La France a-t-elle été à la hauteur des défis et de ses ambitions européennes ?
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « La France a-t-elle été à la hauteur des défis et de ses ambitions européennes ? », à la demande du groupe SER.
M. Didier Marie, pour le groupe SER . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Alors que la neuvième législature du Parlement européen s'achève, nous avons demandé ce débat de contrôle, en regrettant que le Gouvernement n'ait pas pris l'initiative d'un tel bilan devant le Parlement.
Alors que nos concitoyens sont parfois critiques envers l'Union européenne, l'exprimant par des intentions de vote qui font la part belle à l'extrême droite, nous leur devons la plus grande honnêteté sur le rôle de notre pays auprès de l'Union européenne.
Alors que la majorité se tresse des couronnes, la France n'a été que trop rarement à l'initiative des avancées européennes, voire les a combattues. Nous avons entendu de grands et beaux discours, mais n'en avons pas vu la traduction en actes.
L'Union européenne, à un tournant de son histoire, est attaquée sur ses valeurs, concurrencée par des puissances déloyales, confrontée au dérèglement climatique. Le manque de cohésion, le retour des égoïsmes et la montée des populismes en son sein appellent des réponses à la hauteur.
Ces dernières années, face aux crises, l'Union européenne a montré le meilleur d'elle-même et a pris conscience de l'importance de l'action publique face à des logiques économiques dangereuses : Green Deal, droits sociaux, normes... Souvent à l'initiative des forces proeuropéennes progressistes. Malheureusement, le bilan de l'exécutif à l'échelle européenne est contrasté, souvent en décalage avec nos partenaires.
La France a ainsi été le fer de lance de l'opposition à la directive d'amélioration des conditions de travail des travailleurs de plateforme, qui concerne pourtant 30 millions de personnes. Le Gouvernement a pesé de tout son poids pour éviter d'inclure la finance dans la directive sur le devoir de vigilance. Enfin, le Gouvernement s'est opposé à la définition commune du viol basée sur le non-consentement, pour laquelle le Président de la République plaide depuis...
De même, dès les premières contestations contre le Green Deal, qu'il soutenait pourtant, l'exécutif a appelé à une pause réglementaire, voire à des reculs, comme l'autorisation du glyphosate pour dix ans. L'histoire le retiendra.
L'exécutif a plaidé pour la conclusion d'accords de libre-échange sans clauses miroirs.
Prise dans ses désaccords avec l'Allemagne, la France n'a pas fait émerger une politique énergétique à la hauteur des enjeux. La tarification marginale et l'ordre de mérite n'ont pas été remis en cause.
Sur le volet financier, les pays dits frugaux ont gagné la bataille, pénalisant l'investissement et la transition écologique. Il fallait répondre au protectionnisme américain ou chinois, mais la France a toujours refusé une taxation des ultrariches au niveau européen et a visiblement renoncé à la taxe sur les transactions financières pourtant annoncée par l'exécutif, qui s'incline devant l'orthodoxie budgétaire qui a toujours nui à l'Europe.
La convention sur l'avenir de l'Europe devait être un tournant. Trois ans plus tard, elle n'a suscité que des désillusions tandis que, sur l'élargissement, le flou demeure. Alors que l'extrême droite prend pied, l'Union européenne doit défendre avec vigueur l'État de droit.
La France a défendu un pacte asile et immigration qui ne convient à personne.
La relation franco-allemande est désormais tendue. La politique de défense est au coeur de ce dissensus. L'insuffisance de nos livraisons d'arme à l'Ukraine et l'incohérence des discours sur l'envoi de troupes sont particulièrement dommageables.
Cette perte de capacité de compromis nous pousse vers la défense des intérêts nationaux. La France doit retrouver son orientation progressiste pour favoriser l'émergence de textes européens ambitieux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe . - Merci de donner au Gouvernement l'occasion de tirer le bilan de cette mandature. Revenons au discours du Président de la République à la Sorbonne en 2017 pour constater que ses propositions, qui embrassaient des sujets face auxquels l'Union européenne semblait totalement impuissante, ont trouvé des débouchés.
M. Patrick Kanner. - Très beau, en effet... 14 % !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - L'adoption du principe de souveraineté européenne, initialement accueilli avec tiédeur, est une victoire idéologique majeure de la France.
Le Président de la République appelait à « un salaire minimum adapté à la réalité économique de chaque pays ». Depuis 2022, c'est le cas.
Il parlait de lutte contre le dumping social. Le travail détaché a été régulé en Europe, avec, à travail égal, salaire égal. (M. Didier Marie marque son désaccord.)
Le Président de la République soutenait également « un programme industriel européen de soutien aux véhicules propres ». Désormais, nous avons quatre méga-usines de batteries électriques et un programme d'investissement européen, avec 250 000 personnes formées en France.
Le Président de la République disait que le continent du numérique avait « une loi, la loi du plus fort ». Sept ans plus tard, nous disposons des lois les plus ambitieuses au monde pour réguler le numérique.
Le Président de la République plaidait pour une taxe carbone aux frontières, idée revenant à Chirac, mais jamais mise en oeuvre. Dès le 1er octobre 2023, elle a été instituée.
Le Président de la République plaidait pour une réciprocité en créant un procureur commercial européen. C'est le cas désormais.
En matière de défense, le Président de la République parlait « d'une force commune d'intervention, d'un budget de défense commun et d'une doctrine commune ». Sept ans plus tard, avant même l'agression russe en Ukraine, les bases d'une initiative d'intervention et d'une industrie européenne de défense sont jetées.
Le Président de la République appelait à un « espace commun des frontières, de l'asile et de l'immigration ». Sept ans plus tard, nous avons le pacte sur les migrations et l'asile. (Murmures à gauche)
M. Didier Marie. - Sans solidarité, au détriment des droits humains !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Le Président de la République annonçait une vingtaine d'universités européennes pour 2024. Nous recensons désormais 41 alliances d'établissements d'enseignement supérieur européens, et 60 d'ici à 2025.
Bien sûr que nous nous sommes trouvés en décalage avec nos partenaires, car nous avons dû les rallier à nos positions et les faire progresser. (On ironise à gauche.) Il a fallu aller au-delà de leurs réticences. Grâce à notre alliance pour le nucléaire, nous avons pu défendre cette technologie.
Ainsi, pour le pacte sur les migrations et l'asile, il fallait convaincre à la fois les pays de première entrée et les pays d'Europe centrale et orientale, qui se refusaient à tout partage.
Nous nous sommes trouvés en décalage également pour faire échec aux propositions portant atteinte aux intérêts français. Cela a été le cas sur le Mercosur.
MM. Patrick Kanner et Didier Marie. - Et le Ceta ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - S'il n'a pas été signé, c'est parce que la main de la présidente de la Commission européenne a été tenue par un fil, celui que tenait le Président de la République. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)
Sur l'IA, nous nous sommes mobilisés pour que la réglementation ne compromette pas la capacité européenne à développer ces technologies.
Le bilan écologique est si considérable que l'on nous accuse d'avoir été trop loin. (M. Didier Marie s'exclame.)
Vous parlez d'austérité budgétaire alors même que, pour la première fois, l'Union européenne s'est accordée sur le principe d'un emprunt commun, ce qui a doublé sa capacité budgétaire. (Protestations sur les travées du groupe SER)
M. Didier Marie. - Et l'encadrement de la dette et du déficit ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Vous terminez en émettant des doutes sur l'amitié franco-allemande. Je reviens tout juste de la visite d'État historique du Président de la République en Allemagne, une première depuis vingt-quatre ans.
M. Didier Marie. - Il était temps de se rabibocher !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Pour la première fois lors d'une telle visite, il a été dans l'ex-Allemagne de l'Est. Le Président de la République a été accueilli par le peuple allemand avec une grande chaleur : 10 000 personnes se sont rassemblées pour la fête de l'Europe à Dresde. (Protestations redoublées sur les travées du groupe SER)
Il y a bien quelque chose de fondamental qui entraîne l'Europe, c'est l'amitié franco-allemande. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Didier Marie. - Et tout cela, ça fait 14 % !
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) La France a toujours nourri de grandes ambitions pour l'unité de notre vieux continent. Après la Seconde Guerre mondiale, le défi était de taille : rétablir une paix durable pour les générations futures. Depuis 1945, notre pays connaît la plus longue période de paix de son histoire.
L'Europe vient d'essuyer deux tempêtes : covid et Ukraine. Plus que jamais nous devons sortir de la dépendance aux énergies fossiles. Il faut trouver des terrains d'entente avec des pays, comme l'Allemagne, qui ont fait un autre choix que nous.
La crise agricole du début d'année nous a forcés à remettre en oeuvre une politique plus réaliste. Il y a une place pour toutes les agricultures, et la productivité n'est pas incompatible avec l'environnement.
L'invasion de l'Ukraine a mis en évidence le besoin impérieux de défense européenne.
Nos adversaires pensaient que l'Union européenne ne survivrait pas à ces deux crises, mais elle en ressort renforcée.
Comment investirons-nous dans l'IA et l'aérospatiale ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - L'idée que l'Union européenne puisse investir était considérée il y a quelques années comme étrange, mais en mars 2022, à l'initiative du Président de la République, les Vingt-Sept se sont fixé des objectifs d'investissements pour réduire les dépendances dans certains secteurs - médicaments, agriculture -, dépendances qui avaient provoqué l'agacement légitime de nos concitoyens.
Ce que nous souhaitons à l'avenir, c'est encourager l'Union européenne à investir dans des secteurs où de futures dépendances pourraient se créer, tels que l'IA, le quantique, les biotechnologies, les nouvelles énergies et l'espace.
Le Président de la République a présenté ces orientations à la Sorbonne. Hier soir, la France et l'Allemagne ont acté une contribution commune sur l'attractivité et la croissance. L'Union européenne doit se doter d'une capacité d'investissement dans ces secteurs.
M. Olivier Henno . - Je veux aborder le retour de l'industrie, avec les gigafactories et le devenir de la politique de concurrence européenne. Dans les Hauts-de-France, nous sommes très heureux de ce retour, après le déclin industriel. Nous pensions, avec une certaine naïveté, que le tertiaire remplacerait l'industrie, mais cela ne s'est pas produit.
Le retour de l'industrie doit être durable. Nous devons prendre conscience que le monde a changé. Les gentils Européens, c'est fini.
J'ai rédigé un rapport avec Alain Chatillon sur la politique européenne de concurrence. En Chine et aux États-Unis, les aides publiques font partie du paysage.
La politique de concurrence européenne est depuis toujours axée sur le « moins cher ». Elle doit basculer vers l'ambition de la souveraineté européenne. Je sais qu'il y aura beaucoup de résistances.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Il y a une prise de conscience. La France défend depuis longtemps que l'objectif de la concurrence ne doit pas être uniquement le prix, mais également la défense de la souveraineté.
Dans l'agenda stratégique préparé avec l'Allemagne figure l'idée que la politique de concurrence favorise, dans le secteur des télécoms, par exemple, l'émergence d'entreprises de taille suffisante pour résister aux assauts de leurs rivales américaines ou chinoises.
De même que l'Europe prend, à l'initiative de la France, un virage en matière de commerce international, la politique de concurrence doit être revue.
Mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Dans le numérique, par exemple, la politique de la concurrence est le seul espoir de rouvrir des marchés occupés par les monopoles de géants créant une dépendance de nos entreprises et collectivités et empêchant toute initiative entrepreneuriale. Cette politique doit s'adapter à l'air du temps, mais elle est le moyen de rétablir l'équité violée par le comportement de très grandes entreprises américaines ou chinoises.
Mme Mathilde Ollivier . - (Applaudissements sur les travées du GEST) En 2019, il y a eu une vague d'espoir sans précédent avec des milliers de jeunes marchant pour le climat. La jeunesse s'engageait, se révoltait. J'en faisais partie, et cela a été pour moi un point de bascule.
L'espoir était immense. La condamnation de l'État pour inaction climatique obtenue par Marie Toussaint, élue au Parlement européen, ainsi que la venue de Greta Thunberg laissaient espérer des changements.
Il y a eu des avancées. Mais, depuis le covid, le Make the planet great again d'Emmanuel Macron a fait pschitt... La France recule sur la restauration de la nature, le glyphosate, les pesticides, le pouvoir d'achat des Français.
L'inquiétude règne. Toute une génération vous attend au tournant. Les écologistes sont constamment notés comme étant ceux qui ont fait le plus en faveur de l'écologie au Parlement européen. Et vous, monsieur le ministre, quelle note vous donnez-vous ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Didier Marie applaudit également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je ne suis pas sûr que ce soit à moi de nous attribuer une note... Toujours est-il que, avec le pacte vert, l'Europe a fait la preuve de son ambition en matière de transition climatique. Je regrette d'ailleurs que les députés français du groupe Les Verts au Parlement européen n'aient pas voté le texte sur le climat.
M. Didier Marie. - Il n'était pas assez ambitieux !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Peut-être, mais, si vous êtes attaché aux compromis par lesquels l'Europe avance, vous ne devriez pas vous y opposer !
M. Jean-Michel Arnaud. - Très bien !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - La mandature qui s'ouvre devra être au service de l'investissement pour la transition écologique et de la justice. Car le pacte vert doit aussi être juste. Les agriculteurs n'ont pas exprimé leur colère par climatoscepticisme, mais parce qu'ils redoutaient de devoir supporter un fardeau trop lourd. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)
M. Vincent Louault. - Bravo !
Mme Mathilde Ollivier. - D'après l'ONG Bloom, vous avez obtenu la note de 11,9 - passable ! Hélas, le risque en Europe, aujourd'hui, c'est un pacte brun. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Le Gouvernement se targue de réindustrialiser notre pays, mais ne tire aucune leçon des désindustrialisations passées. La sacro-sainte règle de la concurrence libre et non faussée facilite la concurrence à l'intérieur de l'Europe, où les règles du capitalisme libéral sont complètement faussées par les différences de coûts salariaux et de régimes fiscaux, voire par les aides européennes.
Les grandes multinationales ont pris l'habitude de mettre leurs sites européens en concurrence. Les nouveaux entrants dans l'Union européenne bénéficiant des fonds structurels, elles ont pu y ouvrir de nouvelles usines. Les salariés français sont souvent allés former la main-d'oeuvre qui allait les remplacer...
Comment la main-d'oeuvre française peut-elle garder sa compétitivité face à la Roumanie, où le salaire minimal est de 612 euros, ou la Hongrie, où il est de 487 euros ? Une véritable machine à délocaliser a été mise en place ! Et l'élargissement annoncé n'arrangera rien : en Moldavie, le salaire minimal est de 47 euros...
Nombre d'entreprises ferment en France, car les groupes transfèrent leurs activités en Europe de l'Est. Dans le Pas-de-Calais, les exemples sont légion. Voyez Bridgestone, qui ferme son site de Béthune pour délocaliser en Pologne.
Cette mise en concurrence n'est-elle pas l'obstacle majeur à la réindustrialisation que vous souhaitez ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - L'Union européenne est une véritable assurance-vie pour nos industries et nos territoires.
Au printemps 2020, l'économie européenne menaçait de s'effondrer. Des centaines de milliers d'entreprises et d'emplois étaient menacés. Seule option possible : que l'Europe se dote, pour la première fois, d'un plan de relance commun - 750 milliards d'euros. Le plan de relance français, de 100 milliards d'euros, a été abondé par l'Europe à hauteur de 40 milliards d'euros. Sans elle, la moitié des subventions touchées par les entreprises n'auraient pas été versées.
Des investissements ont repris dans certaines filières, où les dépendances sont inacceptables, par exemple les batteries - je pense aux gigafactories de Béthune ou Billy-Berclau. L'apport de l'Union européenne est indispensable dans ce domaine.
Nous avons aussi fait progresser l'Europe sociale. Vous avez raison, le dumping n'est pas acceptable et nous ne pouvons pas faire l'Europe au détriment de nos industries et de nos emplois. C'est pourquoi nous avons soutenu la régulation des travailleurs détachés dès 2017 et obtenu la fixation d'un salaire minimal dans chaque État.
Il faut avancer sur ces deux jambes. De ce point de vue, le bilan de la mandature qui s'achève me semble particulièrement satisfaisant.
M. Ahmed Laouedj . - Le 25 avril, à la Sorbonne, le Président de la République appelait de ses voeux une Europe plus puissante. Mais de nombreux défis économiques et climatiques bouleversent nos sociétés en butte à la montée des populismes.
Notre pays revendique un rôle de leader sur la scène européenne, mais présente un déficit public autour de 5,6 % du PIB. Il se trouve à l'avant-dernière place de la zone euro, devançant uniquement l'Italie.
Quant à la transition énergétique, elle est lente, et les mesures prises sont souvent jugées insuffisantes.
L'Europe devrait jouer un rôle prépondérant dans les crises en Ukraine et à Gaza. Or elle n'a pas su le faire, et notre pays n'est pas à la hauteur. Après les bombardements à Rafah, la situation devient urgente. L'Union européenne doit parler d'une seule voix, car la situation géopolitique appelle des actions urgentes. Après la reconnaissance de l'État palestinien par l'Espagne, la Norvège et l'Irlande, la France doit prendre ses responsabilités !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Des progrès ont été réalisés. L'Union européenne a su s'accorder, dès les premiers jours ayant suivi la guerre d'agression russe, sur un soutien à la fois militaire et civil à l'Ukraine.
S'agissant du Proche-Orient, la France a beaucoup oeuvré pour que l'Union européenne parle d'une seule voix. Lors du Conseil européen de mars dernier, les Vingt-Sept se sont enfin accordés sur une déclaration commune demandant un cessez-le-feu immédiat, la libération immédiate des otages et l'acheminement sécurisé de l'aide humanitaire.
Certains États membres ont décidé de reconnaître l'État palestinien. Comme le Président de la République l'a rappelé, ce n'est pas un tabou pour la France ; cette reconnaissance interviendra en temps utile, dans le cadre d'un processus de paix. Par ailleurs, la France a soutenu les résolutions conduisant à reconnaître la Palestine comme membre associé à l'ONU.
Mme Nadège Havet . - Je remercie le groupe SER d'avoir inscrit ce débat à notre ordre du jour.
Quelles impulsions ont-elles été données au niveau national en faveur de l'écologie ? De nombreuses législations ont vu le jour, avec l'objectif de la neutralité carbone en 2040.
Mais je voudrais insister sur les effets, souvent méconnus, du plan de relance de 750 milliards d'euros, soutenu seulement, en France, par Renaissance et les écologistes. La guerre en Ukraine et la situation au Proche-Orient ont fait passer au second plan cette politique d'inspiration keynésienne, qui permet le financement de multiples projets.
Au moins 37 % de ces crédits sont consacrés à l'action climatique. L'Espagne a reçu 80 milliards d'euros de fonds non remboursables et autant en crédits, à tel point que la gauche espagnole a pu dire il y a trois ans que l'on mettait fin à l'Europe libérale...
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Pour confirmer votre propos, je prendrai un seul exemple : MaPrimeRénov', qui est...
M. Didier Marie. - Diminuée !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - ... financée aux deux tiers par le plan de relance. De même, la rénovation thermique des bâtiments publics est largement soutenue par France Relance, donc par le plan de relance européen.
Les nombreux programmes de décarbonation de l'économie industrielle ont permis le déploiement de crédits spécifiques, grâce à la mobilisation de l'Union européenne.
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En matière d'agriculture, le Gouvernement s'est livré à un terrible double discours.
La France a été motrice, mais aussi la première à détricoter les modestes avancées réalisées, par exemple en matière de conditionnalité. Vous avez ainsi permis la réintroduction du glyphosate, contredisant les déclarations d'Emmanuel Macron en 2017.
Quand allez-vous défendre en Europe l'indispensable transition de notre modèle agricole ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - La France a soutenu l'adoption de la nouvelle PAC telle qu'elle avait été négociée. Ensuite, comme souvent, les politiques publiques évoluent. Certaines conditionnalités n'étaient pas acceptables par nos agriculteurs, à l'évidence.
Des mesures de simplification drastique ont été proposées par la Commission européenne, à la surprise générale.
Nous oeuvrons à rallier nos partenaires à l'idée française, concrétisée par les lois Egalim, d'un soutien aux revenus des agriculteurs. Cette européanisation d'Egalim vise à défendre leurs revenus à travers des règles de construction des prix.
M. Jean-Claude Tissot. - Votre numéro d'autosatisfaction n'est pas à la hauteur des enjeux, à l'instar du projet de loi d'orientation agricole.
Construisons une réelle politique agricole et alimentaire commune en révisant en profondeur le fonctionnement de la PAC. Nous proposons de passer à l'utilité écologique, de plafonner les aides, de soutenir l'agriculture biologique, de mettre fin aux accords de libre-échange en cours de négociation ou encore de rémunérer correctement les services environnementaux des agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Guy Benarroche applaudit également.)
M. Alain Cadec . - L'engagement européen du Président de la République et des députés français au Parlement européen ne peut être remis en cause. La France a des ambitions sur le plan européen, je dirai même qu'elle en a trop !
De fait, la défense des intérêts français en Europe souffre de plusieurs faiblesses.
La première tient à notre système politique, qui fait du Président de la République le seul décideur des initiatives françaises en Europe alors qu'il ne pourra pas se représenter en 2027 et qu'il n'a plus de majorité assurée à l'Assemblée nationale. Sa crédibilité en Europe en est affectée.
D'autre part, notre pays souffre de sa piètre situation financière et économique, avec un endettement stratosphérique, des prélèvements obligatoires record et une balance commerciale très défavorable.
Enfin, du fait de la configuration politique issue de 2017, la grande majorité des députés français au Parlement européen siègent dans un groupe qui ne pèse pas grand-chose, Renew, et un autre qui ne pèse rien, Identité et démocratie.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Il est vrai que, dans certains pays, le chef d'État ou de gouvernement reçoit un mandat formel du Parlement. Je salue la pratique sénatoriale consistant à auditionner le ministre chargé de l'Europe avant et après le Conseil européen - manière de s'approprier pleinement ces questions.
Sur la situation économique et budgétaire, on peut toujours faire mieux, mais je regrette que les députés Les Républicains n'aient pas voté notre réforme des retraites...
M. Didier Marie. - Rassurez-vous : ils voteront celle de l'assurance chômage !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - La France préside le groupe Renew, qui occupe une position pivot. Les chiffres le montrent : les votes de ce groupe ont été conformes aux mesures adoptées dans une part plus élevée que pour les groupes PPE et social-démocrate, pourtant deux fois plus nombreux. À travers ce groupe, nous avons pu engager les votes en tenant compte des orientations françaises.
M. Jean-Michel Arnaud . - Un sujet alimente toutes les discussions dans la campagne européenne : l'immigration.
Le pacte asile et migrations doit être appliqué prochainement, mais, sur le terrain, nous demeurons dans un entre-deux. Le 21 septembre dernier, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a estimé que les délais de recours prévus en France étaient trop courts.
En 2023, dans les Hautes-Alpes, 6 151 personnes ont été interpellées et 4 809 mesures de non-réadmission ont été prises. Les moyens manquent pour un accueil digne : des rétentions ont lieu dans des Algeco à plus de 2 000 mètres d'altitude. La situation est inextricable.
Quelle position la France défendra-t-elle sur le pacte asile et immigration lors de la prochaine mandature ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Ce pacte est l'aboutissement de dix ans de travail et de la recherche d'un équilibre entre partage de l'accueil et contrôle effectif des frontières.
Dans les Hautes-Alpes, la réforme du code frontière Schengen du 24 mai dernier donnera des moyens aux forces de l'ordre pour protéger plus efficacement la frontière. Je vous fournirai ultérieurement des réponses plus précises.
Mme Karine Daniel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les Européens sincères que nous sommes doivent sortir à la fois des critiques caricaturales et de l'autosatisfaction, au vu des difficultés de la campagne pour tous ceux qui sont attachés au progrès en Europe.
Nous pouvons continuer à nous envoyer à la figure nos votes passés, mais le fait est que le groupe S&D au Parlement européen a défendu le pacte vert. Nous voulons aller plus loin en matière de transition.
Notre échec est de ne pas avoir emmené nos concitoyens dans ces combats. Vous parlez de gigafactories, mais nous sommes incapables d'assurer le développement d'industries issues de nos territoires. Voyez, dans mon département de Loire-Atlantique, Systovi ou l'usine GE de Saint-Nazaire.
C'est l'échec de ce gouvernement, et nos concitoyennes et nos concitoyens ne comprennent pas où nous allons.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je suis assez d'accord avec la première partie de votre intervention. Une menace se dresse sur l'avenir de l'Europe, celle des nationalistes et des populistes qui veulent s'attaquer à l'Union européenne comme organisation politique fondée sur le respect de l'État de droit, de la liberté et de la justice en toutes circonstances. Ces principes les dégoûtent ; à nous, démocrates, de les défendre avec ardeur.
Ensuite, vous avez accusé le Gouvernement de ne pas en faire assez en matière de réindustrialisation. Certes, nous n'avons pas retrouvé les niveaux atteints dans le passé, mais on ouvre désormais en France plus d'usines qu'on en ferme. La France est le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers pour la cinquième année consécutive. Or les usines qui sont le fruit de ces investissements s'installent souvent dans des territoires fragiles. C'est la preuve du succès de notre politique favorable à l'attractivité.
Mme Karine Daniel. - Nous devons aussi être en mesure de créer du développement endogène, en liant davantage recherche, innovation et développement dans les territoires. (M. Jean-Noël Barrot acquiesce.)
M. Cyril Pellevat . - Alors que le Président de la République a prononcé le 25 avril son discours sur l'Europe et à l'approche des élections européennes, je me concentrerai sur la politique étrangère.
Notre pays est réputé pour l'excellence de sa diplomatie, c'est l'une de ses forces.
Logiquement, la France est favorable à une cohérence diplomatique européenne. En unissant nos forces, nous pouvons démultiplier notre influence. Mais l'Union européenne reste encore trop peu audible sur la scène internationale, laissant la place à des États parfois mal intentionnés. La France doit pousser pour des partenariats à 27 afin d'élaborer une stratégie d'influence sur tous les continents. La France peut et doit être un moteur en la matière.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que la France ne relâchera pas ses efforts ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Nous voulons renforcer la capacité diplomatique de l'Union européenne. Pour cela, il faut d'abord mettre en cohérence les outils de la politique extérieure de l'Union européenne. Le Haut Représentant ne pilote pas l'aide au développement ni la politique commerciale. Cet éclatement des responsabilités au sein de la Commission européenne pose problème, alors même que l'Union européenne dispose d'outils puissants en matière d'aide au développement ou de politique commerciale.
La capacité des États membres de l'Union européenne à s'accorder dans les délais serrés que la diplomatie exige peut aussi poser problème. C'est pourquoi le Président de la République a rappelé, dans son discours de la Sorbonne, son souhait d'un processus décisionnel fondé sur la majorité qualifiée - dont j'ai bien compris qu'elle ne faisait pas l'unanimité au Sénat.
Mme Florence Blatrix Contat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le commissaire Johannes Hahn préconise un budget de l'Union européenne bien plus important, alimenté par des ressources propres. En effet, les besoins d'investissement sont immenses : réindustrialisation, compétitivité, défense, mais aussi transition écologique - qui ne doit pas peser sur les plus modestes.
Les inégalités de patrimoine se sont accrues. Le patrimoine des milliardaires a augmenté de 493 % en dix ans en France. Pourquoi ? Parce que la fiscalité des ultra-riches est très faible, sauf peut-être en Espagne. Taxer les très riches est indispensable et rapporterait, avec une taxation de 2 % sur le patrimoine, 42 milliards d'euros.
Pourquoi la France n'a-t-elle pas été plus offensive sur la question des ressources propres de l'Union européenne ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Elle l'a été, dans le cadre du G20 et de l'OCDE. Voyez notre victoire histoire sur l'impôt minimum sur les sociétés ! C'est forts de ce succès que nous voulons aboutir à une taxation minimale des très hautes fortunes.
Le Président de la République a évoqué à plusieurs reprises la nécessité de doubler la capacité d'investissement de l'Union européenne. Il a même dit à Dresde qu'il fallait doubler le budget de l'Union européenne.
On ne peut pas dire que l'on va réaliser la transition verte de nos industries, investir dans les industries stratégiques pour réduire nos dépendances, et développer notre industrie de la défense sans nous en donner les moyens. Nous ne sacrifierons pas la PAC et la politique de cohésion à ces nouveaux objectifs, qui viennent s'ajouter aux objectifs existants.
Il faudra donc des ressources nouvelles. Hier, au conseil des ministres franco-allemand, la nécessité de ressources propres a été évoquée.
Dans son deuxième discours de la Sorbonne, le Président de la République a évoqué la piste de la taxe sur les transactions financières.
M. Didier Marie. - Qui a déjà été évoquée...
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Oui, et le chancelier Scholz s'était prononcé en sa faveur en 2020.
Le Président de la République a également évoqué les revenus des taxes sur les visas, le premier pilier de la taxation OCDE sur les multinationales, sans oublier la taxe carbone aux frontières.
Nous devons avancer sur ce sujet, l'un des plus sensibles des années qui viennent.
Mme Florence Blatrix Contat. - Le premier pilier de la taxation OCDE est un beau projet, mais qui ira plutôt aux pays les plus pauvres subissant le réchauffement climatique. Il nous faut des ressources pour l'Europe.
Sinon, le grand plan de relance devra être remboursé avec des contributions nationales. La question des ressources propres est cruciale.
Mme Marta de Cidrac . - Au 1er janvier 2026, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) entrera en vigueur. Le 1er octobre dernier, la phase à blanc a été lancée.
Les ambitions européennes de la France sur le MACF ne sont que partiellement satisfaites. C'est une victoire au plan écologique, mais on ne peut pas en dire autant sur le plan de la compétitivité. Notre espace économique apparaît comme très vulnérable à la triche et au contournement, sans parler de la distorsion de concurrence si nos partenaires commerciaux ne se dotent pas des mêmes règles environnementales. Il est important que ce règlement en demi-teinte n'en reste pas là. Que comptez-vous faire ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - La taxe carbone aux frontières est une idée française, déjà défendue lors de la présidence française de l'Union européenne en 2008. Cette idée avait été héritée de Jacques Chirac, reprise par Nicolas Sarkozy. C'est donc avec grande satisfaction que nous avons accueilli l'adoption de ce principe. Déjà entrée progressivement en vigueur depuis 2023, elle sera progressivement étendue, avant d'être pleinement appliquée en 2034.
J'entends vos préoccupations à l'égard des risques de contournement du dispositif, mais nous avons le temps de l'ajuster si nécessaire. Un premier pas important a été franchi. Il garantit aux industriels de notre continent que les règles auxquelles nous les astreignons ne les pénalisent pas.
Mme Marta de Cidrac. - Soyons collectivement très vigilants pour éviter tout contournement ou toute tricherie préjudiciable à notre compétitivité.
M. Jean-Baptiste Blanc . - Il y a vingt-quatre ans et deux mois, le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 fixait l'objectif de faire de l'économie européenne « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010 », grâce notamment à la recherche et à l'innovation. Or la cible de 2010 a été abandonnée et le dernier quart de siècle a été marqué par une accentuation continue du leadership américain.
La société allemande BioNTech n'a bénéficié de son premier soutien européen qu'en 2019. La Silicon Valley a été le principal foyer de l'innovation mondiale, souvent soutenue par le Pentagone. Le leadership mondial d'Arianespace a été rapidement dépassé par des start-up innovantes comme SpaceX.
L'écosystème innovatif américain est beaucoup plus efficient et agile que l'écosystème européen, paralysé par une culture bureaucratique.
Comment créer enfin un écosystème européen bien plus favorable à l'innovation ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Vous posez la question essentielle de la capacité de l'Union européenne à innover.
Sachez qu'un contrat a été signé en marge de la visite d'État du Président de la République en Allemagne, entre un consortium rassemblant Airbus, un confrère japonais et un confrère américain et une start-up franco-allemande fondée en France qui va concevoir la première capsule capable d'approvisionner la station spatiale. C'est donc en franco-allemand que le spatial européen est en train de renaître.
L'un des instruments les plus remarquables de ces dernières années est Horizon Europe, un fonds de 100 milliards d'euros de soutien aux universités, à la recherche et à l'innovation. La Suisse tient particulièrement à Horizon Europe, dans la négociation de notre accord d'association.
L'objectif fixé par le Président de la République, dans son discours de la Sorbonne, est de consacrer 3 % du PIB européen à la recherche et développement.
M. Stéphane Sautarel . - La voix de la France en Europe semble porter de moins en moins. Notre faiblesse intérieure, le manque d'ordre dans nos comptes comme dans nos rues, pour reprendre les propos d'un ancien Premier ministre, ne nous permet plus d'être entendus à l'échelle européenne comme nous le devrions.
Nos initiatives sur une dette européenne propre nous isolent encore davantage. La procédure de déficits excessifs qui devrait nous frapper après le 9 juin et la réaction de Bruxelles à la transmission de notre programme de stabilité sont inquiétantes.
La question de l'influence française au sein des futures instances se pose. Sommes-nous aujourd'hui mieux placés qu'il y a cinq ans pour faire valoir nos positions ? Comment faire pour défendre la PAC tout en conservant un budget soutenable ? Comment obtenir des postes à responsabilité au sein de l'Union européenne ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je diverge sur le diagnostic : jamais la France n'a été aussi influente en Europe que ces cinq dernières années.
En effet, l'influence se cultive. Elle consiste d'abord en la diffusion de nos idées. La défense de l'agriculture et des agriculteurs est une priorité : cette idée simple est une idée française, mais pour qu'elle prospère, il faut la défendre.
Nous avons des idées très claires, que ce soit sur la PAC, la souveraineté industrielle, ou la réciprocité dans les échanges. Le discours de la Sorbonne les a détaillées et nous nous efforçons de les relayer dans les capitales des États membres, ainsi qu'au sein des institutions européennes. Nous avons d'ailleurs traduit le discours de la Sorbonne dans toutes les langues de l'Union européenne, pour le rendre accessible au plus grand nombre, grâce à l'intelligence artificielle.
Le deuxième axe de l'influence, ce sont les hommes et les femmes qui incarnent ces priorités. Notre présence dans les institutions européennes est convenable, mais nous devons la préserver. J'ai donc rencontré ces dernières semaines les directeurs généraux français de la Commission européenne, du Conseil et du service européen pour l'action extérieure (SEAE), ainsi que les Français membres des cabinets des commissaires. Nous accueillerons prochainement à Paris les Français de la Commission pour nous assurer que les idées françaises sont bien incarnées.
M. Stéphane Sautarel. - Je ne doute pas des idées que vous défendez, mais de votre crédibilité.
M. Marc Laménie . - Merci au groupe SER pour ce débat. Mon département des Ardennes est frontalier. La France fait partie des trois plus grands contributeurs de l'Union européenne, avec 23 milliards d'euros annuels. Ma question porte sur la complexité des dossiers, que ce soit pour les collectivités territoriales, les entreprises ou les associations.
Je me passionne pour les infrastructures ferroviaires. Dans mon département, depuis vingt ans, il manque 22 kilomètres entre Givet et Dinant, pour aller de Reims à Namur !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - La Commission européenne s'est engagée à baisser de 25 % les obligations déclaratives qu'elle impose. Nous serons très vigilants quant à la réalisation de cet objectif.
Les sujets transfrontaliers me passionnent aussi : c'est à la frontière que l'on vit et l'on ressent l'Europe au plus près.
La voie ferrée qui reliait Givet à Dinant ayant cessé d'être exploitée depuis 1990, il n'y a plus d'interconnexion entre les réseaux français et belges. La réouverture de la ligne est envisagée depuis 2004. Des études sont en cours pour en estimer le coût, y compris l'électrification. Restons en lien sur ce sujet, que j'ai découvert à l'occasion de ce débat.
M. Marc Laménie. - On reste positif, on y croit ! Il faut soutenir le ferroviaire.
M. Michaël Weber, pour le groupe SER . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Si des ambitions pour l'Europe ont pu être annoncées, elles n'ont pas été atteintes.
Relance, planification, réarmement : autant de termes symboliques qui n'auront pas suffi à montrer la force d'un projet européen, créant tout au plus du ressentiment. Au contraire, l'Europe que vous construisez est celle du renoncement, voire de l'acceptation tacite de la détérioration démocratique et sociale de nos sociétés.
La démocratie ne survivra pas sans justice sociale.
Il faut défendre la valeur travail. L'égalité entre les femmes et les hommes doit être défendue par des sanctions financières. Nous devons limiter les écarts de salaires et instaurer un revenu minimal garanti. Notre ambition est celle de la solidarité à l'égard des ménages, des travailleurs, de ceux que la pauvreté exclut. Rappelons la pauvreté croissante, le dumping social et la différenciation accrue de l'accès à la santé.
L'écologie ne saurait reculer devant un lobby d'industriels de la Terre.
Ne nous cachons pas derrière la loi du marché. Déterminons les choix qui nous définiront comme des Européens.
Ne soyons pas dupes de ceux qui exploitent la cause écologique pour poursuivre leur consommation effrénée, créant nouvelles inégalités. L'agriculteur en souffrance est sommé de devenir énergéticien, le commerce bio devient un business model à destination des plus aisés.
Ne laissons pas l'écologie dans la main des marchands !
Nous défendons un socle humaniste et démocratique ferme, qui concrétise l'initiative citoyenne et jamais ne doutera face à l'accaparement privé du pouvoir par les groupes d'intérêt. La confiance en l'avenir nécessite une Europe juste.
La compétition fiscale est une aberration. La redistribution est cruciale, mais il faut une imposition européenne des hauts patrimoines.
Soutenons une Europe adulte, à même d'assurer sa sécurité. Rompons avec le libre-échange pour réindustrialiser nos nations. Dès lors, ne jouons pas avec les règles d'un jeu que nous refusons.
Comme pour l'agriculture, nous faisons le choix de la préférence européenne, verte et durable pour nos énergies.
Le Gouvernement est fort en paroles, mais faible dans ses ambitions. Passons des paroles aux actes, pour une Europe juste et prospère ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Prochaine séance demain, jeudi 30 mai 2024, à 10 h 30.
La séance est levée à 23 h 35.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 30 mai 2024
Séance publique
À 10 h 30 et à 14 h 30
Présidence : M. Dominique Théophile, Vice-président, M. Pierre Ouzoulias, Vice-président.
Secrétaire : Mme Marie-Pierre Richer.
1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (texte de la commission, n°620, 2023-2024)
2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l'argile (n°513, 2022-2023)