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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur
Suppression d'emplois chez Michelin (I)
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'industrie
Prévention des inondations et budget
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur
Suppression d'emplois chez Auchan
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi
Suppression d'emplois chez Michelin (II)
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'industrie
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur
Politisation étudiante et partenariats universitaires
M. Patrick Hetzel, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'industrie
Décret sur les prescriptions médicales
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi
Accompagnement des communes victimes de catastrophes naturelles
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'industrie
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
Travail à temps partagé aux fins d'employabilité (Procédure accélérée)
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales
Ordre du jour du mardi 12 novembre 2024
SÉANCE
du mercredi 6 novembre 2024
14e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Guy Benarroche, M. Philippe Tabarot.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Accueil de nouveaux sénateurs
M. le président. - Avant de donner la parole au premier orateur, je salue Mme Brigitte Hybert (applaudissements), devenue sénatrice de la Vendée, en remplacement de M. Bruno Retailleau, et M. Alexandre Basquin (applaudissements), qui remplace M. Éric Bocquet en qualité de sénateur du Nord.
Au nom du Sénat, je leur souhaite la bienvenue parmi nous.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Sécurité du quotidien
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Un an après Thomas, poignardé au bal de Crépol, le Rugby Club de Romans-Péage pleure Nicolas, victime d'une fusillade à l'entrée d'une discothèque de Saint-Péray.
Combien de jeunes ont ainsi perdu la vie depuis un an ? Voyez la semaine dernière : Valence, Grenoble, Rillieux-la-Pape, Villeurbanne, Clermont-Ferrand, Poitiers, Baie-Mahault en Guadeloupe, Fort-de-France en Martinique... (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Et le mois dernier : Marseille, Nevers... Les décès s'enchaînent à une cadence infernale.
Nos pensées vont aux victimes, à leurs familles, à leurs amis. Mais la compassion ne suffit plus. Une marche blanche commence en ce moment à Romans-sur-Isère.
L'ultraviolence a gagné nos villes et nos campagnes. Face à ces comportements, de plus en plus violents, que comptez-vous faire pour que nos enfants et petits-enfants vivent en sécurité ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Guylène Pantel applaudit également.)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur . - Depuis ma prise de fonctions, je trouve particulièrement difficile d'être soumis à cette chronique d'événements abominables. Je suis surpris par l'effroyable rajeunissement de ceux qui tuent et de ceux qui sont tués.
Un enfant de 5 ans a reçu deux balles dans la tête à Rennes (l'orateur se tourne vers Mme Anne-Sophie Patru) ; à Poitiers, c'était un jeune de 15 ans. Tués à un an d'intervalle, Nicolas et Thomas faisaient partie du même club de rugby.
C'est intolérable et nous devons apporter des réponses rapides. Bien souvent, la route du crime est pavée des délits restés impunis. Le Premier ministre a fait des propositions, le garde des sceaux y travaille également.
Mais la toile de fond, c'est le narcotrafic. Nous devons tous nous mobiliser et j'espère une unité nationale sur cette question, quelles que soient nos étiquettes politiques. Je ne doute pas que nous nous rassemblerons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Bernard Buis. - La sécurité au quotidien ne se décrète, elle se vit. Luttons sans faiblesse, mais sans démagogie, contre l'insécurité, dans le respect de l'État de droit. Vous nous trouverez pour avancer ensemble et mettre fin à ce fléau. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Suppression d'emplois chez Michelin (I)
M. Emmanuel Capus . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Ce sont 1 254 salariés Michelin qui ont appris hier la fermeture de leur usine à Cholet et à Vannes.
À Cholet, l'usine était implantée depuis 1970 : c'est dire le traumatisme pour ces salariés et leurs familles. Nous devons leur manifester notre soutien face à cette décision brutale.
Nous devons tout faire pour sauver les emplois et le site. Vous pouvez compter sur la mobilisation totale des élus locaux, des élus nationaux et des collectivités territoriales, aux côtés des salariés et des organisations syndicales.
Mais la responsabilité première est celle de Michelin. Quels engagements l'entreprise a-t-elle pris vis-à-vis des salariés et des territoires ? Quelle est votre détermination à faire respecter ces engagements ?
Au-delà, qu'en est-il de notre souveraineté économique ? Quelle politique de réindustrialisation quand nos fleurons partent à l'étranger ? Comment sauvegarder la compétitivité de nos entreprises dans un contexte de concurrence internationale aussi brutale ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'industrie . - Merci de votre question qui témoigne de votre engagement pour l'empreinte industrielle dans le Maine-et-Loire, avec Mme Bourcier.
C'est avec émotion que je m'exprime pour la première fois ici. Je sais combien le Sénat est attentif au tissu industriel dans les territoires.
La direction de Michelin a annoncé la suppression de près de 1 200 emplois sur les sites de Cholet et de Vannes.
Face à cette décision, les salariés sont notre première préoccupation. Nous nous sommes entretenus avec la direction pour exiger, dans un contexte difficile pour la filière automobile, un accompagnement exemplaire et personnalisé des salariés, afin qu'aucun ne reste sur le bord du chemin.
Ensuite, nous voulons réindustrialiser le territoire. Michelin s'est engagé à recréer plus d'emplois qu'il n'en sera supprimé.
M. Mickaël Vallet. - Oh ben alors !
M. Marc Ferracci, ministre délégué. - Nous mettrons toutes les parties autour de la table pour trouver des repreneurs et réindustrialiser.
Trente-six sites ont ouvert au premier semestre. En dépit des mauvaises nouvelles, le cap de la réindustrialisation doit être tenu. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Mickaël Vallet et Mme Cathy Apourceau-Poly ironisent.)
Prévention des inondations et budget
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Au nom du RDSE, je souhaite témoigner de notre solidarité envers nos voisins espagnols. Il y a quelques mois, avec Jean-François Rapin, nous avons remis notre rapport sur la prévention des inondations.
L'émotion sans action n'est plus acceptable. Comme le disait Albert Einstein, « la folie, c'est se comporter de la même manière et s'attendre à un résultat différent ».
Nous avons besoin de solidarité, de prévention, de simplification. Il faut simplifier l'entretien de nos cours d'eau, renforcer les procédures d'alerte, réformer Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), entretenir nos digues et nos ponts, choisir des pratiques agricoles plus adaptées à l'écoulement des eaux.
Comme l'a dit Pierre Mauroy, nous sommes les héritiers de l'avenir. Mais il faut des moyens. Or les fonds de solidarité européens ne sont pas à la hauteur. Le budget pour 2025 donnera-t-il aux élus les moyens de cette politique ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du RDPI ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques . - Je redis, au nom du Gouvernement, notre soutien au peuple espagnol et aux habitants de Valencia en particulier. Leur situation nous fait réfléchir à ce que pourrait être une telle inondation en France.
Élue du Pas-de-Calais, je connais ces inondations à répétition. D'où la nécessaire accélération de nos politiques de transition écologique. D'un côté, nous devons continuer à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, responsables du dérèglement climatique, et de l'autre, nous devons nous adapter - prévenir, gérer la crise, réparer.
Dans le Pas-de-Calais, les simplifications expérimentées ont permis de gagner jusqu'à sept mois dans l'exécution des travaux. Inspirons-nous-en, ainsi que des recommandations de votre rapport.
Le Premier ministre a décidé d'allouer 75 millions d'euros supplémentaires au fonds Barnier. Les collectivités territoriales doivent également être accompagnées en matière d'ingénierie. Nous devons bâtir, ensemble, une culture du risque. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Yves Roux. - Il est surtout urgent de simplifier les procédures ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du RDPI et du groupe UC ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)
Narcotrafic
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nul n'ignore plus que le narcotrafic menace les intérêts fondamentaux de la nation. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)
La commission d'enquête du Sénat a mis en lumière sa violence criminelle, son emprise territoriale et sa puissance financière. Vendredi, vous ferez des annonces à Marseille, et nous en débattrons ici en janvier. Notre groupe prendra sa part de l'indispensable effort répressif.
Ma question porte sur le dernier kilomètre du trafic. Les maires, démunis, se retrouvent parfois au banc des accusés, alors que les effectifs des polices municipales ont augmenté de 33 %. Pour la première fois, le congrès des maires consacrera une table ronde au narcotrafic. Les élus, en première ligne, attendent un soutien puissant de l'État. Monsieur le ministre, quelles sont vos pistes de travail ? (« Bravo !» et applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur . - Je salue votre travail et celui du rapporteur, Étienne Blanc, dans cette commission d'enquête. (Applaudissements)
Jamais je n'aurais imaginé le mal si profond. Le volume de cocaïne a été multiplié par cinq en dix ans et les drogues les plus dures sont disponibles partout, tout le temps. La drogue, ce sont des enfants assassins et des enfants victimes.
Tous les élus doivent se mobiliser, dans un continuum de sécurité, mais au premier chef l'État, au plus haut niveau. Dès demain, nous aurons une séance de travail avec le garde des sceaux et ferons des annonces vendredi, à Marseille.
J'ai souvent fait la comparaison avec le terrorisme, car la sauvagerie du narcotrafic et du crime organisé menace également les intérêts de la nation, nos institutions et notre démocratie.
Ce sera long et difficile, mais il faut changer de braquet.
M. Pascal Savoldelli. - Changer de système !
M. Bruno Retailleau, ministre. - Nous reprendrons plusieurs des propositions que vous avez formulées. Je ne doute pas que nous trouverons la voie d'une union nationale. Comme contre le terrorisme, nous ne gagnerons qu'à la condition de nous rassembler. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du RDPI ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. Jérôme Durain. - Je note de nombreux points de convergence. Mais nous avons aussi nos divergences : nécessaire médiation, indispensable approche sanitaire, racines sociales de la consommation.
Il n'y a pas de solution magique face à la criminalité organisée : ni légalisation magique ni prohibition caricaturale. Il faut le consensus le plus large, sans faiblesse ni excès. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Bernard Buis applaudissent également.)
Suppression d'emplois chez Auchan
Mme Michelle Gréaume . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Auchan a annoncé la suppression de 2 389 emplois, après en avoir rayé de la carte 1 475 en 2020. Le groupe, qui appartient à la huitième fortune de France, a réalisé 33 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023, versé près de 300 millions de dividendes entre 2022 et 2023 et touché près de 500 millions d'euros au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en 2020 - transformé depuis en exonérations de cotisations, si bien que nous ne sommes plus en mesure d'évaluer le montant de l'aide...
Encore une fois, les salariés paient la note des erreurs stratégiques des dirigeants, sans réaction des pouvoirs publics. Hier, en réponse à André Chassaigne, le Premier ministre a déclaré souhaiter savoir ce qu'il est advenu de l'argent public versé. Ce n'est pas à la hauteur : salariés et contribuables méritent mieux.
Quelles mesures concrètes prendrez-vous pour sauver ces emplois ? Allez-vous demander un moratoire ? Prévoir enfin une véritable conditionnalité des aides, l'information des salariés et le contrôle du juge ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi . - La situation économique se durcit pour nos entreprises et les plans sociaux se multiplient. Je pense aux salariés d'Auchan et à leurs familles, car un plan social, c'est un choc.
La priorité doit être donnée à la continuité professionnelle des salariés concernés. Cela passe par un dialogue social de confiance, la reprise des magasins et l'accompagnement à la reconversion. Les salariés doivent aussi trouver d'autres opportunités d'emploi chez Auchan ou ailleurs dans le bassin d'emploi.
M. Pascal Savoldelli. - C'est plié, alors ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Avec Antoine Armand et Laurence Garnier, nous attendons d'Auchan des propositions exemplaires. Un plan de départs volontaires, ...
M. Pascal Savoldelli. - Vous l'avez acté ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - ... un congé de reclassement, des formations, et des aides à la création d'entreprise sont prévus. Je suivrai personnellement ces négociations. (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRCE-K)
Nous allons examiner très en détail l'utilisation des aides publiques, car les entreprises doivent rendre des comptes. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Émilienne Poumirol. - On verra !
Mme Michelle Gréaume. - Déjà en 2019, Fabien Gay avait posé une question écrite. Il faut d'abord sauvegarder les emplois. Ensuite, rendre des comptes non seulement aux salariés, mais à tous les Français, sur les aides publiques aux entreprises qui licencient ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur de nombreuses travées du groupe SER)
Suppression d'emplois chez Michelin (II)
M. Yves Bleunven . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'annonce de la fermeture des usines Michelin de Vannes et de Cholet inquiète les 1 254 salariés concernés, qui se trouvent dans une incertitude totale ; derrière eux, ce sont des familles, des parcours de vie, un savoir-faire qui s'en va. Comment éviter que cela ne se reproduise à Troyes ou Blavozy ?
Toute l'industrie automobile européenne flanche : Michelin en France, Volkswagen en Allemagne, Northvolt en Suède.
La compétitivité de la filière souffre d'une réglementation excessive, du coût de l'énergie et de la concurrence déloyale du mastodonte chinois. Nous devons entamer une phase de transition, qui ne doit pas être une phase de déclin fatal.
Michelin a promis de créer plus d'emplois qu'il n'en détruit : je le salue.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Yves Bleunven. - La mise en place d'un plan national de restructuration est nécessaire pour préserver nos emplois et notre souveraineté industrielle. L'industrie automobile est-elle la prochaine sur la liste noire ? (Applaudissements sur des travées du groupe UC)
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'industrie . - C'est vrai, la filière automobile connaît des difficultés structurelles. À Vannes, entre 2018 et 2023, Michelin a perdu 11 points de parts de marché sur les armatures métalliques et fait face à aux défis de la concurrence chinoise et de la transition vers l'électrique.
M. Mickaël Vallet. - Ce ne sont pas les éléments de langage de Michelin...
M. Marc Ferracci, ministre délégué. - Nous devons trouver des solutions personnalisées pour les salariés. Mais nous devons aussi proposer des solutions structurelles, à l'échelle européenne - hier encore, j'étais à Berlin.
Dans les prochaines semaines, avec Antoine Armand, nous allons présenter un plan d'urgence, qui sera aussi un plan structurel, avec du soutien à la demande et aux investissements et une réorientation de notre politique commerciale, car nous devons sortir de la naïveté face à la Chine. Nous serons actifs, en Européens. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
COP29 à Bakou
M. Yannick Jadot . - Avec la réélection de Trump, le monde sera encore plus brutal, encore plus instable. (M. Stéphane Ravier s'exclame.) L'internationale des autocrates, complotistes, climatosceptiques et xénophobes l'a bien compris et sable le champagne. (Marques de désapprobation sur certaines travées à droite ; M. Stéphane Ravier lève les bras en signe de victoire.) Je ne savais pas que vous aviez voté pour Trump ! (Protestations à droite ; M. Stéphane Ravier continue de manifester sa satisfaction.)
Plus que jamais, nous avons besoin d'une Europe forte et d'une France forte en Europe. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur certaines travées du groupe SER) Plus que jamais, nous avons besoin que notre action soit guidée par nos valeurs : la démocratie, l'État de droit et le progrès social et écologique.
Cela doit commencer la semaine prochaine à Bakou. Car le président Aliyev a entrepris une opération d'épuration ethnique des populations arméniennes du Haut-Karabagh, que le Sénat a condamnée. (Applaudissements sur de nombreuses travées à gauche) La COP29 le pousse à réprimer toujours plus les populations arméniennes et ses opposants politiques.
Je suis le premier à défendre la coopération internationale en matière de climat, mais quand un pays utilise une COP pour réprimer et vendre sa diplomatie pétrolière, notre responsabilité est de ne pas y participer.
Pour le climat, pour les Arméniens et pour les droits humains, boycottez la COP de Bakou ! (Applaudissements nourris à gauche ; MM. Stéphane Le Rudulier et Louis-Jean de Nicolaÿ, ainsi que Mme Elsa Schalk, applaudissent également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques . - Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que l'urgence climatique nous commande d'agir. Il nous appartient de porter les couleurs de l'accord de Paris, qui a réduit la trajectoire d'augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Ce n'est pas à vous non plus que j'apprendrai que la COP est la seule négociation climatique qui réunit tous les pays du monde.
Bien entendu, j'aurais préféré que cette COP se tienne ailleurs. Et je me félicite que, en Européens, nous ayons réussi à faire désigner l'Arménie, contre l'Azerbaïdjan, pour accueillir la prochaine COP Biodiversité. (M. Stéphane Ravier ironise.)
Aucun dirigeant français ne participera au segment de haut niveau - pour la première fois depuis l'accord de Paris. Mais nous ne ferons pas la politique de la chaise vide, car ce serait laisser la place à nos opposants, aux défenseurs d'un accord contre le climat. Il y a ceux qui regardent les trains passer et il y a les combattants : je serai des seconds ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Montée de la violence
Mme Marie-Jeanne Bellamy . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Fusillades à Valence et Rennes, barbecue sauvage dans la métropole de Lyon, attaque à la hache dans le RER : de nombreux faits divers défrayent la chronique. L'escalade de la violence gagne partout, jusqu'à nos communes rurales.
Pour mettre fin aux polémiques, pourriez-vous nous indiquer combien de personnes ont participé, dans la nuit du 31 octobre, aux affrontements de Poitiers ?
Plus généralement, quelles sont les causes profondes de cette dérive ? Comment l'enrayer ? Nous ne pouvons plus assister impuissants à ce déferlement de haine et de violence. Quels moyens allez-vous mettre en place pour rétablir la sécurité publique et de quel arsenal pénal disposez-vous ? Comment aider les élus à rassurer leurs administrés ?
Seule l'inaction permet au mal de triompher. Monsieur le ministre, nous connaissons votre courage ; nous comptons sur votre détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur . - S'agissant de Poitiers, je ne veux entrer dans aucune polémique, parce qu'un adolescent de 15 ans est mort. J'ai reçu deux rapports : le premier très tôt, celui des pompiers un peu plus tard. Entre 400 et 500 personnes sont descendues dans la rue, une partie se livrant à des affrontements tels qu'ils ont gêné les opérations de secours.
Mon combat n'est pas statistique : c'est le combat, sous l'autorité du Premier ministre et avec le garde des sceaux, contre la pieuvre du narcotrafic. Il doit nous mobiliser tous, État et collectivités territoriales, dans un continuum de sécurité. Il faut des caméras de surveillance, il faut des policiers municipaux, dont je pense qu'ils doivent être armés face à l'hyperviolence. (Murmures désapprobateurs sur certaines travées à gauche)
Les causes du mal sont profondes. Quand, en 1968, on a prétendu interdire d'interdire, on a fait beaucoup de mal à la société. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; marques d'ironie sur certaines travées à gauche) Nous voyons les effets de l'hyperindividualisation, qui détruit les liens entre tous et affaiblit nos cadres communs. Certains jeunes individus n'éprouvent plus aucune sympathie les uns pour les autres et se regroupent en bandes structurées par une sorte de charisme de la violence.
La réponse, double, est d'abord judiciaire et sécuritaire. À Marseille, je dévoilerai dans quelques jours, avec le garde des sceaux, un arsenal qui s'inspirera du rapport du Sénat. J'espère que le rapporteur et le président de la commission d'enquête seront à nos côtés pour ce moment d'unité nationale.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Bruno Retailleau, ministre. - La réponse est aussi culturelle et éducative : il s'agit de transmettre nos valeurs et une grammaire commune. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Politisation étudiante et partenariats universitaires
M. Ronan Le Gleut . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'effroyable attaque terroriste du 7 octobre 2023, dans laquelle 48 de nos compatriotes ont péri, et la riposte israélienne ont de lourdes conséquences dans notre pays, notamment dans nos établissements d'enseignement supérieur. Les débordements étudiants se multiplient, conduisant parfois à des blocages inacceptables.
Plusieurs étudiants de Sciences Po Paris, provisoirement suspendus, viennent d'être réintégrés. À l'IEP de Strasbourg, une motion étudiante a été adoptée exigeant la suspension du partenariat avec l'université Reichman de Herzliya, contre l'avis du directeur de l'établissement.
Monsieur le ministre, vous avez dénoncé avec raison cette initiative. Hélas, les actions de ce type auront des conséquences sur l'attractivité de notre enseignement supérieur et nos coopérations internationales en matière de recherche. Or ces enjeux sont essentiels, comme le montre le rapport que j'ai coécrit avec Karine Daniel au nom de la commission des affaires européennes.
Ces partenariats sont un outil de rayonnement intellectuel, scientifique et culturel pour la France. Ne laissons pas les dérives de certains étudiants porter atteinte à l'image internationale de notre pays. Comment comptez-vous agir ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)
M. Patrick Hetzel, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - J'ai condamné sans délai la motion adoptée à Sciences Po Strasbourg : cette prise de position politique détourne l'université, de manière inacceptable, de son rôle premier.
En ce qui concerne Sciences Po Paris, j'ai indiqué dès ma prise de fonction qu'il était impensable de revivre les tensions du printemps dernier. Le nouveau directeur a pris des mesures strictes et inédites. Les quatre étudiants temporairement exclus ont été réintégrés après un dialogue ferme et un avertissement clair. La section disciplinaire reste saisie de leurs cas.
Mon engagement est constant : cela fait trente ans que je me bats pour le rayonnement et l'attractivité de nos universités et de notre recherche. Je l'ai fait comme député, je poursuivrai comme ministre. Le rapport que vous avez récemment remis sur les universités européennes témoigne du même engagement.
M. Patrick Hetzel, ministre. - On ne saurait confondre la liberté d'expression, qui doit être totale, et ses instrumentalisations politiques.
M. le président. - Veuillez conclure !
M. Patrick Hetzel, ministre. - Je n'aurai de cesse de rappeler la nécessité de respecter les règles de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Industries et licenciements
M. Simon Uzenat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 5 novembre 2024 restera comme un mardi noir pour l'emploi dans notre pays, et je ne parle pas des conséquences économiques des élections américaines.
Auchan et Michelin ont annoncé brutalement la disparition de plus de 3 600 emplois. Notre solidarité avec les salariés et leurs familles est totale. Une entreprise est avant tout une communauté humaine, qui ne se gère pas avec un tableau Excel.
Les fermetures des usines Michelin de Cholet et Vannes illustrent la déprise industrielle, en contradiction frontale avec les discours tonitruants du Président de la République et de ses gouvernements successifs, rétrofités ou non.
J'ai rencontré hier la direction et des salariés du site de Vannes. Je peux témoigner du désarroi et de la colère de ces derniers. Ils n'ont eu de cesse de fournir les efforts attendus et dégagent des marges qui assurent aux actionnaires une rémunération généreuse. Et pourtant, ce sont eux qui servent de fusibles. Leur accompagnement social et la revitalisation des territoires sont un minimum ; nous y serons très attentifs.
L'industrie automobile traverse une période très compliquée, mais le mal est plus profond. Ses racines plongent dans le terreau de la naïveté européenne et de notre décrochage face à une concurrence de plus en plus féroce. Malgré votre politique de l'offre, les défaillances d'entreprise battent des records et les plans de licenciement se multiplient, dans tous les territoires et tous les secteurs.
Le Gouvernement annonce qu'il demandera enfin des comptes sur l'emploi des aides publiques et proposera un plan de soutien européen à la filière automobile. Mais cela ne saurait suffire. Allez-vous agir pour défendre efficacement les salariés et protéger durablement nos entreprises, nos emplois et notre souveraineté ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K)
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'industrie . - Oui, la filière automobile est en difficulté. Des usines Michelin ferment aussi en Pologne et en Allemagne.
Notre stratégie industrielle repose sur deux principes, dont le premier consiste à protéger l'existant. En cas de difficultés, l'accompagnement et l'éventuelle reconversion des salariés doivent se faire dans les meilleures conditions. Nous devons aussi revitaliser les sites et ne pas laisser se perdre des savoir-faire. La direction de Michelin a pris des engagements sous la pression du Gouvernement : elle recréera autant d'emplois sur les territoires concernés qu'elle en aura supprimés.
Ensuite, nous devons attirer des investissements pour que des emplois reviennent dans notre pays. Cette politique nous a permis, depuis 2017, d'inverser la courbe de la désindustrialisation. Désormais, l'emploi industriel progresse en France.
Nous devons poursuivre dans cette voie, par des mesures de compétitivité globale, en particulier de stabilité fiscale, et une vision européenne. À cet égard, nous ferons prochainement des propositions à nos partenaires en vue d'un plan de soutien à la filière automobile. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Simon Uzenat. - Ce n'est pas l'existant politique qu'il s'agit de protéger ! Or vous donnez l'impression de vouloir maintenir à tout prix une ligne qui ne donne aucun résultat, ou plutôt des résultats désastreux.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Simon Uzenat. - Nous avons besoin d'une France et d'une Europe beaucoup plus volontaristes, qui engagent des moyens et fassent respecter les règles. Hélas, le Gouvernement n'est pas au rendez-vous.
Décret sur les prescriptions médicales
M. Alain Milon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 30 octobre dernier, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 adoptée par 49.3, sans prise en compte des amendements votés au Sénat, vous avez publié un décret sur le renforcement de la pertinence des prescriptions médicales, sans prise en compte de l'avis des professionnels.
Sous-entendre que la majorité des prescriptions ne seraient pas pertinentes est offensant pour les médecins.
Désormais, la prise en charge d'un produit de santé pourra être conditionnée à des indications inscrites sur l'ordonnance ou un document spécifique : en l'absence de ces renseignements, la prescription sera-t-elle honorée ? En outre, ce document sera transmis à l'assurance maladie : quid du secret médical ?
Êtes-vous prête à abroger ce décret qui entrave un temps médical, déjà contraint par une lourde bureaucratie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées des groupes UC, INDEP et du RDSE ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins . - Le décret dont vous parlez a fait l'objet d'une concertation avec les syndicats de médecins et les associations de patients.
M. Bernard Jomier. - Ils n'en veulent pas !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Il fait partie des engagements conventionnels conclus avec les médecins en juin dernier.
Il s'agit de lutter contre le mésusage de certains produits de santé. Le décret ne concerne ainsi que les médicaments dont l'usage est détourné, à l'instar de l'Ozempic, un antidiabétique parfois utilisé pour perdre du poids. Ce phénomène est en hausse, sous l'effet des réseaux sociaux. Or l'assurance maladie n'a pas à prendre en charge l'utilisation de produits en dehors de leurs indications thérapeutiques.
Je comprends les difficultés liées à la suradministration et le besoin de préserver du temps médical. J'irai voir sur le site par moi-même, mais on m'a expliqué que la procédure supposait deux clics et que l'assurance maladie répondait immédiatement.
La liberté de prescription n'est aucunement remise en cause, non plus que le secret du dossier médical, puisque rien n'est révélé de l'état de santé des patients aux caisses ou aux pharmaciens. (M. François Patriat applaudit.)
M. Alain Milon. - Mettez-vous à la place des médecins ! Ce n'est pas à eux de justifier en permanence leurs prescriptions ; c'est aussi le rôle de la sécurité sociale de vérifier. De plus, il est essentiel de garder le secret médical pour certaines maladies, comme le VIH. Je proposerai l'abrogation de ce dispositif dans le cadre du PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)
Lutte contre le sans-abrisme
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En 2023, au moins 735 personnes sont décédées dans la rue - sans doute plus encore. Le rapport du collectif Les Morts de la rue est glaçant : il s'agit de femmes, de familles, d'enfants, et pas seulement de marginaux, comme le montre aussi le rapport du Sénat Femmes sans abri, la face cachée de la rue. (Mme Laurence Rossignol applaudit.)
D'ici à 2050, 50 % des associations de lutte contre le sans-abrisme risquent de disparaître, faute de moyens - et avec elles, tout le système d'hébergement.
La crise du logement n'est pas près de se résorber, et la précarité grandit. Prendrez-vous en compte l'évolution des profils des sans-abri ? Adapterez-vous le nombre de places disponibles, notamment pour les familles ? Soutiendrez-vous financièrement les associations ? Le point de non-retour n'est pas loin. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine . - Oui, le logement est en crise : l'hébergement d'urgence subit une forte tension, accentuée par les crises mondiales qui génèrent de nouveaux flux. Pour accompagner les plus vulnérables, nous devons être au rendez-vous, alors que les températures baissent.
Un an après le Pacte des solidarités, piloté par Paul Christophe, 97 départements et 22 métropoles ont contractualisé avec l'État pour renforcer leur action en matière de lutte contre la pauvreté. L'État a pris ses responsabilités : en dix ans, les crédits ont triplé pour s'élever à 2,8 milliards d'euros, et le parc atteint 203 000 places. Depuis 2018, 600 000 personnes ont été relogées. Nous poursuivrons cet effort.
J'ai réuni les préfets et les associations pour amplifier les maraudes et instaurer des cellules de résolution des problèmes ; priorité est donnée aux femmes avec enfants. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC ; M. Guy Benarroche proteste.)
Mme Nadia Sollogoub. - Budgets court-termistes, retards de paiement, non-paiements de services effectués, ajustements budgétaires a posteriori : les opérateurs se heurtent à des difficultés de trésorerie insupportables. En ce qui concerne les nuitées d'hôtel, 40 % des personnes n'y mangent pas à leur faim et la santé mentale des enfants s'y dégrade ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Valérie Létard, ministre. - Elle a raison...
Gens du voyage
M. Damien Michallet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a un an, alors tout jeune sénateur, je posais ma première question au Gouvernement sur l'accueil des gens du voyage. Un an après, rien n'a changé ! Les élus locaux sont confrontés aux installations illicites et aux dégradations, voire aux agressions ! Monsieur le ministre de l'intérieur, cela suffit !
Que vais-je dire aux élus ? Que nous déplorons la situation, mais que nous avons peur ? Que nous fermons les yeux ? Ce qu'il faut leur dire, c'est oui, nous allons retrousser nos manches et agir !
Tant de travaux au Sénat à ce sujet ! Je pense au travail remarquable des sénateurs Chaize, Reichardt et Schalck. Un an s'est écoulé, mais rien n'a changé - à une exception près : le ministre !
La loi doit être modifiée, et il faut donner plus de garanties aux préfets et aux maires. Le Sénat est prêt à légiférer sur l'accueil des gens du voyage, pour montrer que personne n'est au-dessus des lois. Monsieur le ministre, nous avons besoin de votre soutien. Le Sénat compte sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur . - Pas une semaine sans que je ne sois saisi par des élus locaux sur des questions d'occupations illicites. C'est toujours le même scénario : le fait accompli, un rapport de force qui s'installe et l'impuissance des élus et des forces de l'ordre, quand ces dernières sont en nombre insuffisant.
La République garantit des modes de vie divers, je respecte les traditions, mais à condition que l'on respecte les lois de la République et l'autorité.
Je comprends l'exaspération des Français, notamment face aux branchements illicites sur les réseaux et aux dégradations, alors que les aires d'accueil coûtent très cher ! La situation n'a que trop duré !
À nous de créer une forme de consensus. Je propose de créer un groupe de travail avec les parties prenantes pour travailler sur un plan d'action : il s'agira de définir une nouvelle doctrine d'intervention des gendarmes et policiers et des dispositions législatives en frappant au portefeuille. Nous pourrons reprendre de bonnes idées des rapports d'Elsa Schalck ou de Patrick Chaize.
Il n'y a pas de double citoyenneté : la loi de la République est la même pour tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Retraités en outre-mer
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.) Lutter contre la crise de confiance envers nos institutions et l'action publique passe par le respect des engagements pris et l'attention portée aux difficultés du quotidien.
L'âge moyen de départ à la retraite en Martinique est de 65 ans, contre 63 ans à l'échelle nationale ; la retraite moyenne y plafonne à 575 euros ; pour des raisons qui tiennent à notre histoire, les niveaux de pension y sont sensiblement plus faibles que dans l'Hexagone.
Le 10 mars 2023, Olivier Dussopt, alors ministre du travail, avait saisi le Conseil d'orientation des retraites (COR) pour un suivi des retraites dans ladite outre-mer. En octobre 2023, la Première ministre m'avait réaffirmé la volonté du Gouvernement.
Mais la situation demeure inchangée, dans un contexte social tendu. Ce dossier appelle une action sans délai du Gouvernement. Madame la ministre, tenez l'engagement de vos prédécesseurs et saisissez le COR ! C'est une question d'équité la plus élémentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Patricia Schillinger et M. Yannick Jadot applaudissent également.)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi . - Les pensions de retraite en outre-mer sont plus faibles, en raison de l'instauration plus tardive des régimes complémentaires et des durées de travail moins longues.
Les règles sont désormais les mêmes. Le niveau des pensions découle principalement des cotisations versées. Un mécanisme correctif, prévu dans la réforme Borne de 2023, rehausse les petites pensions, y compris en outre-mer. Je reviendrai vers vous sur le nombre de pensionnés revalorisés en 2023 et 2024 en outre-mer.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit un rapport du COR sur les effets de la réforme. Il devrait comporter une partie sur les outre-mer.
Mme Catherine Conconne. - Je pense connaître ce dossier mieux que vous (« Oh ! » à droite) ; il faut s'y repencher, madame la ministre. Votre réponse n'est pas adaptée à la situation des pays d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
AESH et temps méridiens
M. Cédric Vial . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La loi du 27 mai dernier, qui confie à l'État la responsabilité de la prise en charge des enfants atteints de handicap sur le temps de la cantine, s'applique depuis la rentrée scolaire 2024. En réalité, l'État ne l'applique pas ! Pour une loi de deux fois deux lignes, quatre pages de circulaire et quatre pages d'annexes pour tenter de rendre la loi inapplicable - c'est presque atteint !
Conformément à l'objectif de simplification souhaité par le Premier ministre, comptez-vous supprimer cette circulaire inutile ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Bruno Sido. - Très bien !
M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel . - Je salue votre action en faveur de la lutte contre le handicap. J'avais d'ailleurs défendu votre texte à l'Assemblée nationale.
Sans langue de bois, tout n'a pas été bien organisé pour appliquer la loi. Et je n'ai pas de tabou sur la circulaire : s'il faut la réécrire pour qu'elle soit mieux appliquée, je le ferai. Notre mission c'est d'appliquer les lois : des instructions plus précises seront envoyées, et nous demanderons aux recteurs et aux directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) toutes les remontées nécessaires, tout comme aux maires.
J'aurai une proposition : installons un comité de suivi, avec vous, pour nous assurer de la bonne mise en oeuvre de la loi. C'est ma seule boussole. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Laure Darcos et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)
M. Cédric Vial. - Nous allons fêter les 20 ans de la loi de 2005 sur l'école inclusive. Pendant deux ans, cette loi n'a pas été appliquée, à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel. Et pourtant, nous n'avons pas eu besoin de circulaires ou de conventions !
Pourquoi tant de comités Théodule ? L'école inclusive, c'est la continuité de la prise en charge des enfants. Le texte a été voté à l'unanimité. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Accompagnement des communes victimes de catastrophes naturelles
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous avons beaucoup évoqué la situation en Espagne ; mais je pense aussi aux catastrophes naturelles en Ardèche et dans les Hautes-Alpes. Mme Pannier-Runacher insistait sur la nécessité de développer une culture du risque et de la prévention, mais il faut aussi travailler sur la gestion post-inondations.
Dans les Hautes-Alpes, 56 communes ont été classées en catastrophe naturelle, pour 37 millions d'euros de dégâts. Seuls 3 millions d'euros d'avances ont été promis au préfet, alors que Dominique Faure nous parlait d'un reste à charge zéro ! Nous attendons encore 15 millions d'euros. Mon département, rural, ne compte que 140 000 habitants.
Comment rassurer les collectivités territoriales ? Comment l'État peut-il les accompagner ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'industrie . - Le Gouvernement soutient les collectivités. Il est insupportable que des collectivités et des citoyens soient privés de tout en attendant la mise en oeuvre des assurances. Nous devons aussi faire de la prévention. Le Premier ministre a annoncé, le 25 octobre dernier, le plan national d'adaptation au changement climatique. Le fonds Barnier passera de 225 à 300 millions euros d'ici à 2025.
Face à des événements extrêmes plus fréquents, il faut adapter les conditions du régime CatNat. Le Gouvernement a soutenu la proposition de loi Lavarde au Sénat, qui prévoit notamment de rendre éligibles à l'éco-prêt à taux zéro certains travaux de prévention.
Nous restons mobilisés et nous faisons part de notre plein soutien aux collectivités territoriales concernées. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)
M. Jean-Michel Arnaud. - Je crois que nous nous sommes mal compris : il manque 18 millions d'euros au regard des engagements pris ! Je vous donne rendez-vous lors de l'examen du PLF 2025. Les 48 millions d'euros de crédits de paiement inscrits ne sont pas à la hauteur des besoins de l'Ardèche, des Hautes-Alpes, du Nord-Pas-de-Calais, de la Côte-d'Or (Mme Anne-Catherine Loisier renchérit) et de la Bretagne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance est reprise à 16 h 30.
Délégation (Nomination)
Mme la présidente. - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale à la prospective a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la Lolf
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), à la demande de la commission des finances.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À rebours des allégations entendues dans le débat public, les collectivités territoriales ne sont pas responsables de la situation calamiteuse de nos finances publiques. L'État représente une part écrasante du déficit public et presque l'intégralité de la dégradation de ce dernier entre 2017 et 2023. Certes, le solde négatif des administrations publiques locales (Apul) pourrait atteindre 0,7 % du PIB, le plus bas niveau depuis 1985, mais cela ne représente qu'un neuvième du déficit public. L'endettement des organismes divers d'administration locale (Odal) pèse bien plus lourd.
Si les dépenses des collectivités territoriales augmentent de façon dynamique en 2024 - plus 4,5 % en fonctionnement et 13 % en investissement, d'après le Trésor - c'est, pour le fonctionnement, en raison des revalorisations salariales, de l'inflation énergétique, de la remontée des taux d'intérêt et de l'augmentation du nombre des bénéficiaires d'aides sociales, non de décisions prises par les élus ; pour l'investissement, l'augmentation est liée au cycle électoral et au rattrapage des investissements après la crise sanitaire.
Je me réjouis du changement de ton de l'exécutif à l'endroit des collectivités territoriales. Vous-même, monsieur le ministre, et Laurent Saint-Martin avez rappelé que le dérapage n'était pas le fait des collectivités territoriales, et je vous en remercie. Vous construisez les bases d'une meilleure coopération entre l'État et les collectivités, que nous appelons de nos voeux.
Cela dit, les collectivités territoriales doivent également participer à l'effort collectif. On ne peut se satisfaire d'un solde des Apul passé de moins 0,4 % à moins 0,7 % entre 2023 et 2024. Par ailleurs, le total des concours financiers de l'État est de 50 milliards d'euros. Aussi, il serait étrange d'exonérer les collectivités territoriales de tout effort budgétaire.
Je ne conteste donc pas le principe d'une participation des collectivités territoriales au redressement des comptes publics, mais elle doit être proportionnée et équitablement répartie.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le PLF prévoit bientôt une stabilité des concours financiers aux collectivités territoriales : la DGF est maintenue à 27 milliards d'euros. S'y ajoutent trois principes nouveaux, dont une réduction du taux et de l'assiette du FCTVA générant 800 millions d'euros d'économies. Est-ce la bonne méthode, sachant que les collectivités territoriales sont le premier investisseur public ? La contrainte financière d'aujourd'hui ne doit pas nous faire renoncer à des dépenses qui permettront de répondre à la contrainte financière de demain. Attention à l'impact d'une telle mesure sur les petites collectivités, qui ont peu de moyens.
Deuxième principe, le gel de la fraction du taux de TVA transféré aux collectivités territoriales via l'article 31 - soit une minoration de 1,2 milliard d'euros de la dynamique qu'elles pouvaient attendre. Le Gouvernement avance que ce gel serait exceptionnel et qu'il permettrait à l'avenir aux collectivités de disposer d'une meilleure prévisibilité de leurs recettes, celle-ci étant calculée sur la TVA de l'année n-1 et non plus de l'année en cours.
Enfin, l'article 64 crée un fonds de réserve pour les collectivités territoriales non dénué d'intérêt sur le papier - nous approuvons les principes de péréquation et d'autoassurance collective des collectivités territoriales. Mais l'architecture du dispositif soulève trop de questions : sachant qu'il a été rejeté à l'Assemblée nationale, je souhaite que le Sénat crée une nouvelle architecture pour ce fonds.
Le rapport établi sous l'égide du Président Larcher avait recommandé de revoir globalement le financement des collectivités territoriales. Peut-on se satisfaire de la perte de lien fiscal entre les collectivités territoriales et les contribuables ?
Mme Anne-Marie Nédélec. - Non !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Quel avenir pour la DGF ? J'attends vos réponses avec impatience. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation . - La situation des finances publiques de notre pays n'est pas bonne ; nous devons partager ce fait. Nous n'avons plus le choix, si nous voulons garder la souveraineté de notre pays. Je sais pouvoir compter sur la sagesse de cette assemblée.
Le débat n'est pas de reporter la faute sur tel ou tel : il n'y a pas de responsabilité fautive des collectivités dans la dégradation des comptes publics.
M. Rémy Pointereau. - Tout de même !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - C'est bien de le reconnaître !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Certes, leurs dépenses augmentent plus que leurs recettes, mais c'est notamment en fonction de décisions de l'État - revalorisations du point d'indice et de la catégorie C -, coûteuses mais attendues socialement.
Pour contenir le déficit à 5 % dès 2025 - la marche est haute -, nous proposons un effort de 60 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros sur les dépenses de l'État, 15 milliards de dépenses sociales et 5 milliards pour les collectivités. La dette publique est l'affaire de tous - elle dépasse les 3 220 milliards d'euros. Nos créanciers ne distinguent pas la dette de l'État de celle des autres personnes publiques. La charge de la dette ne cesse de croître : un choc de taux de 1 % l'alourdit de 33 milliards en neuf ans. Elle est devenue le deuxième poste de dépenses de l'État, à 55 milliards d'euros.
Les conditions de financement sont les mêmes pour tous. Vous avez longuement débattu de ce sujet avec Laurent Saint-Martin, retenu à l'Assemblée nationale et que je vous prie d'excuser.
C'est donc l'affaire de tous et la responsabilité de chacun. Les collectivités territoriales représentent 20 % de la dépense publique. Dans la version initiale du PLF, leur effort était de 12 %.
Faut-il supprimer toute dépense d'investissement ? Non : le risque récessif existe, d'autant plus que la crise covid a reculé de nombreux travaux et que la cinquième année de mandat municipal qui s'annonce s'apparente plus à une quatrième année (M. Jean-François Husson le confirme) après des années 2020 et 2021 difficiles.
Dans cet esprit, le Gouvernement a maintenu le concours de l'État vers les collectivités territoriales : DETR, DSIL, DSID, DPV. Le fonds vert est diminué ; mais en tenant compte du gel en début d'année et de l'exécution, il ne passera que de 1,7 en 2023 à 1 milliard en 2025.
Nous voulons maintenir l'appui aux collectivités territoriales, notamment en faveur de la transition écologique. Le Premier ministre l'a bien dit dans sa déclaration de politique générale : nous devons faire face à deux dettes, l'une économique, l'autre écologique.
Faut-il ne prendre aucune mesure ? C'est impossible. Le PLF a été établi dans des circonstances exceptionnelles, qui nécessitent que nous dialoguions. Nous ne touchons pas le montant de la DGF, mais nous retravaillerons avec vous ses critères en 2025. Le Gouvernement a pris plusieurs engagements : ne pas toucher à la DGF ; perfectionner le budget au cours des débats parlementaires, notamment à propos du fonds de précaution, alimenté par un prélèvement sur les recettes des 450 plus grandes collectivités territoriales en tenant compte d'indices de fragilité - être bénéficiaire de la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou du fonds de péréquation - ; ajuster le FCTVA à hauteur de 800 millions d'euros par rapport à la dynamique attendue - mais nous sommes prêts à en discuter.
Monsieur le rapporteur général, les départements subissent un effet ciseau : baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) d'un côté, hausse de dépenses sociales qu'ils ne contrôlent pas de l'autre. Nous devrons trouver des solutions, et j'ose le dire, des correctifs pour cet échelon qui accomplit des missions de solidarité.
J'entends la demande de plus d'autonomie financière du bloc communal. Si nous ne souhaitons pas le retour de la taxe d'habitation, il faut mener une réflexion avec nos concitoyens sur cette question - car rien n'est jamais gratuit, il y a toujours quelqu'un qui paie... (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-François Husson et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)
M. Marc Laménie . - Après cinquante ans de records de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires, le Gouvernement présente un budget dans l'urgence, en demandant à tous les acteurs de participer au redressement. Le groupe INDEP souhaite une juste répartition de l'effort et ne pas casser la croissance. Nos collectivités territoriales vous le font savoir à travers leurs représentants que nous sommes : la réduction du taux du FCTVA de 16,4 à 14,85 % fait craindre le pire pour l'investissement. Comment s'assurer qu'il n'y aura pas d'effet récessif ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je vous comprends : derrière la ministre, il y a une élue locale. Les élus ont construit leur budget à partir d'un état prévisionnel du FCTVA et certains, par exemple, auraient pu contracter un prêt relais en anticipant un remboursement. Aussi nous étudierons les amendements relatifs au taux ou à la rétroactivité.
M. Marc Laménie. - Lorsque la situation budgétaire d'un pays se tend, il doit rogner ses dépenses de fonctionnement avant celles d'investissement - notamment celles concernant la transition écologique. Ne sacrifions pas notre futur au risque de créer des récessions dans nos territoires.
M. Stéphane Sautarel . - La fragilisation financière des collectivités territoriales s'accélère : le nombre de collectivités en épargne négative en 2025 augmentera - et cela ne concerne pas que les départements. Nous sommes sortis des procès d'intention : trouvons des solutions partagées et limitées dans le temps.
La question centrale est celle de la capacité d'épargne des collectivités territoriales. Or votre PLF n'y répond pas : la ponction sur les recettes réelles de fonctionnement ne limite en rien leur besoin de financement. Ne vaudrait-il pas mieux encourager les efforts de gestion des collectivités territoriales en fonctionnement plutôt que de rendre ces financements à l'État ?
Pourquoi ne pas mettre en réserve dans le budget de chaque collectivité territoriale 3,8 milliards d'euros, soit l'équivalent du fonds de précaution et de la réduction du FCTVA ? Autre piste : encadrer la capacité de désendettement des collectivités en s'inscrivant dans le contrat de responsabilité voulu par le Premier ministre.
M. Laurent Somon. - Excellent !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - L'objectif est de réduire le déficit budgétaire de la France, donc de limiter la dépense publique. Réduire les recettes contraint à faire des choix.
Inscrivons-nous dans la démarche vertueuse que vous indiquez ; liée à l'investissement, la dette n'est pas un signe de mauvaise gestion.
Vos propositions méritent d'être approfondies : la mise en réserve répond au fonds de précaution - qu'il faudrait flécher vers les collectivités territoriales qui ont le plus participé et non faire une péréquation. Nous allons travailler sur une évolution par rapport à la version initiale du PLF.
Votre deuxième proposition exige un travail commun plus important.
M. Stéphane Sautarel. - Nous gagnerions en confiance en laissant une dotation gelée dans les budgets des collectivités territoriales, comme l'avaient fait les départements confrontés à un surplus de DMTO.
M. Didier Rambaud . - Les dépenses des collectivités territoriales augmentent en raison des coûts de fonctionnement, des investissements et des nouvelles compétences, entre autres. Nos départements nécessitent une augmentation temporaire des DMTO. Dans l'Isère, les recettes sont passées de 227 millions d'euros au compte administratif 2023 à 177 millions ; en cause, les DMTO, qui ont baissé de 19,6 % d'après la Cour des comptes. Or les allocations individuelles de solidarité telles que le RSA sont indispensables pour nos concitoyens, et quatorze départements sont considérés comme étant en grande difficulté.
Une hausse limitée dans le temps des DMTO permettrait de les stabiliser, le temps de réfléchir à une réflexion pérenne qui n'affecte pas le marché immobilier. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - La baisse des recettes de DMTO perçues par les départements est constatée sur tout le territoire.
Je suis consciente de l'importance des DMTO dans les départements de montagne comme le vôtre, sur le littoral ou en Île-de-France, mais je ne suis pas sûre qu'il en aille de même dans les Ardennes de M. Laménie... (M. Didier Rambaud en convient ; M. Jean-François Husson le confirme.)
Aux départements de prendre la décision d'augmenter les taxes. Les DMTO portent essentiellement sur l'ancien, et n'ont donc pas d'impact sur le logement social.
Doit-on passer d'un pouvoir de taux des départements de 4,5 à 5 ou 5,5 ? Cela fait partie des sujets sur lesquels le Gouvernement souhaite travailler avec vous dans le PLF.
M. Christian Bilhac . - Nous partageons l'objectif de réduire les déficits et de rendre plus efficiente la dépense publique. Mais votre PLF me laisse sur ma faim. Comment se satisfaire de la seule fusion de Business France et d'Atout France, quand il existe encore 400 opérateurs, qui représentent un budget de 91 milliards d'euros, mais surtout 30 milliards en frais de fonctionnement ? Il faut trouver de nouveaux moyens de soutenir les élus locaux pour financer leurs investissements et leurs services publics, et la suppression d'opérateurs pourrait être une solution. Certains ont prouvé leur efficacité, mais d'autres sont ubuesques.
Comment porter un discours crédible quand cinq opérateurs interviennent sur l'aménagement du territoire : Anah, Cerema, Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et Ademe ?
Comme le dit Clemenceau, pour prendre une décision il faut être un nombre impair de personnes, et trois, c'est déjà trop. Alors, imaginez à cinq ! (Sourires) Supprimez des opérateurs et redonnez le budget dégagé aux collectivités territoriales !
Ne me dites pas d'attendre un texte au printemps. Vous le savez mieux que moi : il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale ; l'année prochaine, nous serons dans la même situation. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Effectivement, nous devrons dresser un inventaire des agences, sur le rapport coût-efficacité de chacune, soit pour supprimer, soit pour mutualiser.
Les cinq établissements que vous avez cités ont des éléments en commun, comme l'ingénierie : devrait-elle être réalisée par l'EPCI, une ou plusieurs de ces agences ? Combien cela coûte-t-il ?
Le recours à la loi, en ce domaine, n'est pas indispensable : on peut passer par le réglementaire. Vous m'invitez à prendre mes responsabilités : ne me reprochez pas à l'avenir de prendre des décrets !
M. Bernard Delcros . - Dans son rapport, le Gouvernement fait le constat d'une « situation favorable du bloc communal », dont témoignerait une épargne brute en hausse de 9,2 % entre 2022 et 2023.
Mais derrière cette moyenne, se cache une grande diversité de situations, selon la taille des communes. Le potentiel fiscal et le revenu fiscal moyen par habitant connaissent des écarts du simple au double.
Il faudrait respecter un principe intangible : la justice territoriale. Le Gouvernement propose la réduction de deux points du FCTVA, soit une baisse de recettes de 10 % touchant indistinctement les collectivités territoriales. Cela réduirait la capacité d'investissement des collectivités territoriales alors qu'elles soutiennent les entreprises locales et l'emploi.
Pouvez-vous reconsidérer cette baisse de deux points du FCTVA et vous concentrer sur des mesures plus justes ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - C'est bien pour faire preuve d'équilibre que nous avons ciblé les collectivités territoriales dont le budget est supérieur à 40 millions d'euros, tout en prenant en compte systématiquement des critères de fragilité.
Je le redis : je suis consciente du problème posé par la rétroactivité de la mesure sur le FCTVA... Nous parlons de 800 millions d'euros. À nous de trouver collectivement une solution à ce problème. C'est tout le sens du partenariat entre le Sénat et le Gouvernement.
M. Bernard Delcros. - Merci de cette ouverture. Il faut retirer cette mesure sur le taux. Nous devons proposer une mesure plus ciblée et plus juste.
M. Pierre Barros . - Depuis plusieurs semaines, les collectivités territoriales sont rendues responsables des déficits publics. Or depuis 1995, le poids des collectivités territoriales dans la dette publique est stable à 9 %, alors que celui de l'État a doublé. Mais le Gouvernement s'évertue à leur demander des efforts supplémentaires.
Pour résorber les déficits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), le PLFSS prévoit une augmentation des contributions des employeurs publics, qui serait pour commencer de 4 points en 2025. Qu'en sera-t-il en 2026 et 2027 ?
Selon le rapport de l'Igas sur lequel s'appuie cette mesure, le déficit cumulé de la CNRACL est de 60 milliards d'euros et il faudrait une augmentation de 13,48 points sur trois ans pour le résorber. Doit-on s'attendre à une telle hausse ? Ce serait insoutenable pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Simon Uzenat applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - La CNRACL est dans une situation difficile : d'un côté, 1,6 million de pensionnés - 57 % de territoriaux et 43 % d'hospitaliers - recevant 26,1 milliards d'euros ; de l'autre, 2,2 millions de cotisants - dont 63 % de territoriaux et 37 % d'hospitaliers - à hauteur de 23,4 milliards d'euros...
Le déficit sera de 10 milliards d'euros en 2030 si aucune mesure de correction n'est prise.
Alors ministre de la santé, j'avais diligenté la mission inter-inspections pour trouver les voies d'un retour à l'équilibre du régime, dont il faudra diversifier les ressources.
La CNRACL a fortement contribué dans le passé à l'équilibre d'autres régimes. J'ai demandé un accompagnement spécifique. La hausse du taux de cotisation doit être lissée dans le temps. Une augmentation de 30 % serait insupportable.
M. Pierre Barros. - Vous confirmez la trajectoire de 13,46 points. (Mme Catherine Vautrin le confirme.) C'est douloureux. La CNRACL a beaucoup contribué et est aujourd'hui victime d'une réforme des retraites qui ne produit pas ses effets. (Applaudissements sur les travées du CRCE-K ; M. Simon Uzenat applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Ce n'est pas le sujet.
M. Thomas Dossus . - Depuis 2017, les collectivités territoriales font face au sabotage de leur autonomie fiscale : suppression de la taxe d'habitation, d'une partie de la CVAE, d'une part importante de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière, déconnectant leurs ressources des dynamiques de territoire.
Avec la nomination au Gouvernement de nombreux membres de la majorité sénatoriale, nous aurions pu espérer la préservation de leurs ressources ; mais c'est tout le contraire : on leur demande 5 milliards d'euros - mais avec la suppression de crédits du fonds vert et la CNRACL, ce serait plutôt 11 milliards, selon l'Association des maires de France...
Le président Les Républicains du département du Rhône nous a alertés : nous sommes à l'aube d'un effondrement financier des départements. Les collectivités territoriales assurent 70 % de l'investissement public. Il faut mobiliser 11 milliards d'euros d'ici à 2030 pour l'adaptation climatique, soit 2,3 milliards d'euros par an. Ce PLF va à rebours de cette exigence.
Mais il sera bientôt entre les mains du Sénat : allez-vous, majorité sénatoriale, corriger le tir sur l'effort demandé aux collectivités ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Simon Uzenat applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - S'agissant de la CNRACL, le nombre de contractuels augmente dans les collectivités territoriales, au détriment des fonctionnaires ; or ils cotisent à l'Ircantec et non à la CNRACL... C'est un des éléments qui nécessitent de nouvelles ressources.
Nous avons supprimé la taxe d'habitation, mais, dans certaines communes, seuls 30 à 40 % des habitants en étaient redevables. Nous devons ouvrir un débat sur le sujet.
Le Gouvernement souhaite trouver avec le Sénat des solutions pour les départements.
Certes, le fonds vert a diminué, mais la DSIL accompagne aussi des projets liés au changement climatique.
Le rapporteur général évoquait les crédits de l'État à destination des collectivités territoriales. Rien n'empêche de flécher davantage ces crédits vers la transition écologique.
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les collectivités territoriales sont sommées de contribuer à la réduction d'un déficit qu'elles n'ont pas creusé. Les départements subissent un effet ciseau avec la baisse des DMTO. Quatorze départements sont éligibles au fonds de sauvegarde en 2024. Combien en 2025 ?
Avec des dépenses non pilotables en hausse, le PLF 2025 fait des départements les plus gros contributeurs, alors que l'État leur doit 12 milliards d'euros pour les allocations individuelles de solidarité. Ce sont les entreprises, les associations et les citoyens qui en pâtiront. En 2024, quatre départements affichent un déficit de fonctionnement selon les projections de Départements de France ; ils seraient 29 en 2025 et une cinquantaine en 2025. À ce compte-là, voulez-vous voir disparaître nos départements ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Non, le Gouvernement ne veut pas voir disparaître les départements. L'année dernière, pour la première fois, le Gouvernement a mis en place le G24 : 150 millions d'euros dont la répartition a été laissée à Départements de France.
Dans le PLF, 20 départements sont exemptés de prélèvement de 2 %. Nous réfléchissons à un fonds de sauvegarde. J'ai répondu sur les DMTO.
Le Gouvernement est sensible aux spécificités départementales liées aux allocations individuelles de solidarité, sur lesquelles ils n'ont pas la main.
Mme Isabelle Briquet. - Nous sommes heureux d'entendre que vous prenez en compte le rôle spécifique et essentiel des départements qui doivent bénéficier de ressources stables pour renforcer le lien social.
Donnons tout son sens au partenariat État-collectivités territoriales. Cela ne passe ni par des contrats de Cahors, ni par des pactes de confiance, ni par un fonds de précaution n'ayant fait l'objet d'aucune concertation avec les élus. (M. Simon Uzenat applaudit.)
M. Stéphane Ravier . - Une conclusion s'impose : il faut sortir la tronçonneuse (M. Rémy Pointereau ironise) contre le millefeuille administratif et la fonctionnarisation massive. Les dépenses de personnel des collectivités territoriales ont doublé, passant de 47,4 milliards à 92,6 milliards d'euros !
Ni la fusion des régions ni celle des EPCI n'ont aidé : elles n'ont fait que multiplier l'addiction et surcharger l'addition.
Les dépenses des collectivités territoriales augmentent plus vite que celles des autres administrations et que le PIB. L'augmentation des dépenses de fonctionnement en 2023 a été de 5,7 %, au lieu des 4,8 % prévus par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
Clemenceau disait : « la France est un pays extrêmement fertile, on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts ». J'ajouterai que le meilleur engrais est notre capacité à créer toujours plus de normes.
Il faut plus de fonctionnaires d'action - pompiers et policiers - au service du pays, et moins de fonctionnaires d'administration au service de l'État. La fonction publique ne doit pas devenir la ponction publique.
Que proposez-vous pour endiguer cet emballement, retrouver de l'efficacité et par là même le consentement à l'impôt ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Il y a effectivement une augmentation des dépenses de personnel. J'entends votre hommage aux pompiers et policiers. J'y ajouterai le personnel qui s'occupe de nos enfants dans les écoles, comme les AESH qui ont fait l'objet d'une proposition de loi adoptée à l'unanimité du Sénat.
Il faut du personnel au bon endroit, et savoir qui le paie. Rien n'est gratuit. Quels services voulons-nous, et combien sommes-nous prêts à payer pour cela ?
Idem pour le vieillissement à domicile ; en 2030, il y aura plus de Français de plus de 65 ans que de moins de 15 ans. Cela aura un coût.
Un exemple de service utile : France Services se trouve à vingt minutes de chaque Français - cela coûte 65 millions d'euros.
M. Jean-Raymond Hugonet . - Ce volumineux rapport (il le brandit) illustre les relations entre l'État et les collectivités territoriales.
Nous mesurons le profond décalage entre la théorie et la pratique, entre le verbe et la réalité.
La théorie est savamment présentée - les scandaleuses allégations mensongères de ministres précédents sur la prétendue responsabilité des collectivités territoriales dans les déficits publics auraient suscité de ma part des mots moins diplomates. Quant au verbe, le sabir technocratique maquille une réalité brutale : une liberté constitutionnelle conçue pour permettre la libre administration des collectivités territoriales, l'autonomie financière, est devenue une coquille vide.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. - En vingt ans, le modèle de décentralisation a perdu sa pertinence face à un double mouvement : recentralisation et accroissement des charges pesant sur les collectivités territoriales.
Réconcilier le pouvoir central et local serait une oeuvre historique pour la France. C'est un enjeu de démocratie. Y êtes-vous prête ? (M. Laurent Burgoa applaudit.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Vous avez raison de nous replonger dans l'histoire de la décentralisation de 1982. La France a choisi une voie - mais en était-elle totalement consciente ?
Dans sa relation avec les collectivités, l'État est-il tutelle ou partenaire ? L'intitulé de mon ministère comprend la notion de partenariat avec les territoires, le Premier ministre y tient.
Le budget qui a été présenté, dans les délais contraints que l'on sait, n'est pas pour solde de tout compte. Je mesure la nécessité d'un travail en commun avec les parlementaires et les associations d'élus, dont les travaux ne doivent plus servir à caler les étagères. J'ai ainsi demandé à Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, d'avancer rapidement, avec Laurent Saint-Martin et moi-même, sur le sujet des normes. Il y aura donc des réponses concrètes, en parallèle du travail sur le budget, mais les deux approches ont vocation à se rejoindre !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Je connais l'engagement de Michel Barnier et votre sincérité. Tout cela n'apparaît guère dans le PLF. La commission des finances se chargera de vous faire des propositions.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Avec plaisir !
M. Jean-Marie Mizzon . - Les collectivités territoriales dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d'euros seront ponctionnées - mais selon quels critères ? Environ 450 collectivités seraient concernées. Pour les communes, il est question d'un indice synthétique de ressources et de charges. On ne tient donc pas compte des dépenses contraintes ? Demander un tel effort aux collectivités locales contribue à les fragiliser.
Pourquoi ne pas lever la charge de l'amortissement de la voirie, qui coûtera 500 millions d'euros, ou encore le décret sur la régulation thermique des bâtiments - 1,5 milliard d'euros à la charge des collectivités territoriales ? Des pistes existent !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - En partant du critère des 40 millions de dépenses réelles de fonctionnement, nous avons écarté les collectivités les plus fragiles. Les critères utilisés existent ailleurs dans notre droit : les 250 premières communes selon le classement de la DSU, les 2 500 premières selon le classement de la DSR, les 300 premiers EPCI figurant à l'indice de péréquation de la dotation d'intercommunalité, les vingt départements les plus fragiles au titre de l'indice de fragilité sociale.
Je discute avec le ministre de l'économie de la levée de la charge d'amortissement de voirie, pour que les collectivités ne soient pas pénalisées lorsqu'elles entretiennent leur réseau ; j'ai décidé de ne pas signer le décret, afin d'y travailler ensemble.
Le décret tertiaire est vertueux, et permet des économies à court terme. Cela dit, en ces temps de raréfaction des moyens, il faut fixer des échéances courtes. J'y travaille avec Agnès Pannier-Runacher, pour trouver le bon équilibre.
M. Jean-Marie Mizzon. - J'apprécie votre manière de voir.
Le décret tertiaire est vertueux, mais coûteux.
Les maires sont abattus. Ils ne sont nullement comptables des dérives de nos finances publiques. Sur le terrain, ça gronde fort ! Sachez vous en souvenir lors de l'examen du PLF.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Très bien !
M. Simon Uzenat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il est ironique de reprocher aux collectivités l'écart entre leurs dépenses et leurs recettes, quand l'État n'a cessé de leur transférer des charges et de réduire leur autonomie fiscale !
L'effort qui leur est demandé n'est pas de 5 milliards d'euros, mais plutôt de 10 milliards. En réalité, toutes seront touchées, jusqu'aux petites communes rurales : le conseil départemental du Morbihan a ainsi annoncé la suspension du programme de solidarité territoriale - tout en soutenant le Gouvernement...
Les régions seront les plus touchées : la ponction demandée équivaut à quatre mois sans TER en Bretagne, ou à un an sans lycée !
Je souscris à la refonte de la fiscalité proposée par le rapporteur général. Madame la ministre, quelle est votre position sur le versement mobilité additionnel déplafonné ? Sur la taxe de séjour additionnelle ? Sur la hausse des péages ferroviaires, qui pénalise les régions ?
La signature de l'État sera-t-elle honorée s'agissant des CPER ? Quid de la compensation du protocole en faveur des formations sanitaires et sociales ? Les îles ont également besoin d'une prise en compte singulière, face à l'explosion des surcoûts. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - J'entends que la réserve de précaution peut conduire les départements à limiter leur investissement auprès des communes. Nous travaillons avec eux pour en limiter l'impact.
Nous envisageons de permettre aux régions d'augmenter le versement mobilité dès lors qu'elles investissent dans l'élargissement du réseau. Vous savez combien le Gouvernement est engagé pour les transports du quotidien ! De même, elles pourraient utiliser leur pouvoir de taux sur les cartes grises.
Sur les CPER déjà signés, les autorisations d'engagement pourront démarrer dès l'exercice 2025 ; pour les crédits de paiement, les marges de manoeuvre sont plus restreintes.
M. Rémy Pointereau . - Les mesures prévues par le PLF auraient des conséquences dramatiques pour les départements.
Le département du Cher doit faire face à 56 millions d'euros de dépenses supplémentaires, soit une hausse de 17,5 %, alors que ses recettes n'ont augmenté que de 17 millions. En l'état du PLF, il perdra 15 millions d'euros ; 85 % des départements, dont le Cher, ne pourront pas présenter un budget à l'équilibre. Ce sera la fin de la cohésion territoriale.
Pourtant, les départements ne sont responsables que de 1 % des 3 200 milliards d'euros de dette publique.
Quelles mesures concrètes, quels moyens pour que les départements puissent exercer pleinement leurs compétences ? Envisagez-vous un partenariat avec les collectivités pour rétablir un lien direct entre fiscalité et démocratie locale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je suis préoccupée par la situation des départements, dont les dépenses sont notamment liées aux allocations individuelles de solidarité (AIS). Le Premier ministre abordera le sujet à Angers la semaine prochaine. Nous devons trouver des solutions spécifiques.
Autre élément : le pouvoir de taux en matière de DMTO.
Enfin, il faut travailler sur la fiscalité : revoir les critères de la DGF, faire le lien entre l'usage de la commune et la contribution des citoyens.
M. Rémy Pointereau. - La perte d'autonomie des départements a commencé en 2001, sous Lionel Jospin, avec la création de l'APA, compensée à 50 % seulement. En 2015, sous le gouvernement Valls, près de 18 milliards d'euros ont été ponctionnés ; peu s'en souviennent, à gauche... (Sourires) Les départements sont à l'os. Modérons toute nouvelle ponction !
M. Rémi Féraud . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le Gouvernement fait peser l'essentiel de l'effort budgétaire sur les métropoles, les grandes villes, les agglomérations - pénalisant au passage les petites communes membres de grandes intercommunalités.
Vous oubliez que les grandes villes sont en première ligne face à la crise sociale, qu'elles investissent massivement dans la transition écologique, qu'elles portent une grande part de l'investissement public comme du service public : ce serait une folie de sacrifier leurs recettes de fonctionnement, qui servent à l'autofinancement des investissements.
Quel levier êtes-vous prêts à utiliser pour rectifier la copie du Gouvernement ? La cotisation à la CNRACL ? Le FCTVA ? La DGF ? On pourrait aussi rendre de l'autonomie fiscale en déplafonnant la taxe d'habitation sur les résidences secondaires ou la taxe de séjour.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Ancienne présidente d'un EPCI qui comptait douze communes de moins de 100 habitants autour d'une ville-centre, je connais bien les charges de centralité, d'autant que les villes-centres portent le logement social. C'est pourquoi les critères prennent en compte la DSU ou le Fpic.
Les EPCI investissent et participent à la commande publique. Le FCTVA est donc une des réponses.
Plutôt que la taxe sur les résidences secondaires ou la taxe de séjour, lançons la réflexion sur la consommation de la ville, sur la participation des habitants à son fonctionnement.
M. Rémi Féraud. - La prise de conscience est là, mais, plus qu'une réflexion, il faut agir dans le PLF 2025.
Paris, à la fois ville et département, a une DGF égale à zéro, et une péréquation de 800 millions d'euros. La facture de 300 millions que lui présente le Gouvernement n'est ni raisonnable ni juste.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Paris a les DMTO, contrairement aux autres communes.
M. Rémi Féraud. - Oui, mais Paris étant à la fois ville et département, subit une double peine ! Nous comptons sur vous.
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un récent rapport de la Cour des comptes sur la DGF souligne sa complexité - 18 composantes, 260 données, des paramètres de calcul incomplets et imprécis - pour ne pas dire son opacité. Notant que la DGF corrige mal les inégalités territoriales, la Cour invite à passer du paramétrique au systémique. Entendez-vous changer le système et repenser la gouvernance locale pour mêler le vertical et l'horizontal, en recherchant le transversal ? (M. Jean-François Husson tente d'illustrer le propos avec les bras ; sourires.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - C'est un cours de géométrie ! (M. Claude Raynal renchérit.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - En effet, la DGF comprend des notions historiquement déconnectées de la réalité des territoires. Ce PLF comporte quelques petites mesures - un indicateur de longueur de voirie, un indicateur de logements sociaux - sans doute insuffisantes mais néanmoins concrètes. Il faut dire que le temps nous était compté. Nous continuerons le débat, avec Laurent Saint-Martin, dès la fin du budget, afin d'apporter des réponses dans le PLF 2026.
Mme Marie-Do Aeschlimann . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Gouvernement impose aux collectivités une contribution de 5 milliards d'euros - en réalité, 9 à 10 milliards - pour maîtriser le déficit public, malgré les efforts consentis ces dernières années : fonte de la DGF en 2014, plafonnement de leurs dépenses et suppression de la taxe d'habitation en 2018.
Elles sont aux côtés de l'État lors de toutes les crises, mais celui-ci continue de se désengager, en leur transférant de plus en plus de missions : petite enfance, sécurité, santé, transition écologique, soutien à l'économie. Exsangues, elles n'ont plus de marge de manoeuvre.
Un énième effort est demandé aux collectivités dont le budget de fonctionnement dépasse 40 millions d'euros, indépendamment de la qualité de leur gestion financière. Dans les Hauts-de-Seine, cette ponction aveugle atteint 102 millions pour le bloc communal et le département.
Les collectivités sont prêtes à participer à l'effort national, mais souhaitent que leur contribution soit calculée justement. Peut-on remplacer le critère du volume de dépenses de fonctionnement par celui de l'évolution de ces dépenses ? (M. Rémy Pointereau applaudit.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Le montant est élevé, mais n'atteint pas 9 ou 10 milliards d'euros. Le PLF prévoit un effort de 20 milliards d'euros pour l'État, de 15 milliards pour le social, et de 5 milliards pour les collectivités. Si l'on ajoute les 1,5 milliard de la contribution à la CNRACL, on atteint 6,5 milliards d'euros.
Cela dit, je vous entends. J'ai d'ailleurs vu le président du département des Hauts-de-Seine hier.
La définition adéquate de la bonne gestion est un sujet difficile. On se souvient que les contrats de Cahors, à l'époque, devaient reconnaître les bons gestionnaires... On y a vite mis le holà.
La libre administration des collectivités territoriales est nécessaire. Travaillons sur la DGF, le pouvoir de taux, la consommation du territoire, afin que chacun mesure que rien n'est gratuit.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Et la prime à la bonne gestion ?
M. Hervé Reynaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La ponction de 5,5 milliards d'euros sur des collectivités locales, déjà fragilisées par la baisse des dotations, n'est pas acceptable. Il faut trouver de nouveaux leviers pour financer l'investissement, sachant que les collectivités représentent 58 % de l'investissement public, avec 54 milliards d'euros en dépenses d'équipement en 2022.
La suppression totale de la taxe d'habitation en 2023 représente une perte de recettes de plus de 20 milliards d'euros. Il est urgent de rendre aux communes le pouvoir d'agir et de maîtriser leurs recettes.
Le Gouvernement envisage une réforme de la fiscalité locale en 2025. Quelles en seraient les pistes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - L'autonomie fiscale est liée au pouvoir de taux. La perte de cette autonomie est allée de pair avec la perte progressive des impôts perçus localement.
Nous étudions plusieurs pistes : une contribution citoyenne par exemple, qui devrait être corrélée à une réforme de la DGF. Mettons-nous au travail, après le budget, avec les parlementaires et les associations d'élus, pour rendre aux collectivités une recette nouvelle liée au territoire.
M. Hervé Reynaud. - La libre administration des communes implique l'autonomie fiscale. Attention au risque d'effet récessif, et au découragement des élus locaux : le nombre de démissions est un mauvais signal. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Élue moi-même, je suis très sensible à cette question. Le découragement est multifactoriel : il y a la dimension financière, mais aussi la hausse des violences. Nous devons agir sur l'ensemble, pour une juste reconnaissance de l'engagement des élus.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances . - L'exercice a été utile : toutes les opinions ont pu s'exprimer, comme toujours au Sénat. Merci à Mme la ministre d'avoir joué le jeu.
Nous sommes tous conscients des difficultés de nos départements, entre chute des DMTO et hausse des dépenses contraintes, notamment les AIS ou l'aide sociale à l'enfance (ASE).
La diminution du taux de FCTVA ne convainc guère. Elle risque de réduire l'investissement local, indispensable pour soutenir le tissu économique de nos territoires et relever le défi de la transition écologique, et fait dépendre les décisions d'investissement des collectivités d'un accord préalable de l'État. Un maire doit pouvoir mettre en oeuvre ses projets sans attendre un financement de l'État !
Sur le fonds de réserve prévu à l'article 64 du PLF, aucune réponse satisfaisante n'a été apportée à ce stade.
Pourquoi débattre de la juste contribution des collectivités territoriales au redressement des comptes publics ? Le déficit public ne vient pas d'elles, nous en sommes tous d'accord.
À mes yeux, il traduit l'échec de la politique consistant à réduire les impôts sans réduire en parallèle les dépenses - à défaut d'avoir une croissance suffisante. La suppression de la taxe d'habitation, poursuivie même en temps de crise, a réduit les recettes de 20 milliards d'euros. La suppression de la CVAE, rompant le lien entre fiscalité et aménagement du territoire, les a réduites de 5 milliards d'euros.
Ce n'est pourtant pas faute d'avoir prévenu les gouvernements successifs des conséquences pour les finances publiques ! La suppression de la taxe d'habitation n'a pas eu l'effet escompté sur la consommation des ménages, qui ont préféré épargner cet argent pour le jour où on le leur redemanderait. Ce jour est venu. (Sourires) Idem pour la CVAE : les entreprises n'ont pas davantage investi.
Ces baisses d'impôts ne pouvaient perdurer avec le retournement de la conjoncture. Nous en payons le prix. À ceux qui en ont bénéficié à l'époque de payer maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Rémy Pointereau et Mme Marie-Do Aeschlimann applaudissent également.)
La séance est suspendue quelques instants.
Travail à temps partagé aux fins d'employabilité (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité.
Discussion générale
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap . - Veuillez excuser l'absence de Mme Panosyan-Bouvet, retenue pour une audition à l'Assemblée nationale.
La création du CDI employabilité (CDIE) poursuivait un objectif louable : ramener vers l'emploi les publics qui en sont les plus éloignés.
Même si le taux de chômage baisse depuis 2017, le Gouvernement est mobilisé pour que chacun ait accès à un emploi et à une formation, c'est un impératif de justice sociale. Il sera attentif à toutes les propositions formulées par le Parlement pour avancer vers le plein emploi, sans sacrifier l'impératif du bon emploi.
Le CDIE sécurise le parcours professionnel grâce à une embauche en CDI d'un genre particulier, assoupli par rapport à l'intérim. L'entreprise de travail à temps partagé (ETTP) est tenue de mettre en place les conditions d'une insertion pérenne dans l'emploi. Cette promesse de faciliter l'accès à l'emploi stable et durable doit être tenue.
Avec 5 000 CDIE signés depuis le début de l'expérimentation, en 2018, d'après l'Igas, il n'est possible de parler ni d'échec ni de réussite. Le pérenniser serait imprudent ; l'abandonner, un gâchis. Les critiques portées contre le CDIE doivent être entendues ; ce souci de transparence a justifié la transmission au Sénat du rapport d'étape de l'Igas.
Difficile d'évaluer quand les données manquent - or l'absence de déclaration des CDIE dans la déclaration sociale nominative (DSN) fait obstacle à l'analyse. Nous nous engageons à assurer un suivi efficace de l'expérimentation.
Pour mieux cibler les publics les plus vulnérables, la durée d'inscription à France Travail requise a été relevée de six à douze mois, et le critère d'âge alternatif de 50 à 55 ans. Cette restriction répond aux craintes de voir le CDIE concurrencer d'autres types de contrats comme le CDI Intérim (CDII).
Je crois aux solutions concrètes éprouvées aux réalités du terrain. Prolongeons d'abord l'expérimentation avant de la généraliser, si ses résultats sont probants. La durée de quatre ans me semble opportune pour avoir un retour d'expérience objectif.
Les travaux parlementaires ont conservé le caractère expérimental du dispositif et cherché à en limiter les effets de bord. Je m'en félicite. Toutefois, nous aurons à suivre de près les éventuels effets de concurrence entre les différents types de contrats.
Merci à Mme la rapporteure pour son travail. Soyez assurés de l'engagement du Gouvernement pour le plein emploi et l'accès de chacun à un emploi, stable, rémunérateur et de qualité.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Solanges Nadille applaudit également.) Ce texte ne se résume pas à la poursuite pure et simple de l'expérimentation, mais prévoit des évolutions importantes.
Le CDIE, créé à titre expérimental par la loi du 5 septembre 2018, s'adresse à un public rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle, appréciées selon des critères alternatifs : bénéfice d'un minimum social, inscription depuis six mois à Pôle emploi, situation de handicap, âge de plus de 50 ans, niveau de formation infra-bac.
Il s'adosse au régime du temps de travail partagé existant depuis 2005 en faveur des PME : les ETTP recrutent du personnel qu'elles mettent à disposition d'une entreprise utilisatrice pour une mission. L'expérimentation assouplit les conditions de mise à disposition, en contrepartie des critères restreignant l'éligibilité au dispositif.
Il vise un public plus éloigné de l'emploi que la moyenne. L'ETTP doit leur proposer des actions de formation d'une part, abonder le compte personnel de formation (CPF), à hauteur de 500 euros supplémentaires par salarié à temps complet et par année de présence, d'autre part.
Prolongée jusqu'au 31 décembre 2023 pour tenir compte de la crise sanitaire, cette expérimentation est arrivée à échéance voilà dix mois. La proposition de loi entend la prolonger pour une durée de quatre ans.
S'il y a controverse, c'est que le CDIE est à certains égards plus flexible que le CDI intérimaire. Le secteur de l'intérim dénonce une situation inéquitable - j'y reviendrai.
L'évaluation de l'expérimentation a connu des rebondissements : un premier rapport intermédiaire a été remis au Parlement en 2022, mais le rapport de l'Igas de juillet 2023 n'a été rendu public que le 25 octobre 2024, à la veille de l'examen en commission.
L'article 1er relance l'expérience pour quatre ans et resserre les conditions d'éligibilité en prévoyant que les demandeurs d'emploi devront être inscrits sur les listes de France Travail depuis douze mois - six mois pour les salariés de plus de 55 ans ou les moins de 26 ans ayant une formation de niveau inférieure au bac.
L'article 1er ter renforce le droit des salariés embauchés par une entreprise utilisatrice à l'issue d'une mise à disposition : ils pourront rompre leur CDIE sans préavis, et la durée des missions préalablement accomplies dans l'entreprise sera prise en compte pour le calcul de l'ancienneté et de la période d'essai.
Ces droits alignent le régime de mise à disposition du TTP sur celui applicable au CDI intérimaire, sachant que la moitié des salariés en CDIE sont recrutés par l'entreprise utilisatrice à la suite de leur mission.
La commission a adopté sans modification la proposition de loi.
Le CDIE est-il ciblé sur les salariés les plus éloignés de l'emploi ? Environ 80 % des salariés en CDIE sont éligibles au titre de leur inscription sur les listes de Pôle emploi ou de leur niveau de diplôme infra-bac : leurs difficultés d'insertion ne sont pas à démontrer. Ce meilleur ciblage répond aux écueils soulevés par le rapport de l'Igas.
Les ETTP font-elles une concurrence déloyale au secteur de l'intérim ? Le chiffre de 12 % de différence de coût sur la masse salariale, non sourcé, correspond en réalité à une différence de modèle d'entreprise. Nous avons entendu les inquiétudes, parfois légitimes, mais un travail de bonne foi des parties prenantes doit pouvoir dissiper les réserves qui demeurent. Les services de l'État devront assurer l'accompagnement.
Il faudrait commencer par établir une convention collective de branche pour le secteur du travail à temps partagé, ou le rattacher à une branche existante. Une convention gagnerait également à être conclue avec un opérateur de compétences (Opco), afin de sécuriser les abondements au CPF. Pour ce faire, les partenaires sociaux doivent se mettre à la table des négociations ; les services déconcentrés de l'État devront assurer un suivi robuste.
Le CDIE est une mesure novatrice pour un public fragile sur le marché du travail. Il offre des souplesses aux entreprises mais évite le risque de permittence des personnes les plus éloignées de l'emploi.
La commission vous invite à adopter ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que du RDPI)
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tous, nous voulons agir pour atteindre le plein emploi, pour que ceux qui ont perdu leur place dans la société la retrouvent par le travail. Donnons aux personnes en situation de rupture, d'échec ou de découragement les moyens de se reconstruire.
Le marché du travail ne peut pas tout résoudre, il faut donc des outils. Expérimenté depuis 2018, le CDIE est une solution bénéfique tant pour les employeurs que pour les salariés. Aux entreprises, il offre une alternative à l'intérim, leur permettant de mutualiser les ressources humaines et d'optimiser la gestion de leur main-d'oeuvre. Aux salariés, il offre la stabilité et la sécurité financière. Il est la preuve que l'on peut concilier flexibilité et sécurité.
En 2010, alors député européen, j'ai publié un rapport sur la flexisécurité en Europe. En France, nous faisons beaucoup pour la sécurité, mais oublions l'indispensable flexibilité dont le marché a tant besoin ! La flexibilité n'empêche pas l'octroi de garanties aux salariés - que renforce cette proposition de loi, avec la possibilité pour le salarié de rompre son contrat sans préavis et la prise en compte de la durée des missions précédentes.
Le ciblage des publics, aujourd'hui trop large, vient renforcer la philosophie sociale du dispositif.
Je regrette le manque de réactivité du gouvernement précédant sur ce dossier : pas d'évaluation, publication tardive du rapport de l'Igas.
Résultat : depuis onze mois, plus aucun CDIE ne peut être conclu, faute de prolongation de l'expérimentation. Pour ne pas perdre plus de temps, la commission des affaires sociales a adopté ce texte sans modification, tout en considérant que le dispositif est perfectible.
Un meilleur suivi statistique est nécessaire, en vue d'une évaluation indiscutable. Veillons toutefois à ne pas charger la barque de France Travail, déjà submergée par ce type de collectes. Le temps passé à l'administratif, c'est du temps perdu pour l'accompagnement.
Il conviendrait d'encourager certains acteurs de l'emploi à s'emparer du CDIE, notamment les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ). Je suis également favorable au rattachement des entreprises de travail à temps partagé à une convention collective de branche. Il me semble important de confier aux partenaires sociaux la négociation des modalités de ce dispositif.
L'adoption de cette proposition de loi ne doit pas nous exonérer d'une réflexion sur la lisibilité de l'éventail de contrats disponibles : CDI apprenant, CDI intermittent, CDD insertion, CDD intérim, portage salarial, groupements d'employeurs, travail à temps partagé, prêt de main-d'oeuvre ... Cette dispersion est source de complexité pour les salariés comme pour les employeurs.
Nous sommes favorables à une prolongation de cette expérimentation parce qu'il est nécessaire d'investir dans un avenir où le travail contribue à l'épanouissement personnel et à la justice sociale.
J'ai souvent rencontré des personnes au parcours chaotique, pour qui tout semblait perdu, et qui ont finalement découvert une vocation, appris un métier, trouvé un milieu professionnel dans lequel elles s'épanouissent. Le travail reste un espace d'émancipation et d'estime de soi.
Je voterai ce texte volontiers, pour avoir accompagné ce type de salariés dans l'entreprise où j'ai travaillé ; cet engagement prend du temps mais est source de profonde satisfaction. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le travail est au coeur de la préoccupation des Français.
Depuis 2017, des réformes ambitieuses ont été menées en faveur du plein emploi : lycées professionnels, assurance chômage, France Travail. Les résultats sont incontestables, notamment sur le chômage des jeunes.
Il faut agir aussi pour les publics les plus éloignés de l'emploi. C'est dans cet esprit que la loi de 2018 a prévu l'expérimentation du CDIE, pour les publics rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle : chômeurs de longue durée, bénéficiaires de minima sociaux, personnes en situation de handicap, notamment.
Le CDIE offre plus de souplesse à l'employeur que le CDII, du fait de l'absence de limite de temps et de justification du recours. En contrepartie, l'ETTP doit proposer au salarié des formations qui le font monter en qualification et abonder son CPF de 500 euros supplémentaires par an.
L'expérimentation, qui devait s'achever au 31 décembre 2021, a été prolongée une première fois, de deux ans. Il nous appartient de décider de la suite.
Les données disponibles sont très incomplètes. Environ 5 000 CDIE ont été signés, dont 1 500 seraient en cours.
La mission d'évaluation de l'Igas porte un regard très critique sur le dispositif, le jugeant trop confidentiel et constatant des détournements. Les inspecteurs généraux doutent de son effet en matière d'employabilité.
Ces conclusions nous paraissent particulièrement sévères au regard de la crise sanitaire, qui a entravé le déploiement du dispositif. Nous soutenons la réactivation de l'expérimentation en vue d'une évaluation plus approfondie.
Le dispositif nous paraît avoir rempli une bonne part de ses objectifs : près de 80 % des titulaires de CDIE étaient inscrits à France Travail depuis au moins six mois ou présentaient un niveau de formation inférieur au CAP ou BEP ; et près de 46 % ont été embauchés en CDI à l'issue de leur mission.
Nous voterons ce texte qui prolonge l'expérimentation de quatre ans en apportant au dispositif des évolutions bienvenues. En particulier, il en resserre les conditions d'accès pour un meilleur ciblage. Le salarié sera également sécurisé : en cas d'embauche en CDI, il sera dispensé de préavis et une partie de son ancienneté sera reprise.
Nul ne doit être laissé au bord du chemin de l'insertion professionnelle.
Mme Guylène Pantel . - Le CDIE, créé en 2018, a vu son expérimentation reconduite de deux ans, jusqu'au 31 décembre dernier. Variante du CDI, il s'adresse à des publics présentant des difficultés particulières d'insertion professionnelle : chômeurs de longue durée, titulaires de minima sociaux, jeunes faiblement qualifiés, personnes en situation de handicap, notamment.
Ce contrat offre de nombreuses garanties : formations certifiantes, abondement supplémentaire du CPF, rémunération des périodes d'intermission sur la base de l'ancien salaire.
Mais la durée d'une mission et le nombre de renouvellements ne sont pas limités. Ce dispositif est donc précaire pour le salarié, qui pâtit d'un rapport de force défavorable lors des négociations. Les conventions collectives ne protègent pas les salariés, qui ne bénéficient pas non plus des avantages liés au comité social et économique.
Comme le relève l'Igas, le principal intérêt du CDIE est ainsi de faire travailler des salariés sans limite de temps, tout en ayant la faculté de s'en séparer rapidement. En 2018, le RDSE a salué l'intention de favoriser l'insertion professionnelle, mais mis en garde contre des effets pervers.
Une pérennisation n'aurait pas été judicieuse, mais nous nous satisfaisons des évolutions apportées au dispositif par les députés, à la lumière notamment des travaux de la mission flash de l'Assemblée nationale. Le RDSE est donc plutôt ouvert à redonner sa chance à l'expérimentation.
M. Olivier Henno . - (Mme Frédérique Puissat et M. Laurent Burgoa applaudissent.) Je salue le travail rigoureux et efficace de la rapporteure.
Nous sommes toujours favorables à la facilitation du retour à l'emploi et à la défense de la valeur travail. Comme le disait Raymond Barre, la meilleure façon de lutter contre le chômage, c'est de faciliter l'emploi sous toutes ses formes. (M. Yannick Jadot ironise.)
Issu d'une initiative de terrain, le CDIE s'est vu conférer une base légale par amendement parlementaire, lors de l'examen de la loi de 2018, avant que son expérimentation ne soit prolongée jusqu'au 31 décembre 2023.
Ce CDIE, plus souple que le CDII, évite notamment à l'employeur de justifier le recours et peut être renouvelé sans limitation. Il vise des personnes plus éloignées de l'emploi, dont l'ETTP doit accompagner la montée en qualification.
La proposition de loi Turquois ne prévoit plus la pérennisation de l'expérimentation, mais sa simple prolongation. De fait, la montée en charge plutôt lente du dispositif nous prive de données suffisantes pour prendre une décision définitive. Au reste, il est regrettable que le rapport de l'Igas ait été communiqué au Parlement quinze mois après sa remise.
Ce rapport exprime des réserves, mais les ajustements apportés au dispositif par la proposition de loi y répondent, rendant celui-ci plus pertinent et plus robuste. Nous estimons que quatre ans supplémentaires d'expérimentation seront suffisants pour conclure.
Les critères d'éligibilité sont revus pour recentrer le dispositif sur les personnes en ayant le plus besoin. Les droits et garanties du salarié sont renforcés lorsqu'il est embauché en CDI par l'entreprise utilisatrice : il sera dispensé de préavis et verra son ancienneté reprise.
Le groupe UC est favorable à la poursuite de cette expérimentation aux contours sécurisés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)
Mme Silvana Silvani . - Ce texte prolonge l'expérimentation du CDIE, supposé faciliter l'accès à l'emploi et lutter contre la « smicardisation » de la société - 17,3 % des travailleurs sont rémunérés au Smic, un niveau historique, en hausse de cinq points en moins de deux ans.
La généralisation du dispositif était initialement envisagée. Face à l'hostilité des organisations syndicales unanimes, mais aussi des agences d'intérim, et à l'indifférence manifeste des entreprises, les parlementaires se sont rabattus sur une prolongation de quatre ans.
Il aura fallu un an et demi pour que le Gouvernement autorise la publication de l'étude de l'Igas. À la lecture de celle-ci, on comprend mieux les raisons de cette rétention d'information. Le CDIE est jugé confidentiel et souvent confondu avec le CDII. Selon l'Igas, il n'est pas utilisé pour mutualiser l'emploi, mais très majoritairement pour mettre à disposition des salariés auprès d'une seule entreprise pour des durées plus longues que celles d'un intérim classique. Le rapport dénonce ainsi un CDI au rabais : les salariés ne bénéficient d'aucune convention collective, non plus que des avantages du comité social et économique (CSE).
Le CDIE, présenté comme un outil d'insertion pour les chômeurs de longue durée et les salariés âgés ou en situation de handicap, a été détourné de son objectif initial. Il concerne surtout des ouvriers ayant traversé une période de chômage. Pourquoi faudrait-il leur proposer autre chose qu'un contrat classique ?
Une nouvelle fois prolongée, l'expérimentation atteindra dix ans, sans doute un record. Les résultats obtenus ne justifient pas cette mesure. Reconnaissez que vous avez fait fausse route, au lieu de persister dans l'erreur. Nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous nous opposons à la prolongation de cette expérimentation, comme tous les partenaires sociaux de la branche du travail temporaire. L'Igas elle-même recommande de ne pas prolonger l'expérimentation, encore moins de la pérenniser. C'est parce que son rapport est sans appel que vous l'avez mis sous embargo.
Le CDIE aggrave la sédimentation et la dispersion des contrats, source de complexité. Il doit être réexaminé par l'Assemblée nationale à la lumière des travaux de l'Igas. Voter ce texte conforme serait consentir à ce que le Parlement délibère sans être éclairé.
Le CDIE s'inscrit dans l'inflation de contrats dérogatoires, de plus en plus flexibles. Sous prétexte de favoriser le plein emploi, on crante à chaque fois un dispositif plus précaire - en attendant le suivant.
L'Igas montre que ce contrat cannibalise le CDII. Il n'est pas utilisé dans un objectif de mutualisation de l'emploi mais, très majoritairement, pour mettre un salarié à disposition d'une seule entreprise pour une durée plus longue qu'un intérim classique.
Les entreprises se désengagent de leurs responsabilités d'employeurs. Plus le surcoût du recours au CDIE par rapport à l'embauche directe est modéré, plus ce contrat se substitue à l'embauche directe, risquant d'enfermer les salariés dans une relation triangulaire. Une distorsion est ainsi créée par rapport au CDII. De plus, aucun recours n'est prévu en cas d'abus.
Le CDIE n'est mieux-disant que sur un point : le niveau de couverture des salariés entre deux missions. Souhaitons que le dialogue social dans la branche du travail temporaire améliore la situation des intérimaires sur ce point.
Nous considérons que le CDI de droit commun doit rester la règle et les contrats atypiques, l'exception. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Monique Lubin . - Les orateurs précédents ont rappelé la genèse du CDIE. En 2018, il s'agissait d'expérimenter - pendant trois ans - un nouveau dispositif de temps partagé s'appuyant sur les ETTP, destiné aux personnes présentant des difficultés d'insertion, alors que la loi de 2005 visait plutôt des personnes qualifiées.
C'est avec attention que nous venons de prendre connaissance du rapport de l'Igas, curieusement resté sous embargo. De fait, il fait état d'un succès tout relatif - 5 000 contrats signés, dont 1 500 en cours - et n'est guère favorable à la prolongation de l'expérimentation.
Les entreprises bénéficient d'une main-d'oeuvre très flexible, avec un faible risque de requalification. On peut y voir un avantage, mais c'est une vision assez particulière du droit du travail...
Les intérêts des salariés ne dépendent que de la bonne volonté des ETTP. Or l'Igas relève une grande hétérogénéité des pratiques.
Selon l'Igas, il ne s'agit pas de mutualiser les salariés, mais de mettre des employés à la disposition d'une seule entreprise, pour des durées plus longues que l'intérim classique. L'objectif de favoriser le travail à temps partagé n'est donc pas atteint.
La Poste est l'un des plus grands utilisateurs du CDIE, alors qu'elle aurait les moyens d'embaucher par le biais de CDI traditionnels.
L'Igas estime que ce contrat n'est pas un instrument efficace de requalification : les critères sont trop larges et toutes les entreprises n'ont pas procédé à l'abondement supplémentaire du CPF. Il est à craindre que des acteurs peu scrupuleux se servent du dispositif pour enfermer des salariés dans ce type de contrats.
Ce coup de canif dans le droit du travail ne vise qu'à satisfaire des visions managériales discutables. Arguer qu'un travail avec une moindre protection vaut mieux que pas de travail du tout n'est pas acceptable. Nous voterons contre ce texte, même modifié. Il existe suffisamment d'outils en faveur de l'insertion par l'activité économique pour ne pas en créer un autre qui risque d'être détourné. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Mme Corinne Bourcier . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je remercie Frédérique Puissat pour son travail.
Le CDIE a été instauré à titre expérimental par loi du 5 septembre 2018, en s'appuyant sur la loi de 2005 relative au travail à temps partagé. La différence entre le dispositif de 2005 et celui de 2018 tient aux personnes ciblées : le CDIE vise les personnes les plus éloignées de l'emploi.
L'entreprise utilisatrice est dispensée de certaines obligations - comme la justification du recours à ce dispositif -, mais doit proposer au salarié des actions de formation certifiantes et abonder de 500 euros supplémentaires par an son CPF.
L'expérimentation, déjà renouvelée une fois, est arrivée à son terme le 31 décembre dernier.
Comme nombre d'entre vous, j'ai parcouru le rapport de l'Igas, guère favorable à une nouvelle prolongation. Je me réjouis que la pérennisation ait été abandonnée au profit d'une prolongation qui devrait permettre de renforcer la remontée des données et de corriger les lacunes du dispositif. Le texte resserre le public visé : les demandeurs d'emploi devront l'être depuis un an et non plus six mois, les seniors être âgés de plus de 55 ans.
Ce texte nous paraît s'inscrire dans la logique des réformes importantes votées par le Sénat en 2023 : retraite, loi sur le plein emploi.
Le CDIE nous semble aller dans le sens de l'accompagnement vers l'emploi de publics qui en sont éloignés. Le groupe Les Indépendants soutient donc la prolongation de son expérimentation. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains)
Discussion des articles
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le bilan des quatre ans d'expérimentation du CDIE est non conclusif. À cet égard, le rapport de l'Igas est sans appel : la prolongation n'est pas souhaitable, quand bien même elle s'accompagnerait d'une évolution substantielle du dispositif. En pratique, ce contrat se substitue à des CDII. Il ne présente donc aucune valeur ajoutée, mais risque d'enfermer les salariés dans une relation de travail triangulaire.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis défavorable, pour quatre raisons. Supprimer l'article 1er viderait le texte de sa substance. Le CDIE n'est pas un contrat précaire, puisque les salariés touchent entre deux missions une rémunération égale au dernier salaire perçu. Dans le contexte actuel - nous avons parlé lors de la séance de questions d'actualité des licenciements chez Michelin et Auchan -, peut-on se passer de 5 000 emplois qui ne coûtent rien à l'État ? Il ne s'agit pas d'une pérennisation, mais de la prolongation d'une expérimentation dans un cadre modifié. J'ajoute que le rapport de l'Igas, en fait, préconise de rapprocher le CDII des conditions du CDIE : je ne suis pas sûre que vous souhaitiez aller au bout de cette logique...
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Je regrette le délai de communication du rapport de l'Igas. Dès son entrée en fonction, Mme Panosyan-Bouvet a souhaité qu'il vous soit rapidement transmis.
Le Gouvernement a bien entendu les réserves et critiques émises à l'égard de ce dispositif. C'est pourquoi il a souhaité que la copie initiale de la proposition de loi soit revue : resserrement des critères, pas de généralisation avant une évaluation convenable.
Les personnes bénéficiaires devront être bien suivies et le dispositif doit demeurer une étape vers l'insertion professionnelle.
Avis défavorable à l'amendement.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Cinq mille emplois, dit la rapporteure, c'est bon à prendre. Mais, je le répète, il y a substitution de CDII par des CDIE ; il ne s'agit donc pas d'emplois nouveaux.
En outre, si un rapprochement entre CDIE et CDII est envisagé, ce ne sera pas pour accroître la flexibilité et faire disparaître le risque de requalification, mais pour améliorer la rémunération de l'intermission.
Mme Silvana Silvani. - Je salue l'enthousiasme de la rapporteure pour voter le texte à l'identique. C'est vrai qu'il y a urgence...
Cela dit, ce n'est pas correct ; c'est même plutôt curieux de faire des rapprochements entre des plans de licenciements scandaleux et ce type de contrat.
Si 5 000 contrats ont été signés depuis 2018, seuls 1 200 étaient en cours en 2023 : ce sont des CDD !
Ensuite, Mme la ministre prétend que le dispositif doit être évalué, mais il l'a été ! Ne disqualifiez pas le travail de l'Igas : le problème, c'est l'absence de remontée de données.
M. Grégory Blanc. - Pas plus tard que cette après-midi, j'ai eu un échange téléphonique avec le président de la chambre de commerce et d'industrie du Maine-et-Loire au sujet de Michelin Cholet : c'est avant tout un problème de sous-investissement capitalistique, pas de coût du travail.
Les annonces actuelles sont liées à ce PLF qui approche. Ne soyons pas naïfs, les entreprises veulent peser.
Pourquoi est-il si difficile de renoncer à des dispositifs pourtant évalués ? Voilà qui me rappelle le « quoi qu'il en coûte ».
S'il s'agit d'accorder davantage de souplesse, nous pouvons en discuter, mais au moins l'objectif sera clair. S'il s'agit d'augmenter l'offre d'insertion, nous pouvons en débattre dans le cadre de l'examen du PLF.
Vous allez encore alourdir le code du travail. Écoutons les organisations syndicales et les représentants du travail temporaire !
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Cet amendement de repli vise à réduire à deux ans la durée de l'expérimentation. Deux ans supplémentaires devraient suffire à confirmer ou infirmer les conclusions de l'Igas sur le CDIE.
Le texte ne doit pas être voté en l'état, ne serait-ce pour que l'Assemblée nationale puisse prendre connaissance du rapport de l'Igas qu'on lui avait caché. (On s'offusque à droite.)
Mme la présidente. - Amendement identique n°8 de Mme Aeschlimann.
L'amendement n°8 est retiré.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - J'ai conscience de la détresse des salariés ; je ne méprise pas les gens. Si nous votons le texte conforme, le Gouvernement peut promulguer la loi et relancer le dispositif.
Quatre ans, ce n'est pas disproportionné. Les ETTP déclarent ne pas arriver à faire remonter les informations ; l'expérimentation permettrait d'avoir des données plus fiables. Avis défavorable.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Le dispositif a été recalibré, et nous avons pris des engagements sur son suivi. Ce texte doit être adopté conforme pour être mis en oeuvre rapidement. Avis défavorable.
Mme Silvana Silvani. - Nous avons reçu le rapport de l'Igas le 25 octobre : l'Assemblée a donc voté un texte sans données, et vous voulez voter le texte conforme ? Je comprends mieux pourquoi le Sénat refuse les demandes de rapport !
À la demande du GEST, l'amendement n°2 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°31 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 110 |
Contre | 230 |
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le CDIE doit atteindre un objectif d'insertion professionnelle. Cet amendement restreint les conditions d'éligibilité : le CDIE ne serait ouvert qu'aux demandeurs d'emploi de catégorie A.
La notion d'inemployabilité n'existe pas dans le code du travail - elle fait d'ailleurs l'objet de critiques légitimes.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Je comprends l'objet, mais il existe plusieurs catégories de demandeurs d'emploi, A, B et C, et ces trois catégories doivent rester éligibles à un CDIE. Avis défavorable.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Même avis, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Cet amendement de repli vise à rétablir des sanctions en cas de non-respect des conditions instaurées par l'article 1er.
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a justifié la suppression de l'article 2 par l'abandon de la pérennisation du dispositif. Cet argument est spécieux ! Vous proposez une prolongation de quatre ans, sans aucune sanction !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis défavorable. Les députés n'ont pas été éclairés par le rapport de l'Igas, mais par un rapport intermédiaire et par le travail de fond de deux députés, Stéphane Viry et Fanta Berete. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'amendes que les entreprises de travail à temps partagé font ce qu'elles veulent : elles sont contrôlées par les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) et par l'Urssaf.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - La proposition de loi prévoyait initialement une généralisation du dispositif et non une expérimentation. N'allons pas alourdir le code du travail. (M. Grégory Blanc lève les bras.)
L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
L'article 1er bis est adopté.
Article 1er ter
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous proposons que soit pris en compte l'ensemble des missions accomplies dans l'entreprise utilisatrice pour le calcul de l'ancienneté. Ne reconnaître que trois mois d'ancienneté alors que des salariés ont travaillé cinq ans dans la même entreprise, voilà qui est étonnant.
Selon l'Igas, le CDIE n'est pas utilisé dans un objectif de temps de travail partagé, mais de mise à disposition de salariés au sein d'une même entreprise. La différence : le CDIE ne bénéficie pas d'un environnement de branche...
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'article 1er ter renforce les droits des salariés mis à disposition dans le cadre d'un travail à temps partagé. On passe de zéro à trois mois, pour converger avec le CDII : c'est une avancée. Avis défavorable.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
L'article 1er ter est adopté.
Après l'article 1er ter
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les salariés en CDIE sont vulnérables, et ont d'autant plus besoin des droits ouverts par une convention collective, notamment en matière de formation.
Selon l'Igas, le CDIE échappe à un encadrement qui vise à limiter les risques sociaux liés à l'externalisation de l'emploi. Or le ministre du travail encourage tous les employeurs à être couverts par un accord de branche. Après quatre ans d'expérimentation, les ETTP présentent un bilan de formation professionnelle très pauvre.
Il s'agit de rendre obligatoire l'ouverture d'une négociation de branche ou son adossement à une branche existante.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis défavorable. L'obligation légale de négocier ne change rien à l'intention réelle des partenaires sociaux.
Alors que l'on termine l'examen de ce texte, j'en viens à ma liste de courses, madame la ministre : il est urgent d'évaluer le dispositif sérieusement, et de permettre aux ETTP de se rapprocher d'une convention collective et d'un opérateur de compétences.
Enfin, le CDII est un bon dispositif. Dans la continuité du rapport de l'Igas, réfléchissons à sa borne temporaire et à une forme de flexisécurité pour un tel contrat.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Engager une négociation avant l'évaluation de l'expérimentation me semble décalé. Il n'est pas prudent d'imposer des objets de négociation dont les partenaires sociaux ne se sont pas eux-mêmes saisis. Le Gouvernement partagera les modalités de cette évaluation de façon lisible, en associant les parlementaires qui le souhaitent.
M. Grégory Blanc. - J'ai entendu l'ensemble des codicilles présentés par madame la rapporteure, mais alors quel serait l'avantage opérationnel du CDIE ? Il n'y en a plus. CQFD.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je n'ai jamais entendu un argument aussi spécieux : il n'y aurait pas lieu de prévoir des sanctions pour non-respect de la loi que nous nous apprêtons à voter car il s'agirait d'une expérimentation ? C'est incroyable ! Si le salarié est resté 18 mois dans l'entreprise, il perd 15 mois d'ancienneté ; et s'il est resté cinq ans, c'est 57 mois qu'on lui chourave !
Mme Silvana Silvani. - L'évaluation ne vient pas de commencer ! Le dispositif existe depuis 2018, il a fait l'objet de deux rapports. Comment peut-on dire qu'il faut attendre quatre ans de plus pour en tirer des conclusions ? L'expérimentation n'aura pas duré quatre ans, mais dix !
D'ailleurs, avec toutes les conditions que vous proposez, le dispositif retombe dans le droit commun. Pourquoi donc le mettre en place ?
L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Monique Lubin . - Mes chers collègues, je vous ai entendus plusieurs fois fustiger le manque d'études d'impact, rappeler l'importance des partenaires sociaux, comme nous au reste. Or vous vous apprêtez à voter une proposition de loi fondée sur rien du tout, après que le rapport très négatif de l'Igas a été - pourquoi ? - mis sous le boisseau. Et tous les partenaires sociaux de la branche du travail temporaire se sont accordés pour refuser le texte. Pourquoi donc vous acharner à voter cette prolongation, qui dans quatre ans se terminera par une généralisation - on le sait bien !
C'est mettre un nouveau coup de canif dans le code du travail !
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme Pascale Gruny, vice-présidente de la commission. - Je remercie notre rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.) Le texte est arrivé tardivement, alors même que nous examinons le PLFSS. Je remercie les collègues qui ont enrichi le débat, même si nous ne sommes pas d'accord, bien sûr. Je vous remercie également, madame la ministre : vous repartez avec une liste de courses, nous saurons vous le rappeler. (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
Conférence des présidents
Mme la présidente. - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat.
En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.
Demain, jeudi 7 novembre, se tiendra une séance de commémoration, en présence du Premier ministre, du 80e anniversaire de la séance inaugurale de l'Assemblée consultative provisoire du 9 novembre 1944.
Prochaine séance, mardi 12 novembre 2024, à 18 h 30.
La séance est levée à 19 h 50.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 12 novembre 2024
Séance publique
À 18 h 30 et le soir
1. Débat sur le thème : « Nouvelle Commission : quelle politique européenne et quelle influence pour la France ? » (demande du groupe Les Républicains)
2. Débat sur le thème : « Gestion de l'eau : bilan de l'été 2024 et perspective pour mieux gérer la ressource » (demande du groupe Les Républicains)