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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Programme de stabilité et orientation des finances publiques
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales
Planification écologique et COP régionales : quelle efficacité ?
M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Création d'une commission spéciale
Commission spéciale (Nominations)
Hommage à Guy-Dominique Kennel
Questions d'actualité au Gouvernement
Dissuasion nucléaire française et européenne
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Blocages à Sciences Po et dans les universités (I)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
Blocages à Sciences Po et dans les universités (II)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Projet de loi d'orientation agricole
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie
Espionnage de parlementaires par la Chine
Visite d'État du président Xi Jinping
Dégradation des infrastructures ferroviaires
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports
Réforme de la justice pénale des mineurs
Avenir de l'hospitalisation privée
Blocages à Sciences Po et dans les universités (III)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
Collectivités territoriales et réduction du déficit
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics
Accord entre la direction de la SNCF et les syndicats
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports
Ordre du jour du mardi 7 mai 2024
SÉANCE
du mardi 30 avril 2024
83e séance de la session ordinaire 2023-2024
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy.
La séance est ouverte à 14 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Rappel au règlement
M. Pascal Savoldelli. - Je me fonde sur l'article 35 bis relatif au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
Dans quelles conditions démocratiques débattons-nous ? Les membres de la commission des finances ont eu connaissance d'une note confidentielle du 7 décembre mettant en garde le Gouvernement sur l'aggravation de 0,3 point du déficit, à 5,2 %. Il est finalement de 5,5 %. Cela remet en cause la sincérité du budget adopté sans vote par le Parlement.
La procédure pour déficit excessif pourrait s'appliquer à votre politique budgétaire. Le programme de stabilité, censé la retracer, est flou et insincère. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a, en outre, regretté sa saisine tardive et incomplète.
Alors que la situation des finances publiques est préoccupante, vous ne documentez rien, pas même les réformes pour faire passer le déficit sous les 3 %. Vous prévoyez 27 milliards d'euros d'économies en 2025, mais nous ignorons par quelles réformes.
L'insincérité du budget est vérifiable. Il nous faut un nouveau budget, un vrai débat démocratique, et vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MM. Philippe Bas et Jean-Raymond Hugonet applaudissement également.)
Acte en est donné.
Programme de stabilité et orientation des finances publiques
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le programme de stabilité et l'orientation des finances publiques, à la demande de la commission des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Je suis heureux de vous présenter ce programme de stabilité, qui définit notre stratégie de rétablissement des finances publiques jusqu'en 2027.
Je veux combattre ce procès en insincérité, faux, injuste et déplacé. Depuis que je suis aux affaires, nos prévisions de déficit et de croissance ont été respectées, souvent au-delà de ce qui était prévu. Monsieur le sénateur, feriez-vous le même procès aux instituts de conjoncture économique qui prévoyaient une récession en 2023, alors que nous avions prévu 1 % de croissance et que nous avons eu 0,9 % ?
Le Gouvernement avait prévu une croissance positive en 2024, l'Insee vient de confirmer que nous ferions 0,2 %. Assez de défaitisme ! Assez de cette façon de tout peindre en noir !
Je reconnais qu'il y a eu un accident en 2023 sur les recettes.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. - Ah !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Mais ne confondons pas un accident avec un phénomène général. La France réalise les meilleures performances de toute l'Europe.
Ne vaut-il pas mieux adopter un état d'esprit volontariste et saluer les efforts des chefs d'entreprise, par exemple ?
M. Pascal Savoldelli. - Avant de venir, j'étais avec les Sanofi !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous avons d'abord rétabli les finances publiques et sommes revenus sous les 3 % de déficit, grâce à des mesures courageuses comme la suppression des emplois aidés.
Puis nous avons connu une crise inédite depuis 1929, hors période de guerre. Il a fallu protéger massivement et efficacement ; si c'était à refaire, je referais exactement la même chose. Nous avons ensuite connu une inflation inédite depuis les années 1970, jugulée en deux ans - il en avait fallu dix à l'époque. Nous avons protégé massivement les Français et leurs factures de gaz ; si c'était à refaire, je le referais.
Maintenant, il faut rétablir les finances publiques. En France, les mesures de crise ont tendance à être considérées comme durables. Or ce serait irresponsable. Si nous voulons que l'État protège en cas de crise, il faut retirer les dispositifs exceptionnels, relancer la croissance et réduire les dépenses publiques inefficaces.
Pendant le covid, nous avons choisi de protéger massivement et efficacement. Nous pouvons en être fiers. Vous me poussiez à la roue à l'époque, en disant que je ne faisais pas assez, pour les restaurants, pour les boîtes de nuit... J'ai résisté à certaines demandes !
M. François Bonhomme. - Merci...
M. Bruno Le Maire, ministre. - À l'époque, Air France était menacée de faillite...
M. Albéric de Montgolfier. - Et les autres pays n'ont rien fait ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - ... je suis fier de l'avoir sauvée, comme Renault. Nous avons soutenu les PME, l'aéronautique, la restauration et l'événementiel. Nous avons mis en place des mesures inédites, avec l'activité partielle. (Murmures à droite) Mieux vaut que l'État finance l'activité partielle afin de protéger des compétences plutôt que de risquer de perdre des pans entiers de notre économie !
Les résultats sont là. (M. Pascal Savoldelli ironise.) La France a été la première à retrouver son niveau d'activité d'avant crise.
Maintenant que les crises du covid et de l'inflation sont derrière nous, il faut revenir sur le chemin du rétablissement des finances publiques, comme en 2017, 2018 et 2019.
Ce programme de stabilité est ambitieux : nous voulons faire en trois ans ce que nous aurions dû faire en quatre, afin de revenir sous les 3 %. Plus nous serons nombreux à aller dans ce sens, plus la France gagnera en productivité et en puissance. C'est l'intérêt supérieur de la nation.
Je tends la main à tous les sénateurs qui ont la volonté comme nous de revenir sous les 3 %.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - On vous a proposé 7 milliards d'euros d'économies dans le projet de loi de finances (PLF) !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Le programme repose sur trois piliers.
Le premier, c'est la croissance et le plein emploi. Contrairement à ce que disaient les prévisionnistes, la croissance française est solide. La consommation des ménages augmente de 0,4 point, l'investissement des entreprises de 0,5 point, tout comme les exportations - je rends hommage aux salariés et chefs d'entreprise qui ont rendu ces résultats possibles. Il faut les consolider. Le jour où la France atteindra le plein emploi, ses problèmes des finances publiques seront largement résolus.
Le deuxième pilier, ce sont les réformes de structure.
D'abord, la simplification. Le coût de la complexité administrative est évalué par vous-même à 84 milliards d'euros par an. La simplification, c'est de la croissance, de l'activité et de la liberté pour nos TPE, nos artisans et commerçants ! Ensuite, la réforme de l'assurance chômage, qui doit être une incitation à retrouver un emploi le plus vite possible.
Le troisième pilier, c'est la réduction des dépenses. Celles qui ne donnent pas les résultats attendus doivent être arrêtées.
Voilà notre stratégie, claire et simple.
Certains estiment que l'on peut se moquer de la dette. Je crois au contraire que le rétablissement des finances publiques est dans l'intérêt supérieur de nos compatriotes.
Rompons avec cette manie française de confondre l'exceptionnel et l'ordinaire dans une fuite en avant dommageable à notre nation. Il n'est pas illégitime de rétablir les mesures d'avant la crise, une fois celle-ci passée. Ainsi, nous rétablissons progressivement le niveau de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Cela nous redonne des marges de manoeuvre pour faire face aux risques de crise et aux investissements indispensables.
Qui prendrait le risque de désarmer la France alors que les tensions sont là ? Certainement pas moi. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée proteste.) Notre responsabilité est de remplir les caisses, pour faire face aux crises. Le premier des réarmements doit être financier.
Beau débat politique : le rétablissement des comptes est bon pour notre économie. J'entends dire que nous serions tombés dans l'austérité, que nous provoquerions une récession. C'est tout le contraire ! Le niveau de dépenses restera parmi les plus hauts des pays développés ; il y a de la marge avant l'austérité, croyez-moi !
La première conséquence positive de finances publiques bien tenues, c'est le retour de la confiance des ménages et des entreprises, incités à investir et à consommer. Le taux d'épargne des ménages atteint 17 % ! Ils n'ont plus besoin d'épargner car ils n'ont plus de craintes à avoir. Nous n'augmenterons les impôts ni avant, ni après les élections européennes.
Autre conséquence positive : la baisse des taux d'intérêt. Lorsque les agences ne dégradent pas la note de la France, les écarts de taux avec l'Allemagne ne s'accroissent pas. Moins de dette, c'est moins d'argent pour les créanciers de l'État et plus pour les Français.
Cet objectif de 2,9 % serait-il inatteignable, comme je l'entends dire ? Du tout ! C'est une affaire de détermination, de constance et de méthode. La Finlande, la Suède, le Danemark, l'Irlande, le Portugal l'ont fait. Pourquoi pas la France ?
M. Albéric de Montgolfier. - Pourquoi ne le fixer que maintenant ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Cela suppose de la constance, de la détermination, le dépassement des querelles politiques - nous y sommes prêts.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Le programme de stabilité actualise notre trajectoire, à la suite d'un ralentissement de l'économie mondiale qui nous amène à réviser la prévision de croissance pour 2024 de 1,4 % à 1 % - comme Bruno Le Maire l'a dit depuis février.
Mais les fondamentaux restent solides. Ce matin, l'Insee a annoncé un acquis de croissance de 0,5 % pour 2024. Le 11 avril dernier, la Banque de France a constaté une hausse du PIB de 0,2 % au premier trimestre, ce qui n'est pas incompatible avec une prévision de 1 % sur l'année.
Nous maintenons les grands principes de notre action et gardons notre boussole : ramener le déficit public de 5,5 % à 5,1 % en 2024, à 4,1 % en 2025, 3,5 % en 2026, puis sous les 3 % en 2027.
Bruno Le Maire l'a rappelé : avant les crises, notre politique avait permis de revenir à 2,4 % en 2019.
On ne change pas une politique économique qui fait ses preuves. Notre politique de l'offre soutient l'activité. Depuis 2017, 2,4 millions d'emplois ont été créés. Le taux de chômage est le plus bas depuis quarante ans. Notre pays est une des locomotives de l'Europe.
Nous voulons préserver nos marges de manoeuvre. Pour 2024, nous avons déjà annulé 10 milliards d'euros de crédits, dans le cadre prévu par la Lolf. Point d'austérité : cela représente moins de 0,5 % des crédits ouverts sur le périmètre de l'État. Ces annulations portent sur l'aide publique au développement, MaPrimeRénov' et le compte personnel de formation (CPF). Nous avons réduit de 150 millions d'euros la facture énergétique de l'État, cédé pour 280 millions d'euros de biens immobiliers et divisé par trois les dépenses de conseil en deux ans.
Pour tenir l'objectif, il faudra un effort de 10 milliards d'euros supplémentaires. La réserve de précaution, de plus de 7 milliards d'euros, ne sera pas utilisée.
Nous devons tenir les dépenses de l'État en 2024 comme nous l'avons fait en 2023 - l'État avait dépensé 7 milliards d'euros de moins que prévu. En 2024, nous appliquerons la même méthode.
Ces mesures ne remettent pas en question les grands équilibres : les dépenses vertes, de sécurité intérieure, d'armée, de justice, d'éducation nationale ou de recherche continuent d'augmenter.
Nous l'avons redit devant le Haut Conseil des finances publiques locales : la maîtrise des dépenses publiques est un effort partagé. Les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales devront augmenter un peu moins vite que l'inflation, à 1,9 % maximum. Pour y parvenir, il faut réfléchir à l'enchevêtrement des compétences, en s'appuyant notamment sur les travaux menés par Boris Ravignon et Éric Woerth. Le dialogue entre l'État et les collectivités est nécessaire.
Dans le champ social, l'Ondam a été respecté en 2023.
Nous avons subi le ralentissement économique, avec 21 milliards d'euros de recettes de moins qu'anticipé. Ce retournement de conjoncture est arrivé tardivement. Nous avions déjà connu de tels écarts en 2011 par exemple, avec 6 milliards d'euros en moins pour l'impôt sur les sociétés. Ce ralentissement aura donc des répercussions pour 2024, mais nous n'envisageons pas de changer notre politique fiscale, même s'il y aura des mesures ponctuelles, comme pour les énergéticiens ou les laboratoires pharmaceutiques.
Nous pouvons tabler sur 1,4 % de croissance en 2025, grâce à la consommation des ménages et aux exportations. La croissance et l'emploi sont les meilleurs alliés de nos finances publiques.
Nous devons faire des économies dans tous les champs. Le travail est déjà engagé. Nous avons fait des revues de dépenses avec un haut niveau d'ambition, dans le dialogue avec les parlementaires.
Cette nouvelle trajectoire reflète la volonté du Gouvernement de préparer l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le programme de stabilité pour 2024-2027, transmis aujourd'hui à la Commission européenne, est, du fait de la réforme des règles du pacte de stabilité et de croissance, le dernier sous sa forme actuelle. On peut s'en réjouir, car ce qui est présenté est révélateur des errements et renoncements du Gouvernement en matière de finances publiques.
En 2023, nous faisons certes légèrement mieux que la zone euro, avec 0,9 % de croissance, mais c'est principalement dû à la récession allemande. Le Gouvernement utilise largement la comparaison avec l'Allemagne, qui est favorable, mais les économies italienne, grecque, portugaise, espagnole sont plus dynamiques, entre 2,3 % et 2,5 % de croissance. On est loin derrière.
Entre fin 2019 et fin 2023, le PIB de la France a progressé d'un point de moins que le PIB de la zone euro sur la même période.
Messieurs les ministres, votre optimisme forcené ne saurait masquer le faible dynamisme de notre économie. Et le scénario macroéconomique de ce programme de stabilité reflète encore ce biais !
La prévision de 1,4 % serait caduque. Votre révision à la baisse de 1 % demeure la plus haute. Elle est battue en brèche par les principaux instituts.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Ils se trompent !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - On verra. Il faut être un peu moins glorieux, à mon avis... Le taux de croissance sera plutôt de 0,7 %.
Peut-on vraiment se féliciter de la prévision de croissance de l'Insee pour le premier trimestre 2024, qui, après 0,1 %, est à 0,2 % ? Cela reste faible. La Banque de France a précisé que ce chiffre de 0,2 % était cohérent avec sa propre prévision de croissance de 0,8 % pour l'année 2024.
Le scénario du programme de stabilité n'est pas partagé par les conjoncturistes : il anticipe 1,5 % de croissance moyenne là où le consensus des économistes est à 1,2 %.
Vous anticipez une croissance de la consommation des ménages, mais n'expliquez pas la baisse de leur taux d'épargne, et vous vous montrez trop optimistes sur le redressement du pouvoir d'achat, lié à l'emploi, alors que de nombreux secteurs peinent à recruter.
Sur le début de la période du programme de stabilité, les effets du resserrement de la politique budgétaire sur l'investissement semblent sous-estimés, comme je l'ai dit l'an dernier. Le niveau de croissance prévu repose sur un niveau de production élevé et une capacité de rebond de l'économie particulièrement forte. Or nous pouvons douter que notre économie fonctionne en dessous de ses capacités.
Vous évaluez la croissance potentielle à plus 1,35 % par an, scénario non partagé par nombre de conjoncturistes. La prévision économique n'est pas une science exacte, par nature, mais votre scénario macroéconomique est assurément trop fragile. Le Sénat avait déjà critiqué votre prévision. Il n'est pas sérieux de manquer de rigueur pour présenter une copie non dégradée... Le rétablissement de nos comptes publics appelle des prévisions plus consensuelles et plus prudentes.
J'en viens à la trajectoire de nos finances publiques : vous avez renoncé à respecter la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Quelques semaines après sa promulgation, elle était déjà caduque, avec un déficit de 5,5 % du PIB en 2023 et non 4,9 % comme prévu. Une LPFP qui ne dure que quelques semaines ne sert à rien, disons-le !
La dette, qui devait diminuer pour atteindre 108 points de PIB en 2027, augmentera, pour passer de 110,6 % en 2023 à 112 % en 2027. D'une perspective de désendettement, on passe à une perspective d'accroissement de l'endettement : voilà votre trajectoire. Ce n'est pas l'épaisseur du trait : on parle tout de même de 20 milliards d'euros de dégradation. Il est inadmissible que le Gouvernement ait renoncé à présenter un projet de loi de finances rectificative (PLFR). Je constate votre renoncement à redresser les comptes publics ! Votre mépris du Parlement, votre non-présentation d'un PLFR est très grave. Vous manquez de crédibilité et votre scénario n'est pas documenté.
Sans vision claire des politiques publiques prioritaires, le chemin est aussi impraticable qu'inaccessible. Vous objecterez qu'il n'est pas besoin de détailler toutes les économies à voter jusqu'en 2027. Mais les coupes sont là : 5 milliards d'euros pour l'État et 2,5 milliards d'euros pour les collectivités territoriales, sans documentation. Quid, par ailleurs, des 16 milliards d'euros de crédits de 2023 reportés sur 2024, qui font plus que compenser les efforts d'économies annoncés ? Il y a encore, en 2024, plus de crédits disponibles qu'en loi de finances. Le Gouvernement s'est constitué une grosse cagnotte, lui permettant de ne pas repasser devant le Parlement ! Heureuse situation...
Le programme de stabilité prévoit un déficit public qui passe de 5,1 points de PIB à 2,9 points en 2027. En termes structurels, c'est un ajustement de 67 milliards d'euros.
Je rappelle qu'en 2022, le Sénat avait adopté un PLF dans lequel l'ajustement structurel était inférieur et permettait pourtant d'atteindre une cible plus ambitieuse, à 1,7 %, au lieu des 2,9 % du Gouvernement. On nous avait critiqués pour la brutalité et le caractère déraisonnable de nos propositions.
M. Bruno Retailleau. - Je m'en souviens !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Vous demandez un effort sans précédent, dans un temps très court. Or, comme le dit pudiquement le HCFP, votre documentation est lacunaire !
En ce qui concerne les recettes, peu de changement. Aucune mesure de recettes nouvelles n'est prévue pour les années à venir.
Le dégagement d'un excédent de 0,4 point de PIB en 2027 repose en réalité sur le cycle électoral ; il relève d'un voeu pieux et non d'une volonté de rectifier le tir.
La majorité des efforts repose sur la sphère sociale, la seule dont les comptes sont à l'équilibre. (M. Bruno Le Maire le conteste.) C'est un peu fort de café.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'ai dressé un constat, j'ai critiqué les prévisions de croissance, tout est lié. Je regrette votre triple renoncement : à une loi de programmation, à une trajectoire de désendettement, à un redressement des comptes du pays par un PLFR. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Démarrons par le seul point de satisfaction : le programme de stabilité a été remis dans les temps. (Sourires) Il suit la publication du déficit pour 2023, à 5,5 % de déficit au lieu des 4,9 % prévus. Cela est dû à des recettes surévaluées - pour dire les choses d'une belle façon : 1,4 milliard d'euros pour l'impôt sur le revenu, 1,4 milliard d'euros pour la TVA, 4,4 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés, dont, vous le savez, le cinquième acompte est à la main des entreprises et donc difficile à estimer. Il aurait fallu davantage de prudence.
J'ai vérifié ce point : en 2017, il y a eu 64 milliards d'euros de produits ; cette année, il y a eu 56 milliards d'euros de produits. Corrigé de l'inflation, cela fait 48 milliards d'euros. Cela correspond à la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés : de 33 à 25 %. Donc non, monsieur le ministre, on ne peut pas raconter qu'en diminuant le taux, on augmente le produit.
Spéciale dédicace à la taxation de la rente inframarginale de la production d'électricité : estimée initialement à 12,3 milliards d'euros, elle rapporte finalement 600 millions d'euros. Excusez du peu...
Si l'on pousse les estimations de façon imprudente, un jour ou l'autre, tous les indicateurs passent au rouge et l'on obtient les résultats d'aujourd'hui.
Les résultats ne pouvaient pas plus mal tomber : deux mois après l'adoption d'un projet de loi de finances par 49.3, et deux mois après l'adoption d'une LPFP déjà obsolète. Notre crédibilité auprès de nos partenaires européens est entamée, tout comme votre crédibilité auprès des parlementaires et des Français.
Nous espérons que le discours ridicule sur les baisses d'impôt sera abandonné et que des recettes complémentaires seront enfin envisagées, ainsi que nous l'avons proposé. Nous avons aussi besoin de vrais chiffres sur l'impact sur la croissance des baisses de crédits.
À ce niveau d'impasse budgétaire, nous avons besoin d'un débat sur les choix politiques, non de manipulations financières : PLFR, débat de l'article 50-1 de la Constitution, vous avez le choix des armes...
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) L'an dernier, notre débat s'inscrivait dans le contexte du rejet par l'Assemblée nationale de la LPFP, fort modifiée par le Sénat ; cette année, nous disposons d'une LPFP, mais elle est caduque au bout de quelques mois à peine... Nous n'avons donc plus de programmation des finances publiques. Mais cette LPFP se rappellera à notre bon souvenir chaque année, si le HCFP considère que le déficit structurel est supérieur de plus de 0,5 point de PIB à la prévision.
À l'automne dernier, la commission des affaires sociales avait exprimé ses doutes. Sur la base des hypothèses de croissance du consensus des conjoncturistes, la commission avait calculé un excédent des administrations de sécurité sociale de 0,2 point de PIB en 2027 - et non de 1 point, comme prévu dans la LPFP. L'exécution 2023 a conforté nos doutes : l'excédent a été de 0,5 point de PIB, et non 0,7... L'objectif d'un excédent de 1 point en 2027 s'éloigne.
Ce programme de stabilité n'apaise pas nos doutes. Comment passe-t-on d'un déficit 2023 très supérieur aux prévisions à un objectif inchangé pour 2027 ? « Mystère et boule de gomme » écrirait Montherlant !
Comme le souligne le HCFP, le programme de stabilité manque de cohérence : les importantes économies prévues auront un impact sur la croissance, et l'hypothèse de croissance retenue est supérieure au consensus. Le Gouvernement veut-il préserver la croissance ou faire des économies, ce qui réduirait la croissance ? Débattons-nous du réalisme de l'objectif des 3 % ou des moyens de l'atteindre ?
In fine, ce qui importe, c'est le pilotage de nos finances publiques. Or ce programme de stabilité ne comporte aucune mesure concrète. La LPFP prévoyait de réaliser 6 milliards d'euros d'économies sur la sphère sociale en 2025. On nous parle désormais de 10 milliards, d'une réduction de la durée d'indemnisation du chômage et des indemnités journalières, entre autres.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Comment le Gouvernement compte-t-il atteindre les objectifs de ce programme de stabilité ? Nous attendons des réponses. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Thierry Cozic . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le contexte budgétaire est alarmant : en 2023, la dette publique a atteint 3 100 milliards d'euros et le déficit budgétaire 148 milliards... Ramener le déficit à 3 % en 2027 par des revues de dépenses au fil de l'eau et sans utiliser le levier fiscal semble irréaliste !
Selon le HCFP, votre trajectoire manque de crédibilité et de cohérence. L'an dernier, il jugeait votre hypothèse de croissance trop optimiste. On connaît la suite... Revenir sous les 3 % nécessitera un ajustement massif en quatre ans. Le HCFP, vigie budgétaire indépendante, chiffre cet effort à 2,2 points de PIB, soit environ 65 milliards d'euros - plus de 95 milliards d'euros, en prenant en compte la charge de la dette...
Cet effort est inédit, d'autant que le Gouvernement ne précise pas comment il compte y parvenir. En 2025, il faudrait 27 milliards d'euros, c'est colossal !
Avec 900 milliards de dette supplémentaire en sept ans, le Mozart de la finance joue désormais en ré mineur ! Après le « quoi qu'il en coûte », voici le « quoi qu'il en coupe ». (On apprécie sur les travées du groupe SER.) Vous êtes désormais à la merci des Républicains qui agitent la motion de censure comme un tigre de papier.
De l'aveu du Président de la République, nous n'avons pas un problème de dépenses, mais de recettes. Si vous n'écoutez ni les oppositions ni votre majorité, écoutez au moins le Président !
M. Vincent Capo-Canellas. - C'est perfide !
M. Thierry Cozic. - Qui pilote ? Le ministre Le Maire - qui voudrait un collectif budgétaire -, le Président de la République - qui n'en veut pas -, ou le Premier ministre ?
Si vous mettiez la même énergie à taxer les profiteurs de crise qu'à faire les poches des chômeurs, cela ferait longtemps que les 3 milliards seraient dans les caisses de l'État. Fort avec les faibles, faible avec les forts, voilà la doctrine de votre cinquième réforme de l'assurance chômage. C'est la « foire à la saucisse » au sommet de l'État !
Vous avez perdu la confiance des Français, en témoigne le taux d'épargne record : 18 %.
Le mur de la dette se rapproche et vous discutez de sa couleur !
Les besoins de financement sont colossaux - services publics, armée, décarbonation, grand âge... Or, à cause de votre impéritie, nous sommes à l'os ! Nous devons augmenter le degré de solidarité pour faire face aux besoins sociaux.
Monsieur le ministre, la dépense publique n'est pas un fardeau, elle est redistributive. Sans cette prise de conscience, vous condamnez notre pays au recul et nos concitoyens aux extrêmes ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Messieurs les ministres, vous ne manquez pas d'aplomb et êtes satisfaits de votre oeuvre.
M. Albéric de Montgolfier. - Il n'y a pourtant pas de quoi...
M. Bruno Retailleau. - Mais la situation de nos finances publiques se caractérise par trois mots : décrochage, dissimulation, démission. Les 1 000 milliards d'euros d'endettement supplémentaire accumulés par Emmanuel Macron sont le symbole de vos choix irresponsables.
Tout d'abord, le décrochage. La France est désormais le pays le plus mal géré d'Europe : médaille d'or pour la dépense publique, médaille d'argent pour les prélèvements obligatoires !
Quand on se compare, on se désole. En matière d'endettement, seules la Grèce et l'Italie font moins bien que nous et Emmanuel Macron a fait moins bien que ses prédécesseurs. En matière de déficit public, nous sommes à l'avant-dernière place avec la Belgique et nous n'atteindrons pas les objectifs que vous vous êtes fixés, car les hypothèses sur lesquelles est bâtie notre trajectoire sont fausses.
La France a une singularité : c'est la seule à cumuler déficit budgétaire et déficit commercial, des déficits jumeaux, voire siamois, qui se tiennent et s'entretiennent. Terrible conjonction pour notre nation !
Derrière les chiffres, il y a la France et les Français. Notre pays est menacé dans sa prospérité et sa souveraineté.
On a menti aux Français, en disant que la dépense publique faisait la croissance et la qualité des services publics. Si c'était vrai, nous serions à l'avant-garde du bonheur universel ! Or nos grands services publics, qui coûtent plus cher qu'ailleurs, s'effondrent. Nous sommes premiers sur la dépense publique, 168e sur la croissance...
En s'endettant, la France s'appauvrit. En 2027, les intérêts d'emprunt équivaudront au produit de l'impôt sur le revenu. On lève chaque année 300 milliards d'euros sur les marchés. Les Français aussi s'appauvrissent, qu'on les compare aux Américains ou aux Allemands.
C'est aussi une question de souveraineté, car la moitié de notre dette est détenue par des étrangers. Napoléon disait que la main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit. Un pays qui ne tient pas ses comptes ne tient pas son rang.
Voilà pourquoi le discours de la Sorbonne sonne creux : comment le cancre de la classe européenne peut-il donner des leçons à tous les Français et à tous les Européens ? Alors qu'après les élections européennes, la procédure pour déficit excessif sera déclenchée...
Après le décrochage, la dissimulation. Évidemment, vous saviez et avez caché la réalité aux Français. (M. Thomas Cazenave s'en défend.) Lors du dernier PLF, notre rapporteur général vous disait que vos hypothèses étaient fantaisistes. Grâce au travail de la commission des finances et du contrôle sur pièces et sur place du rapporteur général, les Français savent désormais que vous saviez...
Bien sûr, nous sommes des patriotes qui veulent relever la France. Nous vous avons tendu la main en décembre dernier, pourquoi ne l'avez-vous pas prise ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous avons proposé 7 milliards d'euros d'économies !
M. Bruno Retailleau. - Nous aimons la France ! La politique du pire, c'est la pire des politiques.
Quand le Président de la République incrimine les moindres recettes, vous vous défaussez. Vous parlez d'accidentologie : un pépin météorologique, imprévisible... Mais non ! C'est la marque de l'imprévoyance.
Vous avez dissimulé, et vous persistez. Jean-François Husson a évoqué les 16 milliards d'euros de reports de crédits - une façon de contourner le Parlement. Vous ne présenterez pas de collectif budgétaire : vous persistez !
Idem sur les hypothèses intenables du programme de stabilité, selon la Cour des comptes, le HCFP, les agences de notation, le Fonds monétaire international (FMI)... Seuls vous croyez encore aux 3 % de déficit en 2027. Un tel effort sur trois ans n'a jamais été réalisé.
Enfin, la démission. Bruno Le Maire a raison de dire que certains pays se sont spectaculairement redressés - le Portugal, la Grèce. Rien n'est irréversible si l'on agit avec détermination, en actionnant les bons leviers : croissance et réforme.
Mais vous y allez soit à petits pas, soit en zigzag.
La France a un déficit de travail : il manque trois semaines de travail dans une année par rapport à la moyenne européenne. (M. Laurent Burgoa renchérit.) Et pourtant, le Premier ministre parle de semaine en quatre jours et vous concluez des accords scandaleux avec la SNCF et les aiguilleurs du ciel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le contrat de travail unique (CTU), promesse présidentielle, dévalorise le travail.
M. Albéric de Montgolfier. - En même temps !
M. Bruno Retailleau. - Votre réforme de l'État se limite à la réforme de l'ENA - avec la suppression du corps préfectoral et du corps diplomatique que le monde entier nous enviait. Notre administration est toujours plus nombreuse et toujours plus paupérisée. Voyez votre dernière création : une agence pour conseiller les agences...
Nous devons aussi réformer notre modèle social et lutter contre le gaspillage et les fraudes : où en est-on de la carte Vitale biométrique, votée ici il y a deux ans ?
Le Premier ministre serait favorable à une réforme réglementaire de l'aide médicale de l'État (AME). N'y a-t-il pas un problème de répartition de l'effort entre les Français et les étrangers ?
Le dernier décret de la précédente réforme de l'assurance chômage date de janvier 2023 et on nous promet déjà une nouvelle réforme, qui lui serait contradictoire...
Voilà pourquoi vous ne redresserez pas vos comptes.
Vous avez creusé le déficit, la dette, et vous avez plombé l'avenir. « Aucune génération n'a le droit d'en amoindrir une autre », disait Balzac. Vous apprécierez, monsieur le ministre, vous qui êtes un littéraire.
Face aux grands défis qui viennent, nous n'avons plus de marge de manoeuvre. Il faudrait beaucoup plus qu'un tel programme de stabilité aux hypothèses hasardeuses et aux pistes d'économies vaporeuses. Nous avons besoin de rompre avec ce modèle dépassé, qui appauvrit les Français.
Notre note n'a pas été dégradée et je m'en félicite : on ne peut vouloir le pire pour le pays. Mais gare à l'envolée des taux d'intérêt !
Larry Summers, secrétaire au Trésor américain, disait qu'en économie, les choses vont beaucoup plus lentement qu'on ne le pense, mais quand la crise démarre, cela va toujours beaucoup plus vite que ce que l'on croyait. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Christopher Szczurek . - Après sept ans au pouvoir, vos comptes ne sont pas bons. La France est l'homme malade de l'Europe. Vous devez trouver 95 milliards d'euros d'ici 2027 pour faire de notre déficit abyssal un déficit seulement catastrophique : mission impossible avec votre prisme idéologique.
Aurez-vous le courage devant le Sénat de diminuer encore les maigres subsides aux collectivités territoriales ? Allez-vous encore, après les contrats de Cahors, restreindre une autonomie financière fantomatique, alors que les collectivités territoriales assurent 70 % de l'investissement public ?
Vous publiez des chiffres optimistes, voire mensongers. Personne ne vous croit plus. Vous estimez la croissance en 2024 à 1 %, contre 0,7 % selon l'OCDE.
Tout le monde savait que vos prévisions de PLF étaient illusoires. Pour redresser ce radeau de la Méduse, vous publiez en catimini un programme de stabilité et un programme de réformes très plat.
Comment continuer à vous faire confiance avec 1 000 milliards d'euros de dette supplémentaires, dont 700 milliards pour mauvaise gestion structurelle ?
Vous préparez une cure d'austérité souterraine. Mais quand vous attaquerez-vous enfin aux dépenses indues de l'immigration, de la fraude fiscale ou de la surcontribution à l'Union européenne ?
Votre responsabilité politique est engagée. Nous attendons que les LR se décident à l'Assemblée nationale et provoquent un retour aux urnes : nous y sommes prêts. Dans l'attente, il faudra un PLFR. (M. Aymeric Durox applaudit.)
M. Emmanuel Capus . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) En économie, il faut éviter deux excès : l'excès d'optimisme...
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Et l'excès de modération !
M. Emmanuel Capus. - ... et l'excès de pessimisme.
L'excès d'optimisme, on y cède quand on se focalise sur les bonnes nouvelles, irénisme coupable. On s'y complaît lorsqu'on manque de lucidité ou que l'on ferme les yeux sur les dangers.
L'excès de pessimisme, c'est faire du mauvais temps une ligne de conduite. Certains ne voient même plus les éclaircies passagères. (M. Claude Raynal rit.)
Ces deux excès nuisent à la confiance, qui est le fondement de l'économie. Pas de commerce, d'investissement, ni de recrutement sans confiance en l'avenir. Les responsables politiques qui sont dans ces excès manquent de lucidité et risquent le discrédit. Difficile de gagner la confiance quand on perd prise avec le réel.
Vendredi dernier, Moody's et Fitch ont maintenu la note de la France. Mauvaise nouvelle pour ceux qui veulent critiquer le Gouvernement. Pour notre groupe, c'est une bonne nouvelle et c'est le sentiment qui devrait prédominer au Sénat. Les agences de notation ne cèdent pas aux excès. Elles ne se prononcent pas sur le passé, mais sur l'avenir : elles estiment que la France pourra rembourser sa dette, ni plus ni moins.
Certes, le rythme de réduction du déficit n'est pas assez rapide. On fait toujours moins que ce l'on prévoit, alors autant faire preuve d'ambition.
Mais ce programme de stabilité ne pèche ni par excès d'optimisme ni par excès de pessimisme : l'hypothèse de croissance - inférieure à celle que nous avons connue sous le gouvernement d'Edouard Philippe - est réaliste. Elle dépend du contexte géopolitique en Ukraine, au Proche-Orient et en Arménie - je reviens d'un déplacement avec le groupe d'amitié. Mais l'hypothèse d'un embrasement généralisé menant à une troisième guerre mondiale aurait été un excès de pessimisme.
Il faut un cap clair : baisser les dépenses publiques pour réduire le déficit public et amorcer le désendettement de la France. Le groupe INDEP a fait des propositions en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Pierre Jean Rochette. - Excellent !
M. Vincent Capo-Canellas . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le dérapage de nos finances publiques est documenté, avec une dette 2023 supérieure à la prévision.
Le HCFP pointe un problème de crédibilité. Aucune LPFP n'a été respectée depuis vingt ans. Heureusement, notre dette demeure un bon placement, mais cela ne durera pas éternellement. Sa charge sera bientôt notre premier poste de dépenses.
Nous avons un problème de crédibilité sur notre objectif de déficit public à l'horizon 2027, car l'effort nécessaire est inédit.
Coupes budgétaires, soutien à la croissance, politique pro-business, équité sociale et territoriale, stabilité fiscale : c'est la quadrature du cercle.
La clé, c'est l'augmentation du taux d'activité : saluons les avancées. Nos problèmes ne se régleront pas uniquement avec de la croissance ou des baisses de dépenses. On peut fermer quelques robinets, mais cela sera récessif et probablement insuffisant. Il faut redéfinir les missions de l'État. Certains opérateurs de l'État y sont parvenus, inspirons-nous-en.
À court terme, il faut réduire les dépenses et augmenter quelques recettes - taxation de la rente inframarginale sur l'énergie, des rachats d'actions et des surprofits de crise, mais aussi étalement des baisses d'impôts.
Nous devons investir dans l'innovation, l'intelligence artificielle, la transition écologique, la défense, la santé et le bien-vieillir. L'Union européenne doit aussi prendre sa part sur l'innovation, la transition écologique et l'intelligence artificielle.
À la veille des élections européennes, nous devons faire preuve de responsabilité. Avons-nous intérêt à aboutir à une crise politique ? Non. Certes, le dialogue est difficile à l'Assemblée nationale, en raison de l'absence de majorité. Le Gouvernement a été obligé de procéder par voie réglementaire, ce qui nous heurte. Mais nous devons surmonter cette situation politique, sans crise, car les marchés financiers détestent de telles incertitudes.
Nous devons définir des priorités comme le redressement des finances publiques, et adapter la méthode. Nos concitoyens sont, à juste titre, inquiets quand ils mettent en regard le taux de pression fiscale et l'inefficacité de l'État.
Le groupe UC, force de propositions, est très inquiet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Ghislaine Senée . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le pacte de stabilité et de croissance est obsolète. En 25 ans, la France n'a jamais respecté ses obligations. De plus, les investissements verts qui préparent l'avenir et les investissements bruns qui menacent la biodiversité sont mis sur un pied d'égalité dans la définition du déficit public.
Le HCFP dénonce une trajectoire qui n'est ni crédible ni cohérente, bâtie sur des hypothèses déraisonnablement optimistes. L'objectif posé par le nouveau pacte, adopté sans les voix écologistes, est hors de portée.
Pour réduire le déficit, on peut baisser les dépenses ou augmenter les recettes. Vous avez choisi de faire des cadeaux fiscaux aux entreprises et aux plus aisés depuis 2017. Pour plaire à la Commission européenne et aux agences de notation, vous actionnez le seul levier de la réduction des dépenses publique - c'est le plus inégalitaire et il paupérise les plus précaires.
Vous sacrifiez les politiques redistributives, les services publics et le climat, et faites des cadeaux fiscaux et budgétaires sans contrepartie aux grandes entreprises du CAC 40, tenantes d'un néolibéralisme prédateur. Comment le Gouvernement peut-il se féliciter des projets de Renault alors que la nouvelle Twingo électrique sera produite en Slovénie et non plus à Flins-sur-Seine ? Des milliers d'emplois vont disparaître.
Qu'allez-vous encore couper ? Nous ne le savons pas. Vous aviez oublié, jusqu'à ce matin, de nous transmettre le programme de réformes - document lacunaire de 25 pages, contre 247 l'année dernière.
Où allez-vous faire ces économies ? Sur les prestations sociales, les retraites, les minima sociaux, les allocations logement ? Depuis sept ans, votre créativité antisociale est sans limite. Et vous licenciez des agents de la fonction publique : enseignants, militaires, agents communaux...
Oui, il s'agit d'une cure d'austérité, qui va annihiler une croissance économique déjà bien faible.
Les écologistes vous l'ont demandé lors des dialogues de Bercy : quand allez-vous sortir de vos dogmes et apporter une réponse budgétaire fiable et responsable ? Vous pouvez souffler, monsieur le ministre, mais nous sommes nombreux à vous le dire. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)
M. Éric Bocquet . - Un gouvernement qui décide seul devrait assumer seul.
Vous avez multiplié les 49.3 sur les lois de finances et la loi de programmation des finances publiques, mais les oppositions avaient raison : cette dernière était caduque dès avant son adoption, et toutes les projections et trajectoires qu'elle comportait ont volé en éclats.
Vous refusez de reconnaître que la politique de l'offre est une impasse : alors que les entreprises sont abreuvées d'argent public - les dépenses de l'État ont progressé de 100 milliards d'euros depuis 2019 -, la croissance est atone.
Les chiffres de l'emploi sont gonflés par le million d'apprentis subventionnés. La réindustrialisation serait à l'oeuvre, mais la balance commerciale dévisse. Les entreprises se gavent de crédit d'impôt recherche, pour un coût de 94,2 milliards d'euros pour les finances publiques, mais Sanofi a supprimé 10 000 postes depuis 2018, dont 330 dans la recherche. Vous créez un crédit d'impôt pour l'industrie verte, mais si Systovi menace de mettre la clé sous la porte, ce n'est pas à cause de la fiscalité.
La fin de la concurrence mondiale, des barrières douanières européennes, des clauses de réciprocité, bref, de la protection et la fin du libre-échange débridé : voilà ce qu'attendent les entreprises. Serons-nous un jour compétitifs, pour reprendre votre langage, face à la Chine ? Cela ne nous empêche pas d'être plus intelligents.
Pas moins de 100 000 emplois devraient disparaître cette année et 68 000 défaillances d'entreprise sont attendues alors que la marée des prêts garantis par l'État (PGE) se retire. Résultat : le taux de chômage devrait s'établir à 8,4 % en fin d'année, contre 6 % dans l'Union européenne. La politique de l'offre n'ouvre décidément aucune perspective !
Décider seul, c'est aussi croire que les finances publiques pourront se redresser sans amélioration des recettes. Vous avez repoussé toutes nos propositions sur les niches des plus riches et pour plus d'équité.
Adoptée dans le projet de loi de finances, la taxation des superdividendes s'est heurtée à une fin de non-recevoir du ministre Le Maire, au motif qu'elle nuirait aux salariés actionnaires. Mais les 2,6 millions de salariés actionnaires qui perçoivent en moyenne 1 000 euros de dividendes par an ne seront pas concernés - au contraire des 0,78 % qui raflent 94 % des dividendes versés.
Notre groupe a fait adopter, avec le groupe centriste, un amendement en projet de loi de finances pour taxer les rachats d'actions - mesure que vous avez également balayée. Et voici que le Premier ministre annonce qu'il est envisageable de taxer ces opérations...
Vous voulez décider seul, en feignant d'organiser des dialogues de Bercy et autres comités de concertation. Mais c'est au Parlement que le débat doit avoir lieu, à visage découvert. Examinons un projet de loi de finances rectificative, et nous verrons qui propose et qui vote quoi. Vous voulez éviter le débat avec les parlementaires : vous avez si peur d'avoir raison avec nous que vous préférez avoir tort tout seuls !
Les économies que vous prévoyez dans le programme de stabilité - 27 milliards d'euros l'an prochain - ne sont pas étayées et d'une brutalité inouïe ; personne n'en veut, car la confiance est rompue. Pendant ce temps, le ministre des finances et le Président de la République débattent dans la presse, l'un considérant les dépenses, l'autre les recettes...
En septembre dernier, monsieur Le Maire, vous vouliez réduire la dépense publique de 16 milliards d'euros. En même temps, vous décidiez d'emprunter 285 milliards d'euros aux marchés financiers, auxquels nous paierons cette année 52 milliards d'euros d'intérêts. L'urgence est de rétablir la souveraineté fiscale et budgétaire de notre République ! (Applaudissements à gauche)
M. Raphaël Daubet . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Instabilité : le terme eût été mieux choisi pour qualifier ce programme, tant notre trajectoire se caractérise, depuis un certain temps, par l'incertitude des prévisions, l'insécurité géopolitique et la fragilité économique de nombreux ménages.
Le principal problème de ce programme, c'est qu'il n'a pas été écrit à partir de la réalité économique, mais d'objectifs que nous voulons atteindre, ceux de Maastricht.
Je ne me fais guère d'illusions sur les suites de ce débat, mais il est important, car mon groupe est très attaché au projet européen, aussi perfectible soit-il dans sa traduction. D'autre part, l'état de nos finances publiques prend une dimension politique, avec le coût exorbitant de la crise sanitaire, les révélations sur le déficit pour 2023, des prévisions de croissance invraisemblables et finalement fausses, une charge de la dette en passe de devenir la première dépense de l'État : l'inquiétude et le sentiment d'insécurité gagnent nos concitoyens.
Ce que nous attendons du dialogue - sincère - que vous devriez ouvrir avec la représentation nationale, c'est la démonstration que l'orientation de nos finances publiques n'est pas un exercice comptable, mais un projet politique pour la nation.
Bien sûr, le RDSE se réjouit que la note de la France n'ait pas été dégradée. Force est de constater que la politique de soutien à l'activité a porté ses fruits, que le chômage est au plus bas depuis quarante ans et que la réindustrialisation a commencé.
Le projet politique que nous attendons désormais est celui du redressement et de la consolidation de notre modèle social et républicain, un facteur majeur de résilience économique. Les chefs d'entreprise de mon département me le disent : ce modèle rassure les investisseurs et donne de la stabilité à notre économie. Sa consolidation pose évidemment la question de l'efficacité de nos politiques publiques, car la dépense ne résout pas tout.
La trajectoire financière que nos concitoyens attendent, c'est celle qui redressera l'école de la République, redonnera un accès aux soins à tous les Français, sauvera l'hôpital de la faillite et rétablira la justice fiscale.
Messieurs les ministres, vous nous présentez un itinéraire bis : même destination, mais la pente promet d'être raide...
Vous comptez sur une croissance supérieure à celle projetée par tous les prévisionnistes - pas hors d'atteinte, selon le Haut Conseil des finances publiques, mais optimiste. Vous misez sur le recul de l'inflation pour relancer la consommation, mais je m'inquiète du cap, franchi en 2023, du million d'interventions pour impayés de factures d'électricité. Vous pariez sur la relance de l'investissement des entreprises, mais nombre de PME peinent à rembourser leur PGE.
Quant aux annulations de crédits et au gel des réserves de précaution, ils ne constituent pas une réforme structurelle : ils s'apparentent plutôt à un tour de vis dans le fonctionnement des ministères. C'est une solution d'urgence, pas d'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Georges Patient . - Le début d'année nous a apporté son lot de mauvaises nouvelles économiques et budgétaires : une croissance légèrement plus faible et surtout un déficit plus important que prévu en 2023.
Paradoxalement, cette dégradation du déficit est en partie liée à une bonne nouvelle : le reflux de l'inflation, qui entraîne de moindres rentrées fiscales. Autrement dit, les cordons de la bourse sont tenus, mais les recettes trop dépendantes d'aléas conjoncturels.
L'objectif reste inchangé : le retour du déficit budgétaire sous la barre des 3 % à l'horizon 2027. Mais la tâche s'annonce ardue et les équilibres fragiles à maintenir. Dès février, vous avez annoncé 10 milliards d'euros d'économies cette année et 20 milliards d'euros l'année prochaine. Le budget des outre-mer a, comme les autres, été mis à contribution, avec 79 millions d'euros de crédits annulés ; il n'en reste pas moins en forte hausse, de 14 %.
Ces économies sont nécessaires pour éviter un dérapage plus important et montreront à nos partenaires, à la Commission européenne et aux marchés financiers notre volonté d'être responsables. Mais elles ne seront pas neutres : elles amputeront la croissance de 0,2 point cette année et de 0,6 l'année prochaine, selon l'OFCE. L'équilibre entre responsabilité budgétaire et soutien à la croissance sera au coeur de nos préoccupations dans les prochaines années.
Aussi devons-nous oeuvrer, comme vous l'avez annoncé, à recouvrer les recettes fiscales escomptées. La contribution sur les rentes inframarginales dans le secteur énergétique n'a rapporté l'an dernier que 300 millions d'euros sur les 3 milliards prévus. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que le Gouvernement était prêt à améliorer le dispositif pour le rendre plus efficace dès cette année : c'est une bonne chose.
L'inflation énergétique des deux dernières années a fortement contribué à la dégradation de l'économie, qui a retenti sur le budget de l'État du fait des mécanismes de protection mis en place. Il est juste que ceux qui ont bénéficié de marges excessives au moment où les prix atteignaient des sommets participent au financement de ces dispositifs. Par ailleurs, la réforme en cours du marché européen de l'électricité devrait éviter que ce genre de situations ne se reproduise.
Plus généralement, une meilleure évaluation de la dépense fiscale pourrait offrir des marges de manoeuvre. Les outre-mer ont déjà fait cet effort dans la dernière loi de finances : certains dispositifs ont été réévalués pour en améliorer l'efficacité et réduire les effets d'aubaine. Les documents budgétaires sont ambitieux, prévoyant 6 milliards d'euros d'économies annuelles à partir de 2025 par la remise à plat des dépenses budgétaires et fiscales.
Le programme de stabilité prévoit une dégradation de notre objectif de dette, à 112 %. C'est une mauvaise nouvelle, mais qui doit s'apprécier au regard de l'ambition d'assainissement et de soutien aux investissements stratégiques. Notre économie peut supporter ce niveau de dette. D'ailleurs, Fitch et Moody's n'ont pas abaissé notre note.
La question qui se pose tient plus aux négociations à venir avec la Commission européenne. Une procédure pour déficit excessif sera-t-elle ouverte contre la France ? On peut regretter que la réforme des règles budgétaires de l'Union européenne ne permette pas de sortir les investissements pour la transition écologique du calcul de la dette, d'autant que l'Allemagne, par exemple, loge ces budgets dans des fonds spéciaux non comptabilisés.
La priorité doit aller à la croissance, à l'emploi et au pouvoir d'achat. En la matière, la politique du Gouvernement est une réussite, avec un taux de chômage au plus bas, à tel point que le chômage a disparu des préoccupations principales des Français.
La politique conduite depuis 2017 porte ses fruits : la France est devenue la nation la plus attractive d'Europe pour les investissements étrangers, les créations d'entreprises sont au plus haut et nous avons créé 2 millions d'emplois, dont 100 000 dans l'industrie.
Il ne faudrait pas qu'une politique budgétaire et fiscale trop restrictive compromette ces résultats. En ce sens, la trajectoire présentée dans le programme de stabilité est cohérente et réaliste. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Florence Blatrix Contat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Présenté un mois après l'annonce d'un dérapage inédit du déficit public l'année dernière, ce programme de stabilité a été vivement critiqué par le Haut Conseil des finances publiques. Celui-ci considère que la trajectoire prévue n'est ni crédible à court terme ni soutenable à moyen terme et qu'elle ne permettra pas de mobiliser les financements nécessaires à la transition écologique et à la réindustrialisation. Tant que vous persisterez dans votre politique de désarmement fiscal, votre trajectoire ne sera qu'un mirage !
Ce sont vos choix qui sont responsables des déséquilibres actuels : suppression de l'ISF, de la taxe d'habitation et de la CVAE, baisse de l'impôt sur les sociétés. Pourtant, vous persistez et signez, avec une trajectoire envisagée sous le seul angle de la réduction des dépenses.
La littérature économique indique toutefois que la réduction de la dépense peut avoir un effet récessif : selon l'OFCE, les 20 milliards d'euros d'économies prévues pour l'an prochain pourraient nous coûter 0,6 point de croissance.
La voie française que vous dessinez est une impasse. Écoutez les économistes et les institutions qui suggèrent de nouvelles pistes, comme l'OFCE qui recommande une augmentation de la fiscalité épargnant les plus modestes et les classes moyennes. Le taux effectif d'impôt sur le revenu des trente-sept ménages les plus aisés se limite à 0,26 %, selon Gabriel Zucman !
Pour retrouver des marges fiscales, réintroduisons un impôt sur la fortune, taxons les rachats d'actions et les superprofits et rééquilibrons la fiscalité entre le travail et le capital.
En ce qui concerne les dépenses, vous avez l'embarras du choix... Vous pourriez réduire les dépenses antiécologiques, supprimer certains allègements fiscaux ou reconsidérer des décisions inutiles, comme le service national universel (SNU) ou l'uniforme à l'école. Mais vous préférez vous en prendre à la sphère sociale et, une fois de plus, aux collectivités.
Des solutions existent. Mais, comme d'habitude, vous méprisez le Parlement et décidez seul. Ainsi, le Gouvernement n'a toujours pas répondu à notre demande de débat au titre de l'article 50-1 de la Constitution sur un budget pour protéger les Français et préparer l'avenir.
Comme d'habitude, les premières victimes de votre politique seront la transition écologique et les classes moyennes. Vous continuerez à nourrir la défiance des Français à l'égard de l'impôt, avec les risques démocratiques que cela comporte.
Ce programme de stabilité porte en lui tous les risques : déstabilisation de l'économie, injustice sociale, renoncement aux ambitions environnementales. Il aggravera les injustices, sans nous empêcher d'être le cancre de la zone euro. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K)
M. Hervé Maurey . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains) La trajectoire prévue dans ce programme est étonnamment différente de celle présentée, par le même ministre, dans la loi de programmation des finances publiques promulguée il y a moins de quatre mois...
La trajectoire de croissance est revue fortement à la baisse, et la prévision de déficit public pour cette année est portée à 5,1 %, soit une augmentation de plus de 20 milliards d'euros en quelques semaines !
Dès lors, comment ne pas mettre en doute la crédibilité des prévisions du Gouvernement, voire leur sincérité ? Il semble, en outre, qu'il ait été informé dès le 7 décembre dernier que le déficit pourrait s'élever à 5,2 %, au lieu de 4,9 %.
Les conjoncturistes n'adhèrent pas davantage à ce scénario qu'aux précédents. Le Haut Conseil des finances publiques considère ainsi que la trajectoire de PlB potentiel est surévaluée et qu'il existe un risque important que la part structurelle du déficit soit revue à la hausse. Il estime aussi que la France restera parmi les trois pays les plus endettés de la zone euro.
Ainsi, toute votre stratégie d'amélioration des comptes repose sur des hypothèses non documentées et non partagées par la vingtaine d'instituts composant pour la France le Consensus Economics. Le maintien - de justesse - d'un retour du déficit sous les 3 % en 2027 relève de l'incantation et de la méthode Coué. D'après le Haut Conseil, il supposerait un ajustement structurel massif et la mise en place d'une gouvernance rigoureuse : tout est dit ! Vous-mêmes ne croyez pas un instant à cet objectif, et je suis prêt à parier qu'il ne sera pas tenu.
Monsieur le ministre, comme vous l'a rappelé le Président de la République, vous avez la charge de nos finances depuis sept ans. Pourquoi nous alimenter en permanence de prévisions qui ont prouvé qu'elles ne sont pas crédibles ? Pourquoi avoir fait adopter une loi de programmation des finances publiques dont nous avions souligné l'absence de crédibilité ? Pourquoi avoir refusé les propositions d'économies et de recettes du Sénat ?
Et pourquoi le Gouvernement continue-t-il à annoncer chaque semaine des mesures qui aggravent notre déficit ? À vouloir réduire les recettes de l'État ? Le Premier ministre vient de confirmer qu'une baisse d'impôts de 2 milliards d'euros pour les ménages interviendrait en 2025... La suppression de la taxe d'habitation et de la contribution à l'audiovisuel public et la baisse de la CVAE coûtent déjà 35 milliards d'euros par an à l'État !
Pourquoi ne jamais reconnaître vos erreurs ? Pourquoi ne pas vous attaquer réellement à la baisse des dépenses publiques ? Pourquoi vouloir faire peser sur les collectivités territoriales une partie des conséquences de cette situation, alors qu'elles n'en sont nullement responsables ? Pourquoi refuser que le Parlement soit saisi de ces questions essentielles ?
Sur toutes ces questions, nous attendons vos réponses. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Je vous remercie pour la qualité de ce débat.
Monsieur le rapporteur général, je ne suis pas spécialement optimiste : j'essaie d'être réaliste. S'agissant de nos performances économiques sur 2017-2023, je veux rendre aux Français ce qui leur appartient. Notre croissance cumulée a été la plus forte de toutes les nations européennes : près de 7 %, contre 3,7 % en Allemagne, 5,6 % au Royaume-Uni et 5,8 % en Italie.
Ce n'est pas un hasard si la France est devenue le pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers : c'est la preuve de l'efficacité de notre politique économique.
Vous taxez d'insincérité le Gouvernement, qui tient pourtant ses prévisions de croissance, mais, puisque vous parlez des conjoncturistes, vous pourriez regarder de leur côté... L'un d'entre eux, qui fait référence, assène dans tous les médias que la France fera 0,5 % de croissance cette année. Comme nous avons déjà 0,5 % d'acquis, cela supposerait que notre croissance soit nulle jusqu'à la fin de l'année, ce qui n'est pas plausible... Élargissons donc notre regard aux prévisions fausses de certains. Au reste, le même prévisionniste avait annoncé, avec force assurance, que nous serions en récession en 2023.
Je ne le dis pas pour le Gouvernement, mais pour les Français qui travaillent, les entrepreneurs, les PME et les industriels. Dans un environnement difficile, notre économie est l'une de celles qui ont le mieux résisté.
Le vrai problème n'est pas la croissance française, mais la productivité européenne. La croissance européenne est de 1 à 1,5 point derrière celle des États-Unis, parce qu'au lieu d'encourager l'innovation et de prendre des risques, l'Union européenne multiplie les normes et la complexité administrative. Il faut libérer la croissance européenne : nous nous y employons avec le Président de la République.
Monsieur le président de la commission des finances, je suis d'accord avec vous sur la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité (Crime). Nous avons eu 300 millions d'euros de recettes au lieu de 3 milliards, c'est un échec. Nous corrigerons le dispositif pour obtenir les recettes attendues.
Madame Doineau, des comptes bien tenus sont le gage d'une croissance solide, parce qu'ils inspirent confiance aux ménages et aux entreprises.
M. Cozic nous accable sur le mur de la dette, mais ne propose rien pour le faire tomber, sinon des impôts nouveaux. Nous croyons à la croissance, aux réformes et aux réductions de dépenses.
M. Retailleau a eu des mots durs : irresponsabilité, décrochage, mensonge. Mais, dans le fond, qui aime bien châtie bien... (Sourires)
Notre problème d'endettement remonte à plusieurs années, pour ne pas dire plusieurs décennies. Le premier décrochage a eu lieu pendant la crise financière de 2008 : 26 points de dette supplémentaires. Nous avons ensuite poursuivi dans la même direction, contrairement à nos partenaires. Résultat : en 2017, la dette française approchait déjà des 100 %.
Nous avons consenti 15 points de dette supplémentaires pendant la crise du covid - dans la moyenne haute des pays européens, parce que nous avons plus dépensé pour mieux protéger. C'est maintenant que tout se joue : renouons-nous avec nos vieux démons en laissant filer la dette ou, pour la première fois depuis trois décennies, rétablissons-nous nos comptes ? Notre choix est fait.
Monsieur Retailleau, vous m'avez appelé à la sollicitude envers certaines professions pendant le covid : vous demandiez plus d'aides pour les masseurs-kinésithérapeutes, les commerces de gros, les discothèques, le textile...
M. Bruno Retailleau. - Je n'ai jamais contesté le bouclier tarifaire !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Si la sollicitude est à votre honneur, elle est au débit des comptes de la nation.
Je vous rejoins, en revanche, quand vous dites que le pire de la politique, c'est la politique du pire. Renouons-nous avec nos vieux démons ou inventons-nous un nouveau chemin ? Je vous propose d'inventer ensemble un nouveau chemin.
Nous avons réussi à relancer notre économie après le covid et à maîtriser en deux ans la crise inflationniste. Soyons-en fiers et, maintenant, rétablissons nos comptes.
Oui, il y a un déficit de travail. C'est pourquoi nous avons réformé l'assurance chômage, les retraites et l'apprentissage. Un taux d'activité plus élevé est la première réponse au déficit et à la dette.
Vous avez raison aussi de parler d'investissement : nous proposons l'union des marchés de capitaux pour que nos entreprises puissent grandir.
Nous avons suffisamment de points communs sur les choix stratégiques pour ne pas nous opposer sur des choix anecdotiques.
Monsieur Szczurek, j'ai bien peur que stopper l'immigration ne mette pas un terme à nos maux financiers.
Monsieur Capus, je vous remercie d'avoir salué le rôle d'Édouard Philippe dans le rétablissement des comptes publics ; il avait le même ministre des finances que Gabriel Attal...
Madame Senée, nous ne faisons pas de cadeaux fiscaux aux entreprises : si vous voulez que Renault fabrique sa R5 à Douai plutôt qu'en Slovénie, il faut lui garantir des conditions de compétitivité satisfaisantes. Ce n'est pas du néo-libéralisme prédateur, mais une politique de responsabilité.
Non, monsieur Bocquet, nous ne décidons pas seuls. Vous avez proposé de taxer les rachats d'actions : le Premier ministre s'y est dit ouvert. (M. Claude Raynal ironise.) En politique, vous le savez, il faut insister, et la porte s'ouvre parfois...
Monsieur Daubet, monsieur Patient, merci d'avoir souligné que notre politique de soutien à l'activité a porté ses fruits.
Madame Blatrix Contat, les premiers qui doivent retrouver de la marge de manoeuvre, ce sont nos compatriotes qui travaillent, pas l'État. Je rappelle que 10 % des contribuables paient 72 % de l'impôt sur le revenu : aller au-delà serait déraisonnable et injuste.
Monsieur Maurey, j'étais heureux qu'un Eurois conclue notre débat... Nous avons tenu nos objectifs de déficit et de croissance par le passé, à l'exception des années de crise. Nous les tiendrons à nouveau dans l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Planification écologique et COP régionales : quelle efficacité ?
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Planification écologique et COP régionales : quelle efficacité ? », à la demande du groupe Les Républicains.
M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains . - Madame la ministre, je commencerai, une fois n'est pas coutume, par un certain nombre de points positifs ou d'accord.
Oui, nous vivons un changement climatique rapide qui impose une évolution forte de notre économie, de notre agriculture, de nos partis pris d'aménagement du territoire, de nos habitudes de consommation. Le coût d'un changement climatique subi serait colossal : jusqu'à 10 % du PIB en 2100, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Oui, vous avez publié en septembre dernier un document de planification qui fixe une stratégie nationale et une méthode générale indispensables face à ce défi.
Oui, certaines propositions récentes, que nous apprenons un peu trop souvent au hasard de la presse, constituent des avancées intéressantes : fonds sécheresse, fonds dédié au retrait et gonflement des argiles (RGA), rapport sur l'évolution de nos assurances catastrophes naturelles, réflexions en cours sur le recul du trait de côte, reprise de notre programme nucléaire.
Malheureusement, la liste des satisfécits ne pourra guère être plus longue... Car, ici comme ailleurs, le Gouvernement ne démord pas d'une approche qui nous paraît centralisatrice et bureaucratique, d'un autre âge et dont il n'a plus les moyens.
D'où la question de l'efficacité, c'est-à-dire de l'adéquation entre les objectifs fixés et les résultats obtenus ou espérés. Qui dit efficacité dit clarté des objectifs, du pilotage et des méthodes. Or nous en sommes loin.
S'agissant des objectifs, le Parlement n'a jamais été saisi d'un texte cohérent et ordonné de planification écologique : mesures d'atténuation préventives, d'adaptation, énergie, protection des paysages et de la biodiversité, traitement des déchets... Il semblerait qu'il existe, ici ou là, sous forme de circulaires, power points ou projets d'arrêté, un plan sur ceci, un schéma national sur cela, une stratégie générale sur le reste... Le tout avec les acronymes technocratiques qui conviennent : PNACC3, SNB, PPE, Ecophyto, SNBC... Mais aucune vision d'ensemble ne se dégage.
Pour ce qui est du pilotage, comme trop souvent avec ce gouvernement, les pilotes, copilotes et presque pilotes se croisent et s'entrecroisent : Premier ministre, secrétariat général à la planification écologique, ministères, commissariat général au développement durable, Haut-Commissaire au plan... Mais, à la fin, qui fait quoi ? Sans compter que beaucoup de domaines traités concernent les compétences des collectivités.
Sur la méthode, le constat est plus simple encore : vous n'avez pas les moyens de mettre en oeuvre la planification écologique nécessaire à notre pays. Pas d'accord au sein de votre majorité relative sur un grand nombre de sujets, donc pas de loi. Quelque 3 000 milliards de dette et un déficit de 5,5 % du PIB, donc pas de financements. Même des mesures ponctuelles concrètes, comme l'aide à l'achat de véhicules électriques pour les Français modestes, ne trouvent plus de supports budgétaires à la dimension voulue... Ce gouvernement lance des mesures au 1er janvier et les stoppe net, pour caisse vide ou imbroglio bureaucratique, dès le 15 février !
Le précédent du ZAN n'a visiblement pas servi de leçon : comme le Président de la République se refuse depuis 2017 à ouvrir une vraie négociation avec les collectivités territoriales, vous vous retrouvez à gérer tant bien que mal des « COP », un ersatz de dialogue qui s'ouvre sur un tableau Mondrian chiffré tombé de Paris sur des objectifs locaux à atteindre, se poursuit par des questionnaires dignes de Kafka et se terminera, à coup sûr, par des demandes de contributions financières aux collectivités.
Nous parlons de décentralisation et de responsabilités partagées ; vous parlez de déclinaison et mise en oeuvre locales.
Quand le Parlement sera-t-il enfin saisi d'un texte complet, cohérent et précis traitant des différents aspects de la planification écologique, ainsi que d'une programmation financière claire et réaliste ? L'effort nécessaire est estimé à 100 milliards d'euros d'investissements : combien mettront l'État, les entreprises, les banques, les collectivités locales ? Ce débat est incontournable, et c'est au Parlement de statuer.
À court terme, comment allons-nous financer les indemnités RGA, le rachat des biens touchés par le recul du trait de côte et les mesures d'adaptation des Sdis ou des bâtiments scolaires, le fonds vert n'étant pas du tout à la hauteur des besoins ?
Quand engagerez-vous avec les collectivités une vraie négociation sur un partage des objectifs, des priorités, du calendrier et des financements - bref, un dialogue moderne et normal dans une République décentralisée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La planification écologique et les COP régionales sont des sujets importants pour le Gouvernement : je vous remercie donc de l'organisation de ce débat. Je vous prie d'excuser l'absence de Christophe Béchu, à Turin pour un G7 des ministres du climat et de l'énergie.
Notre pays a traversé récemment des épisodes climatiques extrêmes qui manifestent la réalité et l'intensité du dérèglement climatique. Du Pas-de-Calais aux Alpes-Maritimes, nos concitoyens et leurs élus en ont subi de plein fouet les conséquences - ayons une pensée pour eux.
L'État est à leurs côtés pour les aider à reconstruire et à adapter leur territoire à ce type d'événements. Il est aussi pleinement engagé pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % à horizon 2030. Cet engagement est fondamental pour préparer un avenir habitable non pour les générations futures - nous n'en sommes plus là -, mais pour nous-mêmes et nos enfants.
La bonne nouvelle, c'est que nous avons fait la moitié du chemin. Notre défi consiste à diminuer nos émissions autant en sept ans qu'en trente-trois.
La planification écologique est une démarche issue de la volonté du Président de la République, annoncée dans son discours de Marseille, le 16 avril 2022. Elle est mise en oeuvre par le Premier ministre, en liaison avec le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et avec l'appui du secrétariat général à la planification écologique (SGPE). Il s'agit d'identifier, secteur par secteur, les leviers qui nous permettront de diminuer nos émissions avec la bonne intensité.
Les COP régionales en sont la déclinaison territoriale. Elles doivent permettre de mettre en oeuvre dans les territoires nos objectifs nationaux, sur lesquels la France s'est engagée internationalement.
Les COP régionales sont l'incarnation de la philosophie du Gouvernement : une écologie proche des territoires, qui laisse aux acteurs de terrain la responsabilité d'identifier les leviers d'action et de s'organiser - bref, une écologie de cohérence.
Il s'agit d'une nouvelle façon d'organiser collectivement la transition écologique dans les territoires. Le but est de faire émerger des actions qui relèvent des compétences des collectivités territoriales, mais aussi de mettre en valeur les actions déjà engagées. Le dispositif est coanimé par le préfet de région et le président du conseil régional.
Nous en attendons quatre types de résultats : un alignement des acteurs sur les objectifs à l'échelle régionale ; un état des lieux partagé sur les dynamiques en cours et les actions engagées ; un plan d'action cohérent et pragmatique ; les modalités de suivi et la liste des sujets à évoquer lors de la prochaine COP.
Les COP ont été lancées partout, sauf en Guyane et à Mayotte, en vue de disposer de feuilles de route à l'été. Le calendrier de lancement a préservé des temps de concertation en amont pour s'assurer de la prise en compte des spécificités de chaque territoire. Nous déployons un accompagnement des services de l'État sous plusieurs formes, dont le recrutement de secrétaires généraux et la mise à disposition d'outils.
Les résultats sont encourageants sur la phase de diagnostic, et la forte mobilisation des collectivités témoigne de l'intérêt des élus pour la démarche. Sept régions ont terminé le recueil des retours des collectivités pour la phase de diagnostic, et plus de 70 % des EPCI, conseils départementaux et conseils régionaux ont répondu.
Chaque région a préparé sa phase de débat en associant toutes les parties prenantes, et plus de 120 groupes de travail ont été mis en place. Ouverts à tous les acteurs de la société civile - professions agricoles, associations de consommateurs, associations de protection de l'environnement, chambres consulaires et autres -, les débats sont structurés autour des six thématiques de France Nation Verte : mieux se loger, mieux se nourrir, mieux se déplacer, mieux consommer, mieux produire et mieux préserver les écosystèmes.
À la suite de ces débats, l'État accompagnera la mise en place opérationnelle des feuilles de route à travers les contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE). Ils ont vocation à devenir le cadre de travail de droit commun entre l'État et les collectivités, sous la forme d'un contrat chapeau rassemblant des programmes comme Villages d'avenir, Territoires d'industrie ou Petites Villes de demain.
La mobilisation des collectivités est absolument essentielle à la réussite de la planification écologique. (Applaudissements sur les travées du RDPI).
M. Fabien Genet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean Hingray applaudit également.) Nous voulons une vraie feuille de route en matière de transition écologique et sommes réservés à l'égard de votre planification très verticale.
Les réunions organisées par le préfet de Saône-et-Loire et le sous-préfet de Charolles ont eu le mérite d'informer le parlementaire que je suis des intentions du Gouvernement, aucune présentation formelle n'ayant été faite devant la Haute Assemblée... Au reste, nous attendons toujours de pouvoir auditionner le SGPE, Antoine Pellion.
Il est essentiel de permettre à l'agriculture de prendre toute sa place dans l'atteinte des objectifs de décarbonation. L'élevage, très présent dans mon département, a réalisé une réduction d'émissions correspondant à la moitié des objectifs fixés, du fait de la décapitalisation. Mais aller plus loin dans la baisse de la production induirait une augmentation des importations : ce serait une grave erreur. Quel serait l'intérêt de délocaliser les émissions et de réduire notre souveraineté ?
La profession mène un travail fin sur l'alimentation des troupeaux et la diminution de la fertilisation azotée et de la consommation d'énergie, afin d'atteindre les objectifs de décarbonation sans diminution du cheptel. L'entretien des prairies et des haies joue un rôle fondamental pour la biodiversité. L'élevage bovin français n'est donc pas un problème, mais une solution.
La territorialisation de la planification permettra-t-elle de relever ce défi ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Oui : si nous n'en étions pas convaincus, Christophe Béchu et moi, nous ne serions pas là... Cette méthode innovante permet d'embarquer toutes les collectivités territoriales.
Il s'agit d'un engagement du Président de la République, nous travaillons à sa déclinaison. Des sénateurs ont été associés à cette mise en oeuvre dans les territoires.
Les objectifs de réduction des émissions agricoles de gaz à effet de serre entre 2019 et 2030 sont deux fois inférieurs aux objectifs nationaux. De fait, la baisse des émissions en agriculture prend beaucoup de temps.
Nous avons identifié trois leviers : changement des pratiques de fertilisation azotée ; promotion de l'élevage durable, tout en maintenant les effectifs bovins actuels ; décarbonation des bâtiments et machines agricoles, par exemple les serres.
Par ailleurs, la capacité des sols à capturer le carbone peut être accrue par le développement des haies et le maintien des prairies. Enfin, le développement de l'agriculture biologique et la réduction des phytosanitaires préservent la biodiversité et la santé.
M. Cédric Chevalier . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je suis fier que le Grand Est ait été la première région à territorialiser la COP, avec le dispositif Grand Est Région verte.
La collectivité a adopté une feuille de route ambitieuse, comportant 45 mesures d'adaptation. En liaison avec le SGPE, elle a demandé des autodiagnostics aux collectivités. Mais les questionnaires du SGPE, conçus par des acteurs très, très éloignés du terrain, ont largement découragé les collectivités...
En novembre dernier, j'ai interpellé M. Béchu sur la nécessité de simplifier les démarches, notamment pour les candidatures au fonds vert.
La région contribuera au financement des actions, mais ne pourra pas tout prendre à sa charge. Le Gouvernement avait annoncé un abondement du fonds vert, mais celui-ci sort amoindri par la déforestation budgétaire de Bercy... (Sourires)
Comment simplifier pour faire adhérer les collectivités ? Quels moyens seront-ils prévus ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Pourquoi les questionnaires ne sont-ils pas plus simples, me demandez-vous ? De nombreuses communes les ont remplis avec bonheur ! Vous les trouvez trop technocratiques, je n'ai pas entendu cela : au contraire, j'ai rencontré des maires satisfaits ! Plus de 70 % des communes et des EPCI y ont déjà répondu : nous en sommes très fiers. Certes, les questionnaires pourraient être davantage simplifiés, mais le verre est déjà pas mal rempli ! (M. Cédric Chevalier ironise.)
Vous prétendez que Bercy a fait des coupes dans le fonds vert. Mais, ces dix dernières années, les collectivités ont reçu 2 milliards d'euros d'investissement, dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) réunies. Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, le Gouvernement a inscrit 2 milliards supplémentaires pour le fonds vert. Pour le PLF pour 2024, c'est 2 milliards et demi.
Oui, nous avons décidé de réduire la voilure cette année - et cette année seulement - en réduisant l'enveloppe du fonds vert de 2,5 à 2 milliards, sans toucher à la DSIL, à la DETR ou à la dotation globale de fonctionnement (DGF). Mais, 2 milliards, c'est encore un signal fort pour les territoires.
M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Territorialiser la planification écologique est une bonne idée, mais la réalité n'invite pas à l'optimisme : en témoigne la diminution de 1,4 milliard d'euros des crédits du ministère de la transition écologique, d'où une baisse de 400 millions d'euros pour le fonds vert.
C'est une pénurie de moyens inquiétante, qui renforce le sentiment d'incompréhension, très présent chez nos élus : l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) est omniprésent dans mes discussions avec les maires. Les premières COP régionales ont fait remonter ce sujet : personne ne remet en cause le bien-fondé de la loi Climat et résilience, mais attention aux mesures inadaptées, inégalitaires et inopportunes pour nos territoires. Trois ans après le vote de la loi, nous sommes toujours en train d'affiner les modalités de calcul d'artificialisation des sols ou de défendre des projets d'envergure nationale et européenne pour lesquels l'enveloppe foncière est souvent insuffisante. Il est grand temps de stabiliser les règles du jeu !
Malgré les coupes budgétaires, les COP régionales permettront-elles d'entendre les inquiétudes des territoires, ou ne seront-elles qu'un machin de plus ? Quelles mesures seront prises pour répondre aux difficultés nées du ZAN ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Monsieur Demilly, vous dites que les règles du jeu doivent être stabilisées ; or elles le sont déjà ! Laissons du temps aux élus locaux, pour qu'ils s'approprient ces dispositifs. Sur cinq visites officielles en dix jours, j'ai rencontré 400 maires : ils sont inquiets de la mise en oeuvre de l'objectif ZAN, mais après des discussions avec les préfets et les services de l'État, on trouve des solutions. Laissons du temps au temps !
Vous dites ensuite que les fonds tardent à arriver. J'en suis étonnée, car Christophe Béchu a fait le tour des régions ; il a fixé les objectifs avec les présidents et les préfets. Moins de six mois après, nous faisons un état des lieux. Les réponses aux questionnaires permettront de faire un premier bilan et de répondre à votre question sur l'efficacité des COP régionales, qui ne sont pas un machin supplémentaire.
C'est une méthode efficace pour embarquer toutes les collectivités, je vous l'assure !
M. Ronan Dantec . - Peut-être le titre de l'édition d'hier de Ouest-France Pays de la Loire douchera-t-il vos ambitions sur le respect des délais : « La COP régionale rallonge la concertation ». Les délais de la concertation sont allongés, car les élus locaux ne sont pas venus, et pourtant M. Béchu jouait à domicile.
Je vous rejoins : on ne tiendra pas les objectifs de réduction des gaz à effet de serre sans les territoires. Les élus attendent des signaux concrets qui les inciteront à se mobiliser. Deux exemples : nous attendons les décrets d'application de l'article 18 de la loi Production d'énergies renouvelables (ENR), qui porte sur le partage territorial de la valeur des ENR ; or c'est un signe important pour les collectivités territoriales. Nous ne savons pas non plus comment seront attribués les 250 millions d'euros d'accompagnement des plans climat-air-énergie territorial (PCAET). La circulaire d'avril dernier sur les CRTE intègre-t-elle ces critères ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Monsieur Dantec, votre impatience me réjouit : je partage votre volonté de voir la planification écologique s'ancrer rapidement dans nos territoires !
Certains ne se sont pas encore saisis de cet outil : je n'ai pas lu la presse quotidienne régionale des Pays de la Loire. À l'inverse, la région Bourgogne Franche-Comté a fini ses consultations.
Non, les critères ne sont pas intégrés dans la circulaire, ils le seront avant l'été pour les PCAET et les CRTE. La circulaire oriente ; le fléchage des fonds sera précisé dans le courant de l'été.
M. Ronan Dantec. - Merci pour votre réponse précise. Mais c'est dommage de faire une circulaire sur les CRTE en avril et une autre sur la contractualisation des CRTE et des PCAET en été : on aurait pu tout faire en même temps. Sans signaux positifs, les territoires ne pourront avancer.
Mme Marie-Claude Varaillas . - L'objectif des COP régionales est de prendre en compte les spécificités de chaque territoire. Il est nécessaire d'associer toutes les collectivités, de veiller à la solidarité entre les territoires, notamment ceux qui ont déjà lancé des feuilles de route. Nombre d'élus locaux déplorent les concertations accélérées, qui nuisent à la prise en compte de leurs spécificités dans les documents administratifs.
Difficile de ne pas évoquer aussi les coupes budgétaires, incohérentes avec les objectifs climatiques de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 : réduction de 400 millions d'euros du fonds vert et ponction d'un milliard pour MaPrimeRénov' notamment.
Le Président de la République avait pourtant affirmé que le tournant écologique ne pouvait plus attendre, ce qu'avait également confirmé le rapport Pisani-Ferry, avec des besoins annuels de 34 milliards d'euros.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Vous appelez à une large concertation dans les territoires : nous aussi ! C'est ce qui se passe d'ailleurs. (Mme Marie-Claude Varaillas affiche une moue dubitative.) Bien sûr, tous les territoires n'avancent pas à la même vitesse, mais cette méthode inédite fait de tous les échelons de collectivités un maillon essentiel de la territorialisation.
Les leviers de décarbonation prennent en compte tous les domaines d'intervention ; ils ont été mis à disposition de toutes les collectivités. On ne peut pas dire qu'elles ne sont pas accompagnées ou associées.
L'État soutient fortement l'investissement des collectivités territoriales. Chacun de vous cite les diminutions de crédits - qui s'expliquent par un déficit de 5,5 %. Quoi de plus légitime que d'avoir baissé la dépense de l'État en 2024 sans baisser celle des collectivités territoriales ? Malgré cela, 11 milliards d'euros de soutien seront versés aux collectivités territoriales via les dotations d'investissement, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et le fonds vert !
La situation financière des collectivités territoriales est globalement saine. Leur endettement est plutôt maîtrisé.
Mme Marie-Claude Varaillas. - Il faut trouver des recettes plutôt que de réduire les dépenses, madame la ministre, vous le savez bien !
Il faut assortir les 200 milliards d'euros d'aides affectées aux grandes entreprises à des critères d'écoconditionnalité.
Mme Nathalie Delattre . - Le 28 septembre 2023, lors de la création des COP régionales, le Gouvernement a reconnu le rôle des collectivités territoriales dans la transition écologique et a identifié l'importance de la décarbonation et de la protection de la biodiversité.
Depuis, nos régions s'inquiètent du manque de perspective et de cohérence des messages envoyés par le Gouvernement : suppression du ministère de la transition énergétique et coupes budgétaires, notamment 500 millions d'euros pour le fonds vert, pourtant le seul soutien de la transition écologique des collectivités.
C'est tout l'inverse de ce qu'attendent les territoires, qui espéraient voir leur panoplie d'actions élargie, notamment pour rénover les réseaux d'eau potable : les fuites occasionnent la perte de 1 milliard de mètres cubes d'eau chaque année, soit la consommation de 19 millions d'habitants. Mais que nenni !
Quelles mesures et quels moyens financiers le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour déployer la planification écologique dans les territoires ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Les régions s'inquiètent, dites-vous ? Mais j'en appelle à votre connaissance des territoires : certains s'inquiètent, tandis que d'autres ont déjà mis en place des mesures de décarbonation.
Vous parlez au nom de ceux qui s'inquiètent. Mais, avec 2 milliards d'euros pour le fonds vert, c'est un signal fort !
Des investissements sont nécessaires dans les réseaux d'eau potable ; cela relève des agences de l'eau. En Nouvelle-Aquitaine, c'est un sujet important tant les besoins sont prégnants.
M. Saïd Omar Oili . - Confrontée à l'urgence climatique, la France vise la neutralité carbone d'ici à 2050. La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à 1990 ; celle-ci doit être révisée pour s'aligner sur l'objectif européen Fit for 55, avec une diminution de 55 % des émissions d'ici à 2030.
Le défi est considérable : le 25 septembre 2023, le Président de la République a lancé un appel aux collectivités, en première ligne pour mettre en oeuvre la planification écologique dans leur territoire. Nous saluons les travaux du SGPE.
Toutefois, alors que quatorze COP régionales ont commencé leurs travaux, quatre n'ont pas entamé les leurs ! L'objectif d'un plan d'action pour cet été est-il toujours réaliste ?
Quels moyens seront-ils alloués aux COP régionales pour traduire ces remontées de terrain ? Peut-on envisager davantage de décentralisation ? Un bilan spécifique peut-il être réalisé sur les territoires d'outre-mer ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Monsieur Omar Oili, seuls deux territoires n'ont pas lancé leur COP : Mayotte et la Guyane.
Nous nous assurerons que tous les départements et les territoires d'outre-mer bénéficient d'un traitement spécifique.
Je l'ai déjà dit, l'État consacre près de 11 milliards d'euros de soutien chaque année, via toutes les dotations. Saisissons-nous des milliards que nous injectons, soyons sûrs que ceux-ci soient tous consommés avant la fin de l'année, avant de craindre que le montant soit insuffisant.
M. Hervé Gillé . - (M. Simon Uzenat applaudit.) S'il est encore trop temps pour juger de l'efficacité des COP régionales, l'injonction contradictoire est contreproductive. Il y a cinq mois, le groupe socialiste inscrivait à notre ordre du jour un débat sur la déclinaison territoriale de la planification écologique, auquel assistait le ministre Béchu. Depuis, nous avons assisté, impuissants, à des reculs en matière de biodiversité et de santé publique, avec les annonces sur les phytosanitaires notamment. La loi de programmation sur l'énergie et le climat a été définitivement enterrée la semaine dernière. Et je n'évoque pas les coups de rabot.
Voilà les injonctions contradictoires. Les leviers identifiés par le SGPE doivent s'appuyer sur ce qui existe déjà dans les territoires.
L'outil des COP régionales est limité aux collectivités : les ménages et les acteurs de la société civile en sont écartés. Le temps investi par les collectivités territoriales ne sera-t-il pas vain ? Quelles traductions concrètes peut-on envisager à l'issue des COP ? Pourquoi les parlementaires y sont-ils associés à géométrie variable, en fonction des décisions des préfets ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Monsieur Gillé, notre politique de transition écologique n'est pas une injonction contradictoire ! (M. Hervé Gillé le réfute.)
Conduire une politique est très souvent un chemin de crête. La nôtre est très cohérente. Vous prétendez que les COP seraient des effets de mode. Mais elles sont une méthode pour ancrer la planification dans les territoires. Personne ne m'a dit que l'État n'était pas aux côtés des collectivités.
Je salue le travail cohérent et volontaire du SGPE et de Christophe Béchu. Bien sûr, nous aurions aimé que certains arbitrages n'aient pas eu à être pris, mais la vie est faite de surprises et de difficultés.
J'ai assisté à deux COP : les citoyens y ont été associés, ainsi que les associations environnementales.
Je demanderai aux préfets d'associer systématiquement les parlementaires aux COP.
M. Hervé Gillé. - Pour parler de planification, il faut de la lisibilité budgétaire dans le temps !
Mme Christine Lavarde . - Revenons sur la circulaire du 22 avril dernier et sur celle du 28 décembre 2023. En décembre, l'enveloppe était de 250 millions d'euros ; en avril elle n'est plus que de 200 millions. Surtout, je note un changement de philosophie en avril, puisque l'enveloppe « servira soit à renforcer les actions du fonds vert soit à cofinancer de nouvelles actions proposées par les territoires. » Avec cette alternance, il y a un changement par rapport à ce qui a été voté, puisqu'aucune conditionnalité n'était prévue à l'origine.
Vous l'avez dit, madame la ministre, deux COP n'ont pas encore été lancées. Dans ces conditions, quelles seront les modalités d'application prévues ? Nous constatons déjà une baisse de 20 % de l'enveloppe ; celle-ci s'élèvera-t-elle à 100 % si aucun crédit ne peut être attribué aux collectivités avant la fin de l'année ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Vous vous inquiétez de la différence des montants entre les deux circulaires. Or à l'heure actuelle, l'enveloppe n'a pas encore été dépensée ! Lorsque les 200 millions d'euros auront été consommés, nous verrons comment trouver la différence.
L'urgence est d'accélérer la prise en compte de la planification écologique par les collectivités territoriales : dans certains cas, cela va vite, c'est plus long dans d'autres.
Oui, nous évoquons les CRTE dans la deuxième circulaire. Nous desserrons le calendrier : la feuille de route sera publiée à la rentrée de septembre.
Mme Christine Lavarde. - Nous avions collectivement mis en place un dispositif simple. La contractualisation existe déjà : les collectivités ont voté les CRTE et les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).
Aujourd'hui, on crée une machine administrative qui sera inapplicable. Vous repoussez la feuille de route à la fin de l'été : autant vous dire qu'aucun dossier ne pourra être financé avant la fin de l'année !
Dès la circulaire d'avril, vous auriez pu totalement raboter la ligne, et la représentation nationale aurait alors constaté qu'elle avait voté une loi de finances qui n'est pas appliquée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. Alain Duffourg . - Le 16 mai, une réunion sera organisée dans le Gers sur les COP régionales.
Ma région est la première région bio de France, et la première région viticole - vous connaissez les difficultés du secteur, frappé par les intempéries.
Quelle est la position du Gouvernement sur le stockage de l'eau, notamment les retenues collinaires ? Quelle mesure en faveur de l'agriculture bio et de l'agriculture conventionnelle ? Comment renforcer les circuits courts, pour approvisionner la restauration collective ?
Le décret relatif à l'agrivoltaïsme a été pris, mais pas les arrêtés nécessaires à sa mise en oeuvre : quand seront-ils publiés ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Une partie de la loi d'orientation agricole vise à sécuriser les retenues d'eau. Le Parlement aura à se prononcer.
Les COP régionales s'articuleront avec le plan Eau annoncé par le Président de la République au printemps dernier.
M. Hervé Gillé. - Avec quel argent ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Il y a 54 mesures, dont la plupart sont engagées.
Les mesures en faveur de la baisse des émissions de CO2 et de la préservation de la ressource en eau s'articulent de manière cohérente.
Monsieur Duffourg, nous pouvons être fiers de l'Occitanie : onze départements sur treize ont planifié leur première réunion au cours de la première quinzaine de mai.
M. Alain Duffourg. - L'eau est un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Il aura fallu la grogne paysanne pour que le Président de la République s'en saisisse. Cela fait des décennies que le problème est récurrent. Prenons des décisions au plus vite.
M. Simon Uzenat . - (M. Hervé Gillé applaudit.) En 2024, face à l'urgence climatique, un seul mot : agir. La majorité des élus locaux, dans leur diversité, en sont conscients.
Mais encore faut-il en avoir les moyens ! Se réunir, échanger, réfléchir : tout cela est louable, mais légèrement décalé, alors que les solutions sont déjà identifiées.
Suivons l'exemple breton, avec la BreizhCop, lancée dès 2017. Pas moins de 57 % des EPCI bretons sont couverts par un PCAET - bien plus que la moyenne nationale.
La moitié des baisses de gaz à effet de serre sont entre les mains des entreprises. La circulaire du 29 septembre 2023 encourageait les COP à intégrer les acteurs économiques. Elle insistait aussi sur la nécessité d'aider les collectivités à accélérer leurs efforts.
Or le fonds vert baisse de 20 %. Seuls les projets les plus importants seront soutenus. Les petites communes seront pénalisées, alors qu'elles font face à un mur d'investissements. La vraie question, madame la ministre, est celle des moyens.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nous devons faire collectivement des efforts, mais mettre de l'ordre dans les comptes ne signifie pas abaisser notre ambition climatique.
Ainsi, les dépenses en faveur de la transition écologique progressent de 8 milliards d'euros. Chaque euro dépensé doit être efficace. L'essentiel des économies réalisées sur MaPrimeRénov' correspondent à l'anticipation des sous-exécutions de crédits, car les rénovations d'ampleur montent en charge très progressivement. Les dépenses seront lissées entre 2024 et 2025.
Il n'y aura pas de baisse du fonds vert par rapport à 2023, mais par rapport à ce qui était prévu dans le projet de loi de finances : il bénéficiera toujours de 2 milliards d'euros. C'était inespéré en 2022 !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est une DETR bis ! (Mme Audrey Linkenheld en doute.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Christophe Béchu s'est battu pour que les services déconcentrés de son ministère bénéficient de 7 060 ETP supplémentaires, après plusieurs années de baisse.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Tout à fait !
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre, préserver la biodiversité, mais de nombreux services y travaillent déjà. Faut-il ajouter une énième couche ? Comment définir une place opportune pour ces COP et ne pas lasser les élus de ces partenariats sans fin et souvent sans bilan ?
Les collectivités territoriales sont en première ligne et agissent déjà via les Sraddet, PCAET, les PLU. Comment intégrer la seconde génération des CRTE sans trop multiplier les réglementations, et les couacs ? Il faut une approche transversale. La COP des Pays de la Loire, axée sur le transport, est déjà bornée par le contrat de plan État-région (CPER), qui n'aborde pas les gaz à effet de serre.
Le choix du covoiturage et la réticence à renforcer les dessertes des cars et des trains montrent bien la volonté de respecter un cadre financier prédéfini plutôt que de baisser les émissions.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Certains élus ont peut-être du mal à comprendre ces exercices. Mais, pour qui s'y intéresse, tous les volets de la planification écologique - le plan Eau, le plan Rénovation des écoles, le plan d'accélération des énergies renouvelables, la rénovation des documents stratégiques de façade - sont clairs. Ils accompagnent les initiatives des territoires.
Les COP ne partent pas de zéro. Mesurons les actions réalisées et le chemin parcouru depuis 2019.
J'ai assisté à des débats qui ont du sens, qui permettent d'identifier les freins et d'accélérer la transition écologique dans les territoires.
La dotation aménités rurales reste inchangée, après être passée de 40 à 100 millions d'euros.
Vous appelez au pragmatisme, je vous rejoins. Mais les COP doivent se nourrir des travaux déjà engagés.
M. Rémi Cardon . - La transition écologique et énergétique est l'enjeu principal de notre génération. Pourtant, vous opérez 10 milliards d'euros d'économies, notamment sur MaPrimeRénov' et le fonds vert. Or nous devons nous adapter à la dérive climatique et à nous préparer à une augmentation de quatre degrés en 2100.
Les COP régionales vont dans le bon sens, puisqu'elles visent à ce que chacun prenne sa part à ce défi. Mais comment pouvez-vous lancer de telles initiatives de dialogue territorial et raboter en même temps le fonds vert, MaPrimeRénov', entre autres ?
Vous avez raboté ma MaPrimeRénov' car elle était sous-utilisée. Le fonds vert, lui, est surutilisé - mais vous le rabotez aussi ! Où est la logique ?
J'espérais une planification écologique, or nous assistons plutôt à une déstabilisation écologique. Subira-t-elle le même sort que la stratégie énergétique, désormais décidée par décret ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Et nous, nous nous souvenons de la baisse de la DGF !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je partage votre propos introductif.
M. Rémi Cardon. - Ah !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Mais vos critiques ne sont pas fondées.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Elles sont injustifiées !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - MaPrimeRénov' est un succès : deux millions de logements rénovés. Mais, compte tenu des résultats de 2023, le ministre a engagé une réforme pour ajuster les crédits. On peut voir le verre à moitié vide, mais il est déjà bien plein.
Je ne vois aucune contradiction dans mes propos. Quand on a 3 000 milliards d'euros de dette et 40 milliards d'euros de frais financiers par an, oui, on réduit les dépenses.
Le fonds vert fonctionne très bien, tout comme la DSIL et la DETR. Depuis deux ans, l'État a doublé les financements aux collectivités.
Christophe Béchu travaille au troisième plan national d'adaptation au changement climatique : faites-lui des propositions !
Mme Sabine Drexler . - L'une des priorités de la COP de la région Grand Est va à la préservation de la qualité de l'eau et la reconquête des milieux dégradés.
StocaMine, dans le Haut-Rhin, aura un impact négatif sur la biodiversité, et nous divergeons sur les moyens pour éviter une contamination de la nappe d'Alsace. Nous craignons que l'État ne fasse que la retarder, sans gérer le risque. Au vu de l'état dégradé des puits de mine et du rapport de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) du 17 avril, les précédentes modélisations sont caduques : les cuvelages vont céder prochainement et les mines seront rapidement noyées. C'est pourquoi j'avais fait voter des crédits dans la loi de finances pour 2024, malheureusement supprimés par le 49.3.
Planifier, c'est prévoir mais aussi anticiper. Quels moyens seront alloués pour StocaMine ? Quand les études sur la rupture des cuvelages et leurs conséquences seront-elles réalisées ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Christophe Béchu a appréhendé le sujet sans a priori, veillant à la plus grande transparence et échangeant avec les acteurs locaux. Trois réunions ont eu lieu en mars, en juillet et en septembre 2023. En septembre, Christophe Béchu a décidé de confiner la mine sans déstockage partiel. Sa décision s'appuie sur 134 études, établissant des éléments factuels. 2027 est une échéance impérative. Déstocker les déchets avant le confinement ferait porter un risque sur le personnel.
Le délai de confinement est de 42 mois, sans aléas de chantier. L'hypothèse d'un retrait partiel de certains fûts - une quinzaine seulement - reporterait à un délai plus lointain.
Remettre en question cette décision serait jouer avec le feu. Ce plan assure la protection des générations futures et pose les bases nécessaires à la réversibilité, à savoir le déstockage de la mine souhaité par les collectivités.
M. Bruno Rojouan . - Alors que nous avons besoin de simplification, il est légitime de s'interroger sur l'efficacité des nouvelles COP régionales. Les collectivités territoriales sont en première ligne et jouent un rôle essentiel dans la planification.
L'acceptabilité des mesures est clé. Les COP doivent s'adapter aux réalités locales.
Mais le mur d'investissements pour les collectivités territoriales et les particuliers pose problème.
Pour remplir les engagements de la SNBC au niveau local, il faudrait multiplier les financements des agglomérations par trente et ceux de l'État par trois ! Ces derniers sont insuffisants par rapport aux besoins.
Les coupes récentes interrogent sur la capacité du Gouvernement à financer cette transition, que les collectivités ne peuvent porter seules. Il faut sécuriser les financements. Travaillez-vous à une loi de programmation pluriannuelle des financements accompagnant la transition écologique ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Vous avez raison, l'efficacité des mesures dépend de l'appropriation par les collectivités des COP régionales.
Au sein du fonds vert, 200 millions d'euros seront fléchés vers les PCAET et CRTE.
Je travaille aussi avec Thomas Cazenave sur une loi pluriannuelle relative à ces financements.
M. Laurent Somon . - Territorialiser la planification écologique des COP régionales, tel est le but de la loi Climat et résilience et de la SNBC, une doctrine nationale dont les objectifs sont occultés au niveau parlementaire.
Guider l'action locale avec des tableaux Excel s'est heurté à la réalité territoriale.
Les collectivités territoriales attendent que leur rôle soit bien clarifié, alors que les financements sont réduits.
Selon l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), les collectivités doivent investir 14 milliards d'euros par an en faveur de la transition écologique.
Pour une planification concrète, les communes doivent être associées, avec une réelle capacité d'agir. Quels sont les livrables, les feuilles de routes, les circulaires, les moyens de l'État pour accompagner les collectivités territoriales et les acteurs privés ? Quelles sont les garanties de fond et de méthode ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Il y aura un état des lieux partagé des territoires et des programmes déjà engagés, et un plan d'action cohérent et pragmatique tenant compte des initiatives ; ceux-ci seront publiés juste après l'été.
Le fonds vert dispose de 2 milliards d'euros pour agir, dont 200 millions d'euros pour les CRTE et PCAET.
Un simulateur d'objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre sera mis à disposition pour chaque territoire. Enfin, les services déconcentrés de l'État aideront les collectivités territoriales.
M. le président. - Je remercie Didier Mandelli de renoncer à son intervention afin que nous puissions tenir les délais.
Création d'une commission spéciale
M. le président. - L'ordre du jour appelle, en application de l'article 16 bis, alinéa 2 du règlement, la proposition de création d'une commission spéciale en vue de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique.
Il en est ainsi décidé.
Commission spéciale (Nominations)
M. le président. - En application de l'article 8 bis, alinéa 3, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes pour cette commission ont été publiées.
Elles seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
La séance est suspendue quelques instants.
Hommage à Guy-Dominique Kennel
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, se lèvent.) C'est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de notre ancien collègue Guy-Dominique Kennel, qui fut sénateur du Bas-Rhin de 2014 à 2020 et secrétaire du Sénat.
Je salue la mémoire d'un grand homme politique alsacien, engagé et profondément attaché à son territoire. Fervent défenseur du conseil unique d'Alsace, il avait en 2013 soutenu ce projet avec passion, souhaitant que l'Alsace « prenne son destin en main ».
Il a longtemps été un élu de terrain. Comme nombre d'entre nous, il est entré en politique en devenant conseiller municipal, en 1989, puis maire. Il resta pendant près de vingt ans à la tête de sa commune, Preuschdorf. Il entra au conseil général du Bas-Rhin en 1992 et en devint président en 2008, jusqu'en 2015. Depuis 2021, il était conseiller de la région Grand Est.
Au Palais du Luxembourg, où il fut élu en 2014, il siégea à la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, où il s'investit surtout sur les questions d'enseignement scolaire, lui, l'ancien enseignant et inspecteur. Il fut également un membre assidu et actif de la délégation sénatoriale aux entreprises.
Chacun a le souvenir de cet homme au sourire malicieux, toujours attentif aux autres, ouvert, tolérant, qui savait partager. Comme tous ceux qui l'ont connu ici, je ressens une émotion particulière - après sa subite maladie, nous discutions souvent, au téléphone.
Au nom du Sénat tout entier, je veux assurer son épouse, ses enfants, sa famille et ses proches de notre sympathie et leur présenter nos condoléances les plus sincères. Je vous prie d'observer un moment de recueillement à la mémoire de celui que nous appelions affectueusement « Guy-Do ». (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, observent un instant de recueillement.)
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
J'excuse l'absence du Premier ministre, retenu à l'Élysée.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Dissuasion nucléaire française et européenne
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une nouvelle fois, des déclarations du Président de la République sur la défense font polémique. Nous n'avions pas besoin de cela, alors que les tensions géopolitiques sont à leur comble.
Lors du débat sur la loi de programmation militaire (LPM), le Gouvernement écartait les demandes du Sénat de discuter du format des armées, au motif que nous disposions de la dissuasion nucléaire. Et voilà qu'au détour d'une interview, le Président de la République appelle à « tout mettre sur la table » : le conventionnel, la défense antimissile, les missiles de longue portée - et l'arme nucléaire !
La dissuasion, c'est l'assurance vie des Français et le fruit de leurs impôts depuis que le général de Gaulle a souhaité l'indépendance stratégique de la France.
Si le débat mérite d'être ouvert, on ne peut lancer l'idée dans la presse sans dire avec qui, comment, qui paie et qui décide. Le sujet mérite mieux que l'improvisation et les petites phrases.
Quelle est la prochaine étape ? Qu'allez-vous dire à nos partenaires, et avec quels objectifs concrets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Veuillez excuser le ministre des armées, qui est avec nos forces.
Notre stratégie nucléaire a toujours concilié l'indépendance de la dissuasion française et la liberté d'action du Président de la République avec la solidarité inébranlable envers nos alliés européens. Depuis la fin de la guerre froide, notre dissuasion nucléaire a un rôle européen, qui dépasse le cadre de l'Union.
Le contexte impose une réflexion collective sur la défense de l'Europe. Au coeur de la défense de notre pays, la dissuasion française est un élément incontournable de la défense européenne.
En 2022, dans son discours à l'École militaire, le Président de la République avait évoqué la « dimension européenne de nos intérêts vitaux ». Ce n'est pas nouveau : le président Chirac, déjà, avait rappelé que la dissuasion française était un élément incontournable de la sécurité du continent, à la suite du président Mitterrand.
La dissuasion nucléaire française est pleinement souveraine. La décision de la mettre en oeuvre ne sera partagée avec personne. Par sa dissuasion, la France contribue à la crédibilité de la défense de l'Europe. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Cédric Perrin. - Le problème, c'est plus la forme que le fond. La priorité devrait être de traiter les problèmes de nos armées. Parlons de la faiblesse de notre production après quarante ans de désindustrialisation, du manque de commandes, des difficultés de recrutement des armées et des moyens qui progressent moins vite que les besoins.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État. - Et le doublement acté dans la LPM ?
M. Cédric Perrin. - Lancer des ballons d'essai ne fait pas une stratégie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Blocages à Sciences Po et dans les universités (I)
Mme Patricia Schillinger . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ces derniers jours, des étudiants et des militants ont manifesté à Sciences Po ou à la Sorbonne en soutien à la Palestine, bloquant et occupant les sites, pour contester et non dialoguer. Le retour au calme était nécessaire, car les examens approchent. Les cours ont repris hier, et je salue l'engagement du Gouvernement.
Si ce mouvement est pour l'heure circonscrit à quelques campus, il faut nous interroger sur ses causes, ainsi que sur les méthodes discutables employées pour faire pression sur les autorités.
L'université est un lieu essentiel pour permettre aux jeunes d'acquérir une pensée critique. On doit pouvoir y discuter, argumenter, faire valoir ses idées et débattre - même, qui sait, changer d'avis.
M. François Bonhomme. - Pas quand tout est bloqué !
Mme Patricia Schillinger. - Il est inacceptable de voir des groupes minoritaires exclure ceux qui ont une opinion différente des leurs. Soutenus par La France insoumise, venue attiser les flammes de la haine et de l'intolérance, certains manifestants se sont permis de stigmatiser une partie des étudiants. Dans un pays qui tient à la liberté d'expression, c'est intolérable.
Au-delà des mouvements des dernières semaines, comment accompagner les universités pour qu'elles restent des lieux d'apprentissage et de débat, et non de censure et de pensée unique ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Nous devons garantir à nos étudiants des conditions d'étude sereines, mais aussi garantir le respect du cadre démocratique et républicain.
M. François Bonhomme. - C'est raté !
Mme Sylvie Retailleau, ministre. - Notre position est simple : le débat respectueux, dans un cadre républicain, oui ; le blocage, ce sera toujours non.
Je regrette que certains irresponsables soufflent sur les braises et instrumentalisent ce conflit en appelant au soulèvement. C'est très grave, et nous devrions tous le condamner fermement. L'outrance ne fait pas de bien à notre démocratie. Cela suffit ! (M. Roger Karoutchi soupire.) Un président d'université a été comparé à un nazi : j'ai porté plainte pour injure publique à l'encontre d'un agent public.
Comment rétablir les conditions d'étude et de débat contradictoire dans nos établissements ? Jeudi, je réunirai les présidents d'université pour exprimer des positions et évoquer des actions et un calendrier.
La transmission des savoirs - mission première des universités - et le maintien d'un cadre de travail serein, dans le respect de la loi et des règlements intérieurs des établissements, voilà ce que nous appelons de nos voeux. Nous ne transigerons pas sur le respect du cadre républicain. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. François Bonhomme. - Paroles...
Blocages à Sciences Po et dans les universités (II)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je vous interroge sur ce même sujet, preuve de sa gravité.
Nous assistons, consternés, à une manipulation par de pseudo-mouvements étudiants : Sciences Po et la Sorbonne, temples de la connaissance et du pluralisme des idées, ...
M. Laurent Burgoa. - C'est bien fini !
Mme Vanina Paoli-Gagin. - ... pris en otage par une minorité radicale. Cette mobilisation a pris des proportions dangereuses. Nous ne pouvons tolérer ni l'occupation de locaux universitaires ni l'instrumentalisation politique des étudiants, encore moins les appels à la haine antisémite.
Au fil des années, la garde a été baissée sur la défense du pacte républicain. Cela a pris une tournure politique : les étudiants à l'origine des blocages sont soutenus activement par une extrême gauche dont le naufrage se profile chaque jour davantage.
Nous assistons à une dérive idéologique au sein de ces établissements censés former nos élites républicaines, qui devraient être les lieux de la confrontation des idées, du débat raisonné, de la transmission éclairée. Ce négationnisme intellectuel est diamétralement opposé à l'esprit des Lumières. Tout tend à devenir opinion, dans la polarisation et l'outrance.
Face à la radicalisation, refusons la capitulation intellectuelle et restons fermes. Madame la ministre, que pouvons-nous faire de plus pour que notre université renoue avec l'universalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Loïc Hervé et Philippe Bas applaudissent également.)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Merci d'avoir rappelé le rôle et les missions des établissements d'enseignement supérieur. Le débat, la liberté d'expression, respectueuse et cadrée, en fait partie. Les blocages, les intimidations, c'est non ! L'incitation à la haine, l'appel au soulèvement, à l'insurrection, c'est non ! (Mmes Laurence Rossignol et Marie-Pierre de La Gontrie s'exclament.)
Nous restons fermes. Il est de notre responsabilité collective de veiller au respect du cadre républicain, à la sécurité des biens et des personnes, à l'équilibre. Aucune sanction pour des faits graves, comme des signalements d'antisémitisme, ne sera abandonnée. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains.) Honte à ceux qui soufflent sur les braises, honte à ceux qui instrumentalisent ces conflits et utilisent notre jeunesse ! C'est irresponsable et dangereux.
Je l'ai dit, nous travaillons concrètement avec les présidents d'université. Le déchaînement de haine, l'appel à l'insurrection, la reprise d'odieux symboles, c'est non ! Les universités sont des lieux d'étude. Elles sont trop précieuses pour qu'on piétine leur image et qu'on tente d'y importer cette mobilisation américaine. (M. François Bonhomme s'exclame ; M. Martin Lévrier applaudit.)
M. Mickaël Vallet. - Et le budget ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Madame la ministre, nous comptons sur votre action (marques d'ironie à droite) pour protéger notre jeunesse, parfois instrumentalisée par des forces obscures étrangères. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Beauvau de la sécurité civile
Mme Guylène Pantel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Après le Beauvau de la sécurité et le Beauvau des polices municipales, vous lanciez, mardi dernier, le Beauvau de la sécurité civile. Parallèlement, une intersyndicale de neuf organisations de sapeurs-pompiers appelle à la mobilisation le 16 mai, face aux carences financières et humaines dans nos départements.
Le rapport des inspections générales sur les sapeurs-pompiers volontaires a mis le feu aux poudres en recommandant la réduction du nombre d'heures de gardes postées, à rebours de la notion d'engagement citoyen librement consenti. Cela pourrait limiter la réponse capacitaire des Sdis, car le volontariat représente une large majorité des effectifs en zone rurale et hyper-rurale, comme en Lozère.
C'est pourquoi la profession, avec un sens aigu de l'intérêt général, refuse l'application aux sapeurs-pompiers volontaires de la directive de 2003 sur le temps de travail. Le ministre Darmanin s'est engagé à ne pas appliquer ces recommandations, mais les interrogations demeurent.
Comment comptez-vous répondre aux besoins de recrutement ? Quand publierez-vous le décret sur la bonification des trimestres des sapeurs-pompiers volontaires pour la retraite ? Quelles pistes pour rétablir les capacités budgétaires des Sdis ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Notre modèle français de sécurité civile est solide et résilient, face à des sollicitations opérationnelles toujours croissantes, mais il est sous tension et nécessite une profonde adaptation pour s'adapter aux évolutions sociétales et au changement climatique.
Parmi les 500 000 acteurs de la sécurité civile, nos 255 000 sapeurs-pompiers sont indispensables. Nous devons être attentifs à leurs inquiétudes. C'est pourquoi, avec Gérald Darmanin, nous avons lancé une démarche inédite, qui fonctionne : une vaste concertation nationale, le Beauvau de la sécurité civile. Tout au long de 2024, nous recueillerons les idées, nous écouterons, nous nous projetterons pour savoir comment les sapeurs-pompiers, volontaires, professionnels et militaires, les bénévoles, les pilotes, les démineurs, les élus locaux souhaitent façonner la sécurité civile de demain. Nous allons au plus près du terrain et avons aussi lancé une enquête en ligne. Ces sujets seront traités au cours des cinq Beauvau, deux avant l'été, trois après ; vous y serez invitée.
Voix à gauche - Et le décret ?
Projet de loi d'orientation agricole
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 28 février dernier, en marge du Salon de l'agriculture, le Président de la République a fait savoir à la profession agricole de ladite outre-mer qu'elle ne serait pas oubliée, affirmant : « La souveraineté alimentaire française passe aussi par la ferme outre-mer. »
Or ses spécificités, ses défis sont absents du projet de loi d'orientation agricole présenté il y a un mois. Pourtant, l'agriculture de nos pays d'outre-mer, ce sont 40 000 emplois actifs, dont une part importante sous le seuil de pauvreté, c'est 60 % du total de l'emploi salarié, ce sont 25 000 exploitations, c'est un cinquième de notre superficie.
Une politique publique aussi essentielle est-elle destinée à passer une fois de plus sous le coup des ordonnances ou à attendre d'aléatoires amendements ?
Les travaux engagés par le comité interministériel des outre-mer (Ciom) avaient permis de rétablir la confiance. Continuez dans cette logique ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Veuillez excuser Agnès Pannier-Runacher, retenue en audition.
Oui, le projet de loi d'orientation agricole affirme avec force l'impératif de souveraineté alimentaire et la dimension stratégique de notre agriculture, partout sur le territoire.
Il vise trois objectifs : assurer le renouvellement des générations et former aux métiers de l'agriculture pour produire davantage dans un contexte climatique exigeant ; donner un nouveau souffle à notre politique d'installation et de transmission ; sécuriser, simplifier et libérer, car il ne peut y avoir de souveraineté alimentaire sans suppression de contraintes inutiles.
Ce texte a été construit sur la base de larges concertations, qui ont duré plus de six mois, dans chacune de nos régions métropolitaines comme en outre-mer.
J'entends votre alerte, et les ministres Fesneau et Pannier-Runacher sont à votre disposition.
Mme Catherine Conconne. - Non, il n'y a pas eu de longue concertation. J'attends d'échanger avec vos collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Groupe ExxonMobil
Mme Céline Brulin . - Près de 92 milliards de dollars de bénéfice net en deux ans, des dividendes faramineux - mais ExxonMobil ferme son activité chimie à Port-Jérôme-sur-Seine et vend sa raffinerie de Fos-sur-Mer, ainsi que des dépôts de carburant ! En Seine-Maritime, 647 emplois directs sont en jeu, des milliers en comptant les sous-traitants. Les ressources des communes et de l'agglomération Caux Seine seront affectées.
Le Gouvernement doit faire pression sur le groupe qui tire ainsi un trait sur la mobilisation, quatre-vingt-dix ans durant, de tout un territoire.
Le vapocraqueur doit être pérennisé. Moyennant des investissements, il peut produire des plastiques recyclés, participer à la décarbonation. L'unité de polypropylène doit être préservée.
Il faut empêcher ExxonMobil d'imposer son calendrier et son plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), au mépris de ses obligations légales.
Abandonner Port-Jérôme, où l'on fabrique des plastiques indispensables à l'industrie médicale, pharmaceutique ou automobile, nous ferait perdre en souveraineté et nous rendrait dépendants des gaz de schiste américains ou de productions venues d'Asie.
Monsieur le ministre, à quand la souveraineté en acte ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Très bien !
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie . - Le 11 avril, ExxonMobil a annoncé la fermeture d'activités chimiques, non loin de Port-Jérôme, à Gravenchon, et la vente d'une raffinerie à Fos-sur-Mer. J'ai immédiatement pris contact avec les dirigeants, en France et à Houston, pour signifier mon mécontentement et entendre leurs raisons.
Ils m'ont objecté que le vapocraqueur, trop petit, souffrait d'un déficit de compétitivité. Faute d'investissements par le passé, l'activité en France est déficitaire depuis des années. (M. Fabien Gay proteste.)
Nous avons rencontré le repreneur de la raffinerie de Fos-sur-Mer, Rhône Énergies - les 300 salariés seront repris.
À Port-Jérôme, malheureusement, cette fermeture s'accompagnera d'un PSE. Nous serons intraitables sur le respect des obligations légales. S'agissant d'une entreprise présente depuis plus de quatre-vingt-dix ans dans la région, nous attendons d'ExxonMobil qu'elle fasse preuve de responsabilité sociale vis-à-vis des salariés et du territoire. (M. Fabien Gay ironise.)
Nous sommes en contact avec la direction ainsi qu'avec les élus - la vice-présidente de la région, une députée. Vous avez pris contact avec mon cabinet, et nous suivrons ce dossier ensemble.
C'est une mauvaise nouvelle, mais je rappelle que votre territoire attire des investissements, y compris de grosses entreprises américaines. (M. Ludovic Haye applaudit.)
Mme Céline Brulin. - Nous attendons plus que des regrets ! Vous envisagez de reprendre les activités d'Atos - pourquoi ne pas étudier un pôle pétrochimique en France avec Total, qui compte partir se faire coter à Wall Street ? Ces activités sont stratégiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Espionnage de parlementaires par la Chine
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cela fait la une à l'international : 116 parlementaires de quinze pays ont été ciblés par une cyberattaque parrainée par l'État chinois en 2021. (Huées à droite) Je fais partie des sept parlementaires français concernés, aux côtés d'Isabelle Florennes, Bernard Jomier, André Gattolin et André Vallini.
Ces parlementaires sont tous membres de l'Ipac, l'Alliance interparlementaire pour la Chine, qui suit les actions de Pékin et du PCC. Le FBI a formellement attribué ces cyberattaques au groupe de hackers APT31, lié au renseignement chinois, poursuivi par la justice américaine.
C'est un acte de cyberguerre de la part d'une dictature 2.0.
À une semaine de la venue en France de Xi Jinping, nous sommes confrontés à une ingérence manifeste de la Chine, utilisant les moyens de la guerre hybride. Quelles sont les mesures prises pour lutter contre ces attaques ? Allez-vous les imputer ouvertement à APT31 et demander une enquête ? Comptez-vous protéger les parlementaires de ceux qui menacent notre liberté d'expression ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains, SER et du GEST)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Le suivi de la menace cyber fait l'objet d'une extrême vigilance de nos services de renseignement et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Nous détectons et déjouons des centaines d'attaques cyber chaque année. L'APT31 fait l'objet d'un suivi particulier ; nous exprimons nos préoccupations de manière bilatérale.
Des investigations nationales sont prévues, y compris sur le plan judiciaire. Le Gouvernement n'exclut pas d'attribuer publiquement ces cyberattaques, mais ne peut communiquer plus avant à ce stade. Nous mettons tout en oeuvre pour lutter contre ces menaces.
M. Olivier Cadic. - Je vous remercie de votre réponse... (Sourires)
M. Roger Karoutchi. - Débrouille-toi !
M. Olivier Cadic. - Nos services sont informés depuis 2022. Nous attendons impatiemment de nous sentir rassurés... (Sourires ; applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, du GEST et sur de nombreuses travées du groupe SER)
Visite d'État du président Xi Jinping
Mme Antoinette Guhl . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La semaine prochaine, le Président de la République recevra le président chinois Xi Jinping. Passons sur la balade bucolique prévue dans les Hautes-Pyrénées, sur le chemin des souvenirs d'enfance d'Emmanuel Macron... Cette visite officielle ne doit pas être une caution française au président Xi, sur Taïwan, sur notre sécurité ou encore sur les Ouïghours.
Joe Biden a pris un engagement clair sur Taïwan avec un plan de 7,7 milliards d'euros. Quelle est la position française ?
L'espionnage chinois s'invite dans notre hémicycle et dans la campagne des élections européennes. Est-ce au programme des discussions ?
Enfin, les atrocités commises contre les Ouïghours appellent une réaction internationale. Le peuple ouïghour subit la répression et l'exploitation ; les femmes, viols, stérilisations et tortures. Nos penderies, nos voitures, nos ordinateurs - toute notre économie est complice de ce crime étouffé ! Nous devons accroître la pression sur la Chine pour obtenir l'accès d'observateurs indépendants.
Allez-vous, lors de cette visite, réaffirmer les grandes valeurs de la France en matière de droits humains ? (Applaudissements sur les travées du GEST ainsi que des groupes SER et CRCE-K ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux . - Le président Xi Jinping sera en France les 6 et 7 mai. Cette visite s'inscrit dans le cadre du soixantième anniversaire des relations diplomatiques entre nos deux pays. Elle doit nous permettre d'évoquer tous les sujets : défis globaux, irritants commerciaux, protection des droits de l'homme.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Bien sûr ! On y croit !
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État. - Elle doit nous permettre d'évoquer les crises internationales, car nous attendons beaucoup de la Chine, s'agissant de l'Ukraine ou du Proche-Orient.
Nous voulons poursuivre les avancées obtenues l'année dernière sur les enjeux globaux et proposerons des actions communes en matière de décarbonation, de biodiversité et de financement du développement.
Nous assumons d'entretenir un dialogue exigeant, sur le caractère insupportable du déficit commercial, sur notre détermination à défendre nos industries et nos emplois. Nous abordons la situation des droits de l'homme en Chine. Sur tous ces sujets, nous travaillons avec nos partenaires européens. La présidente de la Commission européenne sera ainsi en France pour cette visite d'État.
Situation du groupe Atos
M. Thierry Meignen . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Atos englobe des myriades d'activités sensibles. Or il fait face à des difficultés vitales. Vos annonces tardives ne répondent pas aux questions suivantes : quelle est la stratégie du Gouvernement ? Qu'avez-vous fait depuis le début des difficultés du groupe ? Avec qui ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - (« Ah ! » sur de nombreuses travées) Le groupe Atos est un groupe privé qui se gère lui-même. L'État intervient lorsqu'il y a des difficultés. C'est le cas. Le comité interministériel de restructuration industrielle est chargé de suivre le dossier. Un mandataire ad hoc a été nommé. Je l'ai reçu.
Des repreneurs possibles ont été sollicités quand les difficultés se sont accentuées, dont Airbus. Lorsque cette option a été éliminée, l'État s'est engagé à hauteur de 50 millions d'euros lors d'un tour de table. (M. Fabien Gay ironise.) Ce week-end, j'ai déposé une offre d'intention pour racheter les activités stratégiques d'Atos afin qu'elles ne passent pas sous contrôle étranger. L'État prend toutes ses responsabilités.
Ce n'est pas parce que nous faisons les choses discrètement (rires sur de nombreuses travées) que nous ne sommes pas efficaces. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Thierry Meignen. - C'est bien tard, et bien trop peu ! Vous ne pouvez pas regarder passer les trains depuis le début des difficultés d'Atos.
Je salue mes collègues rapporteurs Sophie Primas, Jérôme Darras et Fabien Gay. Nous regrettons que l'hypothèse d'un maintien du groupe en entier ne soit presque jamais considérée par l'État. La solution du Gouvernement ne réglera pas la question de la soutenabilité de la dette, ni celle de l'avenir du groupe. Il est indispensable d'éviter une procédure de sauvegarde, qui serait le début d'une vente à la découpe. Nous risquerions le pillage de nos technologies stratégiques, et la perte de nos capacités de recherche et de développement. Ce serait faire la part belle à Daniel Kretinsky et aux autres, avec lesquels vous travaillez.
L'État doit garantir l'ensemble des contrats publics d'Atos, s'engager à renforcer le contrôle des investissements étrangers en France et envisager la restriction, voire l'interdiction, de la vente à découvert d'entreprises cotées ayant des activités souveraines. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Dégradation des infrastructures ferroviaires
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Quand vous vivez dans un territoire éloigné des lignes à grande vitesse (LGV), comme Gourdon, Vierzon, Argenton ou Clermont, le train ne vous inspire plus que des sentiments de régression, d'abandon et d'exclusion. Lorsque la SNCF annonce un sanglier, du givre ou des feuilles sur les voies, vous n'êtes plus surpris par ces situations qui frôlent l'absurde. Nos Intercités, ces trains du quotidien, sont malades d'un sous-investissement chronique depuis plusieurs décennies. La colère gronde sur toute la ligne. Nos territoires risquent de dérailler. Plusieurs entreprises locales menacent de prendre le large.
Les nouvelles rames Oxygène auraient pu donner un souffle nouveau aux lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) et Paris-Clermont. Mais une défaillance technique reporte leur livraison à 2027. Rappelons qu'elle était initialement prévue pour 2022... Ces délais seront-ils respectés ? Il faut établir les responsabilités. Pourquoi avoir choisi un constructeur proposant un train sur plan et n'ayant pas l'habitude de travailler avec la SNCF ?
La SNCF prévoit de suspendre le trafic de jour entre Paris et Orléans d'août 2025 à janvier 2026. Le Gouvernement compte-t-il empêcher cette catastrophe ? Comment redonner de la fiabilité au train, transport le plus décarboné à ce jour ? Combien de temps nous laisserez-vous encore au bord du quai ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; M. François-Noël Buffet applaudit également.)
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . - Cette situation s'explique par des décennies de sous-investissement, ainsi que par le choix de privilégier le TGV au détriment du transport quotidien. Certes, c'est notre fierté nationale, et nous sommes contents que Paris-Bordeaux se fasse en deux heures, mais notre réseau en pâtit.
Cette majorité a décidé d'un rattrapage, en consacrant 3 milliards d'euros par an à la régénération ferroviaire, trois fois plus que dans les années 2000. Ce montant sera de 4,5 milliards d'euros par an à la fin du quinquennat. La ligne Polt recevra ainsi 1,6 milliard d'euros, et Paris-Clermont, 700 millions d'euros. S'y ajoutent 800 millions d'euros pour le matériel roulant.
Je suis, comme vous, consterné (M. Jean-Marc Vayssouze-Faure acquiesce) de ce deuxième retard affiché par l'entreprise CAF France, pour un problème de freins et de moteur. J'ai demandé à son PDG une totale transparence. Je lui demande aussi de garantir la livraison début 2027.
Remettre en route le réseau ferroviaire, c'est du temps long. Soyez assuré que la ligne Polt et le Paris-Clermont sont en haut de la pile. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; quelques protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Réforme de la justice pénale des mineurs
Mme Agnès Canayer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Samedi dernier, à Châteauroux, la mort de Matisse, 15 ans, poignardé par un autre mineur déjà poursuivi pour violence avec arme, a démontré l'incapacité de la justice pénale à répondre à l'ultraviolence des plus jeunes. Toute ma sympathie, et celle de Nadine Bellurot, vont aux proches de la victime et aux habitants de Châteauroux.
Ce drame s'ajoute à une liste bien trop longue de meurtres commis par des mineurs ces dernières semaines.
L'enquête est en cours, mais il apparaît que les juges n'avaient pas les moyens d'éviter une récidive rapprochée. Le code de la justice pénale des mineurs ne le permettrait pas. Qu'entendez-vous faire pour éviter qu'une nouvelle tragédie se produise ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Oui, une partie de notre jeunesse dérive, bafoue l'autorité et sombre dans l'ultraviolence. Le Gouvernement adresse aussi une pensée aux proches du jeune décédé.
Le Premier ministre l'a dit à Viry-Châtillon : nous devons travailler ensemble à un sursaut d'autorité. L'heure est à l'action. Un texte sur la justice des mineurs est en préparation.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Chiche !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Plusieurs actions ont été annoncées. La répression des manquements des parents défaillants et de ceux qui ne répondent pas aux convocations sera accrue. Le juge des enfants pourra prononcer une amende contre le mineur sans réunir le tribunal. Nous mettrons en place une procédure rapide pour les petits délits. Des travaux d'intérêt général pourront être prononcés en peine complémentaire en cas de dégradation de biens.
Les internats et les mesures d'intérêt éducatif compléteront l'arsenal. Le Gouvernement est entièrement mobilisé. (Mme Pascale Gruny ironise.)
Mme Agnès Canayer. - Le 11 janvier dernier, le Premier ministre promettait de l'action, de l'action, de l'action ! Les mots ne suffisent plus. Cela fait plus de huit mois que nous attendons le projet de loi sur la responsabilité parentale et la réponse pénale pour les mineurs. Plusieurs fois inscrit à l'ordre du jour, il a été reporté sine die. Dès 2022, le Sénat a formulé des propositions. La commission des lois mènera bientôt une réflexion sur l'exécution des peines.
Seule une réponse pénale forte et rapide limitera la récurrence de l'horreur comme à Châteauroux. Agissez et le Sénat sera au rendez-vous ! (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et quelques travées du groupe UC)
Avenir de l'hospitalisation privée
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) J'associe à ma question ma collègue Jocelyne Guidez.
La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) annonce une grève totale à compter du 3 juin. Cette situation grave et inédite est la conséquence de la campagne tarifaire de 2024. Pourquoi augmenter les tarifs des hôpitaux publics de 4,3 % et faire stagner ceux du privé à 0,3 % ? S'agit-il d'affaiblir le privé en espérant renforcer ainsi l'hôpital public ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Les établissements de santé privés ont toute leur place dans l'offre de santé. Nous avons choisi une campagne tarifaire équilibrée reposant sur les mêmes principes pour tous.
Certaines activités comme les maternités connaîtront une revalorisation tarifaire plus importante, dans le public comme le privé.
Les établissements privés ont bénéficié de 500 millions d'euros de soutien exceptionnel en 2023 et de 2,2 milliards d'euros versés par l'assurance maladie, sans compter les 450 millions d'euros de compensation de l'inflation versés en 2022.
Nous avons soutenu les cliniques privées comme les autres établissements de santé, et nous continuerons à le faire, car nous en avons besoin.
Mme Nadia Sollogoub. - Cette campagne tarifaire, que vous qualifiez d'équilibrée, me pose problème, car ses critères sont obscurs. Celle de 2023 assurait une hausse des tarifs de 6,9 % pour le public et 5,3 % pour le privé. C'était plus homogène. Tous les établissements subissent les mêmes hausses de charges.
On a l'impression d'une enveloppe fermée qui oblige à répartir les financements de façon déséquilibrée. Mais une enveloppe fermée ne signifie pas qu'il y a des vases communicants entre les deux systèmes.
Les territoires ont besoin de chaque heure d'offre de soins. Or en fragilisant le privé, nous en perdrons. Reprenez les négociations. Le blocage du système aurait des conséquences dramatiques là où la situation est déjà très grave. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP)
Blocages à Sciences Po et dans les universités (III)
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sciences Po n'en finit plus de sombrer dans une dérive idéologique, loin des ambitions de son fondateur d'en faire un lieu de « culte des choses élevées ».
Depuis les attentats du 7 octobre, on ne compte plus les conférences annulées, les blocages de sites et même l'expulsion d'une étudiante juive, préfiguration d'une forme d'apartheid dans le microcosme de la rue Saint-Guillaume.
Vendredi, la direction de Sciences Po a failli : elle a cédé face à 200 agitateurs, non représentatifs des 15 000 étudiants ; elle a abdiqué devant une poignée de jeunes qui affichent leur soutien aux terroristes du Hamas et qui brandissent des mains rouges en hommage aux bourreaux des soldats israéliens de Ramallah ; elle s'est soumise au diktat d'un comité d'ultragauche en acceptant une amnistie honteuse.
Ministre de tutelle, quelles mesures envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je le redis : le débat doit avoir lieu (M. Roger Karoutchi proteste), mais cela n'autorise pas tout, et notamment ni les blocages ni les intimidations. Il est inacceptable qu'une minorité d'étudiants bloque 15 000 étudiants, en tentant d'importer ce mouvement américain.
Les chefs d'établissement prennent leurs responsabilités. Les campus sont évacués lorsqu'ils sont bloqués, comme la Sorbonne hier, Saint-Étienne aujourd'hui, le campus Saint-Thomas de Sciences Po mercredi. Les réunions publiques qui présentent un risque de trouble à l'ordre public sont interdites.
Le communiqué de Sciences Po mérite d'être clarifié. La direction n'a pas donné suite à la revendication dangereuse de suspension des partenariats avec les universités israéliennes. Aucune sanction pour des faits graves comme l'antisémitisme ne sera abandonnée, jamais. Le retour au calme était nécessaire pour les examens de la semaine prochaine.
Le respect des principes de la République fait partie des priorités que l'État a fixées à l'administration provisoire de Sciences Po, dans le cadre de la négociation du contrat entre l'État et l'établissement.
M. Stéphane Piednoir. - Nous refusons de participer à la fable de la grenouille ébouillantée. À chaque fois, on s'indigne, puis on se félicite du retour au calme. Qu'y a-t-il derrière la ligne rouge ?
On ne dialogue pas avec les terroristes ni avec ceux qui les soutiennent, pas non plus avec ceux qui veulent déconstruire nos valeurs, qui promeuvent l'islamogauchisme, qui suscitent la haine sous couvert d'antisionisme, faux nez de l'antisémitisme. Il faut condamner les véritables ennemis de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Collectivités territoriales et réduction du déficit
M. Simon Uzenat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis quelques semaines, les Français réalisent que les Mozart autoproclamés de la finance ne maîtrisent pas le solfège. Les annonces brutales sur les dépenses publiques font saigner d'inquiétude les oreilles de ceux qui travaillent dans les collectivités.
Pourtant, la part des dépenses des collectivités territoriales françaises est nettement inférieure à la moyenne européenne et nos collectivités sont exemplaires en matière de dette, d'investissement et de services publics.
Mais les nuages s'accumulent : quasi-disparition de l'autonomie financière et fiscale, compression des dépenses de fonctionnement, transferts de charges et de compétences, poids des normes, diminution du fonds vert, augmentation des dépenses contraintes pour répondre aux besoins sociaux, entre autres.
Un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) préconise la mutualisation - à rebours de la libre administration - , le télétravail - au détriment du lien humain - , les fermetures d'écoles...
Quel sort votre gouvernement compte-t-il réserver aux collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - L'État et les collectivités territoriales ont beaucoup en partage, dont les finances publiques.
L'État a toujours soutenu les collectivités territoriales (quelques protestations à droite) : fonds exceptionnels, filet de sécurité, création du fonds vert...
Les finances publiques sont un objet commun ; les redresser est dans l'intérêt de tous.
M. François Bonhomme. - Vous leur faites les poches !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous leur disons : faites en sorte que vos dépenses de fonctionnement augmentent un peu moins vite que l'inflation. (Mme Sophie Primas proteste.) Vous nous demandez pourtant régulièrement de faire des économies : je vois là une petite contradiction.
C'est ce qu'avec Bruno Le Maire, Dominique Faure et Christophe Béchu, nous avons demandé devant le Haut Conseil des collectivités territoriales. Il ne s'agit pas de contrats de Cahors.
Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, a été saisi d'une mission pour trouver des économies. Quant à Éric Woerth, il a été chargé de faire plus simple et moins coûteux.
M. Simon Uzenat. - Vous ne vous êtes pas positionné sur le rapport de l'IGF : vous en partagez donc probablement les conclusions.
Les élus locaux ont besoin de visibilité, via un projet de loi de finances rectificative ou un débat de l'article 50-1 de la Constitution.
Des recettes peuvent être trouvées : ISF climatique, superprofits, niches fiscales... (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Accord entre la direction de la SNCF et les syndicats
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Duffourg applaudit également.) Travailler moins pour gagner plus, voilà le nouveau slogan de votre gouvernement.
Depuis lundi dernier, les cheminots savent qu'ils pourront toucher 75 % de leur salaire sans travailler, quinze mois avant leur retraite. Les contrôleurs aériens pourront aussi partir avant 59 ans, grâce à un compte épargne-temps.
Le chantage a payé : face aux menaces de grève à l'approche des jeux Olympiques, la SNCF et la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ont capitulé et acheté la paix sociale.
Ces accords dénaturent l'esprit de la réforme des retraites de 2023 et leur coût pèsera, comme toujours, sur les clients et les contribuables.
Comment pouvez-vous accepter cela dans des entreprises publiques, que vous contrôlez ? Quand soutiendrez-vous la proposition de loi Marseille-Retailleau qui instaure un service minimum dans les services publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Duffourg applaudit également.)
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . - C'est notre majorité qui a supprimé le régime spécial de la SNCF et la réforme des retraites s'appliquera aussi à cette entreprise. Mais toute entreprise peut signer un accord d'entreprise. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis 2018, la SNCF a été transformée en société : le contribuable ne financera donc pas un centime de cet accord.
M. Bruno Retailleau. - (Joignant le geste à la parole) Trois milliards !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Nous sommes dans un régime de concurrence et les régions peuvent choisir un autre opérateur, comme en Paca. (Mme Sophie Primas proteste.) La SNCF devra donc trouver des gains de productivité.
S'agissant des contrôleurs aériens, il fallait améliorer les choses, car nous étions moins performants que nos voisins. Avec cet accord, tout le monde est gagnant, y compris l'usager - un million de minutes de retard en moins ! (Mme Sophie Primas s'indigne.) Les compagnies aériennes, qui financent cet accord, sont satisfaites.
Mme Pascale Gruny. - Dans ce cas, pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? L'État finance 3 milliards d'euros des retraites de la SNCF. (M. Patrice Vergriete le conteste.) Le régime spécial a été supprimé, mais voilà que nous en créons un autre !
Les Français en ont assez des régimes spéciaux. La politique, ce n'est pas le renoncement, c'est le courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
DPE et bâti patrimonial
Mme Sabine Drexler . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 12 mars, au Sénat, la ministre de la culture a redonné de l'espoir aux défenseurs du patrimoine.
En effet, le diagnostic de performance énergétique (DPE) pénalise le bâti ancien, en imposant des travaux de rénovation énergétique inadaptés ou en conduisant à son délaissement, voire à sa démolition. Ce bâti ancien, qualifié de passoire thermique, risque de sortir du parc locatif, dans un contexte de grave crise du logement.
Le 12 mars, la ministre de la culture a évoqué la piste d'une norme énergétique applicable au bâti ancien. C'est très attendu.
Nous avons besoin d'un DPE spécifique au bâti patrimonial. La liste des travaux éligibles aux aides doit aussi évoluer. Enfin, les collectivités territoriales doivent être mieux accompagnées dans l'identification de leur bâti patrimonial non protégé.
Comment faire pour que le petit patrimoine qui a traversé les siècles ne fasse pas les frais de la transition énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon applaudit également.)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Je tiens à excuser la ministre de la culture qui vous remercie pour votre engagement.
Oui, le DPE ne prend pas suffisamment en compte les matériaux anciens. C'est pourquoi la ministre de la culture travaille étroitement avec le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires pour mieux former les diagnostiqueurs. Désormais, le bâti patrimonial fait partie de leur examen de sélection et de leur formation.
En dépit d'études soulignant leurs qualités, les immeubles d'avant 1948 sont souvent mal pris en compte par le DPE. Mais cela va changer : des valeurs de référence conformes à la réalité sont en cours d'élaboration, pour que le bâti ancien ne soit plus pénalisé.
M. le président. - Madame la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, je vous demande d'être attentive, avec le Premier ministre, à la présence des ministres concernés par les questions. C'est une question de respect du Parlement. (Applaudissements)
Mme Pascale Gruny. - Merci !
Accord en CMP
M. le président. - La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Prochaine séance, mardi 7 mai 2024, à 9 h 30.
La séance est levée à 18 h 50.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 7 mai 2024
Séance publique
À 9 h 30et à 14 h 30
1. Questions orales
2. Proposition de loi portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie, présentée par Mme Pascale Gruny et M. Alain Milon (n°359, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)