Financement de la sécurité sociale pour 2025 (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) Nous voici réunis, en janvier, pour poursuivre l'examen du PLFSS ! Une situation sans précédent, révélatrice d'une grave crise. J'espère que nous parviendrons à la surmonter, avec nos collègues députés.

Notre séance du jour est purement formelle, puisque l'Assemblée nationale a censuré le Gouvernement et n'a donc pas adopté ces conclusions de CMP - pourtant conclusive...

Il est juridiquement impossible que le Parlement adopte ce texte. En février, l'Assemblée nationale examinera, en nouvelle lecture, le texte du Sénat pré-CMP.

Dès lors, pourquoi examiner ces conclusions de CMP ? Pour ne pas prendre de risque d'inconstitutionnalité. L'article 45 de la Constitution prévoit que « le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées ». Le Gouvernement est donc obligé de le déposer sur le bureau du Sénat.

Le véritable enjeu n'est pas ce texte, mais celui qui sera examiné en nouvelle lecture, en février, à l'Assemblée nationale, puis au Sénat.

Le déficit de la sécurité sociale en 2025 pourrait atteindre 30 milliards d'euros, et augmenter encore d'ici à 2028 : cela ne sera pas soutenable. Souvenons-nous : en 2020, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) s'était trouvée dans l'impossibilité d'emprunter et avait dû faire appel à la Caisse des dépôts et des consignations pour payer les prestations.

Afin de sécuriser le financement de la dette sociale, il faudra réaliser de nouveaux transferts à la Cades, mais cela n'est possible que si l'on sait où l'on va : il faut une trajectoire crédible.

L'Assemblée nationale partira du texte adopté par le Sénat avant la CMP : tous les sujets vont donc revenir sur la table. Notre texte prévoyait 15 milliards d'euros de déficit pour 2025, soit 1 milliard de moins que le texte du gouvernement Barnier, et 3,5 milliards de moins que le texte en sortie de CMP.

Le texte du Sénat prévoyait de réduire les allègements de cotisations patronales de 3 milliards d'euros, contre 4 milliards dans le texte initial, et 1,6 milliard en sortie de CMP. Idem pour les retraites : 2,6 milliards d'euros d'économies sont disparues avec la censure.

Il prévoyait également une contribution de solidarité sur le travail, qui n'a aucune chance de perdurer, puisque même Les Républicains nous ont lâchés en CMP !

Les retraites ont été revalorisées normalement au 1er janvier. La mesure de revalorisation n'est donc plus d'actualité.

Nous devons reprendre nos travaux, pour trouver un terrain d'entente avec les députés, dans l'intérêt du pays, et remettre nos finances sociales sur une trajectoire soutenable.

Dans l'immédiat, par cohérence avec les travaux de CMP, je vous propose d'adopter ce texte. Mais j'ai l'impression d'être le devin plombier des Shadoks. On est là pour réduire les fuites, mais on ne sait pas laquelle boucher en priorité. (M. Laurent Somon s'en amuse.)

À nous d'agir avec responsabilité et courage ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, Les Républicains, RDPI et RDSE)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Exercice singulier, voire baroque : il nous est demandé, par obligation constitutionnelle, d'examiner les conclusions de la CMP sur le PLFSS, rejetées à l'Assemblée nationale en décembre dernier, à la suite du vote de la motion de censure.

Puissions-nous aboutir à un budget de la sécurité sociale le plus vite possible. Nous le devons à tous les acteurs de notre système de protection sociale -  infirmiers, sages-femmes, médecins, accompagnants des plus fragiles. Ils ont besoin de prévisibilité et de lisibilité.

Le budget de la sécurité sociale s'élève à 650 milliards d'euros - bien plus que celui de l'État. C'est un budget en progression constante, car la population vieillit.

Le déficit, prévu initialement à 16 milliards d'euros pour 2025, était passé à 18,3 milliards après la première lecture. Mais certaines mesures d'économies ou de recettes -  sur les actions gratuites ou en matière de fiscalité comportementale  - ne sont pas mises en oeuvre. Chaque jour qui passe, le déficit se dégrade, ce qui met notre protection sociale en risque - l'ensemble de la communauté nationale doit en être consciente.

Mais les besoins sont croissants. C'est pourquoi le Gouvernement a rehaussé l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) à 3,3 %. Le déficit de la sécurité sociale devrait être proche de 25 milliards d'euros, chiffre que nous n'avons jamais connu hors période de crise !

Dès les prochaines semaines, travaillons collectivement au redressement de nos finances publiques sociales, en cette année où nous célébrons les 80 ans de la sécurité sociale.

Il faut passer à une vision pluriannuelle, pour un système à l'équilibre, durablement financé. Nous l'avons fait en 2010 et 2020, nous devrons le faire à nouveau, sauf à fragiliser notre sécurité sociale.

Il nous faudra donc reprendre les débats et je remercie d'avance le président Mouiller et la rapporteure générale Doineau, les rapporteurs de branche et pour avis, pour les futurs compromis que nous trouverons. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et au banc des commissions)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) Exercice étrange et formel : voter des conclusions de CMP considérées comme rejetées par l'Assemblée nationale. C'est toutefois une étape nécessaire, pour donner, enfin, un cap à la sécurité sociale pour 2025. C'était pourtant la première fois depuis 2010 que la CMP avait trouvé un accord sur le PLFSS !

Comme tout accord, celui-ci a nécessité des compromis. Le texte de la CMP n'était pas parfait, mais il reflétait la logique qui avait présidé à nos travaux : des efforts partagés par tous et la préservation de l'emploi et de la qualité des services.

Nous avons abordé la réforme des allègements généraux de cotisations patronales dans l'idée que les employeurs devaient consentir des efforts, mais que celle-ci devait être sans impact sur l'emploi. Nous souhaitons aussi mieux lutter contre la fraude, avec la carte Vitale biométrique, et améliorer la pertinence des soins, avec le dossier médical partagé (DMP). Pour la première fois, une mesure de responsabilisation des patients a été introduite, grâce au Sénat. Toutes ces dispositions méritent d'être conservées.

Nous avions porté l'idée d'une contribution de solidarité par le travail ; il faudra une loi sur l'autonomie et le grand âge.

Le coût de la censure est exorbitant : 12 milliards d'euros, dont 4 milliards d'euros pour le budget de la sécurité sociale et un déficit porté à 30 milliards d'euros -  du jamais vu ! La censure a aussi empêché la mise en oeuvre de mesures attendues par les agriculteurs ou les outre-mer.

Nous souhaitons aussi que soient maintenues les mesures de soutien aux établissements de santé et aux collectivités territoriales, et notamment les évolutions relatives à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), le fonds d'urgence de 100 millions d'euros pour les Ehpad, et les 200 millions d'euros pour les départements.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. Nous en tirerons des enseignements pour l'examen du prochain texte, dans un souci de rigueur budgétaire, d'association de tous les acteurs au redressement et de maintien de la qualité de nos services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Véronique Guillotin, Élisabeth Doineau et MOlivier Henno applaudissent également.)

Mme Solanges Nadille .  - Le 26 novembre dernier, la CMP sur le PLFSS, où je représentais le RDPI, était conclusive. Une voie de passage existait bel et bien. Hélas, l'irresponsabilité des députés de gauche et d'extrême droite, en votant la censure, a aggravé la crise institutionnelle, économique et sociale que nous traversons (M. Akli Mellouli s'exclame.)

La sombre réalité de nos comptes sociaux n'a pas disparu par magie. Le déficit de 18 milliards d'euros en 2024 et les perspectives négatives des prochaines années nous le rappellent. Il nous revient donc d'engager sans délai des efforts importants, pour ne pas laisser une dette insoutenable aux générations futures.

Le RDPI s'était majoritairement abstenu sur le texte issu du Sénat, notamment en raison de divergences à l'article 6. Le texte de compromis sorti de la CMP propose des économies soutenables, avec des moyens accrus pour les secteurs qui en ont le plus besoin. Co-rapporteure de la mission sur la situation des Ehpad, je suis heureuse que l'urgence de leur financement ait été prise en compte.

Nous soutenons le compromis trouvé à l'article 6. La CMP a ramené l'effort de 4 milliards à 1,6 milliard d'euros. Le RDPI a été le seul à proposer la suppression de cet article, car revenir sur les politiques de soutien à l'emploi risquait d'effacer nos succès sur le front du chômage. Favoriser la compétitivité de nos entreprises, c'est améliorer l'état de nos comptes sociaux.

Le volet outre-mer nous tient à coeur ; nous nous satisfaisons du maintien du dispositif Lodéom.

Le texte de la CMP nous semble donc très acceptable, mais les députés retravailleront à partir du texte du Sénat.

Je salue avec enthousiasme l'annonce d'un Ondam réévalué et pluriannuel. Enfin !

Ce PLFSS n'est ni un simple exercice comptable ni une guerre entre branches. Il s'agit d'un véritable contrat social qui doit garantir l'équité médico-sociale sur notre territoire.

Nous saluons la décision du Premier ministre de remettre la question des retraites sur la table, en redonnant la main aux partenaires sociaux, sans tabou. Sur les retraites comme sur le PLFSS, nous sommes ouverts à plus de justice sociale et à une meilleure protection de nos concitoyens. Les Français nous demandent de nous retrousser les manches, sans sectarisme, au service de l'intérêt général.

Plus que jamais, nous devons agir en responsabilité. Nous y sommes prêts. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE, Mme Élisabeth Doineau applaudit également.) L'inédit devient la norme. Le vote des conclusions de la CMP puis la censure l'illustrent bien : nous avons atteint une forme de paroxysme. Notre groupe partage le souhait du Gouvernement d'écourter cette période d'incertitude.

Monsieur le ministre, nous souhaitons que certains amendements puissent être préservés : l'extension aux EPCI de l'exonération des cotisations patronales pour l'emploi des aides à domicile ; le report de la date de candidature pour l'expérimentation sur le financement des Ehpad et des unités de soins de longue durée (USLD) ; l'expérimentation proposée par Henri Cabanel pour la retraite des exploitants agricoles.

La prévention est un levier puissant pour la transformation de notre système de santé. Nous saluons, entre autres, l'annualisation des examens bucco-dentaires de 3 à 24 ans et la campagne de vaccination contre la méningite dans les collèges. Il faut faire de la pédagogie sur la vaccination contre la grippe, qui pourrait faire 10 000 morts cette année. L'obligation de vaccination des soignants ne doit plus être un tabou.

D'autres mesures doivent être conservées : la meilleure prise en compte des personnes en situation de handicap ou le remboursement avant le dépôt de plainte des tests et analyses de détection de soumissions chimiques, notamment.

Nous soutenons certaines mesures pour améliorer l'offre de soins : la lutte contre les rendez-vous non honorés ou la généralisation de l'expérimentation permettant aux infirmiers de signer des certificats de décès, entre autres.

En matière de financement, travailler sur la pertinence des prescriptions est essentiel. Il faut rationaliser les dépenses et lutter contre la fraude, en interdisant les sites fournissant des arrêts de travail de complaisance ou en adoptant la carte Vitale biométrique.

L'Ondam augmentera en nouvelle lecture - tant mieux ! Mais, sans vision pluriannuelle ni réforme structurelle, le répit sera de courte durée.

À chaque problème la réponse n'est pas toujours « plus d'argent ». Plus de décentralisation, moins de bureaucratie, voilà ce qu'il faut.

Si les recettes de la sécurité sociale reposent uniquement sur le travail, il nous faudra ouvrir la question du temps de travail, de l'employabilité des seniors et oser d'autres pistes de financement.

La quasi-totalité de notre groupe n'était pas favorable à la deuxième journée de solidarité. Si les Français travaillent plus, il faut les payer plus.

Nous souhaiterions aller plus loin sur la fiscalité comportementale. J'insiste à titre personnel sur les méfaits de l'alcool, largement sous-évalués au pays du vin, alors que ceux-ci causent 41 000 décès et coûtent 102 milliards d'euros par an.

Mme Élisabeth Doineau.  - Très bien !

Mme Véronique Guillotin.  - Nous nous partagerons entre abstention et vote pour. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Somon applaudit également.) Incontestablement, ce débat est un ovni. Le texte voté par le Sénat n'était pas mauvais. Celui adopté en CMP non plus. Quel paradoxe : la CMP conclusive a accouché d'une censure...

Pas question de refaire le match. Mais le gouvernement Barnier est tombé pour avoir tenté de réguler nos dépenses sociales, pour avoir refusé de faire de la dette la variable d'ajustement de nos débats budgétaires et d'en faire porter le fardeau sur les générations futures.

Le problème le plus grave est celui-ci : voilà bien longtemps que nous sommes incapables d'équilibrer nos comptes sociaux. Notre pays, toxicomane, est drogué à la dette publique. (Mme Élisabeth Doineau renchérit.)

M. Olivier Henno.  - Beaucoup pronostiquaient une censure sur le PLF, et non sur le PLFSS. Faisons en sorte que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.

Le PLFSS est le pilier de la cohésion sociale française. Il est inquiétant que le Gouvernement n'ait d'autre choix que de laisser filer le déficit, qui s'élèvera à 25 milliards d'euros. On pourrait se réjouir d'un Ondam à 3,3 %. Le malaise des hôpitaux est réel. Toutefois, nous ne pourrons pas tenir avec un Ondam durablement déconnecté de la croissance du PIB. (Mme Élisabeth Doineau renchérit.) Son augmentation n'est pas sérieuse, monsieur le ministre. Mieux maîtriser les dépenses de santé et de retraite est un devoir pour ne pas mettre en danger notre modèle social.

Rapporteur de la branche famille, je m'inquiète de la baisse de la natalité : 663 000 bébés, c'est 21,5 % de moins qu'en 2010. Le taux de fécondité est tombé est à 1,62. Ces chiffres doivent nous alarmer. Les causes sont multiples, mais disons-le : notre politique familiale n'est pas à la hauteur des enjeux. À cela s'ajoutent la fin de l'universalité des allocations familiales décidée en 2015, la crise des modes de garde et la difficulté croissante à trouver une place en crèche. Il y a urgence à revoir notre politique familiale du sol au plafond.

Les défis du PLFSS 2025 sont nombreux. Il n'y a pas d'autre remède que de mieux rémunérer le travail et d'augmenter la quantité de travail tout au long de la vie. (Mme Élisabeth Doineau renchérit.)

Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin, MM. Laurent Somon et Olivier Rietmann applaudissent également.)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Notre exercice du jour est affligeant et symptomatique de la crise politique que nous vivons. Au lieu de respecter le résultat des élections législatives, auxquelles, ne vous en déplaise, la gauche est arrivée en tête en nombre de députés, le Président de la République choisit de nommer des Premiers ministres issus de sa minorité parlementaire, qui ne font pas long feu. (M. Yannick Neuder rit jaune.)

À son arrivée, le nouveau gouvernement avait deux options : soit écouter le peuple et déposer un nouveau texte, soit faire l'autruche et reprendre le PLFSS du gouvernement précédent. Évidemment, c'est la deuxième solution qui a été retenue et nous nous retrouvons à examiner les conclusions d'une CMP surnaturelle.

Je résume pour celles et ceux qui auraient raté un épisode.

Saison 1 : petits arrangements entre amis. Le gouvernement Barnier multiplie le dépôt d'amendements et le Sénat aggrave les mauvais coups du texte : désindexation des pensions sur l'inflation, heures de travail gratuit, étalement des cotisations à la CNRACL sur quatre ans au lieu de trois.

Saison 2 : poker menteur et trahison. La CMP aboutit à un accord, le premier sur un PLFSS depuis longtemps.

Nous voici désormais à la saison 3 : illusions et désillusions. C'est le texte voté par le Sénat qui sera débattu en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Mais les députés verront leur droit d'amendement réduit par la règle de l'entonnoir.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Et la saison 4 ?

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous voilà réduits à tenter de deviner les intentions du Gouvernement. La ministre des comptes publics a affirmé que travailler sept heures de plus par an était une piste. La ministre du travail envisageait une ponction sur les retraites supérieures à 2 000 euros, avant que le ministre des finances n'annonce le contraire.

Vous naviguez à vue ! Votre seul cap : prendre à ceux qui ont peu, car vous voulez ménager vos amis du CAC 40, qui n'ont pour mérite que d'être des héritiers.

Pour notre part, nous refusons les marchandages, alors que 100 hôpitaux ont déprogrammé leurs opérations pour faire face à l'épidémie de grippe. Votre logique est toujours la même : les intérêts financiers passent avant la santé des usagers. Nous voterons donc contre les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Le citoyen d'aujourd'hui se sent comme un spectateur sourd assis au dernier rang, qui sait bien qu'il devrait s'intéresser au mystère qui se passe là-bas sur la scène... mais il n'y arrive pas, à l'instar du personnage de Public fantôme de Walter Lippmann. (On apprécie la référence.)

En décembre dernier, l'Assemblée nationale, refusant le texte de la CMP, faisait tomber le gouvernement de Michel Barnier, qui payait ainsi son acoquinement avec l'extrême droite. Quelle leçon, monsieur le ministre ! Aucun démocrate ne peut apporter ne serait-ce qu'une once de confiance à sa parole. Si l'on fait l'erreur tragique de la croire, elle se met à détruire nos institutions brique par brique. Elle ne dit jamais son nom véritable, et, un jour, elle accède au pouvoir et un salut nazi revient à la une des journaux.

Les Françaises et les Français l'ont clairement exprimé lors des législatives : ils ne veulent aucune rupture du cordon sanitaire, aucune trahison du mandat populaire. Dès lors, vous n'avez d'autre choix que de vous tourner vers les forces républicaines, la gauche et les écologistes.

Le GEST votera contre ce texte. Nous nous élevons d'abord contre les mesures antisociales qu'il contient : désindexation des retraites, déremboursement de certains médicaments, taxe lapin, remise en cause -  l'air de rien  - du remboursement des transports sanitaires, entre autres.

Il ne répond à aucune des urgences de notre système de santé. L'Ondam augmenterait de 3,3 %, voire 3,6 % pour l'hôpital - mais la Fédération hospitalière de France (FHF) réclamait 6 %, et ce n'est pas du luxe. L'enveloppe supplémentaire de 100 millions d'euros est très insuffisante face aux 800 millions d'euros de déficit des Ehpad. Enfin, ce texte était dangereux pour l'équilibre financier de la sécurité sociale.

J'entends déjà les propos de mauvaise foi sur le coût de la censure. Mais ce texte portait le déficit à 18,3 milliards d'euros, à force de rejeter toutes nos propositions de nouvelles recettes.

Cela dit, nous espérons que seront maintenues certaines dispositions qui vont dans le bon sens : dispositifs Handigynéco et Mon soutien psy, notamment.

L'avenir du budget de la France, comme celui de la sécurité sociale, ne se fera que dans un esprit de parlementarisme éclairé par la démocratie sociale. Les écologistes seront au rendez-vous du débat pour nous doter d'un budget. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Nous sommes le 23 janvier 2025, la sécurité sociale n'a pas de budget et nous nous apprêtons à voter sur un texte sans effet concret.

Le gouvernement minoritaire avait déposé un texte qui n'a pas pu être adopté dans les délais par l'Assemblée nationale. Puis le Sénat s'est attaché à élaborer un budget. Lors de la CMP, les socialistes ont proposé des compromis, mais le Gouvernement nous opposait une fin de non-recevoir. Le PLFSS est logiquement rejeté et le Gouvernement censuré.

Le nouveau gouvernement Bayrou, issu lui aussi d'une formation minoritaire, s'appuie, lui, sur le front républicain et négocie avec les socialistes, les communistes et les écologistes. Cela a mené à la remise en question de la réforme des retraites, rejetée par 93 % des actifs. Le sujet est enfin sur la table des négociations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.

Sans budget voté, les retraites ont bien été indexées sur l'inflation. Nous attendons une hausse de l'Ondam.

Nous avons noté l'abandon des déremboursements, mais nous ne sommes pas dupes : les mutuelles ont anticipé avec des hausses de tarifs. À la fin, c'est toujours le malade qui paie.

Cette semaine, les différents coups de rabot proposés par les ministres sur les missions du PLF ont terni les négociations avec le Gouvernement : c'est pourquoi nous avons voté contre le budget.

Nous refusons la répétition du même scénario sur le PLFSS. Nous ne pourrons accepter les coupes sur les crédits alloués à l'hôpital, aux personnes âgées et handicapées ou à l'enfance. Nous attendons les signes remarquables démontrant votre attachement à la justice sociale et fiscale.

Notre groupe a des convictions fortes. L'accès aux soins est essentiel - je pense à la proposition de loi de Bernard Jomier, examinée aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Il faut aussi assurer le financement du Ségur de la santé, lutter contre la financiarisation des secteurs médicaux et sociaux et contre les déserts médicaux et sociaux. Enfin, la préservation de notre système de protection sociale passe par une fiscalité plus juste : celle-ci doit être proportionnelle aux moyens de chacun.

La fuite en avant n'est pas une solution : il faut viser l'équilibre des comptes. Mais nous nous opposerons à la création d'une nouvelle journée de solidarité ; la finance et le capital doivent contribuer au même titre que le travail.

Monsieur le ministre, je vous appelle à préparer avec nous un budget qui répond aux besoins des Français. À vous de créer les conditions de votre stabilité en présentant un PLFSS plus juste.

Bien évidemment, nous voterons contre les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Michel Canévet applaudit également.) Notre groupe était globalement satisfait du PLFSS adopté en CMP. Il n'y a pas d'économies faciles. Ce texte demandait un effort à tous, compte tenu de la situation de la sécurité sociale et des finances publiques. Le déficit de la sécurité sociale pourrait atteindre 25 milliards d'euros.

Sept syndicats - patronaux et de salariés - sur huit nous réclament un budget, car ils veulent de la stabilité et de la visibilité : c'est très important pour les investissements dans les entreprises.

La sécurité sociale est principalement financée par les actifs et les employeurs, au bénéfice de tous.

Nous observons une baisse de 20 % des naissances depuis 2010, ainsi qu'un vieillissement de la population. Le nombre de personnes de plus de 85 ans doublera entre 2020 et 2040. En 1980, on comptait quatre actifs pour un retraité ; de nos jours, c'est 1,6 actif pour un retraité.

Les seniors sont très mal intégrés dans l'emploi : 40 % des 60-64 ans travaillent, contre 70 % dans les pays du nord de l'Europe. Parvenir au même taux créerait 1 million d'emplois, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR).

Il est donc nécessaire que les partenaires sociaux se réunissent afin de trouver une solution, conformément au souhait du Premier ministre.

Nous regrettons l'abandon de la deuxième journée de solidarité - et ses 2 milliards d'euros de recettes -, car nous travaillons moins que nos voisins : 1 600 heures annuelles contre 1 790 pour la moyenne européenne.

Nous espérons que l'accord sur les allègements de cotisations patronales, les mesures en faveur des agriculteurs et celles permettant la détection précoce des handicaps seront conservés.

Autre sujet majeur : nous nous réjouissons de l'amendement visant à lutter contre la fraude sociale. La sécurité sociale pourra transmettre aux employeurs et aux salariés les conclusions de ses enquêtes sur les arrêts de travail - dont le coût est passé à 16 milliards d'euros en 2023.

Contrairement à ce que prévoyait le texte initial, les pensions ont été indexées sur l'inflation. Résultat : il nous faut trouver 4 milliards d'euros pour respecter le déficit prévu de 16 milliards.

Ce PLFSS n'est pas un budget d'austérité, puisqu'il prévoyait une hausse de l'Ondam de 2,8 % - le Gouvernement propose désormais 3,3 %.

Il était prévu de porter le ticket modérateur à 25 % au lieu de 20 %, mais cela laissait de côté les 4 % de Français qui n'ont pas de complémentaire santé.

Il faut trouver les moyens de financer le grand âge, la santé mentale, les urgences, les soins palliatifs, mais aussi d'équilibrer les retraites, sans oublier les soignants.

J'espère un travail en responsabilité des partenaires sociaux et du Gouvernement pour conserver la sécurité sociale et nos acquis sociaux. Notre groupe votera bien sûr les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Véronique Guillotin et M. Laurent Somon applaudissent également.)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Je viens de l'Assemblée nationale, qui examinait la proposition de loi de Bernard Jomier sur les quotas de soignants et l'a votée conforme. Nous devrons y travailler ensemble pour en permettre la juste application et répondre à la quête de sens des soignants. Je le voyais encore en décembre dans mon service : pas moins de 20 % des infirmières nous quittent au bout de dix ans... Nous devrons définir les soignants concernés, le volume financier, mais surtout former plus de professionnels de santé. Nous savons déjà que nous aurons besoin de 80 000 infirmiers d'ici à 2050 - c'est un enjeu majeur.

Pour revenir au PLFSS, j'ai bien conscience de participer à un exercice formel. Madame Apourceau-Poly, j'ai souri en vous écoutant comparer l'examen de ce texte à une série. J'aimerais qu'ensemble nous ouvrions la saison 4.

Madame Souyris, les tickets modérateurs - sur les consultations et les médicaments - relèvent du domaine réglementaire et ne font donc pas partie des conclusions de la CMP. Ils ont été neutralisés ; néanmoins, les tarifs des mutuelles ont augmenté - il faudra en discuter avec elles. Je sais que le président et la rapporteure générale de la commission des affaires sociales y sont attentifs.

Monsieur Chasseing, vous faites écho à la question sur la fraude posée par Frédérique Puissat lors des questions d'actualité au Gouvernement. Nous avons effectivement une marge de progression, puisque la fraude atteindrait 13 milliards d'euros annuels. À nous de trouver les outils pour la combattre. Je sais que le Sénat compte des spécialistes dans ses rangs.

Nous devons aussi être optimistes. Cette protection sociale, issue du Conseil national de la Résistance, nous rassemble tous, comme elle rassemble tous les élus républicains dans ma circonscription, où j'ai gagné face au RN.

Ce budget permet de verser les prestations de solidarité, de soigner les malades, de rémunérer les soignants et de rénover nos hôpitaux. Si les soignants sont heureux, nous aurons des patients heureux aussi.

Être optimiste ne signifie pas oublier le cadrage budgétaire. L'Ondam passe mécaniquement à 2,95 %, mais ce n'est pas suffisant pour améliorer le travail des soignants, garantir l'accès aux soins et former plus de professionnels de santé. Il faut des moyens et une vision pluriannuelle, que nous écrirons ensemble. Il n'y aura pas de loi de programmation de la santé ; néanmoins, il faudra donner une visibilité sur plusieurs années aux acteurs, ARS et établissements notamment. Voilà pourquoi nous portons l'Ondam à 3,3 %, soit 9 milliards d'euros supplémentaires.

L'Ondam établissements n'atteindra pas les 6 % réclamés par la FHF. Rapporteur général, je le disais déjà : il faut neutraliser l'impact des cotisations CNRACL, afin que les cotisations retraite ne viennent pas en concurrence avec le soin. L'Ondam établissements sera donc porté à 3,8 %. C'est une bouffée d'oxygène, mais soyons prudents !

Le déficit de nos hôpitaux s'accroît ; il serait de 3,5 milliards d'euros. Pour avoir la confiance des financeurs, c'est délicat. Des réformes structurelles seront nécessaires. Ce n'est pas un ministre de la santé qui resterait quatre mois qui pourrait les mener, pour le dire avec humour.

Soyons réalistes face à la situation budgétaire et à l'impérieuse nécessité de redresser les comptes publics, et prenons des mesures de régulation et de pertinence -  qui ne doivent cependant pas être une surcharge administrative pour nos soignants.

Enfin, nous devrons territorialiser les actions du futur PLFSS. On ne supprime pas les déserts médicaux de la même façon partout, je puis en témoigner -  j'ai été maire pendant plus de vingt ans. La santé est une mission régalienne, mais elle dépend aussi beaucoup de l'aménagement du territoire.

Nous allons entamer cette période budgétaire ensemble, au service de la sécurité sanitaire des Français.

Je n'oublie pas les Mahorais, auprès desquels je me suis rendu, mais aussi nos compatriotes de La Réunion, où l'on observe une recrudescence du chikungunya. Nous avons aussi un premier cas sporadique de Mpox. Je tiens à remercier nos soignants qui tiennent, face à une épidémie de grippe sévère. Mme Guillotin a évoqué l'importance de la vaccination, nous en reparlerons.

Pour que notre système de santé tienne, il faudra un choc démographique de formation des médecins et des paramédicaux. Le rapport au travail a complètement changé - je le vois chez les internes. À nous de nous adapter.

Le meilleur des traitements est celui que l'on ne dispense pas : c'est la prévention. Nous devrons aller dans ce sens, notamment en matière de santé mentale, d'oncologie, de cardiologie - c'est ma spécialité.

Nous devons aussi favoriser l'innovation, source d'efficience pour améliorer la prise en charge de nos patients.

Rendez-vous est pris pour la saison 4 ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et RDPI ; Mme Annie Le Houerou applaudit également.)

Mme la présidente. - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte. Aux termes de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°176 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 228
Contre 98

Le projet de loi est adopté.

Prochaine séance, lundi 27 janvier 2025, à 15 heures.

La séance est levée à 18 h 10.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 27 janvier 2025

Séance publique

À 15 heures et le soir

Présidence : M. Alain Marc, vice-président, M. Didier Mandelli, vice-président

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio-Fontimp, Mme Patricia Schillinger

Proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, présentée par MM. Laurent Duplomb, Franck Menonville et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°186, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)