Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Mise au point au sujet d'un vote
Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)
M. Gérard Larcher, président du Sénat
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Financement de la sécurité sociale pour 2025 (Conclusions de la CMP)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour le Sénat de la CMP
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Ordre du jour du lundi 27 janvier 2025
SÉANCE
du jeudi 23 janvier 2025
44e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Marie-Pierre Richer.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Olivier Cigolotti. - Lors du scrutin public n°172, sur l'amendement n°II-2222, M. Bernard Delcros souhaitait voter pour.
Acte en est donné.
Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)
Seconde partie (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public à la tribune, du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.
Explications de vote
M. Pascal Savoldelli . - (On encourage l'orateur sur les travées du groupe CRCE-K.) Monsieur le Président du Sénat, vous qui avez érigé notre assemblée en contrepouvoir, vous devez avoir pleinement conscience que le président Macron utilise le Sénat pour dévoyer le bicamérisme et affaiblir le pluralisme. Chiffrage fantaisiste pour décrédibiliser la censure, adoption du PLF en commission mixte paritaire : autant de coups de force. Vous acceptez de contourner les débats à l'Assemblée nationale, tout autant que la volonté exprimée dans les urnes. L'Assemblée nationale n'aura jamais examiné la seconde partie du budget, c'est inédit !
Le 1er décembre dernier, une seconde délibération a rayé d'un trait vingt-sept amendements de justice sociale et fiscale adoptés par le Sénat. Écoeurés, les sénateurs de gauche ont quitté l'hémicycle.
Le 15 janvier, nous avions multiplié les rappels au règlement pour dénoncer la reprise des débats, contraire à l'article 47 de la Constitution. Le Gouvernement devait présenter un nouveau projet de budget ! Une majorité sénatoriale s'en est accommodée.
Pas de leçons de notre part. Reste que ce désordre budgétaire aurait pu être évité si nos alertes avaient été écoutées.
Le peuple se satisfera-t-il longtemps de donner les pleins pouvoirs à un seul individu ? Aux relais des milieux financiers et des affaires ? L'intérêt général n'est plus garanti par le politique. Un mur se dresse entre les populations et les lieux de décision.
Ce budget est frappé d'un triple sceau - MM. Attal, Barnier et Bayrou. C'est un triple saut dans l'inconnu : démocratique, social et fiscal.
Où est la prise en compte des urgences sociales et économiques ? Le surendettement des ménages explose, 260 000 emplois industriels sont menacés, la productivité décroche, 15 % des Français sont en état de grande pauvreté. Comment continuer à faire comme si de rien n'était ?
Votre réponse : 6,3 milliards d'euros de nouvelles coupes. Et où frappez-vous ? Là où ça fait le plus mal. Sur la santé, pour 250 millions d'euros. Sur nos écoles. Sur la transition écologique, avec 1,3 milliard envolé, comme si le dérèglement climatique pouvait attendre. Sur les collectivités territoriales, pourtant dernier rempart contre les fractures sociales et territoriales. La droite sénatoriale n'a pas bronché. Allez l'expliquer aux élus locaux, aux citoyens dont les factures explosent et les salaires stagnent, alors que les services publics se délitent ! Quand tout sera privatisé, on sera privé de tout.
Derrière, le capital continue de prospérer : 100 milliards d'euros l'année dernière pour les actionnaires du CAC 40 ! Si vous êtes si prompts à couper dans les services publics, c'est pour mieux préserver les grandes fortunes et détenteurs de capitaux. Chaque année, 200 milliards d'euros d'aides publiques sont versées aux entreprises : 78 milliards en dépenses fiscales, 91 milliards en allégements sociaux, 35 milliards en subventions directes. Pour enrichir les riches. Mais pas d'ISF, pourtant plébiscité par 72 % des Français ! La cohérence de ce budget, c'est le refus idéologique du partage des richesses. Même les quelques timides mesures de justice fiscale du budget Barnier ne sont pas reconduites.
Nous voulons des mesures pour que les Français vivent mieux. À la veille du coup de force annoncé en commission mixte paritaire (CMP), députés et sénateurs communistes déposeront une proposition de loi d'urgence économique et sociale, qui émane des communes, des syndicats, des associations. Oui, la démocratie vit encore, dans les territoires, dans le mouvement social, dans les entreprises. Nous proposons vingt mesures, dont l'abrogation de la réforme des retraites, le blocage des prix et de nouvelles recettes.
Nous voterons résolument contre ce budget. Et comme le dit André Chassaigne, qui aurait fait un très bon président de l'Assemblée nationale : « il faut révolutionner le lien entre la population et le pouvoir politique ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'année 2025 est une année d'héritage - héritage des jeux Olympiques et Paralympiques, vite bradé ; héritage de sept ans de désarmement fiscal, de dépouillement de nos comptes publics, de flambée de la dette. Notre situation budgétaire est catastrophique, mais la catastrophe n'a rien de naturel : c'est le résultat d'une politique de cadeaux fiscaux pour les plus fortunés, financés à crédit.
Au chaos de nos comptes publics s'est ajouté le chaos politique.
Pas moins de trois ministres de l'économie se sont penchés sur ce budget qui, telle la créature de Frankenstein, échappe à ses nombreux créateurs. Personne n'en porte la responsabilité.
À l'automne, le Gouvernement nous a expliqué qu'il n'avait eu que quinze jours pour préparer sa copie - le Président de la République en ayant mis soixante pour nommer un Premier ministre. Ce budget, réalisé à la hâte, s'appuyait sur des prévisions irréalistes et actait déjà un recul massif pour l'État et les collectivités territoriales.
Au Sénat, nous avions fait progresser la copie et trouvé des consensus sur de nouvelles recettes. Mais, à trois jours de sa censure, le Gouvernement Barnier a imposé vingt-sept nouvelles délibérations. Exit tax, taxation des dividendes, impôt sur la fortune immobilière (IFI), taxe Gafam, taxe sur les transactions financières : vous aviez mal voté, chers collèges, Bercy vous a rappelés à l'ordre - quitte à priver l'État de ressources.
La méthode Barnier, c'est aussi le choix de se mettre dans la main exclusive du Rassemblement National. (Huées à droite) Choix irresponsable, qui a abouti à sa censure. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée proteste.) Malgré ce revers démocratique, le budget est repris tel quel, sans ressource fiscale supplémentaire.
Des négociations se sont ouvertes à Bercy. Nous y sommes allés, sans ligne rouge, mais avec des alertes rouges. En matière de transition écologique, le stop and go est délétère. Hélas, la trajectoire budgétaire a primé la trajectoire climatique. Devant le dogmatisme de Bercy, confinant au déni climatique, les députés écologistes n'ont eu d'autre choix que de voter la censure. (M. Laurent Burgoa s'exclame.)
Le Gouvernement a brutalisé le débat par des amendements de dernière minute, qui rabotent de centaines de millions d'euros des budgets essentiels, avec pour seuls arguments la trajectoire budgétaire et le coût de la censure : le niveau zéro du pilotage de l'action politique... (Applaudissements sur les travées du GEST)
Parler de « rabot » est d'ailleurs impropre, car les coupes n'ont pas été homogènes. Certains budgets - défense, justice, intérieur - sont préservés ; d'autres - aide au développement, recherche -, passés à la tronçonneuse. Vous sacrifiez l'avenir. Manifestement, le déni climatique n'est pas l'apanage du président des États-Unis ! En dépouillant le budget de la diplomatie climatique - 35 % de baisse pour l'aide publique au développement (APD) ; en ruinant nos capacités de recherche - moins 630 millions d'euros ; en ponctionnant 1,3 milliard d'euros sur l'écologie, vous faites sortir la France de l'accord de Paris par la petite porte.
Pourtant, Mayotte a été rasée par un cyclone qui illustre l'impact dévastateur de nos émissions. La Cour des comptes, dans son rapport public pour 2024, décrit l'extrême vulnérabilité de notre pays aux aléas climatiques. Or vous êtes dans le déni : même le budget de la sécurité civile diminue de 50 millions d'euros. Aucune vision stratégique. En désarmant fiscalement l'État, vous nous exposez au pire.
Alors que la transition écologique nécessite des investissements pérennes, vous sabrez dans les aides au changement de véhicule, les investissements pour les transports collectifs et le plan Vélo. Vous aggravez les fractures territoriales et sociales. Tout cela finira mal !
Monsieur le ministre, vous restez droit dans vos bottes - ou plutôt, dans les bottes présidentielles, celles qui nous ont menés dans l'impasse budgétaire et le mur climatique ! Nous refusons cette marche forcée vers l'abîme et voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes CRCE-K et SER)
M. Thierry Cozic . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les conditions d'examen tumultueuses de ce PLF reflètent la situation politique dans laquelle nous a plongés le Président de la République. Ce n'est que la suite logique du déni démocratique qu'a représenté la nomination de feu Michel Barnier, ... (Marques d'indignation à droite)
M. Philippe Bas. - S'il vous plaît !
M. Thierry Cozic. - ... Premier ministre issu d'un groupe de 47 députés. Un tel coup de force démocratique ne pouvait rester sans réponse. Tout affairé à négocier avec l'extrême droite, M. Barnier s'est retrouvé trahi par sa partenaire. (Applaudissements à gauche ; huées à droite et au centre)
Un nouveau Gouvernement est donc en place. La déclaration de politique générale - ou plutôt d'inertie générale - ne nous a pas rassurés. Le choix de reprendre la navette sur un budget censuré vous empêche d'engager une négociation des plus exigeantes avec nous.
Ne vous méprenez pas sur notre famille politique.
M. Roger Karoutchi. - Laquelle ?
M. Thierry Cozic. - Si, dans nos territoires, nous avons ressenti le besoin de stabilité, nous avons aussi entendu le besoin d'alternance. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER et du GEST) Il s'est manifesté lors des élections. Un changement de cap s'impose !
M. Loïc Hervé. - Avec Mélenchon ?
M. Thierry Cozic. - La cote de popularité du Président n'est plus que de 18 %, ses propres électeurs le quittent. Ne pensez pas obtenir notre clémence au nom de la sacro-sainte stabilité - elle dépendra de la légitimité de vos décisions. Sept années de politiques iniques et verticales ont été sanctionnées dans les urnes. Que le Président use de son pouvoir de nomination comme d'un pouvoir de décision ne suffira pas à maintenir le statu quo. La légitimité politique du Gouvernement est assise sur les trois partis ayant perdu les dernières élections. Cela vous impose le compromis. Or le compte n'y est toujours pas.
En matière de justice fiscale, d'abord. En 2022, monsieur Lombard, vous écriviez : « un dérèglement est la cause de tous les autres, celui de la rémunération du capital ». Votre budget ne tire pas les conséquences de ce constat lucide. La rémunération des actionnaires a progressé de 114 %, celle des dividendes, de 46 %, celle des rachats d'actions, de 286 %. Cela donne le tournis ! A contrario, le Smic brut n'a progressé que de 19 % ; le salaire moyen brut, de 15 %. Face à une rémunération du capital devenue hors de contrôle, l'État est désarmé. L'État est nu, et le Trésor sa feuille de vigne. (Murmures admiratifs et applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Laurence Rossignol. - Bravo !
M. Thierry Cozic. - Le compte n'y est pas non plus en matière climatique : les crédits du fonds vert ont été divisés par deux en un an, alors que l'eau manque et que les feux se multiplient.
Nous ne ferons pas les frais de votre incapacité à tenir vos partenaires Les Républicains, qui sont revenus hier sur l'engagement du Premier ministre de renoncer aux suppressions de postes d'enseignants.
Je salue le retour du dialogue sur l'injuste réforme des retraites, même si la mission flash confiée à la Cour des comptes exclut le Conseil d'orientation des retraites (COR). Le retour des partenaires sociaux n'aurait pas été possible sans les socialistes, qui seront exigeants sur les suites données à ce conclave. Nous avons pris l'engagement devant nos électeurs de ramener le scalp de la réforme des retraites, or nous n'avons pour l'instant que des touffes de cheveux ! (M. Éric Lombard passe la main sur son crâne.)
Le compte n'y est pas non plus pour les collectivités locales, ponctionnées de 2 milliards d'euros alors qu'elles sont dans le rouge. Nous resterons vigilants et exigeants. (M. André Reichardt s'exclame.)
Les renoncements distillés par voie de presse ne nous rassurent pas.
Imputer la responsabilité de la dette aux services publics et à l'État social, c'est faire sciemment le mauvais diagnostic. Ce budget, décalque du budget Barnier, ne fait qu'instruire ce procès. Nous voterons contre.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le Gouvernement n'a pas d'assise parlementaire suffisante pour se suffire à lui-même.
M. Stéphane Demilly. - On a compris...
Mme Jocelyne Guidez. - C'est facile...
M. Thierry Cozic. - Il faudra en tenir compte lors des arbitrages, sans quoi les mêmes causes produiront les mêmes effets. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)
M. Christopher Szczurek . - Ce PLF est sans doute le plus complexe de la Ve République. Les conditions budgétaires, politiques et médiatiques n'ont pas permis un débat serein et cohérent.
Médiatiquement d'abord, le gouvernement Barnier avait multiplié les fausses informations, parlant de shutdown à la française, allant jusqu'à dire que les cartes Vitale cesseraient de fonctionner. Où étaient les fact-checkers, alors ?
Politiquement ensuite, le pacte contre l'opinion conclu par certains partis et la personnalité d'Emmanuel Macron sont les seuls responsables de l'instabilité parlementaire. Ces partis savent s'entendre pour sauver quelques prébendes, pas pour construire un projet politique.
Budgétairement enfin, les travaux de la commission des finances ont prouvé que le Gouvernement n'avait pas anticipé le dérapage - épilogue d'une politique économique dont l'échec était inéluctable.
Résultat : il nous faut économiser davantage. Les économies de bon sens que nous avions proposées - sur les agences trop nombreuses, sur la gabegie de notre politique migratoire - évitaient d'écraser la France qui travaille et celle qui souffre. Hélas, le conformisme et les oeillères idéologiques ont empêché leur adoption.
Au moins certaines idées ont-elles infusé. Nous nous félicitons de la baisse des crédits de l'APD : il faut privilégier nos concitoyens et nos besoins (protestations sur les travées du GEST), non des financements dispendieux qui n'ont eu aucun effet sur notre rang à l'étranger, notre économie ou nos partenariats.
M. Loïc Hervé. - Caricature !
M. Christopher Szczurek. - Le Gouvernement opte pour des coupes aveugles, plutôt que de faire des choix politiques. La décision du Sénat de maintenir la trajectoire de la loi de programmation militaire est un signal positif, qu'il faudra défendre en CMP.
Le contre-budget du RN présenté par Jean-Philippe Tanguy répondait, lui, à la double nécessité de baisser les dépenses publiques et de rendre aux Français leur argent, tout en renforçant l'efficacité de nos services publics. Nous pouvons faire plus avec moins, pour peu que l'on reconsidère les priorités. Il y a une alternative à la surenchère fiscale et à la purge sociale !
Nous espérons que la CMP parviendra à un compromis plus juste. En l'état, nous voterons contre ce budget. (MM. Joshua Hochart, Aymeric Durox et Alain Duffourg applaudissent.)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Michel Barnier avait déposé un budget imparfait, en laissant au Parlement le soin de l'améliorer. L'Assemblée nationale a donc créé taxes, surtaxes, impôts, contributions temporaires, les a augmentés et généralisés - laissant le sérieux à notre assemblée.
Considérant qu'il s'agissait d'un budget d'urgence, visant à éviter une crise financière d'ampleur, notre groupe avait accepté de faire peser pour deux tiers la baisse du budget sur des économies et pour un tiers sur une hausse provisoire, ciblée et encadrée, de la fiscalité sur les ménages les plus aisés et sur les plus grandes entreprises.
Ce budget était l'un des premiers depuis longtemps à prévoir des économies substantielles. L'indispensable baisse des dépenses publiques ne doit être ni brutale ni générale. Elle doit préserver les missions régaliennes que sont la sécurité du quotidien, la justice, la défense, la diplomatie.
L'État doit également veiller à notre santé, à l'éducation de nos enfants, à la lutte contre le réchauffement climatique... Je regrette que la trajectoire de la loi de programmation de la recherche (LPR) n'ait pas été sanctuarisée.
L'Assemblée nationale a laissé le champ libre au Sénat. S'est-il vraiment saisi de l'occasion ? Alors que notre pays est l'un des plus fiscalisés au monde, nous avons créé un nouvel impôt sur la fortune, augmenté les droits de mutation en pleine crise immobilière, augmenté indirectement les impôts de production avec le versement mobilité, raboté le crédit d'impôt recherche (CIR), essentiel à notre compétitivité...
Mon excellent collègue Capus (sourires et applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP) a cité Karl Marx : « il y a une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts et toujours plus d'impôts ». Des majorités originales (M. Fabien Gay s'exclame) se sont dégagées pour lui donner raison. Heureusement, notre majorité est revenue sur ces mesures, notamment les hausses du prélèvement forfaitaire unique (PFU) et de l'exit tax, en seconde délibération.
Le Premier ministre a annoncé 30 milliards d'euros d'économies nouvelles, dont 23 milliards à la charge de l'État, qui doit voir ses dépenses baisser de 2 % en valeur. Nous y avons souscrit. Je le redis, l'État doit réduire ses dépenses de fonctionnement et sanctuariser ses dépenses d'investissement. En sacrifiant ses dépenses d'avenir, il ne se comporte pas en bon gestionnaire : la baisse des crédits de France 2030, de la recherche, de l'écologie sont de mauvais augure.
Deux crises budgétaires menacent. La première, latente, résulte de cinquante ans de déficit. Nos enfants en paieront les conséquences. La deuxième résulterait de la non-adoption de ce budget : l'État serait mis en difficulté, nos citoyens plongés dans l'inconnu.
Nous ne voulons pas rajouter une crise budgétaire à la crise politique. Le propre des compromis politiques est qu'ils ne sont satisfaisants pour personne. Aussi, nous voterons, en responsabilité, le PLF 2025. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les négociations sur ce budget ont débuté sous Gabriel Attal, au printemps ; le PLF a été enregistré à l'Assemblée nationale sous Michel Barnier ; après le vote de la motion de censure, les ministres de François Bayrou l'ont défendu. Pourtant, ce texte est celui du Sénat.
Une voix à gauche. - Des Français ?
Mme Christine Lavarde. - C'est celui de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Michel Barnier avait présenté un effort de 50 milliards d'euros, répartis entre 20 milliards de hausses de fiscalité, temporaires et ciblées, et 30 milliards de baisses de dépenses. Le groupe Les Républicains a accentué l'effort, en votant 3 milliards d'euros d'économies supplémentaires, dont 1 milliard sur les agences. Notre commission d'enquête poursuivra les efforts de rationalisation.
M. Max Brisson. - Très bien !
Mme Christine Lavarde. - Nos efforts ont permis de réduire le déficit de 0,1 point de PIB. Ce budget répond à nos priorités. Le Sénat préserve la capacité d'investissement des collectivités, en refusant toute modification non concertée du FCTVA et en évitant toute ponction trop importante sur leur capacité d'autofinancement. Sans les grandes collectivités, pas d'investissement public. Nous permettons aux exécutifs locaux de lever des recettes supplémentaires via le versement mobilité ou les droits de mutation.
Nos concitoyens attendent beaucoup de la police et de la justice - pour 70 % des Français, la lutte contre la délinquance est prioritaire.
M. Hussein Bourgi. - Vous avez créé des postes à la justice !
Mme Christine Lavarde. - Cela suppose de préserver les moyens.
Pour être acceptables, les hausses de fiscalité doivent être ciblées, temporaires et justifiées. L'augmentation des accises sur l'électricité à un niveau supérieur à celui d'avant la crise de l'énergie était inacceptable, antisociale et antiécologique. Le Sénat a rejeté toute hausse de fiscalité non ciblée, à l'instar de celle du PFU.
Les mesures concédées par François Bayrou au parti socialiste ne sont pas des marqueurs socialistes. (« Oh ! » sur les travées du groupe SER) La plupart ont déjà été portées par notre groupe. (Rires à gauche ; applaudissements à droite)
M. Hussein Bourgi. - Vous êtes devenus socialistes ?
Mme Christine Lavarde. - La meilleure preuve en est le vote négatif du groupe socialiste, annoncé par Thierry Cozic.
Mme Catherine Conconne. - C'est puéril.
Mme Christine Lavarde. - En CMP, nous serons vigilants à ne pas dénaturer la copie du Sénat. La presse s'est fait l'écho de la sagesse sénatoriale qui a refusé une baisse trop importante du budget du sport.
M. Hussein Bourgi. - Et de la justice !
Mme Christine Lavarde. - Il nous incombe de soutenir l'énergie positive que véhicule le sport. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon applaudit également.) « Vous avez raison », a répondu le Président de la République aux 425 sportifs signataires d'une tribune. Ces mots sont adressés à l'ensemble des sénateurs.
M. Hussein Bourgi. - Et la justice ?
Mme Christine Lavarde. - Nous avons adopté des mesures de lutte contre la fraude, dont, contre l'avis du Gouvernement, un dispositif anti-CumCum pour éviter le contournement de l'impôt sur les dividendes. Le Sénat vote en ce sens depuis 2019, ne procrastinons plus !
Mme Nathalie Goulet. - Eh oui !
Mme Christine Lavarde. - Le vote du PLF est le début d'un long chemin vers le rétablissement de nos finances publiques. La Commission européenne a validé notre trajectoire, malgré un déficit prévu à 5,25 % du PIB et une croissance plus faible. Les efforts non réalisés cette année devront être reportés sur les prochains exercices si l'on veut atteindre 3 % de déficit en 2029. L'attractivité des nouveaux produits émis par l'Agence France Trésor témoigne de la crédibilité de la dette française.
La baisse des dépenses n'a pas porté sur l'investissement, m'avez-vous rétorqué hier soir, madame la ministre. C'est faux : les baisses de crédits sur la mission « Écologie » et sur MaPrimeRénov' préemptent l'avenir et notre capacité à nous adapter à une France à +4°C. (Vifs applaudissements sur les travées du GEST)
M. Yannick Jadot. - C'est le budget des Républicains...
Mme Christine Lavarde. - Les discussions sur l'avenir du financement de notre système de retraites sont ouvertes. La sphère sociale devra prendre sa part dans le redressement de notre trajectoire budgétaire. Le cadre posé par le Premier ministre d'une réforme à budget constant laisse peu de marge de manoeuvre, à moins de revoir le système - capitalisation ou répartition.
Nous attendons vainement des réformes d'ampleur depuis 2017. Le système de santé, les relations État-collectivités, la fiscalité, la planification industrielle sont des priorités qui appellent des réponses urgentes. Notre soutien est vigilant et responsable. Nous voterons le budget d'aujourd'hui - le plus mauvais à l'exception de tous les autres. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Marie-Lise Housseau et Anne-Sophie Patru applaudissent également.)
M. Stéphane Fouassin . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le Sénat se prononce enfin sur le PLF 2025, historique à bien des égards. Je salue la qualité de nos débats, bien loin du tumulte de l'Assemblée nationale. Les extrêmes ont aboyé, pendant ce temps la caravane de la dette a accéléré.
Nous saluons la méthode de votre Gouvernement : pragmatisme, dialogue, écoute et concertation avec l'ensemble des forces politiques et sociales. Vous avez su trouver des compromis pour donner un budget à la France.
Première étape vers le redressement de nos finances publiques, il restaurera la confiance de nos entreprises et de nos concitoyens. Nos territoires ultramarins bénéficieront de mesures concrètes, à l'instar de l'exonération de la taxe sur les billets d'avion pour les vols en provenance ou à destination de leurs aéroports, ou la baisse de la TVA en Guadeloupe et en Martinique, pour lutter contre la vie chère. Nous nous félicitons des 500 millions d'euros de crédits supplémentaires ouverts pour la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte.
Je salue l'engagement transpartisan du Sénat en faveur du pouvoir d'achat, avec la baisse de 14 % des prix de l'électricité.
Nous avons amélioré la justice fiscale avec le dispositif anti-évitement et en relevant le taux de la taxe sur les transactions financières.
Nous avons sécurisé la voie publique en augmentant la présence policière.
Nous avons oeuvré en faveur de la transition écologique.
Nous avons agi en faveur des agriculteurs, avec l'amendement du président Patriat visant à faciliter les transmissions des exploitations familiales. Notre collègue Buis a veillé à la gestion durable des haies.
Fixés à 5 milliards d'euros, les efforts demandés aux collectivités étaient trop importants ; ils ont été limités à 2 milliards, afin de maintenir leur capacité d'investissement.
Nous défendrons l'héritage des JOP ; le budget sport n'est pas assez élevé.
Alors que la dette s'élève à 3 300 milliards d'euros, que le déficit est prévu à 5,4 % en 2025 et que les taux d'intérêt à dix ans atteignent 3,4 %, il faut poursuivre l'assainissement de nos finances publiques. Sans marges de manoeuvre budgétaires, nous ne pourrons affronter les prochains cygnes noirs.
Malgré les défis à relever, ce PLF est un premier jalon vers le redressement des comptes et un cadre budgétaire plus juste et efficace. Il porte des mesures concrètes et équilibrées qui répondent à l'attente de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos territoires.
Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
M. Christian Bilhac . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'arbitre a sifflé la fin du match budgétaire au stade du Luxembourg, le score s'affichera dans quelques instants sur le panneau à ma gauche. (Sourires) Après l'éviction du sélectionneur Barnier et les débordements au stade rue de l'Université, baptisé Motion de censure, le Président de la République a fait appel à un nouveau sélectionneur, et le match a repris. La première mi-temps s'était achevée sur un penalty contesté ; la nouvelle délibération a été transformée, l'équipe adverse ayant quitté la pelouse. Pour la fin de cette deuxième mi-temps, le sélectionneur a changé de tactique pour laisser un peu d'espace à l'équipe adverse - mais l'arbitre, M. Bercy, est toujours en place.
Rien n'est joué. Si tous les observateurs prévoient une victoire au stade du Luxembourg, il faut prendre en compte le résultat du match aller. On se dirige vers les prolongations, avec quatorze joueurs seulement, à huis clos, au stade de la CMP. On ne connaît pas actuellement les équipes et encore moins le résultat.
M. Olivier Paccaud. - Carton jaune !
M. Christian Bilhac. - Reste à espérer qu'il ne faudra pas en passer par les tirs au but.
Plus sérieusement, la seconde délibération a supprimé des mesures fiscales et sociales : exit tax, augmentation à 33 % de la flat tax, issue de mon amendement, augmentation du PFU de 2 milliards d'euros.
Nous nous félicitons de la baisse de 5 à 2 milliards d'euros de l'engagement demandé aux collectivités, du maintien des 4 000 postes menacés dans l'Éducation nationale, des mesures fiscales et budgétaires en faveur des outre-mer.
Le Gouvernement a malmené le Parlement et abusé du rabot budgétaire, dans une logique de court terme. Que restera-t-il des 3 831 amendements déposés durant ce marathon budgétaire ?
Je remercie le président Raynal, le rapporteur général et les services du Sénat, qui ont abattu un travail énorme. (Applaudissements)
Le RDSE a défendu une position responsable, pour la maîtrise des dépenses publiques et la préservation du pouvoir d'achat, pour l'accès au logement et le rééquilibrage entre travail et capital. Plusieurs amendements visaient à préserver notre modèle agricole ou le crédit d'impôt recherche ; d'autres à réduire les dépenses administratives sans tomber dans une logique bercyenne.
Seuls une dizaine de nos amendements ont été adoptés - maigre consolation ! La seconde délibération est revenue sur mon amendement sur le PFU, ou sur l'instauration d'une taxe sur les bouteilles en plastique. Je me réjouis de la prolongation du PTZ, mais la situation du logement reste dramatique. Le compte n'y est pas. Les investissements locaux, déterminants pour notre économie, seront pénalisés.
Je ne reproche pas au Gouvernement sa recherche de l'équilibre, mais certains de ses arbitrages. À quand un plan pluriannuel de redressement des finances publiques ? À quand un dialogue sincère avec les collectivités territoriales et les organismes paritaires ?
L'ADN du RDSE appelle un débat sans dogmatisme, mais notre voix n'a pas été entendue. Je m'abstiendrai, comme la plupart de mes collègues. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe INDEP)
M. Michel Canévet . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) L'examen de ce budget a été interrompu durant plusieurs semaines ; nous avons dû supporter des amendements de dernière minute qui ont modifié significativement la maquette financière.
M. Vincent Éblé. - Ça, c'est vrai !
M. Michel Canévet. - Néanmoins, nous avons sorti une copie. Le groupe de l'Union centriste a cherché à réduire le déficit public, car la situation de nos comptes est préoccupante. Le recours à l'emprunt est de plus en plus important, alors que nous consacrons 56,7 % de notre PIB aux dépenses publiques.
Si 450 investisseurs se sont précipités mardi pour acheter 10 milliards d'euros de dette à 3,26 %, il ne faut pas s'en réjouir, car les taux, plus élevés qu'auparavant, risquent de croître encore, obérant la capacité de l'État à agir.
Le contexte économique est lui aussi préoccupant. M. le ministre a du reste abaissé à 0,9 % la prévision de croissance, alors que, selon le FMI, la croissance mondiale augmentera de 0,1 point à 3,3 %. C'est dire les efforts à faire pour retrouver une dynamique économique meilleure !
Seul motif de satisfaction, la réduction du déficit pour 2024, mais il faudra aller plus loin.
Les recettes nouvelles portent sur la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des très grandes entreprises, censée rapporter 8 milliards d'euros - ce sera plutôt 4 ou 5 milliards - et la contribution différentielle sur les hauts revenus, qu'il faudra sans doute aménager. Nous aurions préféré des recettes plus sûres, via une hausse de deux points du taux normal de TVA, dont l'effet sur l'économie est moins récessif.
M. Hussein Bourgi. - Mais plus injuste !
M. Michel Canévet. - Gare à ce que les efforts demandés aux entreprises ne modifient pas la trajectoire de baisse des impôts. Nous rehaussons, certes exceptionnellement, le taux d'impôt sur les sociétés.
Le groupe UC a permis l'évolution de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) vers l'IFI, grâce à Sylvie Vermeillet ; Nathalie Goulet, très engagée contre les fraudes de toute nature, a vu certaines de ses propositions acceptées. Nous espérons que la disposition relative à l'arbitrage des dividendes sera retenue en CMP. Nos propositions seront approfondies dans la commission d'enquête demandée par le groupe UC sur la lutte contre la délinquance financière.
En seconde partie, nous avions proposé des baisses de crédits sur presque toutes les missions. Nous avions aussi remis en cause certaines politiques publiques : Pierre-Antoine Levi a envisagé la fin du service national universel (SNU), que nous ne pourrons pas généraliser ; Sonia de La Provôté a proposé de recentrer le pass Culture.
Le groupe UC apprécie la position du Sénat qui a réduit l'effort demandé aux collectivités de 5 à 2,2 milliards d'euros et préservé le FCTVA. Bernard Delcros a veillé à préserver la cohésion des territoires et les services publics.
Gare aux effets des taxes que nous votons - je pense par exemple à la taxe sur l'aviation. Il y va de l'attractivité économique de notre pays. Si les entreprises ne sont plus compétitives, les recettes de l'État diminueront.
Cela dit, le groupe UC votera dans sa grande majorité le PLF. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)
M. le président. - Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune. Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal : lettre I. (Exclamations diverses)
Le projet de loi de finances pour 2025, modifié, est mis aux voix par scrutin public à la tribune de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°175 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 217 |
Contre | 105 |
Le projet de loi de finances pour 2025, modifié, est adopté.
(Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI ; M. le rapporteur général applaudit également.)
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - Nous arrivons donc au terme de la discussion du projet de loi de finances pour 2025. Cette discussion s'est déroulée, chacun le sait, dans des conditions exceptionnelles, puisque nous avons débuté nos travaux en séance le lundi 25 novembre pour les achever aujourd'hui. Afin d'assurer la continuité de la vie de la nation, nous avons été conduits à adopter définitivement, le 18 décembre 2024, la loi spéciale prévue par l'article 45 de la Lolf.
Dans ce contexte si particulier, nous avons de nouveau battu des records de durée d'examen et de nombre d'amendements. Nous avons débattu pendant près de 164 heures, contre 152 heures l'an dernier. Les 4 545 amendements déposés représentent une hausse de 21 % par rapport à l'année dernière ; leur nombre a presque doublé en cinq ans.
Cette tendance me conduit à renouveler les interrogations que je vous livrais l'an dernier sur le nombre d'amendements et la possibilité de préserver la qualité de nos débats dans un cadre constitutionnel aussi contraint que celui de l'examen de la loi de finances.
À l'issue de ce « marathon », j'adresse mes vifs remerciements au rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-François Husson, pour sa mobilisation et son travail. Je remercie également le président de la commission des finances, M. Claude Raynal, pour son implication et sa vigilance sur la bonne tenue de nos débats dans des délais contraints.
Je remercie les présidentes et les présidents de séance, qui ont permis que nos débats se déroulent de manière sereine.
Je salue les 48 rapporteurs spéciaux de la commission des finances, les 75 rapporteurs pour avis des autres commissions, ainsi que les présidents de ces dernières et les chefs de file des groupes politiques pour leur contribution à nos débats.
Enfin, je remercie les personnels des services du Sénat, particulièrement ceux de la commission des finances, et des groupes politiques, qui ont été fortement mobilisés pendant toute cette période, tout comme le service de la séance.
Messieurs les ministres, mesdames les ministres, je vous adresse enfin mes remerciements, ainsi qu'à vos collègues qui se sont succédé au banc depuis novembre dernier.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances . - Je partage vos appréciations, monsieur le président, sur tous ceux qui se sont mobilisés, encore plus cette année que les autres, pour que nous ayons un budget.
Nous vivons des moments incroyables. Avec un peu de recul, nous nous dirons bientôt : nous sommes passés par une situation invraisemblable, épouvantable, compliquée.
De mon point de vue, les choses ont démarré fin 2023, lorsque nous avons eu des informations de Bercy sur des impôts - TVA, impôt sur les sociétés - qui ne rentraient pas. Une petite musique de difficultés cumulées s'est mise à tourner.
L'année 2024 est celle où le Gouvernement prévoit 4,4 % de déficit et réalise finalement 6,1 % : un des scores les plus catastrophiques hors période de crise. Ce n'est pas sans lien avec ce qui a suivi.
En un an, nous avons eu quatre Premiers ministres, la dissolution de l'Assemblée nationale - je ne commente pas - et la censure du Gouvernement, inédite depuis 1962. Tous ces événements sont liés.
J'essaie de voir le côté positif : nous avons beaucoup appris ; nous n'avons pas fait les choses « as usual » ... (Sourires)
Nous avons appris ce qu'était un gouvernement qui gérait les affaires courantes. Au sein de la commission des finances, avec Bercy, avec la direction de la séance - même avec les ministres - nous nous sommes posé des questions sur ce périmètre. Et pas une seule fois, mais deux ! La deuxième fois, nous étions mieux préparés...
Nous avons aussi appris à examiner un PLF par morceaux.
Nous avons appris à nous asseoir sur la Lolf - qui semblait si rigide auparavant. Nous avons appris à faire preuve de souplesse, pour ce qui concerne les délais notamment, surtout quand on ne peut pas faire autrement.
Nous avons redécouvert ce qu'était une loi spéciale. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie lève les yeux au ciel.)
Nous avons découvert ce qu'étaient les services votés - nous avons dû nous appeler entre les fêtes pour en parler, c'était sympa !
Cette période, nous l'avons adorée (Sourires)... Et une autre période géniale s'annonce : une CMP dans un cadre inédit, entre un Sénat qui aura voté un texte et une Assemblée nationale qui n'a débattu de rien. Cela pourra être long ! Je vous remercie pour les encouragements que vous avez adressés aux membres de la commission - vous pouvez nous souhaiter bon courage pour la suite ! (Applaudissements)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - Je me joins aux remerciements du Président du Sénat. Le PLF est souvent présenté comme un tunnel de vingt jours. Cette fois-ci, il est interminable. Est-ce une sortie temporaire ?
Dans la situation inédite que nous connaissons, j'ai un peu mal à mon pays : j'aimerais une France plus rayonnante, comme celle qui a ébloui le monde pendant les JOP, plutôt qu'une France qui doive rétablir ses comptes.
Le Sénat avait bien identifié les problèmes. En décembre 2023, les perspectives n'étaient pas bonnes, et cela ne s'est pas arrangé.
C'est l'honneur du Sénat d'avoir travaillé et conduit des missions flash. Nous avons cherché à établir la vérité des faits. Certains doivent reconnaître leur part de responsabilité, pour obtenir l'adhésion des Français à l'effort collectif de redressement des comptes publics. C'est l'avenir de notre pays qui est en jeu.
Le tandem franco-allemand, moteur de la construction européenne, s'affaiblit. Enfant de l'Est de la France, je sais combien nos territoires sont peuplés de cimetières, combien le souvenir de la guerre est vivace.
J'en appelle à un sursaut national, au-delà des finances publiques. Prétendre que le compte est bon n'est pas suffisant ; se désoler de la dégradation des comptes non plus. Nous devons redonner des perspectives, perdre un peu de poids de dépense publique pour retrouver du muscle économique, afin que notre pays retrouve l'envie de gagner. C'est une question de morale, mais aussi de qualité de vie. Ce que le Parlement n'acceptera pas ici sera l'objet de sanctions ultérieures.
Les sénateurs de la CMP feront tout pour être à la hauteur de leurs responsabilités, en tenant compte de la situation politique, et du large vote du Sénat. Nous avons essayé de préparer les conditions d'une CMP conclusive : c'est l'intérêt supérieur de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDSE et du RDPI ; M. Pierre Barros applaudit également.)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Je remercie les services du Sénat de leur formidable engagement. La séquence ne s'est pas exactement déroulée comme elle aurait dû, je le reconnais.
Je remercie la chambre haute d'avoir joué son rôle et permis d'examiner le texte au fond. Compte tenu de la situation très particulière, le Premier ministre, la ministre des comptes publics, la ministre chargée des relations avec le Parlement et moi-même avons souhaité que les séances soient précédées de dialogues. Merci aux groupes d'y avoir participé, d'avoir fixé non des lignes rouges, mais des priorités, que nous avons essayé de prendre en compte.
Ce budget est le premier à s'inscrire dans la procédure pour déficit excessif. Une bonne nouvelle - rare en cette période : l'exécution du budget de 2024 sera à 6 % de déficit, et non à 6,1 %. Nous maintenons notre objectif de 3 % de déficit en 2029 et de 5,4 % en 2025.
Travail rigoureux et difficile, car nous privilégions les baisses des dépenses aux hausses d'impôts. Il y va de l'avenir de notre pays. Chaque année, la dette s'accroît, son coût dépasse les 50 milliards d'euros par an. Nous risquons d'y perdre notre indépendance.
Ce budget 2025 est un tournant, une étape majeure.
Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour préparer avec vous, dans le même esprit de dialogue, la loi de finances pour 2026, qui visera une diminution de nos déficits pour stabiliser notre dette et redonner un avenir à notre pays. C'est une « ardente obligation ».
Je vous remercie de votre vote. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . - Je m'associe à ces remerciements. Notre pays vit un moment inédit. La dernière fois que nous avons été sans budget, c'était en 1979-1980. Le budget avait été adopté le 18 janvier ; nous sommes le 23 janvier, et il reste beaucoup d'étapes avant que le budget ne soit voté par les deux chambres puis promulgué.
Nous le savons, ce budget est attendu par les Français. Mais nous pouvons être rassurés : le sens des responsabilités existe bien dans notre pays. Malgré les aléas de l'élaboration du texte, nous avons trouvé des points d'équilibre : les collectivités territoriales participeront à l'effort budgétaire, mais nous avons trouvé un compromis ; nous avons aussi préservé l'hôpital. C'est parce que des économies ont été votées que nous pouvons tenir comme cible crédible 5,4 % de déficit.
Si on appliquait tel quel le budget du Sénat, le déficit serait de 5,3 %
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Très bien !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Mais ce chiffre technique ne prend en compte ni la dégradation de la croissance, ni le coût de la censure.
Néanmoins, l'État et ses opérateurs voient leurs dépenses diminuer de 2 %. C'est un effort exigeant : sans dégrader les services, nous avons cherché de l'efficacité et des transformations.
Il reste beaucoup d'ajustements à faire pour que les économies soient effectives. C'est pourquoi la CMP est primordiale. C'est à ce moment, où le Parlement est pleinement souverain, que se construira ce budget qui confortera notre souveraineté nationale et financière, et que se rebâtira la confiance.
Pour avoir été députée, je mesure que les conditions de l'examen budgétaire étaient largement perfectibles. Je m'engage à ce que le prochain budget, si nous pouvons vous le présenter, soit examiné dans des conditions plus respectueuses de la qualité des débats.
Pour élaborer le PLF 2026, nous avons besoin de vos travaux. Votre commission d'enquête sur les opérateurs de l'État nous aidera, tout comme vos travaux sur la fiscalité des éoliennes. Il nous faudra trouver des compromis.
Nous espérons que la loi de finances sera promulguée. Il faudra ensuite en assurer une exécution transparente, pour vous éviter toute surprise. Je vous remercie pour votre vigilance, votre exigence, votre rigueur. Vous pouvez compter sur notre engagement. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 45.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 55.
Accord en CMP
Mme la présidente. - La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Financement de la sécurité sociale pour 2025 (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) Nous voici réunis, en janvier, pour poursuivre l'examen du PLFSS ! Une situation sans précédent, révélatrice d'une grave crise. J'espère que nous parviendrons à la surmonter, avec nos collègues députés.
Notre séance du jour est purement formelle, puisque l'Assemblée nationale a censuré le Gouvernement et n'a donc pas adopté ces conclusions de CMP - pourtant conclusive...
Il est juridiquement impossible que le Parlement adopte ce texte. En février, l'Assemblée nationale examinera, en nouvelle lecture, le texte du Sénat pré-CMP.
Dès lors, pourquoi examiner ces conclusions de CMP ? Pour ne pas prendre de risque d'inconstitutionnalité. L'article 45 de la Constitution prévoit que « le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées ». Le Gouvernement est donc obligé de le déposer sur le bureau du Sénat.
Le véritable enjeu n'est pas ce texte, mais celui qui sera examiné en nouvelle lecture, en février, à l'Assemblée nationale, puis au Sénat.
Le déficit de la sécurité sociale en 2025 pourrait atteindre 30 milliards d'euros, et augmenter encore d'ici à 2028 : cela ne sera pas soutenable. Souvenons-nous : en 2020, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) s'était trouvée dans l'impossibilité d'emprunter et avait dû faire appel à la Caisse des dépôts et des consignations pour payer les prestations.
Afin de sécuriser le financement de la dette sociale, il faudra réaliser de nouveaux transferts à la Cades, mais cela n'est possible que si l'on sait où l'on va : il faut une trajectoire crédible.
L'Assemblée nationale partira du texte adopté par le Sénat avant la CMP : tous les sujets vont donc revenir sur la table. Notre texte prévoyait 15 milliards d'euros de déficit pour 2025, soit 1 milliard de moins que le texte du gouvernement Barnier, et 3,5 milliards de moins que le texte en sortie de CMP.
Le texte du Sénat prévoyait de réduire les allègements de cotisations patronales de 3 milliards d'euros, contre 4 milliards dans le texte initial, et 1,6 milliard en sortie de CMP. Idem pour les retraites : 2,6 milliards d'euros d'économies sont disparues avec la censure.
Il prévoyait également une contribution de solidarité sur le travail, qui n'a aucune chance de perdurer, puisque même Les Républicains nous ont lâchés en CMP !
Les retraites ont été revalorisées normalement au 1er janvier. La mesure de revalorisation n'est donc plus d'actualité.
Nous devons reprendre nos travaux, pour trouver un terrain d'entente avec les députés, dans l'intérêt du pays, et remettre nos finances sociales sur une trajectoire soutenable.
Dans l'immédiat, par cohérence avec les travaux de CMP, je vous propose d'adopter ce texte. Mais j'ai l'impression d'être le devin plombier des Shadoks. On est là pour réduire les fuites, mais on ne sait pas laquelle boucher en priorité. (M. Laurent Somon s'en amuse.)
À nous d'agir avec responsabilité et courage ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, Les Républicains, RDPI et RDSE)
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . - Exercice singulier, voire baroque : il nous est demandé, par obligation constitutionnelle, d'examiner les conclusions de la CMP sur le PLFSS, rejetées à l'Assemblée nationale en décembre dernier, à la suite du vote de la motion de censure.
Puissions-nous aboutir à un budget de la sécurité sociale le plus vite possible. Nous le devons à tous les acteurs de notre système de protection sociale - infirmiers, sages-femmes, médecins, accompagnants des plus fragiles. Ils ont besoin de prévisibilité et de lisibilité.
Le budget de la sécurité sociale s'élève à 650 milliards d'euros - bien plus que celui de l'État. C'est un budget en progression constante, car la population vieillit.
Le déficit, prévu initialement à 16 milliards d'euros pour 2025, était passé à 18,3 milliards après la première lecture. Mais certaines mesures d'économies ou de recettes - sur les actions gratuites ou en matière de fiscalité comportementale - ne sont pas mises en oeuvre. Chaque jour qui passe, le déficit se dégrade, ce qui met notre protection sociale en risque - l'ensemble de la communauté nationale doit en être consciente.
Mais les besoins sont croissants. C'est pourquoi le Gouvernement a rehaussé l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) à 3,3 %. Le déficit de la sécurité sociale devrait être proche de 25 milliards d'euros, chiffre que nous n'avons jamais connu hors période de crise !
Dès les prochaines semaines, travaillons collectivement au redressement de nos finances publiques sociales, en cette année où nous célébrons les 80 ans de la sécurité sociale.
Il faut passer à une vision pluriannuelle, pour un système à l'équilibre, durablement financé. Nous l'avons fait en 2010 et 2020, nous devrons le faire à nouveau, sauf à fragiliser notre sécurité sociale.
Il nous faudra donc reprendre les débats et je remercie d'avance le président Mouiller et la rapporteure générale Doineau, les rapporteurs de branche et pour avis, pour les futurs compromis que nous trouverons. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et au banc des commissions)
M. Philippe Mouiller . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) Exercice étrange et formel : voter des conclusions de CMP considérées comme rejetées par l'Assemblée nationale. C'est toutefois une étape nécessaire, pour donner, enfin, un cap à la sécurité sociale pour 2025. C'était pourtant la première fois depuis 2010 que la CMP avait trouvé un accord sur le PLFSS !
Comme tout accord, celui-ci a nécessité des compromis. Le texte de la CMP n'était pas parfait, mais il reflétait la logique qui avait présidé à nos travaux : des efforts partagés par tous et la préservation de l'emploi et de la qualité des services.
Nous avons abordé la réforme des allègements généraux de cotisations patronales dans l'idée que les employeurs devaient consentir des efforts, mais que celle-ci devait être sans impact sur l'emploi. Nous souhaitons aussi mieux lutter contre la fraude, avec la carte Vitale biométrique, et améliorer la pertinence des soins, avec le dossier médical partagé (DMP). Pour la première fois, une mesure de responsabilisation des patients a été introduite, grâce au Sénat. Toutes ces dispositions méritent d'être conservées.
Nous avions porté l'idée d'une contribution de solidarité par le travail ; il faudra une loi sur l'autonomie et le grand âge.
Le coût de la censure est exorbitant : 12 milliards d'euros, dont 4 milliards d'euros pour le budget de la sécurité sociale et un déficit porté à 30 milliards d'euros - du jamais vu ! La censure a aussi empêché la mise en oeuvre de mesures attendues par les agriculteurs ou les outre-mer.
Nous souhaitons aussi que soient maintenues les mesures de soutien aux établissements de santé et aux collectivités territoriales, et notamment les évolutions relatives à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), le fonds d'urgence de 100 millions d'euros pour les Ehpad, et les 200 millions d'euros pour les départements.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. Nous en tirerons des enseignements pour l'examen du prochain texte, dans un souci de rigueur budgétaire, d'association de tous les acteurs au redressement et de maintien de la qualité de nos services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Véronique Guillotin, Élisabeth Doineau et M. Olivier Henno applaudissent également.)
Mme Solanges Nadille . - Le 26 novembre dernier, la CMP sur le PLFSS, où je représentais le RDPI, était conclusive. Une voie de passage existait bel et bien. Hélas, l'irresponsabilité des députés de gauche et d'extrême droite, en votant la censure, a aggravé la crise institutionnelle, économique et sociale que nous traversons (M. Akli Mellouli s'exclame.)
La sombre réalité de nos comptes sociaux n'a pas disparu par magie. Le déficit de 18 milliards d'euros en 2024 et les perspectives négatives des prochaines années nous le rappellent. Il nous revient donc d'engager sans délai des efforts importants, pour ne pas laisser une dette insoutenable aux générations futures.
Le RDPI s'était majoritairement abstenu sur le texte issu du Sénat, notamment en raison de divergences à l'article 6. Le texte de compromis sorti de la CMP propose des économies soutenables, avec des moyens accrus pour les secteurs qui en ont le plus besoin. Co-rapporteure de la mission sur la situation des Ehpad, je suis heureuse que l'urgence de leur financement ait été prise en compte.
Nous soutenons le compromis trouvé à l'article 6. La CMP a ramené l'effort de 4 milliards à 1,6 milliard d'euros. Le RDPI a été le seul à proposer la suppression de cet article, car revenir sur les politiques de soutien à l'emploi risquait d'effacer nos succès sur le front du chômage. Favoriser la compétitivité de nos entreprises, c'est améliorer l'état de nos comptes sociaux.
Le volet outre-mer nous tient à coeur ; nous nous satisfaisons du maintien du dispositif Lodéom.
Le texte de la CMP nous semble donc très acceptable, mais les députés retravailleront à partir du texte du Sénat.
Je salue avec enthousiasme l'annonce d'un Ondam réévalué et pluriannuel. Enfin !
Ce PLFSS n'est ni un simple exercice comptable ni une guerre entre branches. Il s'agit d'un véritable contrat social qui doit garantir l'équité médico-sociale sur notre territoire.
Nous saluons la décision du Premier ministre de remettre la question des retraites sur la table, en redonnant la main aux partenaires sociaux, sans tabou. Sur les retraites comme sur le PLFSS, nous sommes ouverts à plus de justice sociale et à une meilleure protection de nos concitoyens. Les Français nous demandent de nous retrousser les manches, sans sectarisme, au service de l'intérêt général.
Plus que jamais, nous devons agir en responsabilité. Nous y sommes prêts. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE, Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) L'inédit devient la norme. Le vote des conclusions de la CMP puis la censure l'illustrent bien : nous avons atteint une forme de paroxysme. Notre groupe partage le souhait du Gouvernement d'écourter cette période d'incertitude.
Monsieur le ministre, nous souhaitons que certains amendements puissent être préservés : l'extension aux EPCI de l'exonération des cotisations patronales pour l'emploi des aides à domicile ; le report de la date de candidature pour l'expérimentation sur le financement des Ehpad et des unités de soins de longue durée (USLD) ; l'expérimentation proposée par Henri Cabanel pour la retraite des exploitants agricoles.
La prévention est un levier puissant pour la transformation de notre système de santé. Nous saluons, entre autres, l'annualisation des examens bucco-dentaires de 3 à 24 ans et la campagne de vaccination contre la méningite dans les collèges. Il faut faire de la pédagogie sur la vaccination contre la grippe, qui pourrait faire 10 000 morts cette année. L'obligation de vaccination des soignants ne doit plus être un tabou.
D'autres mesures doivent être conservées : la meilleure prise en compte des personnes en situation de handicap ou le remboursement avant le dépôt de plainte des tests et analyses de détection de soumissions chimiques, notamment.
Nous soutenons certaines mesures pour améliorer l'offre de soins : la lutte contre les rendez-vous non honorés ou la généralisation de l'expérimentation permettant aux infirmiers de signer des certificats de décès, entre autres.
En matière de financement, travailler sur la pertinence des prescriptions est essentiel. Il faut rationaliser les dépenses et lutter contre la fraude, en interdisant les sites fournissant des arrêts de travail de complaisance ou en adoptant la carte Vitale biométrique.
L'Ondam augmentera en nouvelle lecture - tant mieux ! Mais, sans vision pluriannuelle ni réforme structurelle, le répit sera de courte durée.
À chaque problème la réponse n'est pas toujours « plus d'argent ». Plus de décentralisation, moins de bureaucratie, voilà ce qu'il faut.
Si les recettes de la sécurité sociale reposent uniquement sur le travail, il nous faudra ouvrir la question du temps de travail, de l'employabilité des seniors et oser d'autres pistes de financement.
La quasi-totalité de notre groupe n'était pas favorable à la deuxième journée de solidarité. Si les Français travaillent plus, il faut les payer plus.
Nous souhaiterions aller plus loin sur la fiscalité comportementale. J'insiste à titre personnel sur les méfaits de l'alcool, largement sous-évalués au pays du vin, alors que ceux-ci causent 41 000 décès et coûtent 102 milliards d'euros par an.
Mme Élisabeth Doineau. - Très bien !
Mme Véronique Guillotin. - Nous nous partagerons entre abstention et vote pour. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. Olivier Henno . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Somon applaudit également.) Incontestablement, ce débat est un ovni. Le texte voté par le Sénat n'était pas mauvais. Celui adopté en CMP non plus. Quel paradoxe : la CMP conclusive a accouché d'une censure...
Pas question de refaire le match. Mais le gouvernement Barnier est tombé pour avoir tenté de réguler nos dépenses sociales, pour avoir refusé de faire de la dette la variable d'ajustement de nos débats budgétaires et d'en faire porter le fardeau sur les générations futures.
Le problème le plus grave est celui-ci : voilà bien longtemps que nous sommes incapables d'équilibrer nos comptes sociaux. Notre pays, toxicomane, est drogué à la dette publique. (Mme Élisabeth Doineau renchérit.)
M. Olivier Henno. - Beaucoup pronostiquaient une censure sur le PLF, et non sur le PLFSS. Faisons en sorte que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.
Le PLFSS est le pilier de la cohésion sociale française. Il est inquiétant que le Gouvernement n'ait d'autre choix que de laisser filer le déficit, qui s'élèvera à 25 milliards d'euros. On pourrait se réjouir d'un Ondam à 3,3 %. Le malaise des hôpitaux est réel. Toutefois, nous ne pourrons pas tenir avec un Ondam durablement déconnecté de la croissance du PIB. (Mme Élisabeth Doineau renchérit.) Son augmentation n'est pas sérieuse, monsieur le ministre. Mieux maîtriser les dépenses de santé et de retraite est un devoir pour ne pas mettre en danger notre modèle social.
Rapporteur de la branche famille, je m'inquiète de la baisse de la natalité : 663 000 bébés, c'est 21,5 % de moins qu'en 2010. Le taux de fécondité est tombé est à 1,62. Ces chiffres doivent nous alarmer. Les causes sont multiples, mais disons-le : notre politique familiale n'est pas à la hauteur des enjeux. À cela s'ajoutent la fin de l'universalité des allocations familiales décidée en 2015, la crise des modes de garde et la difficulté croissante à trouver une place en crèche. Il y a urgence à revoir notre politique familiale du sol au plafond.
Les défis du PLFSS 2025 sont nombreux. Il n'y a pas d'autre remède que de mieux rémunérer le travail et d'augmenter la quantité de travail tout au long de la vie. (Mme Élisabeth Doineau renchérit.)
Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin, MM. Laurent Somon et Olivier Rietmann applaudissent également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Notre exercice du jour est affligeant et symptomatique de la crise politique que nous vivons. Au lieu de respecter le résultat des élections législatives, auxquelles, ne vous en déplaise, la gauche est arrivée en tête en nombre de députés, le Président de la République choisit de nommer des Premiers ministres issus de sa minorité parlementaire, qui ne font pas long feu. (M. Yannick Neuder rit jaune.)
À son arrivée, le nouveau gouvernement avait deux options : soit écouter le peuple et déposer un nouveau texte, soit faire l'autruche et reprendre le PLFSS du gouvernement précédent. Évidemment, c'est la deuxième solution qui a été retenue et nous nous retrouvons à examiner les conclusions d'une CMP surnaturelle.
Je résume pour celles et ceux qui auraient raté un épisode.
Saison 1 : petits arrangements entre amis. Le gouvernement Barnier multiplie le dépôt d'amendements et le Sénat aggrave les mauvais coups du texte : désindexation des pensions sur l'inflation, heures de travail gratuit, étalement des cotisations à la CNRACL sur quatre ans au lieu de trois.
Saison 2 : poker menteur et trahison. La CMP aboutit à un accord, le premier sur un PLFSS depuis longtemps.
Nous voici désormais à la saison 3 : illusions et désillusions. C'est le texte voté par le Sénat qui sera débattu en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Mais les députés verront leur droit d'amendement réduit par la règle de l'entonnoir.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Et la saison 4 ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nous voilà réduits à tenter de deviner les intentions du Gouvernement. La ministre des comptes publics a affirmé que travailler sept heures de plus par an était une piste. La ministre du travail envisageait une ponction sur les retraites supérieures à 2 000 euros, avant que le ministre des finances n'annonce le contraire.
Vous naviguez à vue ! Votre seul cap : prendre à ceux qui ont peu, car vous voulez ménager vos amis du CAC 40, qui n'ont pour mérite que d'être des héritiers.
Pour notre part, nous refusons les marchandages, alors que 100 hôpitaux ont déprogrammé leurs opérations pour faire face à l'épidémie de grippe. Votre logique est toujours la même : les intérêts financiers passent avant la santé des usagers. Nous voterons donc contre les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)
Mme Anne Souyris . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Le citoyen d'aujourd'hui se sent comme un spectateur sourd assis au dernier rang, qui sait bien qu'il devrait s'intéresser au mystère qui se passe là-bas sur la scène... mais il n'y arrive pas, à l'instar du personnage de Public fantôme de Walter Lippmann. (On apprécie la référence.)
En décembre dernier, l'Assemblée nationale, refusant le texte de la CMP, faisait tomber le gouvernement de Michel Barnier, qui payait ainsi son acoquinement avec l'extrême droite. Quelle leçon, monsieur le ministre ! Aucun démocrate ne peut apporter ne serait-ce qu'une once de confiance à sa parole. Si l'on fait l'erreur tragique de la croire, elle se met à détruire nos institutions brique par brique. Elle ne dit jamais son nom véritable, et, un jour, elle accède au pouvoir et un salut nazi revient à la une des journaux.
Les Françaises et les Français l'ont clairement exprimé lors des législatives : ils ne veulent aucune rupture du cordon sanitaire, aucune trahison du mandat populaire. Dès lors, vous n'avez d'autre choix que de vous tourner vers les forces républicaines, la gauche et les écologistes.
Le GEST votera contre ce texte. Nous nous élevons d'abord contre les mesures antisociales qu'il contient : désindexation des retraites, déremboursement de certains médicaments, taxe lapin, remise en cause - l'air de rien - du remboursement des transports sanitaires, entre autres.
Il ne répond à aucune des urgences de notre système de santé. L'Ondam augmenterait de 3,3 %, voire 3,6 % pour l'hôpital - mais la Fédération hospitalière de France (FHF) réclamait 6 %, et ce n'est pas du luxe. L'enveloppe supplémentaire de 100 millions d'euros est très insuffisante face aux 800 millions d'euros de déficit des Ehpad. Enfin, ce texte était dangereux pour l'équilibre financier de la sécurité sociale.
J'entends déjà les propos de mauvaise foi sur le coût de la censure. Mais ce texte portait le déficit à 18,3 milliards d'euros, à force de rejeter toutes nos propositions de nouvelles recettes.
Cela dit, nous espérons que seront maintenues certaines dispositions qui vont dans le bon sens : dispositifs Handigynéco et Mon soutien psy, notamment.
L'avenir du budget de la France, comme celui de la sécurité sociale, ne se fera que dans un esprit de parlementarisme éclairé par la démocratie sociale. Les écologistes seront au rendez-vous du débat pour nous doter d'un budget. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Mme Annie Le Houerou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Nous sommes le 23 janvier 2025, la sécurité sociale n'a pas de budget et nous nous apprêtons à voter sur un texte sans effet concret.
Le gouvernement minoritaire avait déposé un texte qui n'a pas pu être adopté dans les délais par l'Assemblée nationale. Puis le Sénat s'est attaché à élaborer un budget. Lors de la CMP, les socialistes ont proposé des compromis, mais le Gouvernement nous opposait une fin de non-recevoir. Le PLFSS est logiquement rejeté et le Gouvernement censuré.
Le nouveau gouvernement Bayrou, issu lui aussi d'une formation minoritaire, s'appuie, lui, sur le front républicain et négocie avec les socialistes, les communistes et les écologistes. Cela a mené à la remise en question de la réforme des retraites, rejetée par 93 % des actifs. Le sujet est enfin sur la table des négociations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.
Sans budget voté, les retraites ont bien été indexées sur l'inflation. Nous attendons une hausse de l'Ondam.
Nous avons noté l'abandon des déremboursements, mais nous ne sommes pas dupes : les mutuelles ont anticipé avec des hausses de tarifs. À la fin, c'est toujours le malade qui paie.
Cette semaine, les différents coups de rabot proposés par les ministres sur les missions du PLF ont terni les négociations avec le Gouvernement : c'est pourquoi nous avons voté contre le budget.
Nous refusons la répétition du même scénario sur le PLFSS. Nous ne pourrons accepter les coupes sur les crédits alloués à l'hôpital, aux personnes âgées et handicapées ou à l'enfance. Nous attendons les signes remarquables démontrant votre attachement à la justice sociale et fiscale.
Notre groupe a des convictions fortes. L'accès aux soins est essentiel - je pense à la proposition de loi de Bernard Jomier, examinée aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Il faut aussi assurer le financement du Ségur de la santé, lutter contre la financiarisation des secteurs médicaux et sociaux et contre les déserts médicaux et sociaux. Enfin, la préservation de notre système de protection sociale passe par une fiscalité plus juste : celle-ci doit être proportionnelle aux moyens de chacun.
La fuite en avant n'est pas une solution : il faut viser l'équilibre des comptes. Mais nous nous opposerons à la création d'une nouvelle journée de solidarité ; la finance et le capital doivent contribuer au même titre que le travail.
Monsieur le ministre, je vous appelle à préparer avec nous un budget qui répond aux besoins des Français. À vous de créer les conditions de votre stabilité en présentant un PLFSS plus juste.
Bien évidemment, nous voterons contre les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Michel Canévet applaudit également.) Notre groupe était globalement satisfait du PLFSS adopté en CMP. Il n'y a pas d'économies faciles. Ce texte demandait un effort à tous, compte tenu de la situation de la sécurité sociale et des finances publiques. Le déficit de la sécurité sociale pourrait atteindre 25 milliards d'euros.
Sept syndicats - patronaux et de salariés - sur huit nous réclament un budget, car ils veulent de la stabilité et de la visibilité : c'est très important pour les investissements dans les entreprises.
La sécurité sociale est principalement financée par les actifs et les employeurs, au bénéfice de tous.
Nous observons une baisse de 20 % des naissances depuis 2010, ainsi qu'un vieillissement de la population. Le nombre de personnes de plus de 85 ans doublera entre 2020 et 2040. En 1980, on comptait quatre actifs pour un retraité ; de nos jours, c'est 1,6 actif pour un retraité.
Les seniors sont très mal intégrés dans l'emploi : 40 % des 60-64 ans travaillent, contre 70 % dans les pays du nord de l'Europe. Parvenir au même taux créerait 1 million d'emplois, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR).
Il est donc nécessaire que les partenaires sociaux se réunissent afin de trouver une solution, conformément au souhait du Premier ministre.
Nous regrettons l'abandon de la deuxième journée de solidarité - et ses 2 milliards d'euros de recettes -, car nous travaillons moins que nos voisins : 1 600 heures annuelles contre 1 790 pour la moyenne européenne.
Nous espérons que l'accord sur les allègements de cotisations patronales, les mesures en faveur des agriculteurs et celles permettant la détection précoce des handicaps seront conservés.
Autre sujet majeur : nous nous réjouissons de l'amendement visant à lutter contre la fraude sociale. La sécurité sociale pourra transmettre aux employeurs et aux salariés les conclusions de ses enquêtes sur les arrêts de travail - dont le coût est passé à 16 milliards d'euros en 2023.
Contrairement à ce que prévoyait le texte initial, les pensions ont été indexées sur l'inflation. Résultat : il nous faut trouver 4 milliards d'euros pour respecter le déficit prévu de 16 milliards.
Ce PLFSS n'est pas un budget d'austérité, puisqu'il prévoyait une hausse de l'Ondam de 2,8 % - le Gouvernement propose désormais 3,3 %.
Il était prévu de porter le ticket modérateur à 25 % au lieu de 20 %, mais cela laissait de côté les 4 % de Français qui n'ont pas de complémentaire santé.
Il faut trouver les moyens de financer le grand âge, la santé mentale, les urgences, les soins palliatifs, mais aussi d'équilibrer les retraites, sans oublier les soignants.
J'espère un travail en responsabilité des partenaires sociaux et du Gouvernement pour conserver la sécurité sociale et nos acquis sociaux. Notre groupe votera bien sûr les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Véronique Guillotin et M. Laurent Somon applaudissent également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Je viens de l'Assemblée nationale, qui examinait la proposition de loi de Bernard Jomier sur les quotas de soignants et l'a votée conforme. Nous devrons y travailler ensemble pour en permettre la juste application et répondre à la quête de sens des soignants. Je le voyais encore en décembre dans mon service : pas moins de 20 % des infirmières nous quittent au bout de dix ans... Nous devrons définir les soignants concernés, le volume financier, mais surtout former plus de professionnels de santé. Nous savons déjà que nous aurons besoin de 80 000 infirmiers d'ici à 2050 - c'est un enjeu majeur.
Pour revenir au PLFSS, j'ai bien conscience de participer à un exercice formel. Madame Apourceau-Poly, j'ai souri en vous écoutant comparer l'examen de ce texte à une série. J'aimerais qu'ensemble nous ouvrions la saison 4.
Madame Souyris, les tickets modérateurs - sur les consultations et les médicaments - relèvent du domaine réglementaire et ne font donc pas partie des conclusions de la CMP. Ils ont été neutralisés ; néanmoins, les tarifs des mutuelles ont augmenté - il faudra en discuter avec elles. Je sais que le président et la rapporteure générale de la commission des affaires sociales y sont attentifs.
Monsieur Chasseing, vous faites écho à la question sur la fraude posée par Frédérique Puissat lors des questions d'actualité au Gouvernement. Nous avons effectivement une marge de progression, puisque la fraude atteindrait 13 milliards d'euros annuels. À nous de trouver les outils pour la combattre. Je sais que le Sénat compte des spécialistes dans ses rangs.
Nous devons aussi être optimistes. Cette protection sociale, issue du Conseil national de la Résistance, nous rassemble tous, comme elle rassemble tous les élus républicains dans ma circonscription, où j'ai gagné face au RN.
Ce budget permet de verser les prestations de solidarité, de soigner les malades, de rémunérer les soignants et de rénover nos hôpitaux. Si les soignants sont heureux, nous aurons des patients heureux aussi.
Être optimiste ne signifie pas oublier le cadrage budgétaire. L'Ondam passe mécaniquement à 2,95 %, mais ce n'est pas suffisant pour améliorer le travail des soignants, garantir l'accès aux soins et former plus de professionnels de santé. Il faut des moyens et une vision pluriannuelle, que nous écrirons ensemble. Il n'y aura pas de loi de programmation de la santé ; néanmoins, il faudra donner une visibilité sur plusieurs années aux acteurs, ARS et établissements notamment. Voilà pourquoi nous portons l'Ondam à 3,3 %, soit 9 milliards d'euros supplémentaires.
L'Ondam établissements n'atteindra pas les 6 % réclamés par la FHF. Rapporteur général, je le disais déjà : il faut neutraliser l'impact des cotisations CNRACL, afin que les cotisations retraite ne viennent pas en concurrence avec le soin. L'Ondam établissements sera donc porté à 3,8 %. C'est une bouffée d'oxygène, mais soyons prudents !
Le déficit de nos hôpitaux s'accroît ; il serait de 3,5 milliards d'euros. Pour avoir la confiance des financeurs, c'est délicat. Des réformes structurelles seront nécessaires. Ce n'est pas un ministre de la santé qui resterait quatre mois qui pourrait les mener, pour le dire avec humour.
Soyons réalistes face à la situation budgétaire et à l'impérieuse nécessité de redresser les comptes publics, et prenons des mesures de régulation et de pertinence - qui ne doivent cependant pas être une surcharge administrative pour nos soignants.
Enfin, nous devrons territorialiser les actions du futur PLFSS. On ne supprime pas les déserts médicaux de la même façon partout, je puis en témoigner - j'ai été maire pendant plus de vingt ans. La santé est une mission régalienne, mais elle dépend aussi beaucoup de l'aménagement du territoire.
Nous allons entamer cette période budgétaire ensemble, au service de la sécurité sanitaire des Français.
Je n'oublie pas les Mahorais, auprès desquels je me suis rendu, mais aussi nos compatriotes de La Réunion, où l'on observe une recrudescence du chikungunya. Nous avons aussi un premier cas sporadique de Mpox. Je tiens à remercier nos soignants qui tiennent, face à une épidémie de grippe sévère. Mme Guillotin a évoqué l'importance de la vaccination, nous en reparlerons.
Pour que notre système de santé tienne, il faudra un choc démographique de formation des médecins et des paramédicaux. Le rapport au travail a complètement changé - je le vois chez les internes. À nous de nous adapter.
Le meilleur des traitements est celui que l'on ne dispense pas : c'est la prévention. Nous devrons aller dans ce sens, notamment en matière de santé mentale, d'oncologie, de cardiologie - c'est ma spécialité.
Nous devons aussi favoriser l'innovation, source d'efficience pour améliorer la prise en charge de nos patients.
Rendez-vous est pris pour la saison 4 ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et RDPI ; Mme Annie Le Houerou applaudit également.)
Mme la présidente. - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte. Aux termes de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°176 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l'adoption | 228 |
Contre | 98 |
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, lundi 27 janvier 2025, à 15 heures.
La séance est levée à 18 h 10.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du lundi 27 janvier 2025
Séance publique
À 15 heures et le soir
Présidence : M. Alain Marc, vice-président, M. Didier Mandelli, vice-président
Secrétaires : Mme Alexandra Borchio-Fontimp, Mme Patricia Schillinger
Proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, présentée par MM. Laurent Duplomb, Franck Menonville et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°186, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)