Accompagnement humain des élèves en situation de handicap (Deuxième lecture)
M. le président. - Nous pourrions achever l'examen du texte en prolongeant la séance au-delà de 20 heures, s'il n'y a pas d'opposition.
Il en est ainsi décidé.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne.
Discussion générale
Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement . - Je vous prie d'excuser Nicole Belloubet.
Ce texte est très attendu par les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), dont je salue l'engagement : elles - car ce sont en très grande majorité des femmes - sont indispensables pour rendre tangible l'école pour tous. Celle-ci doit faire face au défi de la prise en compte des besoins éducatifs de tous les élèves ; c'est en effet le premier lieu de la solidarité nationale et il faut y faire évoluer le quotidien des enfants en situation de handicap - le Gouvernement y met toute son énergie.
Il est nécessaire de changer le regard que nous portons sur le handicap, et l'intégrer, y compris sur le temps de la pause méridienne. Le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est en constante augmentation : les enseignants ont besoin d'appui.
Il reste beaucoup à faire, mais, depuis plusieurs années, nous détectons mieux, nous accompagnons mieux. Aux côtés de 470 000 élèves, soit 46 % de plus qu'en 2017, les AESH représentent 86 500 ETP, soit 66 % de plus. Nous avons revalorisé leur salaire de 26 % entre 2021 et 2024, soit 200 euros nets de plus par mois. Les AESH sont devenus le deuxième métier de l'éducation nationale en termes d'effectifs.
La proposition de loi prévoit la prise en charge à 100 % par l'État de l'accompagnement des élèves en situation de handicap sur tout le temps de la journée à partir de la rentrée 2024.
Ce texte simplifiera aussi la gestion du personnel. L'amélioration de la continuité est une avancée importante. Nous avons le devoir collectif de garantir à tous les jeunes une société accueillante qui sache s'adapter. Aussi l'éducation nationale travaille-t-elle sur la formation des enseignants et de tous les personnels. Il y va de leur bien-être au travail de celui des élèves.
Le soutien aux personnes en situation de handicap est au coeur de l'action du Gouvernement, notamment au sein de l'école. Je me réjouis que nous puissions nous rassembler sur ce sujet. Le chemin vers l'école pour tous est encore long, mais nous allons dans la bonne direction. Je salue l'engagement de Cédric Vial et vous invite à voter ce texte pour permettre sa mise en oeuvre dès la rentrée prochaine.
Mme Anne Ventalon, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'aboutissement d'une proposition de loi sénatoriale est toujours un moment particulier, surtout si elle nous rassemble au-delà de nos clivages politiques. Ce texte apporte de surcroît une réponse à des milliers d'enfants en situation de handicap, de familles et d'AESH.
Voilà vingt ans que les gouvernements successifs ont mis en place une politique volontariste pour inclure les enfants en situation de handicap dans les écoles. Leur nombre est ainsi passé de 118 000 en 2006 à 478 000 en 2023. Mais l'accompagnement sur le temps méridien pose question, en particulier depuis que le Conseil d'État a dégagé l'éducation nationale de toute responsabilité à cet égard, à rebours de la pratique établie - provoquant un séisme.
Depuis plus de trois ans, les familles et les AESH sont ainsi confrontés à des incertitudes et à des inégalités. À l'Assemblée nationale, Nicole Belloubet a indiqué que le ministère de l'éducation nationale continuait d'assurer la prise en charge de 60 % des élèves sur la pause méridienne. Qu'en est-il des 40 % restants ? Lors des auditions, j'ai rencontré des mères m'ayant indiqué avoir dû se mettre à temps partiel, voire changer de travail. L'inclusion et les apprentissages des élèves en pâtissent.
Le cas des établissements privés sous contrat est aussi préoccupant : les sommes perçues au titre du forfait scolaire ne peuvent être utilisées au titre de la pause méridienne. Ils doivent faire jouer la solidarité en mobilisant des parents volontaires ou des professeurs retraités - ce bricolage s'enraye dès qu'il y a un problème. Des parents m'ont confirmé avoir dû déscolariser leurs enfants pour cette raison.
Madame la ministre, je me félicite de l'évolution du Gouvernement sur ce sujet, alors qu'il était encore réticent voilà quelques mois. Lors de l'examen du texte en première lecture, Mme Vautrin émettait un avis de sagesse, indiquant un infléchissement de position. Quelques jours plus tard, dans sa déclaration de politique générale, Gabriel Attal annonçait le transfert à l'État de cette charge - une annonce unanimement saluée.
Le texte issu de l'Assemblée nationale comporte des modifications mineures ; aussi la commission de la culture l'a-t-elle adopté conforme.
Les députés ont ajouté deux articles. L'article 3 précise que le texte entre en vigueur à la rentrée 2024 - il semble effectivement opportun de différer l'entrée en vigueur afin de procéder aux ajustements nécessaires dans les contrats des AESH. L'article 4 demande un rapport - vous connaissez, madame la ministre, la position traditionnellement réservée du Sénat à ce sujet. Mais lors de mes travaux, j'ai été frappée par le manque de données disponibles sur cette question et par les différences de pratiques entre maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Vos services ont extrapolé à partir d'un sondage et aboutissent à une évaluation basse à 20 000 élèves... Des informations plus précises sont donc les bienvenues ; j'ai confiance dans les services statistiques du ministère de l'éducation nationale !
La proposition de loi constitue une avancée notable. Il faudra former les AESH à ces nouvelles tâches. Ce texte ne constitue qu'un jalon dans un long parcours.
C'est la traduction législative de l'une des vingt recommandations du rapport de Cédric Vial sur les modalités de gestion des AESH. Les dix-neuf autres ne relevant pas de la loi, j'espère, madame la ministre, qu'elles connaîtront un sort aussi positif.
Madame la ministre, l'école inclusive est en souffrance. Les travaux de notre rapporteur pour avis sur les crédits de l'enseignement scolaire, Jacques Grosperrin et du président Lafon, ont montré qu'elle était en train de craquer. En 2023, trois quarts des enseignants du premier degré ont déclaré avoir des problèmes très fréquents avec des élèves perturbateurs. Entendez ce malaise, qui remet en cause l'école pour tous. L'ensemble des élèves, l'enseignant et les élèves concernés en souffrent.
Je souhaite que ce texte améliore dès la rentrée prochaine le quotidien des enfants et des enseignants.
Pierre après pierre, nous devons bâtir l'école pour tous, cette promesse républicaine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Marie-Pierre Monier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE) Cette avancée, qui se concrétisera dès la rentrée prochaine, clarifiera l'accompagnement des élèves en situation de handicap dans les écoles, tout en revenant aux principes fondateurs de l'école inclusive.
Le revirement occasionné par la décision du Conseil d'État du 20 novembre 2020 a entraîné plusieurs difficultés et incertitudes : pour les collectivités territoriales notamment, car elles ne sont pas toutes en mesure de financer l'accompagnement des temps méridiens ; pour les AESH, qui voyaient l'organisation de leurs journées de travail complexifiée par cette dualité d'employeurs ; pour les élèves en situation de handicap ayant des besoins d'accompagnement sur les temps méridiens, au nombre estimé entre 20 000 et 25 000, et dont les parents sont parfois obligés de recourir à des AESH privés, voire de déscolariser leurs enfants.
Dans son rapport, Cédric Vial nous avait alerté sur la nécessité d'une évolution législative rétablissant un égal accès aux services de restauration. Je salue le travail de Mme Ventalon, grâce à qui nous avons été unanimes à voter ce texte en janvier dernier. À l'Assemblée nationale, le consensus fut large pour l'adopter.
L'article 4 demande un rapport sur le nombre d'élèves concernés et sur la pratique des MDPH : cela confirme que le Gouvernement continue de progresser à tâtons alors que nous insistons depuis des années sur la nécessité d'une organisation globale, sachant que le nombre des enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé entre 2006 et 2023, pour atteindre la proportion de neuf sur dix.
Nous avions dénoncé la création de pôles d'appui à la scolarité (PAS) en remplacement des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) au travers d'une disposition du projet de loi de finances pour 2024, censurée par le Conseil constitutionnel. Quelle surprise d'apprendre, au détour d'une audition de la ministre de l'éducation nationale, qu'en dépit de cette censure, les PAS étaient en cours d'expérimentation dans quatre départements ! Le Parlement doit être associé à cette démarche.
L'école inclusive ne doit pas être envisagée dans une logique de rationalisation budgétaire. Il faut passer d'une logique quantitative à une logique qualitative, ce qui implique de progresser sur la formation des AESH, alors même que ces derniers, pourtant les chevilles ouvrières de l'école inclusives, sont rémunérés à 994 euros en moyenne en janvier 2024 : indigne précarité pour le deuxième métier de l'éducation nationale.
Notre groupe votera cette proposition de loi, petit pas en faveur de l'école inclusive, et vous invite à accélérer la foulée ! (Sourires ; Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE)
M. Cédric Vial . - On y est ! La fierté - c'est le sentiment qui m'envahit au moment où je vous parle : la fierté d'avoir fait d'un constat un projet, un combat et finalement une loi. Pas de l'orgueil, mais le sentiment d'avoir servi à quelque chose, ce sentiment qui donne du sens à notre engagement politique, malgré un contexte parfois difficile.
Ce texte est un aboutissement - celui du travail de plus d'un an. Après avoir soulevé le problème à l'automne 2022, avoir rendu un rapport d'information le 3 mai 2023, j'ai déposé cette proposition de loi en juillet 2023, qui deviendra une loi, après votre vote que j'espère conforme pour qu'elle s'applique dès la rentrée prochaine.
Je remercie le président Lafon qui m'a suggéré la mission d'information, Max Brisson et Philippe Mouiller qui m'ont soutenu, Bruno Retailleau et Gérard Larcher qui m'ont permis d'inscrire ce texte à l'ordre du jour de notre assemblée. Je remercie également Anne Ventalon, ma complice ! (Sourires)
Je remercie le Premier ministre qui, malgré la position défavorable de ses services et prédécesseurs, a su écouter, comprendre et enfin décider, une fois devenu Premier ministre - sa position a permis d'inscrire le texte à l'Assemblée nationale. Je remercie la députée Virginie Lanlo, rapporteure. Je remercie l'ensemble de mes collèges de leur bienveillance, les associations d'élus, les familles d'enfants en situation de handicap de leur soutien et de leur ténacité - je pense à Claire Lambert, véritable lanceur d'alerte.
Je remercie mes collègues qui siègent sur l'ensemble des travées ayant voté pour. Un regret : les députés LFI, qui n'ont pas osé voter contre, mais n'ont pas su voter pour...
M. Stéphane Piednoir. - Quelle tristesse !
M. Cédric Vial. - Ce texte sera un aboutissement, mais pas une fin. Ce sera une loi simple qui réglera des problèmes complexes, mais elle sera loin d'être suffisante. Mon rapport comprend 19 autres recommandations, et il faudra travailler sur le statut, les rémunérations et les conditions de travail des AESH.
Je pense aux 480 000 élèves en situation de handicap, aux 140 000 AESH - 97% de femmes - , aux familles, aux enseignants, aux élus locaux, aux chefs d'établissements publics et privés.
Il reste tant à faire pour que l'école inclusive ne soit pas un slogan ni même un objectif, mais un projet pour lequel nous devons tous nous mobiliser. Ce soir, tout ne fait que commencer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDSE et du GEST)
M. Joshua Hochart . - Ce soir, plus de 130 000 AESH attendent un geste fort. Accompagner les plus fragiles, c'est le signe d'une société qui va bien. Offrir un soutien humaniste est un impératif moral et éducatif ; la prise en compte du Gouvernement, quoique tardive, des élèves en situation de handicap est une bonne chose. Intégrer ces enfants favorise la sensibilisation, la tolérance et le respect.
Cette proposition de loi, pragmatique, permet à l'État de financer les AESH sur le temps méridien, mettant ainsi fin à une inégalité majeure, selon la volonté, mais surtout selon les moyens que vous voulez bien laisser aux collectivités...
L'État prend enfin ses responsabilités : un enfant en situation de handicap a besoin d'un accompagnement total. Mais la route est encore longue. Nous attendons un projet de loi global portant un réel statut pour les AESH, assorti d'une formation et d'une certification, où les missions des AESH seraient étendues à l'enseignement supérieur, où leur formation serait enfin uniformisée.
Ce sujet est transpartisan. Nous voterons en faveur de ce texte.
Mme Laure Darcos . - Je rends hommage à Cédric Vial, auteur de cette proposition de loi qui permet de tenir compte des réalités de vie et du budget des collectivités. Je souligne également le travail de fond d'Anne Ventalon.
Ce sujet est partagé par les élus locaux, je l'ai vu lors de la dernière campagne sénatoriale. En Essonne, certaines communes ont pris volontairement en charge le financement des AESH sur les pauses méridiennes. Malgré ces solutions, nombre d'enfants handicapés n'ont pas d'AESH durant ces moments. Les familles ont dû faire des sacrifices pour y remédier...
Cette proposition de loi met un terme aux difficultés engendrées par une décision du Conseil d'État, certes fondée en droit, mais humainement inacceptable.
Les députés ont modifié le texte, en prévoyant une demande de rapport. Nous ne soutenons traditionnellement pas cette demande, mais il ne faut pas prolonger la navette parlementaire. Nous voulons que ce texte s'applique dès la rentrée prochaine. Les familles ont déjà trop attendu. Aussi notre commission a adopté sans modification la proposition de loi. Nous devons mettre en oeuvre l'école inclusive partout et pour tous. Il faut travailler à des avancées concrètes pour les AESH dont les conditions de travail sont parfois éprouvantes.
Il faudra accélérer par ailleurs la prise en charge des élèves ne pouvant être scolarisés en milieu ordinaire.
Mon groupe votera ce texte avec conviction et enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE ; Mme Anne Ventalon applaudit également.)
Mme Annick Billon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie Cédric Vial et Anne Ventalon : ce texte répond concrètement à un problème bien identifié. L'accompagnement des enfants en situation dans les temps périscolaire et méridien n'a jamais été traité. En novembre 2020, le Conseil d'État a dispensé l'État de la prise en charge des AESH sur les temps méridiens. Faute de moyens, des dizaines d'enfants ont été déscolarisées. Les parents ont dû débourser près de 400 euros en moyenne par mois !
La présente proposition de loi a été adoptée en première lecture au Sénat le 23 janvier 2024. Le 8 avril 2024, l'Assemblée nationale a précisé le texte en instaurant une date d'entrée en vigueur du dispositif à la rentrée scolaire prochaine, en prenant en compte le calendrier des outre-mer. L'auteur n'avait pas imaginé une adoption aussi rapide de sa proposition de loi ! (M. Cédric Vial le confirme.) Ce texte fait consensus, mais permettez-moi de m'interroger sur sa mise en oeuvre, qui nécessitera le recrutement de 2 000 à 3 000 AESH ; or les difficultés de recrutement persistent et persisteront.
Le 29 janvier 2024, des parents d'élèves ont ainsi posté une annonce sur LeBonCoin pour recruter deux AESH... Ce métier, exercé à 96 % par des femmes, souffre d'un manque d'attractivité. La loi du 16 décembre 2022 ayant ouvert à la CDIsation des AESH constitue une première réponse, mais elle est encore insuffisante.
Manque de formation et rémunération trop faible sont autant de freins. D'un côté le nombre d'élèves en situation de handicap explose ; d'un autre côté on a du mal à recruter du personnel.
La mise en oeuvre de la loi Vial signifiera un accompagnement sur le temps scolaire et méridien. Mais quid du temps périscolaire, des voyages scolaires ? Priver un enfant en situation de handicap de ces moments, c'est le priver de temps privilégiés collectifs.
Cette proposition de loi est un pas de plus sur le chemin de l'école inclusive : nous la voterons ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDSE)
Mme Monique de Marco . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.) Depuis la loi du 8 juillet 2013, le Gouvernement s'est donné un cap clair : l'école inclusive. Cette politique invite les citoyens à accepter les différences dès le plus jeune âge - c'est pourquoi les écologistes l'ont toujours défendue.
Le texte que nous examinons révèle toutefois les difficultés de sa mise en oeuvre, en raison notamment des moyens d'encadrement dans les classes, insuffisants. Nous avons proposé des voies d'amélioration de la formation et de la rémunération très insuffisantes des AESH et des assistants d'éducation (AED). Face à cela, les collectivités territoriales ont cherché à compenser les limites imposées par le cadre fixé par l'État.
Dans nombre d'écoles, les AESH n'étaient pas rémunérés au moment du déjeuner. Je suis fière que les collectivités territoriales, notamment écologistes aient pris le problème à bras le corps, sans attendre de modifications législatives.
Le texte de Cédric Vial permettra des améliorations concrètes sur le terrain. C'est pourquoi nous le voterons sans avoir déposé d'amendement. Puissions-nous faire preuve d'autant de pragmatisme lorsque nous aborderons la question des financements dans les écoles privées et publiques !
Je souhaite vous mettre en garde contre les politiques choisies sans concertation - je pense au « choc des savoirs » : hors cadre légal, sans anticipation des besoins nécessaires, des complications risquent de survenir. Madame la ministre, il est toujours temps d'y renoncer !
Mais, pour l'heure, le temps est à la satisfaction. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Gérard Lahellec . - (Mme Marie-Pierre Monier applaudit.) Depuis plusieurs années, le système scolaire tend à se transformer pour permettre à tous les élèves d'accéder aux apprentissages. L'école française a accepté de s'adapter aux besoins de tous les élèves, y compris ceux qui étaient exclus jusqu'alors de la scolarisation ordinaire. Cet objectif est louable : nous pouvons tous nous en féliciter.
Tout cela demande un engagement fort. L'école inclusive est encore devant nous. Je considère, comme Cédric Vial, que tout commence aujourd'hui.
Pour une bonne pratique de l'inclusion, il faut une école de qualité et de réussite pour tous. Or il y a loin de la coupe aux lèvres... Si l'inclusion d'élèves à mobilité réduite ne semble plus soulever de questions, il n'en va pas de même pour les élèves aux handicaps invisibles. Portons un regard critique sur l'organisation de notre système éducatif, ballotté entre l'affirmation de l'inclusion et la tendance à la sélection des élèves.
Le système éducatif français devrait offrir à tous les élèves les mêmes possibilités pour développer leurs potentiels.
Le texte ne résoudra certes pas tout, mais ses dispositions lèvent une partie du problème de l'accompagnement des élèves en situation de handicap. L'entrée en vigueur dès la rentrée 2024 est une précision utile.
Si l'article 4, et sa demande de rapport, n'est pas une démarche habituelle au Sénat, cela ne doit pas être un frein à l'adoption de ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ainsi qu'au banc des commissions)
Mme Mireille Jouve . - Nous voilà réunis une seconde fois pour évoquer l'accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps méridien. J'ai sciemment utilisé le mot de « seconde » plutôt que « deuxième », car j'espère que cette nouvelle lecture sera la dernière, grâce à un vote conforme de notre assemblée.
Nous mesurons l'urgence de rappeler ce que doit la solidarité nationale aux 478 000 élèves porteurs de handicap, à leurs familles et aux 132 000 personnels qui les accompagnent courageusement.
Depuis l'arrêt du Conseil d'État de novembre 2020, nous mesurons à quel point cet accompagnement est d'application inégale sur le territoire national. Trois éléments fondamentaux changeront désormais : exit la charge financière supplémentaire imposée aux collectivités territoriales ; exit la dégradation des conditions de travail liée aux multiples contrats ; exit, enfin, la situation honteuse privant des élèves d'accompagnement sur le temps méridien.
Certaines questions demeurent en suspens cependant, comme le décalage entre la hausse des moyens et le nombre grandissant d'enfants demandant un accompagnement, ou encore la faible rémunération et le manque d'attractivité du métier d'AESH. Y répondre est notre devoir d'élus de la République, pour faire de l'inclusion une réalité et non plus seulement un voeu pieux.
Chiche ! Déposons une seconde proposition de loi créant un véritable statut pour les AESH, pour permettre à des personnes formées de vivre décemment.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Cette proposition de loi est la traduction législative des recommandations du rapport de Cédric Vial. Sa démarche s'inscrit dans la volonté commune du Président de la République et du Premier ministre de voir l'État financer l'accompagnement des enfants en situation de handicap sur leur pause déjeuner. Elle est importante pour les élèves en situation de handicap, leurs accompagnants et pour les collectivités territoriales. En effet, la rupture dans la continuité de l'accompagnement force les parents à prendre le relais, pour des conséquences parfois désastreuses.
Certaines familles embauchent ainsi des AESH, ce qui entraîne des coûts pour elles et se fait hors des contrôles de l'éducation nationale.
Ce texte simplifiera le statut des AESH, avec l'État comme unique employeur et le lissage de leur emploi du temps. Si le problème de leur précarité n'est pas pleinement réglé, cela reste une avancée.
Le Conseil d'État avait décidé en novembre 2020 que la compétence de l'État en matière d'accompagnement des élèves en situation de handicap ne porterait que sur le temps scolaire, entraînant une rupture d'égalité selon les communes, qui ont du mal à assumer cette charge. Les ajouts de l'Assemblée nationale sont bienvenus et témoignent de l'excellent travail du Parlement à ce sujet.
Je salue l'excellent travail de Cédric Vial et Anne Ventalon. Une forme de solidarité nationale sera ainsi rétablie, pour accompagner au mieux les élèves en situation de handicap au sein de l'école. Le RDPI votera ce texte. (« Très bien » sur plusieurs travées)
Mme Marie-Do Aeschlimann . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me réjouis de ce texte qui améliorera, je l'espère, l'accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps méridien. Vingt ans adjointe en charge de l'éducation à Asnières-sur-Seine, je mesure la complexité kafkaïenne d'un système octroyant aux AESH deux employeurs différents.
Pourtant, leur rôle conditionne la scolarisation en milieu ordinaire, alors que notre pays accuse un grand retard en matière de structures spécialisées. Face à cela, combien d'élus désemparés face à la détresse des familles, combien d'enseignants en difficulté avec leur groupe classe ?
Je dis donc « bravo ! » à l'excellent travail de Cédric Vial et Anne Ventalon. Il était d'urgent d'agir, alors que le nombre d'AESH stagne. Dans mon département des Hauts-de-Seine, 9 146 élèves auront un projet personnalisé de scolarisation.
La rémunération statutaire des AESH doit par ailleurs être encore améliorée. L'accès à un CDI après un CDD de trois ans et la revalorisation de la grille n'ont pas mis fin aux recrutements à temps incomplet.
L'adoption de ce texte réglera aussi les difficultés des établissements privés sous contrat.
Espérons que cela mettra un terme à la mutualisation des AESH par les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial).
Cette loi ne va toutefois pas au bout de la logique d'inclusion, en prenant en compte tous les temps extra et périscolaires comme l'étude surveillée ou les activités culturelles et sportives. Il faudra y remédier.
Beaucoup reste à faire pour une école vraiment inclusive. Je continuerai à y prendre part, ici, au Sénat, où ce projet a toujours été une priorité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos applaudit également.)
Discussion des articles
Les articles 1er, 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
M. le président. - À l'unanimité ! (Applaudissements)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. - Je remercie Anne Ventalon pour son travail et sa maîtrise du processus législatif, qui nous conduit aujourd'hui à ce vote unanime. Je remercie également Cédric Vial, dont nous sommes heureux de partager la fierté. Il fait un peu carton plein ce soir : vote unanime, vote conforme, vote de sa première proposition de loi, et - fait unique dans l'histoire législative -, citation dans un discours de politique générale du Premier ministre. On ne pouvait rêver mieux !
Cette proposition de loi est issue d'un travail plus large, comme cela a été rappelé. Le chantier de l'école inclusive est immense, notamment pour la revalorisation du métier d'AESH. Cette première pierre était attendue, et nécessaire. (Applaudissements)