Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)

Seconde partie (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public à la tribune, du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.

Explications de vote

M. Pascal Savoldelli .  - (On encourage l'orateur sur les travées du groupe CRCE-K.) Monsieur le Président du Sénat, vous qui avez érigé notre assemblée en contrepouvoir, vous devez avoir pleinement conscience que le président Macron utilise le Sénat pour dévoyer le bicamérisme et affaiblir le pluralisme. Chiffrage fantaisiste pour décrédibiliser la censure, adoption du PLF en commission mixte paritaire : autant de coups de force. Vous acceptez de contourner les débats à l'Assemblée nationale, tout autant que la volonté exprimée dans les urnes. L'Assemblée nationale n'aura jamais examiné la seconde partie du budget, c'est inédit !

Le 1er décembre dernier, une seconde délibération a rayé d'un trait vingt-sept amendements de justice sociale et fiscale adoptés par le Sénat. Écoeurés, les sénateurs de gauche ont quitté l'hémicycle.

Le 15 janvier, nous avions multiplié les rappels au règlement pour dénoncer la reprise des débats, contraire à l'article 47 de la Constitution. Le Gouvernement devait présenter un nouveau projet de budget ! Une majorité sénatoriale s'en est accommodée.

Pas de leçons de notre part. Reste que ce désordre budgétaire aurait pu être évité si nos alertes avaient été écoutées.

Le peuple se satisfera-t-il longtemps de donner les pleins pouvoirs à un seul individu ? Aux relais des milieux financiers et des affaires ? L'intérêt général n'est plus garanti par le politique. Un mur se dresse entre les populations et les lieux de décision.

Ce budget est frappé d'un triple sceau  - MM. Attal, Barnier et Bayrou. C'est un triple saut dans l'inconnu : démocratique, social et fiscal.

Où est la prise en compte des urgences sociales et économiques ? Le surendettement des ménages explose, 260 000 emplois industriels sont menacés, la productivité décroche, 15 % des Français sont en état de grande pauvreté. Comment continuer à faire comme si de rien n'était ?

Votre réponse : 6,3 milliards d'euros de nouvelles coupes. Et où frappez-vous ? Là où ça fait le plus mal. Sur la santé, pour 250 millions d'euros. Sur nos écoles. Sur la transition écologique, avec 1,3 milliard envolé, comme si le dérèglement climatique pouvait attendre. Sur les collectivités territoriales, pourtant dernier rempart contre les fractures sociales et territoriales. La droite sénatoriale n'a pas bronché. Allez l'expliquer aux élus locaux, aux citoyens dont les factures explosent et les salaires stagnent, alors que les services publics se délitent ! Quand tout sera privatisé, on sera privé de tout.

Derrière, le capital continue de prospérer : 100 milliards d'euros l'année dernière pour les actionnaires du CAC 40 ! Si vous êtes si prompts à couper dans les services publics, c'est pour mieux préserver les grandes fortunes et détenteurs de capitaux. Chaque année, 200 milliards d'euros d'aides publiques sont versées aux entreprises : 78 milliards en dépenses fiscales, 91 milliards en allégements sociaux, 35 milliards en subventions directes. Pour enrichir les riches. Mais pas d'ISF, pourtant plébiscité par 72 % des Français ! La cohérence de ce budget, c'est le refus idéologique du partage des richesses. Même les quelques timides mesures de justice fiscale du budget Barnier ne sont pas reconduites.

Nous voulons des mesures pour que les Français vivent mieux. À la veille du coup de force annoncé en commission mixte paritaire (CMP), députés et sénateurs communistes déposeront une proposition de loi d'urgence économique et sociale, qui émane des communes, des syndicats, des associations. Oui, la démocratie vit encore, dans les territoires, dans le mouvement social, dans les entreprises. Nous proposons vingt mesures, dont l'abrogation de la réforme des retraites, le blocage des prix et de nouvelles recettes.

Nous voterons résolument contre ce budget. Et comme le dit André Chassaigne, qui aurait fait un très bon président de l'Assemblée nationale : « il faut révolutionner le lien entre la population et le pouvoir politique ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'année 2025 est une année d'héritage - héritage des jeux Olympiques et Paralympiques, vite bradé ; héritage de sept ans de désarmement fiscal, de dépouillement de nos comptes publics, de flambée de la dette. Notre situation budgétaire est catastrophique, mais la catastrophe n'a rien de naturel : c'est le résultat d'une politique de cadeaux fiscaux pour les plus fortunés, financés à crédit.

Au chaos de nos comptes publics s'est ajouté le chaos politique.

Pas moins de trois ministres de l'économie se sont penchés sur ce budget qui, telle la créature de Frankenstein, échappe à ses nombreux créateurs. Personne n'en porte la responsabilité.

À l'automne, le Gouvernement nous a expliqué qu'il n'avait eu que quinze jours pour préparer sa copie - le Président de la République en ayant mis soixante pour nommer un Premier ministre. Ce budget, réalisé à la hâte, s'appuyait sur des prévisions irréalistes et actait déjà un recul massif pour l'État et les collectivités territoriales.

Au Sénat, nous avions fait progresser la copie et trouvé des consensus sur de nouvelles recettes. Mais, à trois jours de sa censure, le Gouvernement Barnier a imposé vingt-sept nouvelles délibérations. Exit tax, taxation des dividendes, impôt sur la fortune immobilière (IFI), taxe Gafam, taxe sur les transactions financières : vous aviez mal voté, chers collèges, Bercy vous a rappelés à l'ordre - quitte à priver l'État de ressources.

La méthode Barnier, c'est aussi le choix de se mettre dans la main exclusive du Rassemblement National. (Huées à droite) Choix irresponsable, qui a abouti à sa censure. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée proteste.) Malgré ce revers démocratique, le budget est repris tel quel, sans ressource fiscale supplémentaire.

Des négociations se sont ouvertes à Bercy. Nous y sommes allés, sans ligne rouge, mais avec des alertes rouges. En matière de transition écologique, le stop and go est délétère. Hélas, la trajectoire budgétaire a primé la trajectoire climatique. Devant le dogmatisme de Bercy, confinant au déni climatique, les députés écologistes n'ont eu d'autre choix que de voter la censure. (M. Laurent Burgoa s'exclame.)

Le Gouvernement a brutalisé le débat par des amendements de dernière minute, qui rabotent de centaines de millions d'euros des budgets essentiels, avec pour seuls arguments la trajectoire budgétaire et le coût de la censure : le niveau zéro du pilotage de l'action politique... (Applaudissements sur les travées du GEST)

Parler de « rabot » est d'ailleurs impropre, car les coupes n'ont pas été homogènes. Certains budgets - défense, justice, intérieur - sont préservés ; d'autres - aide au développement, recherche -, passés à la tronçonneuse. Vous sacrifiez l'avenir. Manifestement, le déni climatique n'est pas l'apanage du président des États-Unis ! En dépouillant le budget de la diplomatie climatique - 35 % de baisse pour l'aide publique au développement (APD) ; en ruinant nos capacités de recherche - moins 630 millions d'euros ; en ponctionnant 1,3 milliard d'euros sur l'écologie, vous faites sortir la France de l'accord de Paris par la petite porte.

Pourtant, Mayotte a été rasée par un cyclone qui illustre l'impact dévastateur de nos émissions. La Cour des comptes, dans son rapport public pour 2024, décrit l'extrême vulnérabilité de notre pays aux aléas climatiques. Or vous êtes dans le déni : même le budget de la sécurité civile diminue de 50 millions d'euros. Aucune vision stratégique. En désarmant fiscalement l'État, vous nous exposez au pire.

Alors que la transition écologique nécessite des investissements pérennes, vous sabrez dans les aides au changement de véhicule, les investissements pour les transports collectifs et le plan Vélo. Vous aggravez les fractures territoriales et sociales. Tout cela finira mal !

Monsieur le ministre, vous restez droit dans vos bottes - ou plutôt, dans les bottes présidentielles, celles qui nous ont menés dans l'impasse budgétaire et le mur climatique ! Nous refusons cette marche forcée vers l'abîme et voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes CRCE-K et SER)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les conditions d'examen tumultueuses de ce PLF reflètent la situation politique dans laquelle nous a plongés le Président de la République. Ce n'est que la suite logique du déni démocratique qu'a représenté la nomination de feu Michel Barnier, ... (Marques d'indignation à droite)

M. Philippe Bas.  - S'il vous plaît !

M. Thierry Cozic.  - ... Premier ministre issu d'un groupe de 47 députés. Un tel coup de force démocratique ne pouvait rester sans réponse. Tout affairé à négocier avec l'extrême droite, M. Barnier s'est retrouvé trahi par sa partenaire. (Applaudissements à gauche ; huées à droite et au centre)

Un nouveau Gouvernement est donc en place. La déclaration de politique générale - ou plutôt d'inertie générale - ne nous a pas rassurés. Le choix de reprendre la navette sur un budget censuré vous empêche d'engager une négociation des plus exigeantes avec nous.

Ne vous méprenez pas sur notre famille politique.

M. Roger Karoutchi.  - Laquelle ?

M. Thierry Cozic.  - Si, dans nos territoires, nous avons ressenti le besoin de stabilité, nous avons aussi entendu le besoin d'alternance. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER et du GEST) Il s'est manifesté lors des élections. Un changement de cap s'impose !

M. Loïc Hervé.  - Avec Mélenchon ?

M. Thierry Cozic.  - La cote de popularité du Président n'est plus que de 18 %, ses propres électeurs le quittent. Ne pensez pas obtenir notre clémence au nom de la sacro-sainte stabilité - elle dépendra de la légitimité de vos décisions. Sept années de politiques iniques et verticales ont été sanctionnées dans les urnes. Que le Président use de son pouvoir de nomination comme d'un pouvoir de décision ne suffira pas à maintenir le statu quo. La légitimité politique du Gouvernement est assise sur les trois partis ayant perdu les dernières élections. Cela vous impose le compromis. Or le compte n'y est toujours pas.

En matière de justice fiscale, d'abord. En 2022, monsieur Lombard, vous écriviez : « un dérèglement est la cause de tous les autres, celui de la rémunération du capital ». Votre budget ne tire pas les conséquences de ce constat lucide. La rémunération des actionnaires a progressé de 114 %, celle des dividendes, de 46 %, celle des rachats d'actions, de 286 %. Cela donne le tournis ! A contrario, le Smic brut n'a progressé que de 19 % ; le salaire moyen brut, de 15 %. Face à une rémunération du capital devenue hors de contrôle, l'État est désarmé. L'État est nu, et le Trésor sa feuille de vigne. (Murmures admiratifs et applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Laurence Rossignol.  - Bravo !

M. Thierry Cozic.  - Le compte n'y est pas non plus en matière climatique : les crédits du fonds vert ont été divisés par deux en un an, alors que l'eau manque et que les feux se multiplient.

Nous ne ferons pas les frais de votre incapacité à tenir vos partenaires Les Républicains, qui sont revenus hier sur l'engagement du Premier ministre de renoncer aux suppressions de postes d'enseignants.

Je salue le retour du dialogue sur l'injuste réforme des retraites, même si la mission flash confiée à la Cour des comptes exclut le Conseil d'orientation des retraites (COR). Le retour des partenaires sociaux n'aurait pas été possible sans les socialistes, qui seront exigeants sur les suites données à ce conclave. Nous avons pris l'engagement devant nos électeurs de ramener le scalp de la réforme des retraites, or nous n'avons pour l'instant que des touffes de cheveux ! (M. Éric Lombard passe la main sur son crâne.)

Le compte n'y est pas non plus pour les collectivités locales, ponctionnées de 2 milliards d'euros alors qu'elles sont dans le rouge. Nous resterons vigilants et exigeants. (M. André Reichardt s'exclame.)

Les renoncements distillés par voie de presse ne nous rassurent pas.

Imputer la responsabilité de la dette aux services publics et à l'État social, c'est faire sciemment le mauvais diagnostic. Ce budget, décalque du budget Barnier, ne fait qu'instruire ce procès. Nous voterons contre.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le Gouvernement n'a pas d'assise parlementaire suffisante pour se suffire à lui-même.

M. Stéphane Demilly.  - On a compris...

Mme Jocelyne Guidez.  - C'est facile...

M. Thierry Cozic.  - Il faudra en tenir compte lors des arbitrages, sans quoi les mêmes causes produiront les mêmes effets. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)

M. Christopher Szczurek .  - Ce PLF est sans doute le plus complexe de la Ve République. Les conditions budgétaires, politiques et médiatiques n'ont pas permis un débat serein et cohérent.

Médiatiquement d'abord, le gouvernement Barnier avait multiplié les fausses informations, parlant de shutdown à la française, allant jusqu'à dire que les cartes Vitale cesseraient de fonctionner. Où étaient les fact-checkers, alors ?

Politiquement ensuite, le pacte contre l'opinion conclu par certains partis et la personnalité d'Emmanuel Macron sont les seuls responsables de l'instabilité parlementaire. Ces partis savent s'entendre pour sauver quelques prébendes, pas pour construire un projet politique.

Budgétairement enfin, les travaux de la commission des finances ont prouvé que le Gouvernement n'avait pas anticipé le dérapage - épilogue d'une politique économique dont l'échec était inéluctable.

Résultat : il nous faut économiser davantage. Les économies de bon sens que nous avions proposées - sur les agences trop nombreuses, sur la gabegie de notre politique migratoire - évitaient d'écraser la France qui travaille et celle qui souffre. Hélas, le conformisme et les oeillères idéologiques ont empêché leur adoption.

Au moins certaines idées ont-elles infusé. Nous nous félicitons de la baisse des crédits de l'APD : il faut privilégier nos concitoyens et nos besoins (protestations sur les travées du GEST), non des financements dispendieux qui n'ont eu aucun effet sur notre rang à l'étranger, notre économie ou nos partenariats.

M. Loïc Hervé.  - Caricature !

M. Christopher Szczurek.  - Le Gouvernement opte pour des coupes aveugles, plutôt que de faire des choix politiques. La décision du Sénat de maintenir la trajectoire de la loi de programmation militaire est un signal positif, qu'il faudra défendre en CMP.

Le contre-budget du RN présenté par Jean-Philippe Tanguy répondait, lui, à la double nécessité de baisser les dépenses publiques et de rendre aux Français leur argent, tout en renforçant l'efficacité de nos services publics. Nous pouvons faire plus avec moins, pour peu que l'on reconsidère les priorités. Il y a une alternative à la surenchère fiscale et à la purge sociale !

Nous espérons que la CMP parviendra à un compromis plus juste. En l'état, nous voterons contre ce budget. (MM. Joshua Hochart, Aymeric Durox et Alain Duffourg applaudissent.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Michel Barnier avait déposé un budget imparfait, en laissant au Parlement le soin de l'améliorer. L'Assemblée nationale a donc créé taxes, surtaxes, impôts, contributions temporaires, les a augmentés et généralisés - laissant le sérieux à notre assemblée.

Considérant qu'il s'agissait d'un budget d'urgence, visant à éviter une crise financière d'ampleur, notre groupe avait accepté de faire peser pour deux tiers la baisse du budget sur des économies et pour un tiers sur une hausse provisoire, ciblée et encadrée, de la fiscalité sur les ménages les plus aisés et sur les plus grandes entreprises.

Ce budget était l'un des premiers depuis longtemps à prévoir des économies substantielles. L'indispensable baisse des dépenses publiques ne doit être ni brutale ni générale. Elle doit préserver les missions régaliennes que sont la sécurité du quotidien, la justice, la défense, la diplomatie.

L'État doit également veiller à notre santé, à l'éducation de nos enfants, à la lutte contre le réchauffement climatique... Je regrette que la trajectoire de la loi de programmation de la recherche (LPR) n'ait pas été sanctuarisée.

L'Assemblée nationale a laissé le champ libre au Sénat. S'est-il vraiment saisi de l'occasion ? Alors que notre pays est l'un des plus fiscalisés au monde, nous avons créé un nouvel impôt sur la fortune, augmenté les droits de mutation en pleine crise immobilière, augmenté indirectement les impôts de production avec le versement mobilité, raboté le crédit d'impôt recherche (CIR), essentiel à notre compétitivité...

Mon excellent collègue Capus (sourires et applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP) a cité Karl Marx : « il y a une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts et toujours plus d'impôts ». Des majorités originales (M. Fabien Gay s'exclame) se sont dégagées pour lui donner raison. Heureusement, notre majorité est revenue sur ces mesures, notamment les hausses du prélèvement forfaitaire unique (PFU) et de l'exit tax, en seconde délibération.

Le Premier ministre a annoncé 30 milliards d'euros d'économies nouvelles, dont 23 milliards à la charge de l'État, qui doit voir ses dépenses baisser de 2 % en valeur. Nous y avons souscrit. Je le redis, l'État doit réduire ses dépenses de fonctionnement et sanctuariser ses dépenses d'investissement. En sacrifiant ses dépenses d'avenir, il ne se comporte pas en bon gestionnaire : la baisse des crédits de France 2030, de la recherche, de l'écologie sont de mauvais augure.

Deux crises budgétaires menacent. La première, latente, résulte de cinquante ans de déficit. Nos enfants en paieront les conséquences. La deuxième résulterait de la non-adoption de ce budget : l'État serait mis en difficulté, nos citoyens plongés dans l'inconnu.

Nous ne voulons pas rajouter une crise budgétaire à la crise politique. Le propre des compromis politiques est qu'ils ne sont satisfaisants pour personne. Aussi, nous voterons, en responsabilité, le PLF 2025. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les négociations sur ce budget ont débuté sous Gabriel Attal, au printemps ; le PLF a été enregistré à l'Assemblée nationale sous Michel Barnier ; après le vote de la motion de censure, les ministres de François Bayrou l'ont défendu. Pourtant, ce texte est celui du Sénat.

Une voix à gauche. - Des Français ?

Mme Christine Lavarde.  - C'est celui de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Michel Barnier avait présenté un effort de 50 milliards d'euros, répartis entre 20 milliards de hausses de fiscalité, temporaires et ciblées, et 30 milliards de baisses de dépenses. Le groupe Les Républicains a accentué l'effort, en votant 3 milliards d'euros d'économies supplémentaires, dont 1 milliard sur les agences. Notre commission d'enquête poursuivra les efforts de rationalisation.

M. Max Brisson.  - Très bien !

Mme Christine Lavarde.  - Nos efforts ont permis de réduire le déficit de 0,1 point de PIB. Ce budget répond à nos priorités. Le Sénat préserve la capacité d'investissement des collectivités, en refusant toute modification non concertée du FCTVA et en évitant toute ponction trop importante sur leur capacité d'autofinancement. Sans les grandes collectivités, pas d'investissement public. Nous permettons aux exécutifs locaux de lever des recettes supplémentaires via le versement mobilité ou les droits de mutation.

Nos concitoyens attendent beaucoup de la police et de la justice - pour 70 % des Français, la lutte contre la délinquance est prioritaire.

M. Hussein Bourgi.  - Vous avez créé des postes à la justice !

Mme Christine Lavarde.  - Cela suppose de préserver les moyens.

Pour être acceptables, les hausses de fiscalité doivent être ciblées, temporaires et justifiées. L'augmentation des accises sur l'électricité à un niveau supérieur à celui d'avant la crise de l'énergie était inacceptable, antisociale et antiécologique. Le Sénat a rejeté toute hausse de fiscalité non ciblée, à l'instar de celle du PFU.

Les mesures concédées par François Bayrou au parti socialiste ne sont pas des marqueurs socialistes. (« Oh ! » sur les travées du groupe SER) La plupart ont déjà été portées par notre groupe. (Rires à gauche ; applaudissements à droite)

M. Hussein Bourgi.  - Vous êtes devenus socialistes ?

Mme Christine Lavarde.  - La meilleure preuve en est le vote négatif du groupe socialiste, annoncé par Thierry Cozic.

Mme Catherine Conconne.  - C'est puéril.

Mme Christine Lavarde.  - En CMP, nous serons vigilants à ne pas dénaturer la copie du Sénat. La presse s'est fait l'écho de la sagesse sénatoriale qui a refusé une baisse trop importante du budget du sport.

M. Hussein Bourgi.  - Et de la justice !

Mme Christine Lavarde.  - Il nous incombe de soutenir l'énergie positive que véhicule le sport. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon applaudit également.) « Vous avez raison », a répondu le Président de la République aux 425 sportifs signataires d'une tribune. Ces mots sont adressés à l'ensemble des sénateurs.

M. Hussein Bourgi.  - Et la justice ?

Mme Christine Lavarde.  - Nous avons adopté des mesures de lutte contre la fraude, dont, contre l'avis du Gouvernement, un dispositif anti-CumCum pour éviter le contournement de l'impôt sur les dividendes. Le Sénat vote en ce sens depuis 2019, ne procrastinons plus !

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

Mme Christine Lavarde.  - Le vote du PLF est le début d'un long chemin vers le rétablissement de nos finances publiques. La Commission européenne a validé notre trajectoire, malgré un déficit prévu à 5,25 % du PIB et une croissance plus faible. Les efforts non réalisés cette année devront être reportés sur les prochains exercices si l'on veut atteindre 3 % de déficit en 2029. L'attractivité des nouveaux produits émis par l'Agence France Trésor témoigne de la crédibilité de la dette française.

La baisse des dépenses n'a pas porté sur l'investissement, m'avez-vous rétorqué hier soir, madame la ministre. C'est faux : les baisses de crédits sur la mission « Écologie » et sur MaPrimeRénov' préemptent l'avenir et notre capacité à nous adapter à une France à +4°C. (Vifs applaudissements sur les travées du GEST)

M. Yannick Jadot.  - C'est le budget des Républicains...

Mme Christine Lavarde.  - Les discussions sur l'avenir du financement de notre système de retraites sont ouvertes. La sphère sociale devra prendre sa part dans le redressement de notre trajectoire budgétaire. Le cadre posé par le Premier ministre d'une réforme à budget constant laisse peu de marge de manoeuvre, à moins de revoir le système - capitalisation ou répartition.

Nous attendons vainement des réformes d'ampleur depuis 2017. Le système de santé, les relations État-collectivités, la fiscalité, la planification industrielle sont des priorités qui appellent des réponses urgentes. Notre soutien est vigilant et responsable. Nous voterons le budget d'aujourd'hui - le plus mauvais à l'exception de tous les autres. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Marie-Lise Housseau et Anne-Sophie Patru applaudissent également.)

M. Stéphane Fouassin .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le Sénat se prononce enfin sur le PLF 2025, historique à bien des égards. Je salue la qualité de nos débats, bien loin du tumulte de l'Assemblée nationale. Les extrêmes ont aboyé, pendant ce temps la caravane de la dette a accéléré.

Nous saluons la méthode de votre Gouvernement : pragmatisme, dialogue, écoute et concertation avec l'ensemble des forces politiques et sociales. Vous avez su trouver des compromis pour donner un budget à la France.

Première étape vers le redressement de nos finances publiques, il restaurera la confiance de nos entreprises et de nos concitoyens. Nos territoires ultramarins bénéficieront de mesures concrètes, à l'instar de l'exonération de la taxe sur les billets d'avion pour les vols en provenance ou à destination de leurs aéroports, ou la baisse de la TVA en Guadeloupe et en Martinique, pour lutter contre la vie chère. Nous nous félicitons des 500 millions d'euros de crédits supplémentaires ouverts pour la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte.

Je salue l'engagement transpartisan du Sénat en faveur du pouvoir d'achat, avec la baisse de 14 % des prix de l'électricité.

Nous avons amélioré la justice fiscale avec le dispositif anti-évitement et en relevant le taux de la taxe sur les transactions financières.

Nous avons sécurisé la voie publique en augmentant la présence policière.

Nous avons oeuvré en faveur de la transition écologique.

Nous avons agi en faveur des agriculteurs, avec l'amendement du président Patriat visant à faciliter les transmissions des exploitations familiales. Notre collègue Buis a veillé à la gestion durable des haies.

Fixés à 5 milliards d'euros, les efforts demandés aux collectivités étaient trop importants ; ils ont été limités à 2 milliards, afin de maintenir leur capacité d'investissement.

Nous défendrons l'héritage des JOP ; le budget sport n'est pas assez élevé.

Alors que la dette s'élève à 3 300 milliards d'euros, que le déficit est prévu à 5,4 % en 2025 et que les taux d'intérêt à dix ans atteignent 3,4 %, il faut poursuivre l'assainissement de nos finances publiques. Sans marges de manoeuvre budgétaires, nous ne pourrons affronter les prochains cygnes noirs.

Malgré les défis à relever, ce PLF est un premier jalon vers le redressement des comptes et un cadre budgétaire plus juste et efficace. Il porte des mesures concrètes et équilibrées qui répondent à l'attente de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos territoires.

Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'arbitre a sifflé la fin du match budgétaire au stade du Luxembourg, le score s'affichera dans quelques instants sur le panneau à ma gauche. (Sourires) Après l'éviction du sélectionneur Barnier et les débordements au stade rue de l'Université, baptisé Motion de censure, le Président de la République a fait appel à un nouveau sélectionneur, et le match a repris. La première mi-temps s'était achevée sur un penalty contesté ; la nouvelle délibération a été transformée, l'équipe adverse ayant quitté la pelouse. Pour la fin de cette deuxième mi-temps, le sélectionneur a changé de tactique pour laisser un peu d'espace à l'équipe adverse - mais l'arbitre, M. Bercy, est toujours en place.

Rien n'est joué. Si tous les observateurs prévoient une victoire au stade du Luxembourg, il faut prendre en compte le résultat du match aller. On se dirige vers les prolongations, avec quatorze joueurs seulement, à huis clos, au stade de la CMP. On ne connaît pas actuellement les équipes et encore moins le résultat.

M. Olivier Paccaud.  - Carton jaune !

M. Christian Bilhac.  - Reste à espérer qu'il ne faudra pas en passer par les tirs au but.

Plus sérieusement, la seconde délibération a supprimé des mesures fiscales et sociales : exit tax, augmentation à 33 % de la flat tax, issue de mon amendement, augmentation du PFU de 2 milliards d'euros.

Nous nous félicitons de la baisse de 5 à 2 milliards d'euros de l'engagement demandé aux collectivités, du maintien des 4 000 postes menacés dans l'Éducation nationale, des mesures fiscales et budgétaires en faveur des outre-mer.

Le Gouvernement a malmené le Parlement et abusé du rabot budgétaire, dans une logique de court terme. Que restera-t-il des 3 831 amendements déposés durant ce marathon budgétaire ?

Je remercie le président Raynal, le rapporteur général et les services du Sénat, qui ont abattu un travail énorme. (Applaudissements)

Le RDSE a défendu une position responsable, pour la maîtrise des dépenses publiques et la préservation du pouvoir d'achat, pour l'accès au logement et le rééquilibrage entre travail et capital. Plusieurs amendements visaient à préserver notre modèle agricole ou le crédit d'impôt recherche ; d'autres à réduire les dépenses administratives sans tomber dans une logique bercyenne.

Seuls une dizaine de nos amendements ont été adoptés -  maigre consolation ! La seconde délibération est revenue sur mon amendement sur le PFU, ou sur l'instauration d'une taxe sur les bouteilles en plastique. Je me réjouis de la prolongation du PTZ, mais la situation du logement reste dramatique. Le compte n'y est pas. Les investissements locaux, déterminants pour notre économie, seront pénalisés.

Je ne reproche pas au Gouvernement sa recherche de l'équilibre, mais certains de ses arbitrages. À quand un plan pluriannuel de redressement des finances publiques ? À quand un dialogue sincère avec les collectivités territoriales et les organismes paritaires ?

L'ADN du RDSE appelle un débat sans dogmatisme, mais notre voix n'a pas été entendue. Je m'abstiendrai, comme la plupart de mes collègues. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Michel Canévet .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) L'examen de ce budget a été interrompu durant plusieurs semaines ; nous avons dû supporter des amendements de dernière minute qui ont modifié significativement la maquette financière.

M. Vincent Éblé.  - Ça, c'est vrai !

M. Michel Canévet.  - Néanmoins, nous avons sorti une copie. Le groupe de l'Union centriste a cherché à réduire le déficit public, car la situation de nos comptes est préoccupante. Le recours à l'emprunt est de plus en plus important, alors que nous consacrons 56,7 % de notre PIB aux dépenses publiques.

Si 450 investisseurs se sont précipités mardi pour acheter 10 milliards d'euros de dette à 3,26 %, il ne faut pas s'en réjouir, car les taux, plus élevés qu'auparavant, risquent de croître encore, obérant la capacité de l'État à agir.

Le contexte économique est lui aussi préoccupant. M. le ministre a du reste abaissé à 0,9 % la prévision de croissance, alors que, selon le FMI, la croissance mondiale augmentera de 0,1 point à 3,3 %. C'est dire les efforts à faire pour retrouver une dynamique économique meilleure !

Seul motif de satisfaction, la réduction du déficit pour 2024, mais il faudra aller plus loin.

Les recettes nouvelles portent sur la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des très grandes entreprises, censée rapporter 8 milliards d'euros -  ce sera plutôt 4 ou 5 milliards  - et la contribution différentielle sur les hauts revenus, qu'il faudra sans doute aménager. Nous aurions préféré des recettes plus sûres, via une hausse de deux points du taux normal de TVA, dont l'effet sur l'économie est moins récessif.

M. Hussein Bourgi.  - Mais plus injuste !

M. Michel Canévet.  - Gare à ce que les efforts demandés aux entreprises ne modifient pas la trajectoire de baisse des impôts. Nous rehaussons, certes exceptionnellement, le taux d'impôt sur les sociétés.

Le groupe UC a permis l'évolution de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) vers l'IFI, grâce à Sylvie Vermeillet ; Nathalie Goulet, très engagée contre les fraudes de toute nature, a vu certaines de ses propositions acceptées. Nous espérons que la disposition relative à l'arbitrage des dividendes sera retenue en CMP. Nos propositions seront approfondies dans la commission d'enquête demandée par le groupe UC sur la lutte contre la délinquance financière.

En seconde partie, nous avions proposé des baisses de crédits sur presque toutes les missions. Nous avions aussi remis en cause certaines politiques publiques : Pierre-Antoine Levi a envisagé la fin du service national universel (SNU), que nous ne pourrons pas généraliser ; Sonia de La Provôté a proposé de recentrer le pass Culture.

Le groupe UC apprécie la position du Sénat qui a réduit l'effort demandé aux collectivités de 5 à 2,2 milliards d'euros et préservé le FCTVA. Bernard Delcros a veillé à préserver la cohésion des territoires et les services publics.

Gare aux effets des taxes que nous votons - je pense par exemple à la taxe sur l'aviation. Il y va de l'attractivité économique de notre pays. Si les entreprises ne sont plus compétitives, les recettes de l'État diminueront.

Cela dit, le groupe UC votera dans sa grande majorité le PLF. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. le président.  - Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune. Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal : lettre I. (Exclamations diverses)

Le projet de loi de finances pour 2025, modifié, est mis aux voix par scrutin public à la tribune de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°175 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l'adoption 217
Contre 105

Le projet de loi de finances pour 2025, modifié, est adopté.

(Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI ; M. le rapporteur général applaudit également.)

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - Nous arrivons donc au terme de la discussion du projet de loi de finances pour 2025. Cette discussion s'est déroulée, chacun le sait, dans des conditions exceptionnelles, puisque nous avons débuté nos travaux en séance le lundi 25 novembre pour les achever aujourd'hui. Afin d'assurer la continuité de la vie de la nation, nous avons été conduits à adopter définitivement, le 18 décembre 2024, la loi spéciale prévue par l'article 45 de la Lolf.

Dans ce contexte si particulier, nous avons de nouveau battu des records de durée d'examen et de nombre d'amendements. Nous avons débattu pendant près de 164 heures, contre 152 heures l'an dernier. Les 4 545 amendements déposés représentent une hausse de 21 % par rapport à l'année dernière ; leur nombre a presque doublé en cinq ans.

Cette tendance me conduit à renouveler les interrogations que je vous livrais l'an dernier sur le nombre d'amendements et la possibilité de préserver la qualité de nos débats dans un cadre constitutionnel aussi contraint que celui de l'examen de la loi de finances.

À l'issue de ce « marathon », j'adresse mes vifs remerciements au rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-François Husson, pour sa mobilisation et son travail. Je remercie également le président de la commission des finances, M. Claude Raynal, pour son implication et sa vigilance sur la bonne tenue de nos débats dans des délais contraints.

Je remercie les présidentes et les présidents de séance, qui ont permis que nos débats se déroulent de manière sereine.

Je salue les 48 rapporteurs spéciaux de la commission des finances, les 75 rapporteurs pour avis des autres commissions, ainsi que les présidents de ces dernières et les chefs de file des groupes politiques pour leur contribution à nos débats.

Enfin, je remercie les personnels des services du Sénat, particulièrement ceux de la commission des finances, et des groupes politiques, qui ont été fortement mobilisés pendant toute cette période, tout comme le service de la séance.

Messieurs les ministres, mesdames les ministres, je vous adresse enfin mes remerciements, ainsi qu'à vos collègues qui se sont succédé au banc depuis novembre dernier.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - Je partage vos appréciations, monsieur le président, sur tous ceux qui se sont mobilisés, encore plus cette année que les autres, pour que nous ayons un budget.

Nous vivons des moments incroyables. Avec un peu de recul, nous nous dirons bientôt : nous sommes passés par une situation invraisemblable, épouvantable, compliquée.

De mon point de vue, les choses ont démarré fin 2023, lorsque nous avons eu des informations de Bercy sur des impôts - TVA, impôt sur les sociétés - qui ne rentraient pas. Une petite musique de difficultés cumulées s'est mise à tourner.

L'année 2024 est celle où le Gouvernement prévoit 4,4 % de déficit et réalise finalement 6,1 % : un des scores les plus catastrophiques hors période de crise. Ce n'est pas sans lien avec ce qui a suivi.

En un an, nous avons eu quatre Premiers ministres, la dissolution de l'Assemblée nationale - je ne commente pas - et la censure du Gouvernement, inédite depuis 1962. Tous ces événements sont liés.

J'essaie de voir le côté positif : nous avons beaucoup appris ; nous n'avons pas fait les choses « as usual » ... (Sourires)

Nous avons appris ce qu'était un gouvernement qui gérait les affaires courantes. Au sein de la commission des finances, avec Bercy, avec la direction de la séance - même avec les ministres - nous nous sommes posé des questions sur ce périmètre. Et pas une seule fois, mais deux ! La deuxième fois, nous étions mieux préparés...

Nous avons aussi appris à examiner un PLF par morceaux.

Nous avons appris à nous asseoir sur la Lolf - qui semblait si rigide auparavant. Nous avons appris à faire preuve de souplesse, pour ce qui concerne les délais notamment, surtout quand on ne peut pas faire autrement.

Nous avons redécouvert ce qu'était une loi spéciale. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie lève les yeux au ciel.)

Nous avons découvert ce qu'étaient les services votés - nous avons dû nous appeler entre les fêtes pour en parler, c'était sympa !

Cette période, nous l'avons adorée (Sourires)... Et une autre période géniale s'annonce : une CMP dans un cadre inédit, entre un Sénat qui aura voté un texte et une Assemblée nationale qui n'a débattu de rien. Cela pourra être long ! Je vous remercie pour les encouragements que vous avez adressés aux membres de la commission - vous pouvez nous souhaiter bon courage pour la suite ! (Applaudissements)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - Je me joins aux remerciements du Président du Sénat. Le PLF est souvent présenté comme un tunnel de vingt jours. Cette fois-ci, il est interminable. Est-ce une sortie temporaire ?

Dans la situation inédite que nous connaissons, j'ai un peu mal à mon pays : j'aimerais une France plus rayonnante, comme celle qui a ébloui le monde pendant les JOP, plutôt qu'une France qui doive rétablir ses comptes.

Le Sénat avait bien identifié les problèmes. En décembre 2023, les perspectives n'étaient pas bonnes, et cela ne s'est pas arrangé.

C'est l'honneur du Sénat d'avoir travaillé et conduit des missions flash. Nous avons cherché à établir la vérité des faits. Certains doivent reconnaître leur part de responsabilité, pour obtenir l'adhésion des Français à l'effort collectif de redressement des comptes publics. C'est l'avenir de notre pays qui est en jeu.

Le tandem franco-allemand, moteur de la construction européenne, s'affaiblit. Enfant de l'Est de la France, je sais combien nos territoires sont peuplés de cimetières, combien le souvenir de la guerre est vivace.

J'en appelle à un sursaut national, au-delà des finances publiques. Prétendre que le compte est bon n'est pas suffisant ; se désoler de la dégradation des comptes non plus. Nous devons redonner des perspectives, perdre un peu de poids de dépense publique pour retrouver du muscle économique, afin que notre pays retrouve l'envie de gagner. C'est une question de morale, mais aussi de qualité de vie. Ce que le Parlement n'acceptera pas ici sera l'objet de sanctions ultérieures.

Les sénateurs de la CMP feront tout pour être à la hauteur de leurs responsabilités, en tenant compte de la situation politique, et du large vote du Sénat. Nous avons essayé de préparer les conditions d'une CMP conclusive : c'est l'intérêt supérieur de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDSE et du RDPI ; M. Pierre Barros applaudit également.)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je remercie les services du Sénat de leur formidable engagement. La séquence ne s'est pas exactement déroulée comme elle aurait dû, je le reconnais.

Je remercie la chambre haute d'avoir joué son rôle et permis d'examiner le texte au fond. Compte tenu de la situation très particulière, le Premier ministre, la ministre des comptes publics, la ministre chargée des relations avec le Parlement et moi-même avons souhaité que les séances soient précédées de dialogues. Merci aux groupes d'y avoir participé, d'avoir fixé non des lignes rouges, mais des priorités, que nous avons essayé de prendre en compte.

Ce budget est le premier à s'inscrire dans la procédure pour déficit excessif. Une bonne nouvelle - rare en cette période : l'exécution du budget de 2024 sera à 6 % de déficit, et non à 6,1 %. Nous maintenons notre objectif de 3 % de déficit en 2029 et de 5,4 % en 2025.

Travail rigoureux et difficile, car nous privilégions les baisses des dépenses aux hausses d'impôts. Il y va de l'avenir de notre pays. Chaque année, la dette s'accroît, son coût dépasse les 50 milliards d'euros par an. Nous risquons d'y perdre notre indépendance.

Ce budget 2025 est un tournant, une étape majeure.

Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour préparer avec vous, dans le même esprit de dialogue, la loi de finances pour 2026, qui visera une diminution de nos déficits pour stabiliser notre dette et redonner un avenir à notre pays. C'est une « ardente obligation ».

Je vous remercie de votre vote. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Je m'associe à ces remerciements. Notre pays vit un moment inédit. La dernière fois que nous avons été sans budget, c'était en 1979-1980. Le budget avait été adopté le 18 janvier ; nous sommes le 23 janvier, et il reste beaucoup d'étapes avant que le budget ne soit voté par les deux chambres puis promulgué.

Nous le savons, ce budget est attendu par les Français. Mais nous pouvons être rassurés : le sens des responsabilités existe bien dans notre pays. Malgré les aléas de l'élaboration du texte, nous avons trouvé des points d'équilibre : les collectivités territoriales participeront à l'effort budgétaire, mais nous avons trouvé un compromis ; nous avons aussi préservé l'hôpital. C'est parce que des économies ont été votées que nous pouvons tenir comme cible crédible 5,4 % de déficit.

Si on appliquait tel quel le budget du Sénat, le déficit serait de 5,3 %

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Très bien !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Mais ce chiffre technique ne prend en compte ni la dégradation de la croissance, ni le coût de la censure.

Néanmoins, l'État et ses opérateurs voient leurs dépenses diminuer de 2 %. C'est un effort exigeant : sans dégrader les services, nous avons cherché de l'efficacité et des transformations.

Il reste beaucoup d'ajustements à faire pour que les économies soient effectives. C'est pourquoi la CMP est primordiale. C'est à ce moment, où le Parlement est pleinement souverain, que se construira ce budget qui confortera notre souveraineté nationale et financière, et que se rebâtira la confiance.

Pour avoir été députée, je mesure que les conditions de l'examen budgétaire étaient largement perfectibles. Je m'engage à ce que le prochain budget, si nous pouvons vous le présenter, soit examiné dans des conditions plus respectueuses de la qualité des débats.

Pour élaborer le PLF 2026, nous avons besoin de vos travaux. Votre commission d'enquête sur les opérateurs de l'État nous aidera, tout comme vos travaux sur la fiscalité des éoliennes. Il nous faudra trouver des compromis.

Nous espérons que la loi de finances sera promulguée. Il faudra ensuite en assurer une exécution transparente, pour vous éviter toute surprise. Je vous remercie pour votre vigilance, votre exigence, votre rigueur. Vous pouvez compter sur notre engagement. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 45.

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 55.