SÉANCE

du mardi 26 novembre 2024

26e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Catherine Conconne.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Financement de la sécurité sociale pour 2025 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution.

Ce scrutin s'effectuera depuis les terminaux électroniques. Veuillez vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote.

Explications de vote

Mme Silvana Silvani .  - L'heure est au bilan de nos six jours de débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, un texte qui représente 662 milliards d'euros de dépenses et concerne l'ensemble de nos concitoyens.

Les débats ont été l'occasion d'une clarification politique. Le Premier ministre avait annoncé un effort partagé et juste, mais il n'en sera rien.

La répartition initiale des efforts - 10,1 milliards d'euros pour les assurés sociaux et 4,7 milliards pour les entreprises - a été encore aggravée en défaveur des premiers : 12,5 milliards d'euros contre 2,5 milliards. Les entreprises ne supporteront ainsi plus qu'un cinquième de l'effort total. Il faut sans doute y voir l'influence du ministre de l'économie, hostile à toute remise en cause des exonérations de charges...

Le Medef a lancé une grande campagne de communication sur le thème : 20 milliards d'euros d'impôts et de charges en plus équivalent au salaire chargé de 400 000 emplois. Le même argumentaire avait servi lors de la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Rappelons-nous : il était supposé créer 1 million d'emplois...

Les grandes entreprises bénéficient de 200 milliards d'euros d'aides publiques, dont 80 milliards d'euros d'exonérations de charges - une véritable addiction ! Pourtant, la majorité sénatoriale a baissé de 4 à 2 milliards d'euros les baisses d'exonérations prévues.

Ce budget n'est ni partagé ni juste : réduction des indemnités journalières des malades, augmentation du ticket modérateur, baisse du remboursement des médicaments, renforcement du contrôle des ordonnances. L'essentiel des efforts repose sur les travailleurs, mais aussi sur les retraités qui subiront l'augmentation des tarifs des complémentaires et la sous-revalorisation des pensions.

La rapporteure Pascale Gruny a proposé une nouvelle rédaction de l'article 23 : au lieu d'être revalorisées au 1er janvier de 2,3 %, les pensions le seront de seulement 0,9 % ; puis, au 1er juillet, celles qui sont inférieures au Smic seront à nouveau revalorisées de 0,9 %, avec rattrapage des six premiers mois de l'année. Mais ce prétendu « bouclier anti-inflation » est moins avantageux que la proposition du Gouvernement. Les pensions inférieures au Smic perdront 30 euros sur l'année, tandis que les 10 millions de retraités dont la pension dépasse 1 425 euros perdront 1,4 point de pouvoir d'achat. Selon le Groupe des neuf, pour compenser les pertes subies par les retraités depuis 2017, il faudrait augmenter les pensions de 5,2 %.

M. le président.  - Mes chers collègues, veuillez faire moins de bruit, par respect pour l'oratrice.

Mme Silvana Silvani.  - Après le report de l'âge de départ et l'allongement de la durée de cotisation, cette sous-revalorisation est la troisième vague de la réforme des retraites.

Pour notre part, nous considérons que retraités et salariés font déjà des efforts depuis des années et que d'autres choix sont possibles que, par exemple, la création d'une deuxième journée de solidarité.

La majorité sénatoriale, elle, s'est lancée dans un florilège d'attaques contre le droit du travail, comme s'il n'avait pas déjà été suffisamment abîmé depuis quinze ans. (Exclamations à droite et au centre) Les salariés vont ainsi devoir travailler sept heures de plus chaque année, gratuitement. Ou comment travailler plus pour gagner moins... (Murmures désapprobateurs sur les mêmes travées)

Enfin, comment ne pas évoquer la hausse des cotisations à la CNRACL ? La chambre des territoires est restée sourde aux appels des collectivités et des hôpitaux. La hausse ne sera pas plus supportable parce qu'elle est étalée : quatre fois trois points ou trois fois quatre points font toujours 7,5 milliards d'euros de charges en plus !

Les débats auront mis en lumière des visions radicalement opposées. Nos amendements en faveur d'une sécurité sociale solidaire de haut niveau n'ayant pas été retenus, nous voterons contre le PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Albéric de Montgolfier.  - Quelle déception...

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol et M. Didier Marie applaudissent également.) Je remercie l'ensemble de nos collègues et les membres du Gouvernement qui ont pris part aux débats de la semaine écoulée, de bonne tenue et respectueux de la démocratie, ce qui devient remarquable...

Hélas, le texte présenté par le Gouvernement est plus inquiétant que jamais : insincère dans ses projections, dépourvu de trajectoire de redressement comme d'ambition de santé publique, profondément injuste dans les modes de financement retenus.

La sous-indexation des pensions entraînera une perte de pouvoir d'achat pour les retraités, malgré le tour de passe-passe de Laurent Wauquiez. Plus largement, « diminution » semble le maître mot de ce PLFSS. Vous réduisez ainsi les remboursements des consultations et des médicaments. La baisse sera couverte par les complémentaires, dites-vous ? Certes, mais elles augmenteront leurs cotisations ! Et quid des 5 % de Français qui n'en ont pas ?

Sous le nom de contribution de solidarité par le travail, vous créez une nouvelle corvée qui rappelle furieusement les servitudes d'Ancien régime. (Protestations à droite et au centre) Avec vous, désormais, c'est : travailler plus pour gagner moins ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; M. André Guiol applaudit également.)

Pourtant, le GEST a fait des propositions solides et raisonnables.

Mme Pascale Gruny.  - « Raisonnables », c'est le mot...

Mme Anne Souyris.  - Dans un esprit de justice sociale, nous avons proposé de mettre à contribution le capital, en particulier les dividendes, les retraites chapeaux ou les successions. Vous avez refusé.

Nous voulions mettre à contribution aussi les principaux responsables du changement climatique et de la pollution de l'air - responsable de 40 000 décès par an -, à travers notamment une contribution sur les bénéfices des sociétés pétrolières. Là encore, vous avez tout refusé.

Nous avons proposé également de renforcer la fiscalité des drogues légales, notamment en alignant la fiscalité du vin sur celle des autres alcools. Nouveaux refus.

Au milieu de ce triste bilan, il y a bien quelques avancées : une meilleure lutte contre les fraudes patronales, qui représentent 80 % des fraudes, sur l'initiative notamment de Raymonde Poncet Monge (Exclamations ironiques sur certaines travées à droite) ; ou encore la hausse de la fiscalité sur les sodas et les jeux et paris en ligne. Nous veillerons à leur préservation en CMP.

Mais soyons lucides : ce texte n'est pas à la hauteur de la crise que traverse le système de santé. L'hôpital public, au bord de l'effondrement, ne tient que grâce au dévouement de ses agents. Nos concitoyens ont de plus en plus de difficultés à se faire soigner. Les centres de santé à but non lucratif sont menacés de fermeture dans les quartiers populaires. Le secteur lucratif, lui, se porte bien, et les logiques de financiarisation, s'apparentant parfois à la fraude, progressent. Pendant ce temps, la grande majorité de nos Ehpad sont au bord de la faillite.

Ce budget illustre l'incapacité du Gouvernement et de la droite à comprendre que nous avons basculé dans un nouveau régime climatique et que notre modèle de protection sociale n'est plus adapté. Il est regrettable que vous n'ayez pas entendu le message électoral du printemps dernier. Les Français ne se sentent pas protégés et sont à juste titre en colère. Ils attendent un budget de justice sociale et écologique, mais ne voient rien venir.

Ce PLFSS étant contraire à nos valeurs et à ce dont notre pays a besoin, le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST) Ce PLFSS confirme nos craintes de fragilisation de notre modèle de sécurité sociale. Le Premier ministre avait dit qu'il serait à l'écoute des parlementaires, mais nous n'avons pas été entendus.

Le groupe SER a défendu un budget alternatif, avec des recettes équilibrées et les dépenses nécessaires, dans les limites permises par les articles 40 et 45 de la Constitution. Sans surprise, la majorité sénatoriale et le Gouvernement se sont unis pour voter un budget qui n'offre aucune perspective de retour à l'équilibre, tout en forçant la main au porte-monnaie de l'usager, du malade et du travailleur.

Vous avez refusé toute contribution supplémentaire des très hauts revenus. Résultat : ce budget reste bien loin des attentes de nos concitoyens et s'éloigne toujours plus du principe selon lequel chacun participe au système selon ses moyens et en bénéficie selon ses besoins.

M. Mickaël Vallet.  - Principe de base !

Mme Annie Le Houerou.  - Pourtant, l'inefficacité de certaines exonérations de cotisations a été reconnue et quelques timides propositions sur les taxes comportementales ont été formulées. Hélas, le Gouvernement a cédé aux batailles politiques internes à son bancal socle commun, au détriment de la protection des plus fragiles.

Au bout du compte, le déficit n'est pas résorbé, les malades seront moins remboursés, les complémentaires augmenteront leurs tarifs et la taxe lapin est de retour. Sans compter que toutes les retraites seront diminuées - quelle arnaque !

Nous nous opposons à l'augmentation du reste à charge des plus vulnérables et déplorons que nos propositions de régulation des médecins dans les zones sous-denses aient été rejetées. Les établissements médico-sociaux ne percevront pas les compensations nécessaires aux revalorisations du Ségur, et les services à domicile restent exclus de celles-ci.

Nous pouvions répondre à ces problèmes en augmentant les recettes : fin des exonérations de cotisations sur les salaires supérieurs à 2 Smic, mise à contribution des retraites chapeaux de plus de 10 000 euros, fin des exonérations inefficaces pour l'emploi.

Vous avez rejeté toutes nos propositions, préférant réduire le pouvoir d'achat des retraités et des salariés. À ces derniers, vous demandez sept heures de travail gratuites, sans concertation avec les partenaires sociaux : ce n'est ni conforme à la justice sociale ni respectueux du travail. Alors que l'hôpital public et les collectivités territoriales ont besoin de notre soutien, la hausse de 12 points en quatre ans de leurs cotisations à la CNRACL aggravera leur asphyxie.

Madame la ministre, vous expliquez avoir manqué de temps pour élaborer des solutions de fond, mais votre majorité est aux affaires depuis sept ans ! Il est vrai que vous êtes la huitième ministre de la santé depuis 2017... Cette valse des ministres est mortifère, et le système de santé n'est plus en état de danser.

Nous attendons une loi de programmation pluriannuelle pour la santé, le plan du Premier ministre pour la santé mentale, la loi Grand Âge - cette arlésienne - et une politique familiale qui prenne en compte la diversité des familles et les familles monoparentales. Nous devons concilier justice fiscale et sociale et rétablissement des comptes sociaux.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Annie Le Houerou.  - Nous voterons contre ce texte de dégradation de la sécurité sociale ! (Applaudissements à gauche)

M. Stéphane Ravier .  - Par ce texte, vous souhaitez imposer un nouveau fardeau de sept heures de travail supplémentaires sans indemnisation aux entreprises françaises et à leurs salariés. Certains d'entre vous ont même proposé quatorze heures gratis... Travailler plus pour ne rien gagner de plus : les centristes, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît ! (Marques d'indignation au centre et sur de nombreuses travées à droite et à gauche)

Vous continuez de ne pas vouloir réduire les dépenses d'un État devenu pachydermique, par idéologie, esprit de défaite et refus de remettre en cause vos choix collectifs d'hier. Jamais repus d'impôts et de taxes, vous inventez la réquisition forcée et restaurez la corvée seigneuriale. Mais les serfs du Moyen-Âge avaient au moins une garantie de sécurité : vous, vous laissez la France bleu-blanc-rouge se transformer en France Orange mécanique tiers-mondisée. (Murmures désapprobateurs sur de nombreuses travées)

Et vous osez parler d'une « journée de solidarité » ! D'Alain Juppé à Michel Barnier en passant par Jean-Pierre Raffarin, la solidarité se fait outrager ! Faut-il rappeler qu'il existe déjà six mois de solidarité : ceux pendant lesquels les actifs travaillent pour l'État ? Bienvenue en république soviétique de France ! (M. Loïc Hervé s'exclame.)

La prise en charge des soins médicaux est réduite, en pleine crise du pouvoir d'achat. Les seuls soins qui restent gratuits sont ceux pris en charge dans le cadre de l'Aide médicale d'État, pour les étrangers clandestins. (Protestations à gauche)

Enfin, en augmentant de 3 milliards d'euros les cotisations patronales, vous accélérez le ralentissement économique et les plans sociaux. La hausse des faillites vous conduira-t-elle à proposer une journée de solidarité supplémentaire chaque année ?

Ce que vous n'osez pas regarder, ce sont les 30 milliards d'euros de fraude sociale et les 5 millions de cartes Vitale frauduleuses. Un « pognon de dingue » ! Sans parler de ces 3 millions de centenaires répertoriés dans le système social français, dont 1,7 million nés à l'étranger, alors qu'ils ne sont que 21 000 selon le dernier recensement.

Ce tabou n'est pas brisé car il est lié de près à l'idéologie immigrationniste et révélerait l'ampleur d'un désastre national dont vous êtes tous responsables !

Nous devrions réformer notre système en profondeur, mais il n'en sera rien. Monsieur le ministre, si, chez nous aussi, il y avait un ministre de l'efficacité gouvernementale, vous seriez viré !

Ce budget est d'une injustice insupportable, car il charge toujours plus les travailleurs courageux et les déclarants. Pas un jour, pas une heure, pas une minute de plus ne doit être demandée aux Français tant que l'incurie et les écuries de l'État ne seront pas nettoyées !

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La situation est inédite : le Gouvernement, dépourvu de majorité à l'Assemblée nationale, n'a eu que trois semaines pour élaborer ce PLFSS. Nous sommes conscients des limites de l'exercice. D'autant que nous avons appris que le montant des remises serait nettement plus bas que prévu.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre nous a prévenus : il s'agit de faire beaucoup avec peu. Je salue la qualité du travail des rapporteurs. Ce texte retournera sur le métier en CMP : nous espérons un accord.

Notre pays se trouve dans une situation grave, avec un déficit public qui s'élève à 6,2 % du PIB. La charge de la dette représentera l'année prochaine 57 milliards d'euros, pratiquement le budget de la branche autonomie. Nous sommes particulièrement vulnérables face aux marchés financiers.

Le groupe Les Indépendants s'est efforcé de garder ce contexte à l'esprit et de tenir une ligne claire : rendre au travail sa valeur fondamentale, assurer l'équité des efforts et la pérennité de notre modèle social.

Nous soutenons l'instauration d'une nouvelle journée de solidarité pour financer la branche autonomie, à hauteur de 2,5 milliards d'euros par an, même si nombre de salariés ne comprennent pas cette mesure...

M. Mickaël Vallet.  - Au contraire, ils comprennent très bien !

Mme Marie-Claude Lermytte.  - Nous soutenons aussi l'aide de 100 millions d'euros aux établissements sociaux et médico-sociaux pour personnes âgées.

Les retraités participeront à l'effort à travers une revalorisation partielle de leur pension. La commission a rendu plus acceptable la mesure proposée : les pensions inférieures au Smic bénéficieront d'une augmentation complémentaire, comme nous l'avions proposé.

Même si nous y étions initialement défavorables, les entreprises contribueront également, par une réduction des allègements de cotisations patronales. L'amendement de la rapporteure générale atténue les effets négatifs de cette mesure sur l'emploi en préservant les allègements autour du Smic.

Nous avons longuement débattu de l'aggravation de la taxe soda. Un travail avec les industriels concernés est nécessaire. Je ne comprends toujours pas l'intérêt d'ajouter du sucre dans une blanquette de veau...

Pour protéger ceux qui en ont besoin, il faut lutter contre ceux qui abusent. Nous sommes donc favorables à la lutte contre la fraude, notamment contre les faux arrêts maladie en ligne - Corinne Bourcier a fait adopter un amendement à ce sujet.

Nous nous félicitons aussi de l'adoption de l'amendement de Daniel Chasseing reconnaissant le statut d'infirmier coordonnateur en Ehpad ; ces professionnels jouent un rôle central dans le fonctionnement des établissements.

Nous soutenons la taxe lapin, qui relève du bon sens.

Enfin, nous aurions aimé débattre du rapprochement du calcul des pensions de retraite entre public et privé, car nos concitoyens n'acceptent plus cette disparité.

Les mesures votées au Sénat améliorent le solde de 1 milliard d'euros. Ce texte fait contribuer de façon raisonnable la majorité des acteurs aux efforts d'économies : c'est le moins mauvais possible. Le groupe Les Indépendants le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Enfin, nous arrivons au terme ! (Sourires) Une responsabilité particulière incombait au Sénat, l'Assemblée nationale n'ayant pu se prononcer dans le délai imparti. Je salue la qualité de nos débats, marqués par des échanges transparents avec le Gouvernement - voilà qui change et fait du bien.

Le Gouvernement a disposé de peu de temps pour travailler, la commission de même. Je salue l'excellent travail de la rapporteure générale, ainsi que des rapporteurs de branches. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDSE ; M. François Patriat applaudit également.)

Le groupe Les Républicains a adopté une ligne claire.

D'abord, nous ne voulions pas dégrader le solde par rapport au texte initial. Nos partenaires et nos créanciers scrutent nos débats, et la crédibilité de la France est un jeu. À l'arrivée, le solde est amélioré de 1 milliard d'euros.

Ensuite, les efforts demandés devaient être équitablement répartis entre tous : retraités, salariés, actionnaires, entreprises, gestionnaires de caisse. Nous avons entendu également préserver l'emploi et la qualité des services.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue la nécessité d'ouvrir rapidement des réformes structurelles pour dépenser mieux et ouvrir des perspectives aux assurés et aux professionnels. C'est le sens de la contribution de solidarité par le travail.

Le coût des allégements généraux de cotisations a augmenté de 20 milliards d'euros en trois ans. Nous avons décidé d'un effort de maîtrise, tout en neutralisant les effets de cette réforme sur les bas salaires, pour préserver l'emploi.

S'agissant des retraites, nous avons traduit l'engagement politique d'une hausse de l'ensemble des pensions au 1er janvier, à hauteur de la moitié de l'inflation. Au 1er juillet, les retraités percevant une pension inférieure au Smic bénéficieront d'une nouvelle hausse afin d'atteindre l'inflation, avec rattrapage des six premiers mois. Un effort est donc demandé aux retraités les mieux lotis, mais il est plus justement proportionné que dans le texte du Gouvernement.

Le Sénat a donné de l'oxygène aux établissements de santé et aux collectivités territoriales en lissant la hausse de leurs cotisations à la CNRACL. Nous avons adopté une aide de 200 millions d'euros pour les départements, afin de les aider à financer la perte d'autonomie. Nous avons également prolongé le fonds d'urgence de 100 millions d'euros pour les Ehpad et exonéré de cotisations la rémunération des aides à domicile.

La lutte contre la fraude et pour la pertinence des soins est l'un des chevaux de bataille du Sénat. Nous souhaitons l'accélération de la mise en place de la carte Vitale sécurisée et le renforcement du recours au dossier médical partagé (DMP).

J'en viens à la contribution de solidarité par le travail. Ce n'est pas un jour férié en moins pour les travailleurs. (On ironise à gauche.) Les modalités en seront définies au plus près du terrain, par les partenaires sociaux. C'est une source d'économies immédiate et la première pierre de la future réforme du grand âge, toujours repoussée faute de moyens.

Après le temps de l'ajustement paramétrique doit venir celui des réformes de structure, qui seules nous permettront de dépenser mieux.

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Philippe Mouiller.  - Réforme de l'hôpital, prévention, grand âge, famille : nous avons besoin de perspectives de long terme.

Mme Nathalie Goulet.  - Lutte contre la fraude !

M. Philippe Mouiller.  - Nous voterons le PLFSS et espérons trouver un accord en CMP : c'est une question de responsabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Emmanuel Capus et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)

M. Dominique Théophile .  - Le contexte de ce PLFSS est inédit. Pour la première fois depuis 1996, les députés ne sont pas allés au bout l'examen de ce budget. La dégradation des comptes sociaux est sans précédent, alors que nous avions atteint un quasi-équilibre à la veille de la crise sanitaire. La pérennité de notre modèle social est en jeu.

Prévu à 10,5 milliards d'euros en 2024, le déficit a été réévalué à 18,5 milliards, en raison du déficit de la branche maladie. Les perspectives pour l'avenir ne sont pas bonnes et nous devons faire preuve de responsabilité.

Nous avons accueilli ce texte avec des sentiments contradictoires. L'Ondam atteindra 264 milliards d'euros, en hausse de 2,6 %. Ce n'est donc pas un budget d'austérité, ainsi qu'en témoignent les mesures en faveur des agriculteurs, de l'accès aux soins, de la santé mentale ou de la poursuite de « l'aller vers » dans les déserts médicaux et du déploiement du service public de la petite enfance.

Je me félicite aussi des mesures prises en faveur d'une alimentation plus saine, notamment sur l'initiative de Xavier Iacovelli. Le Sénat a prévu plus de 250 millions d'euros pour augmenter les allocations dépendance et handicap, afin de soulager les départements. Nous nous réjouissons également du soutien de 100 millions d'euros aux Ehpad.

M. Mickaël Vallet.  - C'est trop...

M. Dominique Théophile.  - Je salue enfin la modification intervenue à propos des transports sanitaires dans les départements et régions d'outre-mer (Drom).

Principal objet de désaccord : les allègements généraux de cotisations. Une réforme est nécessaire, mais les pistes retenues nous semblent contreproductives, allant à rebours des politiques de soutien à l'emploi. Que ferons-nous si le chômage repart ? Nous saluons toutefois les mesures en faveur des bas salaires et la préservation, sur l'initiative de notre groupe, du dispositif Lodéom, qui ne saurait être modifié par ordonnance. Nous veillerons à ce que la CMP respecte les spécificités ultramarines.

Protéger l'emploi, c'est aussi protéger les apprentis. Revenir sur les exonérations applicables dans ce domaine, c'est envoyer un signal désastreux.

M. Xavier Iacovelli.  - Très bien !

M. Dominique Théophile.  - Le monde change, les réponses que nous devons adopter doivent s'adapter. Il faut passer d'une logique curative à une logique préventive et nous projeter dans le temps long.

Dans sa majorité, notre groupe s'abstiendra. Nous travaillerons à améliorer le texte en CMP. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Philippe Mouiller applaudit également.)

M. le président. - Mes chers collègues, je vous demande un peu de calme. Deux orateurs doivent encore prendre la parole.

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'inédit devenant la norme, le Sénat a hérité d'un PLFSS préparé dans l'urgence, non adopté par l'Assemblée nationale et remodelé par le Gouvernement. Alors que le PLFSS n'est plus voté depuis trois ans à l'Assemblée nationale, toute la responsabilité revient au Sénat. Le contexte financier ne réjouit personne et rend l'exercice difficile. Le déficit devrait être de 15 milliards d'euros l'an prochain, alors que l'Ondam majoré ne répond pas idéalement aux besoins.

Le déficit vient de la branche maladie et, dans une moindre mesure, de la branche vieillesse. Les raisons en sont connues : vieillissement, augmentation des maladies chroniques et du coût des soins, croissance peu dynamique.

Merci aux rapporteurs pour leur travail de vérité et de courage. Sans jamais tomber dans le dogmatisme, ils ont réussi à améliorer le texte, grâce à des compromis. Ainsi de la protection des plus petites retraites, indexées sur l'inflation - même si le RDSE aurait aimé aller plus loin.

On ne peut laisser croire que, vivant plus vieux, nous pourrions, à contre-courant des autres pays européens, nous payer le luxe de revenir à la retraite à 62 ans. (Marques d'approbation à droite et au centre)

Les allègements généraux de cotisations peuvent être sources d'économies, mais il faut veiller à la préservation de l'emploi. Je souscris à la nécessité d'un comité de suivi.

Les sept heures non rémunérées n'ont pas convaincu la majorité du RDSE. Il faut y retravailler dans le cadre d'une réflexion plus large sur le travail.

Nous saluons la fiscalité comportementale : l'augmentation des taxes sur les boissons sucrées, le tabac et les jeux de hasard est bienvenue. Je regrette que l'alcool semble encore tabou, alors qu'il entraîne 41 000 décès par an et coûte 102 milliards d'euros à la sécurité sociale.

Six amendements de notre groupe ont enrichi ce texte. Grâce à Henri Cabanel, les chefs d'exploitation agricole verront leurs cotisations calculées à titre provisionnel sur la base d'une assiette fixée forfaitairement. Grâce à Éric Gold, les EPCI recrutant des aides à domicile seront exonérés de cotisations sociales.

Demander des efforts peut être compris, si on lutte aussi contre les fraudes et les actes inutiles ou redondants. Nous souscrivons au renforcement du recours au DMP.

Concernant les territoires frontaliers, si l'un de mes amendements a été adopté pour mieux prendre en compte la concurrence frontalière dans le calcul du coefficient géographique des hôpitaux, je reviendrai, en PLF, sur la nécessité de conclure des accords bilatéraux pour faire participer davantage les pays voisins aux indemnités chômage des travailleurs frontaliers.

Mme Patricia Schillinger et M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Véronique Guillotin.  - Il faut accélérer le virage de la prévention, engager une réduction drastique de la charge administrative. Inspirons-nous de l'hôpital de Valenciennes.

L'augmentation du ticket modérateur entraînera un surcoût pour les assurés sociaux. Sur les soins dentaires, l'économie de 500 millions d'euros pour la sécurité sociale a coûté 4 milliards d'euros à nos concitoyens. Il faut travailler à une meilleure répartition des remboursements.

Si une partie du RDSE souscrit aux avancées du texte du Sénat, nos votes seront partagés.

M. Mickaël Vallet.  - C'est comme ça qu'on vous aime...

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean Sol applaudit également.) Monsieur Ravier, vous avez fait référence à Michel Audiard. On pourrait vous répondre qu'il y a des personnes qui sont des mètres étalons sans le savoir... En l'occurrence vous n'êtes celui ni de la finesse d'esprit ni de la nuance. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, ainsi que sur les travées du RDPI, du RDSE et sur quelques travées du GEST ; MM. Stéphane Ravier, Joshua Hochart et Christopher Szczurek se gaussent.)

Notre groupe est animé par un double sentiment : le sentiment du devoir accompli, car c'est le meilleur PLFSS possible compte tenu de l'instabilité politique et du contexte économique ; et un sentiment d'inachèvement, car il est plus que temps d'ouvrir le chantier des réformes structurelles.

Je salue le travail et la pédagogie de la rapporteure générale, ainsi que le président Mouiller.

Pour contenir le déficit à 16 milliards d'euros, nous n'avions d'autres choix que de prévoir des efforts partagés et justes. La majorité sénatoriale a enrichi le texte avec sérieux et sans démagogie, dans l'intérêt général.

Dans le cadre de la réforme des allègements généraux, nous veillons à ne pas fragiliser l'emploi. Nous protégeons le pouvoir d'achat des petites retraites. Nous étalons sur quatre ans l'augmentation de la cotisation à la CNRACL pour soulager les hôpitaux et les collectivités territoriales.

Nous avons souhaité mieux maîtriser les dépenses, avec la carte Vitale biométrique, et responsabiliser encore plus les professionnels de santé en développant le recours au DMP, pour lutter contre les actes médicaux redondants et la surconsommation.

Le groupe UC a fait adopter des amendements Dhersin sur la déduction forfaitaire spécifique, Billon sur l'apprentissage, Canévet et Romagny sur les groupements d'employeurs, Goulet sur les fraudes, Devésa sur les sachets de nicotine, Sollogoub sur l'évaluation des actes, Henno sur les taxis, Jacquemet sur les assistantes maternelles, Capo-Canellas sur les expérimentations dans les Ehpad, Vanlerenberghe sur le DMP ou Guidez sur les troubles du neurodéveloppement.

La priorité doit être la lutte, raisonnable et raisonnée, contre la fraude. C'est le moyen de rétablir le consentement à l'impôt.

Nous avons ouvert - trop timidement à mon goût - le chantier de la prévention avec la fiscalité comportementale.

Nous avons eu le courage politique d'instaurer une contribution de solidarité, sous la forme de sept heures de travail, pour flécher 2,4 milliards d'euros vers l'autonomie des personnes âgées ou handicapées, les Ehpad et les soins à domicile. J'ai entendu beaucoup de critiques, mais travailler pour la solidarité, pour nos seniors serait-il déshonorant ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) L'altruisme par le travail est une belle valeur ! Je m'étonne que la gauche s'en soit éloignée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc des commissions ; protestations à gauche)

M. Mickaël Vallet.  - Ce sont les autres qui casquent !

M. Olivier Henno.  - C'est d'ailleurs la logique du Conseil national de la Résistance. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; protestations à gauche)

M. Mickaël Vallet.  - Quel courage ! Faire bosser les autres !

M. Olivier Henno.  - Le PLFSS final sera forcément un - mot éminemment respectable. Nous voulons éviter le shut down.

M. Rachid Temal.  - Démagogie !

M. Mickaël Vallet.  - Dites-le en français !

M. Olivier Henno.  - La dette, l'augmentation des impôts et des charges ne peuvent plus être la variable d'ajustement de nos budgets. Il est irresponsable de transférer le coût de nos dépenses courantes sur nos enfants et petits-enfants. Notre pays doit sortir de son addiction à la dépense publique.

Charles Péguy disait : « Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles. »

M. Mickaël Vallet.  - Il n'aurait pas voté ça !

M. Olivier Henno.  - Nous voterons ce PLFSS avec la conscience du devoir accompli, mais ce n'est qu'une étape. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

Scrutin public solennel

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°84 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 311
Pour l'adoption 202
Contre 109

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 est adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est mieux tenu qu'à l'Assemblée !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins .  - Je vous remercie pour la richesse de nos débats, pour leur calme, ...

M. Rachid Temal.  - Pour la santé ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - ... sur ces sujets importants. Comme vous vous y étiez engagés, vous avez tenu le cap. Nous devions trouver un chemin, dans un texte paramétrique derrière lequel il y a beaucoup d'humain et de situations sociétales diverses. (On ironise à gauche.)

Je remercie le président Mouiller, la rapporteure générale, les rapporteurs des différentes branches.

J'ai entendu votre souhait d'évolution. Nous n'avons pas dévié des objectifs du grand projet social de 1945, mais notre société a évolué. (Mouvements à gauche ; M. Rachid Temal ironise.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Quel aveu !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - La population vieillit, la démographie change, les besoins de santé augmentent. Nous devons travailler à plus de prévention, à la transformation de notre système de santé et de son financement. Il faudra le temps de la concertation, il faudra une vision pluriannuelle.

M. Mickaël Vallet.  - Vous ne serez pas là l'an prochain...

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - La situation nous y oblige, et je sais pouvoir compter sur vous.

C'est aujourd'hui la journée internationale des aides-soignants. (On ironise à gauche.) Je souhaite honorer ces femmes et ces hommes qui travaillent pour nous. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics .  - Je salue l'esprit de responsabilité de la Chambre haute. Je remercie la rapporteure générale, le président de la commission, les rapporteurs des branches et l'ensemble des membres de la commission des affaires sociales.

Ce texte exigeant nous mettait face à une grande responsabilité : voulons-nous, pouvons-nous durablement financer notre modèle social avec de tels déficits ? Nous avons répondu que nous souhaitions maintenir un haut niveau de protection sociale.

Vous avez fait preuve de responsabilité et formulé des propositions complémentaires. Vous nous avez alertés sur les allègements généraux de cotisations patronales...

M. Bernard Jomier.  - Ben voyons !

M. Laurent Saint-Martin, ministre.  - ... et avez appelé à travailler davantage pour financer notre protection sociale.

Je souhaite que la CMP, qui se tiendra demain, trouve un compromis.

Passons au projet de loi de finances, pour faire de l'enjeu du redressement de nos finances publiques la priorité de cet automne ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP et sur quelques travées du RDSE, ainsi qu'au banc des commissions)

La séance est suspendue quelques instants.