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Table des matières
Salut à une délégation parlementaire polonaise
Mises au point au sujet de votes
Sortir la France du piège du narcotrafic Statut du procureur national (Procédures accélérées)
M. Étienne Blanc, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois
M. Jérôme Durain, rapporteur de la commission des lois
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
Discussion des articles de la proposition de loi
Ordre du jour du mercredi 29 janvier 2025
SÉANCE
du mardi 28 janvier 2025
46e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Salut à une délégation parlementaire polonaise
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme et MM. les ministres, se lèvent.) Je suis particulièrement heureux de saluer la présence dans notre tribune d'honneur de Mme Ma?gorzata Kidawa B?o?ska, maréchal du Sénat de la République de Pologne, et des trois sénateurs polonais qui l'accompagnent. À leurs côtés se trouve notre collègue Valérie Boyer, présidente du groupe d'amitié France-Pologne.
Je viens de m'entretenir avec eux, alors que s'est ouverte la présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne. Nous avons échangé sur les priorités de la Pologne pour sa présidence, articulées autour du thème de la sécurité dans toutes ses dimensions. La sécurité, c'est aussi l'autre nom de la souveraineté.
Ce soir, aux Invalides, nous prononcerons ensemble une allocution à l'occasion de la cérémonie de lancement à Paris de la présidence polonaise de l'Union européenne.
L'engagement polonais aux côtés de l'Ukraine constitue un exemple, qu'il s'agisse de l'aide apportée à ce pays meurtri par l'agression russe ou de l'accueil des réfugiés - plus de 1,2 million encore aujourd'hui. Nous nous réjouissons que la Pologne occupe à nouveau une place centrale dans le dialogue politique européen.
Nos deux pays ont également en commun l'attachement au bicamérisme et au rôle stabilisateur de la chambre haute. Je me réjouis de notre détermination à soutenir ensemble la diplomatie parlementaire, notamment dans le cadre du Triangle de Weimar, dont j'ai parlé voilà quelques jours avec la présidente du Bundesrat, Anke Rehlinger.
En votre nom à tous, je souhaite à Mme le maréchal du Sénat de Pologne et à nos homologues sénateurs la plus cordiale bienvenue au Sénat et un fructueux séjour dans notre pays, sous le signe de l'amitié franco-polonaise. Je salue également l'ambassadeur de Pologne, présent à leurs côtés. (Applaudissements)
Mises au point au sujet de votes
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. - Lors du scrutin public n°177, MM. Mikaele Kulimoetoke et Martin Lévrier souhaitaient voter pour et Mme Salama Ramia voter contre.
Lors des scrutins publics nos178, 179, 180 et 181, Mme Salama Ramia souhaitait voter contre.
Mme Nathalie Goulet. - Lors du scrutin public n°181, M. Olivier Bitz, Mme Lana Tetuanui et moi-même ne souhaitions pas prendre part au vote. Nos collègues François Bonneau, Olivier Cadic, Isabelle Florennes, Jean Hingray, Loïc Hervé et Olivia Richard souhaitaient s'abstenir.
Lors des scrutins publics nos179 et 180, M. Olivier Bitz et moi-même ne souhaitions pas prendre part au vote.
Lors du scrutin public n°178, Mme Anne-Sophie Romagny souhaitait voter pour.
M. Michel Masset. - Lors des scrutins publics nos177 à 181, M. Ahmed Laouedj souhaitait s'abstenir.
Lors du scrutin public n°178, Mmes Mireille Jouve et Sophie Briante Guillemont et M. André Guiol souhaitaient voter contre.
Lors du scrutin public n°181, Mme Mireille Jouve souhaitait s'abstenir.
M. Stéphane Sautarel. - Lors du scrutin public n°178, je souhaitais voter contre. Je souhaitais m'abstenir lors du scrutin public n°181.
Acte en est donné.
Commission (Nomination)
M. le président. - Une candidature pour siéger au sein de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Sortir la France du piège du narcotrafic Statut du procureur national (Procédures accélérées)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, présentées par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain, à la demande du groupe Les Républicains et de la commission des lois.
Discussion générale commune
M. Étienne Blanc, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP) La commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic a eu à coeur d'écouter et de comprendre tous ceux qui sont confrontés à ce fléau.
Nous avons écouté et compris ceux dont l'engagement exemplaire permet à nos institutions de tenir debout : policiers, gendarmes, douaniers, magistrats, greffiers, personnels pénitentiaires. Ils sont notre principal rempart face au narcotrafic.
Nous avons écouté et compris ceux qui travaillent dans nos ports et nos aéroports.
Nous avons écouté et compris nos compatriotes qui vivent à proximité des points de deal et ceux qui vivent à portée d'une balle perdue, les habitants des quartiers gangrenés par le trafic.
Nous avons écouté et entendu nos compatriotes d'outre-mer, qui se sentent parfois négligés, voire abandonnés, au profit de l'Hexagone.
Nous avons entendu aussi le cri de nos élus locaux, notamment des maires. Dans toutes les communes de France, des métropoles jusqu'aux villages, les maires sont en première ligne face au trafic. Les travaux de la commission d'enquête ont montré leur remarquable implication.
Les maires de petites communes se sentent démunis quand un point de deal apparaît ou lorsqu'ils se trouvent confrontés à des règlements de comptes soudains et à des violences inégalées.
La commission d'enquête a abouti à un diagnostic inquiétant : une France submergée par le narcotrafic, qui génère chaque année 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires et fait vivre environ 240 000 personnes. L'incarcération ne fait plus peur aux trafiquants. Nous avons dressé le portrait d'un pays où les trafiquants utilisent tous les interstices pour pénétrer les institutions et étendre leur empire
À chaque porte qui se ferme, ils cherchent une fenêtre à ouvrir. Pendant la crise sanitaire, des systèmes de commande en ligne, assortis de livraisons à domicile, ont été mis en place. Lorsque le 100 % contrôle a été instauré à Cayenne, le trafic s'est reporté aux Antilles. Lorsque les grands ports français, notamment Le Havre, ont pris conscience de la menace, les flux se sont redirigés vers les ports de plaisance.
L'ingéniosité et la capacité d'adaptation des trafiquants sont tout aussi manifestes en matière de blanchiment, où ils recourent à des techniques variées : cryptoactifs, commerces de façades - les blanchisseuses - , systèmes traditionnels de compensations appelés hawala, prête-noms... Parfois même, les fonds sont réinjectés dans l'économie légale sans blanchiment préalable, notamment dans les secteurs où le paiement en ligne est fréquent.
Nous le savons, la loi ne pourra pas tout. Les efforts restent nécessaires hors des compétences du Parlement, en particulier pour deux sujets.
Premièrement, en matière de coopération internationale. Le nombre de trafiquants extradés demeure trop limité. Or ils sont trop nombreux à vivre dans le luxe et la tranquillité, à Dubaï ou ailleurs.
Deuxièmement, la question des moyens humains et techniques, essentielle.
Les deux textes que nous vous présentons s'inscrivent dans une stratégie globale de la lutte contre le narcotrafic. C'est la première fois qu'un rapport parlementaire présente une vision d'ensemble du problème.
La création du Parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) est urgente, au vu de l'état de la menace. Ce nouvel acteur doit être doté de toutes les prérogatives nécessaires pour en faire un véritable chef de file.
En accord avec Muriel Jourda et Jérôme Durain, je le dis clairement : nous ne devons pas reculer sur les pouvoirs qui lui seront confiés, notamment en matière de coordination, au risque de susciter des déceptions.
Prenons exemple sur la sagesse de nos prédécesseurs. Le parquet national anti-terroriste (Pnat), au principe si contesté à l'origine, est un éclatant succès.
N'abaissons pas notre niveau d'exigence dans la lutte contre le blanchiment. Nous demandons des efforts importants à nos concitoyens, compte tenu de l'état de nos finances. Comment comprendraient-ils que nous ne menions pas une lutte acharnée contre le blanchiment ?
Il faut saisir, confisquer ces biens, pour apporter de nouvelles recettes au budget de l'État, au service de la répression de la criminalité organisée.
Sur l'épineuse question de la prescription, je vous ferai des propositions pour poursuivre les délits, y compris au terme de délais importants.
Un mot enfin sur les techniques spéciales d'enquête, qui suscitent d'intenses débats, légitimes. Nous avons limité leur usage à la criminalité organisée et avons refusé qu'elles puissent être utilisées pour la délinquance de droit commun. Nous avons prévu des garanties proportionnées à l'atteinte portée à la vie privée.
Mais il faut aller encore plus loin. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement autorisant une technique permettant d'activer à distance les appareils mobiles, dans des conditions conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; celle-ci serait restreinte aux infractions les plus graves de la criminalité organisée. Elle ne pourra être utilisée que si l'utilisation d'une autre technique s'avère impossible.
Don Winslow, citant Hobbes, écrivait : « l'enfer, c'est la vérité vue trop tard ».
Prenons conscience des ravages provoqués par la drogue dans notre société. Répondons-y sans faiblesse. Le Sénat doit être à l'origine de ce nécessaire sursaut. Les Français nous observent, ils nous attendent, il ne faut pas les décevoir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; Mme Marie-Laure Phinera-Horth et M. Vincent Louault applaudissent également.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Louis Vogel applaudit également.) Il est facile de passer après Étienne Blanc, car il a présenté un état des lieux éloquent du niveau de la menace...
Toute délinquance est un trouble à l'ordre public. Mais le narcotrafic menace les intérêts de la nation. Nous devons donc nous doter d'outils adaptés. Ceux actuellement à la disposition des services ne sont pas à la hauteur de la menace. Monsieur Darmanin, je pense que vous êtes d'accord avec nous. Je regrette que les amendements déposés soient un peu en retrait sur ce point.
Tout d'abord, nous devons nous doter d'une architecture - tant dans le monde judiciaire que dans les services d'enquête - facilitant la coordination dans la lutte contre le narcotrafic. Un parquet national anti-stupéfiants (Pnast) était initialement prévu. Mais le narcotrafic n'est pas dissociable d'autres infractions, d'où la création du Pnaco, qui couvre toute la criminalité organisée. Le parquet national doit coordonner tous les parquets. Il doit pouvoir retenir certaines affaires, parmi les plus graves, et doit donc disposer d'informations pour pouvoir exercer toutes ses compétences.
De nombreux services l'entoureront, qui devront travailler en interministériel. La proposition de loi prévoyait que l'Office anti-stupéfiants (Ofast) soit chef de file. M le ministre de l'intérieur nous proposera tout à l'heure une architecture autre, qui favorisera le travail interministériel.
Nous lutterons aussi contre le blanchiment. Des commerces ouverts n'ayant rien à vendre, mais qui reçoivent des clients jusqu'au milieu de la nuit, des jeunes gens sans revenus déclarés roulant dans des voitures de luxe... Les exemples sont nombreux. Nous vous proposerons plusieurs mesures portant notamment sur les moyens numériques ou le recrutement de mineurs, qui deviennent des esclaves de gens pour qui leur vie n'a pas de valeur.
D'autres procédés sont adaptés de la lutte antimafia, portant notamment sur la participation à une organisation criminelle.
Il est utile que nous nous dotions de ces outils. Certains disent que nous risquons de porter atteinte à l'état de droit. Mais la principale caractéristique de l'état de droit est de mettre fin à la loi du plus fort. Il nous aidera, ici, à lutter contre les plus forts et les plus violents. C'est l'enjeu de ces textes adoptés par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, UC et INDEP)
Présidence de Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente
M. Jérôme Durain, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Francis Szpiner applaudit également.) Je remercie les forces engagées dans la lutte contre le crime organisé. En tant que président de la commission d'enquête, j'ai vu combien leur mobilisation était inébranlable. Elle ne cède ni face au manque de moyens ni devant le sentiment de danser au bord du gouffre. Soyons à la hauteur de leurs efforts.
Le titre V relatif à la procédure pénale comporte de nombreuses évolutions indispensables pour que les enquêteurs et les magistrats accomplissent leur travail dans de bonnes conditions. La proposition de loi prévoit un arsenal complet pour leur faciliter la tâche : cours d'assises spécialement composées, juges de l'application des peines (JAP) spécialisés, création d'un régime exceptionnel d'immunité de poursuite pour les repentis susceptibles de fragiliser les réseaux les plus puissants, sécurisation des relations entre policiers et informateurs, notamment.
Toutes ces évolutions aideront les services d'enquête à mieux comprendre les réseaux et à, mieux lutter contre eux.
J'espère que le Gouvernement lèvera l'irrecevabilité financière de certains amendements. Mettons fin à cette stratégie de la peur grâce à laquelle les trafiquants empêchent les victimes de porter plainte.
Le procès-verbal distinct fera l'objet de débats nourris. Il touche à la garantie des droits de la défense, qui ne doit pas s'opposer à la protection de l'identité des témoins, infiltrés ou informateurs. Nous devons parvenir à un juste équilibre.
Plusieurs services nous ont dit qu'ils évitent d'utiliser certaines techniques pour ne pas donner des billes à l'adversaire. Nous tâchons par ce texte d'y remédier.
Muriel Jourda et moi avons modifié l'article 16, pour y apporter des garanties essentielles, à commencer par le versement à la procédure de l'ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention (JLD) autorisant le recours au procès-verbal distinct. Ce dernier doit être en outre nécessaire à la manifestation de la vérité. Nous avons précisé les conditions du contrôle de la chambre de l'instruction, qui sera systématique. Notre solution est la bonne. J'espère que le Sénat la soutiendra largement.
Nous avons également eu des débats nourris sur les nullités de procédures. Nous avons abouti aussi sur les manoeuvres et les négligences, qui peuvent donner lieu à des contentieux. Nous vous proposerons une réécriture pour modifier des dispositions support des stratagèmes dénoncés.
Le dernier titre permet de lutter contre l'emprise de la criminalité organisée dans les prisons. La corruption est une gangrène.
L'article 22 garantit une meilleure prévention et une détection plus facile de la corruption, sans stigmatisation.
Nous vous proposons un amendement pour améliorer la détection de la corruption dans les ports, grâce à la vidéosurveillance.
La corruption est parfois nourrie par l'appât du gain, mais surtout par la peur des représailles en cas de refus ; il faut renforcer la protection offerte par l'État.
De nombreux amendements ont été déposés sur les enjeux liés aux prisons. L'intervention du Gouvernement sera appréciée pour examiner ces amendements certes judicieux, mais qui engendrent de nouvelles charges financières.
En conclusion, je rappelle que c'est le Sénat qui s'est saisi le premier du narcotrafic.
Nos institutions doivent reprendre l'ascendant. Il ne faut pas avoir peur de la menace. N'attendons pas qu'il soit trop tard avant de réagir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, INDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . - S'il y a un point sur lequel nous pouvons nous mettre d'accord dans ces temps politiques complexes, c'est bien sur la lutte contre le narcotrafic et sur l'essentiel du rapport de la commission d'enquête, salutaire, efficace et lumineux.
Depuis longtemps, la France alloue des moyens importants pour lutter contre le narcotrafic.
M. Guy Benarroche. - Cela n'a pas été efficace...
M. Laurent Duplomb. - Cela n'a pas marché.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - La France n'est pas comme les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne, comme les États-Unis avec le fentanyl. Tous les pays sont concernés et connaissent des menaces, des corruptions.
Autour de nous, avocats, policiers, gendarmes et hommes politiques connaissent soit des assassinats, soit des tentatives d'assassinats ou des séquestrations - je pense à mon homologue belge, notamment.
La France a multiplié les saisies : 27 tonnes de cocaïne en 2022, 44 tonnes en 2024. Les interpellations et les condamnations augmentent fortement.
Mais, devant la « submersion » évoquée par Étienne Blanc, un changement complet de paradigme est nécessaire.
Même si la comparaison a ses limites, il est intéressant de voir comment l'État s'est organisé dans la lutte contre le terrorisme ou la délinquance financière.
La spécialisation concerne l'intégralité de la chaîne pénale. Le Pnaco est un symbole, et n'a d'intérêt que si la spécialisation va des services enquêteurs à la détention.
Il est important d'avoir un numéro de téléphone unique, comme pour le Pnat. Le renseignement criminel est crucial. Il faut augmenter ses moyens humains et de captation à distance.
Je me réjouis que le Sénat soutienne désormais la création du Pnaco, préférable au Pnast. (Mme Muriel Jourda et M. Jérôme Durain acquiescent.) En effet, la criminalité organisée est plus large ; elle englobe parfois la traite d'êtres humains. Les narcotrafiquants sont des capitalistes sans règles : ils utilisent des produits illicites, dangereux et très rémunérateurs.
Le Pnaco doit avoir des magistrats nombreux et compétents, mais aussi des magistrats spécialisés dans le suivi des détentions, à l'instar du Pnat.
La plupart des gros narcotrafiquants sont soit dans les prisons, soit à l'extérieur du pays, rarement dans les rues de nos villes. Les magistrats qui suivent l'action potentielle de ces narcobandits sont un élément essentiel de ce parquet spécialisé.
Il faut aussi des JAP spécialisés dans le narcobanditisme, à l'instar de la lutte contre le terrorisme. Créons des magistrats du siège en ce sens.
Madame la rapporteure, ce Pnaco a quelques inconvénients, mais beaucoup d'avantages. Ainsi, la spécialisation peut nuire à l'unité de l'action de la magistrature, mais le mal a déjà été fait, si j'ose dire, avec le Pnat et le parquet national financier (PNF).
Je défendrai un sous-amendement indiquant que ce parquet sera par défaut localisé à Paris : nous devrons en débattre.
Je lancerai une mission de préfiguration pour déterminer les moyens nécessaires à sa création.
Il devra donc se concentrer sur les affaires les plus importantes. Nous laisserons aux juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) la possibilité d'agir sur les autres affaires.
Attention à ce qu'il n'accouche pas d'une souris : ne confions pas l'intégralité des affaires de narcobanditisme au Pnaco. Il faut cibler et prévoir des magistrats en nombre suffisant.
Je ne suis pas favorable à ce que le Pnaco ait autorité sur les Jirs, qui devront être renforcés. Je proposerai d'ailleurs la création d'une nouvelle Jirs dans les mois qui viennent.
Je suis en mesure de vous annoncer que nous doublerons les effectifs de magistrats. Pas moins de 95 magistrats seront affectés à la lutte contre le narcotrafic : en avril, 5 à la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco) ; en septembre, 45 dans les Jirs ; enfin, une cinquantaine au Pnaco l'an prochain.
Nous devrons avoir des moyens budgétaires suffisants.
Le Pnaco doit coordonner l'action publique en matière de lutte contre les stupéfiants et la criminalité organisée. Il doit faciliter l'échange d'information, pour que l'affaire Amra, qui a donné lieu à la tuerie d'Incarville, ne puisse pas se répéter sur le sol national.
Ce drame a révélé les défaillances de l'État. Nous devons protéger les agents de l'administration pénitentiaire. J'ai une pensée émue pour eux et leurs familles.
M. Amra n'était pas classé parmi les bandits les plus dangereux. Le manque d'information et de coordination entre la justice, la police et l'administration pénitentiaire n'a pas permis de connaître toutes les affaires auxquelles il était lié, à Lille, à Évreux, à Marseille ou à Rouen, alors que dans le fichier S, l'évaluation, même imparfaite, contient ces informations.
Nous devons mieux évaluer la dangerosité de ces narcotrafiquants en vue d'adapter leur régime de détention, pour éviter corruption, menaces et assassinats. Ainsi, je travaille à la création d'un régime de détention spécifique pour les narcobandits, à l'image des mesures prises en Italie, validées par les institutions européennes.
Le blanchiment d'argent est sans doute le moment déterminant pour les services enquêteurs. Nous sommes assez bons pour rechercher le produit, mais mauvais pour le produit du produit.
Les circuits sont complexes et s'apparentent à une organisation mafieuse lorsqu'ils corrompent des fonctionnaires et envahissent certains secteurs, comme l'immobilier. C'est un problème pour les maires : le commerce illicite crée du désordre public.
Dans une circulaire que j'ai signée hier, je demande aux procureurs de la République d'ouvrir des enquêtes pour blanchiment dès que des enquêtes sont ouvertes pour saisie ou détention de drogue.
Cette proposition de loi n'aurait pas été complète sans une simplification des procédures. Il faut aboutir à un équilibre entre les droits de la défense et l'action publique, dans l'intérêt de la société.
Des modifications doivent être apportées aux demandes de remise en liberté pour éviter d'emboliser le système judiciaire. Idem pour les demandes de nullité.
L'un de mes amendements autorisera le recours à la visioconférence, sous certaines conditions : uniquement pour les affaires liées à la criminalité organisée, après autorisation d'un magistrat et seulement pour tous les actes qui ne sont pas des jugements. Actuellement, le détenu peut refuser la visioconférence, mettant en danger les agents durant le transfert.
Je me fais le relais d'Éric Dupond-Moretti, qui insistait sur la création d'un statut du repenti. Nous le proposerons, sur le modèle italien.
Nous lèverons les restrictions financières pesant sur les amendements nos 182 et 63.
Nous devons donner des moyens de captation à nos services de renseignement et à nos services judiciaires. J'espère que le Sénat validera ces nouvelles techniques, pour que la voiture numérique de l'État aille plus vite que celle des trafiquants. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) Cette proposition de loi est un texte de combat, par son contenu et son origine. Sans le Sénat, elle n'aurait pas été déposée. Lorsque j'étais sénateur, nous avions déclenché sur le droit de tirage de mon groupe une commission d'enquête sur le narcotrafic, dont les conclusions ont été adoptées unanimement. Cette proposition en est issue. Je remercie Muriel Jourda, Jérôme Durain, et Étienne Blanc.
Les textes régaliens ont du mal à percer lorsqu'ils sont d'origine parlementaire. (M. Jérôme Durain renchérit.) Je me réjouis donc de ce texte. C'est une excellente nouvelle, rassurante, à l'heure du retour de l'antiparlementarisme.
La lutte contre le narcotrafic un combat vital, que les forces de sécurité intérieures mènent trop souvent à armes inégales, pour sauver des vies, les vies de ceux qui vivent dans des quartiers tenus par des trafiquants, notamment.
Certains, de plus en plus jeunes, perdent leur vie dans les trafics. Ce sont des enfants soldats et des enfants victimes. Les narcoracailles n'offrent qu'une seule perspective : le chemin des larmes et un destin de sang.
Nous devons réagir, grâce à un sursaut national.
Sur le haut du spectre, l'armature de l'État est trop éclatée face à des organisations parfaitement coordonnées et pilotées.
Pour gagner une guerre, il faut des chefs de guerre. C'est pourquoi la spécialisation de la chaîne judiciaire s'impose, avec à sa tête un Pnaco. En miroir, dans mon périmètre, nous avons besoin d'une organisation opérationnelle. Je défendrai un amendement visant à créer un état-major par voie réglementaire, à l'image de ce qui a été fait pour le terrorisme, avec d'excellents résultats ; renseignement et services judiciaires travaillent de concert.
Cet état-major devra se construire autour de la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), qui concentre déjà 85 % des affaires relatives à la criminalité organisée. Il devra associer l'ensemble des services, dans un esprit interministériel. Je suis très attaché à bâtir une organisation opérationnelle et proportionnée à la menace.
Si l'armature de l'État est trop éclatée sur le haut du spectre, sur le bas, nos armes sont trop émoussées. Lorsque je rencontre des policiers et des gendarmes, tous me disent qu'ils ont besoin de plus de moyens, qui ne sont pas à la hauteur face à cette menace quasi existentielle. C'est pourquoi je souhaite doter nos préfets et nos services de nouveaux pouvoirs pour briser l'écosystème territorial, l'emprise territoriale du narcotrafic et de la criminalité organisée.
Donnons le pouvoir au préfet d'expulser un narcotrafiquant de son logement social, afin que celui-ci ne pourrisse pas la vie de tout l'immeuble. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)
Il faut fermer des commerces blanchissant l'argent sale, confisquer les biens financés à l'aide de la criminalité organisée.
Ces organisations criminogènes sont d'une exceptionnelle dangerosité. Il faut protéger les enquêteurs par l'anonymisation, par le recours à des techniques d'enquête spécialisées, à l'instar de l'opération EncroChat, menée par la gendarmerie nationale.
Chaque jour, il faut se mettre à la hauteur des nouveaux outils numériques.
Ceux qui pensent que la corruption est une fatalité sont des défaitistes. Nous devons repousser ce phénomène ; il y va de l'intérêt fondamental de la nation. C'est une menace existentielle pour la souveraineté de la France. Si on laisse cours à la corruption dans le public comme le privé, nos institutions en subiront les conséquences.
Il faut donner à la plateforme Pharos les mêmes pouvoirs en matière de criminalité organisée que ceux qu'elle détient pour le terrorisme ou la pédopornographie.
Nous assurerons la recevabilité financière de l'amendement n°258, qui traite de la surveillance de nos ports.
Ne nous faisons pas d'illusions : ce combat sera long, mais nous allons le gagner, car nous construirons, grâce au Sénat, un nouvel arsenal législatif.
Nous gagnerons ce combat, car la volonté est là. En politique, la volonté est ce qui anime l'action. Elle dépasse les clivages politiques. C'est une chance. Saisissons-la, pour montrer à nos compatriotes que la politique ne débouche pas toujours sur l'immobilisme. Lorsque la nation est rassemblée, nous pouvons relever des défis difficiles. Il faut donner, grâce à ce texte, une première victoire à la République française, que nous représentons et servons tous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur certaines travées du groupe UC et du RDPI)
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . - La lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée est une priorité du Gouvernement. Elle ne concerne pas seulement la justice et l'intérieur. Les pertes de recettes fiscales considérables que ces trafics engendrent sont intolérables, au vu de la situation budgétaire du pays.
Mme Nathalie Goulet. - Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - C'est aussi une question de crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens et internationaux. Notre main ne doit pas trembler.
Chaque jour, les services de Bercy accomplissent un travail considérable pour lutter contre le blanchiment et les flux financiers illicites. Je salue la mobilisation de la douane - et notamment de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières - et de Tracfin.
Ainsi, la douane est à l'origine de 60 % à 75 % des saisies de stupéfiants.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. - Bravo !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Elle collabore avec l'autorité judiciaire et inscrit son action dans le cadre interministériel du plan national de lutte contre les stupéfiants.
Tracfin identifie les avoirs criminels des têtes de réseau et peut organiser la saisie rapide de leurs comptes bancaires en France. Depuis septembre 2023, 40 millions d'euros d'avoirs financiers ont été saisis sur les comptes de sociétés dites lessiveuses. En 2024, le service a mis à jour des réseaux structurés, agissant bien au-delà de nos frontières, ce qui a facilité le travail des magistrats.
Cette proposition de loi est une étape majeure pour donner à nos services les moyens de leur action, dans un contexte où les criminels font preuve d'une grande ingénierie, avec des moyens inédits.
Nous ne pouvons prendre aucun retard. L'État doit pouvoir traquer les trafiquants partout où ils sévissent.
La proposition de loi renforce significativement les moyens d'action de mon ministère, avec tout d'abord, la création d'un dispositif de gel administratif des avoirs des narcotrafiquants. Ensuite, les fournisseurs de services sur cryptoactifs ne pourront plus proposer de comptes anonymes ou de mixeurs de cryptoactifs. Tracfin aura accès au système d'immatriculation des véhicules (SIV) pour élargir ses enquêtes. Enfin, la présomption de blanchiment douanier sera élargie aux cryptomonnaies.
Ces avancées sont précieuses, mais nous souhaitons aller plus loin.
Je vous remercie de vos propositions pour renforcer les moyens de l'Office national anti-fraude (Onaf). Nous souhaitons aussi que les agents des douanes aient accès à certaines données d'opérateurs privés des secteurs de la logistique et des transports. Nous souhaitons également que l'Onaf ait accès au fichier informatisé des données juridiques immobilières (Fidji). Les agents des douanes habilités doivent pouvoir effectuer des visites domiciliaires après 21 heures, sur ordonnance du juge des libertés et de la détention. Permettons aux lanceurs d'alerte de signaler des faits de blanchiment ou des trafics de stupéfiants à Tracfin.
Inversons la charge de la preuve de la provenance délictueuse des fonds, pour la mettre à la charge des fraudeurs. Le garde des sceaux l'a dit : nous voulons « taper les criminels au portefeuille ». C'est le sens de la procédure d'appréhension des comptes bancaires introduite en cas d'infraction douanière, alors qu'aujourd'hui les douaniers n'ont le droit de saisir que les voitures et les bateaux.
La lutte contre la criminalité organisée et le narcotrafic repose sur des femmes et des hommes engagés, que nous devons protéger. Pour éviter de partager nos techniques douanières avec les criminels au moment du procès, nous étendons la possibilité de créer un procès-verbal distinct. Les agents des douanes pourront aussi se pseudonymiser.
La vision du Gouvernement n'est pas que régalienne : elle inclut pleinement les enjeux financiers. Grâce à vous, l'État sera fort. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les conséquences humaines et sociales du narcotrafic sont dramatiques et nombre de quartiers en portent les stigmates. Les départements hyperurbanisés ne sont pas les seuls à être touchés. Les faits divers sont devenus des faits sociaux.
Les auditions de la commission d'enquête, dont j'étais membre, ont permis d'établir un constat préoccupant : réseaux très organisés ; développement de la violence et de la corruption ; certains territoires d'outre-mer devenus les plaques tournantes du trafic de cocaïne et de cannabis ; ubérisation du trafic, avec la création de centres d'appels de livraison à domicile ; sophistication des méthodes des criminels pour contourner la répression ; industrialisation du trafic.
Rien de tout cela n'est inévitable. Je me réjouis que le Sénat soit à l'initiative de ce rebond, grâce à ce texte. Bien sûr, certains points ne sont pas abordés, comme la prévention, qui mériterait un autre véhicule législatif. Nous avons besoin d'un débat de société sur l'addiction : comment les jeunes oubliés des politiques de la ville tombent-ils dans les mains des trafiquants ? Nous devons leur tendre la main solidaire de la République.
Le consensus sénatorial sur ce texte est attendu par nos concitoyens. Je salue la modification voulue par notre commission des lois sur le parquet national qui, de « antistupéfiants », deviendrait « anti-criminalité organisée ». Nous saluons les dispositifs prévus pour endiguer le blanchiment d'argent, ainsi que ceux sur le dossier-coffre et les procès-verbaux distincts, mais attention à ne pas fragiliser outre mesure les droits de la défense. La mesure me paraît toutefois suffisamment encadrée, limitée et proportionnée.
J'espère que cette future loi disposera des moyens financiers nécessaires à sa mise en oeuvre. Le RDSE votera, à l'unanimité, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ces propositions de loi prolongent le travail de notre commission d'enquête. Je félicite Étienne Blanc et Jérôme Durain. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Je salue nos forces de l'ordre et nos magistrats. Notre taux d'homicides est stable depuis dix ans, à 1 pour 100 000 habitants - en Amérique latine, c'est vingt fois plus ! La France est un pays sûr, l'État fonctionne, notre police et notre justice agissent. Mais elles doivent s'adapter, car nous entrons dans une nouvelle ère.
L'Amérique latine, c'est 8 % de la population mondiale, mais 37 % des homicides, dont plus des deux tiers sont commis par des groupes criminels. Auparavant, les cartels agissaient sur des territoires limités et se cantonnaient au trafic de cocaïne. Aujourd'hui, ils s'internationalisent et se diversifient - traite d'êtres humains, kidnappings, extorsions. Nos territoires ultramarins sont en première ligne. Nous pouvons voter toutes les lois du monde, mais, sans moyens, les résultats ne seront pas là.
Les pays consommateurs et les pays producteurs ne peuvent se renvoyer la balle. Il faut une coopération internationale renforcée. En Amérique latine, nous avons moins de dix attachés de sécurité intérieure ; un seul pour le Pérou et la Bolivie ; au Venezuela, il vient d'être expulsé.
En mai dernier, en Bolivie, j'ai assisté à la destruction d'un laboratoire de cocaïne, qui utilisait des précurseurs chimiques chinois, que l'on trouve sur internet. Dans les rues de New York, un revendeur de fentanyl - responsable de plus de 120 000 morts aux États-Unis en 2023 - gagne 30 000 dollars par semaine. Si bien que le président Biden a ajouté la Chine à la liste des pays producteurs de drogues. Hong-Kong est devenu le trou noir du blanchiment.
Le volet répressif ne résoudra rien à lui seul. Nous comptons plusieurs centaines de morts par overdose par an. Sur la route, un décès sur cinq implique un conducteur ayant consommé de la drogue.
Au-delà de ces mesures d'urgence, nous aurons besoin de politiques plus élaborées sur le long terme, notamment sur la prévention, mais aussi d'une approche européenne, avec de vrais moyens de coopération internationale contre le crime organisé.
Empêchons l'arrivée de la drogue sur notre territoire. Aurions-nous réussi à vaincre le terrorisme sans combattre Daech sur son terrain, en Syrie et en Iraq ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jérémy Bacchi . - (M. Fabien Gay applaudit.) En 2023, avec 49 narcohomicides, Marseille fut au centre d'une actualité dramatique. D'où notre demande, avec Guy Benarroche et Marie-Arlette Carlotti, d'une commission d'enquête. Enfant des quartiers nord, je sais que ma ville ne se résume pas à cela, mais comment ne pas voir le développement d'un trafic de plus en plus structuré par les mafias ? En janvier 2024, avec d'autres acteurs, j'ai dénoncé le poids de la mafia dans ma ville, dans mon département et dans le pays. Car c'est bel et bien un problème national et international.
Je rends hommage à Pio La Torre, député communiste italien, assassiné par la mafia en 1982. Je pense aussi à François Billoux, député et ministre communiste, à l'origine de l'opération Marseille propre. Le communiste que je suis sera toujours en lutte acharnée contre ces réseaux et ces mafias. Comment ça, un communiste appelle à l'ordre ? Mais les premières victimes des narcotrafics sont les plus précaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jérôme Durain et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.) Si l'État les a parfois abandonnés, les narcotrafiquants sont, eux, bien présents, profitant des failles de notre État social.
Il faudra réinvestir tous les territoires de la République. Là où l'État est fort, le narcotrafic recule. Là où l'État est faible, les mafias prospèrent. Un État fort, ce sont des services publics de qualité, partout et pour tous. L'État doit aussi protéger les 350 000 mineurs de l'aide sociale à l'enfance (ASE), recrutés par les mafias à la sortie des foyers. Mais les moyens ne sont pas à la hauteur !
Il faut aussi protéger les professionnels en première ligne face aux narcotrafiquants - avocats, dockers, personnel portuaire et pénitentiaire, douaniers - , plutôt que de les présumer coupables ou complices. Nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens.
Enfin, il faut agir avec cohérence et détermination. Dans le contexte actuel, la réforme de la police judiciaire paraît d'autant plus surprenante ; nous attendons son retour. Cela doit aussi s'incarner dans notre diplomatie. Élevons la voix contre les pays producteurs !
Le groupe CRCE-Kanaky, convaincu que la lutte contre le narcotrafic s'intègre dans un projet de développement économique, social, démocratique et populaire, votera ces propositions de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et Les Républicains ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur quelques travées du GEST et du groupe SER.) Ces propositions de loi font suite à la commission d'enquête demandée par les sénateurs de gauche de Marseille, et reprise par Bruno Retailleau. Je m'en félicite.
La commission d'enquête dresse le constat de l'échec des politiques de l'esbroufe, des places nettes, des opérations XXL : plus de saisies, plus de personnes en prison, mais le trafic n'a cessé d'augmenter.
Je regrette qu'un projet de loi, qui était prêt selon Éric Dupond-Moretti, n'ait pas été déposé - ce qui nous aurait permis de disposer d'une réelle étude d'impact et d'une garantie d'engagement de moyens budgétaires de l'État.
Rien n'est prévu sur la prévention. Aucune campagne en direction des consommateurs, ni des personnes en grande précarité, le « lumpenprolétariat » de cette industrie. Rien pour éviter l'entrée dans la consommation. Rien sur les parcours de soins ou la prise en charge des addictions, ni sur l'intérêt de légaliser certains usages. Rien sur la politique de la ville, sur la lutte contre les précarités, sur le logement, sur l'insertion par l'école, sur la réinsertion par le travail. Rien sur l'accompagnement des victimes et de leurs familles.
Une magistrate de Marseille avait dit craindre que nous ne soyons en train de perdre la lutte contre les trafiquants, pointant le manque de moyens humains et matériels. Ces textes contiennent des mesures attendues, des avancées certaines. Mais seuls et sans moyens, les juges ne suffiront pas pour déjouer le piège du narcotrafic, nec plus ultra du capitalisme libéral mondialisé. Nous apprécions que l'on sorte enfin de cette focalisation sur le bas de la chaîne, les consommateurs et les produits, pour enfin frapper les trafiquants au porte-monnaie.
Les articles sur le blanchiment étaient attendus et nous saluons la prise en compte de la corruption.
Nous resterons très vigilants sur l'équilibre du texte. Notre combat acharné ne doit pas nous empêcher de garantir les droits de la défense. Nous serons attentifs aux mesures dérogatoires telles que l'allongement des périodes de privation de liberté - détention provisoire et garde à vue.
La création d'un parquet national non limité aux stupéfiants est nécessaire, car ce trafic n'est qu'une facette du narcotrafic.
La vision de notre groupe est souvent décriée, mais elle est globale. Loin des caricatures, nous voulons lutter contre une criminalité qui terrorise nos villes et tente de corrompre les plus précaires.
Nous devons mobiliser tous les moyens de l'État nécessaires, y compris ceux dont j'ai parlé et qui ne sont pas dans ces textes, pour lutter contre les gros actionnaires du narcotrafic. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; M. Jérémy Bacchi applaudit également.)
Mme Corinne Narassiguin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le narcotrafic fait des ravages partout - dans les villes, les campagnes, outre-mer. Ses victimes sont nombreuses, souvent très jeunes.
Je salue l'excellent travail de Jérôme Durain et d'Étienne Blanc, pour mieux armer notre État face au narcotrafic et à la violence qu'il induit.
Le groupe SER salue la réorganisation et la spécialisation des acteurs - renforcement de l'Ofast, création d'un parquet national anti-criminalité organisée - , ainsi que l'introduction de nouveaux outils, comme la procédure d'injonction ou le gel judiciaire des avoirs - car frapper au portefeuille est plus dissuasif que la prison.
Mais des garde-fous sont nécessaires. Nous proposerons de renforcer les contrôles de la Cnil et de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).
Si nous sommes désarmés face au narcotrafic, c'est par manque de moyens financiers. Nous devons investir massivement dans notre justice. Mais sans désarmer les avocats en violant les droits de la défense.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Bravo !
Mme Corinne Narassiguin. - Le code de procédure pénale est constitutif de notre État de droit. Le groupe SER sera vigilant pour trouver le juste équilibre entre lutte contre le narcotrafic et respect de nos principes fondamentaux et de nos libertés individuelles. Nous déposerons des amendements en ce sens.
Nous saluons les dispositifs de lutte contre la pénétration du narcotrafic en prison, mais souhaitons aussi maintenir des conditions de détention dignes, qui évitent la récidive.
Nous souscrivons aux objectifs : il faut réarmer la justice et la police ; mais nous resterons vigilants quant au respect de notre État de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Stéphane Ravier . - Le 11 septembre 2023, Socayna, 24 ans, était tuée par la balle perdue d'un narcoterroriste. Ce n'était ni à Bogota ni à Mexico, mais à Marseille ! Émotion, colère, et puis... On est passé à autre chose. Faut-il que le ministre de la justice soit menacé d'enlèvement, comme aux Pays-Bas, pour que vous agissiez et que la France ne devienne pas un narco-État ?
Ce terrorisme du quotidien entraîne l'incarcération d'habitants de cités entières, soumis à un contrôle aux frontières. Avant d'entrer, on est fouillés - je l'ai été ! Avec ce terrorisme de moyenne ampleur, on a honte d'habiter dans certains quartiers de la deuxième ville de France !
Trouver un modus vivendi avec les dealers et légaliser le cannabis, comme le proposent le maire de Grenoble et les gauchos collabos, leur donnerait la victoire ! (M. Damien Michallet renchérit.)
M. Thomas Dossus. - Parlons-en, des collabos ! (M. Guy Benarroche renchérit.)
M. Stéphane Ravier. - La moitié des trafiquants sont des clandestins. Cette submersion n'est pas un sentiment, mais une réalité. Et les noms des réseaux font référence à des systèmes de valeurs étrangères. Pourtant, monsieur le ministre de l'intérieur, lors de votre venue à Marseille, vous n'avez jamais prononcé le mot immigration ! Nulle lutte efficace contre le narcotrafic, sans lutte contre l'immigration.
Mon rapport parlementaire de terrain est ignoré depuis si longtemps ! Entendez au moins la voix des victimes de ce trafic, en instaurant une prévention tous azimuts ! Car la drogue, c'est d'abord une affaire de santé publique. Du producteur au consommateur, soyons impitoyables. À l'égard des pays producteurs, « trumpisons » nos mesures : sans coopération, plus de visas, plus d'aide au développement, plus d'accueil d'étudiants ! En aval, il faut verbaliser lourdement les consommateurs avec saisie sur salaire ou prestation sociale, sortie de Schengen, expulsion de tous les clandestins, déclaration de l'état d'urgence avec l'appui de l'armée dans les territoires conquis.
Et que l'on ne vienne pas me bassiner avec la pseudo excuse sociale : il n'y a pas de trafic de drogue en Corrèze ou dans la Creuse, les deux départements les plus pauvres de France ! (« Si ! » à gauche)
M. Guy Benarroche. - N'importe quoi !
Mme Cécile Cukierman. - Faut sortir de chez soi...
M. Stéphane Ravier. - Alors que les cités bénéficient du torrent d'argent public de la politique de ville depuis des décennies,... (Protestations à gauche)
Mme la présidente. - Il faut conclure.
M. Stéphane Ravier. - ... et alors que les magistrats marseillais craignent le financement des campagnes électorales par les narcoterroristes, nous devons avant tout nous doter des moyens de gagner cette guerre ! (Protestations à gauche, l'orateur ayant dépassé son temps de parole.)
M. Patrick Kanner. - Au revoir !
M. Stéphane Ravier. - Nous allons nous revoir !
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Trop longtemps, les stupéfiants ont été considérés sous le seul angle de leur usage récréatif. Ni notre arsenal législatif ni notre politique pénale n'ont permis d'endiguer la consommation et le trafic. C'est un marché juteux - entre 3 et 6 milliards d'euros. En 2024, 47 tonnes de cocaïne et 88 tonnes de cannabis ont été saisies : cela donne le vertige.
C'est le reflet des névroses de notre société. Mon cher collègue, ne vous en déplaise, la drogue est partout : à la ville, comme à la campagne. (M. Thomas Dossus renchérit.) Plus d'un million de nos concitoyens ont consommé de la cocaïne en 2023.
Mais derrière cette consommation personnelle, il y a les victimes abattues par les trafiquants. Les consommateurs détournent les yeux des crimes atroces commis par les cartels latino-américains et pas moins de 80 personnes ont été tuées par les réseaux mafieux en 2023.
La drogue ne tue pas seulement les trafiquants ou les usagers. Elle menace parfois des personnes sans lien avec le trafic : à Grenoble, une adolescente de 16 ans a été blessée par balle le 4 janvier dernier ; un chauffeur de VTC a été abattu par son jeune client, tueur à gages de 14 ans, qu'il refusait de conduire ; une jeune femme de 24 ans a été abattue, chez elle, à Marseille. Ces victimes doivent peser sur la conscience des consommateurs de drogues, car ce sont eux qui financent et arment les trafiquants. Hélas, la question de la consommation ne fait pas partie du texte. Sans doute parce que nous n'avons pas les mêmes opinions...
Certains voient le narcotrafic uniquement comme une conséquence du capitalisme et du libéralisme, et ce sont les mêmes qui prônent la légalisation - qui n'a pas fait ses preuves - et proposent de lutter contre le narcotrafic à coups d'aides sociales : ce n'est pas notre vision. La pauvreté ne conduit pas automatiquement à la délinquance. Prétendre le contraire, c'est bafouer ceux de nos concitoyens qui gagnent leur vie honnêtement !
Le vent tourne, et nous serons nombreux à voter ces textes.
La chaîne pénale en matière de criminalité organisée mérite d'être spécialisée, car c'est une matière complexe et une menace pour notre société. La proposition de loi modernise et améliore la procédure applicable à la poursuite des trafics dans le cyberespace.
Le groupe Les Indépendants votera ces textes, qui ne doivent cependant pas fragiliser les droits de la défense, au coeur de notre État de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Lauriane Josende . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Face à la progression incontrôlée du narcotrafic, nous devons apporter une réponse claire, sans ambiguïté. Le rapport transpartisan adopté à l'unanimité le 14 mai dernier fait un constat sans appel : le narcotrafic se développe, notamment dans les villes moyennes, mais aussi dans les zones rurales, autrefois épargnées.
Mon département, les Pyrénées-Orientales, est particulièrement touché, en raison de sa proximité avec l'Espagne. En 2024, 18 tonnes de cannabis et 495 kilogrammes de cocaïne ont été saisis. Le point de deal de Perpignan rapporte à lui seul entre 35 000 et 50 000 euros de chiffre d'affaires quotidien, gérés depuis l'étranger.
Les élus locaux, magistrats et policiers m'ont fait part de leurs préoccupations. Les épiceries de nuit, façades pour le trafic, créent de graves troubles à l'ordre public. De nombreux maires sont agressés par ces pseudo-commerçants. Voilà pourquoi je soutiens l'amendement des rapporteurs sur les fermetures administratives prononcées par le préfet - c'est très attendu.
Le parc locatif public est aussi une cible privilégiée des narcotrafiquants ; or les bailleurs sociaux sont démunis. J'ai demandé la rédaction d'un rapport au Gouvernement sur ce sujet.
L'assassinat de deux agents à Incarville a rappelé que la sécurisation des convois pénitentiaires était un enjeu majeur. Les agents pénitentiaires ont peur désormais. Ils demandent des tribunaux délocalisés et des audiences en visioconférence. L'État doit mettre tout en oeuvre pour les protéger. J'ai donc déposé un amendement pour doter l'administration pénitentiaire d'outils efficaces de protection, comme des caméras embarquées dans les véhicules.
Nous sommes à un point de bascule. Le piège du narcotrafic se referme lentement sur notre pays. Nous devons agir. Le retard pris est déjà trop grand.
Nos concitoyens, les acteurs et les élus locaux attendent des réponses fortes, que nous saurons leur donner. Le groupe Les Républicains votera ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - Enfin ! La France se donne enfin les moyens de lutter contre le narcotrafic.
Ce problème n'est pas nouveau et le Sénat a déjà publié plusieurs rapports d'information. Le phénomène a toutefois explosé ces dernières années, comme le montre l'augmentation des saisies de cocaïne, de 27 tonnes en 2022 à 47 tonnes en 2024.
Nous devons reconnaître qu'à chaque fois nous avons été alertés : en 2022 par la douane, en 2020 par la Guyane, devenue terre de transit.
Le texte que nous examinons découle de plusieurs auditions et visites de terrain de la commission d'enquête, dont j'ai été vice-présidente. Je félicite Étienne Blanc et Jérôme Durain pour leur travail. Jamais nous n'avons eu une vision aussi globale du narcotrafic sur l'ensemble du territoire français.
Ce texte renforce le volet pénal, consolide les moyens pour lutter contre le blanchiment et crée un parquet national spécialisé.
Guyanaise, je rappelle que les territoires ultramarins subissent de plein fouet ce trafic en raison de leur proximité avec les pays producteurs. En Guyane, toutes les familles sont touchées par ce fléau, à cause de la pauvreté et du manque d'opportunités professionnelles. Le phénomène s'est étendu à la Martinique et à la Guadeloupe quand le passage par l'aéroport de Cayenne est devenu plus complexe. Je salue donc le prolongement de la garde à vue médicale et le renforcement des peines d'interdiction d'embarquer, afin d'enrayer le phénomène des mules.
Mais quid de notre jeunesse ? La mère de famille que je suis ne peut accepter que la lutte contre le trafic de stupéfiants ne soit qu'une question de répression. Il faut penser aussi à la prévention, à la solidarité, et offrir des alternatives aux jeunes, qui sinon se laissent entraîner dans cette spirale infernale.
Le rapport du Sénat de 2020 sur le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane avait préconisé le développement de formations pour les jeunes et le renforcement de la prévention... Mais ces recommandations n'ont jamais été suivies d'effets. Je le regrette amèrement. Il faut privilégier une approche humaine et globale.
Je salue la compétence universelle en matière de stupéfiants. La Marine nationale pourra plus facilement contrôler les navires en haute mer, notamment dans les Antilles.
Je regrette que cette proposition de loi n'aille pas plus loin dans la coopération avec les pays producteurs de cocaïne, ce qui était une recommandation de la commission d'enquête.
Néanmoins, cette proposition de loi, très ambitieuse, va dans le bon sens. Enfin, la France se dote des moyens nécessaires. Le RDPI votera ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. André Guiol applaudit également.)
M. Pascal Martin . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le narcotrafic est une menace pour les intérêts fondamentaux de notre nation. Nous sommes à un point de rupture. Nous pouvons peut-être encore redresser la barre pour éviter la mexicanisation de notre pays. L'offre et la demande de stupéfiants explosent, mettant en péril nos territoires, la santé de nos compatriotes et gangrenant nos institutions.
Sénateur de la Seine-Maritime, je vois combien le tsunami blanc fait des ravages dans le port du Havre, avant d'inonder tout le territoire. Nos forces de l'ordre, douaniers, magistrats, élus locaux luttent à armes inégales contre des organisations violentes et déterminées. Nos dockers font face à des tentatives d'intimidation, de corruption, de chantage et d'omerta.
Cette proposition de loi est une réponse forte à ce fléau. Je salue la qualité des travaux d'Étienne Blanc et de Jérôme Durain.
Le renforcement de l'Ofast et la création du parquet national favoriseront une meilleure coordination de la lutte contre ces réseaux. Mais il faudra mobiliser les moyens humains et matériels nécessaires, sans fragiliser les acquis des juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) ni de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), dont l'expertise est précieuse.
Dans nos communes, les maires doivent pouvoir signaler certains commerces suspects, sans se mettre une cible dans le dos. C'est donc avec sagesse que la commission a supprimé le monopole de signalement, qui aurait conduit à des représailles.
La proposition de loi cible également les recruteurs de jeunes adolescents sur les réseaux sociaux : aucune tolérance pour eux !
Nous devons protéger les agents des ports et aéroports, poumons économiques de notre pays, sans trop ralentir le flux de marchandises.
En commission, Muriel Jourda et Jérôme Durain ont réalisé un travail minutieux de sécurisation juridique du texte. Nous espérons qu'il sera encore amélioré en séance et bientôt inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Protégeons notre jeunesse, défendons nos territoires, et réaffirmons que l'État de droit est plus fort que les mafias. Les sénateurs du groupe UC voteront ces textes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Arlette Carlotti . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En 2023, avec Guy Benarroche et Jérémy Bacchi, nous demandions une commission d'enquête, nous faisant les porte-voix des familles endeuillées par le narcotrafic et des quartiers populaires sous la coupe des trafiquants.
Cette année-là, la guerre des gangs allait faire 49 narchomicides à Marseille. Nous pensions que notre ville était maudite - mais la commission d'enquête a montré que toute la France était submergée par le trafic, que la menace était générale.
Nous sommes sur une ligne de crête. Je remercie Étienne Blanc et Jérôme Durain d'avoir déclenché une prise de conscience et de nous avoir permis de proposer une réponse commune.
Le rapport du Sénat appelle à viser le haut du spectre, ceux qui vivent heureux à Dubaï ou au Maroc, ceux qui commanditent des meurtres depuis nos prisons. Le garde des sceaux a commencé à s'attaquer aux conditions de détention des narcos, c'est une bonne chose. Mais la mère des batailles, c'est la lutte contre le blanchiment : il faut s'en prendre aux gros bonnets, toucher leur patrimoine.
Rien ne se fera sans une coordination des services et un renforcement de l'Ofast. Il faudra mettre en place le Pnaco rapidement, et répondre à la demande de sécurité des citoyens et des élus, démunis. Il faut protéger les mineurs des violences que leur font subir des trafiquants. Monsieur le ministre, vous avez rencontré à Marseille ces mères célibataires, meurtries, stigmatisées - je sais qu'elles vous ont ému. (M. Bruno Retailleau le confirme.) L'accompagnement, la prévention, l'éducation seront nos prochains chantiers.
Rien ne serait pire que les choses traînent par manque de moyens, une fois la loi adoptée. Donnons aux magistrats, aux policiers, aux douaniers, aux agents pénitentiaires les moyens de lutter à armes égales. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K) du GEST ainsi que du groupe UC)
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ces deux propositions de loi sont issues de la commission d'enquête souhaitée par le groupe Les Républicains. Je salue le travail d'Étienne Blanc et de Jérôme Durain, qui a abouti à ce texte nécessaire.
Le fléau du narcotrafic met la France en péril. À raison, Bruno Retailleau veut lutter contre cette menace existentielle avec les mêmes outils que ceux utilisés pour combattre le terrorisme islamiste.
Le narcotrafic menace au quotidien notre sécurité, en métropole comme en outre-mer, dans nos villes comme nos campagnes. Les chiffres explosent. Nos libertés individuelles sont menacées quand des Français ne peuvent plus sortir après 17 heures, que des enfants ne peuvent plus jouer dehors, qu'il faut décliner son identité pour rentrer chez soi !
Nos élus locaux, en première ligne, sont menacés quand ils résistent - on l'a vu récemment à Mâcon. Pour l'avoir vécu quand j'étais maire, je comprends que ce combat devienne trop lourd pour certains.
Les narcotrafiquants recrutent sans peine des jeunes qui passent des heures assis, à chouffer, à siffler ; l'argent facile les conduit au décrochage scolaire, à la marginalisation, parfois à la mort. Quel gâchis !
Ayons le courage de lutter contre l'économie parallèle qui gangrène nos quartiers.
Les rapporteurs ont souligné l'implication sans faille des services publics, mais aussi l'insuffisance de leurs moyens organisationnels, juridiques et humains face à des narcotrafiquants aux moyens colossaux, capables de corrompre des agents publics au sein même de nos prisons.
Il faut bien sûr mener le combat avec les pays producteurs, mais aussi nous doter d'outils pour lutter à l'intérieur de nos frontières.
Le narcotrafic pose un problème de santé publique. À quand une grande campagne sur les conséquences dramatiques de la drogue sur la santé mentale, alors que les taux de THC explosent, entraînant des addictions de plus en plus rapides et nocives ? Les plus anciens d'entre nous se souviennent du livre du Dr Claude Olievenstein, en 1977 : Il n'y a pas de drogués heureux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)
Mme Audrey Linkenheld . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Chacun a conscience de la menace pesant sur notre pays. Les maires sont les premiers à être interpellés par les habitants qui subissent les nuisances du narcotrafic ; les premiers à constater le manque de moyens publics face à la criminalité organisée, le développement d'une économie parallèle qui attire les jeunes dans ses filets, le remplacement de commerces de proximité par d'autres, de façade, qui servent au blanchiment... Ils sont aussi les premiers à mesurer les conséquences sociales et sanitaires du trafic. Impuissants, ils voient croître le nombre de consommateurs, qui sont les premières victimes.
Pour le groupe SER, il est dans l'intérêt de nos territoires de parler de l'accompagnement des consommateurs. Pas forcément pour légaliser ou dépénaliser - même si cela ne me heurte pas - mais pour accompagner ceux sur lesquels le piège s'est refermé, qui errent, souvent dans la plus grande précarité, à la recherche de cette dose jamais suffisante. Nos amendements sur le pilotage de la prévention ou les haltes soins addictions n'étaient pas hors sujet : pour nous, la prévention, les soins, la mise à l'abri sont aussi un moyen de retrouver l'apaisement, la tranquillité et la sécurité publique tant attendus. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Ce que nous avons fait contre le terrorisme, nous devons le faire contre le narcotrafic, avec la même détermination dans l'action, la même concentration dans la durée, mais aussi avec un nouvel éventail de mesures législatives. » Par ces mots, monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez donné un cap. Merci pour votre action qui donnera, nous l'espérons, des résultats concrets. (« Très bien ! » à droite) Oui, la lutte contre le narcotrafic doit devenir une grande cause nationale. À Marseille, en 2023, 49 narchomicides - je pense à Socayna, tuée dans sa chambre d'une balle perdue. Si la première opération Place nette XXL a été menée à la Castellane, c'est que notre ville, comme tant d'autres, est gangrenée par la drogue et la violence.
Les zones urbaines comme rurales, l'Hexagone comme l'outre-mer sont touchées. Ce ne sont pas des zones de non-droit, mais d'un autre droit, où la voyoucratie, les mafias, l'immigration de masse, l'islamisme édictent leurs propres règles. Assassinats, règlements de compte, victimes collatérales, guet-apens contre la police se multiplient.
Notre commission d'enquête a fait un travail de fond. Merci à son président Jérôme Durain et à son rapporteur Étienne Blanc d'avoir élaboré les propositions de loi qui nous sont soumises, merci à Muriel Jourda pour son travail de rapporteur.
Si ce texte d'origine parlementaire prospère, c'est que nous sommes des élus de terrain. Nous voyons les ravages de la drogue, ces familles otages de mafias sans pitié, obsédées par l'appât du gain, ces quartiers gangrenés, malgré l'argent public englouti, ces pieds d'immeuble, ces commerces bidon, ces vies volées, gâchées. Cela doit cesser !
Le premier texte traduit les recommandations transpartisanes de notre commission d'enquête - c'est l'esprit du Sénat. Le second vise à créer un parquet national anti-stupéfiants.
La création d'un DEA à la française nous rendra plus efficaces. Bien sûr, il faut protéger les droits des justiciables et les libertés publiques, mais plus nous tardons, plus le narcotrafic gangrène le pays. Crise sociale, éducation, santé, insécurité, immigration, séparatisme, financement du terrorisme, corruption, blanchiment : la lutte contre les trafics touche tous ces sujets et menace notre démocratie.
Nous devons gagner cette bataille sans cesser de rappeler que la drogue, c'est du malheur et du sang. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles de la proposition de loi
Avant l'article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°179 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il faut des moyens, a dit le ministre de l'intérieur. Financiers ? Non, il parlait de moyens juridiques. Pourtant, les moyens financiers manquent !
La commission d'enquête a entendu la Junalco ; la procureure de Paris a dû renforcer la division en charge des stups, au détriment d'autres ; le procureur général près la Cour de cassation craint la remise en liberté d'accusés dangereux ; à Marseille, le procureur de la République et le président du tribunal judiciaire appellent à un plan Marshall contre le narcotrafic. Aux Antilles, à l'Ofast, le sous-effectif est chronique. Sans renforts en personnel et en équipement, ce que nous votons restera lettre morte.
Cet amendement demande au Gouvernement de nous indiquer quels seront les moyens alloués à la justice en matière de lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée.
Hier soir, le ministre de la justice annonçait le recrutement de 150 magistrats d'ici à 2027, dont 100 pour la criminalité organisée. Mais le Sénat a supprimé 924 postes dans la justice... Le Gouvernement peut-il nous apporter des précisions ? Cet amendement demande un rapport.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Sur le fond, je laisserai le ministre s'exprimer. Les moyens comptent, mais l'organisation tout autant.
Sur la demande de rapport, avis défavorable : nous disposons d'un pouvoir de contrôle.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Parfait.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Votre question s'adressait au garde des sceaux, mais je réponds au nom du Gouvernement. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le confirme.) Mon homologue brésilien est à la fois ministre de la justice et de l'intérieur - ce n'est pas mon cas, ni mon rêve. (Exclamations amusées)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Formidable !
M. Olivier Paccaud. - Une idée à creuser !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis défavorable. Gérald Darmanin a prévu des effectifs supplémentaires pour la justice.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et vous ?
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - J'y reviendrai, mais nous mettrons aussi des moyens, notamment pour créer l'état-major qui luttera contre la criminalité organisée.
L'amendement n°179 n'est pas adopté.
Article 1er
M. Olivier Paccaud . - Que jamais la loi du crime ne puisse remplacer celle de la République ! Depuis la nuit des temps, le banditisme existe : de la cour des Miracles à la French connection, en passant par les apaches de la Belle Époque, le crime organisé n'a cessé de se renouveler. Depuis toujours également, l'homme tente d'écarter la loi du plus fort. La morale judéo-chrétienne qui fonde notre droit l'énonce : « tu ne tueras point, tu ne voleras point. » Le contrat social repose sur la capacité de l'État à protéger ses concitoyens. L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen cite parmi les droits imprescriptibles et naturels « la liberté, la propriété, la sûreté, la résistance à l'oppression. »
Avec le narcotrafic, la réalité dépasse les fictions les plus brutales : Scarface est un conte pour enfants ! Face à l'ultraviolence, à l'ensauvagement, à la voyoucratie qui s'attaque désormais aux États, c'est une guerre que nous devons mener.
Il est vital de s'armer, humainement, techniquement, juridiquement, pour doter notre État de droit, notre justice, nos forces de l'ordre des moyens d'éradiquer ce trafic qui décime notre jeunesse et ronge notre société. Tolérance zéro pour les narcotrafiquants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue l'excellent rapport Blanc-Durain, qui fera. Nous sommes tous conscients de la révolution perverse qu'entraîne le narcotrafic dans notre quotidien : au-delà des meurtres, des crimes, il mine le lien social, le vivre ensemble.
L'article 1er, qui réclame des moyens supplémentaires pour l'Ofast, est de bon sens. Jérôme Durain a entendu ses responsables en Martinique, qui demandent un renforcement, en moyens et en autorité, afin que l'Ofast devienne le pôle central de la lutte contre le narcotrafic. La réglementation doit s'adapter. À situation exceptionnelle, il faut des moyens exceptionnels, et une application plus fluide et rapide de la loi, pour ne pas être pris de court par ceux qui courent plus vite que nous.
M. Marc-Philippe Daubresse . - Nous sommes tous heureux de voir cette commission d'enquête transpartisane aboutir à des résultats consensuels. La création d'un Pnaco est une bonne chose. L'essentiel sera dans son organisation. J'ai participé à la création du Pnat, qui a été d'une efficacité redoutable. Trouvons le même type d'organisation.
L'amendement n°155 rectifié du Gouvernement prévoit la création, par voie réglementaire, d'un chef de filat pour mettre en synergie tous les services en charge de la criminalité organisée. Osons prononcer le mot de police judiciaire ! Tous les services de la police judiciaire, les offices centraux concourent à la lutte contre le blanchiment et le narcotrafic - mais les liens entre niveau central et territorial se sont distendus.
Monsieur le ministre, il faut préciser les choses dans votre amendement. Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup...
Mme Audrey Linkenheld. - Expression lilloise !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et labellisée. (Sourires)
M. Olivier Paccaud. - Il y a des droits d'auteur !
M. Guy Benarroche . - Un mot sur la méthode. Je regrette le dépôt très tardif des 41 amendements du Gouvernement, dont certains très techniques, que nous n'avons pas pu étudier sereinement. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.) Cela ne participe pas à la clarté et à la sincérité du débat parlementaire.
Notre commission d'enquête, nos rapporteurs ont travaillé longuement et consciencieusement. Il est navrant de voir le Gouvernement agir avec autant de légèreté - ou de cynisme.
Si vous avez autant d'idées abouties, reprenez-les donc dans un projet de loi ! Ainsi, nous aurons l'avis du Conseil d'État.
La commission d'enquête a beaucoup réfléchi aux moyens de réarmer l'Ofast, qu'elle a auditionné. Nous regrettons que votre amendement renvoie au décret.
M. Hussein Bourgi . - Nous saluons le travail transpartisan réalisé. Tous, nous constatons le fléau que constitue le narcotrafic. Ce constat transpartisan, cet état d'esprit constructif, nous le voyons chez les maires, chez les gendarmes et les policiers, dans la population. J'aimerais qu'il gagne aussi certaines corporations qui considèrent - et affirment dans des tribunes - que cette proposition de loi remettrait en cause les droits de la défense, telle liberté publique, tel droit fondamental.
Je m'inscris en faux : on ne peut pas dénoncer le narcotrafic et considérer que l'arsenal législatif et judiciaire actuel est suffisant ! Il faut l'améliorer, le parfaire. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC ; Mme Catherine Conconne, MM. Denis Bouad, Jean-Michel Arnaud et Laurent Somon applaudissent également.)
Si les outils nouveaux ne sont pas accompagnés de moyens, nous risquons de décevoir les policiers et les gendarmes, les magistrats, les élus locaux, les bailleurs sociaux, la population. Soyons à la hauteur de leurs attentes. (Applaudissements sur quelques travées des groupes SER, UC et Les Républicains)
Mme Corinne Narassiguin . - Je regrette que les amendements du Gouvernement aient été déposés si tardivement. Je comprends qu'il faille réimaginer l'article 1er, puisqu'à l'article 2, nous transformons le Pnast en Pnaco. Mais se contenter d'un dispositif réglementaire pose la question de la coordination entre les ministères, sur un sujet où l'on a besoin de plus d'interministériel. Y a-t-il une volonté de pilotage politique ? L'Ofast doit rester centré sur la lutte contre les stupéfiants.
Mme la présidente. - Amendement n°155 rectifié du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Cet amendement fonde le dispositif de lutte contre la criminalité organisée au sein du ministère de l'intérieur. La rédaction initiale confiait cette fonction à l'Ofast, inscrivant son organisation - pourtant d'ordre réglementaire - dans la loi.
Je vous propose ici un alignement en miroir sur le Pnaco, avec, en face de l'organisation juridictionnelle, une organisation opérationnelle, pour lutter non seulement contre les stupéfiants mais contre la criminalité organisée. Alignement en miroir également sur ce qui a été fait dans le combat contre le terrorisme, avec l'état-major permanent (EMaP) réunissant les services de renseignement et les services judiciaires d'enquête. L'an dernier, neuf attentats, aucune victime ! Or l'EMap n'a pas été créé par la loi, ni même par un décret en Conseil d'État.
Nous proposons que la DNPJ soit cheffe de file de cet état-major, car elle s'occupe déjà de 85 % des affaires de criminalité organisée. À Nanterre, il y aura sur un même plateau, en permanence, l'armée, la DGSE, les services de mon ministère, les douanes, Tracfin, le service de renseignement de la justice. Cette organisation robuste sera précisée par décret en Conseil d'État ; le chef de filat, par décret simple. Ne figeons pas dans la loi une organisation qui doit demeurer agile.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°261 de M. Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. - M. le ministre vient de me répondre : l'état-major, bras armé de la lutte contre la criminalité organisée, sera animé par la DNPJ. J'en suis satisfait. Mon sous-amendement visait à détailler les services que le ministre a cités.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°262 de M. Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Celui-ci est plus réducteur. Le ministre ayant pris un engagement public, je veux bien retirer ces deux sous-amendements.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je les reprends !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Facétieuse !
L'amendement n°5 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement identique n°196 de M. Bourgi.
M. Hussein Bourgi. - L'expertise de la police judiciaire est reconnue. La réforme votée l'an dernier n'a pas fait ses preuves sur le terrain. Avec cet amendement, nous remettons la police judiciaire au coeur du réacteur.
On se souvient que la réforme des renseignements généraux avait été suivie, quelques années plus tard, des émeutes dans les banlieues et des attentats islamistes. Pour nombre de chercheurs, ces risques auraient pu être détectés si nous avions conservé les renseignements généraux « à l'ancienne ». Ne reproduisons pas la même erreur.
Mme la présidente. - Amendement n°158 de Mme Narassiguin et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - Placer l'Ofast sous la tutelle du Premier ministre permettrait de renforcer son pilotage politique et sa dimension interministérielle, mais aussi de garantir ses moyens.
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié bis de Mme Goulet et M. Canévet.
Mme Nathalie Goulet. - Le texte initial prévoit que l'Ofast a autorité sur l'ensemble des services de renseignement. Cela pose problème. Cela dit, mon amendement tombera si celui du Gouvernement - que je voterai - est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°132 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Dans aucun pays, la répression n'a réglé le problème des toxicomanies, disait Pierre Mazeaud, alors député UDR et rapporteur de la loi de 1970 pénalisant l'usage de drogue. Sans approche sanitaire et sociale, l'action publique ne peut être efficace. En 2020, sur 162 204 interpellations pour infraction à la législation sur les stupéfiants, 81 % concernaient l'usage simple !
À quoi bon une loi sur le narcotrafic s'il n'y a rien sur le volet sanitaire et social ? Cet amendement relie l'Ofast à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).
Mme la présidente. - Amendement n°173 de M. Montaugé et du groupe SER.
M. Franck Montaugé. - La Cour des comptes appelle à renforcer la coordination des actions menées sur le terrain par les forces de sécurité intérieures. Le narcotrafic a gagné les zones rurales, qui deviennent des bases arrière pour les réseaux.
L'Ofast, par ses antennes locales, est le mieux placé pour orchestrer cette lutte de terrain. Lui confier la coordination des forces de sécurité intérieures sur l'ensemble du territoire garantira un maillage plus efficace et une meilleure collecte de renseignements. Monsieur le ministre, cette dimension territoriale, rurale, est absente de votre amendement.
Mme la présidente. - Amendement n°120 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Cet amendement permet aux magistrats du Pnaco ou de la cour d'assises de Paris de choisir le service d'enquête relevant de la DNPJ le plus adéquat pour l'affaire en question. Il pourra s'agir de l'Ofast, de l'Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) ou de l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF).
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Notre défi est de rétablir la symétrie et d'assurer la protection. Ce texte propose une boîte à outils et une nouvelle organisation. Celle-ci ne fait pas que compenser un manque de moyens : elle s'impose, pour être plus efficace et coordonné.
Il faut ensuite une organisation miroir entre le Pnast, devenu Pnaco, et les services opérationnels. Contrairement au terrorisme, le narcotrafic est un contentieux de masse (M. Bruno Retailleau le confirme) - d'où l'importance du caractère interministériel, du monopole criminel, du partage de renseignements.
Ces amendements traduisent votre adhésion impatiente : nous sommes alignés sur les principes, mais voulons être sûrs que l'organisation proposée par le Gouvernement atteigne son but.
Notre commission d'enquête avait souhaité donner un rôle clair à chaque acteur, avec un chef de file ayant autorité et un partage efficace de l'information. Nous proposions de faire de l'Ofast un service ad hoc, hors du giron de la DNPJ - mais le dispositif était perfectible.
L'amendement n°4 rectifié bis de Mme Goulet sur les services de renseignement est légitime ; je partage sa préoccupation.
L'amendement n°196 de M. Bourgi visant à élargir le champ de ce dispositif de pilotage à l'ensemble de la criminalité organisée est bienvenu. Pour que cette nouvelle architecture fonctionne, la jambe judiciaire et la jambe répressive doivent être de même longueur...
Nous avons intégré la préoccupation exprimée dans l'amendement n°120, comme en témoigne notre amendement à l'article 2.
S'agissant de l'amendement n°155 rectifié du Gouvernement, nous entendons qu'une certaine souplesse, une certaine agilité sont nécessaires face à une menace évolutive. Il nous paraît légitime que le pouvoir réglementaire organise son action, dans le respect des objectifs définis par le législateur.
Sur les sous-amendements nos261 rectifié et 262 rectifié, nous solliciterons l'avis du Gouvernement. Je note que la DGSI n'est citée nulle part dans la loi sur le terrorisme : il y a donc une forme d'homothétie entre les deux constructions.
Le ministre accepte de conserver un ancrage législatif, je m'en réjouis.
Service unique, partage systématique d'information : nous prenons !
Madame Souyris, nous avons choisi collectivement de ne pas traiter ici de la consommation, pour nous concentrer sur la répression.
Avis favorable à l'amendement n°155 rectifié du Gouvernement, qui fait tomber tous les autres. Avis du Gouvernement sur les sous-amendements nos261 rectifié et 262 rectifié.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Demande de retrait de tous ces amendements.
MM. Daubresse et Bourgi souhaitent que dans l'état-major, le chef de filat soit assuré par la DNPJ : c'est nécessaire, car elle gère déjà 85 % des affaires de criminalité organisée.
Madame Narassiguin, l'organisation que nous proposons est plus robuste.
Madame Goulet a raison, il fallait détacher les services de renseignement de l'Ofast - mais notre dispositif est plus solide.
Madame Souyris, nous sommes sur le volet répressif ; la Mildeca ne peut pas appartenir à cet état-major, qui relève du régalien, même si la prévention a évidemment toute son importance.
Monsieur Montaugé, l'approche territoriale est bien sûr importante. Les 104 Cross (cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants) - l'Ofast, lui, a 15 antennes et 9 détachements -, qui vont devenir Crossco, mailleront tout le territoire. Cela répond à votre souhait de territorialiser la lutte car hélas, les drogues dures sont désormais disponibles partout, jusque dans nos villages.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Merci de ces précisions, mais votre rédaction ne tourne pas, monsieur le ministre. Notre crainte est qu'au final, il ne se passe rien. L'Ofast s'occupe de la lutte contre les stupéfiants, il ne peut pas piloter l'ensemble de la lutte contre la criminalité organisée, vous avez raison. Si j'ai repris les sous-amendements de M. Daubresse, c'est pour vous inviter à sortir du flou. S'ils sont votés, alors pourrions-nous peut-être envisager de voter votre amendement, dans un esprit transpartisan !
M. Marc-Philippe Daubresse. - On est d'accord. Le ministre a détaillé la composition de l'état-major et précisé le chef de filat par la DNPJ, mon sous-amendement n°261 n'a donc plus d'objet. Il était trop détaillé, ces précisions étant du domaine réglementaire.
Mais si le ministre acceptait le sous-amendement n°262 rectifié, ce serait bien.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - On est d'accord !
Mme Corinne Narassiguin. - À l'origine, le texte créait un Pnast et non un Pnaco, non que l'enjeu de la criminalité organisée n'ait pas été identifié, mais pour que priorité demeure à la lutte contre le trafic de stupéfiants, qui doit rester le moteur de l'organisation.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Il faut associer non pas deux ministères, mais quatre : intérieur, justice, Bercy, armées. (Mme Audrey Linkenheld s'exclame.) À Nanterre, tous les services de renseignement, judiciaires et d'enquête seront regroupés dans le même lieu. Le patron, désigné par la DNPJ, sera accompagné de deux adjoints, l'un de la gendarmerie, l'autre des douanes.
Gardons de la souplesse, cela relève du réglementaire. On ne va pas passer par la loi pour changer le nom de la DNPJ !
L'EMaP n'a pas été créé par la loi : le seul décret, simple, visait la DGSI. Nous apportons ici une accroche législative : deux décrets, un en Conseil d'État et un décret simple, pour la DNPJ. Respectons le partage entre domaine de la loi et du règlement.
L'organigramme de l'état-major est robuste, et interministériel. Il nous permettra de coller au terrain, en nous dotant d'outils puissants.
Mme Nathalie Goulet. - Je retirerai l'amendement n°4 rectifié bis.
Il y a dix ans, je présidais une commission d'enquête sur les réseaux djihadistes. Nous avions alors constaté l'éparpillement des services et des difficultés de communication. Toutes les leçons en ont été tirées.
Une commission d'enquête à venir, sur la lutte contre la délinquance financière et la criminalité organisée, complétera utilement les travaux menés par la commission d'enquête sur le narcotrafic.
L'amendement n°155 rectifié semble satisfaisant. Il faut une organisation souple, comme l'a expliqué Bruno Retailleau.
L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis défavorable aux deux sous-amendements nos261 rectifié et 262 rectifié.
Le sous-amendement n°261 rectifié n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°262 rectifié.
L'amendement n°155 rectifié est adopté.
L'amendement n°196 n'a plus d'objet, non plus que les amendements nos158, 132, 173 et 120.
Mme la présidente. - Amendement n°121 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Le texte supprime la règle posée par la loi du 30 juillet 2021, selon laquelle les échanges de renseignement collectés par les services de renseignement sont subordonnés à une autorisation préalable du Premier ministre après avis de la CNCTR. Cela revient à supprimer tout contrôle sur les échanges d'informations entre les services de renseignement. Cette modification d'ampleur, qui dépasse le cadre de la lutte contre le narcotrafic, doit être supprimée.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Vous revenez sur une mesure adoptée en commission qui simplifie le dispositif. En l'état du droit, la procédure est particulièrement lourde, et manque de réactivité. Nous avons donc décidé d'élargir la simplification dont bénéficiait l'Ofast.
L'argument des auteurs de l'amendement n'est pas fondé. Les services du second cercle, à savoir de la police, de la gendarmerie et de l'administration pénitentiaire, ont largement vocation à collecter des informations pour lutter contre la criminalité organisée.
La mesure prévue par le texte ne se heurte pas à un obstacle constitutionnel, l'état de droit antérieur à la loi de 2021 ayant été jugé conforme à la Constitution. Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Avis défavorable. Nous avions voté la loi Renseignement en 2015, après les attentats ; en voulant mettre des garde-fous, le Gouvernement avait créé une usine à gaz.
Le Conseil constitutionnel, à deux reprises, a jugé tout cela superfétatoire. Il a confirmé que la formule qui vous est proposée est conforme à la loi fondamentale.
L'amendement n°121 n'est pas adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission des lois. - Nous souhaiterions une courte suspension de séance.
La séance, suspendue à 17 h 40, reprend à 18 heures.
Article 2
M. Guy Benarroche . - J'espère que ma prise de parole n'est pas rendue caduque par la discussion qui a eu lieu entre les rapporteurs et les ministres...
La création du Pnaco répond à une longue attente de notre groupe sur la nécessité de viser le haut du spectre, plutôt que de viser les consommateurs.
Mais attention, rien ne pourra se faire à moyens constants. Aucune des avancées du texte, y compris la création du Pnaco, n'aura d'impact sans moyens financiers. Les policiers et magistrats sont à bout, et modifier l'organisation comme nous le faisons n'y changera rien.
Les enquêtes sur le haut du spectre ont déjà été mises à mal par la réforme de la police judiciaire. La Junalco n'a pas été suffisamment soutenue. Les gouvernements successifs ont fait des annonces. Mais qu'est-ce qui sera exactement budgétisé ?
Nous serons aussi attentifs à la centralisation du Pnaco, qui ne devra pas nuire aux compétences des Jirs, pour lesquelles nous demandons une extension de périmètre et plus de moyens.
Mme la présidente. - Amendement n°220 et amendement n°221 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Je vais retirer les amendements nos220 et 221 au bénéfice du sous-amendement n°266 qui vise à modifier l'amendement n°248 de Mme la rapporteure.
Monsieur Benarroche, vous avez raison. La Junalco et les Jirs n'ont pas eu les moyens de travailler. La Junalco manque notamment de magistrats. Dès avril, elle aura cinq magistrats supplémentaires. Une quarantaine d'autres magistrats rejoindront les Jirs et la Junalco en septembre. Ainsi, j'ai doublé le nombre de magistrats qui s'occupent du trafic de stupéfiants et de la lutte contre la criminalité organisée.
Certes, la Junalco avait des défauts de coordination et d'échange d'informations avec les Jirs, ainsi que des difficultés de spécialisation. Toutefois, je ne veux pas dire que la Junalco a mal fait son travail. Je lui rends hommage, car elle a agi avec des moyens limités.
Les amendements nos220 et 221 sont retirés.
Mme la présidente. - Amendement n°247 de Mme Muriel Jourda et M. Durain au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Amendement de coordination.
Mme la présidente. - Amendement n°248 de Mme Muriel Jourda et M. Durain au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Cet amendement supprime la référence à l'Ofast, ainsi que le monopole du Pnaco, trop rigide.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°266 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Mme la rapporteure m'a interpellé pour me dire que la proposition du Gouvernement était en deçà du souhait de la commission. Je la remercie. Ce sous-amendement modifie donc l'architecture du Pnaco, non pour lui donner l'exclusivité sur toutes les affaires, mais pour mieux définir ses cibles ainsi que le nombre de magistrats mobilisés.
Ce parquet agira, à la française, sous l'autorité du parquet général, comme le PNF et le Pnat.
J'ai fait ajouter qu'il se trouve, par défaut, à Paris. Cela signifie donc qu'il peut se trouver ailleurs. S'il faut modifier la loi et la loi organique, nous le ferons à l'Assemblée nationale. La mission de préfiguration étudiera toutes les pistes. Nous pourrions choisir Marseille ! Mais se pose la question des salles d'audience, du nombre de magistrats, etc.
Je veux challenger les équipes du ministère de la justice à ce sujet.
Ce n'est pas à la Haute Assemblée que je vais apprendre qu'il n'y a pas qu'à Paris qu'on peut installer de grands services...
Mme la présidente. - Amendement identique n°197 de M. Bourgi.
M. Hussein Bourgi. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°71 rectifié de M. Perrin et Rietmann.
M. Cédric Perrin. - Intégrons expressément les services de renseignement du premier cercle au texte, pour s'assurer qu'ils puissent donner des informations au Pnaco.
Mme la présidente. - Amendement n°87 de M. Szpiner.
M. Francis Szpiner. - C'est un amendement de coordination rédactionnelle.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Le sous-amendement n°266 a été travaillé pendant la suspension. Il a l'avantage de nous mettre d'accord pour renforcer le Pnaco et le placer sous la tutelle du parquet de Paris.
L'amendement n°197 est satisfait sur le fond, si l'amendement de la commission est adopté. Retrait.
L'amendement n°71 avait reçu un avis défavorable de la commission, mais sa rédaction a été très largement modifiée depuis. À titre personnel, avis favorable.
Sur l'amendement n°87, avis favorable. Il apporte une précision utile.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable sur tous les amendements, excepté une demande de retrait sur l'amendement n°197.
L'amendement n°197 est retiré.
M. Francis Szpiner. - Madame la rapporteuse, si le Pnaco est délocalisé, qui aura autorité sur lui : le procureur général de Paris ou un autre ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Rapporteur, c'est une fonction, rapporteuse, c'est un défaut. (Rires)
Le procureur général compétent a été défini dans le texte, ce qui peut poser une difficulté - j'en conviens. Nous pourrons retravailler ce point.
L'amendement n°247 est adopté.
Le sous-amendement n°266 est adopté.
L'amendement n°248, sous-amendé, est adopté.
L'amendement n°71 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement n°87.
Mme la présidente. - Amendement n°61 rectifié de M. Menonville et du groupe UC.
M. Franck Menonville. - Les difficultés de coordination entre les parquets locaux et les parquets Jirs ont été mises en évidence par la commission d'enquête sur le narcotrafic. Cet amendement prévoit la désignation par le procureur de la République, parmi ses substituts, d'un magistrat du parquet faisant office de référent Jirs.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - C'est une excellente idée. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°61 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°51 de Mme Conconne et M. Lurel.
Mme Catherine Conconne. - J'avais déjà déposé cet amendement d'adaptation lorsque Éric Dupond-Moretti était garde des sceaux. Nous devons nous adapter au narcotrafic, très rapide et réactif.
La Jirs de Fort-de-France agit sur plusieurs territoires. Or se rendre en Guyane implique deux heures d'avion, pour un coût jusqu'à 1 000 euros. Les magistrats et le parquet demandent des adaptations, pour gagner en réactivité et économiser de l'argent. Les comparutions préalables et les débats liés à la liberté et la détention doivent pouvoir se faire par visioconférence.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable. Cela peut sembler dérogatoire, mais c'est une demande forte que nous avons entendue en commission d'enquête. Le périmètre est limité et paraît proportionné aux moyens de la juridiction.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable. C'est peut-être déjà en partie dans le code, mais votre amendement clarifie les choses. Je salue votre soutien à la visioconférence !
Mme Audrey Linkenheld. - Uniquement pour l'outre-mer !
Mme Corinne Narassiguin. - Nous voterons cet amendement, qui a l'avantage d'être spécifique à la situation des outre-mer.
Il ne faut cependant pas généraliser l'utilisation de la visioconférence à l'ensemble du territoire. Elle doit rester circonscrite à l'outre-mer.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Intéressant !
L'amendement n°51 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article 3
Mme Nathalie Goulet . - Au risque d'être un peu iconoclaste, j'estime que la proposition de loi aurait mérité une commission spéciale impliquant la commission des affaires économiques et la commission des finances. Le blanchiment, c'est 3 % du revenu mondial, plus de 2 000 milliards de dollars. Cela concerne tous les secteurs, de la contrefaçon jusqu'au trafic de migrants. C'est la pierre angulaire de la lutte contre le financement du terrorisme, contre le financement du narcotrafic, contre la criminalité organisée. Monsieur le garde des sceaux, vous avez voyagé récemment aux Émirats pour discuter de cette question.
Dommage que la ministre des comptes publics ne soit pas au banc... Nous devons lutter contre les paradis fiscaux, les ports francs et l'évasion fiscale. La tuyauterie utilisée par la criminalité organisée est la même que celle de la délinquance financière. Nos modestes amendements en PLF contre l'évasion fiscale contribuent à lutter contre la criminalité organisée. Les deux sujets sont liés. Tant que nous aurons ces ports francs aux portes de l'Europe, nous peinerons à lutter contre la criminalité organisée et le blanchiment.
Mme Catherine Conconne . - Il faut taper là ! Il faut des moyens, des règles assouplies, une fluidité dans l'intervention des forces de l'ordre et de la task force souhaitée par tous.
Le blanchiment est là, on le sent, on le voit. Des choses pas très catholiques ont lieu, souvent à la barbe des policiers, ce qui les décourage.
Il faut taper dans le blanchiment. Il est inacceptable de voir des gens au RSA rouler dans des véhicules très coûteux et vivre dans des maisons qui sont loin d'être des HLM. Nous devons sévir vite. Les moyens prévus par l'article 3 me semblent cohérents et vont dans le sens de la loi, qui est de dire : agissons.
À mes yeux, être de gauche, ce n'est pas être contre la répression.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Bien sûr !
Mme Catherine Conconne. - Nous devons avoir le courage de faire des efforts, et de dire : ça suffit.
Mme Karine Daniel . - Nous saluons le travail mené sur le blanchiment par la commission d'enquête. Mais le sujet est inépuisable. Il a pour seules limites l'imagination et les moyens technologiques déployés, qui sont exponentiels.
Il faut coordonner les actions des douanes, pour allier actions locales et internationales. En effet, les points de blanchiment sont parfois très localisés, territorialisés. Les élus locaux, en coordination avec les services de l'État, doivent avoir les moyens de lutter et de proposer des réponses aux citoyens.
J'espère que la proposition de loi nous aidera à lutter contre le narcotrafic, mais la lutte contre le blanchiment ne s'y réduit pas. Il faut des moyens et une bonne coordination des services - douanes, ministère des finances, action locale.
M. Guy Benarroche . - Nous le savons tous : il faut taper les narcotrafiquants au portefeuille, pour désorganiser leurs réseaux.
Ce n'est pas en arrêtant les petites mains que nous pouvons les atteindre.
Cela fait belle lurette que le narcotrafic utilise tous les instruments du capitalisme : délocalisation, sous-traitance... et de façon agile !
Le blanchiment de proximité dans les commerces locaux, les transferts de fonds hawala pour éviter les circuits bancaires, le blanchiment financier international, les détentions de cryptoactifs, les paradis fiscaux : les méthodes de blanchiment sont innombrables.
Notre groupe salue les mesures prises dans la proposition de loi.
Il salue également la possibilité d'associer les élus locaux qui le souhaitent à certaines opérations de renseignement.
Mme la présidente. - Amendement n°69 rectifié de M. Buval et alii.
M. Frédéric Buval. - Cet amendement reprend une préconisation de la commission d'enquête visant à associer davantage les élus et tous les acteurs territoriaux à la lutte contre le narcotrafic. Les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD et CISPD), instances collégiales d'information et d'action, sont la structure adaptée pour améliorer la coordination, tout en protégeant les élus des risques de représailles. Alors que le narcotrafic touche désormais tous les territoires, avec souvent pour corollaire le trafic d'armes, il faut renforcer le partenariat entre la police et la gendarmerie, la justice et les élus, maillons essentiels par leur connaissance de la population et des quartiers. Je pense aussi aux bailleurs sociaux, à la fois victimes et témoins des trafics.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous comprenons parfaitement l'intention. Le maire présidant ce comité, l'amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.
Nous avons eu en commission des débats vifs sur le bon degré d'information des maires en matière de lutte contre le blanchiment. Quelles informations leur sont utiles, lesquelles les exposent à des représailles ? J'insiste : gardons-nous de les mettre en première ligne.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°69 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°107 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Jérémy Bacchi. - Comme M. Durain l'a expliqué, il faut trouver un juste milieu : les maires doivent recevoir certaines informations, mais il ne faut pas les exposer à l'excès. Ne minimisons pas les risques qui pèsent sur eux. Cet amendement demande au Gouvernement de déterminer par arrêté des modalités simplifiées de protection du maire en cas de danger grave.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous débattrons ultérieurement de la protection. La commission d'enquête a montré combien tout le monde est menacé ou susceptible de l'être : magistrats, douaniers, personnel pénitentiaire et, bien entendu, élus, qui sont au contact de la population et des trafiquants dont ils cherchent à entraver les agissements. Sagesse.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Le dispositif de protection des personnes a déjà été élargi par le ministère de l'intérieur. Si un élu fait l'objet d'une menace, celle-ci sera évaluée par le service spécialisé compétent et, en cas de besoin, il bénéficiera de la protection. L'amendement est satisfait. Retrait ?
À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°107, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié bis de Mme Goulet et de M. Canévet.
Mme Nathalie Goulet. - Composante de la communauté du renseignement, Tracfin est un service extrêmement performant du renseignement financier. Évitons de l'embouteiller avec des déclarations de soupçons de trafic de stupéfiants. Le signalement au parquet sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale est préférable.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Auditionnés par la commission d'enquête, les représentants de Tracfin ont déclaré être peu sollicités par les maires, qui ont pourtant la possibilité de signaler certains faits. Nous avions donc préconisé que les maires puissent saisir cette structure. Avis défavorable.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. - Je remplace Mme la ministre des comptes publics.
Les maires peuvent déjà adresser des signalements et des informations de soupçon à Tracfin, acteur essentiel de la lutte contre la criminalité organisée. Par cohérence, avis défavorable.
L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°249 de Mme Muriel Jourda et M. Durain, au nom de la commission des lois.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Coordination.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Sagesse. (On s'en étonne sur certaines travées du groupe SER)
L'amendement n°249 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°242 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Cet amendement revêt une importance spéciale. Il s'agit de permettre la fermeture des commerces servant au blanchiment. Une police spéciale existe pour les commerces de boissons, mais de nombreux autres commerces sont concernés, notamment des épiceries de nuit.
Le texte de la commission est proportionné, mais certains trous dans la raquette demeurent, que notre amendement vient combler. Je pense en particulier aux locaux associatifs, en ayant à l'esprit ce qui s'est récemment passé à Mâcon, ville de votre ancien collègue Jean-Patrick Courtois.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Je m'associe à ces pensées pour mon département... Avis favorable.
M. Hussein Bourgi. - Merci, monsieur le ministre, de cet amendement utile et attendu sur le terrain. J'ai à l'esprit de nombreux exemples. Certains commerces, très légitimement soupçonnés, vont jusqu'à intenter un procès au maire ou au préfet avec l'aide d'avocats ! Les nouvelles mesures proposées vont dans le bon sens, et nous voterons l'amendement avec entrain.
L'amendement n°242 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°148 de Mme Phinera-Horth et du RDPI.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. - Cet amendement visait à associer les maires à la lutte contre le trafic de stupéfiants, dans l'esprit de l'amendement n°69, précédemment retiré.
L'amendement n°148 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°85 rectifié de M. Hochart et alii.
M. Joshua Hochart. - Nous voulons renforcer les pouvoirs des maires en matière de sécurité et d'ordre publics. Ils doivent pouvoir prononcer des arrêtés de fermeture administrative pour des durées allant jusqu'à six mois. La coordination avec les représentants de l'État est évidemment nécessaire, mais l'action des maires en première ligne est gage d'une réactivité et d'une efficacité accrues dans le rétablissement de l'ordre.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Évitons justement que les maires soient trop en première ligne, pour ne pas les exposer à des représailles. Les maires peuvent parfaitement signaler au préfet les commerces problématiques. Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Même avis. Les maires doivent être informés, mais pas exposés. En outre, les preuves nécessaires à ces décisions sont souvent apportées par les services de renseignement, ce qui dépasse la compétence du maire.
Mme Nathalie Goulet. - La version initiale du texte donnait ce pouvoir aux maires. La commission des lois est légitimement revenue sur cette mesure. Quand on voit à quelles violences les maires sont déjà confrontés pour des affaires, par exemple, de déchets, on imagine à quels risques de telles décisions les exposeraient. Ils ne sont ni élus pour prendre ces risques ni protégés pour y faire face.
L'amendement n°85 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°122 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - La fermeture administrative est très utile, mais il arrive qu'elle affecte d'autres personnes que celles visées - des salariés, notamment. Nous insistons donc sur la nécessité d'une procédure de recours. L'intéressé aurait ainsi la possibilité de démontrer que son commerce ne sert pas au blanchiment.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Ces garanties sont déjà prévues par le code des relations entre le public et l'administration. Au sein de la commission d'enquête, puis dans l'élaboration de ce texte, nous avons toujours veillé au respect des libertés publiques. Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - M. Benarroche a raison : la procédure contradictoire est un principe essentiel de notre droit. Son amendement est satisfait par l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
L'amendement n°122 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°205 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - La location de voitures est très utilisée par les narcotrafiquants : tous ceux qui ont travaillé sur la question l'ont bien saisi. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio le confirme avec énergie.) D'où la mesure radicale que je vous propose : interdire le paiement en espèces de ces locations, pour assurer la traçabilité des fonds employés. (Mmes Jacqueline Eustache-Brinio et Christine Bonfanti-Dossat renchérissent.) La location de grosses cylindrées facilite grandement les go fast, c'est une évidence. (M. Hussein Bourgi approuve.) J'avoue ne pas comprendre les résistances que cette mesure suscite parfois.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - La commission des lois estime que le filet est un peu large. L'amendement conduirait à interdire le paiement en espèces pour la location de tout véhicule terrestre. Or nombre de Français recourent à des véhicules de location, par exemple pour déménager ou faire des travaux, et il arrive qu'ils paient en liquide. En novembre dernier, notre assemblée a rejeté une proposition de loi visant à restreindre les paiements en espèces. Avis défavorable.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Le ministre a parfaitement raison. Nous ne parlons pas de voitures bon marché, mais de véhicules dont la location coûte 1 000, 1 500 euros par jour et qui terrorisent nos concitoyens. (Mme Christine Bonfanti-Dossat renchérit.) La location de bateaux doit être encadrée de même.
M. Francis Szpiner. - Je suis très étonné de l'avis de la commission. Je rappelle qu'il est interdit à un citoyen européen de payer plus de 800 euros en liquide, 960 euros avec la TVA. Avec les véhicules dont nous parlons, cette somme est rapidement atteinte. Les personnes qui paient en espèces enfreignent donc déjà la loi. Le problème, c'est qu'un ressortissant d'un pays hors Union européenne peut, lui, payer en liquide jusqu'à 10 000 euros - mais il doit laisser son passeport.
M. Hussein Bourgi. - C'est un amendement de bon sens. J'invite tous nos collègues à le voter, pour une plus grande efficacité de la lutte contre les trafics.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
Mme Audrey Linkenheld. - Je regrette que l'amendement déposé par le groupe SER ait été déclaré irrecevable. Nous voulions interdire aux conducteurs inexpérimentés de louer ou d'acheter ces véhicules surpuissants, dont nous savons bien qu'ils causent par ailleurs de nombreux accidents. Ces jeunes sont aussi souvent la proie des trafiquants. Nous maintenons qu'il existe, pour nous, un lien direct avec la proposition de loi.
M. Pierre Jean Rochette. - Non seulement je voterai cet amendement, mais je proposerai, à l'article 10, la saisie et la confiscation des véhicules utilisés par les trafiquants, souvent loués à l'étranger, notamment en Allemagne ou en Pologne, auprès d'agences dirigées par d'anciens narcotrafiquants. Les plaques étrangères pullulent dans nos quartiers, et les douanes, que j'ai consultées, font état de difficultés pour lutter contre ce phénomène. La confiscation donnera un coup de pied dans la fourmilière ! (M. Daniel Chasseing renchérit.)
Mme Nathalie Goulet. - Je suis très favorable à cet amendement. Souvenons-nous des attentats particulièrement graves qui ont eu lieu dans notre pays avec des voitures louées à l'étranger. Interpol souligne la dangerosité du trafic de véhicules.
M. Étienne Blanc. - Cet amendement est tout à fait bienvenu, car le paiement en espèces est exaspérant. Mais j'entends l'avis de la commission : ne pourrait-on pas trouver une position d'équilibre en fixant un seuil, par exemple à 200 ou 250 euros ? (Mme Marie-Pierre de La Gontrie approuve.)
Mmes Valérie Boyer et Nathalie Goulet. - Bravo !
Mme Véronique Guillotin. - Nous voterons cet amendement, par cohérence avec notre proposition de loi interdisant le paiement en espèces au-dessus de 1 000 euros, mais aussi par conviction, car cette mesure sera efficace.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Soit je ne comprends pas, soit nous ne parlons pas de la même chose. Les paiements en espèces supérieurs à 1 000 euros sont déjà interdits.
M. Francis Szpiner. - Mais certains les acceptent !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Si l'on considère que le seuil est trop élevé, il est possible de l'abaisser - 200 euros peut-être, en tout cas sous les 500 euros. Mais interdire qu'on puisse régler en espèces une location de 80 euros la journée me paraît trop radical et inopérant.
L'amendement n°205 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°185 de M. Bourgi et du groupe SER.
Mme Karine Daniel. - Nous voulons intégrer les marchands de biens et les promoteurs immobiliers dans le périmètre des professionnels associés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Leur exclusion actuelle constitue une brèche majeure dans notre dispositif et affaiblit la traçabilité des flux financiers.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - De fait, les narcotrafiquants blanchissent de plus en plus leurs revenus via des opérations immobilières. Qu'en pense le Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Avis favorable. Le nouveau règlement européen antiblanchiment étend déjà à l'échelle de l'Union européenne l'assujettissement à ces obligations de l'ensemble des acteurs du secteur. Il sera d'application directe en 2027. Nous prévoyons un délai d'entrée en vigueur de cette mesure.
Mme Nathalie Goulet. - Excellente nouvelle ! Un amendement similaire de Mme Eustache-Brinio avait été rejeté lors de l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Il a fallu attendre le texte européen pour qu'on puisse contrôler les parts de SCI. Mais pourquoi prévoir un délai ? Il faut appliquer cette mesure le plus vite possible !
L'amendement n°185 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié bis de Mme Nathalie Goulet et M. Canévet.
Mme Nathalie Goulet. - Je m'inquiète d'un embouteillage de Tracfin, surtout par des déclarations de mauvaise qualité. Si la ministre me répond qu'il n'y a pas de risque, je retirerai cet amendement, qui porte sur le contrôle des ventes de voitures.
Mme la présidente. - Amendement n°142 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Nous proposons de fixer des seuils de déclaration obligatoire : 50 000 euros pour la vente d'un véhicule, 1 000 euros par jour pour une location.
Mme la présidente. - Amendement identique n°192 de M. Bourgi et du groupe SER.
M. Éric Kerrouche. - En effet, concentrons-nous sur les activités les plus exposées au risque de blanchiment. Nous proposons un seuil de 30 000 euros pour les ventes.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous venons d'interdire le paiement en espèces des locations. Supprimer les dispositions relatives à la déclaration ne serait guère cohérent, madame Goulet.
Le texte européen fixe un seuil de 250 000 euros. Il n'est pas utile de fixer un montant dans la loi.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Retrait, sinon avis défavorable, car nous souhaitons fixer ces seuils par décret. Il convient de priver les narcotrafiquants de la possibilité de louer des véhicules haut de gamme, sans trop contraindre les professionnels et les consommateurs. Un seuil de 250 000 euros est en effet prévu au niveau européen. La voie du décret offrira la souplesse nécessaire pour modifier les seuils en fonction de l'évolution des pratiques des trafiquants.
Mme Nathalie Goulet. - Le problème de la location de véhicules est réglé par l'adoption de l'amendement du Gouvernement. Je ne comprends donc pas l'intérêt du dispositif de déclaration, mais je retire mon amendement. La déclaration à Tracfin est justifiée quand on arrive avec un sac de billets pour louer une voiture, pas à chaque location !
L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.
L'amendement n°142 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°192.
Mme la présidente. - Amendement n°143 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Les vendeurs ou loueurs de navires de plaisance ne sont pas assujettis à la LCB-FT, alors que les yachts sont des vecteurs de blanchiment privilégiés. Étendons le régime à ces professionnels.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
Mme la présidente. - Amendement identique n°184 de M. Bourgi et du groupe SER.
Mme Gisèle Jourda. - L'exemple du Stefania, yacht de luxe d'un milliardaire biélorusse saisi à Monaco et vendu aux enchères par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, prouve l'intérêt de cette mesure.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°263 du Gouvernement.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Pour les mêmes raisons que pour les véhicules terrestres, fixons par décret les seuils applicables aux vendeurs et loueurs de navires de plaisance.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous sommes favorables au sous-amendement du Gouvernement et aux amendements nos143 et 184 ainsi sous-amendés.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Avis favorable aux amendements, sous réserve de l'adoption de notre sous-amendement.
M. Guy Benarroche. - Je ne comprends pas bien la position de la ministre. S'il s'agit d'attendre de voir ce que fera l'Union européenne en 2027, je vous dis : non. S'il s'agit d'entériner le principe de seuils et de prévoir qu'ils seront précisés par décret, je vous dis : d'accord.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - C'est exactement cela.
Le sous-amendement n°263 est adopté.
Les amendements identiques nos143 et 184, sous-amendés, sont adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°207 du Gouvernement.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Permettons aux lanceurs d'alerte de faire des signalements à Tracfin, qui ne peut s'autosaisir. C'est une véritable innovation pour ce service, qui n'est actuellement saisi que par des professionnels.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Nathalie Goulet. - La mesure est bienvenue, mais il faudra veiller à ce que Tracfin dispose des moyens humains de traiter toutes les déclarations reçues.
L'amendement n°207 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié bis de Mme Goulet et M. Canévet.
Mme Nathalie Goulet. - Les personnes énumérées à l'article 561-2 du code monétaire et financier doivent disposer d'une connaissance professionnelle minimale en matière de LBC-FT : établissements bancaires, assurances, notamment. La disposition prévue aux alinéas 35 et 36 est superfétatoire.
Mme la présidente. - Amendement n°264 du Gouvernement.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Cet amendement renforce les formations en matière de LBC-FT des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier. Les autorités sectorielles s'assureront de la cohérence des dispositifs de formation. Nous n'aurons pas à développer un cadre formel de certification. L'application de ces dispositions à l'outre-mer est prévue par l'amendement.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mme Goulet veut supprimer la procédure de certification à destination des professionnels. Madame Chappaz, votre amendement, déposé pendant la discussion générale, n'a pu être expertisé. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Retrait de l'amendement n°1 rectifié bis au profit de l'amendement du Gouvernement. Le dispositif de lutte contre le blanchiment repose sur la vigilance des professionnels. Ils sont assujettis à un régime spécifique, prévu par le code monétaire et financier. La connaissance des obligations qui s'imposent à eux est nécessaire à la lutte contre le blanchiment. Ne créons pas un dispositif plus complexe et qui ne prendrait pas en compte les spécificités de chaque profession.
Mme Nathalie Goulet. - Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement. Les greffiers des tribunaux de commerce viennent de rendre un travail remarquable, avec 15 propositions. Les agents d'assurances sont très bien formés. L'amendement du Gouvernement me semble plus adapté à la diversité des entreprises que le mien.
L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.
L'amendement n°264 n'est pas adopté.
Mme Nathalie Goulet. - Dommage !
Mme la présidente. - Amendement n°190 de M. Bourgi et du groupe SER.
Mme Laurence Harribey. - Cet amendement renforce la pertinence des données collectées dans le registre des bénéficiaires effectifs (RBE), en restaurant l'obligation de déclaration des chaînes de détention, supprimée lors de la transposition de la cinquième directive antiblanchiment. Cette mesure pragmatique est indispensable.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement nous semble satisfait par le livre des procédures fiscales. Retrait.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Retrait, également. Ces informations devront être disponibles d'ici à juillet 2026. Des travaux sont en cours.
Mme Laurence Harribey. - Forts de cette garantie, nous retirons l'amendement.
L'amendement n°190 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°208 du Gouvernement.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Cet amendement ramène à trois mois le délai de régularisation avant radiation et précise la date à prendre en considération pour le calcul dudit délai. Il prévoit aussi la radiation au cas où une société ne donnerait pas suite à une injonction du président du tribunal de commerce. Il prévoit enfin que le guichet unique des formalités des entreprises est informé de toutes les radiations prononcées par le greffier du tribunal de commerce.
Mme la présidente. - Amendement n°189 de M. Bourgi et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - Nous voulons aussi renforcer l'efficacité du mécanisme de régulation des divergences d'informations dans le registre des bénéficiaires effectifs.
Si la divergence signalée reste sans réponse pendant six mois, le greffier pourra procéder à une radiation d'office. Cela renforce l'efficacité des signalements et garantit un registre fiable et actualisé.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - L'amendement n°189 est satisfait par une disposition votée en commission : retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°208 nous est parvenu pendant la discussion générale. Il est suffisamment complexe pour nécessiter une expertise... Laissons la navette faire son oeuvre. Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Très bien !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Demande de retrait de l'amendement n°189 au profit de l'amendement du Gouvernement.
M. Guy Benarroche. - Madame la ministre, nous ne pouvons pas travailler dans ces conditions, en recevant des amendements - techniques de surcroît - à peine quelques heures avant leur examen en séance ! Même si les présidents de tribunaux de commerce y sont sensibles, nous ne pouvons voter l'amendement du Gouvernement.
L'amendement n°189 est retiré.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le Gouvernement devrait retirer aussi son amendement...
L'amendement n°208 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°188 de M. Bourgi et du groupe SER.
M. Thierry Cozic. - Les greffiers des tribunaux de commerce analysent régulièrement leur registre afin de recenser les entités n'ayant pas rempli leurs obligations déclaratives. Mais certaines injonctions reviennent avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée ». Nous proposons une radiation d'office pour toutes ces entités, afin de lutter contre les sociétés fantômes.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Ce dispositif paraît intéressant, mais je ne suis pas sûre qu'il soit compatible avec la procédure votée en commission. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Retrait. Le mécanisme de radiation d'office est déjà prévu dans la proposition de loi.
L'amendement n°188 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°210 du Gouvernement.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - L'amendement étend aux agents de police judiciaire des finances le droit d'accès direct au fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) et au fichier des contrats de capitalisation et d'assurance vie (Ficovie).
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable à cet amendement, conforme à la position de la commission.
L'amendement n°210 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°40 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce recommande que les greffiers puissent interroger la base Ficoba. Voilà qui compléterait harmonieusement l'amendement du Gouvernement.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Cet amendement est satisfait par le texte de la commission. Avis défavorable.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme Nathalie Goulet. - Cela m'avait échappé...
L'amendement n°40 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°209 du Gouvernement.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Cet amendement crée dans le code des douanes une disposition autonome pour garantir l'exécution de la peine de confiscation des instruments destinés à commettre un délit douanier.
Mme la présidente. - Amendement n°53 rectifié bis de Mme Ciuntu et alii.
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Nous voulons autoriser les officiers de douane à opérer des saisies sur compte bancaire à des fins de confiscation.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Ces amendements ont le même but. Sur le fond, nous y sommes favorables. Cependant, la rédaction de l'amendement de Mme Ciuntu est plus légère et donc meilleure que celle du Gouvernement. En outre, son amendement a été déposé avant celui du Gouvernement. Si ce dernier pouvait avoir l'élégance de retirer le sien, nous y serions très sensibles.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Nous acceptons cette demande. Notre amendement comportait toutefois une précision supplémentaire, mais nous y travaillerons dans la navette.
L'amendement n°209 est retiré.
L'amendement n°53 rectifié bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°39 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Dans le cadre du renforcement de la lutte contre les sociétés fictives et éphémères, les greffiers doivent pouvoir vérifier la validité des pièces d'identité étrangères fournies.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable. Cette vérification paraît assez difficile à mettre en oeuvre. Comment fera le greffier ? Avec quels outils ? Si besoin, il peut toujours opérer un signalement, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Avis défavorable.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Avis défavorable. Il faut faciliter le contrôle des titres d'identité des dirigeants d'entreprise étrangers, mais cela doit passer par l'amélioration des échanges d'information avec les pays tiers. Nous y travaillons.
M. Hussein Bourgi. - Je regrette ce double avis défavorable. Dans mes échanges avec les tribunaux de commerce, cette demande revient souvent. Mieux vaut vérifier en amont - même si cela est compliqué - , que de s'appuyer sur une procédure déclarative sur laquelle il est très difficile de revenir a posteriori.
M. Michel Canévet. - Dans les greffes des tribunaux de commerce, la véracité de documents d'identité est un véritable problème. Au greffe du tribunal de Quimper, on m'en a parlé.
M. Guy Benarroche. - Même chose au tribunal de commerce de Marseille. Je voterai cet amendement.
À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°39 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Après l'article 3
Mme la présidente. - Amendement n°250 de Mme Muriel Jourda, au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Cet amendement autorise les douanes à accéder directement aux données pertinentes contenues dans les traitements des opérateurs de la logistique et du transport portuaire et aéroportuaire, afin de tracer les conteneurs et de remonter les réseaux, car le droit de communication existant ne fonctionne pas bien.
Notre objectif est commun avec le Gouvernement. En revanche, nous avons essayé d'encadrer cette technique très intrusive, en maintenant des garanties prévues dans le code des douanes. Nous préférons donc notre rédaction à celle du Gouvernement.
Mme la présidente. - Amendement n°212 rectifié du Gouvernement.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Je remercie Mme la rapporteure pour l'attention portée aux services des douanes : il s'agit d'un amendement très important.
La menace criminelle pèse sur les plateformes logistiques portuaires et aéroportuaires et sur les centres de fret. Cet amendement donne aux agents des douanes la possibilité d'accéder aux données des entreprises du transport et de la logistique et d'exploiter ces données au travers d'analyses de risques, afin d'améliorer notre capacité de détection.
Demande de retrait de l'amendement n°250.
L'amendement n°250 est adopté et devient un article additionnel.
L'amendement n°212 rectifié n'a plus d'objet.
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.
Article 4
Mme Catherine Conconne . - Nous entrons dans le dur : cryptomonnaie, richesses inexpliquées, des notions dont on parle souvent, et sur lesquelles les magistrats n'ont pas le moyen d'agir. Cet article libère les magistrats de procédures trop lourdes pour demander à certains de se justifier. Cela va dans le bon sens.
Mme la présidente. - Amendement n°213 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Cet amendement étend le champ d'application de la présomption d'origine illicite aux cryptoactifs anonymisés par des mixeurs.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°213 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°123 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Frapper au portefeuille, voilà l'objectif résultant des travaux de la commission d'enquête. La rédaction de l'article 4 est imparfaite, car les services d'enquête manquent de moyens et de formation. Forts de ce que nous avons entendu lors de nos déplacements, nous proposons de rétablir la systématisation de la réalisation d'enquêtes patrimoniales pour les infractions les plus graves : direction ou organisation d'un trafic de stupéfiants, production illicite de stupéfiants en bande organisée et importation et exportation illicite de stupéfiants en bande organisée.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Dans la version initiale de la proposition de loi, l'enquête patrimoniale était systématisée ; mais c'est ce qu'on appelle une fausse bonne idée : comme nous nous en sommes rendu compte lors des auditions, c'est parfois utile, mais pas tout le temps - et dans ce cas, on fait travailler les services beaucoup pour pas grand-chose, comme ils nous l'ont dit eux-mêmes. (M. Gérald Darmanin renchérit.)
L'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) aide à la réalisation des enquêtes patrimoniales. Le problème, c'est plus le manque de culture de l'enquête patrimoniale qu'un manque de moyens. N'encombrons pas les services. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis défavorable. On ne met pas de côté ces enquêtes. Sans les rendre systématiques - je respecte la liberté des magistrats -, j'incite fortement les parquets à les mener.
Par ailleurs, sans aller jusqu'à la procédure judiciaire, procureurs et préfets peuvent inciter les directions départementales des finances publiques (DDFiP) à établir des contrôles fiscaux sur les personnes soupçonnées. Les responsables d'administrations que nous sommes l'avons bien compris.
M. Hussein Bourgi. - Nous assistons à un débat entre l'ambition et la résignation : l'ambition, c'est le contrôle systématique ; la résignation, c'est, faute de moyens, un contrôle uniquement du haut du spectre. (Mme Muriel Jourda et M. Gérald Darmanin protestent.)
On constate souvent que des contrôles liés à des infractions de moindre gravité permettent de grosses découvertes. Il serait dommage que la résignation l'emporte.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Cela ne vous ressemble pas de prendre cette affaire de façon aussi politicienne. Je m'étonne par ailleurs que le groupe SER traite aussi légèrement l'indépendance des magistrats... (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.)
L'amendement n°123 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°154 rectifié bis de Mme Aeschlimann et alii.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Pour lutter contre le crime organisé, il faut taper au portefeuille. L'article 4 crée ainsi une procédure d'injonction pour richesse injustifiée dans le code de procédure pénale, obligeant les suspects à justifier des ressources permettant d'assurer leur train de vie. Je salue le travail de la commission, qui permet d'outiller les services d'enquête, les magistrats, les auxiliaires de justice, mais aussi les maires contre le narcotrafic.
Il nous faut cependant être irréprochables du point de vue des droits de la défense. C'est ce que garantit cet amendement en précisant les conditions et en instaurant une notification.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - La précision apportée par l'amendement me semble bienvenue, sans trop encadrer l'infraction. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sagesse.
L'amendement n°154 rectifié bis est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Après l'article 4
Mme la présidente. - Amendement n°13 rectifié quinquies de M. Parigi et alii.
Mme Isabelle Florennes. - M. Parigi souhaite rendre obligatoire, sauf décision motivée, la confiscation des biens dont l'origine n'est pas justifiée. Priver ainsi les organisations mafieuses de leurs revenus illicites a fait ses preuves en Italie. Cela renforce l'effectivité de l'enquête patrimoniale et protège mieux la propriété privée légitime.
Mme la présidente. - Amendement identique n°110 rectifié bis de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Jérémy Bacchi. - Nous souhaitons rendre obligatoire la confiscation de biens appartenant à une personne condamnée pour un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et l'ayant enrichi. Nous avions proposé un amendement similaire lors de l'examen de la proposition de loi améliorant la saisie et la confiscation des avoirs criminels. Cela aurait un effet dissuasif et réparateur.
Mme la présidente. - Amendement identique n°146 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - C'est un outil primordial pour la lutte contre le narcotrafic. Rendre obligatoire la confiscation, sauf décision motivée, réduit la charge de travail des magistrats. La procédure a fait ses preuves à l'étranger.
Mme la présidente. - Amendement identique n°181 de M. Bourgi et du groupe SER.
M. Hussein Bourgi. - La détention n'est plus assez dissuasive ; il faut donc compléter l'arsenal répressif.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Ces amendements sont le fruit d'un travail transpartisan. Le dispositif proposé nous semble utilement prolonger la loi Warsmann. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable. Cela dit, avant de confisquer, il faut saisir. Il faudra compléter le dispositif au cours de la navette. Il ne faut pas non plus oublier l'identification et le tri. Les services enquêteurs ou les magistrats n'ont pas le temps de le faire.
Nous devons appliquer la loi Warsmann dans son intégralité. Le juge d'instruction n'est pas obligé de dire ce qu'il fait des saisies et des confiscations - je l'ai rappelé au procureur de la République.
Il faut vendre même des biens de faible valeur économique : le but n'est pas de récupérer de l'argent, mais de le faire savoir à l'auteur, même sans attendre sa condamnation.
Problème structurel : le ministère de la justice dépense 36 millions d'euros par an uniquement pour garder des voitures que nous ne vendons pas. Et ce ne sont pas toutes des voitures devant être conservées pour les besoins de l'enquête, comme celle de Jacques Mesrine...
Il faudra modifier de votre côté les dispositions et, du nôtre, modifier les pratiques.
Les amendements identiques nos13 rectifié quinquies, 110 rectifié bis, 146 et 181 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
L'article 4 bis est adopté.
Article 5
Mme Catherine Conconne . - Cette proposition de loi est pragmatique. Les auditions et le travail transpartisan ont permis de trouver des solutions, d'aller au coeur des problèmes. Grâce au président de la commission d'enquête et à son rapporteur, nous nous sommes pleinement confrontés à la réalité du narcotrafic afin de proposer des mesures concrètes.
M. Guy Benarroche . - Il faut agir vite. Le gel ne signifie pas la prise de possession du bien par l'autorité judiciaire, mais seulement la possibilité d'en disposer. Nous proposerons de rendre le dispositif plus opérationnel au travers de deux amendements.
Les nouveaux outils ne seront efficaces qu'avec de nouveaux moyens - M. le ministre m'a déjà répondu à ce sujet.
Mme la présidente. - Amendement n°28 rectifié quater de M. Rochette et alii.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Le mieux est l'ennemi du bien. Conservons le dispositif du gel des avoirs appliqué en matière de terrorisme en l'élargissant au narcotrafic. Cette proposition de loi crée un régime hybride administratif et judiciaire, dont la mise en oeuvre pratique sera complexe, alors qu'il est impératif que la décision soit prise rapidement.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Avis défavorable. Gels judiciaire et administratif sont complémentaires. Abondance de biens ne nuit pas...
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sagesse.
L'amendement n°28 rectifié quater n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°124 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Nous portons de six mois à un an renouvelable la durée maximale durant laquelle s'applique la décision de gel judiciaire des avoirs, et d'un à deux ans la durée maximum après renouvellement durant laquelle tout ou partie des avoirs criminels sont gelés. Les prétoires sont engorgés et les délais d'audiencement sont longs.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous demandons l'avis du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sagesse, pour faire plaisir à M. Benarroche. (On apprécie à gauche.)
Mme Audrey Linkenheld. - Comme c'est mignon !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - On nous l'a changé ! (Sourires)
M. Guy Benarroche. - Cette disposition soulagerait les magistrats et nous permettrait d'être plus efficaces.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Sagesse.
L'amendement n°124 est adopté.
L'amendement n°41 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°125 rectifié M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Cet amendement travaillé avec le barreau de Paris garantit le droit au recours effectif contre les décisions de gel judiciaire des avoirs. À cet effet, il prévoit la notification de la décision de gel et un délai de recours de dix jours à partir de celle-ci.
Enfin, le justiciable peut solliciter du magistrat la possibilité de débloquer une partie des fonds pour ses frais de défense, afin d'assurer le principe d'égalité des armes.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Cet amendement, rectifié conformément à la demande de la commission, précise les modalités de recours. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sagesse.
L'amendement n°125 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°42 rectifié bis de Mme Goulet et M. Canévet.
Mme Nathalie Goulet. - Je ne voudrais pas rompre une belle série d'avis favorables... Lorsqu'elles concernent des biens de personnes morales, les mesures visées pourraient faire l'objet d'une publication au registre de commerce des sociétés, dans les conditions fixées par décret.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Je comprends les intentions de l'auteur, mais cet amendement soulève des questions de compatibilité avec le secret de l'enquête. De plus, les personnes en question sont toujours présumées innocentes. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Nathalie Goulet. - Ces mesures ont été proposées par le Conseil national des greffes.
L'amendement n°42 rectifié bis n'est pas adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
Article 5 bis
Mme la présidente. - Amendement n°214 du Gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Cet amendement crée un gel administratif des avoirs des narcotrafiquants, en miroir des dispositifs existants en matière de lutte contre le terrorisme. Il cible les transactions, l'ouverture de comptes bancaires ou la détention de cryptoactifs.
Les personnes soupçonnées ont l'obligation de déclarer l'ensemble de leur patrimoine. Si elles ne le font pas, elles sont en infraction. Mais si elles déclarent tout ce qu'elles ont, elles peuvent être poursuivies pour non-justification de ressources.
Concrètement, par arrêté conjoint de placement sous sanctions signé par les ministres chargés de l'économie et de l'intérieur, avec un copilotage de la direction nationale du renseignement douanier et de l'Ofast avec le juge, interdiction est alors faite à toute personne de mettre des fonds à disposition de ces personnes, grâce à une liste publiée au Journal officiel. Ce mécanisme puissant fonctionne très bien en matière d'antiterrorisme.
Notre rédaction est un peu différente de celle de la commission, afin de déconflictualiser les choses avec l'autorité judiciaire. Pour les douaniers, cet outil manquait jusqu'à présent.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Déconflictualiser ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Il s'agit de ne pas mettre en conflit le droit administratif et le droit judiciaire.
Mme la présidente. - Amendement n°251 de Mme Muriel Jourda et M. Durain, au nom de la commission des lois.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Le Gouvernement propose plusieurs ajustements significatifs au gel administratif introduit par notre commission. Son extension aux infractions douanières est opportune ; mais prévoir que la mesure puisse se renouveler dans le temps ne semble pas pertinent, car l'autorité judiciaire doit à terme reprendre la main ; enfin, l'obligation pour une personne gelée de transmettre un état de son patrimoine dans les six semaines revient-elle à dire que l'exhaustivité de la mesure dépendrait de la coopération de l'intéressé ? Avis défavorable.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - L'amendement n°251 de la commission a le même objet que l'amendement n°214 du Gouvernement, mais sa rédaction restreint l'application de ces mécanismes aux affaires relevant du Pnaco. Or des affaires similaires peuvent être jugées dans les Jirs.
Je propose que la Haute Assemblée se reporte plutôt sur l'amendement du Gouvernement, quitte à ce qu'on intègre des éléments dans la navette. Avis défavorable à l'amendement n°251.
M. Dominique de Legge. - Mais oui, bien sûr...
Mmes Laurence Harribey et Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous préférons faire l'inverse !
L'amendement n°214 n'est pas adopté.
L'amendement n°251 est adopté.
L'article 5 bis, modifié, est adopté.
Après l'article 5 bis
Mme la présidente. - Amendement n°55 rectifié bis de M. Chevalier et alii.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - L'amendement prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur le bilan de l'action de l'Agrasc et de l'affectation de bien saisis et confisqués. Cela garantirait la transparence et renforcerait la confiance du public.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Par principe, nous sommes hostiles aux rapports. L'Agrasc fait en outre un rapport tous les ans, comprenant même le catalogue des biens mis en vente ! Avis défavorable.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Je le confirme. L'Agrasc doit se concentrer sur les saisies, pas sur les rapports. Vous pouvez demander une audition de sa directrice autant de fois que nécessaire.
Une grande vente de biens saisis aura lieu jeudi prochain ; je m'y rendrai pour bien constater que les biens confisqués sont vendus et qu'ainsi nous récoltons de l'argent. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°55 rectifié bis est retiré.
Article 6
Mme la présidente. - Amendement n°47 rectifié bis de M. Burgoa et alii.
M. Laurent Burgoa. - Cet amendement donne aux procureurs de la République du Pnaco et des Jirs la possibilité de transmettre des informations aux services de renseignement concernant les procédures portant sur l'infraction du délit d'évasion en bande organisée. L'attaque d'Incarville a montré combien il fallait que les services judiciaires et de renseignement agissent de concert.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous avons tous à l'esprit le drame d'Incarville. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Cet amendement est particulièrement bienvenu. Avis favorable.
L'amendement n°47 rectifié bis est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
Article 7
Mme Corinne Narassiguin . - L'amendement gouvernemental de suppression de l'article a de fortes chances d'être adopté, ce que nous regrettons. Le Gouvernement considère qu'elles relèvent du règlement, mais les Cross mériteraient d'être consacrées dans la loi. Elles fonctionnent bien, mais il faut les sécuriser. De plus, un contrôle plus précis des informations serait nécessaire : une saisine de la Cnil serait pertinente.
Mme la présidente. - Amendement n°156 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Les Cross n'ont été définies en 2019 ni par une loi ni par un décret, mais dans un plan antistupéfiants. Ne figeons pas cette organisation. Ces cellules, au nombre de 104, ne relèvent pas du domaine de la loi. Je vous renvoie à mes propos précédents sur l'état-major chef de file au sein de la direction nationale de la police judiciaire.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Inscrire dans la loi les Cross était l'une des conclusions de la commission d'enquête, en raison de leur importance et du fait qu'elles ne sont pas toujours bien coordonnées avec la justice.
Toutefois, au cours de nos auditions, elles sont apparues comme des outils purement opérationnels, des réunions de service nécessaires aux enquêtes.
Jérôme Durain et moi avons donc été convaincus de ne pas les figer. Nous les avons maintenues néanmoins dans le texte pour qu'elles soient évoquées en séance. Avis favorable, donc, à l'amendement n°156.
Mme Audrey Linkenheld. - Le groupe SER s'oppose à la suppression de l'article 7. Les Cross sont plus que des réunions de service ; elles rassemblent la police, le préfet, la gendarmerie, le parquet... Nous avons même proposé des groupes de travail avec les maires et les associations.
La loi pourrait rappeler l'intérêt et le principe de cette organisation, en renvoyant la définition de ses modalités opérationnelles à un décret. C'est ce que le Gouvernement a fait pour le principe d'un service chef de file. Il faudrait aussi préciser que les douanes, à titre permanent, ainsi que les maires, doivent y être associés.
Mme Céline Brulin. - Nous nous opposons aussi à l'amendement du Gouvernement : rien ne s'oppose à ce que le principe des Cross soit inscrit dans la loi. Cela nous prive de surcroît d'un débat légitime : que doivent être ces Cross, qui doit y être associé ? Les douanes réalisent 75 % des saisies de stupéfiants. On imagine mal qu'elles en soient exclues. Et quid des acteurs économiques, notamment portuaires ?
À moins, messieurs les ministres, que vous nous présentiez dès maintenant votre vision de ce que doivent être ces cellules...
Mme Laurence Harribey. - Je regrette également la suppression de cet article. Sa rédaction claire offrait un cadre d'action autour de quatre axes : analyse des informations, coordination des acteurs, participation à la stratégie, concours à la politique nationale. Ces mêmes axes auraient pu être déclinés à l'échelon départemental.
Même si j'entends les arguments juridiques, il est regrettable que la loi ne fasse pas référence à la déclinaison territoriale de cette politique.
M. Étienne Blanc. - Le fonctionnement des Cross n'est pas apparu comme essentiel au cours de nos auditions. On nous a dit qu'il manquait parfois un acteur dans leur organisation, souvent en raison de mésententes entre services. Avec Jérôme Durain nous avons cru que l'autorité de la loi pourrait régler ces problèmes...
Mme Audrey Linkenheld. - Eh oui !
M. Étienne Blanc. - Mais nous savons bien que la solution est plutôt à chercher dans la bienséance et la compréhension...
Mme Audrey Linkenheld. - La loi peut aider.
M. Étienne Blanc. - Je me range à l'avis de la commission des lois et voterai l'amendement du Gouvernement. Revenons-en au décret, et laissons le terrain s'organiser au mieux.
Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Audrey Linkenheld. - Ça ne marche pas !
Mme Karine Daniel. - Cette proposition de loi vise à remettre de l'ordre et à favoriser la coordination entre les services.
Développer et maintenir les Cross ne réglera pas les problèmes, mais cela imposera de mettre tout le monde autour de la table. Les élus, les citoyens le demandent.
Supprimer l'article reviendrait à priver cette organisation de continuité territoriale. (Mme Audrey Linkenheld renchérit.)
M. Guy Benarroche. - Nous voterons contre l'amendement de suppression. Je le dis amicalement à Étienne Blanc et Jérôme Durain : le rapport de la commission d'enquête, où l'ensemble des groupes politiques étaient représentés, a jugé utile de fixer le Cross dans la loi.
Par ailleurs, bien des organes inopérants sont consacrés par la loi... Ici, c'est une instance opérationnelle à laquelle la loi peut conférer une continuité territoriale.
L'amendement n°156 est adopté et l'article 7 est supprimé.
Les amendements nos103, 178, 165, 174, 149, 191, 145 et 159 n'ont plus d'objet.
Après l'article 7
Mme la présidente. - Amendement n°104 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - La concurrence internationale à laquelle sont soumis nos ports a pour effet qu'il faut « dépoter » - comme disent les dockers - la marchandise le plus vite possible, et que les douaniers doivent la contrôler tout aussi vite.
Au Havre, par exemple, 93,5 % des conteneurs sont dédouanés en moins de cinq minutes, alors que 80 % des saisies de cocaïne en France sont réalisées dans ce port.
Il faut trouver un équilibre entre la fluidité nécessaire dans le transport commercial et la sécurité. Plusieurs pays ont misé sur la sécurité, quitte à perdre en rapidité... Les professions portuaires nous ont alertés sur ce sujet.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous entendons cet amendement d'appel. Néanmoins, avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. - Vous semblez considérer que les douanes doivent choisir entre fluidité du trafic et le nombre de contrôles, alors qu'elles peuvent viser les deux objectifs en même temps. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°104 n'est pas adopté.
Article 8
Mme Corinne Narassiguin . - L'amendement de réécriture n°219 du Gouvernement risque de rendre les suivants sans objet, d'où cette prise de parole sur article.
Le groupe SER exprime plusieurs réserves : la prolongation de l'expérimentation porterait atteinte à la vie privée, supprimant plusieurs garde-fous utiles, dont l'obligation de transmission de l'avis de la CNCTR. Nous regrettons l'absence d'étude d'impact sur le renseignement algorithmique, méthode très intrusive. Enfin, seuls les huit parlementaires de la délégation parlementaire au renseignement ont eu connaissance du rapport du Gouvernement sur les algorithmes. Je le regrette.
Mme la présidente. - Amendement n°219 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - On lutte contre un phénomène planétaire ultraviolent qui gangrène notre pays, notre jeunesse. Nos forces de sécurité intérieure ont besoin de recourir aux techniques algorithmiques.
Nous les avons déjà expérimentées en 2015, après les attentats. Nous les avons pérennisées en matière de terrorisme. En juillet dernier, nous avons étendu le dispositif pour lutter contre les ingérences étrangères et assurer la défense nationale. Nous proposons maintenant de franchir une nouvelle étape et d'inclure une autre finalité : la lutte contre la criminalité organisée.
Il y a un problème d'inscription de la mesure au livre VIII du code de la sécurité intérieure. Nous voulons qu'elle s'inscrive dans le cadre général, qui a déjà beaucoup évolué.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - C'est un sujet lourd, compte tenu de la dimension intrusive de la technologie. Du point de vue juridique, il nous a semblé plus pertinent de lier ces dispositions au cadre expérimental en cours, par souci de lisibilité.
De plus, les prérogatives du Parlement seront respectées : deux rapports seront remis au Parlement et à la délégation parlementaire au renseignement, fin 2028.
L'amendement n°219 est adopté.
Les amendements nos160, 133 et 72 rectifié n'ont plus d'objet.
L'article 8, modifié, est adopté.
Après l'article 8
Mme la présidente. - Amendement n°70 rectifié ter de M. Perrin et alii.
M. Cédric Perrin. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°241 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Défendu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Cette expérimentation est prometteuse, il faut la prolonger. Tous les éléments ne sont pas publics. Les interceptions satellitaires sont utiles. Avis favorable.
Mme Corinne Narassiguin. - Comment approuver une prolongation d'expérimentation sans information ? Cela ne respecte pas les règles de notre Assemblée. Nous voterons contre.
M. Guy Benarroche. - L'expérience m'a montré que les expérimentations pérennisées avant évaluation n'atteignent pas souvent leurs objectifs - j'avais travaillé avec Agnès Canayer sur l'une d'entre elles... Il faut donc évaluer cette expérimentation avant de la prolonger.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est classique : dès qu'une technique est à la disposition des services de renseignement, ils veulent la conserver. Je n'ai rien entendu sur la pertinence du dispositif, déployé en 2021 pour la première fois... Ne prolongeons pas à l'aveugle.
Bref, ne nous berçons pas d'illusions quand nous votons des expérimentations : nous installons des techniques de renseignement auxquelles les services ne voudront jamais renoncer.
M. Cédric Perrin. - Faites confiance aux parlementaires de la délégation parlementaire au renseignement - Mme Gisèle Jourda en est membre également.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cela fait quatre ans !
M. Cédric Perrin. - La délégation parlementaire au renseignement a reçu samedi, du Gouvernement et de la CNCTR, un rapport sur la première expérimentation. Il est impératif de la prolonger.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Pourquoi voter, alors ?
Les amendements identiques nos70 rectifié ter et 241 sont adoptés, et deviennent un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°73 rectifié ter de M. Perrin et alii.
M. Cédric Perrin. - Cet amendement, très important, est contesté. Les réseaux de narcotrafic tirent profit de la généralisation des messageries chiffrées. Cet amendement instaure donc pour les plateformes une obligation de mettre en oeuvre les mesures techniques nécessaires afin de permettre aux services de renseignement d'accéder à du contenu intelligible des correspondances et données qui y transitent, après avis de la CNCTR.
Pour assurer le respect de ces exigences de coopération, cet amendement crée une sanction de 1,5 million d'euros pour les personnes physiques, et une autre de 2 % du chiffre d'affaires mondial annuel hors taxes pour les personnes morales.
Ne pas le voter, c'est laisser les policiers se défendre avec des pistolets à billes contre les bazookas des narcotrafiquants.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Notre commission d'enquête a recherché l'équilibre entre le besoin de sécurité et les garanties apportées aux libertés publiques. Il est surprenant qu'un tel amendement soit proposé par le Parlement et non par le Gouvernement. Il est très lourd de conséquences, alors qu'il n'a fait l'objet d'aucune audition, d'aucune étude d'impact. Qui empruntera cette porte dérobée que nous ouvrons ?
Votre amendement est ambitieux, pour ne pas dire gourmand. Le Sénat doit demeurer la chambre des libertés. Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Chaque fois que l'on est confronté à des menaces - terrorisme, covid -, le Parlement cherche à trouver un équilibre entre les libertés publiques et la menace. La réponse doit être proportionnée.
Le code de la sécurité intérieure inclut un dispositif qui impose aux opérateurs une obligation de moyens, pas de résultat.
La gendarmerie nationale a cassé le chiffrement d'EncroChat, lors d'une opération saluée à l'international. C'est grâce à cette opération que nous avons découvert toute la violence et la barbarie de ces crimes, notamment les salles de torture.
Les opérateurs doivent donner les clefs de chiffrement en cas de réquisition. Les policiers et gendarmes ne s'amusent pas à décrypter des conversations privées... Ils le font dans le cadre d'enquêtes. Les opérateurs ne doivent pas opposer aux forces de sécurité intérieure des clauses contractuelles.
Mme Audrey Linkenheld. - Sans mauvais jeu de mots, ce débat me semble crypté. Cédric Perrin, Bruno Retailleau, Jérôme Durain se comprennent à mots couverts, mais ce n'est pas mon cas... (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'étonne.) Avant d'expliquer mon vote, j'aimerais avoir une réponse à une question simple : qui donne l'autorisation spécifique de mise en oeuvre des techniques de renseignement dont il est question, après avis de la CNCTR ?
M. Cédric Perrin. - Ce qui est proposé ici ne diffère pas de ce qui se fait aujourd'hui pour les emails et SMS, à la différence près que les mails et SMS ne sont pas cryptés ou chiffrés, contrairement aux messages échangés sur WhatsApp ou Telegram. Aucun contrôle ne peut se faire sans l'autorisation du groupement interministériel de contrôle (GIC), du Premier ministre et de la CNCTR. Pourquoi devrait-il y avoir une différence de traitement entre les opérateurs téléphoniques, les fournisseurs de messageries et les opérateurs de messagerie cryptée ?
Voulons-nous lutter efficacement contre le narcotrafic, oui ou non ? C'est la question. (M. Jacques Grosperrin renchérit.) Bien sûr, il faut un équilibre, comme l'a dit M. Durain. C'est pourquoi il y a un contrôle du GIC, de la CNCTR et une autorisation du Premier ministre.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - L'amendement Perrin concerne les procédures administratives et le judiciaire. Les services de renseignement font de la captation à distance ; certaines officines privées - israéliennes, on s'en souvient - le font. Le Président de la République a refusé l'acquisition de solutions étrangères pour développer des outils internes à l'État.
Comme les SMS, pour faire des écoutes téléphoniques classiques, il faut des portes dérobées pour entrer dans les messageries cryptées. Or les plateformes font du chiffrement leur argument de vente.
Ces techniques ont fait leurs preuves en matière de terrorisme. Je soutiendrai la proposition de Cédric Perrin, même si l'on veillera aux effets de bord.
Les écoutes administratives sont cadrées.
Mme Audrey Linkenheld. - Qui les autorise ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Les écoutes administratives sont autorisées par l'autorité ministérielle ; les écoutes judiciaires, par le magistrat.
Si nous faisons un parallèle avec le terrorisme, qui tue moins que le narcotrafic en France, nous devons mettre les mêmes moyens.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Août 2024, aéroport du Bourget : un ressortissant franco-russe est arrêté, M. Pavel Durov, le fondateur de Telegram. Les autorités françaises lui reprochent un défaut de coopération de sa plateforme avec les autorités judiciaires, sur une affaire de pédopornographie. Grâce à un certain nombre de renseignements, les enquêteurs ont pu démanteler un gigantesque réseau. Voilà l'utilité. Cela ne va pas servir à écouter des sénateurs, députés ou autres...
Le ministre de la justice l'a dit, il faut des armes à la hauteur de la menace. L'amendement Perrin me semble très important pour donner de la puissance à nos enquêteurs.
L'amendement n°73 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.
Article 9
Mme la présidente. - Amendement n°222 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Il s'agit de supprimer une infraction « d'appartenance à une organisation criminelle » issue du rapport Durain-Blanc.
Cette disposition soulève une difficulté constitutionnelle, car elle me semble en contradiction avec l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Il est difficile également de définir la notion « d'appartenance » ; il n'y a pas de carte d'adhérent à la DZ Mafia. À l'exception des mouvances d'ultradroite, qui ont un souci de l'ordre, les groupes criminels ne sont pas disciplinés. Cette définition n'est pas précise.
Enfin, cette disposition serait contradictoire avec celles qui existent pour l'association de malfaiteurs.
Supprimons cette mesure peu claire et non constitutionnelle.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Tout à l'heure, nous avons approuvé la suppression des Cross. En revanche, nous ne comprenons pas votre demande de suppression.
Nous ne pouvons nous en tenir au statu quo ; nous devons innover. Nous proposons donc de nouvelles dispositions, qui certes sont perfectibles - mais c'est toute l'utilité de la navette.
L'infraction de participation à une association de malfaiteurs se caractérise par la préparation à l'infraction. Aussi, par le délit d'appartenance à une organisation criminelle, nous souhaitons prévoir des sanctions même quand aucune infraction n'a été préparée. Ce dispositif a été utilisé dans le cadre de la lutte contre la mafia. Les magistrats feront clairement la différence.
D'ailleurs, comment définit-on une organisation criminelle ? Nous sommes déjà capables de définir une « bande organisée », nous ne proposons donc rien de bien complexe.
Les éléments que nous avançons sont issus de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Nous visons des personnes qui participent clairement et en toute connaissance de cause à une organisation criminelle. Si nous voulons gagner le combat contre le narcotrafic, soyons innovants. Avis défavorable.
M. Guy Benarroche. - Plusieurs acteurs auditionnés, à l'instar d'Eurojust, ont indiqué que l'infraction française d'association de malfaiteurs était insuffisante, notamment pour lutter contre le haut du spectre. Il faut innover. Nous devons garder cette disposition.
Mme Corinne Narassiguin. - Le dispositif mis en oeuvre en Italie a produit des résultats. L'amendement du Gouvernement ne cache-t-il pas plutôt un manque de moyens ?
Si nous voulons être efficaces, il faut y mettre les moyens, pour aller au-delà des déclarations d'intention.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Pour avoir des moyens, il faut un budget ! Cela fait deux mois que nous ne pouvons recruter d'auxiliaires de justice, de magistrats. C'est autant de moyens en moins pour la justice... (Mme Marie-Pierre de La Gontrie ironise.)
L'Italie a certes un cadre inspirant, mais l'organisation de la mafia italienne n'est pas comparable à celle du narcotrafic. Ce n'est pas Cosa Nostra : les membres de la DZ Mafia, de Yoda ne sont pas organisés, tatoués, soumis à une hiérarchie, contrairement à ceux de la mafia sicilienne ou sarde.
J'entends l'argument consistant à dire que l'on peut créer l'infraction, puis voir ensuite si elle est utile. Mais la loi pénale exige un minimum de définition. La compagne ou le fils d'un mis en cause seront-ils visés ?
Faisons attention. Ne touchons pas à la notion d'association de malfaiteurs.
M. Francis Szpiner. - Vous ne pouvez pas dire que l'appartenance à une organisation criminelle mine l'association de malfaiteurs. Vous savez aussi que l'aspect très vague de cette dernière notion a été dénoncé à plusieurs reprises, souvent par des gens qui n'étaient pas de mon bord politique... De ce point de vue, vous ne m'avez pas convaincu.
En revanche, la rédaction de cet article pourrait être améliorée. La loi pénale doit être objectivée.
Les bandes de narcotrafiquants n'ont, heureusement, rien à voir avec la mafia italienne, où le sens de l'appartenance est très fort. Dans la gradation du crime, certains participent à l'organisation criminelle, mais sans relever pour autant de l'association de malfaiteurs. Pensez aux petites mains.
Je ne voterai pas l'amendement du Gouvernement, mais il faudra préciser la rédaction de l'article au cours de la navette.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Si votre assemblée s'engage à retravailler le texte dans la navette et en CMP, le Gouvernement retirera son amendement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La notion de participation à l'organisation criminelle est retenue par la Cour de cassation.
Pour l'association de malfaiteurs, il faut une infraction connexe. L'intérêt de cette nouvelle infraction est de la dégager de toute infraction identifiée. C'est un complément utile.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous avons toujours dit que l'article était perfectible. Nous nous engageons bien volontiers à y retravailler.
L'amendement n°222 est retiré.
L'article 9 est adopté.
Article 10
Mme Laurence Harribey . - Cet article instaure une infraction spécifique pour l'incitation de mineurs à se livrer au trafic de stupéfiants via des plateformes numériques. C'est tout à fait fondé, mais nous regrettons que cet article soit le seul à traiter des mineurs, un enjeu essentiel de la lutte contre le narcotrafic. Les mineurs sont des cibles faciles : ils se laissent plus aisément convaincre et n'encourent pas les mêmes poursuites pénales. Un travail doit être mené sur la prévention de leur basculement dans le trafic et leur accompagnement.
M. Guy Benarroche . - En effet, l'article 10, en lui-même pertinent, est le seul qui aborde ce problème identifié par la commission d'enquête : le piège du narcotrafic se referme sur les mineurs. Comme nous le voyons dans les quartiers de Marseille gangrenés par le trafic de drogue, les narcotrafiquants, capitalistes assumés, sous-traitent et recrutent la main-d'oeuvre la plus précaire possible. Nous regrettons l'absence de mesures d'information, de prévention et d'accompagnement à destination des mineurs, afin de tarir leur recrutement par les réseaux.
Mme la présidente. - Amendement n°49 rectifié de Mme Boyer et alii.
Mme Valérie Boyer. - Cet amendement étend le champ des délits relatifs à la provocation de mineurs au trafic de stupéfiants à toute provocation à mener une quelconque activité ayant pour objet de faciliter le trafic. Le rajeunissement du trafic, mis en évidence par la commission d'enquête, concerne notamment des jeunes en difficulté, parfois issus de l'aide sociale à l'enfance, ou des mineurs non accompagnés. Des associations marseillaises nous ont décrit comment ils sont recrutés comme petites mains, pour effectuer toutes sortes de basses besognes. Je pense en particulier aux guetteurs, exposés à la violence des règlements de comptes. Ces mineurs doivent être protégés, quelle que soit la tâche à laquelle ils sont employés.
Mme la présidente. - Amendement identique n°54 rectifié ter de Mme Ciuntu et alii.
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Défendu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Mmes Boyer et Ciuntu sont deux membres éminentes et assidues de la commission d'enquête. Je ne suis donc pas surprise de leur engagement. Ces amendements sont pertinents : avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
Les amendements identiques nos49 rectifié et 54 rectifié ter sont adoptés.
L'article 10, modifié, est adopté.
Après l'article 10
L'amendement n°94 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°112 rectifié de M. Khalifé et alii.
M. Laurent Burgoa. - Il s'agit de créer un cas de dérogation aux règles de plafonnement des peines applicables aux infractions en concours liées à la criminalité organisée. Il répond à la nécessité de renforcer la lutte contre la poursuite des trafics en prison. Les narcotrafiquants bénéficient actuellement d'un effet d'aubaine, qui leur permet de poursuivre leurs activités en détention provisoire sans craindre une aggravation de leur peine. La mesure est ciblée sur les infractions relevant de la criminalité organisée et le cumul de peines ne pourra pas excéder trente ans de prison. En outre, le juge pourra décider, par décision spécialement motivée, de ne pas déroger au droit commun.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - MM. Khalifé et Burgoa sont également deux membres assidus de la commission d'enquête... L'effet d'aubaine qu'ils signalent est en effet constaté par les magistrats. Le ciblage est proportionné et des dérogations de ce type sont déjà prévues. Les narcotrafiquants sont parfaitement au courant de ce qu'ils risquent et voient la prison comme une case à cocher dans leur cursus. Il faut rendre cette case plus dissuasive. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sagesse.
L'amendement n°112 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°46 rectifié septies de M. Rochette et alii.
M. Pierre Jean Rochette. - Il faut attaquer le narcotrafic aussi par la logistique. Je propose la saisie et la confiscation des véhicules utilisés, notamment dans le cadre des go fast. Les sanctions sont alourdies pour les conducteurs, et la situation des loueurs de bonne foi est prévue - mais nous savons que les trafiquants travaillent le plus souvent en autarcie, avec des loueurs qui font partie de leur galaxie.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - L'amendement est satisfait : retrait, sinon avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
M. Pierre Jean Rochette. - Je n'ai pas sorti cet amendement de mon chapeau ! J'ai consulté les douanes. En pratique, il n'y a pas de saisie et de confiscation des véhicules étrangers, car les procédures sont trop complexes. Je propose de rendre ces mesures automatiques.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - En effet, il y a peut-être une lacune sur les plaques étrangères. Mieux vaut donc insérer la mesure. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
M. Pierre Jean Rochette. - C'est formidable ! (Sourires)
L'amendement n°46 rectifié septies est adopté et devient un article additionnel.
Article 11
Mme la présidente. - Amendement n°134 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Nous demandons la suppression de cet article déséquilibré, qui autorise une prolongation de la garde à vue pour raison médicale au-delà des quatre jours déjà possibles. Nous alertons régulièrement sur les dangers de ce type de dérogations ponctuelles qui s'éternisent. Comme le Syndicat de la magistrature l'a fait observer, il est contradictoire de demander à un médecin d'allonger une garde à vue pour raisons médicales mais dans un but judiciaire, alors que ces raisons devraient plutôt conduire, par exemple, à une hospitalisation d'office.
Mme la présidente. - Amendement n°140 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - En cas de prolongation de garde à vue, la personne doit continuer à bénéficier des droits garantis par l'article 63-1 du code de procédure pénale.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Les travaux préparatoires à ce texte nous ont convaincus de la nécessité d'allonger la garde à vue. La commission a sensiblement renforcé l'encadrement du dispositif, en limitant la durée de la garde à vue à 120 heures, en la subordonnant à des conditions précises et en prévoyant des garanties : droit de demander un nouvel examen médical, droit de téléphoner à un proche, droit de s'entretenir avec un avocat. Avis défavorable à l'amendement n°134 et demande de retrait de l'amendement n°140.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Si les arguments de M. Benarroche s'entendent, je rappelle que les mules sont souvent des enfants et des femmes enceintes. Certains réseaux ont recours à des médecins, plus ou moins agréés par la faculté. En Guyane, j'ai vu des mules qui avaient pris des produits stupéfiants, mais aussi des produits constipants : la mécanique des fluides n'est pas au rendez-vous... Luttons contre ce phénomène, qui n'est rien d'autre que de l'exploitation d'êtres humains. Avis défavorable.
M. Guy Benarroche. - Ces personnes sont en danger, c'est certain. Mais la garde à vue est-elle la procédure adaptée ?
L'amendement n°134 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°140.
Mme la présidente. - Amendement n°147 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Consolidons les dispositions qui instituent pour les mules des peines complémentaires d'interdiction de paraître dans des aéroports et d'interdiction de vol, mesures recommandées par la commission d'enquête. Certaines dérogations doivent être possibles, notamment en cas d'urgence médicale ou familiale. Il appartiendra au juge d'application des peines de se prononcer.
D'autre part, le souci de proportionnalité justifie un critère de conditionnalité : la peine complémentaire d'interdiction de vol ou de paraître dans un aéroport ne pourrait être encourue que si l'infraction a été commise dans un aéroport ou un aéronef.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Cet amendement apporte des garanties utiles. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
M. Francis Szpiner. - La position du rapporteur m'étonne. Une personne condamnée peut à tout moment saisir le juge d'application des peines pour solliciter la modification des contrôles. L'amendement est donc superfétatoire !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Il faut que la loi le prévoie expressément.
L'amendement n°147 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°172 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous sommes un peu surpris que l'interdiction de paraître ne concerne pas aussi les ports. L'amendement répare cet oubli.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - C'est, en effet, un impensé de la commission, les mules voyageant le plus souvent en avion. Faute d'expertise, nous nous rangeons à l'avis du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°172 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°166 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - J'ai vaguement l'impression que la question soulevée par cet amendement a déjà été abordée par M. Szpiner et Mme Jourda...
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - En effet : l'amendement de M. Benarroche ayant été adopté, le vôtre est satisfait.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je n'en suis pas certaine, mais je retire l'amendement.
L'amendement n°166 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°252 de Mme Muriel Jourda et M. Durain, au nom de la commission des lois.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous avions omis d'assortir les peines complémentaires de sanctions pénales en cas de non-respect.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°252 est adopté.
L'article 11, modifié, est adopté.
Après l'article 11
Mme la présidente. - Amendement n°150 de Mme Phinera-Horth et du RDPI.
Mme Patricia Schillinger. - L'État doit s'engager à mettre en place une véritable politique de prévention coordonnée entre acteurs publics et privés.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - C'est visiblement un appel adressé au Gouvernement...
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Cette question relève de mon collègue de l'intérieur. Il faut assurément coordonner l'action antistupéfiants dans les outre-mer. Nous n'avons pas attendu la loi pour adopter un plan « mules ». Retrait.
L'amendement n°150 est retiré.
Article 12
Mme la présidente. - Amendement n°203 du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - La commission d'enquête a bien montré que les drogues les plus dures sont disponibles partout et tout le temps. Voyez le développement de l'Ubershit durant le covid. Pour contrer ce phénomène, nous voulons confier à Pharos les mêmes pouvoirs de suppression de contenus et de blocage de sites en matière de lutte contre le narcotrafic qu'en matière de lutte contre le terrorisme. De plus, le champ du dispositif ne doit pas se cantonner à la promotion de vente de drogue : il faut viser toute communication en ligne liée au trafic en général ou provoquant à l'usage de stupéfiants.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Cet amendement étend significativement le champ des contenus liés aux stupéfiants pouvant être supprimés par Pharos dans un cadre de police administrative. L'Arcom nous a incités à être vigilants. Cet amendement va trop loin : prenons garde à ne pas supprimer la moitié du rap français au détour d'un amendement ! (MM. Bruno Retailleau et Gérald Darmanin s'en amusent.) Pharos, qui accomplit un travail remarquable, n'apparaît pas comme l'outil le plus efficace. Avis défavorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Loin de moi la volonté de supprimer la moitié du rap français... (Sourires) Les oeuvres artistiques ne seront pas menacées. Mais je répète que nous ne pouvons pas viser seulement la promotion de la vente ; nous devons pouvoir agir sur tous les contenus relatifs au trafic en général ou provoquant à l'usage illicite d'une substance classée comme stupéfiante. Ce n'est pas le ministre de l'intérieur qui décidera, mais Pharos.
L'amendement n°203 est adopté.
L'article 12, modifié, est adopté.
Après l'article 12
L'amendement n°92 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°194 de Mme Narassiguin et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - Conformément à la recommandation n°19 du rapport de la commission d'enquête, nous faisons obligation aux vendeurs de cartes SIM prépayées de vérifier l'identité des acheteurs et de conserver ces données pendant cinq ans. Il s'agit de renforcer l'efficacité des enquêtes, dans le respect du cadre juridique européen - comme la Belgique et le Luxembourg le font déjà.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Avis favorable.
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Toutes les mesures renforçant la traçabilité sont bienvenues. Avis favorable.
L'amendement n°194 est adopté et devient un article additionnel.
Article 13
Mme la présidente. - Amendement n°223 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Il s'agit d'instaurer la spécialisation des juges de l'application des peines (JAP) en matière de criminalité organisée. C'est une étape importante pour améliorer le suivi des condamnés du haut du spectre de la délinquance organisée.
Mme la présidente. - Amendement n°253 de Mme Muriel Jourda et M. Durain, au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Oui, il faut spécialiser la chaîne pénale, mais notre approche est différente : nous souhaitons spécialiser les JAP pour les infractions présentant un certain degré de gravité.
Le Gouvernement propose de retenir les infractions gérées par les Jirs, mais la saisie de ces juridictions dépend du niveau de complexité des affaires, non de leur degré de gravité. Retrait de l'amendement du Gouvernement au profit du nôtre.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Ce qui compte, c'est le fait qu'une juridiction spécialisée, avec un parquet spécialisé, puisse appliquer les peines de façon spécialisée. On ne peut pas multiplier les juges spécialisés dans tous les parquets de France
Je propose une approche carcérale inédite, fondée sur la dangerosité des détenus. Les grands criminels qui ont aujourd'hui 80 ans, comme Carlos, sont moins dangereux pour la nation que certains jeunes en détention provisoire pour une tentative d'homicide.
Ne perdons pas des kilojoules d'efficacité avec une spécialisation par infraction dans chaque juridiction. Du chef de filat jusqu'à la détention en passant par les juges d'application, spécialisons en matière de narcotrafic comme nous l'avons fait en matière de terrorisme.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Nous sommes d'accord sur le principe de la spécialisation de toute la chaîne pénale. Mais ce n'est pas dans les Jirs que l'on trouve les infractions les plus graves : Mohamed Amra n'était pas jugé par une Jirs, car son infraction était grave, mais pas complexe.
Notre amendement me paraît plus proche de la réalité. Chers collègues, donnez raison à votre commission ! (Sourires)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - L'exemple de Mme Jourda est révélateur : dans notre dispositif, M. Amra - que nous avons collectivement très mal évalué - aurait été vu comme quelqu'un de dangereux, avec des affaires à Marseille, Évreux et Lille.
M. Francis Szpiner. - Nous parlons de gens qui ont été condamnés. Il s'agit donc de l'exécution de la peine, qui est de plus en plus détachée de la juridiction ayant prononcé la condamnation. Carlos, ma vieille connaissance, a changé régulièrement de prison, pour des raisons de sécurité. Il faut des JAP spécialisés, sans s'en tenir aux lieux d'exécution. Le JAP centralisé, c'est Paris.
L'amendement n°223 est adopté.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Merci !
L'amendement n°253 n'a plus d'objet.
L'article 13, modifié, est adopté.
Article 14
Mme la présidente. - Amendement n°224 du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - C'est un article important de cette proposition de loi, relatif au statut du repenti.
Ce statut existe dans la législation italienne, y compris pour des crimes de sang. En échange de leur sortie définitive de l'organisation criminelle, les repentis sont protégés par une convention spécifique, qui lie le tribunal. C'est une question à la fois morale et pratique : comment protéger les repentis ? Le ministère de la justice y a beaucoup réfléchi.
Le statut de repenti peut permettre d'obtenir des aveux ou des preuves dans un monde où l'on parle peu et où les règlements de comptes sont extrêmement violents. La prise de risque du repenti est énorme.
Nous proposons d'élargir le champ de ce statut aux crimes de sang. Cet article 14 est un changement profond de notre droit, nécessaire pour obtenir davantage d'aveux et de preuves.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace ! Nous nous y sommes efforcés, en inventant de nouvelles procédures.
Le statut de repentis issu de la loi Perben ne fonctionne pas. Pour des milliers en Italie, on en compte quelques poignées chez nous. C'est plus un sujet d'efficacité que de morale.
Les divergences entre nous sont de taille. Vous rejetez l'immunité de poursuite introduite par la proposition de loi, qui permettrait de faire tomber des réseaux entiers. On se cantonnerait donc aux gentils repentis, aux enfants de choeur. Mais quelqu'un qui a oeuvré au coeur des réseaux en sait long sur leur fonctionnement. Nous ne courrons aucun risque à être ambitieux : dans le pire des cas, notre dispositif ne sera pas utilisé ; dans le meilleur, il sera efficace.
Vous créez un nouveau verrou en réservant l'octroi de ce statut à la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris. Mais les magistrats instructeurs doivent pouvoir accorder ce statut. Qui aura envie de se repentir si le magistrat et les policiers ne peuvent lui garantir une protection ? Faisons preuve d'audace !
Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Le Gouvernement est prêt à faire preuve d'audace.
J'entends que les enfants de choeur ont moins de péchés à confesser que ceux qui ont beaucoup fauté... Mais l'immunité pose une question morale : jusqu'à quand ? L'immunité que vous souhaitez instaurer concernera-t-elle aussi les crimes de sang ? Sans doute pas. Cela limite le champ d'application de la mesure à des demi-enfants de choeur... des diablotins, peut-être ! D'autant que la violence est désormais consubstantielle au narcotrafic. Si notre dispositif ne vous semble pas assez audacieux, le vôtre n'est peut-être pas assez précis.
Par ailleurs, qui confère le statut ? Selon nous, la juridiction du lieu de demande. Vous mentionnez d'autres possibilités, pourquoi pas ? Nous avons besoin d'un dispositif qui fonctionne.
Je retire donc l'amendement du Gouvernement, afin de poursuivre notre travail au cours de la navette, notamment sur les crimes de sang et sur l'immunité, afin d'aboutir à une écriture commune.
Abandonner toute poursuite peut être difficile à accepter pour les victimes ; or le garde des sceaux est aussi le ministre des victimes. On ne peut pas donner un blanc-seing à n'importe qui, même pour faire tomber une grosse organisation.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Merci pour ce geste. Je fais un narco-tour en ce moment pour tester certaines idées : personne ne s'est levé pour me dire que ce que nous proposions était inadmissible !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Mais il manque le crime de sang.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous veillons à l'efficacité du dispositif. Aujourd'hui, le statut n'apporte pas la garantie d'être mieux traité que son ancien complice, si bien que les seuls à entrer dans le dispositif sont ceux qui risquent d'être liquidés...
Nous allons y retravailler avec vous, monsieur le ministre, mais restons ambitieux !
L'amendement n°224 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°163 de M. Bourgi et du groupe SER.
M. Hussein Bourgi. - « Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde », a écrit Albert Camus. Chez les criminels, on les appelle des traîtres, des balances. Dans la loi, ce sont des repentis ou des collaborateurs. Mais ces deux termes sont connotés, l'un moralement, l'autre historiquement. Nous proposons de les appeler simplement des « coopérateurs de justice ».
« La forme, c'est le fond qui remonte à la surface », disait un grand académicien français. Ces personnes ont fauté, puis décidé de rentrer dans le droit chemin. Ne les stigmatisons pas.
Mme la présidente. - Amendement n°15 rectifié ter de M. Parigi et alii.
Mme Annick Petrus. - Cet amendement procède à la même modification terminologique. Les termes de « coopérateur de justice » traduisent de manière plus neutre et objective la démarche des personnes concernées. Le dispositif gagnerait ainsi en attractivité.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Cela fait dix ans que les repentis s'appellent collaborateurs de justice. Je ne crois pas que cela ait posé de problème particulier. Un adage américain dit : si ce n'est pas cassé, on ne répare pas. Pourquoi modifier ce qui donne satisfaction ? Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis défavorable. Ce débat sémantique est intéressant, mais je suis toujours choqué quand les mots ne correspondent pas à la réalité : on condamne les gens à de la prison, mais ils ne vont pas en prison ; on met quelqu'un à l'isolement, mais il téléphone... Ceux qui parlent, ce sont bien des repentis : tout le monde le comprend. (Mme Audrey Linkenheld s'exclame.) Cela n'a rien de négatif. Nous parlons de gens qui ont commis des crimes. Ce ne sont quand même pas des collaborateurs occasionnels du service public...
Mme Audrey Linkenheld. - Ce n'est pas ce qui est écrit dans la loi !
L'amendement n°163 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°15 rectifié ter.
Mme la présidente. - Amendement n°254 de Mme Muriel Jourda et M. Durain, au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Clarification rédactionnelle.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sagesse.
L'amendement n°254 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°135 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Actuellement, les procès-verbaux d'audition établis avant que la personne manifeste sa volonté de coopérer avec la justice ne sont pas pris en compte. Nous prévoyons de les annexer au rapport.
Mme la présidente. - Amendement n°162 de M. Bourgi et du groupe SER.
M. Hussein Bourgi. - Défendu.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Cet amendement apporte des précisions bienvenues, mais la rédaction des amendements identiques nos115, 195 rectifié et 204 rectifié ter est préférable. Retrait.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°162 est retiré.
L'amendement n°135 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°115 de Mme Carlotti et M. Benarroche.
Mme Marie-Arlette Carlotti. - Cet amendement précise que l'octroi du statut de collaborateur de justice s'effectuera en tenant compte des déclarations faites par la personne avant qu'elle ait exprimé la volonté de coopérer avec la justice. Il s'agit d'offrir une protection intégrale aux collaborateurs de justice.
Mme la présidente. - Amendement identique n°195 rectifié de M. Bourgi et alii.
M. Hussein Bourgi. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°204 rectifié ter de M. Parigi et alii.
Mme Annick Petrus. - Défendu.
Les amendements identiques nos115, 195 rectifié et 204 rectifié ter, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
L'article 14, modifié, est adopté.
Après l'article 14
Mme la présidente. - Amendement n°65 rectifié bis de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - La commission d'enquête a montré les limites des révélations par des témoins, en raison de leur peur de représailles par des réseaux ultraviolents. Renforçons la protection des témoins menacés, en leur permettant de dissimuler leur voix ou leur apparence physique et en alourdissant les peines en cas de révélation de leur identité.
L'amendement n°65 rectifié bis, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.
L'amendement n°84 rectifié n'est pas défendu.
Article 15
Mme la présidente. - Amendement n°44 rectifié de M. Frassa et alii.
M. Christophe-André Frassa. - Cet amendement est le résultat de notre oeuvre commune avec Mme de La Gontrie, à l'occasion d'un rapport d'information sur l'intelligence artificielle générative et les métiers du droit. Lors de nos auditions, nous avons constaté que les greffiers et magistrats pouvaient faire l'objet de menaces ou d'intimidations. Il faut pouvoir anonymiser leurs noms.
Mme la présidente. - Amendement identique n°193 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Rien de mieux à dire ! Défendu.
M. Jérôme Durain. - L'anonymisation est une préoccupation forte des magistrats. C'est effectivement nécessaire. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable. Les agents pénitentiaires peuvent aussi être concernés : je prendrai les mêmes mesures les concernant, par la voie réglementaire. Les enquêteurs de la police et de la gendarmerie peuvent également requérir l'anonymisation, via leur numéro d'identification, auprès du procureur de la République. Toute la chaîne sera ainsi anonymisée. Bien entendu, il s'agit uniquement des cas de criminalité organisée.
Les amendements identiques nos44 rectifié et 193 sont adoptés.
L'article 15, modifié, est adopté.
Après l'article 15
Mme la présidente. - Amendement n°111 rectifié quinquies de M. Louis Vogel.
M. Pierre Jean Rochette. - Les services de police peuvent rencontrer des difficultés pour faire appel à des interprètes, qui craignent que l'on révèle leur identité. Cet amendement prévoit de protéger leur anonymat, à l'instar de ce qui se fait en matière de terrorisme.
L'amendement n°111 rectifié quinquies, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.
L'article 15 bis est adopté.
Après l'article 15 bis
Mme la présidente. - Amendement n°95 de M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. - Il s'agit d'autoriser le recours à des techniques spéciales permettant de capter, à distance, des images ou des sons utiles à la manifestation de la vérité. Les criminels savent protéger les lieux où ils exercent leurs activités et peuvent tendre des pièges aux policiers : il faut donc procéder à distance.
Par cet amendement, nous ouvrons le champ d'utilisation des techniques d'enquête sur les appareils mobiles, tout en respectant les exigences du Conseil constitutionnel : il s'agira de décisions motivées et susceptibles de recours ; cela sera réservé aux enquêtes sur les crimes les plus graves ; et certains lieux et certaines personnes ne pourront pas être concernés - par exemple, le cabinet d'un avocat.
M. Jérôme Durain, rapporteur. - Votre amendement, qui ne concerne que les infractions les plus graves, nous semble donc conforme à la Constitution. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable. La proposition d'Étienne Blanc répond aux observations du Conseil constitutionnel. Oui, il peut être dangereux, pour les enquêteurs, d'installer physiquement des dispositifs de captation, alors que les nouvelles technologies nous permettent de faire à distance. Et quand nous mettons un véhicule sur écoute, il peut arriver que les malfrats n'échangent pas un mot en neuf heures de route aller-retour. Il s'agit de personnes ultra-professionnelles, qui changent de téléphone, de véhicule, d'appartement. Pour des raisons d'efficacité, il ne faut pas faire de pauses dans les écoutes. L'amendement d'Étienne Blanc est proportionné et respecte les exigences du Conseil constitutionnel. J'espère qu'il sera adopté et qu'il ne sera pas censuré.
L'amendement n°95 est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°201 de Mme Phinera-Horth et alii.
Mme Patricia Schillinger. - Défendu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Il s'agit du même dispositif, cette fois pour les appareils fixes. Cet amendement ne porte qu'une atteinte proportionnée à la vie privée. Avis favorable.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable.
M. Guy Benarroche. - Nous nous sommes déjà opposés dans d'autres textes à l'extension de la surveillance à distance, car c'est une intrusion considérable : on écoute aussi des personnes qui n'ont rien à voir avec le trafic, via notamment les appareils domestiques du domicile. En quoi cet amendement garantit-il le droit à la vie privée ?
L'amendement n°201 est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Mes chers collègues, en accord avec les ministres et compte tenu de l'importance de l'article 16, je vais lever la séance. Nous avons examiné 119 amendements, il en reste 75.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 29 janvier 2025, à 15 heures.
La séance est levée à minuit quarante-cinq.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 29 janvier 2025
Séance publique
À 15 heures, 16 h 30 et le soir
Présidence : M. Gérard Larcher, Président M. Didier Mandelli, vice-président M. Pierre Ouzoulias, vice-président
Secrétaires : Mme Marie-Pierre Richer, M. Guy Benarroche
1. Questions d'actualité au Gouvernement
2. Suite de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée) (texte de la commission, n°254, 2024-2025) et de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée) (texte de la commission, n°255, 2024-2025) (demandes du groupe Les Républicains et de la commission des lois)