SÉANCE
du mercredi 29 mai 2024
90e séance de la session ordinaire 2023-2024
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Alexandra Borchio Fontimp.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Gaza (I)
M. Philippe Grosvalet . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Thierry Cozic applaudissent également.) Le 7 octobre 2023, Israël a subi une attaque terroriste sans précédent. Benyamin Netanyahou annonçait une opération pour éliminer le Hamas et libérer les otages. Huit mois plus tard, le bilan est effroyable : aux 1 139 victimes israéliennes s'ajoutent 35 000 victimes palestiniennes. Gaza compte 1,7 million de déplacés, laissés sans soins ni nourriture.
Et l'horreur n'en finit pas. Dimanche, une frappe aérienne a tué 45 civils et blessé 249 autres. Hier encore, 21 personnes ont péri dans un camp près de Rafah. L'offensive d'Israël s'est transformée en une fuite en avant guidée par la colère et la vengeance.
La communauté internationale doit tout mettre en oeuvre pour obtenir un cessez-le-feu immédiat. Hélas ! Rien n'a pu infléchir la position du gouvernement israélien et les otages n'ont pas été libérés.
Les armes ne seront jamais la solution. Au contraire, le risque est grand que le traumatisme nourrisse encore la violence. Une solution politique s'impose. La reconnaissance de l'État de Palestine est un préalable à une paix durable. Quand le ferons-nous, comme l'Espagne, l'Irlande et la Norvège ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST, des groupes CRCE-K et SER)
M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Merci pour votre question et pour le ton que vous employez, loin des outrances vues dans un autre hémicycle...
La semaine passée a été marquée par de nouvelles tragédies : nous avons appris le décès d'un otage français.
Depuis le 7 octobre, nous avons agi selon des principes diplomatiques...
M. Akli Mellouli. - Avec quelle efficacité !
M. Stéphane Séjourné, ministre. - ... loin des postures politiques adoptées par certains à l'occasion de la campagne des européennes. Nous avons condamné à la fois les atrocités du Hamas et les frappes israéliennes.
Dans toutes les instances internationales, nous appelons fortement à l'arrêt de l'opération à Rafah, à la libération des otages, à l'ouverture des accès humanitaires et à un cessez-le-feu durable. (Marques d'impatience sur les travées du GEST)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce n'est pas la question !
M. Stéphane Séjourné, ministre. - Nous continuerons à oeuvrer concrètement pour la paix. La France a réuni vendredi les pays arabes autour du Président de la République. Nous sommes favorables à une solution diplomatique en vue d'aboutir à la reconnaissance de l'État palestinien. (« Quand ? » sur plusieurs travées du GEST)
Gaza (II)
Mme Gisèle Jourda . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je reste sur le même registre : vous dites rechercher des solutions diplomatiques pour sortir de la nasse de Gaza, où des personnes se retrouvent piégées et où les victimes se multiplient, mais quand cesserez-vous les gesticulations ? Où est la communauté internationale ? Il y a urgence !
En tant que successeurs de Victor Hugo, comment accepter l'absence d'humanité dans la prise en compte de la situation ? Ce n'est plus possible ! Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST, ainsi que sur quelques travées du RDSE)
M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - La France est pour la solution à deux États.
Évidemment, la question qui se pose est : quelle est l'utilité diplomatique d'une reconnaissance ? (Protestations sur les travées du GEST)
M. Hussein Bourgi. - C'est le courage qui vous manque !
M. Stéphane Séjourné, ministre. - Je regrette que certains États aient privilégié un positionnement politique qui ne résout rien.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et Bernard Guetta ?
M. Stéphane Séjourné, ministre. - Madame la sénatrice, dites-moi ce que la reconnaissance espagnole a changé à la situation à Gaza ? Rien ! La France agit au Conseil de sécurité des Nations unies, nous travaillons avec nos partenaires arabes. Privilégions la solution diplomatique aux positionnements politiques. (M. François Patriat applaudit ; marques d'ironie à gauche.)
Mme Gisèle Jourda. - J'entends votre engagement, mais il n'est pas à la hauteur. À force de jouer la montre, il n'y aura plus personne à Gaza pour y fonder un État ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)
Gaza (III)
M. Pascal Savoldelli . - Ma question n'a qu'un seul objectif : rendre justice réparatrice et secours au peuple palestinien tout en assurant la sécurité du peuple israélien.
M. Francis Szpiner. - Bravo !
M. Pascal Savoldelli. - Vous parlez du jour d'après, monsieur le ministre... Mais, il y a dix ans, le Parlement votait la reconnaissance de l'État palestinien. Le gouvernement de l'époque disait que la France le ferait le moment venu. Ce moment que vous jugez inutile est arrivé.
Le jour d'après, monsieur le ministre, c'est le moment des 36 000 victimes de guerre. C'est le moment de 60 enfants tués chaque jour. C'est le moment de 45 personnes brûlées vives à Rafah.
Rien n'a été fait depuis dix ans pour apporter la paix. Or un État, ce sont des frontières reconnues internationalement. C'est la fin de la colonisation ! On n'attend plus ce que la France va dire, mais ce qu'elle va faire. (Marques d'assentiment sur les travées du groupe CRCE-K.) Comme 146 États, reconnaîtrez-vous l'État palestinien, pour construire une paix durable dans la région ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du RDSE)
M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Je crois avoir été clair sur le positionnement de la France.
Encore une fois, nous travaillerons au Conseil de sécurité de l'ONU dans un cadre multilatéral. Ma responsabilité en tant que ministre de l'Europe et des affaires étrangères est de trouver une solution diplomatique... (Protestations sur les travées du GEST)
M. Thomas Dossus. - Quand ?
M. Stéphane Séjourné, ministre. - ... c'est-à-dire en travaillant avec nos partenaires arabes à un système collectif de sécurité pour les Israéliens et les Palestiniens.
M. Hussein Bourgi. - Lesquels ?
M. Stéphane Séjourné, ministre. - Je ne peux vous laisser dire que nous n'avons rien fait. Nous avons été à la hauteur sur le volet humanitaire ; un bateau, le Dixmude, a été dépêché, plus de quatorze enfants ont été rapatriés dans nos hôpitaux.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Trente-six mille morts !
M. Stéphane Séjourné, ministre. - Nous travaillons sur le volet politique et trouverons les voies et moyens d'une cohérence au niveau européen, pour rapprocher la position européenne de celles des pays arabes, l'Égypte et la Jordanie, notamment.
Je le dis sans outrance : nous sommes dans un moment qui demande rigueur, retenue et principes. Nous avons les trois. (Vives protestations sur les travées du CRCE-K ; applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)
M. Pascal Savoldelli. - Il est impardonnable d'attendre. Mettez vos stratégies électorales et vos ambitions politiques de côté.
M. Stéphane Séjourné, ministre. - C'est vous !
M. Pascal Savoldelli. - Attendre, c'est attiser la division et la haine, c'est bloquer l'exécution du droit international. Assez de cette confusion assimilant la reconnaissance de l'État palestinien à la complaisance vis-à-vis des terroristes. Assez de cette confusion assimilant de manière déplorable la reconnaissance d'un État palestinien avec le poison de l'antisémitisme !
Le gouvernement d'extrême droite de Netanyahou n'est pas disposé à accepter l'existence d'un État palestinien ; il refuse même le cessez-le-feu. En cautionnant l'absence de deux États, vous portez une lourde responsabilité devant l'histoire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)
Lutte contre les trafics en prison
M. Olivier Henno . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) D'abord, une pensée pour les deux agents pénitentiaires qui ont perdu la vie.
Noter politique pénitentiaire peut être envisagée sous l'angle du relativisme. Cela fait longtemps que l'on connait la surpopulation carcérale - on bat les records, avec 77 000 détenus - la peur au ventre des surveillants, la violence dans les prisons. Le film Un prophète de Jacques Audiard en témoignait déjà en 2009.
On peut aussi l'aborder sous l'angle de la vérité. Les écoutes téléphoniques de Mohamed Amra ont révélé combien les narcotrafiquants ont pris pied dans nos prisons. Comme le montre le rapport du Sénat, la pieuvre a gagné du terrain. Pire, le narcotrafic est parfois organisé depuis la prison ! Cette audace, cette violence sont nouvelles.
Quelle est votre vision de la politique pénitentiaire ? Quel protocole d'accord le 10 juin prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je ne me résoudrai jamais au relativisme. La pénitentiaire a connu un drame terrible qui fait deux morts et trois blessés. Votre question est parfaitement légitime.
Comme vous, j'ai découvert dans la presse des éléments sur le détenu Amra, qui témoignent d'une dangerosité certaine et n'avaient pas été pris en considération. J'ai la ferme intention de faire toute la lumière sur sa prise en charge et ai confié une mission à l'inspection générale de la justice. (M. Jacques Grosperrin s'exclame.)
Sur le fond, je vous rejoins : il faut adapter notre modèle carcéral à ces détenus particulièrement violents et sans limites. Nous avons abouti à un accord avec les organisations syndicales, autour d'une trentaine de mesures, sur l'armement des surveillants, sur les fouilles, sur de nouveaux véhicules. Certaines sont applicables immédiatement, d'autres trouveront leur place dans le futur projet de loi contre la grande criminalité qui sera présenté dès cet automne.
À 17 heures, je réunirai tous les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires pour leur demander de se mobiliser et de mettre en oeuvre l'accord trouvé avec l'intersyndicale, mais aussi pour évoquer avec eux des mesures structurelles pour les détenus les plus dangereux. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Olivier Henno. - Nous avons une obligation collective : faire preuve de volontarisme. Les prisons sont les fleurs noires de notre société. Selon Sartre, « la facilité, c'est le talent qui se retourne contre nous ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - C'est vrai.
Gaza (IV)
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Le 20 mai, le procureur général de la Cour pénale internationale délivrait un mandat d'arrêt contre Benyamin Netanyahou. Le 24 mai, la Cour internationale de justice (CIJ) ordonnait à Israël d'arrêter son offensive à Rafah. Pour toute réponse, le 26 mai, un bombardement sur un camp à Rafah, des corps déchiquetés. Aucun lieu n'est sûr dans la bande de Gaza. L'entêtement guerrier du gouvernement israélien d'extrême droite menace la vie des otages, dont les morts s'égrènent. Nous saluons les disparus et tremblons avec les familles.
Monsieur le Premier ministre, votre inaction confine à la complicité. (MM. Éric Dupond-Moretti et Roland Lescure protestent.) Quand les Canadiens et les Espagnols exigent l'application de l'ordonnance de la CIJ, vous ne faites rien. Quand le Canada cesse ses livraisons d'armes à Israël, vous ne faites rien. Quand l'Espagne, l'Irlande et la Norvège reconnaissent l'État palestinien, vous ne faites rien. Le courage de vos homologues est le miroir de votre lâcheté.
Le monde attend la voix de la France - et non le moment utile. (Applaudissements sur les travées du GEST et du CRCE-K, ainsi que sur celles du groupe SER)
M. Gabriel Attal, Premier ministre . - La situation à Gaza est grave. Les images terribles de Rafah nous bouleversent, tout comme la mort de notre compatriote Orión Hernández-Radoux, qui était retenu par le Hamas. Deux autres otages français sont encore retenus par le Hamas. (M. Guillaume Gontard renchérit.)
Nous devons nous placer collectivement à la hauteur de nos responsabilités. Je ne comprends pas les termes de votre question...
M. Akli Mellouli. - C'est pourtant clair !
M. Gabriel Attal, Premier ministre. - Comment parler d'inaction alors que le Président de la République a été l'un des premiers occidentaux à appeler à un cessez-le-feu ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il faut le faire appliquer !
M. Gabriel Attal, Premier ministre. - Que la France a favorisé l'adoption d'une résolution en ce sens au Conseil de sécurité des Nations unies ? Qu'elle a été le premier pays à larguer de l'aide humanitaire, qu'elle a envoyé le Dixmude, qu'elle joue un rôle moteur pour aboutir à une solution politique durable ?
Je le redis, après le Président de la République et le ministre de l'Europe et des affaires étrangères : la reconnaissance d'un État palestinien n'est pas un tabou, mais elle doit être utile. (M. Guillaume Gontard et Mme Raymonde Poncet Monge protestent.)
Mme Gisèle Jourda n'a pas répondu à la question que lui a posée le ministre : qu'est-ce qui a changé depuis la reconnaissance de l'État palestinien par trois pays européens ? Reconnaître unilatéralement cet État sans produire aucun impact, ce n'est pas utile.
M. Yannick Jadot. - Un accord d'association !
M. Gabriel Attal, Premier ministre. - Il est important d'être factuel. Vous avez repris des termes employés par un orateur LFI hier à l'Assemblée nationale. Les armes utilisées par l'armée israélienne à Gaza ne sont pas françaises. Nous ne livrons que des composants exclusivement consacrés à la défense du territoire israélien, au dôme de fer, purement défensif. Nous étions heureux, lorsque l'Iran a envoyé deux cents drones sur Israël, que celui-ci en dispose.
M. Yannick Jadot. - Ce n'est pas le sujet !
M. Gabriel Attal, Premier ministre. - Il est important d'être factuel. Je me réjouis que nous n'assistions pas au Sénat à des scènes comme celles d'hier à l'Assemblée nationale. Halte à la politique spectacle ! (Protestations sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER et du CRCE-K ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)
Les drapeaux de la France, de l'Europe se suffisent à eux-mêmes pour appeler à la paix (mêmes mouvements) ; ils véhiculent nos idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité entre les peuples. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Guillaume Gontard. - Désolé, je ne vous comprends pas non plus.
M. Francis Szpiner. - Cela ne m'étonne pas !
M. Guillaume Gontard. - Vos discours n'ont plus aucun sens. Un génocide se déroule sous nos yeux et vous regardez vos chaussures. Agissez ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER et du CRCE-K)
Finances locales (I)
M. Olivier Paccaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à tous les ministres pour lesquels les collectivités territoriales ne sont pas des terres inconnues. Le Président de la République a prononcé des mots abracadabrantesques : « hormis une dérive des dépenses qui est du fait des collectivités locales, il n'y a pas de dérapage de la dépense de l'État. » Partagez-vous ces propos, qui ont provoqué un profond ressentiment ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Catherine Morin-Desailly et M. Franck Dhersin applaudissent également.)
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique . - Soyez rassuré, les collectivités territoriales ne me sont pas une terre inconnue. Je suis élue locale de longue date et me suis beaucoup intéressée aux finances locales. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains) Leur situation, qui était plutôt bonne en 2022, s'est dégradée en 2023. Les départements, dont l'Oise, sont impactés par la baisse des DMTO. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
L'État, ces deux dernières années, a fortement soutenu nos collectivités : augmentation de la DGF de 640 millions d'euros, deux fois 2 milliards d'euros pour le fonds vert sur 2023 et 2024, réintégration de l'aménagement des terrains dans le FCTVA, pour 250 millions d'euros. (« La question ! » sur les travées du groupe Les Républicains)
Les collectivités territoriales et l'État doivent participer conjointement à l'effort de baisse des dépenses publiques. L'État prend sa part. Le Conseil des finances publiques a souligné que malgré la baisse de 0,5% que nous demandons, les dépenses de fonctionnement augmentent tout de même de 1,9%. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains),
Mme Sophie Primas. - La faute à qui ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. - Selon le rapport Ravignon, réorganiser notre structure administrative pourrait nous faire économiser 7,5 milliards d'euros. Travaillons ensemble ! (Protestations redoublées ; M. François Patriat applaudit.)
M. Olivier Paccaud. - Vous êtes au Sénat (M. Yannick Jadot renchérit), dans la chambre des collectivités, qui représente les 550 000 élus locaux respectueux de la règle d'or leur interdisant d'emprunter pour leur fonctionnement.
M. André Reichardt. - Très bien.
M. Olivier Paccaud. - La dette des collectivités territoriales ne dépasse pas 9 % du PIB depuis trente ans : vous ne trouverez pas ici l'homme qui pèse 1 000 milliards d'euros de dette, il est à Bercy et à l'Élysée ! Vous ne trouverez personne ici qui ne respecte pas l'article 72 de la Constitution sur la libre administration des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudit également.)
Cela fait longtemps que l'État ne compense plus à l'euro près les charges transférées. Dans l'Oise, les 228 millions d'euros dépensés au titre des allocations individuelles de solidarité sont compensés à 52 %. Vos leçons d'économie et de morale ne passent pas ! (Applaudissements et huées sur les travées du groupe Les Républicains)
Le macronisme, c'est la recherche permanente du bouc émissaire. C'est pas moi, c'est lui : c'était le titre d'un film des années 1980. (Marques d'agacement sur les travées du RDPI.) Macron se voulait de Gaulle, il suit les traces d'Aldo Maccione ! (Applaudissements nourris et rires sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Convention médicale
Mme Nadège Havet . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Les cliniques privées avaient annoncé en avril dernier une grève à compter du 3 juin, notamment dans mon département du Finistère, soulevant des inquiétudes sur la continuité des soins. Le 24 mai, leurs représentants ont annoncé la levée du préavis de grève, après un accord avec le Gouvernement. Quels en sont ses contours ?
La convention médicale, en discussion depuis dix-huit mois, remporte progressivement l'adhésion des syndicats de médecins libéraux. Cette convention marque un tournant, avec des engagements réciproques des médecins et des pouvoirs publics, pour une collaboration vertueuse entre secteurs public et privé, ville et hôpital. Ainsi, l'Institut de cancérologie et d'imagerie de Brest, inauguré il y a un mois, est un partenariat public-privé.
Quelles sont les prochaines étapes pour concrétiser ces engagements réciproques ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - Comme vous, je me félicite des relations plus apaisées entre le gouvernement et la médecine libérale. Nous avons autant besoin de l'hôpital que des acteurs libéraux et privés. Je me réjouis de la levée du préavis de grève des cliniques, grâce à un accord qui respecte leur fonctionnement sans reculer sur nos exigences.
Trois principes ont guidé cet accord : l'équité de traitement entre le public et le privé ; l'engagement des acteurs privés sur des missions d'intérêt général ; la visibilité dans le temps. À partir du 1er juillet, le Gouvernement accompagnera les cliniques dans la prise en charge des gardes et des astreintes.
Cet accord respecte deux règles : pas un euro ne sera prélevé sur les hôpitaux, et nous n'ajoutons pas un euro à l'Ondam voté par le Parlement.
Le 11 juin, je réunirai les cinq fédérations hospitalières pour préparer le cadre pluriannuel. Trois syndicats de médecins ont déjà approuvé la convention médicale, deux doivent encore se prononcer. J'ai bon espoir, car de nouvelles relations s'engagent entre le privé et le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Pénurie de médicaments et grève des pharmaciens
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Alain Cazabonne applaudit également.) Dans un message aux pharmaciens du 23 avril, la direction générale de la santé (DGS) a annoncé retirer du marché un vaccin antigrippal de Sanofi, l'Efluelda, que nombre de pharmaciens avaient déjà commandé. Je pourrais aussi évoquer les pénuries d'amoxicilline ou de traitements pour les diabétiques, sujet sur lequel le Sénat a alerté, avec le rapport de mon prédécesseur Jean-Pierre Decool.
Prix d'achat trop bas, faiblesse de la production en France et en Europe, problème d'accès aux molécules, répartition des stocks : tous ces sujets affectent nos pharmaciens, qui feront grève demain, mais aussi le corps médical et bien sûr les patients. Avez-vous identifié les causes ? Quelles solutions envisagez-vous pour assurer notre indépendance sanitaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC ; M. Bruno Belin applaudit également.)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - La pression sur le marché des médicaments est un sujet d'inquiétude, et le Gouvernement est mobilisé.
Les signalements de rupture ou de risque de rupture de stock ont augmenté de plus de 30 % en un an. Nous connaissons les causes : prévalence des épidémies hivernales, disponibilité des matières premières, tensions sur le marché mondial mais aussi sur les chaines de fabrication et de distribution.
En février, Catherine Vautrin, Roland Lescure et moi-même avons présenté une feuille de route pour fluidifier et sécuriser les approvisionnements, avec une liste de 450 médicaments essentiels qui font l'objet d'un suivi renforcé. Nous avons autorisé la production de certains médicaments en pharmacie comme l'amoxicilline
Choose France est l'occasion de relocaliser la production dans notre pays. Depuis cinq ans, la France est championne d'Europe de l'attractivité pour les investissements étrangers. Ainsi, 1,2 milliard d'euros seront investis par cinq laboratoires étrangers, ainsi que 1,1 milliard par Sanofi à Vitry-sur-Seine, dans une démarche de relocalisation. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; exclamations à droite.)
Mme Marie-Claude Lermytte. - Attention à la vente en ligne de certains médicaments, sur laquelle les pharmaciens nous alertent. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Désindexation des retraites sur l'inflation
M. Laurent Burgoa . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le président du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale souhaite désindexer les pensions de retraite. Soutenez-vous cette initiative, malgré la forte inflation que subissent déjà nos retraités ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie . - Je vous prie d'excuser le ministre Bruno Le maire, retenu par ailleurs... (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Primas. - Comme d'habitude !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - ... mais qui aura l'occasion de répondre à vos questions demain matin, à 9 h 30.
Pour répondre à votre question, dont j'imagine qu'elle appellera une réplique plus longue, il n'y a pas de plan caché ! S'il cherchait à éviter les sujets difficiles en période électorale, le Premier ministre n'aurait pas annoncé, dimanche, une réforme courageuse de l'assurance chômage, que vous soutiendrez tous, je l'espère. (Marques d'ironie à gauche)
C'est ce Gouvernement qui a réindexé les retraites sur l'inflation. Depuis 2022, c'est une hausse de 10 %, et de 15 milliards d'euros pour la seule année 2024. Nous l'assumons, pour protéger nos retraités.
Le budget sera présenté en septembre. Les groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat seront consultés sur les mesures qu'ils souhaitent proposer. N'hésitez pas ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Laurent Burgoa. - (Gabriel Attal déplore que l'orateur lise sa réponse.) Après sept ans, le Gouvernement n'a toujours pas entrepris de réforme de fond ! Vous vous êtes contentés de coups de rabots successifs et d'attaques sur les collectivités, comme la suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE. Les élus locaux seront encore davantage mis à contribution, alors qu'ils ne sont pas responsables des dérives des finances publiques.
Vous estimez que, comme les collectivités, les retraités sont trop riches et doivent se serrer la ceinture. Quand arrêterez-vous cette politique des boucs émissaires ? (M. Roland Lescure s'impatiente.)
Avec ce discours, comment creusez un fossé intergénérationnel, en laissant penser aux jeunes générations que leurs aînés vivent dans l'opulence. Vous faites le lit du populisme, qui s'exprimera, une fois de plus, lors des élections européennes !
Ne faut-il pas plutôt s'attaquer aux lourdeurs administratives qui étouffent les citoyens et découragent les élus ? Rassembler les Français plutôt que désigner des boucs émissaires ? (M. Xavier Iacovelli s'exclame.) Le mal que vous faites à notre cohésion sociale sera toujours supérieur aux économies que vous croyez faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Budget de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. Éric Kerrouche . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 7 décembre dernier, le Président de la République déclarait sa flamme à l'université et à la recherche publique. Mais quelques semaines plus tard, changement de ton : sur 10 milliards d'euros de crédits annulés, 900 millions le seront à leur détriment ! Dans le même temps, le crédit d'impôt recherche coûte 7,6 milliards d'euros et reste toujours aussi décrié...
Ces choix s'inscrivent dans la continuité de votre politique : recours accru à des emplois précaires, inégalités croissantes entre disciplines et établissements, délaissement du patrimoine universitaire, dont un tiers est dans un état peu ou pas satisfaisant.
Que comptez-vous faire pour nos universités ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je vous remercie d'avoir souligné l'ambition exprimée par le Président de la République dans son discours du 7 décembre. (Ironie sur les travées du groupe SER)
Il s'agit de renforcer le rattrapage que nous avons entrepris dans le cadre de la loi de programmation de la recherche, qui prévoit un investissement de 25 milliards d'euros sur dix ans. Notre objectif est notamment d'améliorer l'attractivité de notre recherche. Sur les 54 milliards d'euros de France 2030, 13 milliards bénéficieront à des programmes de recherche prioritaires, fondés sur une vision stratégique.
Dans le contexte économique que nous connaissons, une annulation globale de 900 millions d'euros a été décidée, qui porte sur mon ministère à hauteur de 580 millions : 75 millions seront pris sur la réserve de précaution, le restant sur la programmation pluriannuelle d'immobilier et d'équipements.
Je ne minimise pas les effets de ces crédits supprimés. Nous continuerons à défendre pour la recherche l'ambition que le Président de la République a rappelée, en particulier à travers le prochain programme européen, les contrats de plan État-région et les plans de relance. (Applaudissements sur de nombreuses travées du RDPI)
M. François Patriat. - Bravo !
M. Éric Kerrouche. - Nonobstant le discours managérial du Gouvernement, on ne fait pas de bons travaux dirigés avec soixante étudiants, pas plus qu'on étudie dans de bonnes conditions dans un amphithéâtre à quatorze degrés.
Vous n'avez pas la confiance des enseignants et des chercheurs ! Seulement 4 % ont un avis positif sur votre réforme. Le recours massif à l'emploi précaire et la faiblesse des salaires académiques minent notre université : il faudrait 10 000 recrutements pour retrouver le taux d'encadrement de 2010...
Résultat : un quart des étudiants sont dans l'enseignement privé, contre 15 % dans les années 1990.
Au bout du compte, vous renoncez à la promesse républicaine, car ce sont les étudiants les plus favorisés qui fréquentent les meilleurs établissements. Le Premier ministre a présenté son gouvernement comme celui du dépassement ; pour la recherche, l'enseignement et l'université, vous êtes le gouvernement du déclassement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur de nombreuses travées du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
Sécurité de la maison d'arrêt de la Santé
Mme Marie-Claire Carrère-Gée . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'enquête du Parisien sur Mohamed Amra confirme, hélas, les constats qu'Antoine Lefèvre et moi-même avions dressés. À la prison de la Santé, rien n'est plus facile que de se faire livrer, à toute heure du jour ou de la nuit, téléphones, drogues, cash, voire des armes. Le long des murs, des dizaines de cordelettes pendent en permanence, où les complices accrochent les colis : un véritable Deliveroo du crime !
Et pour cause : la police n'est pas là. En 2019, les rondes permanentes ont été supprimées. Certes, des voitures de police passent et une vidéosurveillance est en place, de même qu'une hotline pour les riverains. Reste que la tolérance est absolue pour ces livraisons. Les agents saisissent ce qu'ils peuvent, c'est-à-dire beaucoup, mais évidemment pas tout. Sans compter l'enfer vécu par les riverains : hurlements, bagarres et intimidations sont leur quotidien.
Quand les rondes permanentes seront-elles réinstaurées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je ne suis pas encore ministre de l'intérieur... (Nombreuses marques d'amusement à droite et au centre)
M. Jérôme Durain. - Soyez au moins celui de la Santé !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Plus sérieusement, la Santé connaît en effet des difficultés, comme les autres établissements pénitentiaires de coeur de ville.
En 2019, un brouilleur général a été installé à la Santé. Le problème, c'est qu'il gêne les riverains, ce dont les élus s'émeuvent. Je suis en train d'examiner comment améliorer le système. Vingt établissements sont désormais équipés, et ce nombre doublera l'année prochaine.
De même, le nombre de systèmes anti-drones sera plus que doublé en 2025. Nous avons créé une centaine d'équipes locales de sécurité, qui oeuvrent au sein et aux abords des prisons. J'ai demandé l'intensification des fouilles en détention.
Le budget consacré aux équipements de sécurité a été porté à 83,7 millions d'euros cette année, en hausse de 9 %. Je remercie le Sénat pour son appui, car il a toujours voté les budgets Justice, en progression année après année.
M. Antoine Lefèvre. - C'est vrai !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Nous poursuivrons cette politique volontariste, encore et toujours. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Le ministre de l'intérieur, vous le connaissez - c'est d'ailleurs à lui que ma question était adressée.
Vous parlez des brouilleurs, mais il y a une solution simple : ne pas laisser entrer les téléphones !
M. Bruno Sido. - Évidemment !
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Pourquoi attendre une solution technologique qui viendra à la Saint-Glinglin, alors qu'il suffirait de rétablir les rondes ?
Je l'ai dit à M. Darmanin : un jour, il y aura un drame - attaque, mutinerie, prise d'otage. On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas. Après les deux morts dans l'évasion de Mohamed Amra, combien faudra-t-il d'autres victimes ? La responsabilité de l'État est engagée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Réindustrialisation et situation d'Ascometal
M. Jean-Marie Mizzon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le ministre de l'industrie, le Gouvernement clame haut et fort que la réindustrialisation est l'une de ses priorités. Pourtant, en Moselle, un exemple semble le démentir.
À Hagondange, l'usine Ascometal a été placée en redressement judiciaire en mars dernier. Un candidat sérieux s'est présenté pour reprendre l'activité : l'italien Acciaierie Venete. De fait, le site est rentable, mais aussi écologique, car il recycle de l'acier, et moderne, puisqu'il fonctionne à l'électricité.
Acciaierie Venete s'est engagée à reprendre les 1 300 emplois en jeu, à condition que l'État entre au capital de l'entreprise à hauteur de 15 millions d'euros pour assurer les opérations de désamiantage et dépoussiérage. Quinze millions d'euros pour 1 300 emplois : on ne saurait hésiter. C'est pourtant ce que vous semblez faire...
Si l'État, BPI France ou la Caisse des dépôts n'interviennent pas, la communauté de communes Rives de Moselle le fera, mais au péril de sa situation financière. L'État entrera-t-il au capital d'Ascometal pour sauver ce fleuron industriel ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Jean-François Husson, Khalifé Khalifé et Michel Savin applaudissent également.)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie . - Nous sommes évidemment aux côtés des salariés d'Ascometal, que j'ai rencontrés il y a un an. L'État a déjà beaucoup soutenu cette entreprise, renonçant notamment à plusieurs dizaines de millions d'euros pour accompagner son redressement judiciaire. Je l'ai dit aux repreneurs potentiels, dont Venete : nous sommes prêts à accorder des garanties et des prêts, en liaison avec les autorités locales.
Venete ne demande pas une entrée de l'État au capital. Les discussions se poursuivent, et une audience importante se tiendra demain : j'espère qu'elle ouvrira sur des offres pour les cinq sites d'Ascometal, dont Hagondange. Venete demande une négociation avec l'actionnaire actuel sur les frais de désamiantage. Un certain nombre d'acteurs publics sont prêts à envisager une contribution.
Je porte le même regard sur tous les dossiers : je souhaite un repreneur prêt à s'investir. Nous connaîtrons demain le degré réel d'investissement de Venete. Dès lors qu'un investisseur présente un plan d'affaires crédible, l'État examinera son dossier avec la volonté qu'un projet crédible et durable aboutisse. Les salariés d'Ascometal ont été suffisamment ballotés ces dernières années : si on relance, il faut que l'emploi et le territoire en bénéficient dans la durée ! (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI ; M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Jean-Marie Mizzon. - La condition de reprise la plus difficile, c'était la reconstitution des stocks. Les salariés ont travaillé d'arrache-pied pour y parvenir !
Montrez-leur que la réindustrialisation n'est pas un vain mot, un concept ou un leurre, mais une réalité et une priorité. Les Italiens sont des spécialistes de l'acier : cet investisseur ne vient pas en France pour faire du tricot, mais reprendre une aciérie. Il est temps de formaliser.
Gardez-vous de demander du temps, car, comme le disait Mirabeau, le malheur n'en accorde jamais. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)
Changement climatique et fédérations sportives
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ces dernières années, plusieurs initiatives ont été prises par le ministère pour que le sport devienne un levier d'accélération de la transition environnementale : charte d'engagements responsables de 2017, campagne d'actions en 2021, plan de sobriété en 2022.
Hélas, toutes ces initiatives, comme le label plus ancien « Développement durable : le sport s'engage », visent pour l'essentiel à réduire les nuisances environnementales causées par les grands événements sportifs.
Quid des injonctions des fédérations sportives aux collectivités territoriales ? Comment peut-on encore imposer l'agrandissement de tribunes quand un club est promu, alors qu'il sera peut-être relégué l'année suivante ? Ou le maintien en fonctionnement de patinoires quand les températures augmentent, parce que le calendrier des championnats s'étend sur une très longue durée ? Ou encore l'arrosage de terrains en herbe pour l'accueil de matchs de football d'un certain niveau ?
Le ministère des sports exerce une tutelle sur les fédérations : quelles mesures comptez-vous prendre pour que sport rime avec adaptation au changement climatique ? Quelles sont les conclusions de la consultation menée l'an dernier pour préparer la contribution du sport au plan national d'adaptation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - Oui, le changement climatique impacte le sport, amateur comme professionnel. Ma mobilisation est totale. (Sarcasmes à droite)
Le sport doit contribuer à l'atténuation du changement climatique et s'y adapter : c'est le sens du plan de sobriété énergétique lancé par Agnès Pannier-Runacher et moi-même. Il a des implications concrètes sur les gymnases, les piscines ou les stades.
Nous consentons un effort inédit pour la rénovation énergétique des équipements sportifs : 66 millions d'euros issus du fonds vert, 100 millions du plan de relance. La charte que vous avez mentionnée a été signée par 130 organisateurs d'événements et des dizaines de fédérations.
S'agissant de l'adaptation, un guide de l'été responsable a été publié l'an dernier, sous ma houlette. Dans les toutes prochaines semaines, je présenterai avec Christophe Béchu la déclinaison sport du plan national d'adaptation au changement climatique.
Dans quelques semaines, nous organiserons les Jeux les plus écologiques de l'histoire. (L'ironie redouble à droite.) Nous aurons probablement aussi les Jeux d'hiver de 2030. J'ai demandé aux acteurs du sport, notamment aux fédérations de hockey sur glace et de sports de glace, de travailler à un modèle de patinoires économes et zéro carbone. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Christine Lavarde. - Vous me parlez de semaines, mais l'injonction envers les collectivités est immédiate. Ce n'est pas à elles de supporter le coût de mesures écologiques qu'on leur impose.
Pour ce qui est du fonds vert, je m'inquiète de sa pérennité. On pourrait s'intéresser aussi à France 2030 : je n'y ai rien trouvé en faveur de recherches pour des patinoires économes ou des terrains synthétiques...
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Christine Lavarde. - Dans le rapport de 2021 cofinancé par votre ministère, il est proposé de promouvoir des pratiques locales et de saison. Accepter une certaine saisonnalité des pratiques, c'est ce que doivent faire les fédérations ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Lutte contre les violences sexistes et sexuelles
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À 18 heures, à l'appel de plusieurs associations, se tiendra devant les ministères sociaux un rassemblement contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde de la santé, que ce soit à l'université ou à l'hôpital.
Le sexisme d'atmosphère, les fresques pornographiques, l'entre-soi masculin (exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains) - vous sentez-vous concernés, mes chers collègues ? (rires et quelques applaudissements à gauche) - les inégalités de carrière : tout cela ne contribue pas à l'attractivité de l'hôpital. J'espère que les organisatrices seront reçues par les ministres.
#MeToo des armées, de l'hôpital, du cinéma, de la politique : chaque secteur a besoin d'un traitement spécifique, mais il faut aussi une grande loi globale. C'est le sens de l'appel lancé dans Le Monde par la Fondation des femmes pour une loi intégrale - nous l'appellerions plutôt loi-cadre ou loi de programmation - incluant les moyens et les réformes nécessaires sur toute la chaîne : prévention, accompagnement des victimes, répression des auteurs, réparation.
Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il répondre à cette proposition ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Grégory Blanc applaudit également.)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - Oui, une mobilisation soulève la société. Derrière Karine Lacombe, c'est une foule immense de femmes, parfois d'hommes, qui dénoncent les abus de l'autorité hiérarchique, abus qui peuvent aller jusqu'aux violences sexuelles. Le ministre de la santé l'a reçue, et poursuit ses consultations. La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche travaille à un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde universitaire, notamment dans les études de médecine.
Quel que soit le secteur, on s'aperçoit qu'il faut aller plus loin, sur les circuits de signalement, la détection, la prévention, les garde-fous.
C'est le sens de la mission qui réunit les ministères de la santé, du travail, de la fonction publique, de l'enseignement supérieur, du sport et de la culture. Nous avons missionné des avocates, des magistrates, des directrices des ressources humaines - je pense à Angélique Cauchy, qui fut l'une des premières à dénoncer les violences subies. Les conclusions nous seront rendues en juin.
Commençons par regarder en face ce fléau de masse des violences sexuelles, qui se jouent au coeur de l'environnement familial, professionnel et amical : dans neuf cas sur dix, la victime connaît son agresseur. C'est pourquoi le Président de la République s'est engagé à faire évoluer le code pénal pour y intégrer la notion de consentement. Cela ne règle pas tout, mais ce sera un nouveau point de départ pour recréer du consensus et agir contre ce fléau. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Laurence Rossignol. - Merci pour votre réponse, mais nous légiférons mal sur ces sujets, par petites propositions de loi, par petits morceaux de patchwork. Nous avons besoin d'une grande loi, pour un traitement global. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Grégory Blanc applaudit également.)
Fonds de soutien au développement des activités périscolaires
Mme Marie-Jeanne Bellamy . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 2013, le rythme scolaire de droit commun a été fixé à quatre jours et demi ; un fonds de soutien au développement des activités périscolaires a été créé pour aider les collectivités à financer ces activités. Fin septembre 2023, alors que les budgets étaient votés et la rentrée effectuée, les élus ont appris que ce fonds serait divisé par deux puis supprimé à la rentrée 2024 - une décision prise sans aucune concertation.
Sur pression des élus locaux, les crédits ont été rétablis. Que de temps perdu !
Lors du dernier congrès des maires, Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation, a annoncé la prolongation du dispositif jusqu'à la rentrée 2025-2026, en promettant une concertation approfondie avec les élus sur le sujet.
Or depuis la venue de Nicole Belloubet dans la Vienne, son cabinet m'a indiqué que le fonds serait supprimé à la rentrée 2025-2026. (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains)
Mes courriers adressés à Gabriel Attal puis à Nicole Belloubet sont restés sans réponse. (On feint de s'en étonner sur les travées du groupe Les Républicains)
Qui croire ? Le Premier ministre qui s'engage, ou le cabinet de la ministre qui annonce la fin des crédits ? Les maires, les associations, les familles ont besoin de s'organiser. La suppression de ce fonds marquera un coup d'arrêt pour le secteur associatif et culturel, notamment en milieu rural où les centres de loisirs sont rares.
Comment allez-vous accompagner les communes qui appliquent le rythme scolaire de droit commun ? Quel sera le nouveau modèle de financement ? Les élus ont besoin de sécurité juridique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat applaudit également.)
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles . - Ce qui compte, ce qui dure, ce sont les engagements du Premier ministre, à l'époque ministre de l'éducation nationale. (Marques d'amusement à droite)
À ce jour, ce fonds est utilisé pour plus d'un tiers par cinq ou six très grandes communes. À peine 1 300 communes l'utilisent, contre 20 000 initialement. Des concertations seront organisées avec les associations d'élus locaux, comme promis, mais reconnaissez que la situation actuelle n'est pas optimale.
Il faut re-flécher une partie de l'enveloppe vers le périscolaire et l'extrascolaire, pour assurer la continuité éducative bien sûr, mais aussi pour favoriser la vie et l'animation dans nos communes.
Cet accompagnement bénéficiera de crédits de la Cnaf, dont la participation augmente de 12 %. Le bonus inclusion passe à 4,50 euros. Je sais que la prise en charge de la pause méridienne est un investissement important pour les petites communes : nous serons au rendez-vous. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Finances locales (II)
Mme Jocelyne Antoine . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Dans un entretien à L'Express, le 16 mai dernier, le Président de la République déclare qu'« hormis une dérive des dépenses initialement prévues, qui est du fait des collectivités locales, il n'y a pas de dérapage de la dépense de l'État ».
Une telle affirmation a choqué les représentants des collectivités locales que nous sommes. Ces dernières contribuent depuis des années à améliorer les comptes publics, alors que les dépenses de l'État, elles, dérapent. Leur dette est stable depuis trente ans, et même en légère diminution. Elles appliquent la règle d'or qui interdit d'emprunter pour les dépenses de fonctionnement.
Alors que l'État prive les collectivités de recettes, sans compensation, il augmente lui-même leurs dépenses de fonctionnement : revalorisation du point d'indice des fonctionnaires territoriaux, revalorisation des aides sociales versées par les départements et les CCAS. C'est un miracle qu'elles parviennent encore à équilibrer leurs comptes !
Madame la ministre, pouvez-vous nous démontrer que l'État n'est en rien responsable de la situation financière des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique . - Je complète ma réponse au sénateur Paccaud.
Parmi les mesures de soutien accordées aux collectivités ces deux dernières années, il faut aussi citer le fonds de compensation, abondé à parité par l'État, à hauteur de 106 millions d'euros, pour les départements touchés par la baisse de DMTO. La Meuse fait partie des quatorze départements qui sont accompagnés ; la situation du bloc communal y est globalement satisfaisante, et s'améliore.
L'État a beaucoup oeuvré pour faire face à la crise : filet de sécurité, amortisseur électricité, hausse de la dotation pour les titres sécurisés. Sur ces deux dernières années, plus de 6 milliards d'euros supplémentaires ont été mobilisés pour les collectivités. Vous pouvez sourire, monsieur le rapporteur général, mais c'est la vérité.
M. Jean-François Husson. - Si vous saviez pourquoi je souris !
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. - L'État prend aussi sa part à cet effort, mais la crise sanitaire, la crise ukrainienne, puis la crise de l'énergie nous ont obligés à dégrader nos comptes pour financer des mesures de soutien massives.
Pour autant, notre politique est claire. Nous menons des réformes ambitieuses, des retraites ou de l'assurance chômage, pour réduire ces déficits, et faisons des économies sur le budget de l'État. C'est collectivement que nous devons oeuvrer au redressement de nos comptes publics, pour être au rendez-vous du pacte de stabilité en 2027. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 30.