Rénovation de l'habitat dégradé (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour le Sénat de la CMP . - Au terme du parcours de ce projet de loi, que notre assemblée avait adopté à l'unanimité, j'ai plaisir à constater le chemin accompli, dans un esprit pragmatique.
L'accès au logement doit être une priorité nationale, alors que quatre millions de nos concitoyens souffrent de mal-logement. Le logement est essentiel à l'insertion sociale et économique. Sans lui, point de vie dans nos villes et villages !
Je salue l'esprit de coconstruction qui a présidé aux travaux de la CMP, dont les conclusions conservent l'essentiel de nos apports.
Toutes les mesures que nous avions introduites pour aider les maires à traiter les petites copropriétés dégradées ont été maintenues : inclusion des monopropriétés dans les opérations de requalification des copropriétés dégradées, recours aux concessions d'aménagement pour des opérations de réhabilitation ponctuelle, extension du Denormandie dans l'ancien aux copropriétés dégradées, dispense d'autorisation d'urbanisme pour les constructions temporaires destinées au relogement.
Par ailleurs, les communes percevront le produit des amendes liées au permis de louer. Pour lutter contre les divisions sauvages d'appartements par les marchands de sommeil, nous avons aussi ouvert la possibilité aux maires, à titre expérimental, de déroger au cas par cas aux règles de décence. Pour répondre à la préoccupation exprimée dans notre hémicycle sur les centres historiques, le texte étend la possibilité pour le maire d'imposer un diagnostic structurel aux zones de concentration d'immeubles anciens.
Des mesures sont également prévues pour faciliter la réalisation des travaux et la gestion des copropriétés - nous y étions attachés. Je pense ainsi au nouveau prêt global et collectif des copropriétés. Les banques et cautions pourront consulter le fichier des incidents de paiement et obtenir du syndic des informations complètes sur l'état de la copropriété.
La CMP a confirmé la création d'un syndic d'intérêt collectif, introduite par l'Assemblée nationale. Le texte permettra la constitution d'un vivier de syndics volontaires et compétents, à large capacité d'action.
Nous sommes tombés d'accord pour alourdir les peines d'amende et de prison à l'encontre des marchands de sommeil. Les immeubles confisqués pourront être mis gratuitement à disposition des maires pour réaliser des logements.
Je salue les rapporteurs de l'Assemblée nationale pour leur esprit de collaboration et vous invite à adopter ce texte qui donnera aux élus les moyens d'agir plus vite. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et SER, ainsi que du RDPI)
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement . - Je salue le travail du Sénat sur ce projet de loi important, qu'il a adopté à l'unanimité, en particulier l'engagement de la rapporteure Gacquerre et de la présidente Estrosi-Sassone, avec qui j'ai eu des échanges nourris et constructifs. Grâce aux efforts des parlementaires, la CMP a sécurisé et enrichi le texte. J'espère retrouver le même esprit lors des textes que nous aurons à étudier à l'avenir. (Mmes Dominique Estrosi-Sassone et Amel Gacquerre sourient.)
Ce texte est passé de dix-sept articles à plus de cinquante : autant de mesures pragmatiques qui amélioreront le traitement de l'habitat dégradé.
Il est intolérable que, dans notre pays, des personnes continuent de vivre dans des conditions d'habitat dégradées, indécentes ou indignes. Or près de 1,5 million de logements sont dégradés. Avec ce texte, nous nous donnons les moyens d'agir concrètement contre ces situations.
Nous aidons les copropriétés à emprunter les sommes nécessaires aux travaux de rénovation, renforçons les outils à la disposition des élus pour mener des projets de réhabilitation et durcissons les sanctions contre ceux qui mettent à profit la dégradation de l'habitat.
Ce travail s'inscrit dans la continuité d'un effort constant depuis 2017 : Julien Denormandie a lancé le plan Initiative Copropriétés, Emmanuelle Wargon a réformé la police de l'habitat indigne, Olivier Klein a lancé la mission confiée à Mathieu Hanotin et Michèle Lutz, Patrice Vergriete a élaboré ce texte pragmatique et ambitieux.
Pour mieux traiter les situations de dégradation, il nous faut mieux les anticiper. Il vaut toujours mieux prévenir que guérir ou détruire. Dans cet esprit, le projet de loi crée une nouvelle procédure d'expropriation permettant d'intervenir plus en amont du cycle de dégradation.
Tout aussi attendu est l'emprunt collectif auquel les syndicats de copropriété pourront souscrire. Cette innovation majeure fera gagner plusieurs mois, à la faveur d'une approche collective et globale. Je salue le compromis trouvé en CMP sur ce point. Cette mesure est peut-être celle qui manquait pour massifier la transition écologique.
Ce texte poursuit également la lutte engagée dès 2017 contre les marchands de sommeil. Nul ne peut tirer une rente de la vulnérabilité d'autrui. Renforcer les sanctions est crucial pour notre dignité collective.
Je me réjouis que la CMP ait conservé les simplifications en matière de construction. Dans le cadre de projets partenariaux d'aménagement et d'opérations d'intérêt national, les procédures environnementales et d'urbanisme pourront être rapidement débloquées.
La première réponse au mal-logement, c'est la production de logements. D'où le lancement du programme « Territoires engagés pour le logement », qui accélérera la construction au sein de vingt-deux territoires connaissant des difficultés particulières.
Je me félicite de la prise en compte des spécificités ultramarines et salue l'engagement de votre assemblée sur cette question, en particulier celui de M. Mohamed Soilihi. Le texte comporte des mesures majeures pour accélérer le règlement des désordres immobiliers résultant des indivisions successorales outre-mer.
Grâce à ce texte, les maires pourront aussi définir des périmètres soumis à diagnostics structurels afin de prévenir les effondrements d'immeubles, notamment dans les centres anciens de villes comme Toulouse, Bordeaux, Marseille ou Lille.
Ce texte renforcera notre capacité à lutter contre l'habitat indigne, assurera aux Français des conditions d'habitat dignes et de qualité sans retirer du marché davantage de logements et répondra à une partie des causes de la crise du logement. Soyons fiers d'avoir coconstruit ce texte ambitieux, qui répond aux attentes du terrain.
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, examinant après l'Assemblée nationale le texte, se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Article 8 bis
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 11
Remplacer les mots :
troisième alinéa
par les mots :
sixième alinéa
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Amendement de coordination juridique, que l'Assemblée nationale a adopté.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Avis favorable.
Vote sur l'ensemble
Mme Marianne Margaté . - L'accélération et la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé ont trouvé de nombreux soutiens : notre groupe s'en réjouit. Mais nous nous serions réjouis davantage encore si le Gouvernement avait prévu des financements plus importants pour les 1,5 million de logements relevant d'une copropriété en difficulté.
Tout le territoire est concerné par des poches de mal-logement. Plus de douze millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement - une bombe sociale. Le montant des travaux nécessaires s'élève à 9 milliards d'euros ; sans aides publiques, les classes moyennes et populaires ne pourront faire face.
Les procédures sont simplifiées, mais quelle collectivité aura les moyens de les déclencher ? Des prêts collectifs sont créés, mais quelle copropriété aura les moyens de les souscrire ? Et où sont les agents publics qui permettront la mise en oeuvre des nouvelles missions, comme le permis de louer ?
L'obligation de résultat qui incombe aux administrations publiques est contradictoire avec les coupes budgétaires du Gouvernement. Sans moyens, ce texte ne sera qu'une bétonnière qui attend son ciment.
Il faut que les syndics travaillent en toute transparence et que les copropriétaires puissent assumer des appels de charges de plus en plus élevés. Nous soutenons les 2,4 millions de demandeurs de logement social et les locataires qui sacrifient souvent d'autres dépenses pour s'acquitter d'un loyer exorbitant, alors que les expulsions ont été facilitées par le Gouvernement et la majorité sénatoriale.
Ce n'est pas parce que certains de nos concitoyens font le choix d'acheter leur logement qu'ils doivent être tenus pour responsables de leur mal-logement et qu'il faut les abandonner à leur sort.
S'agissant des marchands de sommeil, le chemin est encore long pour donner à la justice les moyens de les condamner sévèrement et protéger les victimes. Nul ne doit pouvoir s'enrichir sur la misère d'autrui.
Compte tenu des avancées qu'il comporte, le groupe CRCE-K votera ce projet de loi. Je remercie la rapporteure pour la qualité de son travail.
Mais, monsieur le ministre, qu'améliorerez-vous si vous abaissez les exigences de la loi SRU et supprimez les APL sans plafonner les loyers ? Nous ne soutiendrons aucune régression dans le droit au logement !
M. Ahmed Laouedj . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous avons besoin d'un choc d'offre : le Premier ministre l'a rappelé. En effet, notre problème tient à la fois à l'offre et à la demande.
La situation s'est aggravée en 2023, et 2024 commence de façon très inquiétante, avec le projet d'inclusion des logements intermédiaires dans les obligations de la loi SRU, un détricotage qui va à rebours de notre ambition républicaine de mixité sociale. Un cercle vicieux s'est enclenché, difficile à briser : les demandes de logements sociaux augmentent - jusqu'à 2,6 millions -, alors que leur nombre s'effondre. Au même moment, le nombre de biens en location touristique et les taux d'intérêt s'envolent.
Ce n'est pas en modifiant le diagnostic de performance énergétique (DPE) pour remettre 140 000 passoires sur le marché que nous résoudrons le problème.
La politique de la rustine du Gouvernement, court-termiste, ne donnera pas de résultats à long terme.
La dégradation de l'habitat est un phénomène silencieux, mais massif. Le problème ne concerne pas seulement le stock de logements, mais aussi le flux. Les nouveaux logements abordables manquent.
Ce projet de loi se présente comme une boîte à outils pour simplifier les procédures et raccourcir les délais. C'est un rendez-vous manqué, car nous attendions une grande loi logement - annoncée finalement pour juin.
Nous soutenons néanmoins son objectif : aider les maires à lutter contre l'habitat indigne. Le RDSE se réjouit notamment du diagnostic décennal de structure d'un immeuble collectif, étendu aux zones anciennes. Néanmoins, nous regrettons que la CMP n'ait pas retenu notre proposition de modèle type pour les appels de fonds ni celle d'obliger le syndic à donner au président du conseil syndical la possibilité d'accéder aux comptes bancaires en lecture seule.
Une intervention plus précoce des pouvoirs publics étant souhaitable, nous voterons le texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Bernard Buis . - À l'issue d'une navette particulièrement fructueuse, ce texte est sur le point d'être adopté. S'il ne résoudra pas toutes les causes de la crise du logement, il apporte une pierre à deux édifices titanesques : la lutte contre l'habitat dégradé et les grandes opérations d'aménagement.
Nous simplifions et accélérons les procédures et donnons de nouvelles prérogatives aux élus locaux, leur permettant d'intervenir le plus en amont possible sur le bâti dégradé : plus de prévention pour moins de dégradation.
Trop de nos concitoyens subissent des désagréments liés à l'immobilisme ou à l'irresponsabilité. Les maires pourront motiver leurs arrêtés de mise en sécurité sur la base d'un rapport du Sdis. Les élus et le préfet pourront participer aux assemblées générales de copropriétaires. Autant de mesures utiles pour donner plus d'outils aux acteurs de terrain.
Pour faciliter les rénovations, il faut simplifier les relations entre syndics et syndicats de copropriétaires. Les copropriétaires demandent plus d'accompagnement, notamment en matière de rénovation énergétique. Or ces travaux, onéreux, supposent l'octroi d'un prêt. C'est pourquoi nous créons un nouveau type de prêt collectif, en permettant aux prêteurs de consulter le fichier des mauvais payeurs de la Banque de France.
Les marchands de sommeil sont un fléau. Nous ne pouvons plus tolérer leurs agissements. L'article 7 bis A dans sa rédaction finale prévoit des amendes en cas d'infraction au permis de louer et en attribue le produit aux communes.
En attendant le futur projet de loi Logement, le RDPI votera ce projet de loi. (M. Guillaume Kasbarian remercie l'orateur.)
Mme Viviane Artigalas . - Ce texte est une bonne loi, nécessaire pour aider les maires à lutter contre l'habitat indigne, fléau qui gangrène trop d'immeubles et de quartiers. Nous saluons le travail préparatoire de Mathieu Hanotin et Michèle Lutz.
La majeure partie de nos propositions ont été entendues. Je salue le travail constructif de la rapporteure pour consolider les outils d'accompagnement, en métropole comme en outre-mer.
Les nouveaux moyens d'action des maires ont été conservés par la CMP, comme l'extension des moyens de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) à l'habitat dégradé et le droit de visite du maire pour l'instruction des demandes de permis de louer.
Nos amendements sur le transfert aux communes et EPCI de la compétence de recouvrement des amendes relatives au permis de louer et la mise à disposition gratuite des biens confisqués aux collectivités territoriales ont été conservés par la CMP.
Les maires pourront aussi exiger un diagnostic structurel du bâti ancien dans les centres historiques. Il faut une vigilance accrue pour ces défauts souvent invisibles.
Nous nous réjouissons aussi que les HLM puissent être opérateurs dans le cadre des baux réels solidaires (BRS), comme nous l'avions proposé. Élus et acteurs du logement social sont attachés au maintien d'une mixité fonctionnelle.
Par ailleurs, le prêt global collectif facilitera l'engagement des travaux. La CMP renforce la protection des occupants - bail écrit et quittances obligatoires, notamment.
Demeurent des points de vigilance. Ainsi, nous serons attentifs à la mise en oeuvre du droit d'expropriation à titre remédiable, car nous craignons que les conditions requises rendent la procédure inopérante. Nous regrettons le rejet de notre proposition d'expérimenter l'exercice de pouvoirs d'enquête judiciaire par les polices municipales en matière d'habitat indigne dans les communes volontaires des six territoires d'accélération.
S'agissant des bâtiments modulaires, nous sommes opposés non à leur principe, mais à une dispense générale des règles d'urbanisme. Enfin, nous manquons de données précises sur l'habitat indigne : le suivi objectivé que nous proposions aurait été gage d'une transparence et d'une efficacité renforcées.
Compte tenu des avancées que j'ai rappelées, nous voterons ce texte, non sans rappeler que nous avons besoin d'une offre de logement adaptée aux revenus et aux besoins des Français. Nous demandons un moratoire sur les ponctions opérées sur les bailleurs sociaux, le maintien des obligations de la loi SRU et dénonçons les reculs du Gouvernement en matière de performance énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE ; Mme Antoinette Guhl applaudit également.)
Mme Dominique Estrosi Sassone . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me réjouis que, après le travail approfondi des rapporteurs, nos deux assemblées se soient accordées pour lutter contre l'habitat dégradé. L'essentiel des apports du Sénat a été conservé. Contrairement à bien des textes sortis des bureaux parisiens, celui-ci est le fruit de remontées de terrain.
Notre commission s'est attachée à renforcer son caractère pragmatique et opérationnel. Nous avons travaillé très en amont, avec Mathieu Hanotin et Michèle Lutz, et nous nous sommes déplacés à Saint-Denis. Nous avons interrogé les maires via la plateforme internet du Sénat. Cette démarche a nourri des évolutions concrètes du texte, notamment sur les permis de louer et de diviser, inspirés de Grigny 2, ou le contrôle structurel des bâtiments, inspiré de Mulhouse et Lille.
Je me réjouis que nous ayons empêché ce texte de tomber dans le syndic bashing, car la cause première de la dégradation des copropriétés est la paupérisation des habitants. Au moment où le rôle des syndics est central en matière de rénovation thermique, ils ont plutôt besoin d'être confortés. Le texte renforce l'usage du numérique entre syndics et copropriétaires, tout en permettant à ceux qui le souhaitent de conserver la voie papier.
Il est nécessaire d'aller plus loin pour traiter la grave crise du logement. Nous sommes tous interpellés par nos concitoyens sur le besoin de logements. Monsieur le ministre, c'est toute la France qui doit devenir un territoire d'accélération et de simplification !
En mai, nous examinerons enfin la proposition de loi sur les meublés de tourisme et les locations saisonnières, puis en juin le projet de loi Logement. Face à la crise, nous avons la responsabilité de voter des mesures ambitieuses et efficaces pour rééquilibrer le marché locatif et donner un logement à tous les Français.
Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
M. Joshua Hochart . - L'habitat dégradé et le logement sont un problème des plus préoccupants. Certains logements sont en deçà de la salubrité et de la décence, souvent dans des quartiers urbains défavorisés qui deviennent des ghettos où la délinquance et les violences prospèrent.
Les logements peuvent être insalubres, surpeuplés, infestés par des parasites. L'habitat indigne renforce les maladies infectieuses et respiratoires, selon Santé publique France. Si nous réhabilitons 500 000 logements, nous économiserons 600 millions d'euros sur les dépenses de santé.
Les quartiers où se concentre le logement insalubre sont souvent éloignés de tout, notamment des services publics. Je pense au quartier de Moulins, à Lille, devenu dangereux pour les riverains et les rares touristes qui s'y rendent. D'un point de vue économique, l'habitat dégradé entraîne aussi une désertification commerciale.
Tout le monde doit s'engager dans des efforts concertés pour améliorer les conditions de logement des populations affectées et garantir l'accès à un logement décent pour tous. Ce texte va dans le bon sens, mais il faudrait aller beaucoup plus loin. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.
M. Pierre Jean Rochette . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Comme maire de Boën-sur-Lignon, j'ai été confronté à une situation particulièrement difficile : un locataire, pour se venger de son propriétaire, avait décidé de faire un barbecue dans son appartement et de laisser les robinets ouverts jusqu'à inonder tous les étages... Je suis resté pantois devant la difficulté pour un maire de prendre un arrêté de péril.
Je me réjouis donc de ce projet de loi, qui apporte plus de souplesse aux maires ruraux. Nous devons continuer à simplifier en matière d'habitat et d'aménagement.
Je salue l'important travail de la rapporteure et des commissions, précis et nourri d'un vécu de terrain.
Ce texte, très attendu des élus locaux, est à la fois indispensable et consensuel. De nombreuses avancées du Sénat ont été préservées en CMP. Donner des outils aux élus locaux pour gérer des situations complexes est logique. Nous devons permettre un accès à des logements dignes et ne laisser personne sur le bas-côté.
Ce texte est une étape, mais nous devrons poursuivre nos efforts pour moderniser et simplifier les outils.
Nous devons combattre fermement les agissements des marchands de sommeil. Dans ma commune, ils pouvaient rentabiliser l'achat d'un vieil immeuble en moins de deux ans... Grâce au permis de louer, nous avons pu éradiquer quasiment tous ces agissements. Je me réjouis de sa simplification, et faire retomber les produits de l'amende associée dans les caisses communales est une bonne idée.
Nous saluons aussi le prêt collectif et le syndicat d'intérêt collectif.
Le rôle des maires est crucial pour lutter contre l'habitat dégradé. Leur donner des marges de manoeuvre est primordial, notamment pour l'installation irrégulière.
Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Yves Bleunven . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le logement traverse une crise inédite. Les copropriétés dégradées sont de plus en plus nombreuses, en témoigne l'effondrement d'un immeuble à Toulouse il y a quelques jours.
Je remercie Amel Gacquerre pour son travail impressionnant.
Lors de son dépôt à l'Assemblée nationale, ce texte ne comptait que dix-sept articles, contre une cinquantaine aujourd'hui. La navette a donc permis d'enrichir le dispositif.
Des manques persistent, mais le texte comporte des mesures attendues pour lutter contre l'habitat dégradé. Nos maires disposeront de meilleurs outils, notamment pour planifier les rénovations plus en amont. Le prêt collectif pour les travaux de rénovation énergétique améliorera le cadre de vie des occupants. Pouvoirs publics et syndics doivent travailler de concert lorsque les propriétaires font défaut.
Il faut accompagner nos maires pour qu'ils s'approprient ces outils et faciliter l'aide à l'investissement.
Monsieur le ministre, la décentralisation annoncée ne suffira pas. Nous attendons une grande loi Logement. Dans un parcours résidentiel bloqué, amender la loi SRU est une bonne chose, de même que la simplification, mais il faut des mesures fortes. Nous connaissons votre feuille de route et votre bonne volonté. Hier, vous avez lancé une mission pour le soutien à un choc d'offres, mais nous attendons plus.
Ne soyons pas effrayés par l'ampleur de la tâche : ayons le courage d'avoir une politique ambitieuse pour le logement de demain ! (Mme Amel Gacquerre applaudit.)
Mme Antoinette Guhl . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce projet de loi représente une réelle avancée dans la lutte contre l'habitat dégradé et la protection des habitants vulnérables. Il répond aux attentes des acteurs de terrain, notamment les élus locaux, dans la ligne du rapport de Michèle Lutz et Mathieu Hanotin - que je salue en tribune.
Le travail parlementaire a permis d'améliorer ce texte technique, grâce notamment au travail exceptionnel de la rapporteure.
Je salue les mesures permettant de mieux lutter contre les marchands de sommeil, d'étendre le champ d'intervention foncière ou de faciliter les travaux de rénovation énergétique au sein des copropriétés.
Toutefois, je regrette que le montant maximal des frais fracturés par les syndics pour les opérations de recouvrement ait été supprimé.
Le lobby des syndics a gagné, et la société a perdu...
Les marchands de sommeil risqueront désormais sept ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende, et non plus cinq ans et 150 000 euros : soit - nous demandions plus... L'état de vulnérabilité des victimes ne sera pas considéré comme circonstance aggravante, ce que nous regrettons.
La notification par voie électronique accordée aux syndics est un net recul : une fois de plus, nous avons cédé au lobby des syndics ; ma voisine de 88 ans ne vous remercie pas !
Si ce texte va dans le bon sens, des manques persistent.
Les jeux Olympiques arrivent à grands pas et à Paris, les dérives s'amplifient. L'association régionale pour l'intégration des personnes en situation de handicap ou en difficulté (ARI) observe une hausse de plus de 20 % des résiliations de bail. Les droits des locataires sont bafoués sur l'autel de la rentabilité des meublés touristiques, dans l'illégalité totale. C'est une catastrophe pour les Parisiens.
Je salue la proposition de loi de Ian Brossat en faveur d'une trêve olympique des expulsions locatives.
Le logement ne doit plus être un produit financier pour les 10 % des Français les plus riches qui détiennent 44 % du patrimoine immobilier ; les 25 % les plus modestes consacrent davantage de leurs revenus au logement que les 25 % les plus aisés.
Monsieur le ministre, il ne faut pas revenir sur la loi SRU. (M. Guillaume Kasbarian s'exclame.) Les inégalités sociales et territoriales sont nombreuses : 96 000 logements sociaux financés en 2022, ce n'est pas suffisant, quand 2,6 millions de personnes en attendent un.
On recense 233 000 logements Crous pour 3 millions d'étudiants, soit un logement pour seize étudiants. La jeunesse est aussi dans une situation de grande précarité. Nous devrons en reparler, monsieur le ministre. La baisse du budget de MaPrimeRenov' est incompréhensible. Nous comptons sur vous pour ne pas vous faire corseter par Bercy. (M. Guillaume Kasbarian sourit.)
Nous voterons ce texte, mais il doit être accompagné de ressources indispensables. Gouverner, c'est loger son peuple : nous comptons sur vous, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K ; M. Lucien Stanzione applaudit également.)
Le projet de loi est définitivement adopté.
(Applaudissements sur quelques travées du groupe SER ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.)
La séance est suspendue quelques instants.