Diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie.

M. Jean Sol, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - La CMP, réunie le 12 mars, est parvenue à un accord sur la proposition de loi finalement intitulée « portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie ».

Le compromis préserve l'essentiel des apports du Sénat. Face aux enjeux du vieillissement de la population, cette proposition de loi est un texte d'attente.

Il est urgent de présenter un projet de loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge pour plus de lisibilité ; il est tout aussi urgent de prendre à bras-le-corps le problème de l'attractivité de ces métiers si nous voulons réussir le virage domiciliaire : je pense à la revalorisation des rémunérations, mais aussi à la création d'une spécialisation en gériatrie de l'exercice infirmier en pratique avancée.

Le texte de la CMP comporte toutefois des mesures qui méritent d'être soutenues.

Le service public départemental de l'autonomie (SPDA), qui pourra varier selon les territoires, sera le lieu de la coordination et de la planification pluriannuelles de l'autonomie.

La conférence nationale de l'autonomie prévue à l'article 1er permettra de donner une impulsion à la politique de prévention de la perte d'autonomie sans trop de lourdeur.

La logique de parcours doit être le pilier du SPDA, incluant le maintien à domicile dès lors qu'il correspond au souhait de la personne, mais aussi l'habitat intermédiaire, l'Ehpad qui reste nécessaire, et dans certains cas l'hospitalisation en unités de soins de longue durée (USLD).

La coopération au sein de groupements et la prise en compte des personnes en situation de handicap vieillissantes participent de cette logique de parcours.

En revanche, la CMP est revenue sur la disposition prévoyant un avis du président du conseil départemental sur la nomination des directeurs d'Ehpad publics, considérant que cela porterait préjudice aux compétences des maires.

La généralisation du programme Icope constitue une avancée. Le texte en a clarifié les conditions.

Le texte de la CMP confirme la création d'un droit pour les résidents d'Ehpad de voir leur animal de compagnie accueilli dans l'établissement sous réserve que la santé et le bien-être des résidents soient garantis. Un arrêté précisera les catégories d'animaux domestiques concernés et les conditions d'hygiène et de sécurité associées.

L'ouverture de places d'accueil de jour sera assouplie pour les petits Ehpad.

La CMP a maintenu la suppression des articles relatifs au contrôle des établissements. L'objectif est bien de renforcer les contrôles, à la lumière du scandale Orpea, mais cela passe par un renforcement des moyens.

Ce texte n'est qu'une étape, et non un aboutissement, mais je vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La transition démographique nous conduit en 2030 vers une société où les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans. Face à cette société de la longévité, à cet immense défi, nous devons ensemble tracer un cap. Le chantier du grand âge est essentiel, voire existentiel : nous sommes tous concernés et nos rapports avec nos aînés disent beaucoup de l'état d'une société. En France, la solidarité entre les générations est au fondement du contrat social ; il faut en être fiers.

Nous sommes réunis ce soir pour l'ultime étape de la longue navette de ce texte d'origine parlementaire, dont le Gouvernement partage l'ambition - illustrée par son titre final : « bâtir la société du bien vieillir ».

J'aime cette expression, inspirée du mot d'Étienne-Émile Baulieu, qui a tant fait progresser la recherche sur Alzheimer : « vieillir n'est pas une maladie. »

Le chantier du grand âge ne sera pas terminé en un jour, mais au terme d'une action résolue du Gouvernement et de toute la société. Je sais qu'il reste beaucoup de travail. Le Gouvernement considère que ce texte est une pierre apportée à un édifice plus large.

Le Gouvernement a ainsi créé la cinquième branche et transformé la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) en caisse nationale de sécurité sociale dont le budget est de 40 milliards d'euros - 45 milliards en 2027.

La fusion du soin et de l'aide à domicile permettra à chacun d'être accompagné et soigné chez lui lorsqu'il le souhaite, en toute sécurité.

Nous avons préfiguré le SPDA, porte d'entrée unique pour les personnes âgées ou en situation de handicap, dont je souhaite la généralisation dès 2025 ; j'en profite pour remercier les 18 départements volontaires.

Depuis le 1er janvier, MaPrimeAdapt' permet de financer la réalisation de travaux d'adaptation du logement. Ce dispositif très concret accompagne le virage domiciliaire, alors que 80 % des Français souhaitent vieillir chez eux.

Face à la crise de confiance du secteur, le plan d'inspection générale des Ehpad a permis de contrôler la moitié des 7 500 établissements du pays. Ce lundi, j'ai annoncé que les contrôles seront renforcés. L'objectif est de contrôler 100 % des établissements et d'inspecter aussi les établissements accueillant des personnes en situation de handicap.

Le Gouvernement a déjà fait beaucoup en faveur du grand âge, et l'a fait avec vous. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Rietmann fait mine de jouer du violon.)

Je me réjouis de l'accord en CMP et salue l'engagement des sénatrices et sénateurs pour aboutir à un texte efficace et respectueux.

Je pense à Philippe Mouiller, aux rapporteurs Jocelyne Guidez et Jean Sol...

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée.  - Ce texte répond aux besoins des personnels du secteur. Je pense notamment à la consécration du droit de visite en Ehpad, mesure à laquelle le Sénat était particulièrement attaché, notamment le président Retailleau.

On ne pourra plus refuser à une personne âgée de recevoir une personne chez elle - car l'Ehpad est le « chez-soi » des résidents.

Je me réjouis également de la place des animaux de compagnie qui pourront être accueillis dans les Ehpad en notant la volonté du Sénat d'encadrer ce droit. : je prends l'engagement de travailler à un décret d'application équilibré et concerté avec le personnel et les associations pour que ce droit s'applique dans le strict respect des conditions d'hygiène et de sécurité.

Je salue le travail de la rapporteure de la commission des lois, Elsa Schalck, sur les articles relatifs à la protection juridique des majeurs.

Le renforcement de l'habitat inclusif et les mesures de lutte contre la maltraitance sont à souligner.

La carte professionnelle de stationnement attendue par les aides à domicile est aussi une bonne chose.

Nous avançons sur le chemin d'une société du bien vieillir. Je le redis, le Gouvernement n'a jamais considéré l'adoption de cette proposition de loi comme un solde de tout compte. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Comme l'a dit le président Philippe Mouiller...

M. Laurent Somon.  - Excellent !

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée.  - Comme l'a dit l'excellent Philippe Mouiller, ce texte n'épuise pas les sujets à traiter.

Mes priorités sont le développement de l'habitat intermédiaire, pour lequel les départements ont un rôle majeur à jouer, la gouvernance, avec la clarification de la répartition des compétences entre l'État et les collectivités ; enfin, je n'élude pas la question du financement - qui paie quoi ? (« Ah ! » sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K) C'est un choix de société sur lequel nous devrons travailler ensemble et avec tous les Français.

Mme Corinne Féret.  - Selon quel calendrier ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée.  - Cette proposition de loi est un pas de plus vers la prise en charge de la dépendance. Ce ne sera pas le dernier.

M. Laurent Burgoa.  - Marchez vite alors ...

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée.  - Les dispositions de ce texte sont attendues par de nombreux acteurs de terrain.

Selon une formule attribuée à Malraux, il s'agit d'ajouter de la vie aux années, pas des années à la vie. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

En conséquence, le vote sur les amendements et sur les articles est réservé.

Article 1er bis A

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 82

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

d) Le III de l'article L. 542-3 est ainsi modifié :

-  au premier alinéa, les mots : « Le chapitre III du titre III du livre II » sont remplacés par les mots : « La section 3 du chapitre IX du titre IV du livre Ier » ;

-  au second alinéa, les mots : « de l'article L. 233-1 » sont remplacés par les mots : « du II de l'article L. 149-10 » ;

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée.  - Amendement rédactionnel.

M. Jean Sol, rapporteur.  - Avis favorable.

Article 12 quater

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 10

Après la seconde occurrence du mot : 

de

insérer le mot :

trois

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée.  - Correction d'un oubli.

M. Jean Sol, rapporteur.  - Avis favorable.

Vote sur l'ensemble

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI) En raison des progrès de la médecine et de l'amélioration des conditions de vie, la France est confrontée au défi du vieillissement de sa population : entre 2,7 et 3,7 millions de personnes deviendront dépendantes dans les années à venir, selon le rapport Libault.

Maintes fois promis, maintes fois reporté, ce chantier hante les gouvernements successifs depuis plus de vingt ans. Grâce à l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, cette réforme devrait prendre la forme d'une loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge présentée d'ici à la fin de l'année.

Ce n'est pas la grande réforme que nous attendions, mais cela s'en rapproche, selon le président du conseil de la CNSA.

Votre prédécesseur l'avait affirmé devant l'Assemblée nationale, mais ça, c'était avant la grande diète budgétaire décrétée par Bercy...

Ce texte est une première étape ; il a été enrichi à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Nous saluons la création d'un SPDA. Les personnes âgées en situation de handicap pourront accéder facilement à l'information dans les 18 départements volontaires pour l'expérimentation. Le rôle du département comme chef de file des politiques de soutien à l'autonomie s'en trouve renforcé.

Les mesures relatives à la prévention méritent aussi d'être saluées, tout comme le financement de l'aide à la mobilité des aides à domicile, qui facilitera leur recrutement et leur fidélisation. L'ADMR des Hautes-Pyrénées a ainsi financé quinze véhicules de fonction.

S'agissant de la maltraitance dans les Ehpad, la Défenseure des droits a indiqué que 281 réclamations avaient été reçues entre mai 2021 et janvier 2023, démontrant son caractère systémique. La création d'une cellule départementale de signalement dédiée est bienvenue.

En écho au rapport « Liens entravés, adieux interdits », le texte consacre enfin un droit de visite, pour que les situations tragiques survenues durant le covid ne se reproduisent pas.

Nous voterons ce texte même si ce n'est pas la grande loi tant attendue établissant une gouvernance claire et lisible pour les usagers et un financement fiable, juste et pérenne. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; Mme Annie Le Houerou, M. Daniel Chasseing et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous achevons la navette parlementaire consacrée à un texte relatif à la prise en charge du vieillissement de la population, dans un cadre de vie décent pour tous.

Je salue le travail des députés de la majorité présidentielle à l'origine de ce texte, qui vise trois objectifs : le renforcement de la prévention de la perte d'autonomie, la lutte contre les maltraitances à l'égard des personnes vulnérables, la garantie pour chacun de conditions d'habitat accessibles et d'un accompagnement adapté.

Je me réjouis du compromis trouvé en CMP préservant l'équilibre du texte voté par le Sénat. Plusieurs amendements du groupe RDPI y ont été repris, comme sur le SPDA, qui sera le lieu de la coordination et de la planification pluriannuelle des politiques de l'autonomie, ou mon amendement portant sur la prise en compte des spécificités ultramarines dans les aides à la mobilité.

Le texte issu de la CMP conserve par ailleurs le caractère inconditionnel du droit de recevoir de la visite en établissement pour les personnes en fin de vie ou en soins palliatifs.

Nous nous réjouissons du compromis sur la transformation des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) en services d'autonomie à domicile (SAD), sur la tarification de l'hébergement en Ehpad ou encore sur la création d'un droit pour les résidents de voir leur animal domestique accueilli au sein des établissements.

Ce texte n'est qu'une brique parmi d'autres, mais une brique utile ; nous le voterons sans hésitation.

Le Parlement a pris ses responsabilités. Nous attendons que le Gouvernement fasse de même, madame la ministre, au moyen d'un projet de loi ambitieux. Il faut des solutions innovantes, sur la gouvernance ou le financement de l'autonomie.

Continuons d'agir aussi pour l'attractivité du secteur, et restons vigilants surtout sur le contrôle des Ehpad, pour que le scandale ne se reproduise plus. La mission d'information à ce sujet dont je suis corapporteure rendra ses conclusions à la fin du semestre.

En outre-mer, où le vieillissement est encore plus fort, nous devrons avoir des solutions rapides pour que le bien vieillir soit aussi une réalité. Le RDPI, composé pour moitié de sénateurs ultramarins, y veillera. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'ai 62 ans. Dans vingt ans, je ferai partie des 11 millions de Français âgés de plus de 75 ans.

Nous devons faire face à un véritable défi démographique, social et humain. Le vieillissement de la société requiert une vision panoramique. Or cette proposition de loi n'est qu'un patchwork de mesures, vagues et insuffisantes. Une planification méthodique et le vote de moyens dédiés s'imposent pourtant.

Le vieillissement n'est pas la fin de la vie : les personnes âgées ont besoin d'un accompagnement adapté.

Pour répondre aux attentes fortes du secteur, il faut un projet de loi de programmation d'ampleur assorti d'une vraie trajectoire financière. Les personnes vieillissantes et ceux qui en prennent soin ont besoin que le Gouvernement honore les engagements pris par le Président de la République il y a bientôt sept ans. Sans cesse ajournée, la grande loi sur le Grand âge ne figure pas parmi les textes annoncés pour la fin de la session. Faut-il en déduire que le Gouvernement ne présentera aucun texte ? Il nous faut une réponse claire.

Il serait inconcevable et irresponsable que le Premier ministre ne reprenne pas l'engagement d'Élisabeth Borne de faire voter une loi sur le Grand âge d'ici à la fin de l'année 2024.

Madame la ministre, il faut reprendre le travail de concertation engagé par Aurore Bergé. Assez de temps perdu, il faut agir !

Pas moins de 70 % des Ehpad ont des difficultés de recrutement, huit Ehpad sur dix sont en déficit. Que leur répondez-vous ? Sans réponse, parler de bien vieillir n'a aucun sens. Il faut une suite législative à cette proposition de loi. Le projet de loi de finances ne suffira pas. Il faut une loi de programmation pluriannuelle, sur cinq ans.

Malgré vos promesses, les moyens humains manquent toujours. Le Président de la République s'était engagé à créer 50 000 postes dans les Ehpad. Cet objectif était déjà insuffisant ; mais vous n'avez créé que 3 000 postes en 2023, 6 000 en 2024, et l'horizon a été repoussé à 2030 !

Il n'est pas bon de multiplier ainsi les promesses non tenues sur un sujet pourtant vital. Nous nous abstiendrons donc sur ce texte.

Tout ce qui avait été promis aux Français ne tient plus. Vos propos ne nous rassurent pas : j'entends de bonnes intentions, mais aucune précision sur le calendrier.

Quand cette loi arrivera-t-elle ? Cela fait sept ans que nous l'attendons ! À quand la loi sur le Grand âge ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, et du GEST)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En dépit de l'écart entre les textes de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, la CMP est parvenue à un accord. Nous nous félicitons qu'il retienne la majorité des propositions du Sénat.

Nous saluons la qualité du travail et la persévérance des trois rapporteurs Jocelyne Guidez, Elsa Schalck et Jean Sol.

Le SPDA a été confirmé, tout comme la généralisation du programme Icope, l'inscription du droit de visite, la création au 31 décembre 2026 d'un registre général des mesures de protection juridique regroupant les mesures judiciaires et les mandats de protection future, la création d'une cellule sur la maltraitance, d'une carte professionnelle pour le secteur de l'aide à domicile, la possibilité pour les Ehpad de moduler leurs tarifs, la garantie du droit des résidents d'accueillir leur animal domestique en Ehpad sous réserve de leur capacité à s'en occuper, et le soutien à l'habitat inclusif.

La mise en pratique du regroupement des services d'aides à domicile existants s'avère difficile, comme le Sénat l'a souligné. La CMP s'est accordée sur deux points : elle a donné un délai supplémentaire aux Ssiad pour déposer une demande d'autorisation en SAD et a prévu l'extension de trois à cinq ans de la durée pendant laquelle un Ssiad peut proposer un regroupement avec un autre service.

Nous ne sommes pas opposés à cette réforme, mais sa mise en place est chaotique. Il faut accompagner les acteurs.

Ce texte n'est qu'une réponse partielle aux enjeux du vieillissement de la population. Nous attendons une loi-cadre, une loi de programmation - peu importent les termes - pour affecter de nouveaux moyens financiers à la branche autonomie.

En 2023, trois Ehpad publics sur quatre sont en déficit, selon la Fédération hospitalière de France.

Les 100 millions d'euros alloués l'an dernier au fonds d'urgence sont déjà consommés. Les acteurs de l'autonomie n'ont pas besoin de crédits d'urgence, mais de financements pérennes.

La Drees table sur 1,5 million de bénéficiaires de l'APA en 2030, sur les 3 millions de personnes âgées dépendantes. Il est urgent de rassurer les directeurs d'établissement et de répondre aux attentes de nos concitoyens.

Madame la ministre, quel calendrier envisagez-vous ?

Je vous confirme le vote du groupe Les Républicains en faveur du texte de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; MmeNadia Sollogoub et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

M. Joshua Hochart .  - Notre ambition est là : faire de la vieillesse une question de société et construire un pacte entre générations.

Comme souvent en Macronie, on ne peut qu'adhérer aux annonces, mais les faits sont têtus. Un tel texte aurait pu faire l'objet d'un consensus s'il avait fait l'objet d'un réel travail commun. Le nombre d'articles additionnels montre l'appétence des parlementaires sur ce sujet.

Comme souvent en Macronie, les promesses n'ont pas été suivies d'effet : en 2018, le Président de la République avait promis une grande loi pour répondre aux défis du vieillissement. Quand sera-t-elle présentée ?

Comme souvent en Macronie, il manque une vision globale. Il faut répondre à cet enjeu moral : comment notre société peut-elle accompagner nos aînés, qui ont souvent contribué à sa richesse en portant nos valeurs comme la famille et le travail ?

La commission des affaires sociales du Sénat l'a dit : ce n'est pas un bouleversement. Quelques mesures vont toutefois dans le bon sens, comme la sanctuarisation du droit de visite. Rappelons-nous les traumatismes de la période covid. La suppression de l'article 1er bis est aussi à saluer. Les maires connaissent leurs territoires, ils doivent avoir un droit de regard sur la nomination des directeurs d'Ehpad.

Le RN souhaite, comme d'autres partis politiques, un réel projet de loi sur le grand âge, avec un véritable statut et des rémunérations dignes. Il faut une reconnaissance du personnel et des proches aidants, une réforme du financement des Ehpad qui, pour beaucoup, sont dans une situation financière difficile. L'Ehpad d'aujourd'hui ne répond plus aux enjeux qui se présentent : il faut remettre l'humain au centre.

Ce texte comportant de petites avancées, nous voterons pour.

Mme Corinne Bourcier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.) Presque un an, c'est long. C'est le temps qu'il aura fallu à cette proposition de loi pour être examinée par le Parlement. J'espère que les décrets d'application seront plus rapides.

Notre groupe se réjouit que le contenu du texte reflète le travail de qualité réalisé au Sénat, en commission comme en séance. La proposition de loi contenait 65 articles dont beaucoup ne relevaient pas du domaine de la loi.

Le texte ne provoquera certes pas de grand chambardement dans le domaine du grand âge, mais ce n'était pas sa prétention.

Le rétablissement de la conférence nationale de l'autonomie est à saluer.

La mise en place du SPDA est une évidence pour rendre plus simple le parcours des personnes âgées et en situation de handicap.

Les établissements pourront utiliser leurs forfaits soins pour mener des actions de prévention contre la dépendance, mesure positive qui démontre une reconnaissance du statut de soin à part entière pour la prévention.

Sur la fusion des différents services à domicile, je regrette que la proposition de Daniel Chasseing et Corinne Imbert visant à rendre facultative la fusion des Ssiad et des SAD n'ait pas été acceptée, même si cette fusion a été assouplie.

Mme Frédérique Puissat.  - Nous sommes d'accord !

Mme Corinne Bourcier.  - D'autres avancées très concrètes pour les professionnels sont à saluer, notamment la carte professionnelle de stationnement.

Les bienfaits des animaux sont connus. Néanmoins, la vie en Ehpad est une vie en collectivité. Promettre aux personnes âgées qu'elles pourront garder leur animal de compagnie est une fausse promesse, car ce sera inapplicable sur le terrain.

Le texte prévoit aussi la création d'une cellule départementale de signalement des cas de maltraitance. Le meilleur moyen de lutter contre la maltraitance, c'est avant tout d'avoir un personnel en nombre suffisant, correctement formé et rémunéré.

Pour les quelques améliorations concrètes que ce texte propose, nous voterons en sa faveur. Mais il n'apporte pas de nouvelles perspectives financières, pourtant indispensables pour que nos aînés soient dignement traités et pour réussir le virage domiciliaire.

Madame la ministre, nous attendons toujours un projet de loi assorti d'orientations chiffrées, comme l'a promis la ministre Catherine Vautrin en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat et M. Laurent Burgoa applaudissent également.) Ce texte n'est peut-être pas la grande loi attendue, mais il permet d'avancer.

Il consacre le droit du patient ou du résident de recevoir de la visite en maintenant le régime proposé par le Sénat pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Il inscrit dans la loi le droit inconditionnel pour les personnes en fin de vie ou en soins palliatifs de recevoir de la visite, dans le respect des consignes sanitaires, et étend ce droit à tout visiteur choisi par le patient.

L'article 4 prévoit un nouveau circuit de recueil des cas de maltraitance commis sur des majeurs vulnérables, avec une cellule de signalement départemental. Ce dispositif s'accompagnera d'un nouveau système d'information.

Deux apports du Sénat sont maintenus : le 3617 conservera une base légale et le signalement des cas de maltraitance par les personnes astreintes au secret professionnel restera une faculté.

Le texte de la CMP entérine la rédaction adoptée par le Sénat pour le contrôle des antécédents judiciaires des professionnels au contact des majeurs ou des mineurs vulnérables. Nous nous sommes entendus pour maintenir la suppression de la plupart des articles relatifs à la protection des majeurs.

Les deux assemblées ont approuvé la création d'une carte professionnelle pour les intervenants à domicile, avec une condition d'ancienneté rehaussée à trois ans par la CMP.

Comme souhaité par le Sénat, une partie de la contribution de la CNSA aux départements pourra être affectée à des aides au permis de conduire.

La réforme créant les « services autonomie à domicile » est difficile pour les Ssiad, qui ont deux ans pour évoluer. L'article 8 bis vise donc à leur permettre de passer une convention avec un SAD pendant trois ans sans demander de nouvelle autorisation. Il octroie en outre un délai supplémentaire de deux ans aux Ssiad ayant reçu un refus d'autorisation.

L'article 8 ter introduit par le Sénat rendait la réforme facultative pour les Ssiad. Mais cette réforme, votée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, est désormais trop avancée pour faire marche arrière. En contrepartie de la suppression de l'article 8 ter, des assouplissements supplémentaires en faveur des Ssiad ont été introduits par la CMP à l'article 8 bis. Ce compromis est assorti de l'engagement du Gouvernement à accompagner les Ssiad.

L'article 10 bis autorisera la fixation de tarifs différenciés dans les Ehpad, dans des limites fixées par décret et à condition de maintenir un nombre suffisant de bénéficiaires de l'aide sociale.

Je me réjouis du compromis trouvé sur l'habitat inclusif et les résidences autonomie.

Je vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes UC ; Les Républicains, INDEP et du RDPI)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce matin, Libération résumait parfaitement les enjeux de ce texte : le dernier vote au Sénat « peinera à masquer les inquiétudes des parlementaires sur l'avenir du secteur de l'autonomie, en l'absence de promesse gouvernementale pour une prochaine loi sur le grand âge. »

« Inquiétudes », le mot est faible : dans nos territoires, l'état du secteur est terrifiant. Les travaux de la mission d'information sur la situation des Ehpad, que je mène avec Chantal Deseyne et Solanges Nadille, montrent que la situation est catastrophique. Je crains que ses conclusions, à l'automne prochain, ne soient pas heureuses.

Les acteurs de terrain nous disent que le manque criant de personnel et de formation conduit de facto à une maltraitance des patients et des aidants ; que la création de 50 000 postes est insuffisante au regard des besoins ; que de nombreux Ehpad publics et associatifs risquent une cessation de paiement dans l'année.

Le Gouvernement promet un projet de loi Grand âge au 1er semestre 2024, mais rien n'est inscrit à l'ordre du jour. Le Parlement demande l'adoption d'une loi de programmation pluriannuelle avant le 31 décembre 2024, mais le Gouvernement ne donne aucun élément de calendrier. Tous les acteurs demandent une loi Grand âge, mais elle ne vient pas. Voilà pourquoi nous ne pouvons nous satisfaire de cette proposition de loi.

Bien sûr, ce texte ne comporte pas de mauvaise mesure. Je salue la suppression de l'article 8 ter qui rendait facultative la réforme des Ssiad, ainsi que des propositions intéressantes, comme la sanctuarisation du droit de visite, l'accueil des animaux en établissement, la carte professionnelle pour les aidants. Mais le compte n'y est pas.

En effet, rien de significatif n'est prévu pour rendre les Ehpad vivables et améliorer la prise en charge de l'autonomie. Pas de moyens supplémentaires -  mais ce n'est pas un projet de loi...

Allez-vous présenter ce projet de loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge au Parlement ?

Face à l'urgence extrême, nous devons agir rapidement et structurellement, avant la fin de l'année, au risque de condamner les plus précaires, et bientôt nous-mêmes.

Le GEST s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La CMP a trouvé un accord au rabais, sur un texte sans envergure, dont le financement est insignifiant.

Certes, 100 millions d'euros sont prévus pour aider les départements à financer la mobilité des intervenants à domicile ; le droit de visite des résidents en Ehpad est sanctuarisé et la présence des animaux de compagnie sera autorisée... Mais ces mesures positives sont bien loin de compenser les reculs et les manques de ce texte.

La CMP a supprimé l'obligation, pour les Ehpad privés lucratifs, de réserver une partie de leurs bénéfices à l'amélioration des conditions de vie, ainsi que celle de se conformer aux injonctions des ARS en cas de manquement grave à la sécurité et à la qualité des soins. Après le choc du livre Les fossoyeurs, vous préférez protéger les directions des Ehpad maltraitants, plutôt que les résidents...

Sur les 50 000 postes annoncés par le Président de la République, seulement 3 000 postes ont été créés en 2023, 6 000 en 2024. L'objectif des 50 000 postes a été repoussé de 2027 à 2030, alors que les besoins sont estimés à 200 000 emplois supplémentaires.

Tant que les gouvernants refuseront d'investir dans le secteur médico-social, le personnel continuera de subir une maltraitance institutionnelle, et les résidents des conditions dégradées de prise en charge.

Il y a urgence. Le pourcentage d'Ehpad en déficit est passé, entre 2019 à 2022, de 45 à 85 %. Le déficit moyen est de 3 200 euros par lit.

Nous attendons que le Gouvernement inscrive le projet de loi de programmation à l'ordre du jour et qu'il propose des financements à la hauteur des besoins. Il faudrait 10 milliards d'euros, soit l'équivalent du plan d'austérité de Bruno Le Maire pour 2024. Nous doutons qu'un gouvernement qui annonce 30 milliards d'économies l'an prochain et qui souhaite réduire les dépenses d'ALD dépose une loi de financement du grand âge et de l'autonomie...

Depuis 2017, nous attendons une loi Grand âge. Il suffirait pourtant de mettre à contribution les plus hauts revenus, les revenus financiers ou de revenir sur les 88 milliards d'euros d'exonérations sociales accordées chaque année aux entreprises.

Cette proposition de loi est un coup de com' du Gouvernement pour donner l'illusion qu'il agit, mais rien n'est prévu sur la revalorisation des métiers de l'aide à domicile, les salaires des personnels, les frais kilométriques des aides à domicile qui utilisent leur véhicule personnel.

Ce n'est pas en appliquant les méthodes du secteur privé lucratif que nous améliorerons la situation des Ehpad publics et privés non lucratifs. Les tarifs différenciés en fonction des revenus des résidents risquent de réduire le nombre de places réservées aux bénéficiaires de l'aide sociale. L'affaire Orpea a pourtant mis en lumière les dysfonctionnements du secteur privé lucratif !

À quand cette loi Grand âge et autonomie demandée par toutes et tous ?

Je suis inquiète que vous ne preniez au sérieux ni l'attente des résidents, ni celle des familles, ni celle des personnels, qui réclament tous cette loi, à cor et à cri.

Le CRCE votera contre les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)

La proposition de loi est définitivement adoptée.

La séance est suspendue à 19 h 45.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance est reprise à 21 h 15.