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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Avenir des industries en Meuse
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation
AMI « Rebond industriel » pour Morlaix communauté
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation
Défense de nos industries stratégiques
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation
Traitement des déchets de l'amiante
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation
Surveillance sanitaire de l'acide trifluoroacétique
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation
Écocontribution et avenir de la filière bois
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation
Gendarmeries : loyers impayés par l'État
M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien
Lutte contre les infractions et atteintes faites aux élus
M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien
Enseignants non remplacés dans le secondaire
Mineurs non scolarisés à Mayotte
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Difficultés dans l'ostréiculture
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Problèmes assurantiels des collectivités territoriales
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Bonification de retraite pour les élus locaux
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Ligne nouvelle Paris-Normandie
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Dotations de l'État aux collectivités territoriales
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance
Suivi des agents de la fonction publique
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance
Budget des centres régionaux de dépistage des cancers
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance
Référents handicap dans les universités
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance
Surpopulation carcérale en Guadeloupe
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
Droit de préemption pour la protection des terres agricoles
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
Inquiétudes des jeunes agriculteurs
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
Viticulteurs ayant souscrit une double assurance sanitaire et climatique
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
Interdiction de la benfluarine
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
Crise agricole et absence de réponses
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
Faillites des constructeurs de maisons individuelles
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
Diagnostic de performance énergétique
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
Pénurie de logements à Paris et dans les grandes villes
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
Coût du carburant en Guyane et aux Antilles
M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer
Absentéisme des agents de la Ville de Paris
Démission et remplacement d'un sénateur
Cour de justice de la République (Prestation de serment)
Repérage des troubles du neuro-développement (Deuxième lecture)
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure de la commission des affaires sociales
Renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme (Conclusions de la CMP)
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat de la CMP
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
Discussion du texte élaboré par la CMP
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Convention des Nations unies sur le droit de la mer (Procédure accélérée)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. André Guiol, rapporteur de la commission des affaires étrangères
Individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes (Procédure accélérée)
Mme Marie Mercier, auteur de la proposition de loi
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Ordre du jour du mercredi 6 novembre 2024
SÉANCE
du mardi 5 novembre 2024
13e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
Secrétaires : Mme Marie-Pierre Richer, M. Mickaël Vallet.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral, est adopté.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Avenir des industries en Meuse
Mme Jocelyne Antoine . - La Meuse connaît des vagues de désindustrialisation successives aux répercussions économiques et sociales dramatiques sur un territoire rural déjà fragilisé. Plusieurs entreprises, anciens piliers de l'emploi local, font face à de graves difficultés : 130 emplois sont menacés à la papeterie centenaire Stenpa à Stenay, au bord du gouffre moins d'un an après sa reprise par un fonds d'investissement étranger, faute d'investissements. Nouveau coup dur, Bonduelle annonce la fermeture de son site de Saint-Mihiel : 159 salariés risquent de perdre leur travail. Sans un engagement fort de l'État, la désindustrialisation de nos territoires ruraux ne pourra être évitée. Dans la Meuse, où l'industrie constitue le dernier rempart contre l'exode rural, ces fermetures accélèrent la baisse démographique et le vieillissement de la population de nos petites communes rurales.
Dans ce contexte sombre, heureusement, il y a parfois des éclaircies. Des salariés se réunissent en société coopérative participative (Scop) pour donner un nouveau souffle à leur entreprise, comme chez l'emblématique fabricant de laine Bergère de France et La Meusienne, producteur de tubes en acier inoxydable. Mais un accompagnement technique et financier important est nécessaire pour que ces initiatives soient couronnées de succès.
Je vous accueillerai avec plaisir dans mon département. Comment préserverez-vous l'emploi industriel et accompagnerez-vous les entreprises en difficulté ? Réviserez-vous la loi Florange pour éviter que des fonds d'investissement ne se retirent sans investir durablement ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - Merci de votre invitation. Avec les ministres Antoine Armand et Marc Ferracci, l'État est aux côtés des salariés, de leurs représentants et des élus locaux pour préserver les sites et les emplois.
Pour chacune des situations, l'État a favorisé, avec les élus locaux, des reprises avec des succès notables comme la Scop de Bergère de France. Les services de l'État, pleinement mobilisés, s'assurent aussi que les projets de reprise reposent sur une vision industrielle pérenne et une stratégie de moyen ou de long terme. Vos territoires doivent se développer sans être soumis à des stratégies d'investissement agressives. L'État est très attentif à ces sujets à fort enjeu d'aménagement de nos territoires, notamment ruraux.
AMI « Rebond industriel » pour Morlaix communauté
M. Jean-Luc Fichet . - Morlaix communauté s'est portée candidate fin septembre 2022 à l'appel à manifestation d'intérêt national (AMI) France 2030 « Rebond industriel », qui vise à accompagner 54 projets industriels, pour un potentiel de 110 millions d'euros et 300 emplois créés, sur des territoires touchés par des restructurations économiques.
L'agglomération de Morlaix a été l'un des neuf territoires retenus en décembre 2022, avec une phase d'ingénierie de janvier à avril 2023 et la mise à disposition d'un cabinet de conseil pour 100 jours-hommes, puis une phase d'investissement sur 12 à 18 mois mobilisant 1,5 million d'euros de soutien à l'investissement productif, pour financer des projets industriels innovants et structurants pour le territoire. Un comité de pilotage (copil) a identifié, de janvier à avril 2023, les projets et les structures porteuses, afin d'opérer rapidement un choc industriel. Les dossiers priorisés et validés par le copil territorial devaient être soumis au copil ministériel le 4 octobre 2023.
Nous sommes en octobre 2024, le choc industriel prévu n'est pas arrivé : seules deux entreprises ont été financées, à hauteur de 340 000 euros. Trois entreprises sélectionnées ne sont pas financées : Hemarina, entreprise innovante dans la transplantation d'organes, Sermeta, entreprise industrielle phare du pays de Morlaix, et Ineo Défense. Disposeront-elles des sommes promises, levier à leur investissement ? Si tel n'est pas le cas, que deviennent les fonds non utilisés fléchés pour les entreprises du Pays de Morlaix ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - En complément des moyens d'ingénierie, le dispositif « Rebond industriel » soutient des projets participant à la dynamique de rebond et de diversification du tissu industriel. Les projets recherchés doivent être matures, avec un fort impact territorial, environnemental et sociétal. Primel Gastronomie et Bosch elm.leblanc ont bien été aidés, pour un montant cumulé d'aides de 343 700 euros, et ont signé leur contrat avec Bpifrance en décembre 2023.
Un refus a été notifié à trois entreprises : Ineo Defense n'a pu être soutenue en raison du droit européen en matière d'aides d'État. Le projet Sermeta relatif à l'industrialisation de pièces pour chaudières à gaz entre en contradiction avec les objectifs de planification écologique du gouvernement. Enfin, l'Agence de l'innovation en santé (AIS) n'a pas considéré les essais cliniques d'Hemarina suffisamment probants.
Le territoire disposait d'une enveloppe de 1,5 million d'euros ; le reliquat, plus d'un million d'euros, reste affecté au territoire de Morlaix Communauté. Les services de l'État et Bpifrance poursuivront l'identification de nouveaux projets industriels aux côtés de la communauté.
Défense de nos industries stratégiques
M. Guillaume Gontard . - Dans le Sud-Grenoblois, tout un écosystème industriel pourrait disparaître si l'usine Vencorex n'est pas reprise. Fragilisée par la concurrence chinoise et placée en redressement judiciaire, elle est au coeur de la chimie locale. Elle produit du chlore, de l'eau oxygénée, des tolonates et du perchlorate - un élément du carburant de la fusée Ariane. Le chlore sert à Framatome pour le gainage des réacteurs nucléaires. Cette fermeture aurait des conséquences en cascade catastrophiques.
Toujours en Isère, le fabricant de panneaux solaires Photowatt meurt du dumping étranger, notamment chinois, comme GE Hydro naguère. En Savoie, une usine Ferroglobe produisant du silicium a fermé en 2022 et le site de Niche Fused Alumina (NFA) a failli être liquidé.
Les plans sociaux s'enchaînent, un savoir-faire s'éteint. Le Gouvernement parle de souveraineté industrielle, mais face à la mondialisation débridée, l'État reste attentiste. Salariés et élus locaux vous alertent pourtant sur les conséquences pour l'emploi, la balance commerciale et notre souveraineté.
L'État fera-t-il pression sur les grands groupes dont il est parfois actionnaire ? Seriez-vous prêts à nationaliser temporairement Vencorex, comme pour les chantiers de l'Atlantique ? Comment stopper cette hémorragie ? À quand un véritable protectionnisme à l'échelle européenne, avec des droits de douane, des quotas et des critères sociaux et environnementaux ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - Le Gouvernement est aux côtés des salariés et des élus locaux pour sauver les usines, le savoir-faire et les emplois. Notre travail collectif a porté ses fruits pour NFA : 119 emplois ont été sauvés, alors que l'entreprise était en redressement judiciaire.
Marc Ferracci est en lien permanent avec les syndicats, la direction et les élus. Nous sommes attentifs au devenir des salariés et de la pérennité de la plateforme de Pont-de-Claix, ainsi qu'aux enjeux environnementaux et de sécurité.
Au-delà de ces cas particuliers, nous défendons nos industries stratégiques par des mesures structurelles. À l'échelle européenne, le Clean Industrial Deal doit servir à mieux protéger notre filière de l'acier. Nous instaurons des droits de douane de 30 à 50 % sur les véhicules automobiles électriques importés de Chine. Le Gouvernement sera à vos côtés pour défendre l'industrie et notre souveraineté.
M. Guillaume Gontard. - Il est urgent d'intervenir pour Vencorex : plus de 500 emplois sont menacés. C'est l'ensemble de la chimie en France qui risque de s'effondrer. Nous souhaiterions que le ministre Ferracci et le Premier ministre se rendent sur place. C'est tout un écosystème qui est menacé, avec à la clé des implications très graves pour notre souveraineté.
Traitement des déchets de l'amiante
Mme Michelle Gréaume . - Avec 100 000 victimes à l'horizon 2025, l'amiante est un scandale sanitaire historique. L'immense chantier du désamiantage et du traitement des déchets est un enjeu de santé publique et de sécurité sanitaire. Quelque 97 % des 300 000 à 600 000 tonnes de déchets par an eux sont enfouis.
Des solutions de remplacement sont en cours de développement ou existent déjà, notamment l'inertage par vitrification qui détruit totalement l'amiante. Dès 2014, un rapport sénatorial préconisait déjà la mise en place d'une structure interministérielle de coordination publique. Des associations de victimes proposaient la création d'un pôle public d'éradication de l'amiante. La feuille de route pour le traitement du désamiantage des déchets, inscrite dans la loi Économie circulaire et attendue pour 2023, n'a toujours pas été publiée. Il semble qu'aucun projet ne soit en cours pour trouver des méthodes autres que l'enfouissement. Cette inaction, couplée aux coûts importants demandés par les entreprises spécialisées pour démonter et évacuer les déchets, conduit à des comportements inadaptés et dangereux, ainsi qu'à des dépôts sauvages de déchets hautement toxiques.
Quelle suite donnerez-vous aux préconisations émises depuis dix ans en matière de recyclage des déchets ? Le Gouvernement veut-il constituer une véritable filière de repérage, de détection et d'éradication de l'amiante ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - Ces déchets dangereux ont des modalités de transport, de traçabilité et de traitement particulièrement encadrées tant au niveau français qu'européen. La loi Économie circulaire a renforcé les moyens d'action du maire et les sanctions contre les auteurs de dépôts sauvages, et a permis la mise en place en 2023 de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) de matériaux et produits de construction du secteur du bâtiment afin de faciliter, entre autres, la prise en charge des déchets amiantés.
La solution de traitement privilégiée à l'échelle européenne reste l'enfouissement. Bien que ne détruisant pas les fibres d'amiante, il constitue un moyen sûr de traiter ces déchets et d'éviter leur dispersion dans l'environnement. Pour autant, les méthodes autres que l'enfouissement font l'objet d'une attention particulière en France. L'inertage par vitrification reste à ce stade d'une capacité très limitée avec des coûts bien supérieurs au stockage. Fin 2021, les travaux de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) et du Conseil général de l'économie ont permis d'identifier en France quatre projets de procédés thermochimiques, dont l'efficacité doit être confirmée. L'État encadre actuellement une étude auprès de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) visant à s'assurer de leur viabilité technique ; des expérimentations sont en cours. Par ailleurs, des travaux sont menés sous l'égide de la Commission européenne.
COP 29 de Bakou
Mme Marie-Arlette Carlotti . - La COP 29 se tiendra à Bakou du 11 au 22 novembre 2024. Les pays les plus riches ont accepté de mobiliser collectivement 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à s'adapter au changement climatique. Un nouvel objectif de financement devrait être formalisé lors de la COP 29, mais pourquoi avoir choisi l'Azerbaïdjan, un pays qui vit des hydrocarbures, notamment russes ? Cet État autoritaire présente un bilan désastreux en matière de droits de l'Homme et réprime toute opposition dissidente - notamment des manifestations pour la défense de l'environnement et de nombreux journalistes. Un opposant, réfugié sur le territoire français, vient même d'être assassiné. L'Azerbaïdjan mène des opérations hostiles contre la France en Nouvelle-Calédonie, nous traitant de colonisateurs. Il n'est pas une grande puissance militaire, mais une puissance d'influence malveillante.
Enfin, ce pays met en cause l'intégrité territoriale de l'Arménie et pratique le nettoyage ethnique sur 100 000 Arméniens dans le Haut-Karabagh. Ses plus hauts responsables, Aliyev en tête, évoquent une guerre prochaine. La COP 29 de Bakou sera la COP de la honte. Une quarantaine de ministres vont y participer, dont notre ministre de la transition écologique. La France a-t-elle fait entendre fortement sa voix pour dénoncer ce lieu ? Aura-t-elle un message fort à l'encontre de ce régime qui porte atteinte aux droits de l'homme et qui remet en cause la liberté dans l'ensemble de la région ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - Fin 2023, les Nations unies ont choisi l'Azerbaïdjan pour présider la COP 29 en fonction de leurs propres règles et en suivant le principe de rotation géographique. L'Azerbaïdjan a été choisi par consensus par le groupe Europe de l'Est, l'un des cinq groupes géographiques de l'ONU.
La France, fidèle à son engagement climatique et à son héritage de l'accord de Paris de décembre 1995, reste pleinement engagée dans les négociations climatiques. C'est pourquoi la ministre Agnès Pannier-Runacher se rendra à Bakou pour la COP 29. Les enjeux sont importants : s'accorder sur le nouvel objectif collectif quantifié qui doit succéder à l'objectif des 100 milliards de dollars par an. Sur la base de l'article 6 de l'accord de Paris, il s'agira de définir un cadre international aux marchés carbone et de définir le cadre des futures contributions nationales afin que chaque pays actualise son programme de baisse d'émissions et respecte la trajectoire de 1,5 degré.
Pour autant, les droits de l'Homme sont au coeur de notre diplomatie. Lors de cette COP 29, nous serons très vigilants sur la participation de la société civile et sur le respect de ses droits, conformément aux règles des Nations Unies. Nous avons transmis des messages en ce sens à la présidence azerbaïdjanaise.
Surveillance sanitaire de l'acide trifluoroacétique
Mme Anne Souyris . - Plusieurs rapports du Réseau européen d'action sur les pesticides et de Générations futures ont révélé, cet été, une contamination massive de l'eau par un polluant éternel, l'acide trifluoroacétique (TFA) : 100 % des eaux de surface et souterraines testées sont contaminées - et pire, 94 % des eaux du robinet. La concentration de TFA dans l'eau du robinet dépasse souvent la limite européenne du total de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) autorisée fixée à 500 nanogrammes par litre, avec une moyenne de 740 nanogrammes de TFA par litre.
À Paris, la contamination explose avec une moyenne de 2 100 nanogrammes par litre. Rien de surprenant, car les zones de captage de l'eau potable ne sont protégées ni de l'épandage de pesticides, probable responsable de la présence de TFA, ni des forages pétroliers, responsables de la pollution aux hydrocarbures, comme à Nonville, en Seine-et-Marne, où Eau de Paris et la Ville de Paris attaquent en justice deux projets de forage. Rien n'est possible sans une aide systémique de l'État afin d'obliger les industries polluantes à prendre des mesures de prévention.
Le plus alarmant reste l'absence de surveillance toxicologique de ces composés chimiques, malgré les alertes des scientifiques. La classification du TFA comme « métabolite non pertinent » par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) le place en dehors de tout cadre réglementaire contraignant. Pourquoi ? L'Allemagne a récemment demandé de classer le TFA comme substance reprotoxique. Ce polluant éternel s'accumule inéluctablement dans l'eau tant que les sources de ce métabolite sont utilisées et répandues dans l'environnement. Le Gouvernement va-t-il se saisir de ce sujet ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - Dès novembre 2022, le Gouvernement a saisi l'Anses afin qu'elle détermine des valeurs toxicologiques de référence pour les PFAS et qu'elle dresse un bilan de la contamination des milieux, notamment de l'eau, par ses composés. Ces éléments font partie intégrante du plan d'action interministériel sur les PFAS d'avril 2024. Le taux de TFA dans les eaux est mesuré dans le cadre de la campagne nationale exploratoire 2024-2026 du laboratoire d'hydrologie de Nancy.
La Commission européenne a demandé à l'Allemagne de soumettre un dossier de classification pour le TFA à l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en mars 2024. L'issue de ces travaux nous éclairera sur la pertinence de ce métabolite. En juillet 2024, la Commission européenne a saisi l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour qu'elle fixe les valeurs toxicologiques de référence pour le TFA. Les conclusions de ces travaux, attendues pour fin octobre 2025, contribueront à déterminer les valeurs de gestion dans les différents milieux - dont les eaux - fondées sur des données scientifiques validées par la communauté internationale. Compte tenu de ces travaux déjà engagés, il n'apparaît pas opportun, à ce stade, de solliciter de nouvelles expertises.
Mme Anne Souyris. - Il existe le principe de précaution ! L'Allemagne a déjà classé le TFA comme substance neurotoxique. Pourquoi la France ne fait-elle pas de même en attendant les résultats de cette étude ?
Écocontribution et avenir de la filière bois
M. Simon Uzenat . - La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec a introduit la responsabilité élargie des producteurs (REP) des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB). L'objectif était de réduire le prix des produits vertueux pour l'environnement - or les textes d'application produisent l'effet inverse, en particulier pour le bois.
Selon la Fédération nationale du bois (FNB), l'écocontribution pour 2025 s'élèverait, après la hausse de 50 % prévue, à 15 euros la tonne de bois commercialisée, contre 1 ou 2 euros la tonne de béton ou d'acier. Un arrêté du 1er mars 2024 a modifié le cahier des charges de la REP PMCB, mais les inquiétudes demeurent.
Comment comptez-vous garantir la cohérence entre les ambitions affichées en matière de décarbonation et l'équité économique et écologique de la contribution des entreprises ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - La mise en place de cette filière était attendue, notamment des collectivités locales qui assument une part des coûts de gestion des déchets du bâtiment.
De récents arrêtés contraignent les éco-organismes à différencier, dans les barèmes d'écocontributions, les produits en bois frais de ceux en bois secs et rabotés, majoritairement importés ; les éco-organismes doivent prévoir un abattement de contribution pour les produits engendrant des déchets les mieux valorisés. Le gain pour la filière serait de près de 45 millions d'euros. Un projet de décret, en cours de validation, vise à mutualiser les obligations de reprise sans frais des distributeurs de PMCB entre sites proches. Le gain pour l'ensemble de la filière REP serait d'au moins 180 millions d'euros.
Enfin, les éco-organismes ont mis en place des primes en faveur des produits intégrants des matériaux issus de ressources renouvelables gérées durablement et sont incités à les amplifier.
Gendarmeries : loyers impayés par l'État
Mme Céline Brulin . - Les loyers des casernes de gendarmerie impayés par l'État devraient être régularisés d'ici à la fin de l'année. Mais la situation pourrait perdurer l'an prochain en raison de l'insuffisance des crédits inscrits dans le budget pour 2025.
Selon un rapport du Sénat, l'enveloppe allouée aux travaux de casernes est inférieure de 50 % aux besoins. À Terres-de-Caux, en Seine-Maritime, les loyers ne suivent pas les taux d'intérêt des emprunts contractés pour financer la construction du casernement ; le déséquilibre financier atteindrait cette année 35 000 euros.
Contrairement aux déclarations selon lesquelles elles contribueraient au déficit, les collectivités territoriales assurent le service public en construisant ces bâtiments pour le compte de l'État. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer qu'elles ne seront pas pénalisées par cet engagement ?
M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien . - En raison de l'engagement exceptionnel de nos forces de sécurité intérieure, notamment en Nouvelle-Calédonie, le programme 152 a été doté de crédits supplémentaires et la priorité a été donnée au financement des activités opérationnelles.
Le paiement des seuls loyers de septembre, octobre et novembre dus aux bailleurs institutionnels métropolitains, soit 90 millions d'euros, a donc été retardé. Les bailleurs les plus fragiles et ceux d'outre-mer ne sont pas concernés. Un recensement des baux nécessitant une mesure d'exception est en cours.
Le ministère de l'intérieur s'engage à régler les loyers et les intérêts moratoires associés en décembre. Le ministre de l'intérieur souhaite réfléchir au modèle immobilier de la gendarmerie : le PLF 2025 prévoit ainsi de reprendre l'entretien du parc domanial.
Élu local, je sais combien les collectivités contribuent aux investissements et non aux déficits.
Mme Céline Brulin. - L'engagement des collectivités est réel : seules 649 des 3 700 casernes appartiennent à l'État. Nous serons vigilants sur le PLF 2025.
Lutte contre les infractions et atteintes faites aux élus
M. Jean-Marie Mizzon . - En Moselle, des maires excédés et épuisés ont signé un protocole relatif au traitement des infractions et atteintes faites aux élus dans le ressort de la cour d'appel de Metz, afin de renforcer la lutte contre ces faits qui se multiplient.
Ce protocole associe tous les échelons institutionnels : la fédération départementale des maires, l'association des maires ruraux, les procureurs de la République, la direction interdépartementale de la police nationale, le commandement du groupement départemental de la gendarmerie nationale et le département.
Monsieur le ministre, est-il envisageable de le promouvoir via une campagne dans les médias, qui affirmerait la volonté intraitable de l'État de mettre un terme à ces actes inadmissibles ? Il y a urgence !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien . - Ces violences inacceptables provoquent indignation et colère. Pour y remédier, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a été votée et un centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calaé) a été créé ; un numéro dédié, une expérimentation de boutons d'appel d'urgence - dont j'ai bénéficié - et une dotation de caméras ont été mis en place. La police nationale met à la disposition des associations d'élus des chargés de mission et la gendarmerie conduit des opérations #PrésentPourLesElus.
La prévention est aussi un axe majeur, notamment à travers l'enregistrement des coordonnées des élus en cas d'appel au 17 ou le renforcement de la surveillance des permanences.
S'agissant du protocole signé à Metz, vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour le promouvoir.
M. Jean-Marie Mizzon. - Les dispositifs doivent être mieux connus des administrés pour être respectés. Il est important que, en 2026, nous ayons une pluralité de candidats aux élections municipales.
Médecine scolaire
Mme Laure Darcos . - Deux rapports récents dressent un constat inquiétant de la médecine scolaire et de la santé à l'école. La démographie médicale a fortement décru entre 2017 et 2021 et les départs à la retraite vont s'accélérer. Dans l'Essonne, on compte un peu moins de 14 ETP pourvus sur 36.
Comment garder les médecins titulaires en poste ? À mon sens, en réévaluant leur grille indiciaire et en redéfinissant les objectifs de santé. Comment attirer des médecins contractuels ? Grâce à un salaire attractif et cohérent avec celui des médecins titulaires en début de carrière. Comment revaloriser un métier exercé dans des conditions précaires et assurer une meilleure coordination avec les autres professionnels de santé ? Comment mieux associer les médecins scolaires aux décisions des MDPH dans le cadre de la scolarisation inclusive ?
Comment comptez-vous revaloriser la médecine scolaire et répondre aux besoins de santé grandissants des élèves ?
M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel . - La médecine scolaire connaît de réelles difficultés : la moitié des postes de médecins scolaires sont non pourvus et les dossiers confiés à la médecine scolaire se multiplient.
Face à cela, la rémunération des infirmières scolaires a été revalorisée de 200 euros nets par mois, pour renforcer l'attractivité du métier.
Par ailleurs, avec la ministre, nous souhaitons réunir prochainement les professionnels oeuvrant à la santé des élèves pour analyser la situation et améliorer l'organisation de la santé scolaire, mais aussi les missions des personnels mobilisés, en nous appuyant sur les préconisations du rapport de l'inspection générale. Les parlementaires seront associés à cette réflexion.
Mme Laure Darcos. - Je vous remercie pour ces informations. Il s'agit aussi d'améliorer l'offre de soins permettant d'assurer le relais des diagnostics des médecins scolaires. Nous comptons sur vous.
Enseignants non remplacés dans le secondaire
M. Stéphane Le Rudulier . - Le 7 octobre dernier, j'ai été interpellé par le maire de Sausset-les-Pins au sujet de l'absentéisme grandissant que connaît le collège Pierre Matraja, notamment en français et en mathématiques. En 2023-2024, plus de 1 500 heures n'ont pas été remplacées, ce qui représente une perte de 30 % du temps d'apprentissage pour certaines classes. Nombre d'élèves sont concernés pour la troisième année consécutive.
Ces lacunes auront des effets sur leur scolarité. Sans remettre en cause les raisons légitimes justifiant l'absentéisme de ces enseignants et tout en tenant compte des effets de la crise des vocations sur le fonctionnement des collèges, force est de constater qu'aucun changement profond n'est intervenu, en dépit de la supposée action des précédents gouvernements depuis sept ans.
Quelle solution pérenne apportée à l'absentéisme des enseignants ?
M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel . - Le remplacement des enseignants absents est une priorité du Gouvernement. Nous allons tout faire pour régler cette situation que les élèves paient au quotidien.
D'abord, il faut éviter les absences en positionnant, depuis la rentrée 2024, en dehors du temps scolaire, 100 % des heures de formation et de réunion.
Ensuite, il faut améliorer l'efficacité des remplacements de moins de quinze jours, grâce au Pacte enseignant. En 2023-2024, le taux d'efficacité de ces remplacements a été multiplié par trois.
Enfin, sur les absences de plus de quinze jours dont le taux de remplacement est de près de 95 %, le ministère travaille avec les rectorats pour garantir la continuité des enseignements sur tout le territoire.
L'établissement que vous citez fait l'objet d'un suivi régulier du rectorat de l'académie d'Aix-Marseille et est prioritaire en termes de recrutements.
M. Stéphane Le Rudulier. - Il y a urgence : la justice administrative a condamné l'État à réparer le préjudice subi par des enfants ayant connu une rupture de scolarité.
Mineurs non scolarisés à Mayotte
M. Saïd Omar Oili . - À Mayotte, où la moitié de la population a moins de 25 ans et où le manque d'infrastructures scolaires est notoire, près de vingt mille enfants seraient non scolarisés, selon la Fédération des parents d'élèves. Ces chiffres sont-ils exacts ?
M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel . - Mayotte fait face à un choc démographique, lié à une forte pression migratoire. Quelque 63 800 élèves sont scolarisés dans le premier degré, soit mille de plus que l'an passé. Ainsi, 1 063 postes de professeurs ont été créés depuis 2018, et, entre 2019 et 2024, le taux de scolarisation à cinq ans est passé de 85 à 95 %. Les emplois et la solidarité nationale sont au rendez-vous.
Une convention a été signée entre l'Agence française de développement, l'association des maires de Mayotte, la préfecture et les rectorats pour accompagner la construction d'écoles. Nous renforçons aussi les moyens du centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (Casnav).
Tous les enfants présents sur le territoire ne sont pas connus de l'éducation nationale. Je ne peux vous confirmer le chiffre de vingt mille, mais, selon mes informations, entre six et dix mille enfants seraient non scolarisés, dont la moitié sont âgés de 3 ans.
À Mayotte, comme partout sur le territoire de la République, le Gouvernement fait tout pour que les enfants soient scolarisés.
M. Saïd Omar Oili. - Le rectorat, dans une réunion de concertation, m'a indiqué que 60 % des élèves de 3 ans ne sont pas scolarisés. Nous préparons un bataillon d'enfants susceptibles de tomber dans la délinquance. Selon le ministre de l'éducation nationale, il manquerait 12 000 places pour scolariser les enfants. Il faut faire en sorte que cette île devienne vivable.
Plan Destination France
M. Henri Cabanel . - La situation est incompréhensible. Le plan Destination France prévoit 20 millions d'euros, via le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), au service d'actions structurantes pour les ports de plaisance. Malgré les notifications officielles, l'incertitude règne depuis septembre et l'inquiétude est grande chez les acteurs. Certaines opérations pourraient être remises en cause. Les engagements de l'État seront-ils respectés, et dans quels délais ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Votre question, très importante, est liée au contexte budgétaire.
Les ports de plaisance et bases nautiques d'avenir soutiennent des projets collectifs et structurants. Des annonces ont eu lieu. En 2023, vingt projets ont été sélectionnés : onze au titre des « ports de plaisance exemplaires », pour 6 millions d'euros, et neuf au titre des « bases nautiques exemplaires », pour 4 millions d'euros.
Cependant, au regard des contraintes très fortes qui pèsent sur notre budget, des efforts ont été demandés, avec deux annulations de crédits. C'est l'impasse : manquent 16 millions d'euros. Depuis 2024, le Cerema a informé les porteurs de projet de ces difficultés, dont nous sommes tout à fait conscients. Les conventions de financement n'ont pas encore été signées. Pour lever ces difficultés, des discussions sont en cours : elles confirmeront ou non les subventions. Le ministère est prêt à trouver des solutions.
M. Henri Cabanel. - Je sais que vous êtes attachée à la confiance que nous accordent les citoyens. Les élus ont construit, il leur faut de la visibilité. Il serait dommage que le Gouvernement ne tienne pas ses promesses.
Difficultés dans l'ostréiculture
M. Mickaël Vallet . - Les ostréiculteurs subissent des fermetures administratives depuis deux ans, à cause d'épidémies de norovirus liées à des dysfonctionnements des stations de traitement des eaux pluviales. Tout le secteur est pénalisé. Quand un bassin tousse, tout le monde s'enrhume : en 2023, ce furent 28 jours de fermeture et 5 millions d'euros de pertes sèches.
La méthode de détection, qui ne dit rien de la virulence du norovirus, pose problème. On nous promet une nouvelle méthode, celle du programme Oxyvir 2 ; or on ne voit rien venir, et l'on s'inquiète pour l'hiver prochain.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Je connais bien le problème : en Ille-et-Vilaine, nous avons même une appellation d'origine protégée (AOP) moule de la baie du Mont-Saint-Michel ! Cette filière économique est très importante, pourvoyeuse d'emplois, et mon collègue Fabrice Loher la soutient.
Le Gouvernement a répondu à la crise en 2023-2024, avec des mesures de trésorerie et de communication. Il a mis 500 000 euros sur la table pour que les consommateurs ne se détournent pas de ces produits et a débloqué des fonds pour l'équipement en bassins de purification.
Le programme Oxyvir 2 reste insuffisant pour définir une méthode robuste et systématique de détection. Le projet Copernic vise à obtenir les données manquantes. Si la méthode est convaincante en décembre 2025, elle pourra être appliquée, après évolution de la réglementation européenne. Les fonds européens aident aussi à l'acquisition de bassins de purification.
Le Gouvernement vise l'amélioration structurelle de la qualité de l'environnement des professionnels, et les échanges avec les collectivités territoriales, auxquelles incombe la responsabilité de la qualité de l'eau, sont sérieux.
M. Mickaël Vallet. - Je vous remercie pour ce calendrier. Il nous faut des résultats très concrets. Le jour où un pays étranger grand consommateur et importateur considérera que la méthode ne lui convient pas, je crains le pire.
Problèmes assurantiels des collectivités territoriales
Mme Amel Gacquerre . - Les collectivités territoriales rencontrent de grandes difficultés à s'assurer, et les relations avec les assureurs se dégradent, entraînant des ruptures unilatérales de contrat, l'augmentation des primes et une absence de réponses aux appels d'offres.
La situation, étudiée par la mission d'information de la commission des finances du Sénat visant à « garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », s'aggrave : 60 % des communes rencontrent des difficultés, et 90 % de celles qui ont plus de 10 000 habitants.
Or les problèmes viennent de l'instabilité des contrats et des multiples dysfonctionnements du marché de l'assurance, qui se raréfie. Cet oligopole prive de choix les collectivités et le manque de concurrence les expose aux hausses de tarifs. Qu'envisagez-vous ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Cette question récurrente est très importante, nous en avons parlé hier lors du séminaire gouvernemental. Je salue le rapport sénatorial, comme celui qu'ont remis Alain Chrétien et Jean-Yves Dagesse en avril 2024.
Les risques climatiques et de cybersécurité s'accroissent, tout comme ceux liés aux violences urbaines. Le marché des assurances s'est raréfié. Ainsi, primes et franchises augmentent de manière insupportable, tandis que des appels d'offres restent sans réponse.
Nous allons mettre en oeuvre une série de recommandations de ces deux rapports, en travaillant sur une meilleure prévention et une meilleure connaissance du patrimoine des communes.
Incohérences de la loi SRU
Mme Sylviane Noël . - La loi SRU a deux effets pervers.
D'une part, la modification du seuil de tension de logement social de 20 à 25 %, imposée par le décret du 29 mars 2023, a des répercussions lourdes pour plusieurs communes de Haute-Savoie. Ainsi, la commune de Marignier a vu sa pénalité passer de 40 000 à 85 000 euros. L'équilibre budgétaire de nombreuses communes est menacé, notamment dans l'agglomération de Cluses.
D'autre part, comment expliquer que l'on applique cette pénalité quand les permis de construire ont déjà été délivrés ? Des communes actives et volontaires, déjà fragilisées par la rareté du foncier et des retards en tout genre, sont ainsi doublement sanctionnées. Leurs efforts sont méprisés.
Il faut corriger ces effets délétères !
M. le président. - C'est une excellente question.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Voici la règle générale : les communes ont une obligation de 25 % de logements sociaux. Quand la tension est limitée, une réduction du seuil à 20 % est possible. Le ratio de tension est défini tous les trois ans.
Sur la période 2023-2025, le décret a reconduit le ratio fixé à quatre demandes de logement social pour une attribution. Or l'agglomération de Cluses a vu sa tension passer de 3,98 demandes à 4,56 demandes pour une attribution : ainsi, des communes situées sur ce territoire se voient appliquer le taux commun de 25 %.
Je comprends les implications. Nous connaissons les difficultés pour construire des logements sociaux, notamment en centre-ville. Pour en tenir compte, l'État prend en compte les déclarations d'urbanisme de permis de construire, et non pas la date de livraison des logements.
Par ailleurs, la loi 3DS autorise les communes réunies en intercommunalité à signer un contrat de mixité sociale ; le préfet pourra apprécier le lissage de l'effort dans le temps.
Bonification de retraite pour les élus locaux
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Les fonctions de maire, d'adjoint au maire, de président ou de vice-président d'intercommunalité, de plus en plus prenantes et techniques, amènent certains à renoncer au moins partiellement à leur activité professionnelle, ce qui est pénalisant pour leur retraite.
Le Sénat est très attaché à une reconnaissance de leur engagement sous la forme de trimestres attribués pour un certain nombre d'années de mandat, sur le modèle de ce qui se fait pour les pompiers volontaires. Le rapport de nos collègues Canayer, Cozic et Lahellec et les assises nationales de la démocratie locale, que votre prédécesseur avait conduites, l'avaient préconisé, et c'était l'article 3 de votre proposition de loi que le Sénat a adoptée il y a quelques mois.
Quand et comment ce chantier pourrait-il aboutir ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Merci de cette question importante. Plusieurs initiatives ont été dans le bon sens, comme le renforcement de la protection des élus ou votre proposition de loi sur les secrétaires de mairie.
Le mécanisme de bonification au bénéfice des sapeurs-pompiers est très particulier, en l'absence de lien entre salariat et retraite. La situation des élus exécutifs locaux est un peu différente, parce qu'ils touchent des indemnités et paient des cotisations sociales. Par le biais de différentes lois de finances, les élus locaux peuvent décider de s'assujettir aux cotisations de sécurité sociale, la collectivité devant automatiquement s'acquitter de la part patronale.
Le Sénat a voté à l'unanimité la proposition de loi que vous avez mentionnée, il y a eu une initiative à l'Assemblée nationale qui n'est pas encore inscrite à l'ordre du jour et le Gouvernement a mené des réflexions. Le Premier ministre a indiqué vouloir avancer sur le statut de l'élu et le Gouvernement fera une proposition sans doute sous la forme de reprise d'une des deux propositions de loi. Si c'est celle du Sénat - c'est un peu la tendance... -, elle contient cette disposition.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous souhaitons que la proposition du Sénat soit inscrite à l'ordre du jour par le Gouvernement. Nous devons cette reconnaissance aux élus.
Rénovation des ponts
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Comme le montre l'effondrement la semaine dernière d'un pont dans le Var, le plan national de diagnostics demandé par la mission d'information sénatoriale a révélé l'état préoccupant de nombre de ponts et mis en exergue les lourdes conséquences induites pour les communes concernées : les études et devis complémentaires ne sont pas pris en charge au titre de la DSIL et le coût des travaux est entièrement à leur charge. On ne peut laisser les communes gérer entièrement ces projets dont la dimension s'apparente à des obligations de sécurité. La proposition n°2 du rapport d'information préconisait la constitution d'un fonds pérenne pour accompagner les collectivités territoriales dans la surveillance, l'entretien et la réparation de leurs ouvrages d'art. Y donnerez-vous suite ? Après la fin du programme national en 2025, envisagez-vous de mettre en place un nouveau programme ? Peut-être faudrait-il prévoir des crédits dans les futurs contrats de plan et fonds structurels européens ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Nous connaissons les effets des catastrophes naturelles répétées - je pense à l'Ardèche, à la Loire et à ce que vivent nos amis Espagnols en ce moment. Le programme « ponts », initié en 2020 dans le cadre du plan de relance sur la base du rapport d'information du Sénat, s'étend jusqu'en 2025. Avec l'appui du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), un diagnostic très utile de tous les ouvrages d'art ou presque a été réalisé. Il était prévu que le financement des travaux passe par d'autres fonds d'État, notamment la DETR ou la dotation d'investissement des départements. L'instruction annuelle envoyée aux préfets en février 2024 a priorisé le soutien à ces investissements de sécurité, permettant à 1 000 projets d'être soutenus depuis 2018 pour environ 125 millions d'euros. Je demanderai au Cerema, que je reçois cet après-midi, de faire un bilan des opérations et de ce qu'il reste à entreprendre. Naturellement, le Sénat sera informé, sans compter les initiatives qu'il peut prendre par lui-même.
Péages à flux libre
Mme Anne-Catherine Loisier . - Les défaillances de l'information sur les péages à flux libre ont des conséquences financières pour les usagers : la première autoroute concernée, l'A79 de Montmarault à Digoin, a enregistré en un an 180 000 impayés, 80 000 dossiers de pénalité et 600 000 courriers pédagogiques - c'est dire l'incompréhension.
L'absence de portail de télépéage laisse à penser que le tronçon est gratuit. Pour les détenteurs d'un badge de télépéage, l'opération est indolore et les habitants résidant à proximité ont globalement été informés. Mais pour des usagers occasionnels, le panneau expérimental est peu clair et, à 130 km par heure, ils ne réalisent pas ce qui se passe. Comment comprendre qu'il est possible de payer a posteriori en créant un compte sur le site internet du concessionnaire ?
En cas de non-paiement dans les 72 heures, les usagers dont les coordonnées ont été retrouvées risquent une amende de 90 euros, en plus du montant du péage, voire de 375 euros après 60 jours. Pourquoi toutes les sociétés d'autoroute ne développent-elles pas le flux libre ? La société des autoroutes du nord et de l'est de la France (Sanef) l'a mis en place également sur un trajet Paris-Normandie A13-A14 courant 2024.
Comment pourrions-nous faciliter les recours de bonne foi et harmoniser les systèmes de paiement, par exemple en proposant une plateforme de paiement unique pour tout le territoire ? Comment mieux informer les usagers ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - L'État a lancé une campagne de communication en juin 2024 pour informer les usagers via un site internet ; mais l'information n'arrive toujours qu'à ceux qui la cherchent.
Sur l'A79, des renforcements de signalisation vont être déployés. Le retour d'expérience révèle une meilleure appréhension avec la croissance continue du paiement spontané. La plateforme unique est d'ores et déjà intégrée au nouveau cahier des charges type des contrats de concession. Pendant les premiers mois d'exploitation, les sociétés exonèrent les usagers en défaut de paiement pour la première fois de majoration. L'évaluation se poursuit. François Durovray sera très attentif à cette question.
Ligne nouvelle Paris-Normandie
Mme Corinne Féret . - C'est avec stupeur que les Calvadosiens ont appris en septembre dernier l'adoption par le conseil régional d'Île-de-France d'une motion d'opposition au projet de ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN).
Ce projet d'intérêt national est pourtant vital. Annoncé par Nicolas Sarkozy en 2009, il a été soutenu par les présidents successifs et son aspect prioritaire a été confirmé à maintes reprises par la commission Mobilité 21 et par le Conseil d'orientation des infrastructures.
On ne compte plus le nombre de ministres ayant reconnu la dette ferroviaire de l'État à l'égard de la Normandie. C'est la seule solution pour augmenter la capacité d'une ligne saturée, ce qui est crucial pour favoriser le report modal de la route vers le rail pour les voyageurs comme pour le fret, contribuant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Ce n'est pas un simple projet ferroviaire de désenclavement de la Normandie, mais bien un levier incontournable de compétitivité, de modernisation et de développement durable - sans parler de la politique maritime. Pouvez-vous réaffirmer l'engagement total de l'État dans ce projet ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Je vous confirme l'attachement du Gouvernement à ce projet qui avance, puisque les sections Paris-Mantes et Rouen-Barentin sont en phase d'étude préalable à la déclaration d'utilité publique.
Nul n'ignore la motion d'opposition de l'Île-de-France, même si sa présidente avait exprimé son soutien au projet. Nous pensons qu'il y a une forte valeur ajoutée aussi pour les Franciliens. Le maître d'ouvrage SNCF Réseau a lancé une mission d'écoute auprès de l'ensemble des territoires concernés.
C'est dans le souci des besoins de mobilité de l'ensemble des territoires et le respect de leurs préoccupations que les conditions de poursuite du projet seront examinées dans les prochaines semaines. François Durovray est particulièrement attentif à ce projet essentiel.
Échangeur de La Varizelle
M. Hervé Reynaud . - Le chantier de l'échangeur de La Varizelle, à Saint-Chamond, d'un montant de près de 25 millions d'euros, inscrit dans le volet territorial du contrat de projet État-région, est à l'arrêt en raison du non-respect par l'État de son engagement, alors que les travaux préparatoires se sont achevés cet été. Où sont passés les 12 millions d'euros que l'État s'était engagé à mettre sur la table ?
Après l'annulation du projet d'autoroute A45, pour laquelle 400 millions d'euros ont été budgétés en substitution, il ne faudrait pas que les habitants de la métropole de Saint-Étienne subissent une double peine, d'autant que les liaisons entre Saint-Étienne et Lyon sont très dégradées pour les 125 000 usagers quotidiens de l'autoroute et les 21 000 usagers du TER, et pas seulement à cause des dernières inondations.
Comment l'État entend-il fluidifier les déplacements et respecter ses engagements ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Ce chantier s'inscrit effectivement dans un programme multimodal d'amélioration des mobilités entre Lyon et Saint-Étienne, décidé après l'abandon du projet d'autoroute. Une enveloppe de 400 millions d'euros venant de l'État est prévue, en plus des contrats de plan État-région.
Fin 2024, près de 190 millions d'euros auront été mobilisés, dont plus de 70 % pour le volet ferroviaire et 30 % pour les autres modes. Nul au sein du Gouvernement ne conteste la nécessité de respecter les engagements de l'État, notamment pour compléter le demi-échangeur de La Varizelle ; l'État, maître d'ouvrage, a confirmé son financement à hauteur de 50 %. Mais nous connaissons tous le contexte budgétaire, qui impose une forte priorisation dans l'allocation des ressources.
François Durovray est très attentif à votre préoccupation.
M. Hervé Reynaud. - Un projet aussi lourd à faire aboutir qui s'arrête après les phases préparatoires, ce n'est pas acceptable. La semaine dernière, il fallait autant de temps pour aller de Saint-Étienne à Lyon que de Lyon à Paris !
Aéroport d'Orly
M. Christian Cambon . - L'aéroport d'Orly, très enclavé dans le tissu urbain, génère des nuisances sanitaires et environnementales telles qu'elles peuvent réduire de trois ans l'espérance de vie des riverains. Malgré l'instauration, dès 1968, d'un couvre-feu entre 23 h 30 et 6 heures, la situation ne s'améliore pas : d'où le lancement d'une étude d'impact, en 2023, par le ministre d'alors.
Dans ce cadre, près de 225 élus, toutes tendances politiques confondues, y compris le président de la métropole du Grand Paris et le président du Sénat, se sont positionnés en faveur d'un couvre-feu à 23 heures, afin de réduire de 6 décibels le bruit, et ils ont été suivis par l'agence régionale de santé (ARS) et Bruitparif.
Le précédent gouvernement avait choisi d'attendre le renouvellement des flottes d'avion, dont les moteurs sont moins bruyants. Le nouveau ministre délégué aux transports compte-t-il suivre les élus ? Cette mesure serait utile pour améliorer la santé et le cadre de vie de nombreuses familles.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Les conclusions de l'étude d'impact demandée en 2023 ont été transmises aux ministres de la transition écologique et des transports en février dernier.
Sur ce fondement, les ministres ont soumis à la consultation du public, du 29 avril au 29 juillet, un scénario qui comporte des mesures inédites.
Le Gouvernement est attentif au réalisme des propositions. Le ministre délégué François Durovray vous tiendra informé rapidement des décisions prises.
Statut de l'élu local
Mme Marie Mercier . - Madame la ministre, aurez-vous de bonnes nouvelles à annoncer à l'occasion du Congrès des maires, qui s'ouvre bientôt ? Les maires et les élus locaux, qui dépensent toute leur énergie sans compter leur temps, sont la première porte pour la solidarité nationale.
Il est difficile de concilier l'exercice d'un mandat, la vie professionnelle et la vie familiale : comment les encourager ?
Le Sénat, leur maison, a travaillé sur cette question : en 2018, avec le rapport « Faciliter l'exercice des mandats locaux : enjeux et perspectives » ; en 2023, avec le rapport sur l'avenir de la commune et du maire en France. Le rapporteur Mathieu Darnaud avait réfléchi à la piste de l'indemnisation, mais il est difficile pour un maire de proposer l'augmentation d'indemnités. Pouvons-nous donc réfléchir à la prise en charge d'une part salariale d'un maire qui diminuerait son temps de travail ?
Par ailleurs, l'agresseur d'une maire de mon département a écopé d'un stage de citoyenneté de huit heures...
Madame la ministre, la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, issue du rapport de 2023, pourra-t-elle être inscrite à l'ordre de jour de l'Assemblée nationale ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - La création d'un statut de l'élu local, l'une de mes grandes préoccupations au Sénat, est une grande urgence : 106 communes sans candidat en 2020, les démissions, la fatigue...
Le Sénat a proposé beaucoup de mesures en faveur de la protection des élus ou encore des secrétaires de mairie. S'agissant du statut de l'élu, le texte issu du rapport de 2023, déjà voté au Sénat, serait préféré à celui qui a été déposé à l'Assemblée nationale, même s'il comportera des améliorations venant du Gouvernement ou de l'Assemblée nationale. Le Premier ministre a confirmé qu'il s'agissait d'une priorité de son gouvernement, mais le texte ne sera pas examiné avant le début d'année prochaine.
Mme Marie Mercier. - Nous connaissons votre attachement aux élus locaux ; ils sont le « sourire social » de notre pays, protégeons-les.
Dotations de l'État aux collectivités territoriales
Mme Christine Herzog . - Alors que le Premier ministre a déclaré, le 2 octobre, qu'il fallait « essayer de faire beaucoup avec peu », le sort de la DGF me semble incertain. Dans le PLF pour 2025, son montant serait identique à celui de 2024, soit 27,2 milliards d'euros. Or les compétences déléguées par l'État aux collectivités territoriales augmentent d'une année sur l'autre. Ce déséquilibre est inquiétant.
L'État a réduit de 10 milliards d'euros de la DGF entre 2014 et 2017. Pèsent aussi sur les comptes des collectivités territoriales la suppression de la réserve parlementaire en 2017 et de la taxe d'habitation en 2023, l'explosion du coût des énergies, la réduction de 60 % du fonds vert en 2025.
C'est beaucoup pour nos communes rurales ! Ce sont les premières victimes de cette politique qui délègue toujours plus et finance toujours moins. Quelle sera la trajectoire budgétaire du Gouvernement en matière de dotations aux collectivités pour 2025 ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Le Sénat, qui examinera bientôt les dotations de l'État aux collectivités territoriales prévues dans le PLF, pourra compter sur la sagesse et la responsabilité de l'État.
La dette est le deuxième poste de dépenses publiques : surendetté, l'État doit redresser ses finances - je ne critiquerai jamais les collectivités territoriales. La pérennité de nos services publics dépend de ce redressement, qui génère des contractions budgétaires, et c'est une véritable difficulté.
Le Parlement présentera sa copie, en respectant cette note de bas de page, pour éviter une crise financière - je ne rappellerai pas celles qu'ont connues certains pays européens.
Cela dit, le montant de la DGF a été maintenu et, pour le fonds vert, il faut considérer la consommation réelle en 2023.
Arrêts de travail abusifs
Mme Anne-Sophie Romagny . - Nous cherchons tous des pistes d'économies pour équilibrer le budget : l'interdiction des sites frauduleux en est une. Ainsi de ceux qui fournissent des arrêts de travail abusifs : des hommes ont été arrêtés pour douleur menstruelle ! L'identité de véritables médecins est usurpée, et ils pourraient même être sanctionnés...
Alors que j'ai interpellé à maintes reprises plusieurs ministres, ce matin, les sites sont encore en ligne - je tiens leur nom à votre disposition.
En attendant la suppression des arrêts de travail au format papier et le tout électronique sécurisé, je vous demande solennellement d'interdire sans tarder ces sites et de prendre des sanctions exemplaires contre ces abus.
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - En 2023, les faux arrêts de travail ont coûté 7,7 millions d'euros à l'assurance maladie contre 5 millions d'euros en 2022. Nous devons lutter contre les pratiques frauduleuses.
La Cnam lutte contre les fausses déclarations sociales d'indemnité journalière et cherche à mieux identifier les faux déclarants. En 2023, plus de 1 million de contrôles ont été menés par le service médical de la Cnam et plus de 77 000 reprises de travail ont été notifiées. Nous devons faire mieux.
La Cnam a engagé des procédures judiciaires à l'encontre des sites délivrant des faux arrêts de travail. Elle a également déployé un nouveau formulaire Cerfa infalsifiable, dont l'utilisation sera obligatoire à compter de juin prochain. Plusieurs sites ont été signalés par l'administration au procureur de la République, en application de l'article 40 du code de procédure pénale. Enfin, le décret du 5 juillet dernier facilite les contre-visites médicales diligentées par l'employeur.
Mortalité infantile
M. Patrice Joly . - La mortalité infantile a augmenté ces dernières années en France : en 2023, on compte quatre décès pour mille naissances vivantes ; 55 000 enfants naissent prématurément chaque année ; or ils représentent 75 % de la mortalité néonatale et la moitié des handicaps d'origine périnatale.
Sont en cause la fermeture de lits, des difficultés d'accès aux soins, la pénurie de soignants et l'insuffisance des maternités dans les départements pauvres et ruraux.
Doit-on continuer à fermer les yeux sur la tiers-mondisation de notre système de santé ? Devrons-nous, à l'instar de l'arrêté pris par la maire de Decize dans la Nièvre, Justine Guyot, légiférer pour empêcher les femmes issues des territoires ruraux de tomber enceinte ? Comment « réarmer démographiquement la France » sans moyens ?
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - Le taux de mortinatalité spontanée et de mortalité infantile stagne, voire se dégrade ; nous ne pouvons pas nous en accommoder.
La feuille de route pédiatrie et santé de l'enfant 2024 à 2030 propose d'atteindre un taux d'équipement en réanimation néonatale de 1 lit pour 1 000 naissances dans chaque région d'ici à 2027 ; d'ouvrir chaque année 600 postes d'internes en pédiatrie ; d'améliorer la qualité des données périnatales.
Il s'agit également d'« aller vers » les populations les plus éloignées du système de santé.
Nous attendons les suites du rapport d'Annick Jacquemet et Véronique Guillotin sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale.
Enfin, lorsqu'une fermeture s'impose, la priorité est d'assurer la continuité de service pour sécuriser les accouchements ; les centres périnataux de proximité jouent aussi un rôle majeur.
M. Patrice Joly. - Il faut revoir le maillage des maternités, car il a des conséquences sur le taux de morbidité. Il faut également ouvrir davantage de postes aux médecins français étudiant à l'étranger et souhaitant faire leur internat en France.
Suivi des agents de la fonction publique
M. Thierry Cozic . - La Sarthe, département rural, manque structurellement de médecins du travail. La réforme de la santé au travail issue de la loi du 2 août 2021 a conduit à de très vives tensions entre les services de prévention et de santé au travail et les entreprises adhérentes. L'association Santé au Travail 72 a décidé d'arrêter le suivi de 10 000 agents des collectivités et établissements publics. Les services de santé au travail sont débordés, ce qui expose les agents à des risques accrus de maladies professionnelles et d'accidents du travail.
Quelle est la responsabilité du Gouvernement dans cette situation ? C'est la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) des Pays de la Loire qui a demandé à Santé au Travail 72 de se dessaisir. Comment comptez-vous faire face à la pénurie de médecins au travail et garantir que les services de prévention et de santé au travail disposent des ressources nécessaires ?
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - Le décret du 10 juin 1985 impose aux autorités territoriales de veiller à la sécurité et la protection de la santé de leurs agents. Cette mission est assurée par des équipes pluridisciplinaires, dont un médecin du travail qui peut, à titre subsidiaire, relever d'un service de prévention et de santé au travail interentreprises. Mais la Dreets peut demander à ce service de cesser de suivre les agents publics s'il ne dispose plus des ressources médicales suffisantes pour mener à bien ses missions premières.
Plusieurs services de prévention de santé au travail interentreprises assurent ainsi le suivi des personnels de la fonction publique en région Pays de la Loire. La Dreets a invité le service de prévention et de santé au travail de la Sarthe à oeuvrer prioritairement dans son champ d'agrément, d'où la décision de ce dernier de ne plus assurer le suivi des agents publics, qui pourront néanmoins être suivis par le centre de gestion de la fonction publique. Par ailleurs, la Dreets va recruter quatre médecins du travail.
Budget des centres régionaux de dépistage des cancers
Mme Nicole Bonnefoy . - Le 17 octobre dernier, j'ai interrogé la ministre de la santé sur la diminution de près de 30 % des dotations des centres de coordination du dépistage des cancers en Nouvelle-Aquitaine. Réponse : la diminution du budget ne s'accompagnera pas d'une baisse des dépistages ; elle serait liée au seul transfert de certaines missions à l'assurance maladie, dont l'envoi de courriers...
La réalité est tout autre : la mission de service public de prévention et de détection des cancers est menacée en Nouvelle-Aquitaine ! Avec des dotations en diminution de plus de 26 %, le centre régional de dépistage doit renoncer à certaines actions majeures, sur le cancer du col de l'utérus ou le cancer colorectal, notamment.
Madame la ministre, comptez-vous reprendre ce dossier pour préserver les centres néo-aquitains de dépistage des cancers ?
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - En effet, avec un budget de 11 millions d'euros, alors que le financement délégué par l'agence régionale de santé (ARS) est de 9 millions d'euros, ce centre est déficitaire. C'est le résultat d'un décalage important entre les orientations prises par le centre et celles prévues par l'ARS : absence de stabilisation des effectifs, campagnes de communication qui s'écartent des directives... L'ARS va examiner la situation, afin de permettre au centre de remplir ses missions.
Tels sont les éléments que m'a transmis ma collègue. Nous ne manquerons pas de revenir vers vous pour trouver des solutions.
Mme Nicole Bonnefoy. - Plus de prévention, plus de dépistage précoce, c'est moins de personnes malades et de moindres dépenses de santé. Cette coupe budgétaire n'est pas une économie ! Madame la ministre, reconsidérez cette décision, un non-sens sanitaire et financier.
Référents handicap dans les universités
Mme Patricia Demas . - La loi du 11 février 2005 prévoit le recrutement de référents handicap dans toutes les universités de France. À la rentrée 2022, on dénombrait plus de 59 000 étudiants en situation de handicap dans l'enseignement supérieur, soit sept fois plus qu'il y a vingt ans. C'est une bonne chose, mais un étudiant en situation de handicap sur cinq n'est toujours pas accompagné. Les référents en handicap sont peu connus, peu formés, et l'on constate de grandes disparités entre universités.
Combien y a-t-il de référents handicap et comment sont-ils répartis ? Comment le Gouvernement envisage-t-il de les faire mieux connaître ?
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - Le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est pleinement investi dans l'accueil des étudiants en situation de handicap : leur accompagnement est l'un des axes prioritaires de son action.
En 2023-2024, près de 64 000 étudiants se sont déclarés en situation de handicap. Deux circulaires, du 6 février 2023 et du 10 juillet 2024, ont précisé les aménagements possibles. Un guide vers l'autonomie a été publié en octobre, avec des exemples de bonnes pratiques mutualisables. Les étudiants en situation de handicap bénéficient de quatre points de charge supplémentaires pour l'attribution d'une bourse. Cet engagement concerne tout le parcours étudiant, de Parcoursup jusqu'au plus haut niveau de formation.
Chaque établissement dispose d'un référent handicap pilote et d'un service qui peut compter jusqu'à 4,5 ETP. Deux modèles de fiches de poste ont été transmis aux établissements et le ministère anime ce réseau, avec l'association Apaches. Le budget concerné atteindra 21 millions d'euros en 2025, soit une multiplication par trois en trois ans.
Surpopulation carcérale en Guadeloupe
Mme Solanges Nadille . - Lundi dernier, à la suite d'une énième agression, les surveillants ont bloqué l'accès au centre pénitentiaire de Baie-Mahault, en Guadeloupe. J'adresse mon plein soutien au surveillant agressé et à ses collègues. Leur ras-le-bol est compréhensible !
La surpopulation carcérale explique ces agressions. Les conditions de détention sont indignes. Près de 700 détenus sont incarcérés, pour 540 places. À la maison d'arrêt pour hommes, 126 prisonniers dorment sur des matelas posés à même le sol. Le manque de moyens humains pour assurer la sécurité est criant.
La Guadeloupe n'est pas un cas isolé : les taux d'occupation dépassent les 200 % à Mayotte, les 150 % en Guyane.
Madame la ministre, le point d'alerte est atteint : il est urgent d'agir. Que comptez-vous faire face à cette situation qui ne peut plus durer ?
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - Le garde des sceaux vous remercie pour votre question qui rend hommage au travail quotidien des surveillants, parfois au péril de leur sécurité. L'agression du 27 octobre dernier est inadmissible : la personne responsable a été transférée vers un autre établissement et des engagements ont été pris auprès de l'intersyndicale afin de répondre aux attentes des agents.
Quelque 730 personnes sont incarcérées à Baie-Mahault, pour 620 lits disponibles, soit un taux de surpopulation carcérale de 149 %. Si le taux d'occupation du centre de détention est optimal, celui de la maison d'arrêt est très élevé, à 196 %. La direction de l'administration pénitentiaire tâche de désengorger autant que possible les maisons d'arrêt, une stratégie qui porte ses fruits. Des transferts réguliers vers l'Hexagone se poursuivent également.
Le centre pénitentiaire est dans une situation favorable en termes de moyens humains, avec un taux de couverture des emplois de surveillance de 94 %. La présence d'équipes locales de sécurité pénitentiaire en outre-mer sera renforcée et quatre postes supplémentaires seront créés à Baie-Mahault.
Rapatriements depuis Gaza
Mme Raymonde Poncet Monge . - La situation à Gaza est apocalyptique. Le système de santé s'est effondré : structures de santé bombardées, personnel médical visé... Les familles déplacées vivent dans un dénuement total, sans eau, sans nourriture, sans médicaments, sans soins. En mai 2024, en réponse à ma question orale sur l'accueil d'enfants palestiniens blessés, il m'avait été répondu que nous étions prêts à accueillir 50 enfants... Mais seulement 16 enfants, venus d'Égypte et non directement de Gaza, ont été accueillis. Où en est-on ?
Le 19 novembre 2023, le Président de la République a annoncé qu'un porte-hélicoptères, d'une capacité de 40 lits, prendrait en charge des civils blessés. Ces quarante lits sont-ils utilisés ?
Enfin, l'association Palmed France s'est vue refuser l'entrée de cinq médecins français à Gaza et demande que la France sollicite l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires. Monsieur le ministre, pouvez-vous intervenir ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Vous connaissez notre position constante : la France s'engage pour la reprise du dialogue politique dans la région, afin que deux États vivent côte à côte, en sécurité. Nous devons donc oeuvrer pour un cessez-le-feu, la libération inconditionnelle de tous les otages et l'accès sans entrave de l'aide humanitaire.
Sur place, la France a été la première nation occidentale à soigner des civils gazaouis, notamment à bord de notre porte-hélicoptères médicalisé, le Dixmude, qui a pris en charge de plus de 120 blessés. En France, nous avons accueilli 17 enfants palestiniens blessés ou malades.
Je rappelle aussi l'engagement de la France pour l'aide humanitaire au Liban, avec la grande conférence internationale organisée le 24 octobre, qui a permis de lever un milliard d'euros, dont 800 millions fléchés vers l'aide humanitaire.
Notre engagement est collectif, car notre sécurité est liée à celle du Proche-Orient. Nous sommes décidés à faire entendre notre voix singulière. Jean-Noël Barrot sera à nouveau dans la région jeudi.
Droit de préemption pour la protection des terres agricoles
M. Jean-Baptiste Blanc . - Les dispositifs liés au droit de préemption des collectivités territoriales pour protéger les terres agricoles sont de plus en plus détournés, et nos communes en souffrent.
Dans le Vaucluse, Caumont-sur-Durance a noué un partenariat avec la Safer (société d'aménagement foncier et d'établissement rural) visant à l'exercice d'un droit de préemption sur les terrains agricoles non acquis par des exploitants. Mais certains propriétaires se livrent à des manoeuvres pour limiter l'efficacité de ce droit, initiant des baux emphytéotiques. Si cette pratique est légale, elle sert, en l'occurrence, à perpétuer des usages non conformes de terres agricoles.
Face à ces détournements qui compromettent la protection des espaces agricoles, comment le Gouvernement compte-t-il renforcer le droit de préemption et sanctionner les stratégies destinées à en réduire la portée ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Je vous prie d'excuser l'absence d'Annie Genevard, en déplacement dans l'Aude et le Tarn auprès des agriculteurs et viticulteurs.
La question que vous soulevez est épineuse, car il est difficile de qualifier a priori le caractère frauduleux d'un bail emphytéotique dans la perspective d'une préemption. En vertu de la jurisprudence, si le bail prévoit le transfert du droit réel de propriété en fin de contrat, il est soumis au droit de préemption. Il appartient aux notaires de déterminer quels baux sont soumis à ce droit, et nous recommandons la plus grande vigilance à l'ensemble de la profession.
Quant aux Safer, elles exercent leur droit de préemption conformément à leur mission qui est de garantir le maintien de l'usage agricole. Idem pour le cahier des charges qu'elles établissent et l'étude qu'elles mènent au regard des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles.
Par ailleurs, les collectivités territoriales qui possèdent des pouvoirs d'aliénation peuvent les exercer sur des baux emphytéotiques ou se prémunir contre des constructions illicites en zone naturelle ou agricole. Ces pouvoirs ont été renforcés en 2019 par la loi Engagement et proximité.
Inquiétudes des jeunes agriculteurs
M. Alain Duffourg . - Je relaie les inquiétudes dont m'a fait part le président des Jeunes agriculteurs du Gers, au nom de la profession. Lors des manifestations de grande ampleur du début de l'année, le précédent gouvernement s'était engagé à faire droit aux demandes légitimes des agriculteurs, mais il n'en a rien été.
Certaines mesures doivent être prises en urgence. En particulier, la profession demande le maintien du dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés agricoles non bâties. L'État doit aussi respecter les engagements pris pour l'indemnisation des planteurs de coriandre.
L'élevage de palmipèdes à foie gras a été fortement touché par l'influenza aviaire. Le Gouvernement va-t-il rétablir l'aide au niveau promis, soit 85 % des pertes ?
Quant à la filière viticole, elle subit de nombreux aléas climatiques depuis trois ans : gel, grêle, pluie. S'y ajoute la surtaxe chinoise sur les exportations, notamment d'Armagnac. Comment le Gouvernement compte-t-il la soutenir ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Le Gouvernement partage votre engagement auprès des jeunes agriculteurs.
Face à la baisse des rendements agricoles due aux conditions climatiques, le Gouvernement a annoncé un dégrèvement partiel de la taxe foncière sur le non-bâti. Ce dispositif a prouvé son utilité et l'absence de démarche est gage de simplification.
Les demandes d'aide à la conversion en bio pour la coriandre ont connu cette année une hausse importante, liée au montant élevé de la prime associée à cette culture, sans lien avec l'évolution de la demande. La préfecture de la région Occitanie a appliqué un plafond de trois hectares, rehaussé à neuf hectares pour les jeunes agriculteurs.
S'agissant de l'influenza aviaire, les résultats de la stratégie vaccinale - la même qu'en 2023 - sont très satisfaisants. Les modalités de financement de la campagne en 2025 sont en cours d'arbitrage.
En ce qui concerne la viticulture, l'assurance récolte, dont le cadre a été réformé, repose sur un partage équitable du risque : les aléas courants sont pris en charge par les agriculteurs et les aléas significatifs par l'assurance récolte, dont les primes sont subventionnées à 70 % et qui indemnise à partir de 20 % de pertes ; enfin, les aléas catastrophiques sont pris en charge par la solidarité nationale.
Viticulteurs ayant souscrit une double assurance sanitaire et climatique
M. Hervé Gillé . - Confrontés à des risques sanitaires et climatiques croissants, amplifiés par le changement climatique et le recul de l'usage de produits phytosanitaires, les viticulteurs de Gironde et d'ailleurs sont très inquiets. Au gel et à la grêle se sont ajoutées ces dernières années des maladies comme le mildiou, l'oïdium ou le black-rot ; aggravées par l'humidité et les vagues de chaleur, elles s'installent dans nos vignobles.
Alors qu'il devient quasiment impossible de distinguer des dégâts liés au climat de ceux causés par les infections sanitaires, les viticulteurs qui souscrivent une assurance climatique avec complémentaire sanitaire sont pénalisés à double titre : d'une part, un abattement sanitaire est appliqué par l'État et les assureurs sur les indemnisations climatiques ; d'autre part, leur couverture sanitaire n'ouvre droit ni à la subvention de la PAC ni au fonds de solidarité nationale (FSN).
Pourquoi cette injustice ? Pourquoi la France n'inclut-elle pas les risques sanitaires dans les conditions de soutien de la PAC et du FSN, alors que l'Union européenne l'autorise ? Le climatique et le sanitaire seront de plus en plus entremêlés : il faut, à tout le moins, expérimenter une dérogation pour les viticulteurs ayant souscrit une double assurance.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Les maladies que vous citez sont des maladies courantes contre lesquelles les viticulteurs ont des moyens de lutte bien établis. En vertu du cadre européen, ces pertes sanitaires, amplifiées ou non par les conditions climatiques, ne sont prises en compte ni par le dispositif assurantiel ni par la solidarité nationale. En revanche, les aléas sanitaires plus atypiques sont pris en charge par le fonds national de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) qui bénéficie de financements publics à hauteur de 65 %.
Les règles européennes excluent une ouverture expérimentale aux viticulteurs et agriculteurs du régime dérogatoire au plan stratégique national pour la PAC. Mais la réforme de l'assurance récolte a amélioré la prise en charge des aléas affectant les viticulteurs, qui, désormais, bénéficient tous de la solidarité nationale. Et, en début d'année, les viticulteurs dont les revenus ont le plus baissé ont bénéficié d'un fonds d'urgence de 80 millions d'euros.
S'agissant de la réduction de l'usage des produits phytosanitaires, l'État travaille au développement de nouvelles solutions pour protéger les cultures. Un appel à manifestations d'intérêt a été lancé en juillet dernier : il financera à hauteur de 90 millions d'euros des projets innovants, notamment pour l'expérimentation de contrats couvrant la prise de risque liée au changement de pratiques.
M. Hervé Gillé. - Je vous demande de regarder cette situation de près : il semble que la position française soit différente de celle d'autres pays européens. La crise viticole actuelle est l'une des plus graves depuis la Seconde Guerre mondiale ! Une réponse collective s'impose.
Interdiction de la benfluarine
Mme Marie-Claude Lermytte . - Le 14 février dernier - hasard du calendrier -, j'ai exprimé ici tout mon amour pour les filières de l'endive et de la chicorée.
Le règlement européen du 20 janvier 2023 ne renouvelle pas l'approbation des produits à base de benfluarine utilisés pour lutter contre l'invasion des chénopodes. Les autorisations de mise sur le marché (AMM) sont retirées et l'utilisation des stocks n'est plus permise. Pourtant, aucune alternative n'a été trouvée, hormis un désherbage manuel fort coûteux.
Ces filières font partie intégrante du patrimoine du Nord. La maîtrise des cultures est assurée par une filière structurée, la transformation de la plante par plus de deux cents planteurs, sécheurs et torréfacteurs, qui garantissent des produits de qualité. Nos filières représentent la quasi-totalité de la production nationale et un quart de la production mondiale.
Hélas, leur avenir est incertain. Les professionnels ne demandent plus le retour du bonalan, mais nous partageons tous ce mantra : pas d'interdiction sans solution. Ne laissons pas ces filières historiques s'éteindre au profit d'une chicorée indienne à mille lieues de nos normes environnementales !
En février, le ministre de l'agriculture de l'époque affirmait que des travaux étaient en cours pour examiner les solutions de substitution parmi les herbicides autorisés et promettait des expérimentations dès cette année. Où en est-on ? Comment accompagner les filières dans l'attente des nouveaux produits ? Quel recours s'ils ne fonctionnent pas ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), la benfluarine ne répond pas aux critères d'approbation ; les méthodes d'atténuation des risques proposée par la France pour maintenir l'approbation ont également été écartées. La Commission européenne n'a donc pas renouvelé l'approbation de la benfluraline. À la demande de la France, le délai pour la distribution et l'utilisation des stocks a été porté à quinze mois.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a retiré les AMM, avec une utilisation des stocks possible jusqu'au 12 mai 2024. Cette période a été prolongée d'un mois compte tenu des pluies qui ont retardé les semis.
La filière a été tenue informée. Afin d'anticiper le retrait de la benfluraline, une dérogation a été octroyée en avril dernier pour expérimenter une autre substance. Par ailleurs, une convention portant sur 100 000 euros a été conclue avec les producteurs d'endives pour des essais de désherbage avec des molécules alternatives.
Les résultats montrent que la benfluraline est substituable dans des conditions techniques acceptables. (Mme Marie-Claude Lermytte se montre dubitative.) Les dérogations pourront être reconduites, et le désherbage des chicorées figure parmi les usages prioritaires du plan de souveraineté alimentaire pour les fruits et légumes.
Crise agricole et absence de réponses
M. Lucien Stanzione . - La filière viticole du Sud-Est est en plein désarroi. Mme Genevard est dans l'Aude pour faire de nouvelles annonces : il est temps, car la colère de nos agriculteurs ne cesse de monter. Ce matin, j'ai appris que de grandes surfaces vendent le litre de Côtes-du-Rhône de qualité à 1,90 euro... Comment voulez-vous que les viticulteurs s'en sortent ?
À quand la mise en place concrète du dispositif d'arrachage viticole dans le Sud-Est ? Pourquoi n'est-il pas conditionné à des diversifications destinées à la production alimentaire humaine ? Alors que les structures les plus fragilisées risquent d'arracher leurs vignes en totalité, l'enveloppe de 120 millions d'euros sera sûrement insuffisante.
Par ailleurs, le plan « agriculture climat Méditerranée » reste largement méconnu alors qu'il est essentiel pour l'avenir agricole de nos territoires méridionaux. Enfin, l'eau est au coeur des enjeux : sans stratégie claire ni plan de financement, que deviendront les projets d'irrigation comme Hauts-de-Provence rhodanienne ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - L'État finance des plans d'investissement pour adapter l'agriculture au changement climatique dans le cadre de France 2030 et de la planification écologique. Il a également réformé l'assurance récolte pour mieux soutenir les agriculteurs victimes de catastrophes climatiques. Ces mesures structurelles se traduisent dans divers plans sectoriels de souveraineté. En outre, l'État met en place très rapidement des dispositifs de soutien économique. Nous continuerons à appuyer les filières qui en auront besoin, comme le prouvent les annonces récentes aux éleveurs victimes de maladies vectorielles.
La filière cerise a perçu 3,6 millions d'euros au titre de l'aide exceptionnelle de 2023, et a également bénéficié d'un guichet dédié au financement d'agroéquipements spécifiques pour accompagner la lutte contre les ravageurs et les conséquences du changement climatique.
La filière lavandicole bénéficie d'un accompagnement important. Un dispositif d'assistance technique de 1,1 million d'euros, géré par FranceAgriMer, sera prochainement lancé. Le travail de construction mené par l'État et la filière a permis de définir des actions structurelles.
Comptez sur la ministre de l'agriculture pour apporter des réponses rapides aux situations d'urgence que connaissent nos agriculteurs.
Faillites des constructeurs de maisons individuelles
M. Jean Hingray . - Entre janvier et mars 2024, 284 entreprises de construction de maisons individuelles ont fait faillite. De futurs propriétaires, armés de rêves et de plans, se retrouvent perdus en mer, sans phare à l'horizon. Les chantiers sont à l'arrêt, et les maisons sont encore dans les cartons ! Pendant que les commandes s'évaporent avec la flambée des taux d'intérêt, nos concitoyens se voient exclus de l'accession à la propriété.
Et que dire de l'obligation légale de garantie des chantiers ? Les assureurs, jugeant le risque trop élevé, ferment la porte aux nouvelles constructions. C'est un cercle vicieux : moins d'acheteurs, moins de chantiers, moins de garanties.
« Je réclame le droit de rêver au tournant », disait Aragon. Je réclame, moi, le droit de rêver en construisant une jolie maison dans une bourgade, le droit de m'émouvoir de son charme scintillant, sans craindre une dérobade ! (Mines admiratives)
Madame la ministre, il est grand temps de débloquer la situation ! (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine . - Indéniablement, la situation de tension actuelle affecte les entreprises de la construction. Pour autant, il paraît difficile de revenir sur la garantie obligatoire des contrats de construction de maisons individuelles, qui protège les acquéreurs contre une défaillance du constructeur. Cela dit, nous travaillons à une simplification des démarches et des contrats, pour qu'ils soient plus assurables.
Le Premier ministre a d'ores et déjà annoncé un élargissement du prêt à taux zéro (PTZ), afin d'encourager sur tout le territoire la primo-accession dans le neuf, individuel et collectif. Le Sénat s'emparera bientôt du projet de loi de finances : nous comptons sur vous pour dessiner des pistes pour les investisseurs privés, pour faire le relais du Pinel, pour accompagner la production de logements par les bailleurs sociaux. Avec la baisse du taux du Livret A et celle des taux d'intérêt, tous ces éléments aideront à relancer la dynamique et à sortir de cette période difficile.
M. Jean Hingray. - Vous pourrez compter sur notre implication, madame la ministre. L'extension du PTZ est une bonne nouvelle, pour accompagner les plus modestes, pour construire et continuer à faire vivre nos territoires, notamment ruraux.
Diagnostic de performance énergétique
M. Jean-Michel Arnaud . - À compter de 2025, les biens classés G au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE) seront interdits à la location ; idem pour les logements classés F en 2028 et E en 2034. Ces obligations s'appliqueront également aux meublés de tourisme. Les délais s'avèrent bien courts pour réaliser les nécessaires travaux de mise en conformité. De plus, les calculs ne sont pas fiabilisés en fonction des situations : ainsi, pour un bien identique par ailleurs, l'écart atteint deux classes selon qu'il est situé sur le littoral niçois ou dans le bassin gapençais dans les Hautes-Alpes ! On risque de voir se développer un marché « gris ». Quelles mesures d'adaptation et de différenciation comptez-vous prendre pour rendre ce DPE fiable et applicable ?
J'attire aussi votre attention sur les entreprises proposant des services de sous-location et de conciergerie aux propriétaires, en contrepartie d'un loyer mensuel assuré. Souvent proposées via des plateformes en ligne, ces offres visent une clientèle touristique. Alors que la France manque de logements, cette ubérisation du parc immobilier accentue le déséquilibre entre l'offre et la demande sur le marché de la location. Le Gouvernement compte-t-il réguler ces pratiques ? (M. Jean Hingray applaudit.)
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine . - Dans la majorité des cas, des travaux simples et soutenus par l'État avec MaPrimeRénov' permettent de sortir des classes G et F. L'arrêté du 25 mars 2024 a modifié les seuils des étiquettes du DPE s'appliquant aux logements de moins de 40 m2 ; c'est un ajustement de bon sens. Le Gouvernement travaille actuellement à adapter les règles concernant les copropriétés - cela se fera via la proposition de loi portée par MM. Marchive et Echaniz, dans le cadre d'une niche transpartisane.
Concernant la prise en compte du climat dans les calculs, un logement situé dans une zone plus froide, comme le bassin gapençais, aura des consommations calculées plus élevées qu'un logement présentant des performances similaires en termes d'isolation et de système de chauffage, mais qui serait situé dans une zone plus chaude, comme le littoral niçois.
Sans remettre en cause la loi Climat et résilience, nous nous attachons à la mettre en oeuvre de la manière la plus pragmatique possible, en apportant les petits ajustements nécessaires.
S'agissant de la sous-location, je ne peux vous répondre à ce stade, mais sachez que nous regardons ce problème avec attention.
M. Jean-Michel Arnaud. - Merci pour ces précisions. Les critères DPE posent de vraies difficultés en zone de montagne. Mon département des Hautes-Alpes compte un pourcentage très élevé de résidences secondaires, d'où des difficultés d'accès au logement permanent. L'assouplissement annoncé va dans le bon sens. Je salue également le travail fait sur les copropriétés, qui sont une véritable bombe à retardement.
Pénurie de logements à Paris et dans les grandes villes
M. Ian Brossat . - Les chiffres du mal-logement sont connus : 735 morts de la rue en 2023, 2 000 enfants qui dorment dehors faute d'hébergement, 2,7 millions de demandeurs de logement social, qui attendent parfois jusqu'à dix ans. Pour remédier à cette crise du logement sans précédent, il faut agir sur deux leviers. D'abord, construire. Nous n'avons jamais construit aussi peu de logements que cette année, depuis vingt-quatre ans ! Ensuite, utiliser les logements existants pour loger des habitants. Or dans nos grandes métropoles touristiques, le nombre de logements vacants s'accroît - soit des logements totalement inoccupés, soit des résidences secondaires, inoccupées une bonne partie de l'année. À Paris, cela concerne 20 % des logements ; à Nice, 28 % ! Quels outils nouveaux, notamment fiscaux, envisagez-vous pour inciter à utiliser ces logements à l'année ? Allez-vous autoriser les communes à augmenter la taxe sur les résidences secondaires ?
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine . - Le nombre de communes concernées par la taxe sur les logements vacants est passé de 1 140 à 3 697 en 2024, et le taux de la taxe sur les logements vacants (TLV) a également été relevé de manière substantielle. En outre, les communes appartenant au périmètre géographique de la TLV peuvent moduler de plus 5 % à plus 60 % la cotisation de taxe d'habitation due au titre des logements meublés non affectés à l'habitation principale. Il n'est pas prévu pour le moment de revenir sur ces évolutions, trop récentes pour être évaluées.
À Paris, la part des logements vacants au-delà de deux ans dans le parc privé, c'est-à-dire confrontés à une vacance structurelle, s'établit à 1,9 % en 2023, soit environ 21 500 logements. Les jeux Olympiques ont pu créer une distorsion : il faudra regarder avec attention les données au 1er janvier 2025 pour évaluer la situation.
Je souhaite que la mobilisation du parc vacant passe avant tout par des mesures incitatives, comme le dispositif Loc'Avantages. Le dispositif Zéro logement vacant permet quant à lui d'identifier les propriétaires de logements vacants et de les informer sur les incitations à la remise sur le marché. Cet outil est utilisé à Paris depuis mars 2023, et la mairie de Paris a lancé trois campagnes ciblées « Louez solidaires » en octobre 2023, concernant près de 570 logements vacants. Nous travaillons en bonne intelligence avec les territoires pour trouver des solutions.
M. Ian Brossat. - Merci. Nous ferons des propositions pour taxer plus lourdement les résidences secondaires : 7 000 en plus chaque année à Paris, autant de logements qui n'accueillent pas d'habitants à l'année.
Coût du carburant en Guyane et aux Antilles
M. Georges Patient . - Le prix des carburants en Guyane contribue à la vie chère : le sans-plomb atteint 1,90 euro le litre, contre 1,72 euro dans l'Hexagone ; nos voisins du Suriname, du Guyana ou du Brésil, eux, le paient moitié moins, entre 94 centimes et 1,10 euro.
Selon le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) de 2022, le marché des carburants aux Antilles et en Guyane n'est pas un système de prix administrés mais un triple monopole au bénéfice de la Sara (Société anonyme de la raffinerie des Antilles) : sur l'importation des produits pétroliers, sur le raffinage, sur le stockage. Il préconise l'arrêt de l'activité de raffinage, seule solution pour baisser les prix, de 14 à 18 centimes. Qu'en pensez-vous ? Quelle est la légitimité d'un système où l'État garantit 23 millions d'euros de rémunération à l'actionnaire de la Sara et accepte des prix élevés pour le consommateur ?
Une telle baisse nous laisserait encore loin des prix pratiqués par nos voisins du plateau des Guyanes, tous producteurs de pétrole. La Guyane subit une double peine, entre obligation d'importer le carburant depuis l'Europe, et interdiction d'exploiter le pétrole présent dans son propre sous-sol, au titre de la loi Hulot. Pourtant, de nouveaux forages ont été autorisés en Gironde en 2023, et l'Europe achète la moitié de la production pétrolière du Guyana ! N'est-il pas temps de mettre fin à cette hypocrisie et d'abroger la loi Hulot pour la Guyane ?
M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer . - Le Gouvernement suit de près les prix des carburants et du gaz dans les Antilles et en Guyane, dans un contexte plus large de lutte contre la vie chère outre-mer. Le rapport de l'IGF de 2022 confirme la nécessité d'une réglementation des prix des carburants au regard de l'étroitesse des marchés locaux. Il propose des pistes pour améliorer la transparence dans la définition des prix, dont le réexamen du fonctionnement et de la rémunération de la Sara.
Une réforme de la régulation des prix et du système de distribution a ainsi été actée lors du Ciom (comité interministériel des outre-mer) de 2023. Des réformes sont à l'étude afin d'assurer un prix juste au consommateur, dans un contexte de développement durable des territoires : nous avancerons lors du prochain Ciom, au premier trimestre 2025.
La loi Hulot, qui met fin aux recherches ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures, n'a jamais été remise en cause. Vous dire que je ne m'interroge pas, à titre personnel, serait mentir - d'autant que des entreprises françaises exploitent les gisements des pays voisins de la Guyane... Mais en l'état, l'interdiction demeure.
Il faut prendre en compte les problématiques d'approvisionnement. Les élus de Guyane et des Antilles seront associés au débat.
Absentéisme des agents de la Ville de Paris
Mme Agnès Evren . - Signe que nos services publics sont malades, les fonctionnaires sont absents en moyenne 14,5 jours par an, contre 11,5 jours dans le privé.
Un fonctionnaire absent, c'est la double peine pour les Français. Malgré le recrutement d'un million d'agents depuis 2000, 51 % des Français se disent insatisfaits de leurs services publics - et je ne parle pas de l'augmentation des impôts. Les absences désorganisent les services, avec à la clé des rendez-vous non honorés et des délais de traitement allongés. Comment voulez-vous fonctionner efficacement lorsque le cumul des absences équivaut à 300 000 ETP, soit plus de la totalité des effectifs du ministère de la justice et de l'intérieur ?
Ce ne sont pas les agents qui sont en cause, mais les gestionnaires. La Ville de Paris emploie plus de personnes que toutes les institutions européennes, que toutes les préfectures. Le taux d'absentéisme des fonctionnaires de la Ville atteint 10 %, soit le double des salariés du privé, pour un coût de 250 millions d'euros par an ! Avec Mme Hidalgo, nous vivons en Absurdistan : explosion des impôts et services publics dégradés entraînent l'exode de milliers de familles parisiennes chaque année.
Votre proposition de porter à trois le nombre de jours de carence va dans le bon sens - j'espère que vous aurez le courage de passer à l'acte. Selon l'Igas, 40 % des absences sont de courte durée, et souvent révélatrices d'un mal-être. Comment comptez-vous les réduire ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique . - Je partage votre constat. D'où le plan de lutte contre l'absentéisme que j'ai présenté la semaine dernière. Le nombre de jours d'arrêt maladie a augmenté de 80 % en dix ans : nous sommes à 77 millions de jours d'absence dans la fonction publique, pour un coût de 15 milliards d'euros par an. Ramené à la masse d'ETP, c'est plus que les effectifs totaux de La Poste ou de la SNCF.
Les premiers à souffrir de cet absentéisme sont les agents eux-mêmes, qui subissent la désorganisation du service et les contraintes qui en découlent.
Pour la Ville de Paris, le taux d'absentéisme atteint 9,14 %, soit le double du secteur privé. Le nombre de jours d'absence par agent et par an est assez parlant : 11,6 jours dans le privé, 14,5 jours dans la fonction publique, 39,6 jours à la Ville de Paris...
C'est pourquoi nous avons décidé d'agir - et j'aurai le courage d'aller au bout, soyez-en sûre ! - avec un plan très complet. Deux mesures de responsabilité : passer d'un jour de carence à trois, et réduire la prise en charge de 100 % à 90 %, pour rapprocher le public du privé. Trois mesures d'accompagnement, que j'évoquerai avec les syndicats ce jeudi, car les conditions de travail des fonctionnaires influent sur l'absentéisme : la débureaucratisation, l'amélioration de la qualité de vie au travail et la protection fonctionnelle face aux agressions.
C'est ainsi que nous arriverons à mieux lutter contre l'absentéisme, pour nos services publics, pour nos agents et pour nos usagers.
La séance est suspendue à midi quarante.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Démission et remplacement d'un sénateur
M. le président. - M. Éric Bocquet a fait connaître au Président du Sénat qu'il démissionnait de son mandat de sénateur du Nord à compter du jeudi 31 octobre 2024 à minuit.
Par lettre en date du 30 octobre 2024, le ministère de l'intérieur a fait connaître au Président du Sénat qu'en application de l'article L.O. 320 du code électoral, M. Bocquet a été remplacé par M. Alexandre Basquin, dont le mandat a débuté le 1er novembre 2024 à 0 heure.
En votre nom à tous, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.
Cour de justice de la République (Prestation de serment)
M. le président. - M. Teva Rohfritsch, élu juge suppléant à la Cour de justice de la République (CJR) le 29 octobre dernier, va être appelé à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l'article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la CJR.
Monsieur Rohfritsch, je vais donner lecture de la formule du serment. Je vous prie de bien vouloir vous lever à l'appel de votre nom et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure. »
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »
M. Teva Rohfritsch lève la main droite et prête serment.
Acte est donné du serment prêté devant le Sénat.
Commissions (Nominations)
M. le président. - Des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques, de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, de la commission des finances ainsi qu'au sein de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Repérage des troubles du neuro-développement (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants.
Ce texte est examiné selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
Explications de vote
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes . - Cette proposition de loi me tient particulièrement à coeur. J'en étais le rapporteur à l'Assemblée nationale, et j'ai suivi les travaux de la commission des affaires sociales la semaine dernière. Un mot pour Jocelyne Guidez : c'est la troisième fois qu'un texte qui nous réunit est adopté à l'unanimité des deux chambres.
Cette proposition de loi traduit la prise de conscience de toute une société vis-à-vis des personnes affectées par des troubles du neuro-développement (TND). Je tiens à saluer la rigueur et le sérieux des commissions. L'Assemblée nationale a gardé l'essentiel de votre texte. Ensemble, dans une harmonie de vues, nous avons adopté des mesures concrètes pour améliorer la loi de 2005.
Nous connaissons le retard de la France dans le domaine. Désormais, le dépistage aura lieu dès 9 mois, la scolarisation des élèves sera améliorée et les aidants accompagnés.
En tant que ministre, je veux souligner la complémentarité de ce texte avec les mesures de la Conférence nationale du handicap (CNH), la stratégie nationale 2023-2027 pour les TND et la stratégie nationale pour soutenir et accompagner les aidants de personnes en situation de handicap.
Aujourd'hui, il reste un travail à faire dans le PLFSS pour assurer une bonne continuité entre les dispositifs. Je suivrai cette étape de près. Nous devons être à l'écoute des besoins des 11 millions d'aidants, en grande majorité des femmes.
Je vous renouvelle mes remerciements pour votre confiance, et suis très heureux de voir ce progrès social aboutir.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Bravo !
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure de la commission des affaires sociales . - L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité le 2 mai dernier cette proposition de loi de Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et Corinne Féret, très attendue par les familles. Huit articles demeurent en discussion, dont trois articles additionnels.
Attardons-nous sur les dispositions visant à favoriser la scolarisation, pour un parcours aussi ordinaire que possible, à proximité du domicile. L'article 1er qui crée des dispositifs de scolarisation en milieu ordinaire dans chaque circonscription académique est particulièrement important. Les députés n'y ont apporté que des ajustements rédactionnels. L'Assemblée nationale a ajouté la création d'un référent pour les TND dans chaque établissement, dans un article 1er bis ; je vous invite à l'adopter.
Les députés ont adopté l'article 2 conforme.
L'article 4 prévoit que les mesures d'aides scolaires seront notifiées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pour un cycle pédagogique complet, soit trois ans, afin d'alléger les procédures. Les députés n'y ont apporté que des modifications rédactionnelles.
L'Assemblée nationale a adopté avec modification les dispositions pour favoriser le repérage précoce des TND, qui est un enjeu essentiel, pour éviter tout sous-diagnostic.
L'article 5 inscrit dans la loi une stratégie de repérage adaptée au niveau de risque identifié chez l'enfant. Cette stratégie graduée doit être complétée par un repérage en milieu général. Tel est l'objectif de l'article 6, qui prévoit deux examens obligatoires.
Les députés ont adopté deux amendements identiques fixant le premier examen à 9 mois, contre 18 mois dans le texte sénatorial suivant les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS). Anticiper l'examen pourrait servir à repérer précocement certains cas ; aussi je vous invite à adopter l'article tel que voté par les députés.
L'article 3 bis rend obligatoire la formation à l'accueil des enfants affectés de TND des personnels des crèches et des assistantes maternelles. L'article 6 bis confie aux professionnels de l'accueil du jeune enfant une mission de participation au repérage précoce des TND et à l'accompagnement des enfants concernés. Ces dispositions ont été soutenues par la commission. Les professionnels en question peuvent procéder à un prérepérage qui peut inciter les parents à anticiper une consultation médicale.
J'en viens aux dispositions du texte visant à soutenir les aidants.
L'article 7 pérennise les dérogations au droit du travail pour le relayage. L'Assemblée nationale a prévu un accord préalable du président du conseil départemental ou du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) ; les critères d'éligibilité au relayage de longue durée seront définis par décret.
Si certaines modifications apparaissent discutables, une grande majorité d'entre elles gardent intacte l'ambition du texte. Pour une entrée en vigueur rapide, Jocelyne Guidez et moi-même vous invitons à l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDSE)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Il est important de voir les initiatives parlementaires arriver au bout de leur chemin. Nous avons adopté définitivement, la semaine dernière, la proposition de loi améliorant la prise en charge du cancer du sein - je souhaite à celle-ci le même destin.
La stratégie nationale 2023-2027 pour les TND a fixé comme objectif un repérage précoce. La HAS a délivré en juillet des recommandations dans le dépistage du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Désormais tout médecin formé à cette affection pourra établir un diagnostic. La limite d'âge est supprimée.
La HAS, par ailleurs, apporte des éléments scientifiques, en établissant que ces troubles sont sous-tendus par des éléments génétiques et environnementaux.
Depuis 2019, quinze équipes diagnostic autisme de proximité (Edap) maillent le Nord-Pas-de-Calais ; de plus, cinq plateformes de coordination ont été créées pour les enfants non pris en charge par la MDPH : des enfants affectés de TND peuvent leur être adressés. L'enjeu est de donner accès à des professionnels le plus tôt possible, sans diagnostic complet. Ce type d'équipes devrait être mis en place partout. Cette proposition de loi s'inscrit dans cette démarche d'accompagnement des familles et des personnes affectées.
La mise en place d'équipes consacrées à la scolarisation est une bonne chose... Dommage qu'il faille attendre 2027.
Le renforcement de la formation est un objectif partagé par tous, mais il faut des moyens et du temps - malheureusement, ils manquent encore cruellement.
Les TND nécessitent un repérage par une équipe pluridisciplinaire et un repérage global. Toutefois, la place des centres médico-psychologiques (CMP) n'a pas été suffisamment reconnue dans le repérage des TND ; ils auraient mérité un plan d'investissement. Or ces centres sont abandonnés au profit du libéral - au détriment des familles les moins favorisées.
Bien qu'insuffisant, ce texte reste une avancée. C'est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
Mme Anne Souyris . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue l'engagement de nos collègues Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et Corinne Féret, ainsi que celui de la rapporteure Anne-Sophie Romagny et de son homologue devenu ministre, Paul Christophe.
Adoptée début janvier à l'unanimité, puis votée à l'Assemblée nationale en mai, cette proposition de loi a fait consensus, consensus confirmé en commission la semaine dernière. Je me réjouis de l'aboutissement de la navette parlementaire.
Un repérage précoce permettra d'éviter le surhandicap. Les dispositions sur la scolarité sont aussi bienvenues.
Je veux mettre en garde le Gouvernement. Vous ne pouvez l'ignorer, monsieur le ministre, sans moyens, ces mesures seront des voeux pieux.
Les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sont mal rémunérés - de 1 578 à 1 912 euros nets pour un temps plein. Or 97 % d'entre eux sont à temps partiel, et la majorité plafonne à 800 euros par mois. Comment aider à vivre mieux quand on n'est pas soi-même respecté ?
Nous avons adopté la proposition de loi de Cédric Vial, selon laquelle la rémunération des AESH doit être prise en charge par l'État, même sur le temps méridien. J'attends du Gouvernement qu'il clarifie la récente circulaire de la Dgesco (direction générale de l'enseignement scolaire), en rappelant l'exigence d'un accompagnement individuel sur le temps de la pause méridienne.
Je salue, monsieur le ministre, votre engagement pour réformer le cadre des AESH. Le plan devait être présenté à l'été 2024 ; vous nous annoncez désormais 2026... Attention à ne pas le renvoyer aux calendes grecques, comme la loi sur le grand âge.
Jocelyne Guidez le disait : le travail ne s'arrête pas là. Conditions de travail des accompagnants, simplification des démarches administratives... De nombreux chantiers doivent être menés. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
Mme Corinne Féret . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En mai dernier, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité cette proposition de loi. Les quelques modifications introduites ne modifient pas son économie générale, ce qui permet d'espérer une entrée en vigueur dans les plus brefs délais.
Je connais bien le sujet : je travaille depuis mon entrée au Sénat à l'amélioration du dépistage des TND. Notre rapport d'information contenait douze recommandations.
Les TND regroupent des handicaps très divers - spectre autistique, TDAH, troubles dys -, pour certains invisibles. Notre pays a pris beaucoup de retard, notamment au regard de la scolarisation, et nous manquons de données. Une personne sur six serait concernée, mais ces troubles sont méconnus. Certaines familles s'ouvrent à nous pour dire combien le handicap a bouleversé leur vie : elles demandent un soutien.
Cette proposition de loi va dans le bon sens : dans le domaine scolaire, l'ouverture de dispositifs de scolarisation en milieu ordinaire, la création des référents en établissement et les mesures en faveur de la formation du personnel sont bienvenues ; idem pour les examens précoces de repérage.
Notre rapport parlait d'un continent oublié, tant le sous-diagnostic des TND est alarmant. Ce texte y remédiera en partie. Aussi le voterons-nous.
Nous avons une pensée pour les familles ; souvent, les MDPH ne reconnaissent pas le handicap de l'enfant. Il y a encore trop de pertes de chances - souhaitons que cette proposition contribue à y remédier. Je pense à ces enfants qui attendent plus d'un an pour obtenir un rendez-vous. On peut voter toutes les lois, élaborer toutes les stratégies : sans les professionnels, des psychiatres aux orthophonistes, elles ne servent à rien.
Pensons pour finir aux adultes, non diagnostiqués, souvent condamnés à une errance médicale douloureuse.
Chère Jocelyne Guidez, merci pour votre ténacité aujourd'hui récompensée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
M. Joshua Hochart . - Ce texte répond à une attente réelle des Français. La scolarisation des enfants atteints de TND est un enjeu crucial. L'accompagnement de ces enfants doit être renforcé : nous saluons la création de référents dans les établissements scolaires.
Nous restons vigilants cependant ; pour que l'école de la République reste accessible, les moyens doivent suivre sur le terrain. Voyez la loi sur les AESH, dont les dispositions sont encore insuffisamment appliquées. Nous voulons des garanties, car les collectivités territoriales ne doivent pas être seules à supporter cette réforme.
Nous soutenons la détection plus rapide des troubles ; les examens doivent devenir accessibles à tous, mais ils ne doivent pas devenir un parcours du combattant pour les familles. La sécurité sociale doit prendre en charge intégralement les soins.
Concernant les proches aidants, leur charge mentale est considérable. Ils doivent être soutenus, mais la flexibilité obtenue ne doit pas se faire au détriment des conditions de travail des salariés.
Attentifs à sa mise en oeuvre, nous voterons ce texte.
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Ce texte a été examiné en législation en commission et adopté à l'unanimité ; nous en espérons l'application rapide. Je salue la patience et la pugnacité de Jocelyne Guidez - quatre ans de travail - ainsi que le travail de Paul Christophe, aujourd'hui ministre, mais alors rapporteur du texte à l'Assemblée nationale ; leur travail aboutit à cette réussite transpartisane.
Les TND affectent le quotidien, selon la HAS, de 3,5 millions de personnes, auxquelles s'ajoutent les proches aidants, qui souffrent d'isolement et d'épuisement.
Ce texte pragmatique repose sur trois piliers : l'accompagnement des enfants en milieu scolaire et extrascolaire ; le soutien des proches ; le repérage précoce des troubles.
La première nécessité est l'accompagnement des enfants en milieu scolaire : ce texte prévoit la mise en place d'ici à 2027 de dispositifs de scolarisation dans chaque académie ou département pour les enfants atteints de TND, ainsi que des formations à l'accueil des enfants atteints de TND pour le personnel éducatif.
Cette proposition de loi vise aussi à répondre à l'incertitude avant le diagnostic, aux démarches administratives, aux doutes et au profond désespoir des proches aidants ; comme le dit la mère d'Alice, polyhandicapée, être aidant c'est encore plus qu'être parent.
Afin d'assurer une prise en charge efficace des TND, il faut les repérer au plus tôt : des examens à 9 mois et à 6 ans sont donc prévus. Si l'examen à 9 mois semble prématuré, cela ne doit pas être un frein à l'adoption du texte.
Quoi qu'il en soit, le manque de professionnels, notamment de médecins, reste un problème prégnant.
Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDSE ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
M. Daniel Chasseing. - Très bien !
Mme Marie-Do Aeschlimann . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains soutient cette proposition de loi. Je remercie Jocelyne Guidez, la rapporteure Anne-Sophie Romagny, Laurent Burgoa et Corinne Féret.
Ce texte organise un dépistage précoce des TND ; il renforce les moyens en faveur de l'inclusion dans les établissements scolaires : chaque académie devra mettre en place un dispositif dédié à la scolarisation des personnes présentant des TND en milieu ordinaire ; il renforce également les obligations de formation, notamment du personnel d'animation, grâce à Paul Christophe.
Alors que l'on s'apprête à fêter les 20 ans de la loi de 2005, il reste beaucoup à accomplir en faveur de l'inclusion des personnes en situation de handicap, notamment pour améliorer toutes les procédures administratives.
La proposition de loi de Cédric Vial devrait faciliter le recrutement des AESH ; dans les Hauts-de-Seine, j'ai lancé une expérimentation avec France Travail pour faciliter leur recrutement.
Faute d'un nombre suffisant de médecins scolaires et d'infirmières dans nos écoles, le dépistage des TND n'est pas bon. Or lorsque 30 % des enfants de 0 à 10 ans vivent à 45 minutes d'un pédiatre, le rôle de la médecine scolaire est crucial. Est-il judicieux d'avoir réduit le stage en pédiatrie des internes de six à trois mois ? Comment pourrons-nous assurer le dépistage à 9 mois et à 6 ans en tout point du territoire ?
Les TND touchent aussi les adultes, pour lesquels les dispositifs d'accompagnement restent trop rares. Il faudrait assurer un accompagnement tout au long de la vie, et s'intéresser particulièrement aux étudiants. Un diagnostic tardif a souvent pour résultat isolement, anxiété ou dépression.
Ce texte est une avancée pour l'inclusion en milieu scolaire et pour le soutien des proches aidants. Mais, monsieur le ministre, des moyens sont nécessaires : nous y veillerons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Un an après son adoption à l'unanimité en première lecture, le Sénat va adopter ce texte définitivement.
On estime qu'un enfant sur six serait concerné par un TND. Les TND induisent des difficultés dans le développement de certaines fonctions du cerveau, entraînant des problèmes de socialisation ou d'apprentissage.
Ce texte s'inscrit dans la stratégie nationale 2023-2027 pour les TND. Fruit d'une consultation citoyenne, elle porte six engagements, par exemple en faveur de la recherche, de l'accompagnement de chaque personne atteinte de TND ou encore d'un repérage plus précoce.
L'ambition de ce texte, dans le sillage de cette stratégie portée par Élisabeth Borne, est simple : améliorer l'inclusion scolaire des enfants atteints de TND et le repérage.
À l'Assemblée nationale, les députés ont instauré la création d'un référent dans chaque établissement scolaire et la mise en place d'un dispositif dédié à la scolarisation en milieu ordinaire dans chaque circonscription académique de métropole et d'outre-mer. Ils ont également rendu obligatoire la formation à l'accueil et au suivi des mineurs atteints de TND pour les personnels des services de la petite enfance et de l'accueil des mineurs, et autorisé des dérogations au droit du travail pour les salariés employés, afin de soutenir les proches aidants, pérennisant ainsi des dispositions de la loi Essoc de 2018.
J'appelle une nouvelle fois à une meilleure prise en charge de l'autisme, et j'alerte sur le retard des outre-mer dans la prise en charge des TND.
Le RDPI votera la proposition de loi, et j'adresse mes félicitations à Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les TND, qui affectent le développement cognitif et social des enfants comme des adultes, touchent des millions de personnes à travers le monde ; en France, 1 enfant sur 6 est atteint. Les TND sont souvent mal appréhendés et beaucoup reste à faire. Je salue l'engagement de Jocelyne Guidez.
Les attentes des familles et du corps éducatif sont fortes. Le parcours scolaire des enfants atteints de TND est souvent semé d'embûches.
Des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) ont été mises en place, mais l'offre est insuffisante. L'école peut être une souffrance quand elle n'est pas adaptée, aussi nous saluons la création de dispositifs adaptés en milieu scolaire ordinaire. Nous nous félicitons du module de formation pour le personnel éducatif et de la création d'un référent par établissement, car les enseignants sont souvent démunis.
Le personnel des centres de loisirs, des clubs de sport ou des crèches sera aussi sensibilisé. La défenseure des droits a souligné que, par manque de formation, de nombreuses structures sportives refusent d'accueillir des enfants présentant des TND.
Outre le repérage précoce, cette proposition de loi met en place deux examens à 9 mois et 6 ans. Nous regrettons que la préconisation de la HAS sur un examen à 18 mois n'ait pas été retenue.
La prise en charge des enfants présentant un TND est souvent épuisante pour les parents. Le relayage est donc indispensable et précieux.
L'ensemble du RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Patricia Schillinger et Anne-Sophie Romagny applaudissent également.)
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Quand ils sont dans l'intérêt de tous, les textes nous rassemblent et favorisent la concorde.
J'ai déposé ce texte à la suite de la mission d'information de Laurent Burgoa et Corinne Féret ; ses dispositions sont désormais bien connues.
Je remercie Anne-Sophie Romagny et le président de la commission des affaires sociales de leur soutien et ceux qui, dans l'ombre, nous accompagnent - ils se reconnaîtront.
Je remercie également le ministre, qui a été rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, de son engagement sans faille.
Je suis satisfaite que nous votions cette proposition de loi afin de pérenniser le dispositif de relayage des proches aidants, si essentiel pour les familles. Sans vote avant la fin de l'année, le dispositif avait peu de chances d'aboutir.
Une politique publique répond avant tout à une demande sociale et sociétale. C'est pourquoi je veux vous livrer un témoignage : « On est épuisé de se battre ! On n'en peut plus ! Nous, ce que l'on veut, c'est aimer tout simplement nos enfants. On veut un accompagnement pour soulager nos épaules, qui sont très larges, mais qui finissent par faiblir. »
Quelles que soient nos positions politiques, nous sommes tous sensibles au sujet du handicap. La prévention a certes un coût, mais ne pas en faire aussi. La lutte contre le décrochage a un coût, mais la délinquance et le suicide aussi.
Les adultes atteints de TND doivent aussi être soutenus. « Notre richesse collective est faite de notre diversité », comme le dit Albert Jacquard, auteur d'Éloge de la différence.
Monsieur le ministre, j'espère que les deux seuls décrets d'application nécessaires à la pérennisation du relayage seront pris rapidement.
Sans surprise, le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Bravo !
À la demande du groupe UC, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n° 29 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 343 |
Contre | 0 |
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements)
M. le président. - Belle unanimité !
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Le texte, fruit d'un travail de longue haleine, répond aux besoins, tout en respectant les professionnels. Merci à Jocelyne Guidez ainsi qu'à notre rapporteure, Anne-Sophie Romagny, pour son regard d'élue locale et ses convictions.
Nous avons de la chance : le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale est aujourd'hui au Gouvernement. (Sourires) Or ce texte aura besoin de moyens humains et financiers. Monsieur le ministre, vous n'avez pas le droit à l'erreur ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; Mme Corinne Bourcier applaudit également ; M. Paul Christophe approuve d'un signe de tête en souriant.)
M. Paul Christophe, ministre. - Je félicite les sénateurs de cette belle unanimité. Vos remarques m'obligent et je partage vos constats. J'en ai discuté ce matin avec Étienne Pot, délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neuro-développement. C'est vous qui allez voter le budget ; nous ne serons pas de trop, tous ensemble, pour améliorer la situation, notamment celle des AESH et des adultes passés entre les mailles du filet. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur plusieurs travées du RDSE, du RDPI et du groupe INDEP)
La séance est suspendue quelques instants.
Renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale.
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En avril dernier, la commission des affaires économiques a organisé une consultation des élus locaux qui a recueilli plus de 1 200 réponses : ils sont 40 % à juger les outils de régulation des meublés de tourisme insuffisants. Cette proposition de loi est attendue par nos maires et par nombre de nos concitoyens.
Grâce au nouveau gouvernement et aux parlementaires, ce texte a abouti. Il crée de nouveaux outils à la main des élus locaux, facultatifs et adaptés : généralisation de la déclaration avec enregistrement d'un meublé de tourisme ; exigence de certaines pièces justificatives pour éviter les fraudes ; possibilité de suspendre les annonces des fraudeurs.
Le texte lutte également contre l'éviction des logements permanents au profit des meublés touristiques en relevant les exigences de performance énergétique de ces derniers. Il distingue entre le flux et le stock afin que les passoires thermiques ne deviennent pas dès 2025 des meublés touristiques, et prévoit que ces derniers répondront aux exigences de la loi Climat et résilience dans les dix ans.
Ce texte propose une boîte à outils aux élus locaux : zones réservées, quotas, possibilité d'abaisser de 120 à 90 le nombre de jours maximal de location d'une résidence principale.
Grâce à un amendement de Françoise Gatel, il sera possible d'interdire la location de meublés touristiques en réunissant les deux tiers des voix de la copropriété et non l'unanimité.
Ce texte utile respecte les spécificités de chaque territoire. Je vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ce texte est issu d'une initiative des députés Iñaki Echaniz et Annaïg Le Meur. Je salue le travail du Sénat et remercie les rapporteurs Sylviane Noël et Jean-François Husson.
C'est un texte pour les élus locaux, que vous avez consultés. C'est un texte pragmatique : des compromis ont été trouvés sur presque tous les sujets. Enfin, c'est un texte pour tous les Français qui ne parviennent pas à se loger.
Le phénomène d'éviction est bien connu dans de nombreuses communes. Les avantages créés dans les années 2000 pour soutenir une industrie touristique alors à la peine ont créé des effets d'aubaine évidents. Constatée dans de nombreux rapports, la multiplication des meublés de tourisme - 800 000 aujourd'hui - résulte d'avantages concurrentiels, fiscaux et normatifs. Notre responsabilité collective était de rétablir l'équité.
Les travaux de la commission ont enrichi et sécurisé le texte. Ainsi, la proposition de loi prévoit l'enregistrement obligatoire de chaque meublé, dans le cadre d'un téléservice national - 78 % des élus consultés y sont favorables.
Les meublés touristiques se verront appliquer les mêmes obligations énergétiques que les logements nus, pour éviter la fuite de logements nus de longue durée vers des meublés touristiques de courte durée. Les nouveaux meublés de tourisme seront soumis au même calendrier que les locations classiques et les locations saisonnières existantes devront obtenir une étiquette au minimum classée D en 2034. Sur ce sujet, un texte d'initiative parlementaire sera examiné d'ici à la fin de l'année - je vous y sais très attentifs.
Les maires pourront abaisser le nombre maximal de jours de location touristique d'une résidence principale de 120 à 90 par an ; c'est un signe de confiance envers les élus.
Des quotas de locations saisonnières et des zones réservées aux résidences principales pourront également être mis en place. L'assemblée générale de copropriété pourra interdire la location en meublé touristique par un vote à la majorité des deux tiers lorsque le règlement comprend une clause d'habitation bourgeoise. Les règlements de copropriété des nouveaux immeubles devront spécifier s'il est possible, ou pas, de louer en meublé touristique. Les amendes seront renforcées pour les fraudeurs, avec une amende civile spécifique pour les plateformes.
L'avantage fiscal dont bénéficient les propriétaires de meublés de tourisme est excessif : aussi la proposition de loi ajuste-t-elle les taux d'abattement et les plafonds. Nous devons désormais travailler sur la fiscalité, la rentabilité et la sécurité de l'activité de location résidentielle.
Le Gouvernement soutient cette proposition de loi et oeuvrera à sa mise en oeuvre. C'est un premier jalon pour répondre à la crise du logement, mais il faudra aller plus loin, dans la continuité des nombreux travaux du Sénat, notamment de Mmes Estrosi Sassone, Gacquerre, Artigalas et Margaté.
Vous pourrez compter sur mon écoute, comme je compte sur votre connaissance des territoires et sur votre sagesse. (Applaudissements)
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
Article 3
M. le président. - Amendement n°1 du Gouvernement.
L'amendement rédactionnel n°1, accepté par la commission, est adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Antoinette Guhl . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Enfin, nous reparlons de logement ! Ce secteur, premier poste de dépenses des Français, traverse une crise sans précédent. Mais il faudrait traiter le sujet globalement, plutôt que d'adopter de petits textes parcellaires, dont les décrets d'application ne sont pas toujours publiés...
Qui peut contester la crise, la pénurie de logements et ses effets pour les plus précaires, notamment les jeunes ? La prolifération des locations de courte durée est une catastrophe : raréfaction des logements, spéculation immobilière, apparition de villes de résidences secondaires.
Comme Fabrice Luchini, je cite Roland Barthes : « Une ville n'est belle que quand elle est habitable, elle ne m'intéresse plus quand elle est visitable. » Réguler Airbnb est une nécessité absolue, pour protéger les habitants permanents, pour aider les jeunes, les familles et les plus précaires et pour donner aux élus locaux les moyens d'agir.
Je pourrais parler de la zone littorale de Saint-Malo, chère à Daniel Salmon, mais je connais mieux Paris : en dix ans, 100 000 logements y ont été créés, mais on compte aussi 60 000 locations Airbnb en plus. Ce phénomène a une responsabilité réelle dans la crise du logement, à côté des logements vacants et des lits froids des résidences secondaires.
Certes, ces plateformes permettent d'assurer un revenu ou de voyager, mais elles heurtent nos politiques publiques - logement, transport, déchets, tourisme - sans en assumer les conséquences, puisque la taxe de séjour n'en compense qu'une infime partie. Il est temps de rétablir un équilibre.
Nous saluons l'accord trouvé en CMP, qui donne le pouvoir aux élus locaux face aux mastodontes du meublé touristique qui devront désormais assumer leurs effets néfastes - je pense au bal des valises à roulettes qui perturbent nos quartiers.
Nous voterons ce texte, mais une réponse globale et ambitieuse est nécessaire : création de nouveaux logements sociaux, régulation du marché immobilier, protection des plus vulnérables et de la jeunesse. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K et du RDPI)
Mme Frédérique Espagnac . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au terme du parcours législatif de ce texte, nous répondons aux attentes de nos territoires confrontés à la pénurie de logements et à un marché locatif sous pression.
Première étape dans la lutte contre la crise du logement, il donne enfin des outils aux maires des communes touchées par le surtourisme et la spéculation immobilière, comme chez moi, en Pays basque.
Toute loi devrait être conçue ainsi : partir du terrain et proposer des outils adaptés à chaque territoire. Sur la façade atlantique, dans le Cantal, à Strasbourg ou dans le Nord, les situations sont différentes.
Les communes pourront définir des quotas et des zones réservées aux résidences principales, redonnant vie à leurs centres-villes désertés. Les maires pourront réduire la durée maximale de location des résidences principales à 90 jours. Un numéro d'enregistrement sera obligatoire pour chaque logement. Faisons confiance aux élus locaux, qui connaissent leur commune.
Il fallait aussi corriger une fiscalité inéquitable. Désormais, un propriétaire de meublé non classé, à Bidart par exemple, bénéficiera d'un abattement réduit de 30 %, jusqu'à 15 000 euros de chiffre d'affaires annuel. Attention à préserver nos gîtes ruraux et nos chambres d'hôtes - dans le PLF, nous veillerons à éviter toute double imposition. Les meublés de tourisme classés et les chambres d'hôtes bénéficieront d'un abattement de 50 % jusqu'à 77 700 euros de chiffre d'affaires annuel.
Bien que dépendant économiquement du tourisme, les territoires de montagne ont besoin de nouveaux logements pour les jeunes et pour les travailleurs saisonniers.
Un juste équilibre entre incitation et régulation est nécessaire : il faut rehausser le taux d'abattement pour les locations nues en longue durée et protéger plus efficacement les propriétaires qui louent à l'année. J'y reviendrai dans le projet de loi de finances.
Je remercie Iñaki Echaniz, présent en tribune, et sa collègue Annaïg Le Meur de leur engagement. Le groupe SER votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDPI ; Mme Valérie Létard applaudit également.)
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Cette proposition de loi tente de répondre à une crise du logement multifactorielle. Elle ne suffira pas.
Certaines mesures, notamment fiscales, dissuaderont des propriétaires de mettre leurs logements en location meublée touristique. Cette proposition de loi aligne également les obligations en matière de performance énergétique sur celles des locations de longue durée.
Les propriétaires seront-ils incités à mettre leur logement en meublé d'habitation pour autant ?
L'article 2 donne la possibilité aux communes de délimiter des secteurs réservés à la résidence principale, ainsi que des zones où s'appliquent des quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage.
Je partage l'objectif du texte, mais doute qu'il puisse résoudre la question du logement à prix abordable. Agir sur les meublés de tourisme est une première étape, mais reconnaissons aussi qu'ils constituent une offre touristique complémentaire et diversifiée, qui contribue au dynamisme économique de certains territoires.
D'autres leviers peuvent être actionnés pour encourager l'offre locative de longue durée, comme la revalorisation du statut du bailleur. Nous attendons donc une vraie politique favorisant l'offre des logements de longue durée, accessibles à tous, à prix abordable. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte n'est qu'une partie de la réponse à la crise majeure du logement ; mais nous devons nous saisir de toutes les opportunités - c'en est une.
Dans certains territoires, la location meublée touristique peut créer une attrition des locations en résidence principale. Plus que la fiscalité, c'est la réglementation et les pouvoirs donnés aux élus locaux qui régleront le problème. Je salue donc le travail de la rapporteure Sylviane Noël, qui a su trouver des compromis constructifs.
Je suis satisfait des dispositions fiscales que j'ai rapportées. En effet, le texte préserve les apports du Sénat, qui souhaitait rendre la fiscalité des locations meublées plus lisible, plus juste et plus équilibrée.
L'article 3 réforme les paramètres fiscaux du régime micro-BIC applicable aux meublés touristiques. Notre ligne directrice était claire : simplifier le régime fiscal applicable aux locations meublées. Nous sommes revenus sur le zonage multiple, et complexe, proposé à l'Assemblée, qui aurait été contre-productif. N'oublions pas que le micro-BIC est un régime simplifié !
Le Sénat a harmonisé les taux d'abattement et les plafonds avec des dispositifs existants.
Le texte définitif fait la distinction entre le régime micro-BIC applicable aux locations meublées de longue durée et la fiscalité des meublés de tourisme non classés. L'incitation au classement des meublés de tourisme est maintenue, dans une logique de montée en gamme.
Pour respecter la règle de l'entonnoir, nous sommes convenus avec les députés de renvoyer la question des plus-values de cession à l'article 24 du PLF. Merci aux rapporteurs de l'Assemblée nationale qui ont permis la convergence des points de vue.
J'espère que ce texte sera une avancée pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je salue les auteurs de cette proposition de loi présents en tribune : leur texte est attendu par les élus locaux, comme par les Français qui ont des difficultés à se loger à prix abordable, en particulier dans les zones tendues. Les loyers n'ont cessé d'augmenter depuis quarante ans dans le parc locatif privé : ils ont été multipliés par 2,6 à qualité constante ! Nombreux sont les Français qui ne peuvent plus se loger à proximité de leur emploi. Sur les côtes finistériennes, dans les massifs isérois comme sur les plateaux du Diois, l'essor des résidences secondaires et des meublés de tourisme crée un sentiment de frustration et de déclassement. Il n'est pas acceptable que les saisonniers et les étudiants ne puissent se loger décemment.
Je me réjouis des compromis trouvés avec les députés, comme des apports du Sénat - la nouvelle rédaction de l'article 1er et la réorganisation de la fiscalité, notamment.
La CMP a duré plus de quatre heures et a trouvé des compromis au bénéfice des élus locaux, dont les compétences seront élargies. Je salue l'harmonisation rédactionnelle de la définition des meublés touristiques, ainsi que l'exclusion des résidences services du calcul des quotas d'autorisations temporaires, car il peut s'agir de résidences étudiantes.
La réécriture de l'article 2 bis autorise la modification des règlements de copropriété à la majorité des deux tiers pour interdire les locations de meublés touristiques.
L'article 1er A généralise l'enregistrement des meublés de tourisme, avec une exigence plus forte pour éviter la fraude. Espérons que le décret reprendra bien les éléments de l'amendement de Nadège Havet, adopté au printemps dernier.
La rédaction de l'article 1er bis, qui permet d'abaisser à 90 le nombre maximal de jours de location d'une résidence principale, a été rétablie - les conseils municipaux sont les plus à même de connaître les besoins spécifiques de leur territoire.
Grâce à nos débats, la navette parlementaire a abouti à une rédaction transpartisane. Votons ce texte et souhaitons sa promulgation rapide. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) En première lecture, je disais : « Encadrer la location de meublés touristiques ne résoudra pas tous les déséquilibres de notre marché locatif, puisque ceux-ci sont multifactoriels. Seule une réflexion globale permettra de renforcer l'attractivité de la location permanente. »
La crise du logement est sociale et économique, mais aussi politique. Le blocage du parcours résidentiel conduit à une assignation à résidence et à un sentiment de déclassement, faute d'accéder à la propriété. Cela menace notre pacte social.
Nous devons donc agir vite et fort sur la demande, comme sur l'offre, tout en préparant une indispensable refondation de la politique du logement à plus long terme. Nous avons besoin d'un projet de loi ambitieux, de soutien financier, de mobilisation politique et d'accompagnement des collectivités.
Cette proposition de loi est bienvenue. Il devenait urgent de donner de nouveaux outils aux élus locaux. Nous approuvons la généralisation de l'enregistrement, l'instauration d'une servitude de résidence principale pour les constructions nouvelles dans certaines zones, la possibilité d'abaisser à 90 le nombre maximal de jours de location d'une résidence principale dans l'année, notamment.
Toutefois, je regrette que nous n'ayons pu aller plus loin dans la conciliation des préoccupations divergentes des territoires. Il faudrait territorialiser la politique du logement. L'essor des meublés de tourisme recouvre des réalités distinctes selon les territoires. C'est aussi un levier indispensable du dynamisme économique des communes dont l'offre hôtelière traditionnelle est insuffisante, comme en zone rurale. Nous aurions souhaité que la CMP retienne un objectif d'aménagement du territoire, pour prendre en compte ces particularités locales - je pense aux stations de tourisme, de montagne ou thermales - et distinguer entre zones tendues et zones rurales...
La location de meublés touristiques n'explique pas à elle seule l'attrition du marché locatif. Si cette proposition de loi apporte une réponse appropriée à l'effet d'aubaine, elle ne doit pas nous détourner de notre tâche. Nous la voterons néanmoins, car elle apporte des outils aux élus locaux. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Amel Gacquerre . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Plus souple sur le plan juridique, plus rémunératrice et plus intéressante fiscalement, la location meublée touristique a connu un essor sans précédent : nous comptons plus d'un million de locations saisonnières.
Cette tendance de fond participe à la crise du logement. Nous devions intervenir pour rétablir une concurrence équitable entre acteurs du tourisme.
Ce texte est juste pour nos concitoyens, confrontés à des prix déraisonnablement élevés qui créent un sentiment de déclassement ; juste pour les propriétaires, avec le rapprochement des obligations liées au diagnostic de performance énergétique (DPE) selon les différents types de location ; juste pour les élus locaux, qui auront plus de pouvoirs pour réguler ce marché ; juste pour les loueurs, qui participent à l'attractivité de tant de villages et de villes et auxquels s'appliquera une fiscalité plus juste.
Nous sommes néanmoins conscients qu'il ne répond qu'à un seul aspect d'une crise multidimensionnelle. Je salue ses auteurs et me réjouis du compromis trouvé. Restons vigilants, afin que le volet fiscal ne soit pas remis en cause.
Ce texte en appelle d'autres. Je pense à la facilitation de la transformation de bureaux en logements et aux enjeux de la rénovation thermique, du fonctionnement des copropriétés, de l'accès à la propriété (Mme Valérie Létard approuve), et de tant d'autres sujets sur lesquels la commission des affaires économiques est force de propositions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Marianne Margaté . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Antoinette Guhl applaudit également.) Voici enfin l'aboutissement de cette proposition de loi sur les meublés de tourisme, fléau pour nos villes. En 2023, Airbnb a engrangé près de 10 milliards de dollars de chiffre d'affaires et 4,8 milliards de bénéfice net. Pendant ce temps, combien de familles étaient privées de logement décent ?
Les grandes métropoles alimentent cette machine infernale. En 2023, on comptait 75 000 annonces Airbnb à Paris - autant de logements retirés du marché de la location de droit commun, alors que 2,7 millions de familles attendent désespérément un logement social.
Dans certaines villes, les élus ont agi. Je salue l'engagement exemplaire de Ian Brossat, en première ligne pour protéger le droit au logement et lutter contre l'ubérisation de nos villes.
En Seine-et-Marne, dans le Val d'Europe, le manque de logements est criant : à Serris, le nombre de meublés de tourisme a crû de 220 % entre 2018 et 2023. La commune et l'intercommunalité ont agi et la justice leur a donné raison. Ces initiatives locales montrent la voie, mais ne suffisent pas.
Nous soutiendrons cette proposition de loi qui contient des mesures essentielles pour rétablir un équilibre : enregistrement obligatoire, sanction de l'insalubrité et lutte contre les marchands de sommeil, alignement des critères de performance énergétique, limitation de la durée de location de la résidence principale à 90 jours, renforcement du pouvoir des copropriétaires, entre autres.
Cette loi ne résoudra pas tout. Oui, les plateformes doivent être régulées, mais elles ne sont que le symptôme d'un mal plus profond. Les recettes fiscales doivent être réinvesties dans le logement social. Nous avons trop tardé ; chaque année, le nombre de demandeurs insatisfaits augmente et l'écart entre la demande et l'offre de logements se creuse dramatiquement - il faudrait trois fois plus de logements sociaux !
J'appelle chacun à aller plus loin lors de l'examen du PLF : le droit au logement doit primer sur le profit privé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Antoinette Guhl ainsi que MM. Bernard Buis et Teva Rohfritsch applaudissent également.)
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements)
Rappel au règlement
Mme Maryse Carrère. - J'ai découvert, au détour d'un article sur l'absentéisme des députés, les propos de l'un d'eux, qui a confié à la presse régionale que tout était fait pour que le PLF soit réécrit au Sénat « par des sénateurs qui ne sont pas élus par les Français ». Le mode de représentation du Sénat est tout aussi légitime que celui de l'Assemblée nationale. Face à la confusion qui règne au palais Bourbon, il est heureux que nous ayons une assemblée riche de son ancrage territorial. Les Français sont attachés aux collectivités territoriales que nous représentons. (Acclamations et applaudissements)
Acte en est donné.
La séance est suspendue quelques instants.
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de trois projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales.
Pour ces trois projets de loi, la Conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié. Je vais donc les mettre successivement aux voix. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ces textes.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part et de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part (procédure accélérée) est adopté.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (procédure accélérée) est adopté.
Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces est définitivement adopté.
Convention des Nations unies sur le droit de la mer (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.
Discussion générale
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - C'est une grande fierté de vous présenter le projet de loi autorisant la ratification du traité dit BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction), ou traité sur la haute mer, historique par son objet comme par ce qu'il symbolise.
Adopté par consensus en juin 2023, il est le fruit d'un processus de plus de quinze ans. C'est une victoire pour la France, qui a joué un rôle moteur dans son élaboration ; une victoire pour le multilatéralisme ; une victoire, surtout, pour les océans, dont les deux tiers sont couverts par cet accord qui complète le cadre en vigueur depuis le traité de 1982.
Je remercie le ministre de la mer, Fabrice Loher, et l'ambassadeur pour les pôles et les océans, Olivier Poivre d'Arvor, présent au banc des commissaires du Gouvernement, ainsi que tous nos services.
L'océan est un des principaux réservoirs de biodiversité et une source d'énergie, qui nourrit directement plus de trois milliards d'êtres humains et absorbe une part importante du CO2 que nous émettons. Il est donc essentiel d'agir pour sa sauvegarde : nous dépendons de sa santé et de la préservation de ses ressources.
Or il n'a jamais été autant menacé. La pollution, notamment par les plastiques, l'acidification, le réchauffement, la pêche illégale, l'exploitation des fonds sont autant de pressions qui le mettent en péril.
L'accord BBNJ prévoit des outils opérationnels pour sa protection.
En premier lieu, des aires marines protégées pourront être créées, le cas échéant à la majorité qualifiée des États parties - une innovation déterminante pour surmonter le blocage d'une minorité.
Ensuite, l'accord prévoit une étude d'impact environnemental avant le lancement de toute activité susceptible d'entraîner des dommages graves sur les océans. La transparence est renforcée, de même que la concertation des parties prenantes, ou encore les capacités des pays en développement. L'accord prévoit un partage des bénéfices tirés des réserves génétiques marines.
Dans une logique d'efficacité, il renforce la coordination entre les autorités et organisations existantes, en les faisant converger. Point d'équilibre entre des intérêts divers, il est ambitieux, comme la France et l'Union européenne le sont toujours dans les négociations liées à l'environnement et au climat.
Mon ministère a joué un rôle moteur, mobilisant toute l'expertise disponible au niveau national. C'est un exemple de réussite à suivre.
Nous maintiendrons la même ambition en vue de la conférence des Nations unies sur les océans qui se tiendra en juin prochain à Nice. Elle a vocation à être aux océans ce que l'accord de Paris est au climat. Avec le Costa Rica, pays coorganisateur, nous oeuvrons à l'entrée en vigueur de l'accord avant cette conférence. À ce jour, quatorze États l'ont ratifié.
L'adoption de ce texte ferait de la France le premier pays de l'Union européenne, du G7 et du G20 à leur emboîter le pas, ce qui aurait un puissant effet d'entraînement.
C'est pourquoi je vous encourage à adopter largement ce projet de loi que les députés, puis votre commission, ont adopté à l'unanimité. Nous devons agir sans tarder pour les générations présentes et futures, pour nos populations et pour les océans. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. André Guiol, rapporteur de la commission des affaires étrangères . - Cet accord historique et ambitieux est le fruit d'un consensus remarquable dans un contexte international fracturé, marqué par la rivalité stratégique sino-américaine.
La haute mer, 64 % de la surface maritime et plus de 50 % de la surface totale du globe, n'est sous l'autorité d'aucun État. Elle recèle un potentiel largement inexploré.
Ce texte est le résultat d'un long processus débuté en 2004. Il comble les lacunes du seul texte international en vigueur jusqu'ici, la convention de Montego Bay, signée en 1982 et entrée en vigueur en 1994. La communauté internationale a pris conscience qu'il fallait aller plus loin pour la protection des océans. Notons toutefois que plusieurs secteurs sont exclus du champ de l'accord : les activités militaires, l'exploitation des minéraux des fonds marins et la pêche.
La France, très engagée dans la diplomatie environnementale, a accueilli à Brest en 2022 le One Ocean Summit et organisera en juin prochain à Nice la conférence des Nations unies sur les océans. Elle se mobilise également pour accélérer l'entrée en vigueur de cet accord, qui comporte quatre volets principaux.
D'abord, les États pourront mettre en place des outils de gestion par zone, en particulier des aires marines protégées, par consensus mais aussi par un vote à la majorité de 75 % - une avancée qui doit beaucoup à la France.
Ensuite, l'accord exige des études d'impact environnemental pour les activités susceptibles d'endommager gravement les océans. Les mesures actuellement prévues à cet égard ne sont pas toujours respectées. Une procédure sera désormais définie, qui prévoit une large concertation des parties prenantes.
En outre, l'accord traite des ressources génétiques marines, dont la valeur est considérable, notamment dans le domaine médical. Or dix pays possèdent 90 % des brevets sur ces ressources. L'accord pose le principe d'un partage juste et équitable. Un comité devra formuler des recommandations sur les mécanismes à mettre en place.
Enfin, l'accord prévoit le renforcement des capacités des pays en développement et des transferts préférentiels de technologies dans le domaine maritime.
Les États parties ont décidé de ne pas porter atteinte aux réglementations existantes, mais de favoriser la coopération entre les structures en place.
Le Gouvernement a suivi la recommandation de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), consistant à formuler une réserve pour protéger les collections du Museum national d'histoire naturelle.
Les États qui ne sont pas parties à la convention de Montego Bay pourront signer le présent accord. Le Parlement européen a approuvé sa ratification en avril et l'Assemblée nationale a adopté ce projet de loi en mai. Espérons que les soixante ratifications nécessaires à son entrée en vigueur seront réunies avant la conférence de Nice en juin prochain.
En ratifiant l'accord, la France participera à une nouvelle dynamique multilatérale au service de la protection des océans. Mais tout restera à construire au niveau des conférences des parties.
Étant donné la superficie de son domaine maritime, la France a une responsabilité particulière. Fabrice Loher m'a assuré que le budget pour 2025 lui accorderait les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs de l'accord, notamment en matière de surveillance.
Ratifions cet accord qui fait confiance à la science, protège les ressources marines contre la prédation et nous fait prendre conscience de la beauté, mais aussi de la fragilité, des océans. « Science sans conscience n'est que ruine de l?âme », disait Rabelais. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Michaël Weber . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce traité mondial historique instaure enfin un cadre juridique protecteur pour la haute mer. Ce bien commun ne doit plus être le terrain privilégié de prédations et de pollutions. Du fait de la surpêche ou des appétits de l'industrie minière, les océans sont au bord du gouffre. Il est essentiel de stopper l'effondrement de leur biodiversité.
La France a tiré vers le haut l'ambition de cet accord, dont nous espérons qu'il entrera en vigueur avant juin prochain. Sans attendre, identifions les zones à protéger et les leviers financiers pour mettre en oeuvre l'accord. La France doit être une puissance diplomatique active et progressiste.
Nous devons aussi être exemplaires dans nos propres eaux territoriales. Notre zone économique exclusive (ZEE), la deuxième au monde, s'étend sur plus de 10 millions de km2. Or seules 1,6 % de nos mers bénéficient de la protection la plus forte. À cet égard, il y a loin des déclarations du Gouvernement à la réalité.
La France et l'Europe doivent clarifier la notion d'aire maritime protégée. Les zones de protection qui ne remplissent pas les standards fixés ne devront pas être comptabilisées. En particulier, il faut y interdire le chalutage de fond.
Pour conclure, je m'élève contre la scandaleuse arrestation de Paul Watson. Les trois États qui pratiquent encore la chasse à la baleine sont signataires du traité. Le Japon se vante d'avoir mis en place de véritables abattoirs flottants et la Norvège et l'Islande veulent relancer ce commerce hideux. Offrons l'asile politique à Paul Watson, afin de soutenir son combat pour la liberté et la préservation de la diversité marine. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs travées au centre)
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La haute mer représente plus de la moitié de la surface du globe. Sa biodiversité doit être protégée car elle est essentielle à la préservation du climat et aux équilibres de la planète.
L'accord dont la ratification nous est proposée vise à assurer cette protection. La haute mer ne relevant d'aucun État, seul un accord international peut lutter contre les dangers qui la menacent.
Les aires marines protégées sanctuariseront des zones importantes pour leur biodiversité. La majorité qualifiée des trois quarts sera suffisante pour leur mise en place. De fait, les Européens sont bien placés pour savoir que l'unanimité est vite paralysante.
S'agissant de l'exploitation des ressources issues de la biodiversité marine, le fait que dix pays détiennent 90 % des brevets interpelle. Mais l'exclusivité temporaire liée au brevet est la contrepartie d'un investissement dans la recherche pour des découvertes qui bénéficieront à tous. Cessons de considérer que les brevets sont une entrave !
L'application rétroactive de la convention mettrait en danger les réserves du Muséum national d'histoire naturelle. La réserve formulée par la France parera à ce danger.
La France a une relation singulière avec la mer. Nous souhaitons que le seuil des soixante ratifications soit franchi avant la conférence de Nice, en juin prochain. Le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi. (Applaudissements sur de nombreuses travées au centre et à droite)
M. Hugues Saury . - Matrice de la vie, les océans en restent le garant : ils produisent les trois quarts de l'oxygène de l'air et absorbent un tiers de son CO2 ; leurs courants tempèrent notre climat et leurs ressources assurent l'alimentation de milliards d'êtres humains.
Le surcroît de protection que leur confère le présent accord marque donc un progrès historique. La haute mer ne sera plus une zone de non-droit, livrée à toutes les dérives. Je pense à la pêche illégale et au déversement de déchets, entre autres pratiques dommageables souvent commises sous pavillon de complaisance.
L'avancée est essentielle pour une zone qui représente les deux tiers de la surface maritime totale.
En particulier, des aires marines protégées pourront être créées pour sanctuariser les espaces essentiels à la biologie marine, à l'instar des écosystèmes planctoniques, à l'origine de 70 % de la vie marine et qui permettent la séquestration du carbone, en plus d'être une nurserie pour de multiples espèces de poissons.
Une approche large a prévalu en matière de protection environnementale : l'accord freinera des activités illégales de toutes sortes par le mécanisme des déclarations et études d'impact.
Il prévoit en outre un système de partage des bénéfices tirés des ressources génétiques marines. Les grandes profondeurs restent inexplorées, et l'homme connaît mieux l'espace que les fonds marins ! Pourtant, ceux-ci regorgent de vie et recèlent un patrimoine génétique d'une richesse inouïe, prometteur notamment sur le plan médical.
L'accord fait des océans, en quelque sorte, un nouveau bien public mondial. Reste que nous devrons être attentifs à ses conditions d'application, qui restent à définir. Les pays industrialisés espèrent un retour sur investissement, mais les pays en développement ne sauraient être dépossédés de ce bien public. Nul ne devra se sentir spolié.
En ces temps de fragmentation, de prétendu affrontement entre un Occident collectif et un Sud global, prenons la mesure du travail accompli pour aboutir à ce compromis et formons le voeu que cet accord en appelle d'autres.
Pour que l'accord produise des effets tangibles, les parties devront démontrer une volonté de le mettre en pratique. De grandes puissances l'ont signé, tout en étant frileuses. Il ne faudrait pas que la France soit la seule à imposer de nouvelles contraintes à ses entreprises : nos partenaires, qui sont aussi nos concurrents, devront faire de même.
La France, deuxième nation au monde pour la surface de ZEE, mais aussi puissance spatiale, aura un rôle majeur à jouer, notamment en matière de surveillance. Compte tenu des surfaces gigantesques à contrôler, des capacités militaires étoffées seront indispensables.
Le groupe Les Républicains soutient la ratification de cet accord. (Applaudissements sur plusieurs travées)
Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président
M. Teva Rohfritsch . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Dans un monde instable et soumis à des tensions croissantes, l'océan pourrait devenir l'espace de coopération dont nous avons besoin pour reparler d'une même voix. La signature du traité BBNJ en est une preuve concrète.
Grâce à ses outre-mer, la France est une nation mondiale. La haute mer couvre la moitié de la surface du globe et abrite 80 % de la biosphère. Parce que nous la connaissons mal, il faut protéger les trésors uniques qu'elle renferme probablement : ne les sacrifions pas à des intérêts de court terme.
Ce traité, complétant la convention de Montego Bay, apporte des solutions concrètes aux défis de la conservation marine et contribue au développement durable des États côtiers et insulaires.
Il prévoit la mise en place d'outils de gestion par zone, dont la création d'aires marines protégées, la réalisation d'études d'impact environnemental pour chaque activité en haute mer, un cadre pour la préservation des ressources génétiques marines et le transfert de technologies vers les pays en développement.
Après de longues années de négociation, nous ne pouvons nous permettre d'attendre douze ans pour que l'accord entre en vigueur, comme ce fut le cas pour la Convention de Montego Bay. La France doit encourager ce mouvement global.
L'océan n'est pas un désert de population : il est habité par des peuples enracinés dans des cultures millénaires, porteurs d'une histoire profondément liée à l'océan. Les peuples de navigateurs sont la mémoire et les gardiens de ces eaux. Ils sont pourtant en première ligne face aux effets dévastateurs du changement climatique. Afin d'éviter une double sanction, il est essentiel de garantir un partage juste des avantages issus des activités en haute mer et de renforcer les transferts de technologies marines vers ces communautés océaniques.
Les défis sont sans précédent : réchauffement, pollution aux plastiques, surpêche, alors que seuls 2,8 % de l'espace de la mer sont protégés. Il n'a jamais été aussi urgent d'agir, et l'ADN maritime de la France nous y oblige.
En Polynésie française, mon fenua, nous ne vivons pas en bord de mer, mais en bord de terre ! La mer est plus qu'un espace : elle nous berce et nous nourrit.
Ce traité ne doit pas être un texte de plus, mais un engagement réel. C'est l'occasion de s'engager dans un mouvement global de préservation des océans. Soyons le premier pays européen à nous acquitter de ce devoir. (Applaudissements sur diverses travées)
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) À l'examen de cet accord, des mots émergent : surpêche, exploration des fonds marins, transport maritime, pollution sonore, chimique et bactérienne.
Cet accord est issu des travaux de la conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine, sous les auspices des Nations unies. La COP 15 avait fixé l'objectif de protéger 30 % des mers et des terres à l'horizon 2030. C'était hier, mais cela semble si lointain.
Faut-il égrener les catastrophes qui ont provoqué cette lente prise de conscience ? Amoco Cadiz, Erika, Sea Empress, Aegan Captain... Ces désastres ont accouché de la convention de Montego Bay ; elle se limitait aux hydrocarbures, mais c'était un début.
Félicitons-nous de la réussite de la diplomatie environnementale française. Forte de 18 000 km de littoraux, possédant la deuxième ZEE mondiale, la France est une grande puissance maritime et littorale, grâce à ses territoires d'outre-mer. Cette réalité nous oblige.
D'aucuns affirmeront que l'accord est trop timoré. Il témoigne au contraire d'une prise de conscience majeure en faveur de la protection de la biodiversité marine et du rôle substantiel joué par la France et l'Union européenne dans ce domaine.
Mais ne soyons pas naïfs. Je m'interroge sur les moyens politiques mis en oeuvre par les Nations unies, l'Union européenne et la France pour encourager les États à ratifier l'accord - à ce jour, seuls quatorze l'ont fait. Et je m'inquiète de la capacité de la France à mobiliser des moyens après les annonces de Michel Barnier sur le redressement des comptes publics.
Malgré ces incertitudes, le RDSE soutient la ratification de l'accord. (Applaudissements sur diverses travées)
M. Édouard Courtial . - Alors que le rôle de la perturbation anthropique dans la dégradation des océans et des fonds marins n'est plus à prouver, cet accord est historique, ambitieux et prometteur.
Historique, parce qu'il fait de la haute mer, jusqu'ici espace de liberté totale, un bien public. Les deux tiers de la surface maritime mondiale sont concernés. La communauté internationale a cherché, ces dernières années, à s'entendre sur les lacunes à combler dans le régime issu de la Convention de Montego Bay : le traité BBNJ est le fruit de ce travail.
Ambitieux, parce que l'accord ouvre la voie à des aires marines protégées créées par consensus ou, en cas de blocage, à la majorité qualifiée, ce qui est inédit. Des études d'impact devront être entreprises avant toute nouvelle activité en haute mer, l'exploitation des ressources génétiques marines sera régulée et les capacités des pays en développement seront renforcées.
Ce package deal est indispensable pour protéger les écosystèmes et nos engagements communs - lors de la COP 15, la France a pris l'engagement de protéger 30 % des mers d'ici à 2030. C'est un véritable pacte politico-scientifique au service de la santé des océans.
Enfin, l'accord est prometteur, car il marque un premier pas vers une protection plus complète de la haute mer. Certes, l'absence de mesures relatives à la pêche et à l'exploitation des ressources minérales en réduit la portée, comme le souligne l'Opecst. Ce traité n'en demeure pas moins une avancée historique.
La diplomatie française a un rôle déterminant à jouer pour pousser les pays signataires, à commencer par les Européens, à ratifier l'accord. Nous espérons que la troisième conférence des Nations unies sur les océans, qui se tiendra en juin prochain à Nice, marquera l'histoire.
Je remercie André Guiol pour la qualité de son travail. Le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur diverses travées)
M. Jean-Pierre Corbisez . - Nous examinons ce texte après un déchaînement d'intempéries en France, en Europe centrale et en Espagne. Ces phénomènes s'accentueront avec le dérèglement climatique. Or la lutte contre ces derniers est inséparable de la protection des océans.
Cet accord complète le cadre juridique fixé en 1982. Nous saluons ce progrès, mais déplorons certaines lacunes. Un tiers des aires marines dans le monde seulement sont protégées efficacement, tandis qu'1,6 % des eaux françaises sont placées sous régime de protection intégrale - ailleurs, le chalutage de fond reste autorisé, alors qu'il est une cause majeure de destruction des océans.
Ce texte aurait gagné à se concentrer sur les aires marines à forte protection. Par ailleurs, nous regrettons l'absence de référence à la notion de « préoccupation commune de l'humanité », apparue dans une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies de 1988 à propos du changement climatique. Cette notion implique que les problèmes doivent être résolus par une coopération renforcée entre tous les États.
Dans l'ensemble, cet accord va dans le bon sens en posant les jalons d'une coopération internationale renforcée pour la préservation des océans et la mise en commun des avancées scientifiques. Nous voterons donc en faveur de sa ratification. (Applaudissements sur diverses travées)
M. Guillaume Gontard . - « L'océan vous touche à chaque respiration que vous prenez, à chaque gorgée, à chaque bouchée. Tout le monde, partout, dépend de la mer », écrit l'océanographe Sylvia Earle.
Or 66 % des milieux marins sont détériorés par la pollution, par la surpêche et par l'acidification induite par le réchauffement climatique. Un tiers des récifs coralliens, un tiers des mammifères marins, 40 % des amphibiens et 27 % des crustacés sont menacés, et avec eux toute la chaîne alimentaire. Protéger les océans est une condition sine qua non de notre survie.
Merci au groupe SER d'avoir permis le débat sur ce traité, dont l'accouchement est à mettre au crédit de la présidence française de l'Union européenne, après vingt ans de négociations internationales.
Je salue la possibilité de créer - y compris à la majorité qualifiée - des aires marines protégées en haute mer, où les activités humaines seront fortement encadrées. Nous approuvons également le renforcement des études d'impact environnemental, le partage des données génétiques extraites de l'océan ou le partage de technologies entre le Nord et le Sud. Nous comptons sur une entrée en vigueur rapide !
Au-delà de ce succès diplomatique, nous appelons le Gouvernement à passer aux actes. La France métropolitaine protège moins de 0,1 % de ses eaux, selon les critères scientifiques internationaux. Des méthodes de pêche destructrices sont pratiquées dans 86 % des aires maritimes européennes protégées. Suivons donc l'exemple de la Grèce et de la Suède, qui ont annoncé l'interdiction du chalutage de fond dans leurs aires marines protégées d'ici à 2030 ; interdisons aux navires-usines de venir ravager nos côtes, mettant sur la paille notre pêche artisanale ; et préparons la transition écologique et sociale du secteur de la pêche.
Monsieur le ministre de la mer, des ONG prétendent que vous oeuvrez pour que le monstrueux méga-chalutier pélagique Annelies Ilena bénéficie du quota de pêche français. Ce serait aussi incompréhensible qu'indéfendable.
Enfin, nous vous demandons d'accorder l'asile politique et la nationalité française à Paul Watson : la place d'un défenseur des baleines n'est pas en prison. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Merci à André Guiol, fin connaisseur du sujet, pour son rapport.
À ce jour, quatorze pays signataires ont ratifié la convention, bientôt quinze. Il faut arriver aux 60 avant la conférence de Nice sur les océans, mais une cinquantaine de pays ont déjà engagé le processus. Avec M. l'ambassadeur et le Président de la République, nous sommes conquérants, mais restons raisonnablement optimistes.
Madame Jouve, il appartient au Parlement de fixer le budget. Mais faire de la conférence de Nice pour les océans l'équivalent de l'accord de Paris pour le climat suppose une certaine ambition budgétaire. Nous avons préservé la part de l'État, mais des collectivités contribueront aussi et des fonds privés seront mobilisés pour rendre cette conférence accessible au grand public, afin qu'elle soit aussi un moment de pédagogie.
M. Médevielle peut être rassuré : les questions de propriété intellectuelle seront réservées à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
Je laisserai le ministre de la mer répondre sur les aires marines protégées françaises, mais le chiffre de 1,6 % ne nous semble pas correct - nous sommes plutôt autour de 5 %.
S'agissant de Paul Watson, nous travaillons sur les possibilités offertes à la France. Vous le savez, la France partage sa cause. Le vote que vous vous apprêtez à exprimer le montre.
M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche. - Je suis fier, en présence de l'ambassadeur des pôles et du rapporteur, de voir la France ratifier le BBNJ. Cela marque notre ambition pour une politique maritime protectrice et durable.
J'ai été surpris d'entendre que j'aurais attribué des quotas de pêche à l'Annelies Ilena. Ces quotas sont attribués au Joseph Roty, qui dépend du port de Saint-Malo. Aucune décision de transfert n'a été prise, et je n'ai à aucun moment rencontré les dirigeants de la Compagnie des Pêches Saint-Malo.
Monsieur Weber, il n'y a pas de contradiction entre cet accord et les piliers de notre stratégie nationale que sont le développement des activités humaines maritimes durables, sources de milliers d'emplois et de valeur ajoutée, et la protection des océans et de la biodiversité marine. Mais les aires marines protégées ne sont pas des aires d'interdiction. Cette position pragmatique nous conduit à analyser au cas par cas l'impact des activités humaines sur l'environnement. Là où la pression est manifeste, nous pouvons réguler, voire interdire ; là où elle est faible, nous pouvons autoriser, sous conditions.
Notre devoir est de protéger nos pêcheries, notre économie territoriale, qui contribue à notre souveraineté alimentaire. Mon objectif est d'accompagner les professionnels en faisant évoluer les techniques de pêche - je pense au projet Jumper porté par l'Ifremer.
Près de 80 % des produits de la mer consommés en France sont importés : veut-on encore dégrader ce ratio ? Choisissons la voie de l'équilibre, tout au long de l'année de la mer en 2025. (M. Cédric Perrin applaudit.)
À la demande de la commission des affaires étrangères, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°30 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 340 |
Contre | 0 |
L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est définitivement adopté.
(Applaudissements)
La séance est suspendue quelques instants.
Individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes, présentée par Mme Marie Mercier et plusieurs de ses collègues.
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme Marie Mercier, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai eu la chance de croiser Pierre Chaunu, qui avait écrit que « l'enfant est la ligne de flottaison de la société ».
Cette proposition de loi a pour but de mieux protéger les enfants. Elle comporte trois articles, qui peuvent sembler disparates : l'article 1er a trait au changement de nom, l'article 2 au délit d'extorsion d'image, l'article 3 aux chauffeurs de bus...
Le point commun est l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais), un outil efficace, qui ne peut être utilisé que par des administrations, la police ou la gendarmerie, et dans un cadre très strict - et c'est heureux ! La personne inscrite au Fijais doit pointer régulièrement - parfois pendant trente ans, dans les cas les plus graves.
Il est devenu très simple de changer de nom, d'où un risque de dérive - on l'a vu dans le cas de Francis Évrard, pédocriminel récidiviste ayant changé de nom en prison, qui n'était plus inscrit au Fijais sous son nouveau nom. Marc-Philippe Daubresse avait tenté d'y remédier dans un texte concernant les condamnés terroristes, qui n'a hélas pas prospéré.
L'article 2 intègre le délit d'incitation d'un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, à la liste des infractions pouvant aboutir à une inscription au Fijais. Idem pour la diffusion de ces images.
L'article 3 pourrait s'appeler l'amendement Émile Louis, qui a violé et assassiné sept jeunes filles dans les années 1970. Il était chauffeur de bus. Les opérateurs de transports publics nous ont alertés : comment savoir qu'un chauffeur ne doit pas être en contact avec des enfants ? Nous avons eu le cas récemment, en Saône-et-Loire, d'un chauffeur intérimaire qui a eu un comportement inadéquat devant des enfants.
Il est donc proposé de donner aux transporteurs publics la possibilité de savoir, via la préfecture, si un candidat est inscrit au Fijais.
Depuis la loi du 8 mars 2024, la consultation du Fijais est désormais systématique pour tous les enseignants, animateurs et éducateurs sportifs, professionnels ou bénévoles. Ce texte l'étend aux chauffeurs de transport public de personnes.
Je remercie tous les collègues qui ont enrichi le texte, et espère son inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
L'enfant est la ligne de flottaison d'une société : s'il coule, c'est toute la société qui fait naufrage. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du RDSE)
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si les mesures de ce texte sont disparates, les infractions qu'il vise ne le sont pas tant : elles sont caractérisées par la dangerosité des auteurs et par le risque de récidive. D'où l'instauration par le législateur de la rétention de sûreté, qui soumet les personnes condamnées pour des infractions particulièrement graves à une surveillance socio-médico-judiciaire. Le moyen le plus commun est l'inscription à un fichier : le Fijais pour les infractions sexuelles, le Fijait (fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes) pour les infractions terroristes. Ce dernier compte environ 1 900 inscrits ; le Fijais, pas moins de 111 000.
Les inscrits doivent pointer, c'est-à-dire se rendre à la gendarmerie ou au commissariat, signaler leur changement d'adresse et, pour le Fijait, déclarer leurs déplacements à l'étranger.
Dans certains secteurs, l'inscription au fichier entraîne l'interdiction d'exercer et d'entrer en contact avec des mineurs et des personnes vulnérables. L'incapacité peut être prononcée par le juge. Les collectivités employeurs peuvent aussi avoir connaissance de l'inscription au fichier pour éviter de recruter ces personnes dans des métiers impliquant un contact avec des mineurs ou des personnes vulnérables - ce que la jurisprudence a validé.
Bref, il existe déjà des moyens de surveillance pour éviter la récidive.
Les mesures du texte sont disparates parce qu'elles comblent des vides. Mme Mercier avait été rapporteur de la proposition de loi Vignal facilitant le changement de nom ; elle nous avait alertés sur le risque que certains échappent aux contrôles. Elle nous propose donc d'autoriser le procureur de la République à intervenir en cas de risque pour l'ordre public.
Un amendement de la commission a rendu opérationnel l'article relatif aux chauffeurs de bus. Mme Richard nous proposera d'aller plus loin et de sanctionner le manquement que constitue la tentative d'entrer en contact avec des mineurs, y compris à l'étranger.
M. Burgoa s'est soucié des plateformes qui mettent en contact des parents avec des baby-sitters, sans aucun contrôle des antécédents judiciaires de ces derniers. Une procédure permettra aux parents de savoir à qui ils ont affaire. Même chose pour les dirigeants d'associations recevant des mineurs.
Tout cela est délicat, car les fichiers sont des sources d'information très confidentielles. Le Conseil constitutionnel a autorisé leur consultation, mais en veillant à la divulgation des informations et à la préservation des droits et libertés constitutionnels.
La commission s'est donc attachée à préserver cet équilibre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement . - Je vous prie d'excuser le garde des sceaux, retenu en commission des lois de l'Assemblée nationale. Il nous rejoindra dès son audition achevée.
Il nous revient d'assurer la sécurité et la protection de nos enfants et de nos concitoyens. Ne laissons pas d'espace aux criminels pour agir, soit en changeant de nom, soit en exerçant dans une entreprise de transport public.
Le droit à modifier son identité doit s'inscrire dans un équilibre global préservant l'ordre public. La loi Vignal a connu un vrai succès : entre août 2022 et fin décembre 2023, 144 100 personnes ont changé de nom ; depuis, le rythme s'établit autour de 6 500 changements mensuels.
Le texte de Mme Mercier vise à empêcher que tout délinquant sexuel, violent ou terroriste puisse se soustraire aux obligations liées à l'inscription au Fijais ou au Fijait. Une personne dangereuse ne doit pas passer entre les mailles du filet. Ainsi, l'officier d'état civil pourra avertir le procureur de tout changement contraire à l'ordre public.
Gare toutefois à ne pas entraîner une charge excessive sur l'autorité judiciaire. À cet égard, je formulerai quelques réserves, qui ne font pas obstacle à l'adoption de la proposition de loi, et que votre commission a d'ailleurs anticipées.
La commission, dont je salue le travail, a ajouté un article 1er A bienvenu, qui prévoit l'information de l'autorité académique et du chef d'établissement en cas de mise en examen ou de condamnation pour une infraction terroriste d'un élève, ainsi que l'information de l'hébergeur de la personne libérée sous contrôle judiciaire - car les personnes poursuivies ou condamnées pour des infractions terroristes sont de plus en plus jeunes. Il demeure que les dérogations au secret de l'enquête doivent être strictement limitées.
L'article 1er prévoit l'information systématique par l'officier d'état civil et, le cas échéant, l'opposition du procureur. La commission a prévu que le bulletin n°2 du casier judiciaire serait joint à la demande de changement simplifié de nom, et que la menace à l'ordre public ferait l'objet d'une définition légale expresse.
Les inscrits au Fijais ou au Fijait devront aussi déclarer tout changement de nom ou de prénom dans un certain délai, ainsi que leurs déplacements à l'étranger, sur décision expresse du juge. Cette obligation devra être notifiée aux 110 000 personnes actuellement inscrites, qu'elles envisagent ou non de changer de nom.
L'article 2 étend la liste des infractions entraînant l'inscription au Fijais aux délits créés par la loi Billon du 21 avril 2021 : l'extorsion d'images pédopornographiques et les atteintes sexuelles qu'un mineur est contraint de s'infliger à lui-même. L'ensemble du régime procédural prévu pour les infractions sexuelles et de protection des mineurs leur sera applicable, ce qui alourdira la charge des juridictions et des services enquêteurs. L'augmentation des expertises, alors qu'on manque d'experts, doit être soulignée.
L'article 3 empêche les personnes inscrites au Fijais ou au Fijait d'exercer dans le secteur du transport public des mineurs ou des majeurs vulnérables, sur le modèle de l'obligation d'honorabilité introduite par le législateur dans le sport et le médico-social. La rédaction initiale allait trop loin, elle ouvrait l'accès aux données du Fijais à des sociétés privées, or ce fichier comprend aussi des condamnations non définitives.
Une personne dangereuse ne doit pas passer entre les mailles du filet : le Gouvernement est donc favorable à l'adoption de la proposition de loi, même si certaines dispositions doivent encore être travaillées. Par ailleurs, ce texte n'est pas le bon véhicule pour modifier le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).
Chère Marie Mercier, comptez sur moi pour l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que des groupes UC et Les Républicains)
M. Pierre Jean Rochette . - Les Français en ont marre de l'insécurité, de la délinquance. Ils nourrissent de fortes attentes en la matière. La théorie du « sentiment d'insécurité », hors des salons où elle a été élaborée, n'a convaincu aucun de nos citoyens. Ils ne supportent plus de voir les forces de l'ordre impuissantes face aux délinquants. Force doit rester à la loi !
Cela suppose des moyens budgétaires - heureusement, ce Gouvernement n'a pas réduit le budget des forces de l'ordre - et une évolution de notre arsenal législatif. Notre droit est complexe, reflet de la complexification de notre société mais aussi d'une criminalité toujours plus innovante.
Ce texte, modeste mais pragmatique, s'inscrit dans la suite du travail mené au Sénat depuis plusieurs années pour renforcer notre sécurité.
L'ouverture de nouveaux droits profite parfois aux délinquants qui cherchent à échapper à la justice et aux mesures de surveillance. Quoi de plus simple pour sortir des fichiers que de changer de nom ? Les criminels violents doivent rester dans les radars de la police et de la justice. L'officier d'état civil devra donc avertir sans délai le procureur de la République si un condamné souhaite changer de nom.
Cette mesure de bon sens avait déjà été votée ici même.
Le texte accorde aux entreprises de transports en commun l'accès au Fijais, pour éviter de mettre au contact du public des individus potentiellement dangereux - on pense à Émile Louis. Encore une mesure de bon sens, que le Sénat avait déjà adoptée.
D'autres dispositions visent à tenir compte de la création de nouveaux délits sexuels à l'encontre des mineurs, ou à allonger la durée maximale de rétention des étrangers condamnés pour infraction violente ou sexuelle, à l'instar de ceux condamnés pour terrorisme - un cavalier peut-être, mais un progrès pour notre sécurité !
Ce texte est le fruit d'un travail patient - j'en remercie Mmes Mercier et Jourda. Nous le soutiendrons sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et du RDSE)
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est l'occasion de poursuivre nos débats sur la surveillance des personnes condamnées pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes. Lors de la création du Fijais en 2004, certains critiquaient une forme de « peine à perpétuité » pour les personnes condamnées - il n'en est pas moins très utilisé.
Ce texte vise à corriger une faille de notre système et à gommer les effets de bord de la procédure de changement de nom simplifiée introduite en 2022. En effet, si la loi Vignal a soulagé les personnes souhaitant changer de nom pour des raisons légitimes, elle a également permis aux personnes condamnées d'échapper à la surveillance. C'est un risque bien trop important pour la société.
Aussi, la proposition de loi charge l'officier de l'état civil de saisir le procureur dès lors qu'un changement de nom présenterait un risque pour l'ordre public. Elle intègre également deux nouveaux délits à la liste des infractions pouvant aboutir à l'inscription au Fijais.
Émile Louis a commis ses crimes dans les années 1970, mais n'a été condamné que bien plus tard. Les pédocriminels visent principalement les domaines impliquant des enfants - éducation, sport ou transports. C'est pourquoi ce texte leur interdit d'exercer des professions qui les mettent en contact avec des mineurs ou des majeurs vulnérables.
Le groupe Les Républicains votera ce texte essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Patricia Schillinger . - Ce texte vise à renforcer l'efficacité de nos moyens de surveillance et de contrôle des individus les plus dangereux de notre société.
Créés en 2004 et 2015, le Fijais et le Fijait permettent de suivre les personnes qui y sont inscrites et de prévenir la récidive. Ils répondent à un impératif de sécurité publique. Mais la loi Vignal, saluée par beaucoup à l'époque, a créé une faille par laquelle les délinquants peuvent échapper à la surveillance, comme l'illustre le cas de Francis Évrard : condamné à huit reprises pour des viols sur mineurs, il a pu changer de nom en prévision de sa sortie de prison.
Cette proposition de loi vise donc à combler les lacunes de notre droit, et j'en remercie Mmes Mercier et Jourda. À l'initiative de Marc-Philippe Daubresse, le Sénat avait déjà apporté une réponse en janvier dernier, que reprend l'article 1er de la proposition de loi.
Le texte impose désormais d'informer le procureur de la République lorsqu'un condamné pour infraction sexuelle ou terroriste demande de changer de nom, permettant à l'autorité judiciaire de s'y opposer.
L'article 2 intègre deux nouveaux délits à la liste des infractions entraînant l'inscription au Fijais : la « sextorsion » et l'extorsion d'images pornographiques, auxquels les mineurs sont de plus en plus exposés.
L'article 3 ouvre l'accès au Fijais aux entreprises de transport public de personnes, via les préfectures. Cette mesure, déjà adoptée par le Sénat, était attendue par les citoyens et les élus locaux.
La commission a apporté des aménagements bienvenus. Elle a également adopté un amendement visant à prolonger jusqu'à 180, voire 210 jours, la rétention administrative des étrangers condamnés pour une infraction sexuelle ou violente grave. Cette mesure serait plus à sa place dans une loi Immigration - sur de tels sujets, gardons-nous de légiférer sous le coup de l'émotion.
Nous avons le devoir de protéger les mineurs et d'éviter que des personnes dangereuses exploitent les failles de notre droit.
Le RDPI votera ce texte pour assurer la pleine efficacité de nos outils de protection, pour une société plus sûre et plus juste.
Mme Sophie Briante Guillemont . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Si le risque zéro en matière de récidive n'existe pas, il n'est pas interdit de s'interroger sur le suivi des individus déjà condamnés. La question, liée à l'actualité et empreinte d'émotion, est délicate. Le changement de nom de Francis Évrard, condamné huit fois pour viol sur mineur, interpelle.
Je salue l'initiative de Marie Mercier.
Même si je n'étais pas sénatrice lors de l'examen de la loi Vignal, j'ai constaté que vous aviez alerté sur les conséquences juridiques d'une telle innovation. Madame Mercier, votre démarche est donc convaincante.
Vous avez complété votre dispositif par deux articles : l'article 2 étend la liste des infractions entraînant l'inscription au Fijais ; l'article 3 facilite la consultation du fichier par les autorités de transport.
L'objectif initial était louable, mais nous voici face au texte de la commission. À de nombreux égards, le dispositif a été enrichi par la commission des lois : l'article 1er A prévoit l'information obligatoire de l'autorité académique d'une personne scolarisée précédemment condamnée ou mise en examen ; nous l'approuvons, même si nous préférerions la restreindre aux condamnations. L'article 1er a aussi été précisé.
Cependant, l'extension à 180 jours, voire 210 jours, de la rétention administrative pour les étrangers condamnés à une interdiction du territoire français, après avoir commis une infraction sexuelle ou violente grave, ne nous semble pas opportune : ne tranchons pas superficiellement un débat important.
Le RDSE est attaché à l'exigence de qualité du débat et du travail parlementaire. Cette forme de dispersion nous inquiète : concentrons-nous sur le suivi des personnes ayant des antécédents graves, dans l'attente de l'examen d'un texte relatif à l'immigration et à l'asile, annoncé par le ministre de l'intérieur.
La majorité des membres du RDSE s'abstiendra si l'article 4 est adopté, alors qu'il est plutôt favorable aux autres dispositions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe INDEP)
Mme Olivia Richard . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La proposition de loi répond à un impensé. La simplification de la procédure du changement de nom, qui bénéficie à 10 000 demandeurs par mois, interroge : elle peut être une opportunité pour certains individus condamnés, par exemple, pour pédocriminalité. De plus, de nombreux cas sinistres, comme celui d'Émile Louis, ont conduit l'auteure de la proposition de loi à autoriser les entreprises de transport à consulter les fichiers.
J'ai proposé des amendements, pour prendre en compte deux réalités : les pédocriminels sont là où il y a des enfants - dans les secteurs associatifs - et la pédocriminalité ne connaît pas de frontière. Les employeurs associatifs peuvent déjà demander un extrait de casier judiciaire lors d'une embauche. Guy Benarroche souhaite les mêmes précautions pour les associations cultuelles : c'est de bon sens.
Les personnes condamnées pour pédocriminalité devraient être contraintes de signaler tout séjour à l'étranger, tandis que la violation d'une interdiction prononcée en France d'être en contact avec des mineurs, si elle est commise à l'étranger, doit pouvoir être sanctionnée en France.
Les femmes et les enfants à la rue, les tortures dans la pornographie, les violences intrafamiliales, parfois dans l'isolement des Français à l'étranger, la traite des femmes, l'excision, la prostitution des mineures de l'aide sociale à l'enfance (ASE), voilà ce dont j'ai pris conscience au fil des travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat. À peine élue sénatrice, j'ai été confrontée à ces cruelles réalités. Quelle gifle ! (La voix de l'oratrice se noue.) Le juge Édouard Durand nous a fait savoir que 160 000 enfants étaient victimes de pédocriminels en France - le plus souvent des hommes.
Depuis que je suis montée à la tribune, un enfant a été victime d'une agression sexuelle ; avant que je n'en descende, un second le sera.
Face à l'indicible, je salue tous ceux qui se battent - ce sont majoritairement des femmes. Je salue le travail des associations et des sénatrices, Mmes Marie Mercier et Muriel Jourda.
Véronique Béchu, commandante de police, cheffe du pôle stratégie de l'Office mineurs, rend compte de son activité de lutte contre la pédocriminalité dans Derrière l'écran. J'ai acheté un exemplaire de son livre, puis des dizaines, pour le faire lire autour de moi. On y apprend que la pandémie a fait exploser la cyberpédocriminalité de 6 000 %, que les pédocriminels évoluent avec les législations, que des mots obscurs recouvrent des pratiques hallucinantes, que filles et garçons sont tout autant victimes, que les moyens déployés sont insuffisants - l'Office mineurs devrait passer de 35 à 85 agents en 2025, pour 870 enquêtes par jour ! - , que les agents de l'office passent des heures à regarder chaque détail des vidéos pour aider les victimes, que 40 % des hommes qui échangent des vidéos pédopornographiques passent à l'acte.
On y apprend que la loi française s'applique dans le monde entier pour les ressortissants français, et que la compétence française est conditionnée à une réciprocité d'incrimination : un professeur condamné en France doit certifier tous les six mois qu'il habite cette adresse en France, mais il peut partir entretemps à l'étranger, dans un pays qui ne réprime pas les relations sexuelles avec les mineurs ; la procédure judiciaire engagée contre lui n'a pas pu aboutir, en raison de l'inexistence de l'infraction de pédocriminalité dans ce pays.
Nous devons donc adapter notre arsenal juridique. J'ai voté en faveur de l'amendement rebaptisé « Philippine » par Dominique Vérien, mais le groupe UC considère qu'il devrait être présenté dans un autre texte. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
M. Ian Brossat . - Nous souscrivons à l'objet du texte : protéger les plus vulnérables, notamment les enfants, est une priorité absolue. Éviter la récidive y participe pleinement.
Mais pour lutter contre ces phénomènes, il faut bien les comprendre. Le taux de récidive pour les infractions sexuelles s'élève à 5 % pour les crimes et 7 % pour les délits ; mais moins de 10 % des victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) portent plainte.
Vérité glaçante : les trois quarts des femmes victimes de viol ont été violées par une personne de leur entourage ; selon la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles. C'est un phénomène de société majeur. Obtiendrons-nous des moyens suffisants pour lutter contre ce fléau ?
L'objectif de la proposition de loi doit être équilibré : il s'agit non pas d'établir une double peine, mais de protéger les plus vulnérables. Évitons la démagogie. Nous soutiendrons des amendements pour revenir sur des ajouts de la commission qui s'écartent de cet équilibre, tel que l'article 4.
Introduite en commission, la durée de rétention de 180 jours n'a aucun lien direct avec la proposition de loi initiale et préempte des débats sur la future loi Immigration. Soyons sérieux. La durée moyenne de rétention en 2023 était de 28,5 jours. Cette mesure augmenterait le taux de séjour en rétention, sans augmenter les moyens des centres de rétention administrative (CRA) ; elle serait également coûteuse - le coût de la rétention administrative est évalué à 600 euros par jour et par personne. Le Gouvernement a déposé un amendement de suppression identique. Nous déterminerons notre vote en fonction des modifications apportées à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Marie Mercier applaudit également.)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe UC) La thèse de Foucault Surveiller et punir est devenue un gimmick mal compris. Pourtant, c'est l'aune à laquelle j'ai tenté de mesurer cette proposition de loi.
Je regrette le véhicule de la proposition de loi, qui nous prive de l'analyse du Conseil d'État. Le texte, qui concerne aussi les personnes mises en examen, s'éloigne de son sujet. Il devient le véhicule législatif de mesures diverses.
Certes, il n'y a pas de texte sans contexte. Certes, nous, sénateurs citoyens, sommes secoués par des faits divers, mais nous avons toujours dénoncé cette manie : un fait divers, une loi. Le punitif seul n'est jamais la solution.
Depuis Beccaria, l'humain, même fautif, même coupable, est au coeur du projet pénal - j'espère que nous nous retrouvons sur ce point. La prison est aussi un lieu de préparation à la réinsertion.
L'application de mesures existantes est une piste d'amélioration sensible : dans les faits, seuls 5 établissements sur les 22 fléchés ont mis en place des programmes luttant contre la récidive des auteurs d'infraction sexuelle. L'impossibilité de mettre en place des protocoles de prévention devrait nous interpeller.
Ce texte contient des mesures disparates loin de l'intention louable de son auteur. Le mécanisme risque d'être le même au prochain fait divers : indignation, posture de sévérité répressive, sans analyse globale ni prévention.
Ainsi, l'ajout de l'article 1er A pose la question du positionnement de notre société face au secret de l'instruction et à la présomption d'innocence. L'information du personnel académique dès la mise en cause nous laisse perplexes. Vous connaissez aussi notre opposition au qualificatif de « terroriste », souvent utilisé contre des militants écologistes, et agité comme une muleta.
Nous avons alerté sur l'adoption de lois qui, mises entre de mauvaises mains, entraîneraient des dérives sans nom, ou plutôt dont nous savons qu'elles font résonner le bruit des bottes.
Certains de nos amendements renforcent les mesures prévues ; d'autres visent à les supprimer. Malgré nos réserves sur les articles 1er A et 1er, si l'article 4 est supprimé, nous ne nous opposerons pas à l'adoption du texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie Mme Mercier qui, avec d'autres sénatrices, comme Laurence Rossignol et Annick Billon, travaille de façon obstinée sur les violences sexuelles et fait avancer le combat.
Ce texte place la lutte contre les violences sexuelles sur le même plan que la lutte contre le terrorisme et érige au rang de priorité la défense des enfants. Voilà qui est nouveau. S'il est légitime de vouloir corriger la loi Vignal, nous regrettons l'absence d'évaluation de ce texte.
L'alignement du traitement des auteurs de violences sexuelles sur les auteurs d'attentats terroristes se traduit par l'inscription aux fichiers existants ; l'un d'entre eux comprend 111 000 personnes, et tous deux incluent les mis en examen.
Je l'ai indiqué en commission des lois : ces fichiers ne sont jamais « nettoyés », et la Cnil a constaté que 40 % des informations contenues dans le Stic (système de traitement des infractions constatées) sont inopportunes.
L'extension de la consultation de ces fichiers à de nouveaux acteurs - autorités de transport, plateformes de baby-sitting - semble être sans limites. Même chose pour le changement de nom ou de prénom. Pourquoi avoir pris en compte ce dernier ? Devons-nous y voir l'idée qu'un changement de prénom pour changement de genre constituerait un trouble à l'ordre public ? Je n'ose le croire !
Un très grand nombre de personnes est déjà autorisé à consulter ces fichiers.
Cette proposition de loi s'est fait le refuge d'une mesure tendant à allonger de 180, voire 210 jours, la rétention des personnes condamnées pour crime et délit et soumises à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cette disposition n'a rien à faire dans ce texte. Le Sénat a déjà fait un usage bien désinvolte de l'article 45 de la Constitution, ce qui lui a coûté un rejet massif de nombreuses dispositions ; mais cet argument n'a pas convaincu.
Lorsque Charles Pasqua - personne ne fera de lui un gauchiste irresponsable - (M. Laurent Burgoa s'exclame) était ministre de l'intérieur, la durée de rétention était de 12 jours. Puis ce fut 90 jours avec Gérard Collomb. Or le Conseil constitutionnel demande que la durée de rétention soit proportionnée.
Pas moins de 81 % des mesures d'éloignement sont prononcées dans les temps nécessaires. Ne prétendez pas qu'un tel élargissement aurait permis d'éviter le meurtre de Philippine par un récidiviste. La durée de rétention n'accroît pas la performance de l'éloignement.
Nous parlons de personnes en détention frappées d'une interdiction du territoire français. Comment le parquet, chargé de l'exécution des peines, ne se préoccupe-t-il pas, si nécessaire, de demander le laissez-passer consulaire ? Quel est l'intérêt de placer ces personnes en rétention - a fortiori pendant 210 jours ? D'ailleurs, ces OQTF ne sont pas nécessaires lorsque ces personnes ont des papiers d'identité.
Cette disposition me semble être de pure communication : elle n'a pas de fondement sérieux, sachant que tous, ici, nous souhaiterions que les OQTF soient mieux exécutées.
Nous sommes favorables à l'objet du texte, mais réservés sur certaines dispositions et opposés à l'extension prévue à l'article 4. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDPI et du RDSE)
Mme Catherine Belrhiti . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La surveillance renforcée des individus condamnés pour des crimes particulièrement odieux est un sujet essentiel. Pour garantir la sécurité des citoyens, notre vigilance se doit d'être absolue. La justice n'a de sens que si elle est capable de prévenir les récidives et de susciter la confiance.
Or certains individus utilisent la loi Vignal pour changer de nom, dissimuler leur passé et contourner les mesures de protection. C'est une menace directe pour les victimes. Il est inconcevable d'autoriser un tel retour à l'anonymat sans une surveillance appropriée.
La proposition de loi de Mme Mercier autorise donc le procureur de la République à agir pour empêcher qu'un condamné échappe au suivi judiciaire, instaure des moyens complémentaires pour suivre les personnes condamnées, notamment l'extension des infractions donnant lieu à l'inscription au Fijais, et permet aux transporteurs publics de consulter ce dernier.
Ces mesures s'inscrivent dans une démarche pragmatique pour corriger une faille de notre système judiciaire et envoyer un message clair : la sécurité de nos concitoyens avant tout.
Notre société ne peut tolérer aucune faille, surtout lorsqu'il s'agit de crimes qui portent atteinte à la paix sociale. Cette initiative va dans le sens d'une société plus protectrice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Béatrice Gosselin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte n'est pas qu'une simple correction technique ; il interroge nos principes fondamentaux et la confiance que nos concitoyens accordent à l'État pour les protéger.
En effet, des individus condamnés pour des crimes sexuels, pour des actes inqualifiables, pour des attentats terroristes, ont profité de failles pour échapper à la surveillance. Le législateur doit y remédier, et prévenir de nouvelles tragédies.
La frontière est délicate entre droits individuels et protection collective, mais pour des récidivistes dangereux, la balance doit pencher vers la sécurité de nos concitoyens. Les victimes subissent des traumatismes irréversibles. Cette proposition de loi est le symbole d'un engagement : ne plus laisser de place à l'impunité.
La commission des lois a ainsi renforcé les contrôles lors des changements de noms et prénoms ; elle a autorisé le dégel du bulletin no 2 du casier judiciaire et étendu la liste des crimes entraînant l'inscription aux Fijais et aux Fijait. Par ailleurs, elle a précisé que les infractions les plus graves justifieraient une saisine automatique. Elle a aussi fixé un délai pour changement de nom et ajouté une déclaration de déplacement à l'étranger. À l'article 3, elle a proposé une interdiction légale de travailler dans le transport des publics vulnérables. Enfin, elle a prévu l'information des établissements scolaires et étendu l'ensemble de ces règles aux collectivités ultramarines.
Face à la barbarie, l'État de droit doit être intransigeant. La protection des victimes et de la société demeure la priorité absolue. Les individus dangereux ne doivent pas pouvoir s'engouffrer dans les failles juridiques.
Je vous invite donc à soutenir ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
Article 1er A
M. le président. - Amendement n°8 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Nous restreignons l'information des autorités académiques et des chefs d'établissement aux seules personnes condamnées pour actes terroristes. En effet, l'information en cas de simple mise en examen porterait atteinte à la présomption d'innocence et au secret de l'instruction.
Nous supprimons également cette possibilité pour les personnes ayant seulement méconnu les obligations résultant d'une interdiction de quitter le territoire, qui est une mesure administrative et non une condamnation judiciaire.
Il est regrettable que des magistrats soient contraints à informer les établissements sur réquisition du ministère public. La présomption d'innocence est un principe fondateur de notre société, et le secret de l'instruction offre aux enquêteurs des conditions de travail optimales, particulièrement dans le cadre terroriste, en facilitant la conservation de preuves et en prévenant les démarches dilatoires de potentiels complices.
Cet article nous préoccupe d'autant plus que la criminalisation des actions d'associations environnementales va croissant.
M. le président. - Amendement n°16 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - Les personnes mises en examen ont droit à la présomption d'innocence.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable aux deux amendements. L'article ne fait que reprendre un texte existant pour les infractions sexuelles. Il n'est pas anormal qu'une mise en examen pour des actes aussi graves que le terrorisme soit connue des autorités scolaires, d'autant que le nombre de mineurs concernés ne cesse d'augmenter. Le respect de la confidentialité est assuré : ceux qui la violeraient seraient condamnés.
L'interdiction de sortie du territoire est prononcée par le ministre lui-même, à l'encontre de personnes qui projettent un déplacement à l'étranger pour participer à des activités terroristes. Elle entraîne l'invalidation, à titre conservatoire, du passeport et de la carte nationale d'identité. C'est donc une mesure particulièrement grave, qui répond à des comportements qui le sont tout autant !
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. - Favorable à l'élargissement du mécanisme introduit en commission des lois, je ne puis qu'être hostile à sa suppression.
Bien que sensible à votre observation sur le risque d'atteinte à la présomption d'innocence et au secret de l'instruction, je rappelle qu'une obligation de confidentialité s'impose aux destinataires de ces informations, qui ne peuvent les évoquer qu'auprès des responsables de la sécurité et des professionnels, soumis au secret, chargés du suivi social et sanitaire des élèves. Cette obligation ne relève pas seulement de la déontologie : sa violation est soumise à une amende pénale de 3 750 euros.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le tout c'est d'y croire !
L'amendement n°8 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°16.
L'article 1er A est adopté.
Article 1er
M. le président. - Amendement n°9 de M. Benarroche et du GEST.
M. Guy Benarroche. - Cet amendement de suppression protège le droit de changer de nom ou de prénom à l'état civil : la mesure projetée imposera à des dizaines de milliers de personnes, non concernées par des infractions violentes, sexuelles ou liées au terrorisme, une charge administrative disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.
La possibilité pour le procureur de la République de s'opposer au changement de nom ou de prénom d'une personne condamnée n'empêchera pas la récidive. Justifiée par une seule affaire, cette mesure n'est fondée sur aucune donnée objective. Le contrôle systématique des antécédents judiciaires d'une personne souhaitant simplement changer de nom ou de prénom entre en outre en contradiction avec la loi de modernisation de la justice et la loi Vignal.
Selon l'Insee, 144 000 personnes ont changé de nom ou de prénom entre 2022 et 2023. Autant de personnes affectées par cette disposition sans lien avec la prévention de la récidive ! Supprimons cet article.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable, évidemment. L'article 1er est l'une des dispositions majeures du texte. Nous ne répondons pas à un fait divers, mais à une faille systémique : la possibilité d'échapper à la surveillance en changeant de nom. Cette faille avait déjà été identifiée par le rapporteur de la loi Vignal - qui n'est autre que l'auteur de ce texte.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Je partage votre souci de protéger les droits et libertés individuels, mais pas votre avis sur l'inutilité de cet encadrement pour la prévention de la récidive. Il s'agit simplement de s'assurer que le changement de nom ou de prénom rendu possible par la loi Vignal ne contrevient pas à l'ordre public. Avis défavorable.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10 de M. Benarroche et du GEST.
M. Guy Benarroche. - Cet amendement répond à votre argumentaire, en supprimant l'ensemble des mesures de l'article 1er, à l'exception de l'obligation pour une personne fichée de déclarer le dépôt de sa demande de changement de nom et de prénom. Le fichier pourrait ainsi être mis à jour - car c'est cela qui est nécessaire -, comme après un changement d'adresse. Les autres mesures sont disproportionnées.
M. le président. - Amendement n°1 de M. Brossat et du groupe CRCE-K.
M. Ian Brossat. - Attention à un effet de bord : étendre la mesure aux changements de prénom aurait des conséquences discriminatoires, notamment pour les personnes trans qui sont à l'origine d'environ 25 % des demandes.
Depuis la circulaire du 17 février 2017, la volonté de mettre en adéquation son état civil avec son apparence physique est certes reconnue comme un motif légitime de demande de changement de prénom, mais les démarches restent lourdes et complexes et cette mesure ne ferait qu'aggraver la situation de personnes déjà discriminées.
M. le président. - Amendement n°18 du Gouvernement.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Nous proposons que la liste des autorités compétentes pour consulter et délivrer copie du bulletin n°2 du casier judiciaire et de l'attestation de non-inscription au Fijais et au Fijait soit déterminée par voie réglementaire.
M. le président. - Amendement n°19 de Mme Jourda au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Correction d'une erreur matérielle. Monsieur Benarroche, nos points de vue convergent.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ouh là !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Vous jugez pertinente une disposition que vous souhaitiez supprimer sauvagement il y a quelques minutes ! Mais la commission juge toutes les mesures de l'article pertinentes. Avis défavorable à l'amendement n°10.
Monsieur Brossat, nous traitons tous les changements de prénom à égalité ; il n'y a donc aucun effet de bord ni aucune discrimination. Avis défavorable à l'amendement n°1.
Monsieur le ministre, vous souhaitez que le Gouvernement choisisse lui-même les autorités pouvant consulter les fichiers. Avis favorable : le Gouvernement s'organise comme il l'entend. Si l'amendement du Gouvernement était adopté, mon amendement n°19 deviendrait sans objet.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Avis défavorable aux amendements nos10 et 1. Si mon amendement n°18 n'est pas adopté, avis favorable à l'amendement n°19.
L'amendement n°10 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1.
L'amendement n°18 est adopté et l'amendement n°19 n'a plus d'objet.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Article 2
M. Guy Benarroche. - Nous avions déposé un amendement, déclaré irrecevable au titre de l'article 41 de la Constitution, tendant à mieux informer les employeurs publics territoriaux sur la possibilité d'obtenir des informations du Fijais durant et après le recrutement de personnes travaillant auprès de mineurs ou de personnes vulnérables.
Il est essentiel d'encadrer la consultation des fichiers ; nous alertons le ministre sur le manque de lisibilité du droit. Nous aurions souhaité que le Gouvernement mette à disposition de l'ensemble des autorités locales un document présentant la liste des autorités habilitées à consulter le Fijais et les modalités de cette consultation.
L'article 2 est adopté.
Après l'article 2
M. le président. - Amendement n°12 rectifié de M. Benarroche et du GEST.
M. Guy Benarroche. - Il s'agit d'accélérer les délais de réponse des services de l'État lorsqu'une collectivité territoriale demande à consulter les fichiers dans le cadre du recrutement d'une personne au contact avec un public mineur ou des majeurs vulnérables. Les préfets devront répondre dans un délai d'un mois afin de ne pas bloquer le recrutement et cela encouragera les collectivités territoriales à contrôler les antécédents judiciaires de leurs futurs employés.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable : n'étant assortie d'aucune sanction, cette obligation serait inopérante. Nous pourrions toutefois modifier notre avis, si jamais le Gouvernement y était favorable...
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - La généralisation du contrôle d'honorabilité a fortement augmenté les demandes de consultation du Fijais, auxquelles les services peinent à répondre, faute de moyens humains suffisants. Ce sont 157 729 consultations qui ont été demandées par les collectivités territoriales en 2023, en augmentation de 109,5 % par rapport à 2022. Ce travail est d'autant plus chronophage qu'il est réalisé manuellement, nom par nom. Le respect du délai d'un mois serait donc impossible.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cette réponse, quoique sincère, n'en demeure pas moins préoccupante : à la fin, les personnes sont bloquées dans leur recrutement.
Il n'y aurait pas de sanction, madame la rapporteure ? Qu'à cela ne tienne : sous-amendez en prévoyant qu'à défaut, l'avis est favorable.
Toutes les collectivités vont se retrouver en difficulté au moment de recruter.
Mme Olivia Richard. - Je partage l'inquiétude de ma collègue : quel est le délai moyen de réponse à une demande de consultation ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Madame de La Gontrie, je ne suis pas convaincue de la pertinence d'un tel sous-amendement. Préjuger d'un avis favorable irait à l'encontre de notre objectif, qui est d'empêcher que des personnes condamnées soient recrutées et mises en contact avec des mineurs !
M. Guy Benarroche. - Je ne comprends pas le raisonnement de Mme la rapporteure. Nous parlons de personnes condamnées qui pourraient se retrouver en contact avec des mineurs ! Cet amendement s'inscrit parfaitement dans l'objectif de l'auteur du texte. On ne peut pas y renoncer sous prétexte qu'il y a de plus en plus de demandes. Il faut recruter pour éviter que les services soient sous l'eau.
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Après l'article 3
M. le président. - Amendement n°14 de M. Benarroche et du GEST.
M. Guy Benarroche. - Nous interdisons à toute personne condamnée pour une infraction sexuelle ou violente d'exercer des activités auprès de mineurs ou de personnes vulnérables au sein d'associations cultuelles. La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase) a montré que sur les 330 000 victimes mineures recensées, près de 216 000 victimes le sont de clercs et religieux. Selon le rapport de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), les religieux sont plus concernés - à 25 % - que les enseignants - 19 % - ou les entraîneurs sportifs - 8 % - par les agressions sexuelles sur mineur. La première recommandation de la Commission Sauvé, c'est de vérifier systématiquement les antécédents judiciaires des personnes mandatées par l'Église auprès de mineurs ou de personnes vulnérables.
Nous étendons donc aux salariés d'associations cultuelles les obligations prévues pour les chauffeurs de transport collectif.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Cet amendement me surprend tout de même un peu : vous reprenez les conclusions de la commission Sauvé, bien sûr, mais il faut viser l'ensemble du milieu associatif ! Trop partiel - trop partial, ce serait injuste -, cet amendement mériterait d'être retiré au profit de l'amendement de Mme Richard, qui vise toutes les associations. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Même avis. L'objectif est légitime, mais l'amendement nécessite une réflexion complémentaire. Avis défavorable à défaut d'un retrait.
M. Guy Benarroche. - Nous voterons des deux mains l'amendement de Mme Richard. Cela dit, notre amendement interdit - j'y insiste - l'exercice d'activités auprès de mineurs par les personnes condamnées, ce que ne fait pas celui de Mme Richard.
Mme Olivia Richard. - Seul le juge peut interdire toute activité auprès des mineurs - en vertu du principe d'individualisation des peines.
Mon amendement n'aurait pas couvert le vôtre, j'aurais voté celui-ci.
En outre, la demande d'attestation prévue par votre amendement me semble un peu lourde, surtout compte tenu du débat sur les délais de consultation que nous venons d'avoir...
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
Article 4
M. le président. - Amendement n°2 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.
M. Ian Brossat. - Nous souhaitons supprimer l'article 4, car nous ne sommes pas favorables à l'augmentation de la durée de rétention. Cette disposition n'a rien à faire dans ce texte, relatif au changement de nom.
C'est l'affaire Philippine, ce meurtre monstrueux, qui a conduit à sa rédaction. L'auteur des faits est resté 75 jours en CRA ; le laissez-passer consulaire a été délivré trois jours après : alors pourquoi augmenter la durée de rétention, alors que les 90 jours réglementaires n'avaient même pas été atteints ? Les CRA ont été conçus comme des sas, mais à 210 jours de rétention, on n'est plus dans un sas ! La vraie question, c'est comment on obtient les laissez-passer consulaires.
M. le président. - Amendement identique n°4 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Faute de réponse, je repose ma question : pourquoi une personne en détention visée par une OQTF ne fait-elle pas déjà l'objet d'une demande de laissez-passer consulaire de la part du parquet ou de la préfecture ?
M. le président. - Amendement identique n°11 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Je m'associe à la question de Mme de La Gontrie et au propos de M. Brossat.
La durée de rétention, de 10 jours en 1993, est passée à 18 en 1998, à 32 en 2003, à 45 en 2011 puis à 90 en 2018. Cet allongement n'a pas entraîné une hausse des éloignements, dont l'écrasante majorité interviennent dans les premiers jours. Le problème n'est donc pas là.
M. le président. - Amendement identique n°17 du Gouvernement.
M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations. - Je salue le travail de Mme Mercier.
Le Gouvernement souscrit sans ambiguïté à votre objectif. Oui, la rétention administrative est un outil efficace pour réussir les éloignements et protéger nos concitoyens, s'agissant d'individus dangereux et pénalement caractérisés comme tels.
Le cadre européen actuel - je ne parle même pas d'une nouvelle directive Retour - nous permet d'aller plus loin que ce que nous faisons. C'est, du reste, le choix de la plupart de nos voisins européens.
Si nous proposons la suppression de cette mesure, c'est que nous souhaitons l'insérer dans un véhicule législatif adapté, début 2025, pour lui donner sa pleine portée. L'objectif est partagé et assumé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et ma question ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Je ne partage aucun des arguments avancés en défense des trois premiers amendements. Cette mesure concerne la sécurité de nos concitoyens : elle a donc un lien avec le présent texte. Pour autant, j'entends l'engagement du ministre, et du ministre de l'intérieur, de présenter une loi Immigration qui donnera à cette mesure sa pleine portée. Je leur fais confiance, ainsi qu'au garde des sceaux. Dès lors, avis favorable.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Madame de La Gontrie, c'est à la préfecture et non au parquet de faire la demande. Les enjeux sont diplomatiques.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Qu'en pense le ministère de l'intérieur ?
Les amendements identiques nos2, 4, 11 et 17 sont adoptés et l'article 4 est supprimé.
L'amendement n°3 n'a plus d'objet.
Après l'article 4
M. le président. - Amendement n°20 de Mme Jourda au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Il s'agit d'étendre le périmètre de la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité au contact habituel de mineurs aux auteurs de certaines infractions lorsqu'elles sont commises sur mineurs : meurtre et acte de torture ou de barbarie ; enlèvement et séquestration ; proxénétisme et traite des êtres humains.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°20 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°6 de Mme Richard.
Mme Olivia Richard. - Cet amendement réprime de manière autonome la violation d'une interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs. La sanction serait applicable même en cas de tentative et pour des faits commis à l'étranger.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Je partage votre volonté d'assurer le respect des peines prononcées, mais l'article 434-40 du code pénal punit déjà la violation d'une telle interdiction de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Par ailleurs, le droit en vigueur permet de poursuivre un tel comportement commis à l'étranger, sous réserve de l'existence d'une infraction équivalente. Votre amendement créerait une incohérence dans le droit. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Olivia Richard. - Dans nombre de pays, cette réciprocité ne s'applique pas. J'ai à l'esprit moult exemples de personnes qui en profitent pour commettre à l'étranger des crimes pour lesquels elles ont été condamnées en France. Nous parlons de crimes graves ! Une force supplémentaire doit être donnée à la décision du juge.
L'amendement n°6 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°21 de Mme Jourda au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Le procureur de la République doit être tenu d'informer une série de personnes publiques et privées de toute interdiction d'exercer auprès des mineurs, afin que toutes les conséquences d'une telle décision soient rapidement tirées.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Je partage votre objectif, mais le droit actuel prévoit déjà cette information, et même de façon plus large. La liste des professions devant être informées intègre les personnes publiques, les personnes de droit privé chargées de missions de service public et les ordres professionnels. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Une mise en cohérence avec le droit en vigueur est sans doute nécessaire ; nous y pourvoirons dans la suite de la navette.
L'amendement n°21 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°7 de Mme Richard.
Mme Olivia Richard. - Il s'agit d'inciter les associations à demander le bulletin n°3 du casier judiciaire avant tout recrutement. Là où il y a des enfants, il y a des pédocriminels. Des associations n'ayant pas pour objet principal le contact avec des mineurs peuvent mener des activités impliquant des contacts occasionnels.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable à cet amendement qui a l'avantage de ne pas rendre public le Fijais.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Sagesse.
L'amendement n°7 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°5 de M. Burgoa et alii.
M. Laurent Burgoa. - Cet amendement est aussi simple qu'essentiel : de nombreux Français ont recours à des plateformes de mise en contact pour recruter des baby-sitters. Nous voulons imposer à celles-ci d'informer leurs clients de la possibilité de consulter le bulletin n°3 du casier judiciaire. En cas de méconnaissance de cette obligation, les autorités administratives pourraient suspendre le site et la DGCCRF prononcer des amendes allant jusqu'à 3 % du chiffre d'affaires.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable, d'autant que, là aussi, une publication du Fijais est évitée.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Je souscris à l'intention : permettre aux employeurs de s'assurer que leur salarié n'a pas été condamné par la justice via la consultation du bulletin n°3. Mais votre amendement nécessiterait un travail d'expertise dont nous ne disposons pas. Sagesse, toutefois.
L'amendement n°5 est adopté et devient un article additionnel.
L'article 5 est adopté.
M. Guy Benarroche . - Le GEST soutient les articles 2 et 3 et salue l'adoption des amendements d'Olivia Richard. À chaque fois, ce sont des condamnés qui sont concernés.
En revanche, nous sommes opposés à l'article 1er A, qui permet au ministère public d'obliger le juge à rompre le secret de l'instruction pour informer les autorités académiques d'une mise en examen. De même, nous sommes réservés sur l'article 1er, qui complexifie les démarches de changement de nom, ce qui n'est en rien une aide à la surveillance.
Du fait de ces deux articles dangereux, nous nous abstiendrons.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur de nombreuses travées)
Prochaine séance demain, mercredi 6 novembre 2024, à 15 heures.
La séance est levée à 20 h 10.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 6 novembre 2024
Séance publique
À 15 heures, 16 h 30 et, éventuellement, le soir
Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente
Secrétaires : M. Philippe Tabarot, M. Guy Benarroche
1. Questions d'actualité
2. Débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances
3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité (texte de la commission, n°90, 2024-2025)