaire, le photovoltaïque et l'éolien. Cela permettrait de sortir du blocage de la Commission européenne et de relancer l'investissement dans les Step.
Pourquoi un tel retard ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Vous avez raison. La France compte 2 600 installations produisant 26 gigawatts. Ces barrages participent à la transition écologique et à la résilience du système. Les Step jouent un rôle essentiel de lissage de la consommation.
La Commission européenne a engagé un précontentieux contre la France. Des concessions sont en danger, faute d'investissements.
Nous voulons relancer les projets bloqués, garder la pleine maîtrise de notre parc électrique, favoriser le partage des usages de l'eau et redistribuer de la valeur aux collectivités territoriales engagées.
Une mission d'information a été confiée aux députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel. Dès leurs conclusions rendues, nous les mettrons en oeuvre. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)
M. Daniel Chasseing. - Il faut sortir de cette impasse. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-Claude Anglars applaudit également.)
Eau et assainissement (I)
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Notre budget 2025 en détermine 35 000 autres : ceux des collectivités territoriales qui attendent de savoir sur quelles bases elles pourront mener leurs politiques. En cette fin de période des voeux, le seul voeu des maires est de lever les incertitudes.
Le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement au 1er janvier 2026 est dans tous les esprits. Encore ? Eh oui, parce que la question n'est toujours pas traitée.
Voici des années que le Sénat veut rendre aux communes rurales leur liberté d'action en matière d'eau et d'assainissement. L'ancien Premier ministre, Michel Barnier, avait souhaité revenir sur le transfert obligatoire de cette compétence, à condition que ledit transfert n'ait pas encore été réalisé. Le nouveau Premier ministre, François Bayrou, a déclaré : « mon gouvernement confortera les avancées sur des sujets très attendus, comme l'eau, l'assainissement (...). »
Le 1er janvier 2026, c'est demain. Il va falloir mener des études, délibérer, recruter, prévoir des budgets - ou pas. Quelle que soit la décision prise, il faudra du temps pour la concrétiser.
Pouvez-vous nous garantir que ce transfert ne sera pas obligatoire au 1er janvier 2026 ? (Vifs applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - Nous allons beaucoup parler de ce sujet dans les temps qui viennent. Je sais que c'est un sujet qui intéresse tout particulièrement le Sénat.
Le maintien de la qualité de l'eau potable et la lutte contre son gaspillage sont des objectifs partagés par l'État et les collectivités. Celles-ci ont un rôle primordial pour sécuriser l'accès à la ressource et garantir l'efficience du service public de l'eau. L'État est à leurs côtés pour les accompagner.
Ma réponse est claire : je suis favorable à la différenciation, autant que je suis défavorable au retour en arrière. (Vives protestations à droite)
M. Olivier Paccaud. - Ce n'est pas clair !
M. François Rebsamen, ministre. - Je connais l'intelligence locale. (Exclamations à gauche) La différenciation territoriale est l'un des principes du plan Eau présenté par le Président de la République en septembre 2023. (Exclamations à droite)
M. Mathieu Darnaud. - Rien à voir !
M. François Rebsamen, ministre. - Je suis donc favorable à la suppression du transfert pour les collectivités territoriales qui ne l'ont pas encore réalisé. (« Ah » ! et applaudissements à droite) Mais la mutualisation à une échelle infracommunautaire demeure un objectif, que nous devons porter ensemble. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
Immigration
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je ne peux rester silencieux après les propos tenus par le Premier ministre lundi soir et réaffirmés hier devant l'Assemblée nationale (exclamations à droite et sur de nombreuses travées au centre ; applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Ian Brossat applaudit également), propos copieusement applaudis par les députés du Rassemblement national, sourire aux lèvres.
Un Premier ministre qui doit tout au front républicain ne peut se laisser submerger par le vocabulaire de l'extrême droite. Ne vous laissez pas submerger par les fantasmes et les contrevérités ! Le rôle d'un chef de gouvernement n'est pas d'attiser les peurs, mais de dire la vérité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)
La question de l'immigration doit être abordée dans un climat apaisé, sans angélisme ni amalgame. Ce n'est pas un tabou : socialistes, nous regardons la réalité en face. (Exclamations ironiques à droite)
L'immigration doit être inclusive et raisonnée. Hélas, nous manquons de véritables politiques d'intégration. Il faut s'y atteler sérieusement, sans stigmatiser celles et ceux sans qui nos hôpitaux ou nos supermarchés ne pourraient fonctionner.
D'origine étrangère comme un Français sur cinq, le fils d'immigré juif polonais que je suis a été meurtri par ces propos, comme la majorité de nos concitoyens. Pour ma part, c'est la République qui m'a submergé ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K) Ce sont ses valeurs qui ont permis à ma famille de s'épanouir en France et à moi de la servir.
M. Barnier a été censuré pour s'être fourvoyé dans des négociations avec l'extrême droite (protestations et huées à droite). Voulez-vous dépendre, vous aussi, du Rassemblement national ? (Nombreuses marques d'impatience à droite, l'orateur ayant dépassé son temps de parole.)
Parce que nous sommes responsables, nous avons accepté de discuter avec vous. Nous attendons du Premier ministre qu'il soit clair sur l'aide médicale de l'État et abandonne toute référence à la submersion migratoire ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K ; huées sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement . - Le Premier ministre vous prie d'excuser son absence : il assiste aux obsèques de son ami Jean-François Kahn. Il m'a demandé de vous répondre en son nom.
La question migratoire est source de tensions dans toutes les sociétés occidentales, et la nôtre n'y échappe pas. La traiter de façon passionnelle est le meilleur moyen de ne jamais y répondre.
Les mots sont des pièges. Y a-t-il un sentiment de submersion ? Dans les sondages, les deux tiers des Français expriment ce sentiment. Mais on ne retient que le mot « submersion », pas le mot « sentiment ». (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et du RDSE) Nous ne pouvons écarter ce que nos concitoyens éprouvent.
Si nous regardons les choses en face, nous serons en mesure de maîtriser la situation et d'accueillir correctement ceux qui viennent dans notre pays. Le problème, c'est la panne de l'intégration, qui fut la dynamique singulière de la société française, vécue par des millions de personnes.
Nous parlons de la vie de celles et ceux qui accompagnent nos enfants et nos aînés, travaillent dans nos restaurants ou nos services d'urgence, entreprennent. Tous contribuent à la richesse de notre pays.
Les instruments d'une intégration réussie sont le travail, la langue et les principes de la République, dont la laïcité : c'est l'héritage humaniste que nous devons transmettre. Mais ces instruments sont aussi dans la tourmente.
Si nous améliorons notre éducation, si nous sommes fiers de nos principes, si nous faisons respecter plus rigoureusement et efficacement la loi, l'intégration pourra être réussie. Ce sont ces réponses que nous devons reconstruire ensemble. (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes UC, INDEP, du RDPI et du RDSE ; Mmes Laurence Rossignol et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)
Hausse du chômage
M. Alexandre Basquin . - Fin 2024, le chômage a connu la plus forte hausse depuis dix ans, hors covid : 3,9 %. Les jeunes de moins de 25 ans sont les plus touchés. Ce chiffre est à mettre en regard avec le nombre record de défaillances d'entreprises. Pas moins de 6,2 millions de personnes étaient déjà enregistrées à France Travail il y a un an. Derrière, ce sont autant de familles touchées. Entendez-vous les témoignages de ces salariés, qui se sentent invisibles, bafoués, mis de côté ?
Et ce n'est pas fini ! Quelque 300 000 emplois pourraient être détruits prochainement par des plans sociaux, conséquence directe de la politique ultralibérale de ces dernières années. (Murmures sur les travées du RDPI)
Le président Macron avait promis le plein emploi en 2027 ; nous en sommes loin.
Pendant ce temps, les 40 plus grandes entreprises se gavent et distribuent des dividendes aux actionnaires, toute honte bue.
Pendant ce temps, vous continuez à verser chaque année 200 milliards d'euros d'aides aux entreprises, sans contrôle réel de leur utilisation. Vous poursuivez cette politique de l'offre, qui a échoué.
Tout plaide pour un changement de cap. Comment inverser cette tendance mortifère et redonner de l'espoir ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Mickaël Vallet et Mme Colombe Brossel applaudissent également.)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Vous avez raison de rappeler que derrière les statistiques, il y a d'abord des vies, des familles affectées.
Derrière la détérioration de la situation de l'emploi, il y a d'abord une détérioration de la situation économique, avec des défaillances d'entreprises et des procédures collectives. La conjoncture économique européenne et mondiale, très difficile, touche des secteurs en profonde transformation : automobile, grande distribution, chimie... dans un contexte commercial qui se durcit, des prix de l'énergie encore hauts, et notre incertitude nationale.
M. Alexandre Basquin. - Non ! C'est facile !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Il faut le dire ! Vous connaissez le monde économique : les entreprises n'aiment pas l'incertitude. (Applaudissements sur quelques travées des groupes INDEP et UC)
Avec Mme Vautrin et MM. Lombard et Ferracci, nous tentons d'anticiper avant que les plans sociaux ne détériorent la situation.
En cas de plans de restructuration, nous travaillons avec les préfets pour que la revitalisation et l'accompagnement soient de qualité. (Murmures désapprobateurs sur les travées du groupe CRCE-K) Nous réactivons le dispositif de chômage partiel de longue durée, pour mieux accompagner.
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Et, dans le budget, nous augmentons les moyens de France Travail pour accompagner les salariés. (M. François Patriat applaudit.)
Ingérence azérie en Nouvelle-Calédonie
M. Georges Naturel . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Samedi dernier, en Nouvelle-Calédonie, un émissaire officiel de Bakou est intervenu par visioconférence au congrès indépendantiste du FLNKS pour créer un front international de décolonisation des outre-mer français et les encourager à s'insurger contre la France. Je condamne avec force cette initiative du groupe d'initiative de Bakou, officine liée à ce régime totalitaire, classé parmi les plus corrompus au monde. C'est une tentative flagrante de déstabilisation de notre République. (M. Mickaël Vallet acquiesce.)
Mme Catherine Conconne. - Très bien !
M. Georges Naturel. - Je regrette que les indépendantistes kanaks radicaux tombent dans le piège tendu par des agitateurs à la solde d'une dictature hostile à la France.
L'émancipation ne peut être revendiquée ainsi.
La France, qui détient un siège au Conseil de sécurité des Nations unies, doit réagir à la hauteur de l'affront qu'elle a subi. Quelles sanctions énergiques notre pays compte-t-il prendre pour prévenir toute future ingérence qui menacerait la paix en Nouvelle-Calédonie et dans l'ensemble de nos outre-mer ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI, du RDSE et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Les agissements du Baku initiative group sont intolérables. Par des manoeuvres physiques et numériques, inauthentiques et malveillantes, qui visent les outre-mer et la Corse, ce groupe a montré sa volonté de s'ingérer dans notre débat public, en portant atteinte à notre intégrité territoriale et à la sécurité publique. Nous ne nous laisserons pas faire.
Le 19 novembre, j'ai convoqué l'ambassadrice d'Azerbaïdjan à Paris pour lui signifier notre réprobation absolue ; je lui ai demandé de faire cesser ces actions. En décembre, Viginum, qui détecte et attribue les menaces, a publié un rapport circonstancié sur l'ampleur des manoeuvres et leur échec.
M. Mathieu Darnaud. - Et ? (On renchérit à droite.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - L'intervention a eu lieu en visioconférence, précisément parce que nous avons empêché les autorités azéries de participer à ce forum organisé.
Nous appelons les Néo-Calédoniens à ne pas tomber dans le piège que Bakou a tendu. Nous appelons les Azéris à résoudre leurs différends avec la France par la diplomatie, non par les ingérences. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER)
M. Georges Naturel. - Condamner c'est bien, agir c'est mieux - et en solidarité avec l'Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Akli Mellouli applaudit également.)
Otages français en Iran
M. Rachid Temal . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cécile Kohler et Jacques Paris sont retenus depuis mille jours comme otages d'État par la République islamique d'Iran ; Olivier Grondeau, depuis 843 jours. L'Iran souhaite ainsi faire pression sur notre pays. Je salue les comités de soutien qui se sont formés.
Ces otages sont à bout. Ils sont détenus dans des cellules de 8 mètres carrés, éclairées en permanence, avec des codétenus qui sont là pour les surveiller. Les autorités iraniennes n'ont autorisé que trois visites consulaires, au mépris de la convention de Vienne. Le dernier échange téléphonique avec leur famille date du 25 décembre.
L'état de santé de Cécile Kohler et de Jacques Paris se dégrade. Il faut maintenant aller plus loin. Le Sénat a écrit à l'ambassade. Il faut les faire sortir de la section 209, synonyme de conditions de détention inhumaines, et obtenir leur libération au plus vite. Nous devons agir vite.
Faut-il prévoir de nouvelles sanctions envers l'Iran ? Demander à la Cour internationale de justice (CIJ) d'agir ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur quelques travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Merci d'attirer l'attention sur ces trois otages détenus par la République islamique d'Iran.
Détenus arbitrairement depuis bientôt mille jours, Cécile Kohler et Jacques Paris ont été contraints à des aveux forcés sous la menace ; ils dorment à même le sol, dans des cellules éclairées en permanence, sont privés de contacts avec leurs familles, sinon sous la pression de leurs geôliers, et de visites du consulat depuis plus d'un an. Ces conditions sont assimilables à de la torture en droit international. (M. Rachid Temal le confirme.)
Le 13 janvier dernier, Olivier Grondeau, détenu depuis plus de 800 jours, a eu le courage de s'exprimer à visage découvert, au risque de voir ses conditions de détention se dégrader plus encore.
Nous avons adressé un message très ferme aux autorités iraniennes : sans amélioration, sans libération de ces otages, aucun dialogue bilatéral n'est possible, aucune levée de sanction n'est envisageable. Le 17 octobre, j'ai reçu les familles des trois otages pour témoigner de notre mobilisation sans relâche. Lundi dernier, lors du Conseil des affaires étrangères, j'ai réclamé des sanctions de l'Union européenne contre les responsables de cette détention arbitraire.
Notre mobilisation devra se poursuivre après leur libération : les otages qui ont déjà été libérés peinent encore à se reconstruire après ces épisodes ravageurs. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe UC ; M. Khalifé Khalifé applaudit également.)
Dette de l'Algérie envers l'hôpital français
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs semaines, l'Algérie insulte et défie la France à la moindre occasion. Renvoi de l'influenceur Doualemn, expulsé vers l'Algérie ; loi obligeant la France à décontaminer le Sahara de déchets nucléaires ; convocation de l'ambassadeur de France pour de prétendus mauvais traitements d'Algériens à Roissy ; remise en cause de notre ministre de l'intérieur et campagne de haine à son égard ; prise en otage de l'écrivain Boualem Sansal, très malade, dont le seul délit est de se battre pour la liberté d'expression ; impensable prise de position du recteur de la grande mosquée de Paris contre la résolution du Parlement européen du 23 janvier réclamant sa libération.
Cerise sur le gâteau : une dette auprès de l'AP-HP de 45 millions d'euros en 2023, contre 27 millions d'euros en 2017 - ce montant avait été pointé par le Sénat -, conséquence d'un accord de 2007 entre Bernard Kouchner et son homologue algérien qui exempte de visa les détenteurs de passeports diplomatiques et permet à toute la nomenklatura algérienne de venir se faire soigner en France. (M. Stéphane Ravier s'exclame.)
Il est temps de couper le cordon, de prononcer le divorce et de cesser d'accepter ces humiliations permanentes.
Êtes-vous prêt à remettre en cause cet accord, qui n'a rien à voir avec l'accord de 1968 - qu'il faudra d'ailleurs un jour aussi dénoncer, comme le souhaite l'immense majorité des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Stéphane Ravier et Aymeric Durox applaudissent également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Le système de santé français dispense des soins à des ressortissants étrangers qui, par définition, ne sont pas des assurés sociaux. Des accords internationaux leur permettent de venir se soigner en France. Cela représente environ 800 millions d'euros par an ; 99 % des patients sont des ressortissants de l'Union européenne et de la Suisse. Dans 50 % des cas, ces soins sont dispensés par les hôpitaux publics, qui, globalement, recouvrent les frais.
J'en viens à l'Algérie.
M. Stéphane Ravier. - Oui !
M. Yannick Neuder, ministre. - Entre 2007 et 2023, les dépenses de soins représentent 150 millions d'euros ; 2,58 millions d'euros restent à recouvrir. Ces chiffres concernent le secteur public, pour lequel nous avons une grande lisibilité.
Dans le cas que vous évoquez, l'impact est autre. Ces patients algériens se font soigner à 75 % dans les établissements de l'AP-HP, pour un volume financier d'environ 159 millions d'euros par an, sur lequel nous pouvons donc agir. (M. Stéphane Ravier s'exclame.)
Nous pourrons appliquer une tolérance zéro vis-à-vis de la fraude, en modernisant et en sécurisant le système d'information ainsi que la carte Vitale. (M. Bruno Sido s'impatiente.)
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Yannick Neuder, ministre. - Dans la majorité des cas, ces soins sont programmés. Avant de les accepter, nous exigerons une entente préalable et un devis avec financement en amont.
Souveraineté numérique
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) Combien de temps encore allons-nous tolérer que les géants du numérique, américains ou chinois, défient nos lois, mettent en danger nos enfants, manipulent les opinions et s'ingèrent dans nos élections pour saper nos démocraties ? L'activisme politique du propriétaire de X et le chantage inadmissible du président Trump sur la Commission européenne pour qu'elle abandonne les enquêtes sur les plateformes sont inacceptables.
Merci à Pedro Sanchez qui, à Davos, a appelé à « se rebeller » et à proposer des alternatives.
Quelle est la stratégie de la France, au sein du Conseil européen, pour convaincre ses partenaires que la survie économique et politique de l'Union est en cause ?
Allez-vous exiger la stricte application, voire le renforcement des règlements numériques européens ? En matière industrielle, quelles mesures défendez-vous pour briser notre dangereuse dépendance technologique, dont MM. Draghi et Letta font le dramatique constat ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE, du GEST et du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)
Mme Laurence Rossignol. - C'est amusant que vous soyez plus applaudie à gauche qu'à droite !
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Je connais votre expertise, votre engagement, qui ont concouru aux avancées enregistrées en la matière sous la présidence française du Conseil.
La Commission européenne doit faire respecter les règles. En Roumanie, l'élection présidentielle a dû être annulée en raison de manoeuvres de désinformation sur TikTok ! Ces règles sont simples : les plateformes de réseaux sociaux doivent veiller à ce que leurs services ne perturbent pas la santé, la sécurité et le débat publics, sous peine d'une amende allant jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires, voire d'une restriction d'accès. La Commission a diligenté un certain nombre d'enquêtes, qu'elle doit maintenant clôturer pour procéder à des sanctions, gage de la crédibilité de ces règles nouvelles.
Lundi, je l'ai rappelé à la commissaire Virkkunen ; mardi, Benjamin Haddad a remis à ses homologues une lettre appelant la Commission à agir prestement. Des parlementaires comme Aurore Lalucq et Marie-Claire Carrère-Gée ont déposé une plainte devant l'Arcom, transmise à la Commission. Bref, celle-ci n'a plus d'excuse : il lui faut agir, sans quoi les États membres agiront à sa place.
À l'avenir, nous devons nous détacher de nos dépendances, être propriétaires de nos outils. C'est l'enjeu du sommet mondial sur l'intelligence artificielle qui se tiendra bientôt à Paris, et affirmera notre volonté de faire de la France et de l'Europe une puissance numérique souveraine, indépendantes des milliardaires américains ou chinois. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Il faut un sursaut industriel si nous ne voulons pas que la France et l'Union européenne soient écrasées dans la guerre homérique à laquelle se livrent Américains et Chinois. Le plan Horizon 2030, défaillant, doit être assorti d'un financement européen stratégique, associant recherche et développement dans une logique open source, et d'une doctrine assumée de la commande publique pour renforcer notre souveraineté. Nos données sont stratégiques, elles ne sont pas négociables contre du gaz !
Tenons un discours volontariste lors du sommet de Paris. Rien ne serait pire que d'y dérouler le tapis rouge à Musk, Zuckerberg et leurs acolytes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, du RDSE, du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
République démocratique du Congo
M. Christophe-André Frassa . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis trente ans, un conflit ensanglante le Kivu et l'est de la République démocratique du Congo (RDC), sans que la communauté internationale ne prenne une position claire. À chaque drame, elle se contente de condamner...
Avec la prise de Goma par le M23, nous atteignons un point de bascule. Là encore, simple soutien à la RDC, simple condamnation du M23 et du Rwanda.
Hier, notre ambassade à Kinshasa a été attaquée. Cela en dit long sur la perception de l'inaction de la communauté internationale face aux crimes de guerre commis en RDC.
N'est-il pas temps de prendre enfin des sanctions ciblées contre le M23, et surtout contre les deux pays qui l'arment, le Rwanda et l'Ouganda ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du GEST et du groupe SER ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Je rends hommage aux agents et diplomates de notre poste à Kinshasa, dont un des bâtiments a été incendié. Leur dévouement et leur courage forcent notre respect.
La France condamne fermement l'offensive du M23, soutenue par les forces armées rwandaises, qui porte atteinte à l'intégrité territoriale et à la souveraineté congolaise et aggrave une crise humanitaire qui a déjà fait 400 000 déplacés depuis le début de l'année - après deux millions en 2024. La mission onusienne, la Monusco, est mise à rude épreuve, et trois casques bleus ont déjà payé leur engagement de leur vie.
Dans ce contexte, la France se mobilise. Le Président de la République s'est entretenu avec les chefs d'État concernés pour tenter de rétablir le dialogue. Au Conseil de sécurité des Nations unies, nous avons soutenu la demande de la RDC d'organiser deux réunions d'urgence et porté une déclaration condamnant les agissements du M23, soutenu par les forces rwandaises.
M. Yannick Jadot. - Et l'armée rwandaise ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - À Bruxelles, c'est sous notre impulsion que la haute représentante de l'Union a condamné l'offensive et appelé à un cessez-le-feu. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
Nous continuons de soutenir les processus de Luanda et de Nairobi. C'est par le dialogue et la diplomatie que l'escalade sera jugulée. C'est en s'attaquant aux causes profondes du conflit, économiques, et minières, que la région retrouvera paix, stabilité et prospérité. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC ; M. Yannick Jadot secoue la tête.)
M. Christophe-André Frassa. - On condamne, mais on oublie de dire que l'Union européenne finance à hauteur de 20 millions d'euros l'armée rwandaise pour intervenir au Mozambique - sans garantie que ce financement ne va pas ailleurs. (Applaudissements sur quelques travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Yannick Jadot. - Voilà !
M. Christophe-André Frassa. - Le Rwanda est un exportateur de coltan, alors qu'il n'y en a pas un gramme sur son sol - mais 80 % des réserves mondiales se trouvent, comme par hasard, à l'est de la RDC...
Je relaie l'appel solennel des 95 parlements francophones pour demander des sanctions contre le Rwanda et l'Ouganda. Ce serait l'honneur de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
Fermetures de classes
Mme Colombe Brossel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La mobilisation des socialistes pendant le débat budgétaire a obtenu l'annulation de la suppression de 4 000 postes dans l'éducation nationale, dont 3 155 dans le premier degré. L'annonce du Premier ministre, le 15 janvier, a été un grand soulagement pour les équipes éducatives. La baisse démographique pourrait être l'occasion d'alléger le nombre d'élèves par classe, a même avancé Mme Borne.
D'où notre incompréhension en découvrant les suppressions de classes dans les écoles et les collèges, en ville comme en zone rurale, annoncées par les rectorats dans le plus grand chaos. On supprime des classes dans des écoles aux effectifs stables, voire en hausse !
Oublié, l'engagement présidentiel de ne pas fermer de classe sans l'avis du maire. L'opacité des décisions, à contre-courant des engagements du Premier Ministre, entretient la confusion et le désarroi.
À Paris, mais aussi dans le Lot, le Gers, la Nièvre, la Gironde ou la Moselle, l'incompréhension prévaut. L'école a besoin de cap et de stabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je vous prie d'excuser Mme Borne, retenue en Conseil supérieur de l'éducation.
Les moyens pour la rentrée 2025 ont été fortement revus à la hausse par rapport au projet de loi de finances présenté en octobre, alors même que l'année scolaire 2025-2026 sera marquée par une nouvelle baisse des effectifs : moins 92 700 élèves, dont 80 000 dans le premier degré.
Nous avons proposé de revenir intégralement sur les suppressions de postes initialement prévues, et espérons que la CMP conclura en ce sens.
La baisse démographique doit être un levier pour améliorer l'école et réduire les inégalités entre élèves et entre territoires.
En 2025, le nombre d'élèves par classe atteindra un niveau historiquement bas : 21,1 élèves en moyenne, contre 23,2 en 2017. (MM. Michel Savin et Olivier Paccaud s'exclament.) Cela permet de consolider des brigades de remplaçants. À la rentrée 2025, Paris perdra 3 000 élèves dans le premier degré : le nombre d'élèves par classe, l'un des plus bas de France, passera sous la barre de 20 élèves en moyenne. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Colombe Brossel. - Je ne suis pas sûre que vous ayez compris ni ma question, ni mon interpellation. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)
Eau et assainissement (II)
M. Alain Joyandet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 17 octobre dernier, le Sénat, dans sa sagesse, a voté à une large majorité contre le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités au 1er janvier 2026. Ce vote a été acquis avec l'avis favorable du gouvernement Barnier.
M. Michel Savin. - Très bien !
M. Alain Joyandet. - Le Gouvernement Bayrou est-il sur la même ligne ? Si oui, selon quel calendrier ? Il y a urgence. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - La question vous taraude... (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Mathieu Darnaud. - Il y a de quoi !
M. François Rebsamen, ministre. - Je l'ai dit au sénateur Roux, je suis favorable à la différenciation territoriale, donc à la fin du caractère obligatoire du transfert des compétences eau et assainissement des communes vers les EPCI. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Pour autant, je suis défavorable à tout retour en arrière qui reviendrait sur les transferts déjà réalisés.
Élu local, je suis persuadé des bénéfices de la mutualisation de la compétence, même si elle ne s'opère pas au niveau de l'EPCI mais d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte.
M. Olivier Paccaud. - Chaque cas est particulier.
M. François Rebsamen, ministre. - J'y vois un gage de la préservation de la ressource en eau, de la capacité à investir, une garantie de cohésion territoriale.
Nous ne pouvons reculer sur cette ambition.
Il nous faut trouver le meilleur véhicule législatif. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) La proposition de loi Eau et assainissement sera examinée à l'Assemblée nationale. L'objectif est d'apporter une réponse législative dès que possible. (Rires à droite ; M. Bernard Buis applaudit ; M. Max Brisson s'exclame.)
M. Alain Joyandet. - Le texte du Sénat ne comporte pas de retour en arrière : il ne vise que ceux qui n'ont pas encore transféré la compétence.
Nous n'avons pas d'argent pour les collectivités territoriales, donnons-leur au moins de la liberté ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. André Guiol et Vincent Louault applaudissent également.) Faisons confiance à nos élus, qui, eux, gèrent leur collectivité en bon père de famille. Ils font souvent beaucoup avec très peu.
Ma première proposition de loi sur ce sujet date de 2017... Huit ans de galère, pour aboutir à une solution que des milliers de communes attendent ! Je ne conteste pas l'intérêt de l'intercommunalité, mais donnons de la liberté aux communes. Les territoires ne se ressemblent pas. Simplifions, de grâce ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE ; M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudit également.)
Prise en charge du covid long dans le Grand Est
Mme Laurence Muller-Bronn . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les équipes des CHU de Strasbourg et de Colmar et l'ARS Grand Est m'ont alertée sur la fin des financements destinés aux centres de recensement et de prise en charge des covid longs. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), cette pathologie touche deux millions de personnes, notamment des jeunes actifs. C'est devenu une maladie chronique, aux symptômes lourds : dysfonctionnements cognitifs et musculaires, troubles cardiovasculaires, anomalies immunologiques, inflammations diffuses, entre autres.
La loi du 24 janvier 2022 créait une plateforme de recensement et de prise en charge des malades. Faute de décrets d'application, celle-ci n'a pas vu le jour.
M. Laurent Somon. - Absolument !
Mme Laurence Muller-Bronn. - En janvier 2025, on nous annonce que les centres covid long n'ont plus de financement. Dans le Grand Est, quatre centres risquent d'être supprimés, condamnant les patients à l'errance médicale. Qu'en est-il ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Sur cette affection, dont le mécanisme physiopathologique est encore mal connu, nous avançons pas à pas : une étude de l'Anses en 2021, des critères de la HAS, une définition de l'OMS. Chaque ARS a reçu des fonds d'amorçage pour la prise en charge de ces patients. Plus de 200 symptômes ont été recensés, parfois lourds. Progressivement, les patients se sont intégrés dans des circuits de consultation, de soutien psychologique, d'hospitalisation et de centres de réadaptation qui les font basculer à terme dans le droit commun. C'est pourquoi nous avons préféré augmenter l'Ondam, pour assurer leur prise en charge.
Nous avons privilégié l'efficacité : sur Santé.fr, chaque médecin traitant peut trouver le centre de référence de proximité où adresser ses patients. Prise en charge coordonnée, plutôt que fond dédié.
L'ARS Grand Est a perçu 1 million d'euros de fonds d'amorçage. Sa directrice générale n'a pas relevé de difficulté. Aucun patient ne sera abandonné, chacun sera pris en charge, à l'hôpital ou en ville, selon sa pathologie. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Muller-Bronn. - Ce ne sont pas les retours de terrain. J'ai eu l'ARS Grand Est en ligne hier : en 2022, 700 000 euros ont été attribués pour ces quatre centres ; en 2024, 278 000 euros - le deuxième semestre a été financé sur fonds propres. J'ai été alertée par les médecins : plus de 450 malades traités dans les CHU de Colmar et Strasbourg ne peuvent plus être pris en charge - et je ne parle pas de Nancy, Reims et Metz. Venez rencontrer les médecins dans le Bas-Rhin, il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Christine Herzog applaudit également.)
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.
Sortir la France du piège du narcotrafic - Statut du procureur national anti-stupéfiants (Procédures accélérées - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants.
Discussion des articles de la proposition de loi (Suite)
Article 16
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Respect du contradictoire, procédure équitable : ces principes doivent guider notre réflexion. Dans ce cadre, les éléments de preuve et les modalités de leur recueil doivent donner lieu à des procès-verbaux. Or, avec les techniques spéciales d'enquête, ce n'est pas possible.
En commission, nous avons trouvé, après de longs débats, un point d'équilibre conciliant respect du contradictoire et préservation de ces techniques, qui seront systématiquement contrôlées par le juge du siège.
Après mûre réflexion, notre groupe soutient cette position d'équilibre, compte tenu du strict encadrement prévu. Mais il n'est pas imaginable que le « dossier coffre » serve à autre chose qu'à la préservation de ces techniques spéciales d'enquête. Sinon, nous porterions atteinte au droit des parties : ce serait anticonstitutionnel et, en tout état de cause, nous serions contre.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. - Je sollicite une suspension de séance pour travailler sur l'amendement déposé par le Gouvernement.
La séance, suspendue à 16 h 35, reprend à 17 heures.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission. - Je demande que l'examen de l'article 16 et de l'article additionnel après l'article 16 soit réservé après les articles additionnels après l'article 21.
M. le président. - Aux termes de l'article 44, alinéa 6, de notre règlement, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
La réserve, acceptée par le Gouvernement, est ordonnée.
Article 17
M. le président. - Amendement n°167 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - L'article 17 porte sur l'infiltration, que nous souhaitons bien encadrer afin d'éviter les dérives et d'assurer la transparence et la légalité des actes.
M. Jérôme Durain, rapporteur de la commission des lois. - La demande est satisfaite par le code de procédure pénale et le code des douanes. Retrait ?
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. - Même avis.
L'amendement n°167 est retiré.
L'article 17 est adopté.
Après l'article 17
M. le président. - Amendement n°59 rectifié de M. Masset et alii.
M. Michel Masset. - Parmi les nombreuses mesures utiles de cette proposition de loi, il y a l'élargissement des possibilités d'infiltration. Policiers, gendarmes et douaniers ne peuvent se faire passer que pour les complices des délinquants, ce qui limite fortement l'infiltration. Il faut leur donner la possibilité de se faire passer pour une victime ou un tiers de confiance représentant de cette dernière. Cela va dans le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation. Nous renforcerons ainsi les moyens d'enquête de nos forces de l'ordre.
M. le président. - Amendement n°245 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - C'est à peu de chose près le même amendement. Je le retirerai si M. Masset consent à rectifier le sien pour viser les tiers mandatés par les victimes.
M. Michel Masset. - Soit.
L'amendement n°245 est retiré.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement ainsi rectifié.
L'amendement n°59 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Article 18
M. le président. - Amendement n°198 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
M. Hussein Bourgi. - Il convient d'autoriser les coups d'achat en matière de narco-blanchiment. Les officiers ou agents de police judiciaire impliqués doivent pouvoir recourir à une identité d'emprunt et faire usage d'un dispositif d'altération de leur voix ou de leur apparence. Ces mesures, préconisées par la commission d'enquête, sont permises par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et répondraient efficacement à une difficulté stratégique.
M. le président. - Amendement n°215 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - On ne vise pas le bon cadre d'enquête. Les modifications apportées au II de l'article 67 bis du code des douanes sont sans objet, puisque ces dispositions, qui organisent la procédure d'infiltration des agents des douanes, ne visent ni les coups d'achat ni les enquêtes judiciaires. D'où notre avis défavorable à l'amendement n°198 et cet amendement supprimant les alinéas 3 et 4. Si l'amendement n°198 est adopté, il faudra en reparler dans la suite de la navette.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Il s'agit de donner de nouveaux outils à nos forces pour aller chercher l'argent et confondre les criminels. Avis favorable à l'amendement n°198, qui est excellent. (M. Gérald Darmanin sourit.)
L'amendement n°215 pose un problème légistique : retrait - à charge de revanche ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Je m'en souviendrai ! (Sourires) Sagesse sur l'amendement n°198.
L'amendement n°215 est retiré.
L'amendement n°198 est adopté.
L'article 18, modifié, est adopté.
Article 19
M. le président. - Amendement n°216 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Cet amendement permet aux officiers fiscaux judiciaires de l'Office national antifraude (Onaf) de rétribuer leurs informateurs, comme les agents des services de police judiciaire du ministère de l'intérieur.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous sommes perplexes : doit-on étendre à ces agents le régime applicable aux officiers de police judiciaire (OPJ), qui enquêtent sur des infractions pénales ? L'amendement gagnerait à être retravaillé. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Vous aviez dit « à charge de revanche » ! (Sourires) Nous parlons d'agents du fisc qui, sous l'autorité des procureurs, mènent des enquêtes, comme les OPJ mais avec d'autres compétences. Ils contribuent à la découverte des mêmes infractions et doivent bénéficier des mêmes moyens.
À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°216, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°255 rectifié de Mme Muriel Jourda et M. Durain, au nom de la commission des lois.
L'amendement rédactionnel n°255 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°226 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Amendement de suppression.
Il existe plusieurs catégories de collaborateurs avec les services de police et de justice : les informateurs, les repentis, qui arrêtent leur activité criminelle et signent une convention avec la justice, et les agents de l'État infiltrés, soumis à une déontologie.
L'article prévoit la possibilité d'infiltrés civils au sein des organisations criminelles. Mais les risques de manipulation des services sont élevés, et rien n'obligerait ces informateurs civils à arrêter leurs activités criminelles. Nous comprenons l'intérêt de la proposition, mais pensons que les inconvénients de ce statut sont trop importants.
M. le président. - Amendement n°168 rectifié de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - L'informateur signe une convention avec l'informé, s'engageant à être entendu en qualité de témoin à tous les stades de la procédure. Il est proposé de lui octroyer d'office la possibilité de transformer sa voix ou son apparence. Ainsi les informateurs accepteront plus volontiers d'informer.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°168 rectifié.
Avis défavorable à l'amendement n°226. Étienne Blanc est très attaché à la création du statut d'informateur civil. Sur le terrain, nous avons entendu : « mes gars travaillent à la mexicaine, ils se mettent en danger. » Nous voulons sortir d'une forme d'hypocrisie.
Le statu quo ne nous paraît pas bénéfique aux gendarmes et policiers de terrain. Les informateurs civils doivent être reconnus pour contribuer à l'avancée des enquêtes et pouvoir être protégés.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable à l'amendement n°255 rectifié.
Je comprends l'intérêt de l'amendement n°168 rectifié : sagesse.
Je maintiens l'amendement n°226 et tiens à en rediscuter en amont de la CMP.
M. Francis Szpiner. - D'après la jurisprudence de la Cour de cassation, l'informateur ne peut pas participer au trafic. Les auteurs de la proposition de loi ont cherché à sécuriser, d'une part, le lien entre l'informateur et son officier traitant et, d'autre part, les procédures. C'est dans cet esprit qu'on autorise les coups d'achat. Je n'aime pas l'expression d'informateur civil : c'est un infiltré. Le statut prévu le sécurise, de même que l'OPJ qui traite avec lui.
M. Guy Benarroche. - Bravo !
M. Étienne Blanc. - En lien avec un officier traitant, ces personnes vont au maximum des possibilités en entrant dans le dispositif criminel. Elle se retrouvent dans une situation extrêmement fragile, car elles peuvent être considérées comme auteurs, coauteurs ou complices. Nous voulons sécuriser leur situation. Je ne comprends pas l'objection consistant à dire que l'officier traitant peut être manipulé. Tout est normé et sous contrôle.
L'amendement n°255 rectifié est adopté.
L'amendement n°226 n'a plus d'objet.
L'amendement n°168 rectifié est adopté.
L'article 19, modifié, est adopté.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission. - Je demande la réserve de l'examen de l'article 16 et de l'article additionnel après l'article 16 jusqu'à la fin de la discussion.
La réserve, acceptée par le Gouvernement, est ordonnée.
Article 20
M. Guy Benarroche. - Cet article est problématique, car il s'attaque aux nullités, qui sont une protection contre l'arbitraire. « Ennemie jurée de l'arbitraire, la forme est la soeur jumelle de la liberté », disait Rudolf von Jhering.
Nous restons dubitatifs face au sacrifice des droits de la défense.
M. le président. - Amendement n°139 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Nous voulons supprimer l'article 20, qui restreint drastiquement le droit des parties à soulever des nullités de procédure. Les droits de la défense ont une valeur constitutionnelle. La cause noble et primordiale de la lutte contre le narcotrafic ne doit pas être instrumentalisée pour déséquilibrer les procédures applicables à tous les justiciables.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Retrait, sinon avis défavorable, car nous devons débattre de cet article. Nous avons entendu vos craintes et vous pourrez voter l'amendement de la commission.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis défavorable. Je ne voudrais pas qu'il y ait malentendu : il ne s'agit aucunement de supprimer l'intégralité du régime des nullités. Les voies de recours existent, et il est normal que les avocats les utilisent. Il s'agit de combler des lacunes dans le code de procédure pénale en maintenant les droits de la défense.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - La commission d'enquête n'entendait pas s'en prendre à toutes les nullités procédurales. Nous avons identifié quelques cas très précis. Les mesures proposées sont ciblées et proportionnées. (Mme Laurence Harribey acquiesce.)
M. Francis Szpiner. - En commission, j'avais déposé un amendement de suppression, estimant que le texte n'était pas acceptable. Je l'ai retiré pour que le débat ait lieu. Monsieur Benarroche, je vous invite à faire de même en séance, car il faut trouver des solutions aux difficultés qui se posent.
M. Guy Benarroche. - Rassurez-vous : mon amendement ne devrait pas être adopté...
M. Francis Szpiner. - C'était pour la beauté du geste !
M. Guy Benarroche. - J'ai participé activement à la commission d'enquête : je sais que des difficultés existent.
L'amendement n°139 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°256 de Mme Muriel Jourda et M. Durain, au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Certaines manoeuvres permettent aux narcotrafiquants d'obtenir la nullité des procédures.
Je ne dis pas que les avocats sont complices des narcotrafiquants. Un avocat est dans son rôle lorsqu'il défend son client et cherche à obtenir un non-lieu, une remise en liberté ou la nullité des actes d'enquête, même si c'est déplaisant du point de vue de la société. L'avocat défend son client, et le client est rarement innocent... (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.)
Mme Laurence Harribey. - Vous allez un peu loin...
M. Francis Szpiner. - Sauf les miens ! (Sourires)
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous avons travaillé non en visant ces manoeuvres, ce qui n'aurait fait que nourrir un nouveau contentieux, mais en prévoyant des dispositions précises pour que le code de procédure pénale ne puisse pas servir à remettre en cause des enquêtes, tout en préservant les droits de la défense.
Une fois cette mise au point réalisée, j'en viens à des éléments plus concrets.
Exemple : l'avocat chef de file est celui qui reçoit les notifications, et on peut en changer par lettre recommandée avec accusé de réception ; si elle arrive trop tard, les notifications ne sont pas adressées à la bonne personne, ce qui peut entraîner la nullité de la procédure. Pour éviter les changements incessants de chef de file, nous prévoyons la déclaration obligatoire au greffe, avec prise d'effet instantanée.
Nous avons inséré un alinéa sur les recevabilités des demandes en nullité portant sur des moyens frauduleux.
Nous avons permis que la transmission obligatoire d'une copie de la requête en nullité soit faite au juge d'instruction.
Enfin, une règle qui fonctionne bien en procédure civile pourrait être étendue en procédure pénale : le dernier mémoire doit récapituler l'ensemble des moyens de nullité, faute de quoi ils sont abandonnés.
C'est un sujet assez technique, mais il s'agit de combler précisément certaines failles de procédure pour éviter les mises en cause abusives des procédures.
M. le président. - Sous-amendement n°265 de M. Szpiner.
M. Francis Szpiner. - La commission des lois a bien fait de réécrire cet article. Les nullités de procédure ne sont qu'un appel au respect de la loi, que nous, législateurs, votons. Mais il est vrai que les demandes de mise en liberté peuvent relever de manoeuvres.
La commission des lois n'a pas pu s'empêcher de glisser dans l'article un alinéa, le cinquième, qui pose problème. En procédure pénale, le principe est simple : soit il y a une nullité d'ordre public, soit une nullité relative. La commission crée une catégorie inconnue : la nullité relative, mais tout de même substantielle, et de fait d'ordre public... C'est au juge seul de déterminer si une nullité est substantielle. Si le législateur n'a pas dit qu'elle était d'ordre public, vous ne pouvez pas imposer qu'elle soit irrecevable.
M. le président. - Amendement n°227 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - La justice doit être bien rendue, en respectant les équilibres entre les droits de la défense, les intérêts de la société et les droits des victimes.
Nous sommes tous d'accord sur le but : garantir les droits de la défense, dont celui de soulever des nullités. Mais, parfois, le code de procédure pénale conduit à des situations absurdes. Il faut y remédier.
Conservons un juste équilibre. Il faut aussi revoir le code de procédure pénale sous un angle constitutionnel.
Mon amendement est différent de celui de la commission, mais il tend lui aussi à corriger l'article 20 initial. (Mme Muriel Jourda le confirme.)
Selon nous, l'amendement n°256 de Mme la rapporteure fait une différence entre les mises en examen. Cela n'est pas compatible avec notre droit constitutionnel. Il ne peut y avoir deux types de nullités en fonction de la nature de la mise en examen. Nous vous proposons de supprimer ce point.
Ensuite, vous proposez qu'en cas d'usage de moyens frauduleux pour obtenir la nullité, celle-ci doit être refusée. Mais cela ne suffit pas : il faudrait des écoutes administratives ou judiciaires pour prouver, par exemple, qu'il y a communication entre l'accusé et son avocat via un téléphone volé.
Le Gouvernement propose une autre formule : réduire de six à trois mois le délai pour déposer une requête en nullité au cours de l'instruction judiciaire. C'est équilibré et plus rapide. Ensuite, il faut prévoir que les mémoires soient déposés cinq jours au moins avant l'audience. Actuellement, le mémoire peut être déposé le jour même !
M. Francis Szpiner. - C'est irrecevable !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Et vous le savez, le juge est souvent contraint de reporter l'audience. Cinq jours, ce n'est pas disproportionné.
Adoptons un gentlemen's agreement : je retirerai mon amendement, au profit d'un sous-amendement n°269 rectifié à l'amendement n°256 de la commission, qui ajoute ces deux mesures en matière de délai, afin de ne pas supprimer les points litigieux évoqués dans ce même amendement n°256, qui pourraient être débattus dans la navette. Voilà un acte de compromis.
M. le président. - Ce sera le sous-amendement n°269 rectifié.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Vos propositions sont intéressantes, monsieur le ministre, mais il n'est pas toujours possible de les accepter.
Je ne partage pas votre analyse sur notre première mesure, à savoir la désignation d'un avocat chef de file par déclaration au greffe. Tout au long du texte, nous avons pris des mesures propres à la criminalité organisée. Cette restriction n'en fait pas par nature des mesures inconstitutionnelles.
Avis favorable au sous-amendement n°265 de M. Szpiner...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous ne l'avons toujours pas !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - ...mais nous souhaitons conserver le reste de notre amendement.
Nous ne voulons pas que la procédure pénale soit utilisée pour servir à des nullités ou des remises en liberté, et nous ne voulons pas que les droits de la défense soient impactés par ces modifications.
Or vous proposez de restreindre les délais laissés à ceux qui doivent se défendre, y compris dans le cadre du narcotrafic. Ce n'est pas ainsi que nous rendrons le procès plus loyal. Nous avons préféré donner des délais plus larges au juge, sans restreindre les délais accordés à la défense. Notre position me semble raisonnable.
Bref, avis favorable au sous-amendement n°265 de M. Szpiner, avis défavorable au sous-amendement n°269 rectifié du Gouvernement, à titre personnel, et avis défavorable à l'amendement n°227.
Mme Isabelle Florennes. - La commission des lois a réfléchi sur les purges de nullité à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi de François-Noël Buffet, à la demande de la Chancellerie. La commission a bien légiféré. Cela faisait suite à une question prioritaire de constitutionnalité, il y a plus d'un an. Je fais confiance aux rapporteurs, qui connaissent le sujet, pour préserver les droits de la défense et lutter contre la grande criminalité.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - J'ai du mal à mesurer les moyens que vous voulez mettre en oeuvre pour lutter contre le narcotrafic...
Si vous n'adoptez pas le sous-amendement du Gouvernement et que votre article est censuré par le Conseil constitutionnel, il n'y aura pas de réforme du régime des nullités pour la criminalité organisée.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce n'est pas grave !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - La criminalité organisée est la principale menace de sécurité intérieure. Comment réclamer plus de magistrats et de services enquêteurs, regretter que l'on relâche des personnes pour cause de nullité, tout en refusant de réduire de six à trois mois certains délais au prétexte de préserver les droits de la défense ?
Nous sommes cohérents, notre proposition est conforme à la Constitution. Le code de procédure pénale comporte des lacunes ; pas un policier, pas un gendarme, pas un procureur ne vous dira le contraire.
Ensuite, le Sénat fera ce qu'il souhaite. Mais vous refusez mon sous-amendement de compromis, et vous complexifiez la procédure !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Madame le rapporteur, vous avez eu des propos un peu enlevés. Devant la commission d'enquête, il a été allégué que certains prévenus bénéficiaient d'avocats qui optimisaient les règles de procédure pénale pour obtenir des mises en liberté non justifiées. Chère ancienne consoeur, non, les avocats ne défendent pas que des coupables. Vos propos étaient disproportionnés.
Concernant les nullités, la Chancellerie n'a jamais su nous dire le nombre d'avocats mis en cause. Mais on ne peut reprocher aux avocats de savoir lire un code de procédure pénale. (Mme Muriel Jourda et M. Gérald Darmanin en conviennent.)
L'article, en l'état, n'est pas non plus satisfaisant. La commission des lois propose donc un amendement qui est clair, sous réserve du sous-amendement de Francis Szpiner.
Prévoir un récapitulatif en fin d'instruction est une très bonne chose, car les juges d'instruction ratent parfois des demandes de nullité.
Adoptons l'amendement de la commission des lois, sous-amendé par le sous-amendement n°265.
M. Francis Szpiner. - Nous avons déjà considérablement réduit le champ d'intervention des nullités.
Lorsque le dossier est complexe, la première chose, pour déposer une demande de nullité, est de disposer d'une copie du dossier. Les greffiers étant submergés, cela prend un mois, un mois et demi. Dès lors, raccourcir le délai à trois mois ne permet pas aux avocats de travailler. C'est donc une mauvaise idée.
Monsieur le ministre, je suis très étonné que les services de la Chancellerie vous aient fait écrire des choses pareilles...
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - J'arrive à penser tout seul aussi...
M. Francis Szpiner. - Je me doute que vous n'avez pas tout écrit tout seul non plus.
Personne ne dépose un mémoire la veille de l'audience ! Trois mois de délai, cela ne respecte pas les droits de la défense.
Concernant le délai de cinq jours : lorsque vous faites une demande de remise en liberté, vous ne pouvez pas déposer votre mémoire tant que vous n'avez pas les réquisitions du ministère public.
Par ailleurs, nous portons le délai d'appel de vingt à trente jours, ce qui permet de désemboliser la chambre de l'instruction.
Non, ce ne sont pas des concessions offertes au narcotrafic.
M. le président. - Monsieur le ministre, je regrette une certaine confusion dans nos débats... Quels sont les avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sagesse favorable sur le sous-amendement n°265. Je retire l'amendement n°227.
L'amendement n°227 est retiré.
Le sous-amendement n°269 rectifié n'est pas adopté.
Le sous-amendement n°265 est adopté.
L'amendement n°256, sous-amendé, est adopté et l'article 20 est ainsi rédigé.
M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission des lois. - La commission demande la réserve après l'article 24 des amendements nos257, 25 rectifié quater et 78 rectifié bis qui tendent à insérer un article additionnel après l'article 21.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable.
La réserve est ordonnée.
Après l'article 20
M. le président. - Amendement n°98 de M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. - Définir le blanchiment comme un délit continu fait que la prescription ne courra qu'à partir du jour où les faits sont révélés.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°98 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°37 rectifié ter de Mme Florennes et du groupe UC.
Mme Isabelle Florennes. - La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPS), utile pour alléger la charge de travail des juridictions, est limitée aux délits. Cet amendement l'étend à l'ensemble des crimes relatifs au narcotrafic, à l'exception de la direction et de l'organisation de trafic.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable : cette procédure est efficace. La personne reconnaissant les faits se voit proposer une peine par le parquet. Le statut de repenti fera l'objet de discussions dans la navette, mais cette procédure permet d'apprécier la peine, qui fait souvent l'objet d'une négociation.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°37 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.
Article 21
Mme Corinne Narassiguin . - Cet article consacre la compétence extraterritoriale des juridictions françaises en matière de narcotrafic. Il est urgent de faire de même pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Hélas, mes amendements dans ce sens ont été jugés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.
Il y a encore des verrous qui empêchent de poursuivre des personnes soupçonnées de crimes contre l'humanité si elles n'ont pas leur résidence habituelle en France. Le groupe SER, fidèle à l'héritage de Robert Badinter, souhaite y remédier. Sur l'initiative de Jean-Pierre Sueur, le Sénat avait supprimé la double incrimination. Désormais, supprimons le critère de résidence habituelle pour juger un auteur de crime de guerre. Il y va de l'honneur de notre pays.
L'article 21 est adopté.
Après l'article 21
M. le président. - Amendement n°50 rectifié de Mme Eustache-Brinio et alii.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - La limitation de durée de conservation des données à trois ans n'est pas adaptée à des enquêtes très complexes. Il faut conserver les données jusqu'à la fin de l'enquête.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable à cet amendement utile et proportionné.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°50 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°48 rectifié de M. Mandelli et alii.
Mme Lauriane Josende. - Le code de procédure pénale n'autorise les perquisitions de nuit dans les locaux d'habitation que dans le cadre de l'information judiciaire. Autorisons-les dans le cadre de l'enquête préliminaire, sur autorisation du JLD.
L'amendement propose aussi un régime analogue en matière douanière.
M. le président. - Amendement n°211 rectifié du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Cet amendement, quasi-identique, autorise les services douaniers à faire des visites la nuit, sur autorisation du JLD. Retrait de l'amendement n°48 rectifié au profit de celui-ci, mieux rédigé.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Les OPJ pourraient faire dans le cadre de l'enquête ce qu'ils peuvent déjà faire dans le cadre de l'information judiciaire. Cela paraît opportun. Cet amendement crée aussi un régime de visite douanière de nuit pour la criminalité organisée. Les garanties apportées sont raisonnables.
L'amendement du Gouvernement a le même objet, mais manque de garanties : les douaniers auraient des prérogatives d'enquête préliminaire plus larges que les policiers et gendarmes. Par ailleurs, il vise des infractions relativement peu graves et offre un droit de visite dans tous les lieux privés.
Avis favorable sur l'amendement n°48 rectifié et demande de retrait de l'amendement n°211 rectifié.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - L'amendement de M. Mandelli vise aussi les cas hors flagrance. C'est disproportionné. Il serait étonnant que, hors flagrance, on puisse faire des perquisitions de nuit, y compris dans les lieux d'habitation. L'amendement n°211 rectifié a le même but, mais il est certain qu'il sera jugé constitutionnel.
L'amendement n°48 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
L'amendement n°211 rectifié n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°24 rectifié ter de Mme Vermeillet et alii.
Mme Sylvie Vermeillet. - Actuellement, la cosaisine des agents des douanes dans une enquête judiciaire est possible sur autorisation d'un procureur, au motif qu'ils exercent une mission de police judiciaire. En revanche, la cosaisine par un juge d'instruction n'est pas possible.
Cet amendement y remédie.
M. le président. - Amendement identique n°76 rectifié de M. Nougein et alii.
M. Claude Nougein. - Les agents des douanes spécialement habilités doivent pouvoir recevoir des commissions rogatoires d'un juge d'instruction afin de constater des infractions.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nos collègues ont été bien inspirés. Nos auditions nous ont en effet appris que la cosaisine par un juge d'instruction était impossible faute d'un article en miroir dans le code des douanes. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sagesse.
Les amendements identiques nos24 rectifié ter et 76 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.
Avant l'article 22
M. le président. - Amendement n°177 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La presse a suffisamment évoqué le trafic de drogue en milieu carcéral, qui compromet la lutte contre le narcotrafic, la sécurité en prison et la réinsertion. Vous aurez sans doute un problème budgétaire, monsieur le ministre, notamment pour la prison spécialisée que vous appelez de vos voeux pour les cent plus gros narcotrafiquants.
Nous demandons un rapport sur le budget alloué à la sécurité en prison, sur le nombre de personnels, sur l'efficacité de ces actions. Pour statuer, il nous faut des éléments.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Il s'agit d'un amendement d'appel. Avis défavorable, mais M. le ministre pourra venir s'exprimer sur le sujet devant nous.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Je ne refuse aucune invitation du Parlement. (Mme Muriel Jourda le confirme.)
J'espère que le budget sera adopté, madame de La Gontrie. D'ailleurs, les crédits - près de 4 millions d'euros - pour la prison de haute sécurité, qui sera mise en place avant le 31 juillet, sont déjà trouvés, et j'ai même les crédits pour les deux suivantes, si ce genre d'établissement prouve son utilité. Il ne s'agit pas de construire, mais de rénover un bâtiment existant.
L'amendement n°177 n'est pas adopté.
Article 22
M. Guy Benarroche . - Je salue le travail de la commission d'enquête, qui a révélé l'ampleur de la corruption, phénomène jusqu'alors méconnu. Pour que les choses soient claires, je salue le travail de l'ensemble des forces de l'ordre, de la pénitentiaire et des douaniers.
L'article 22 prévoit plus de contrôles. Mais notre groupe se pose la question essentielle des moyens. Monsieur le ministre, comment ferez-vous ? Avec quels moyens, quelles équipes ?
M. le président. - Amendement n°99 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Jérémy Bacchi. - Nous souhaitons mieux protéger les agents menacés par la corruption. Faire l'objet d'une enquête administrative est lourd, mais les agents l'acceptent. Cette enquête n'est justifiée que par le risque de corruption par la criminalité organisée : il faut donc la restreindre à ce cas précis.
Nous devons associer les travailleurs des grands ports, par exemple, pour en faire des alliés. Beaucoup d'inquiétudes s'expriment à ce propos : ciblons mieux le dispositif.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Loin de nous l'idée de jeter l'opprobre contre tel individu ou telle profession ; au contraire, nous voulons protéger les agents de la corruption, qui peut s'expliquer par l'appât du gain ou par des menaces.
Cet article est le résultat du travail que nous avons mené avec Étienne Blanc dans le cadre de la commission d'enquête : nous avons un souci de protection des personnes.
Votre amendement n'est pas très clair ; je n'y vois aucune plus-value normative. Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°99 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°100 rectifié de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Jérémy Bacchi. - Lorsqu'une enquête fait apparaître que le comportement d'un agent est devenu incompatible avec une décision d'autorisation ou d'habilitation spéciale, les décisions de retrait ou d'abrogation doivent pouvoir faire l'objet d'un recours.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Avis défavorable. La voie de recours dérogatoire et accélérée que vous proposez crée un nouveau contentieux, alors que les juridictions administratives sont déjà engorgées. Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°100 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°170 de Mme Harribey et du groupe SER.
Mme Audrey Linkenheld. - Nous souhaitons mieux protéger les personnes procédant à un signalement, notamment en protégeant leurs données personnelles. Nous proposons la conservation des données de signalement sur un serveur sécurisé européen, selon des conditions définies par un décret en conseil d'État.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Retrait. Des garanties de sécurité importantes pour la protection et l'anonymisation ont déjà été prévues à l'article 22.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Retrait, car satisfait par la loi Sapin II et la rédaction de la commission.
Mme Audrey Linkenheld. - Il me semble que nous avons eu un échange sur le sujet en commission. Il n'est nulle part question d'un serveur européen, me semble-t-il ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous n'avons pas identifié ce point en commission. Nous pourrions y travailler au cours de la navette parlementaire.
L'amendement n°170 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°60 rectifié de M. Pascal Martin et du groupe UC.
M. Pascal Martin. - Conformément à la recommandation n°12 du rapport de la commission d'enquête, cet amendement permet de bannir des ports français les navires impliqués dans le trafic de stupéfiants. Prévenons tout accès des narcotrafiquants aux ports français.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - M. Pascal Martin nous a accompagnés sur les sites portuaires au cours de la commission d'enquête. Cette proposition nous semble cohérente. Il faut lutter contre le pouvoir contaminant du narcotrafic, dont nos ports constituent un point d'entrée. Avis favorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Je connais bien l'implication de Pascal Martin. Sagesse très favorable.
L'amendement n°60 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°116 de Mme Carlotti et de M. Benarroche.
Mme Marie-Arlette Carlotti. - Les autorités portuaires doivent prendre en compte la lutte contre le narcotrafic. Cela nous permettra de protéger les dockers. En effet, il ne s'agit pas de les stigmatiser, mais de les protéger davantage, car ils subissent des menaces, au point que l'un d'eux a été tué.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Cet amendement est de bon aloi - et Mme Carlotti sait de quoi elle parle, puisqu'elle vient d'une ville portuaire. Avis favorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis favorable.
M. Guy Benarroche. - Les produits stupéfiants entrent en France par les ports. Nous devons agir sur la production, la consommation, mais aussi l'arrivée des produits. Cet amendement est le minimum que l'on puisse faire, car les ports sont sous-équipés - le nombre de scanners ne permet pas de contrôler tous les conteneurs. L'objectif de fluidité, défendu par les armateurs, ne doit pas nous détourner de celui de la sécurité. Je voterai cet amendement.
L'amendement n°116 est adopté.
M. le président. - Amendement n°243 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Corrigeons une scorie bureaucratique. Un agent de sûreté, dans un supermarché, peut contrôler visuellement votre sac ; ce n'est pas le cas d'un agent de sûreté portuaire, qui doit appeler un officier de police judiciaire. Remédions à ces deux poids, deux mesures, par cette mesure de bon sens.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous n'avions pas vu cet aspect, angle mort de notre travail. C'est tout l'intérêt de ce texte assez inhabituel : nous nous apportons les uns aux autres. Sagesse.
L'amendement n°243 est adopté.
M. le président. - Amendement n°258 de Mme Muriel Jourda et M. Durain, au nom de la commission des lois.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous souhaitons renforcer la vidéosurveillance pour détecter les infractions. On sait que certaines personnes se promènent parmi les conteneurs... Nous lèverons ainsi des doutes, par exemple, sur des velléités de cession de badge nominatif à des fins crapuleuses ou sur des identifications de véhicules.
Pour définir un cadre juridique clair, l'amendement explicite la possibilité pour le préfet de prévoir la conclusion d'une convention entre les forces de sécurité intérieure et l'exploitant des infrastructures portuaires. La durée de conservation des images ne pourra excéder trente jours.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Cet amendement renforce la vidéosurveillance et facilite l'accès aux images pour les forces de sécurité intérieure, dans le cadre du continuum de sécurité. Avis très favorable.
L'amendement n°258 est adopté.
M. le président. - Amendement n°101 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Jérémy Bacchi. - Les personnes ayant fait l'objet d'un refus d'habilitation spéciale doivent pouvoir bénéficier d'une procédure contradictoire.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Ce sujet est bien couvert par l'article 22 de la proposition de loi. Il ne nous semble pas opportun de déroger au droit commun. Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - L'amendement est satisfait, car la procédure contradictoire est déjà prévue par la proposition de loi. Avis défavorable.
L'amendement n°101 est retiré.
M. le président. - Amendement n°141 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - L'Agence française anticorruption (AFA) a constaté le lien entre corruption et narcotrafic. Nous proposons d'étendre aux maires des grandes villes et présidents des grandes collectivités territoriales les obligations de prévention de la corruption et du trafic d'influence prévues par la loi Sapin II.
L'AFA est compétente pour contrôler les plans de prévention de la corruption que mettraient en place les collectivités territoriales.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - L'article 3 de la loi Sapin II permet déjà à l'AFA de contrôler les procédures mises en oeuvre au sein des collectivités territoriales. Ces contrôles peuvent intervenir à la demande même de la collectivité territoriale. Systématiser ce dispositif serait trop lourd pour les collectivités territoriales. Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Même avis. Les exécutifs locaux sont aussi visés par la loi Sapin II.
L'amendement n°141 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°126 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Nous demandons un rapport sur l'état de la corruption et des menaces liées à celle-ci au sein des services qui y sont particulièrement exposés.
La commission d'enquête a mis en lumière le phénomène grandissant de la corruption des agents privés et publics. Pourquoi certains sont-ils plus vulnérables que d'autres ? Le niveau de rémunération ou le sous-effectif chronique de certains services sont des facteurs de risque. Le Parlement doit en être informé. Un tel rapport nous permettrait de légiférer utilement.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Vous connaissez la disposition constante de notre commission à l'égard des rapports... Avis défavorable. De plus, l'activité de l'AFA, très dense en la matière, tient lieu de rapport.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°126 n'est pas adopté.
L'article 22, modifié, est adopté.
Article 22 bis
M. le président. - Amendement n°228 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Cet amendement étend le régime de la criminalité organisée aux infractions les plus graves d'atteintes à la probité.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Sagesse.
L'amendement n°228 est adopté.
L'article 22 bis, modifié, est adopté.
Article 23
M. le président. - Amendement n°229 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°176 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Audrey Linkenheld. - Le Gouvernement propose de supprimer la demande de rapport ; nous proposons au contraire de le maintenir et de le compléter, afin que soit examinée la question de l'utilisation des téléphones portables en prison. Cette évaluation nous permettrait de mieux comprendre les failles actuelles et les actions à mener.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous prenons note de l'engagement du Gouvernement de transmettre au Parlement des éléments à ce sujet. Cohérents avec notre jurisprudence, nous émettons un avis défavorable à l'amendement n°176 et un avis favorable à l'amendement n°229.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis défavorable à l'amendement n°176.
L'amendement n°229 est adopté.
L'amendement n°176 n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°127 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Sénateur des Bouches-du-Rhône, j'ai pu discuter avec les autorités locales ; les ports sont des zones très sensibles, comme en témoigne la saisie récente, au Havre, de deux tonnes de cocaïne en provenance de Guadeloupe. D'où ma demande de rapport sur la lutte contre l'entrée des produits illicites dans les ports français.
Un rapport récent d'Europol montre que seuls 2 % des 90 millions de conteneurs circulant en Europe sont contrôlés.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Avis défavorable à cette demande de rapport.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°127 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°105 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Jérémy Bacchi. - Prenons garde à ne pas sacrifier notre État de droit, au nom de la lutte contre le narcotrafic, objectif que nous partageons. Or l'article 23 modifie les règles relatives à la durée du mandat de dépôt et de remise en liberté. Cela ne changera rien en pratique, car sans magistrats et sans greffiers supplémentaires, la démarche est vaine.
M. le président. - Amendement n°128 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - La commission des lois a - heureusement ! - supprimé l'alignement des durées de détention provisoire pour criminalité et délinquance organisées. C'était une mesure inconstitutionnelle, qui remettait en cause le principe de la proportionnalité des peines.
Selon nous, il ne faut pas faire peser les dysfonctionnements du système judiciaire sur le justiciable.
Cette mesure produira des effets marginaux, car le code de procédure pénale permet déjà la prolongation d'une détention provisoire pour trafic de stupéfiants ou association de malfaiteurs, notamment.
L'amendement n°169 est retiré.
M. le président. - Amendement n°129 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Permettons la dématérialisation des demandes de remise en liberté.
M. le président. - Amendement n°232 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Je le retire au profit de l'amendement n°259 de Mme Jourda.
L'amendement n°232 est retiré.
M. le président. - Amendement n°259 de Mme Muriel Jourda et M. Durain, au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Les demandes de mise en liberté sont un enjeu pour les narcotrafiquants. Quand on comparaît détenu, on doit être jugé dans certains délais. Les détenus sont sûrs d'être jugés. En revanche, compte tenu des délais d'attente de jugement, ceux qui ne le sont pas ou qui ne le sont plus peuvent ne pas être jugés, pour des raisons de prescription. Les narcotrafiquants utilisent ces vices de procédure à leur avantage. Ainsi, nous voulons que ces « manoeuvres » ne soient plus possibles, notamment en étendant la possibilité de faire usage de la visioconférence, même en cas de refus de la personne concernée.
Par ailleurs, nous procédons à trois aménagements procéduraux.
Premièrement, nous clarifions les dispositions relatives à la recevabilité des nouvelles demandes de mise en liberté alors qu'il n'a pas encore été statué sur un appel précédent.
Deuxièmement, nous supprimons le dispositif imposant à la défense de transmettre des pièces cinq jours avant l'audience.
Troisièmement, nous substituons à la suppression de la possibilité de saisine directe de la chambre de l'instruction lorsque le prévenu n'a pas été entendu depuis plus de quatre mois une extension à six mois de ce délai.
M. le président. - Sous-amendement n°270 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Je souscris à tous les arguments de la rapporteure. Je vous propose un marchandage (M. Laurent Somon s'en amuse) : je retire les amendements nos233, 230, 234, 231 et 246 en échange de l'adoption de ce sous-amendement. C'est la fin des soldes : c'est une affaire à saisir ! (Sourires)
Cet article est important pour adapter notre procédure pénale à la lutte contre le narcotrafic.
Les amendements nos233, 230, 234, 231 et 246 sont retirés.
M. le président. - Amendement n°200 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Dans la rédaction actuelle, les pièces produites par l'avocat doivent être transmises cinq jours avant l'audience, mais ce délai ne vaut pas pour le parquet. Cet amendement supprime cette iniquité entre les parties.
M. le président. - Amendement n°199 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cet amendement permet au détenu de faire sa demande de mise en liberté auprès du greffe de l'établissement pénitentiaire.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - J'ai rappelé l'importance des demandes de mise en liberté : avis défavorable à l'amendement n°105. L'amendement n°128 est un peu moins vorace ; néanmoins, avis défavorable également.
L'avis ne peut qu'être défavorable sur l'amendement n°129, puisque nous faisons l'inverse.
Avis favorable au sous-amendement n°270 du Gouvernement.
L'amendement n°200 est satisfait par l'amendement n°259 de la commission : retrait.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Sinon, ce serait favorable ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Oui, bien sûr.
L'amendement n°199 est satisfait par l'article 148-8 du code de procédure pénale. Avis défavorable.
L'amendement n°199 est retiré.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°105 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos128 et 129.
Le sous-amendement n°270 est adopté.
L'amendement n°259, sous-amendé, est adopté.
L'amendement n°200 n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°182 de Mme Harribey et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - Nous prévoyons un cadre légal proportionné à l'utilisation des drones équipés de caméras en milieu pénitentiaire, afin de renforcer la sécurité, tout en respectant les libertés fondamentales. Cet amendement est pragmatique et équilibré.
L'amendement n°182, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°171 rectifié de Mme Harribey et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - Cet amendement prévoit que les agents reçoivent une formation obligatoire sur la corruption durant leur passage à l'École nationale d'administration pénitentiaire (Énap). Nous protégerons ainsi mieux les fonctionnaires.
L'amendement n°171 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 23, modifié, est adopté.
Après l'article 23
M. le président. - Amendement n°239 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Nous voulons sanctionner l'intrusion dans le domaine pénitentiaire sans motif légitime. Il y a eu cette année 44 000 projections, 1 000 survols et quasiment 50 000 téléphones portables saisis...
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous ne sommes ni pour ni contre - bien au contraire ! (Sourires) Nous n'avons pas compris les limites spatiales auxquelles cet amendement faisait référence. Sur le principe, nous sommes favorables à cet amendement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Le lieu carcéral est assez clairement matérialisé. L'emprise s'entend comme celles du domaine militaire ou des établissements scolaires. Pour ces derniers, le juge retient la circonstance aggravante lorsque l'événement a lieu à quelques mètres d'une école. Nous laisserons faire la jurisprudence pour le domaine pénitentiaire.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Merci pour cette explication utile. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie ironise.) Avis favorable.
L'amendement n°239 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°58 rectifié bis de M. Masset et alii.
M. Michel Masset. - Nous renforçons le brouillage en prison des téléphones mobiles. L'installation ou la rénovation d'antennes relais à proximité, sans que l'administration en soit informée, compromet l'efficacité des brouilleurs.
Les opérateurs seraient tenus de transmettre à l'administration pénitentiaire le dossier qu'ils soumettent déjà au maire. Le chef de l'établissement émettrait alors un avis, qui serait transmis au maire et aux autorités compétentes.
Cette mesure faciliterait le travail des agents pénitentiaires, dont je salue le courage.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - La commission d'enquête a passé beaucoup de temps à comprendre comment fonctionnait le brouillage. M. Masset, membre actif de la commission d'enquête, appelle notre attention sur un point intéressant avec un amendement de bon sens. On ne peut que s'étonner que l'administration pénitentiaire ne soit pas informée de l'installation d'antennes qui affectent le brouillage. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
M. Guy Benarroche. - Le sujet du brouillage nous a beaucoup occupés lors des travaux de la commission ; nous avons même demandé au garde des sceaux pourquoi les systèmes ne fonctionnaient pas.
Beaucoup de narcotrafiquants continuent à gérer leur trafic depuis leur cellule, et à commanditer des homicides. Nous avons visité plusieurs établissements, dont celui de Luynes, théâtre d'un terrible fait divers. Un détenu avait donné des instructions pour exécuter un concurrent. Mais le meurtrier a exécuté le chauffeur Uber. Le détenu responsable a appelé la police depuis sa prison pour expliquer l'erreur de cible. C'est un problème majeur, sans solution actuellement.
Seuls les brouilleurs mobiles fonctionnent. Mais leur capacité est limitée à quatre cellules.
L'amendement n°58 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°63 rectifié quater de Mme Josende et alii.
Mme Lauriane Josende. - L'assassinat de deux agents à Incarville a rappelé que la sécurisation des convois pénitentiaires circulant sur la voie publique était un sujet majeur ; les réseaux de criminalité organisée ne reculent devant rien.
Les agents de la prison de Perpignan m'ont fait part de leur peur d'assurer les convois. C'est pourquoi cet amendement dote l'administration d'outils supplémentaires de surveillance et de protection, dont des caméras. Cela faciliterait le recueil de preuves en cas d'incident sur la voie publique ; les auteurs de ces actes seraient poursuivis plus facilement.
C'est un outil efficace, salutaire, dissuasif et répressif.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement est particulièrement bienvenu. Avis favorable. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - En effet, cet amendement permettra aux agents pénitentiaires d'être mieux protégés.
On le doit aux agents tombés à Incarville, mais aussi à tous ceux assurant des extractions dangereuses.
Une remarque : la visioconférence ne pourra plus être refusée par le détenu ; seul le magistrat pourra s'y opposer. C'est une révolution.
L'amendement n°63 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°23 rectifié bis de M. Menonville et alii.
Mme Annick Billon. - C'est une demande de rapport ; je présume donc de l'avis qui lui sera donné. Il s'agit d'évaluer l'opportunité de généraliser les brouilleurs et les dispositifs antidrones dans les établissements pénitentiaires.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Mme Billon a anticipé l'avis de la commission, s'agissant d'un rapport. Mais le sujet du brouillage est central. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis pour la demande de rapport.
Toutefois, quelques éléments, destinés également à M. Benarroche. Le brouillage est difficile à généraliser : il faudrait 500 millions d'euros.
En outre, il pose des problèmes techniques, lorsque les établissements sont situés en centre-ville : on ne peut pas priver de réseau les riverains de la prison des Baumettes, par exemple.
Enfin, certains détenus disposent de routeurs leur permettant de contourner le brouillage.
Le brouillage n'est donc pas la seule solution ; je rendrai compte des travaux menés à ce sujet à la commission des lois.
L'amendement n°23 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°88 de M. Mellouli et alii.
M. Guy Benarroche. - Les trafiquants ciblent les publics les plus fragiles : mineurs déscolarisés ou jeunes sortis de l'aide sociale à l'enfance (ASE), notamment. Pris dans l'engrenage, ceux-ci sont à la merci des réseaux.
Cet amendement prévoit un rapport détaillant les solutions concrètes pour aider ces victimes à sortir des réseaux et à s'insérer professionnellement ou à se rescolariser. Il est de notre devoir d'offrir à ces personnes un chemin vers la réinsertion et l'espoir d'une vie meilleure.
La dimension sociale est largement absente des politiques publiques de lutte contre la criminalité organisée.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - La très grande utilité de ces réflexions vient se fracasser contre la jurisprudence constante de la commission sur les demandes de rapport.
Le sujet central, ce sont les têtes de réseau, ces criminels du haut du spectre qui déploient tout un arsenal contre les publics fragiles, attirant dans leurs filets des personnes qui ne demandent qu'à marcher dans le droit chemin. Les mesures que nous avons adoptées contre le haut du spectre éviteront à beaucoup de jeunes de tomber dans le piège du narcotrafic. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
M. Guy Benarroche. - Je partage les propos du rapporteur. Néanmoins, je ne vois pas de mesures à ce sujet dans cette proposition de loi. Or, sans des campagnes d'information et des mesures d'accompagnement des victimes, nous ne marcherions que sur une jambe.
Nous demandons un rapport, car nous n'avons pas d'autres moyens d'action à notre disposition. Le Sénat en a déjà voté, d'ailleurs...
L'amendement n°88 n'est pas adopté.
M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission des lois. - La commission des lois demande une suspension de séance.
M. le président. - Très bien. Nous poursuivrons la séance le temps nécessaire, jusqu'à 21 heures maximum, pour achever l'examen des 23 amendements.
La séance, suspendue à 19 h 25, reprend à 19 h 55.
Article 24
M. le président. - Amendement n°130 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - L'article 24, je l'appelle l'article Bruno Retailleau. Nous demandons sa suppression, car c'est le seul qui n'est pas du tout issu des travaux de la commission d'enquête. C'est un problème pour une proposition de loi transpartisane...
Alors que des pans entiers de recommandations - prévention, aspect transnational entre autres - n'ont pas été intégrés au texte, cet article, inopérant et inefficace, est apparu. Avec l'interdiction de paraître sur les lieux de trafic, on crée une sanction que l'on ne pourra pas appliquer : cela affaiblit l'autorité.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Cet article, important, n'est pas issu des travaux de la commission d'enquête, c'est vrai ; au reste, la proposition de loi est signée non par tous ses membres, mais par Étienne Blanc et moi-même...
Notre travail, progressif, est issu des travaux de la commission, enrichis d'auditions puis d'échanges avec le Gouvernement : l'initiative parlementaire a rencontré les pouvoirs régaliens de l'État.
Beaucoup de maires, inquiets, m'invitent pour en parler. Je suis surpris de constater que ce sujet est souvent plébiscité par les élus, quelle que soit leur couleur politique. Pourquoi ? Parce que tous se demandent : est-il juste que 3 % des habitants d'un quartier terrorisent 97 % de la population ? (Mme Catherine Conconne et M. Bruno Retailleau renchérissent.)
Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis évidemment défavorable. Ces trafiquants pourrissent la vie d'un quartier et il faudrait les laisser y vivre ? Les habitants veulent vivre tranquillement, d'où l'interdiction aux trafiquants de paraître sur leurs points de deal. Je ne comprends même pas qu'on puisse s'y opposer !
Ils habitent souvent un logement social, et on ne pourrait pas les expulser ?
À Rennes, comme ailleurs, les gens nous ont dit : « trouvez-nous des logements, sortez-nous, ou alors sortez-les ! » (Mme Jacqueline Eustache-Brinio renchérit.)
L'interdiction de paraître porterait bien sur des personnes condamnées.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
Mme Audrey Linkenheld. - L'article 24 poursuit deux objectifs.
D'une part, il interdit aux trafiquants condamnés ou présumés de paraître pendant un mois sur les points de deal. Si nous votons cette disposition, il faut être certain de la faire respecter, au risque que le sentiment d'impunité, déjà ressenti par les habitants de nos quartiers, ne se diffuse encore davantage. (M. Guy Benarroche renchérit.) Pour cela, la police, la gendarmerie et la justice doivent voir leurs moyens augmenter.
D'autre part, l'article prévoit que pourront être expulsés de leur logement social non seulement les trafiquants condamnés, mais aussi les personnes suspectées de tels agissements. Or il est déjà possible d'expulser une personne condamnée pour trafic de stupéfiants, si elle a utilisé son logement social à cette fin. Le ministre Darmanin pourrait témoigner que plusieurs expulsions de ce type ont déjà eu lieu. Dès lors, nous ne créons pas la possibilité de l'expulsion, nous la faisons évoluer.
M. Guy Benarroche. - Cette mesure est totalement inopérante ! Nous n'avons même pas les moyens de démanteler définitivement les points de deal, qui réapparaissent du jour au lendemain...
On expulserait un locataire non pas condamné mais susceptible de troubler l'ordre public ? Encore faut-il qu'il soit titulaire du bail. Et quoi qu'il en soit, vous visez le bas du spectre : l'indésirable va se retrouver dehors, encore plus précaire, et sera remplacé dès le lendemain par quelqu'un d'autre ! Nous devons nous attaquer au haut du spectre. Cette mesure d'affichage n'est que de l'esbroufe, de la com'. Cela ne fonctionnera pas plus que les opérations Place nette XXL.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Les expulsions sont déjà possibles.
Je souscris à cette mesure à raison du périmètre du texte, et uniquement sur ce fondement : la mesure est proportionnée. On ne parle pas de gamins qui ont fait une bêtise mais bien de membres d'organisations criminelles. (M. Guy Benarroche proteste.)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Il s'agit de substituer le préfet au bailleur social, lequel peut faire l'objet de menaces. L'État reprend pied.
L'amendement n°130 n'est pas adopté.
L'amendement n°29 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°82 rectifié de Mme Jacqueline Eustache-Brinio et alii.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Cet amendement porte de deux à six mois la durée de la peine d'emprisonnement pour non-respect de l'arrêté préfectoral d'interdiction de paraître créé par l'article 24. Deux mois, c'est insuffisant pour permettre la comparution immédiate en cas de délit flagrant.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Cela améliore le dispositif. Avis favorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis favorable. Six mois, c'est le quantum de peine qui permettra la comparution immédiate pour flagrance.
L'amendement n°82 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°108 rectifié de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Jérémy Bacchi. - Par souci de protection des locataires de HLM, il faut proportionner cette mesure. Aussi, les activités troublant l'ordre public doivent être caractérisées en fonction de leur lien avec des trafics de stupéfiants. Cet article ne doit pas être utilisé à d'autres fins.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Précision utile. Il s'agit bien de gérer localement les nuisances occasionnées aux autres locataires par les points de deal. Avis favorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Sagesse. Dans ce texte, nous visons la criminalité organisée et non simplement le trafic de stupéfiants. J'aurais préféré élargir plutôt que restreindre.
L'amendement n°108 rectifié est adopté.
L'article 24, modifié, est adopté.
Après l'article 24
M. le président. - Amendement n°152 rectifié quinquies de Mme Josende et alii.
Mme Lauriane Josende. - Les HLM sont utilisés comme lieux de fabrication, de stockage et de vente par les narcotrafiquants. Les dispositifs légaux à la main des bailleurs sociaux sont inopérants face aux menaces et agressions.
Je voulais permettre la résiliation de plein droit quand un locataire a été définitivement condamné. Après échange avec le ministre, je demande au Gouvernement un rapport sur la gestion du parc locatif public face au narcotrafic, qui devra proposer des pistes pour endiguer le phénomène. C'est un début de réponse aux bailleurs et aux élus locaux.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Défavorable à cette demande de rapport, selon la jurisprudence de la commission.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - C'est l'exception qui confirme la règle ! Vu l'ampleur des problèmes rencontrés par les bailleurs sociaux, ce rapport sera utile. (On s'en amuse à gauche.)
M. Guy Benarroche. - Soit, mais pourquoi ne pas s'intéresser à la précarité des occupants, à l'absence de services publics dans ces quartiers, aux difficultés des associations ? Les familles ne demandent pas qu'on expulse des gens, qui de toute façon seront remplacés par d'autres, mais des mesures scolaires, des mesures sociales d'accompagnement pour sortir de l'emprise du narcotrafic.
Vos mesures inopérantes ne feront que renforcer le sentiment d'impunité des narcotrafiquants, qui auront toujours des relais dans les cités. Pensez-vous vraiment que ce rapport sera utile aux acteurs sociaux marseillais ? J'en doute...
L'amendement n°152 rectifié quinquies n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°180 de M. Montaugé et du groupe SER.
Mme Audrey Linkenheld. - Défendu.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Avis défavorable à cette demande de rapport, par cohérence. Cela dit, la commission d'enquête a pointé la prévalence du trafic dans les territoires ruraux. Je sais gré à M. Montaugé de l'avoir mis en avant.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis défavorable.
M. Guy Benarroche. - Analyser « les dynamiques structurelles d'ordre social, économique et territorial » contribuant à la progression du narcotrafic, voilà qui aurait de l'intérêt ! Il faut rechercher les causes en amont, plutôt que de se limiter aux réponses judiciaires et policières comme celles que propose le Gouvernement à l'article 24.
Je voterai cet amendement.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous nous sommes mis d'accord sur le périmètre de la commission d'enquête : ces sujets, dont je ne nie pas l'importance, n'en font pas partie. Modestement, la proposition de loi en reste au périmètre convenu.
M. Guy Benarroche. - Il ne fallait pas de l'article 24 !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Les propos du rapporteur m'étonnent. Il est faux de penser que le narcotrafic ne frappe pas les zones rurales. Il y faut davantage d'effectifs de police et de gendarmerie. M. Montaugé, qui a été maire d'Auch, aurait aimé être rassuré sur ce point. Nous voterons cet amendement.
L'amendement n°180 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°109 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Jérémy Bacchi. - La drogue n'est pas produite sur notre territoire, ou marginalement. La France doit se montrer forte face aux pays producteurs. Aussi, nous proposons qu'un rapport évalue l'action diplomatique du Gouvernement en la matière.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Avis défavorable, même si je ne méconnais pas le volet géopolitique. Certains pays étrangers peuvent avoir intérêt à ce que le narcotrafic se déploie sur notre territoire, on le voit aux Antilles et en Guyane.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°109 n'est pas adopté.
Article 16 (Précédemment réservé)
L'amendement n°244 est retiré.
M. le président. - Amendement n°225 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Cet amendement du garde des sceaux supprime l'allongement de la durée de certaines techniques d'enquête ainsi que la possibilité de régulariser la mise en place d'une géolocalisation, par une décision intervenant dans un délai maximum de huit heures.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Sagesse.
L'amendement n°225 est adopté.
M. le président. - Amendement n°106 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Jérémy Bacchi. - La personne faisant l'objet d'un « dossier coffre » doit avoir une possibilité de recours.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement sera satisfait : avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, rapporteur. - En effet, il est satisfait par l'amendement n°271 qui prévoit le recours à la chambre d'instruction à chaque étape.
L'amendement n°106 est retiré.
M. le président. - Amendement n°271 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - La commission a fait un bon travail sur la question, centrale, du dossier distinct. Pour protéger des vies humaines, pour protéger des éléments, des techniques, il faut un dossier distinct, secret.
La décision du Conseil constitutionnel du 25 mars 2014 autorise le dossier distinct, à condition que les éléments recueillis par les techniques protégées - date, lieu, nom des enquêteurs, etc. - ne puissent être versés comme preuve au dossier.
Par cet amendement, nous consolidons le dispositif imaginé par la commission, afin qu'il résiste à l'examen du Conseil constitutionnel.
C'est une fusée à trois étages. Premier étage : si l'on refuse de dévoiler les techniques spéciales d'enquête, les noms des enquêteurs, alors les éléments obtenus ne peuvent être versés comme preuves.
Deuxième étage : la règle de la proportionnalité. Si les éléments obtenus grâce aux techniques spéciales d'enquête suggèrent que l'enquête puisse rebondir dans une certaine direction, alors il faudra révéler les éléments obtenus grâce à ces techniques.
Troisième étage : si la manifestation de la vérité exige que soient utilisés des éléments issus des techniques spéciales d'enquête, si une vie est en danger, qu'il s'agisse d'un enquêteur ou de la victime possible d'un règlement de compte. C'est le cas par exemple, lorsque, dans une voiture sonorisée, on entend ses occupants dire qu'ils vont régler son compte à quelqu'un... Il n'y a pas d'autre façon que d'utiliser ces éléments secrets pour sauver cette vie humaine.
C'est une règle de proportionnalité complexe, mais nécessaire pour suivre scrupuleusement la décision du Conseil constitutionnel. En revanche, pour tenir compte du souhait de la commission, nous prévoyons un encadrement ex ante et ex post.
Ce n'est pas la police, mais le juge d'instruction ou le procureur qui demandera ces éléments. C'est le juge des libertés et de la détention (JLD) qui en décidera. Et c'est la chambre d'instruction qui encadrera le tout. Nous avons apporté un maximum de garanties.
M. le président. - Amendement n°96 de M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. - Coordination.
M. le président. - Amendement n°67 rectifié de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Coordination, après l'adoption de l'article 14.
M. le président. - Amendement n°137 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Peut-être cet amendement est-il satisfait par la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement.
La technique du procès-verbal distinct comporte des restrictions attentatoires au principe du contradictoire et aux droits de la défense. Nous voulons un contrôle du recours à la procédure.
M. le président. - Amendement n°138 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Le Conseil constitutionnel considère qu'une information mettant en cause une personne ne peut constituer un élément de preuve si le mis en cause ne peut contester les conditions dans lesquelles elle a été recueillie. Bref, une personne ne peut être condamnée uniquement sur des éléments qui ne figurent que dans le dossier distinct. L'amendement du Gouvernement apporte-t-il cette garantie ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous avons cherché un terrain d'atterrissage avec le Gouvernement sur un sujet sur lequel nous avions des souhaits communs. Nous sommes d'accord sur le principe du procès-verbal distinct, qui consiste à conserver à part des éléments relatifs à la mise en oeuvre de techniques spéciales d'enquête, limitativement énumérées. Nous partageons également la volonté de respecter la décision du Conseil constitutionnel.
L'amendement du Gouvernement respecte notre souhait de mettre à part ces informations. Mais nous différions sur le traitement les éléments recueillis. Nous voulions les mettre au contradictoire ; le Gouvernement les conserve dans le procès-verbal distinct, dès lors qu'ils ne sont pas utilisés contre la personne poursuivie. C'est acceptable.
Si l'on souhaite utiliser ces éléments à son encontre, en revanche, ils doivent être versés au contradictoire, et un recours est possible, monsieur Benarroche.
Surtout, le ministre a repris tous les apports du Sénat prévoyant un contrôle judiciaire de bout en bout.
Tout cela fait que cet amendement n°271 respecte le souhait des rapporteurs : avis favorable.
S'il était adopté, l'amendement n°67 rectifié, auquel nous étions favorables, n'aurait plus d'objet. Les amendements nos137 et 138 sont satisfaits par la rédaction du Gouvernement. Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Mêmes avis.
M. Guy Benarroche. - L'amendement n°67 rectifié tomberait ? Il opère pourtant une coordination avec l'amendement que nous avons voté hier à l'article 14.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Cette coordination figure dans l'amendement du Gouvernement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Lorsque j'ai pris la parole sur l'article 16, j'ai indiqué les limites du procès-verbal distinct, dit « dossier coffre », et les principes à respecter pour qu'il soit acceptable. J'ai aussi indiqué quelle était notre ligne rouge.
La commission des lois avait opportunément considéré que l'on pouvait sérier les données contenues dans ce procès-verbal distinct, et prévu l'autorisation du JLD et le contrôle de la chambre de l'instruction.
L'amendement du Gouvernement sort de ce schéma-là, car il ne se limite pas aux données techniques listées dans l'article initial. Le respect du contradictoire n'est plus assuré.
En clin d'oeil à Mme le rapporteur et à M. le ministre, je leur dirai que j'apprécie leur attention toute particulière aux avis du Conseil constitutionnel. Cela n'a pas toujours été le cas ! Nous voterons contre cet amendement.
M. Guy Benarroche. - L'amendement du Gouvernement élargit le périmètre du procès-verbal distinct aux éléments recueillis par les techniques spéciales d'enquête. Je ne comprends pas pourquoi. Peut-on revenir au périmètre initial ? Sinon, nous serions contraints de voter contre cet amendement, alors qu'il améliore par ailleurs la rédaction...
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Que les choses soient claires. Nous reprenons le raisonnement de la commission, en apportant des garanties. Il y a d'abord des techniques que l'on veut tenir secrètes, pour les préserver. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie en convient.) Il y a ensuite des éléments concrets obtenus par ces techniques : les comptes rendus de sonorisation d'une voiture, par exemple. Enfin, il y a les procédures.
La rédaction de la commission entretenait une certaine fluidité entre le deuxième bloc et le versement comme preuve au dossier. Cela ne nous a pas paru suffisamment robuste au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Nous nous sommes glissés dans le raisonnement de la commission, non pour le détruire, mais pour le consolider.
Au début, au milieu et à la fin, il y a des juges. Que faire de plus ? Nous renforçons la rédaction de la commission en la rendant plus rigoureuse et plus proportionnée.
À la demande du groupe SER, l'amendement n°271 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°182 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Pour l'adoption | 227 |
Contre | 81 |
L'amendement n°271 est adopté.
Les amendements n°96, 67 rectifié, 137 et 138 n'ont plus d'objet.
L'article 16, modifié, est adopté.
Après l'article 16
M. le président. - Amendement n°97 de M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. - Cet amendement autorise la technique des IMSI-catchers dans les lieux privés. Il faut pouvoir relever les conversations sur les lignes occultes utilisées par les narcotrafiquants et les trier afin de recueillir des éléments probants. Ce système est très encadré : autorisation par le JLD, information du juge, transcription des seuls éléments utiles à la manifestation de la vérité, limitation de l'usage de la technique à la recherche d'infractions visées par le magistrat.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Même avis.
Mme Audrey Linkenheld. - Je ne suis pas spécialiste du sujet, mais je comprends que cet amendement autorise les IMSI-catchers dans les lieux privés. Or l'amendement suivant du Gouvernement indique, dans son exposé des motifs, que c'est déjà légalement possible. Je ne comprends pas bien. Difficile dès lors de se positionner...
L'amendement n°97 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°267 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Cet amendement prolonge le précédent. Certains lieux privés détenus par la criminalité organisée sont très protégés, ce qui empêche d'y pénétrer pour placer un IMSI-catcher à l'intérieur. C'est pourquoi il doit pouvoir être installé à l'extérieur.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - On aura travaillé vite : le 14 mai, nous rendions notre rapport ; moins d'un an plus tard, nous adoptons cette proposition de loi. Mais dans la dernière ligne droite, les choses se bousculent un peu... Nous n'avons pas eu le temps d'expertiser cet amendement n°267, déposé très tardivement, qui me semble un peu hors périmètre.
L'amendement n°97 permet l'utilisation des techniques de renseignement en matière de criminalité organisée ; dès lors, celui-ci me paraît superfétatoire.
Au nom de la commission, comme en mon nom propre, il me paraît difficile de donner un avis favorable sur un sujet qui n'est pas anodin. De même qu'à titre personnel, je regrette l'adoption de l'amendement de M. Perrin. Sur ces sujets compliqués, ne bâclons pas le travail.
L'amendement n°267 n'est pas adopté.
Après l'article 21 (Suite)
M. le président. - Amendement n°25 rectifié quater de Mme Vermeillet et alii.
Mme Sylvie Vermeillet. - Cet amendement renforce les pouvoirs spéciaux d'enquête des agents des douanes. Ils doivent pouvoir déclencher la captation de paroles ou d'images à distance.
M. le président. - Amendement identique n°78 rectifié bis de M. Nougein et alii.
M. Claude Nougein. - L'Onaf est compétent pour diligenter des enquêtes sur toutes les infractions au code des douanes, mais n'est que rarement mobilisé pour lutter contre le blanchiment du produit du narcotrafic. Nous voulons que le parquet et le juge d'instruction puissent lui confier plus aisément les enquêtes sur ces sujets, lorsqu'elles sont diligentées à la suite d'une constatation par les agents des douanes.
M. le président. - Amendement identique n°257 de Mme Muriel Jourda et de M. Durain, au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Défendu.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis favorable.
Les amendements identiques nos25 rectifié quater, 78 rectifié bis et 257 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
Intitulé de la proposition de loi
L'amendement n°117 n'est pas défendu.
M. le président. - Les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi se dérouleront mardi 4 février à 14 h 30.
Discussion de l'article unique de la proposition de loi organique
M. le président. - Les explications de vote et le vote par scrutin public de droit sur l'article unique de la proposition de loi organique se dérouleront mardi 4 février à 14 h 30.
Conférence des présidents
M. le président. - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce soir sont consultables sur le site du Sénat.
En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
Prochaine séance demain, jeudi 30 janvier 2025, à 10 h 30.
La séance est levée à 21 heures.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 30 janvier 2025
Séance publique
À 10 h 30, 14 h 30 et 16 heures
Présidence : M. Loïc Hervé, vice-président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
Secrétaire : Mme Nicole Bonnefoy
1. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, appelant à l'introduction de la proportionnelle pour les élections législatives, présentée par Mme Mélanie Vogel et plusieurs de ses collègues (n°163 rectifié, 2024-2025)
2. Proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, présentée par M. Daniel Salmon et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°189, 2024-2025)
3. Débat sur le thème : « Quel avenir pour le Pass culture ? »
4. Proposition de loi tendant à supprimer certaines structures, comités, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée, présentée par Mme Nathalie Goulet (texte de la commission, n°240, 2024-2025)