SÉANCE

du jeudi 16 novembre 2023

24e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente

Secrétaire : Mme Marie-Pierre Richer.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Partage de la valeur au sein de l'entreprise (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.) La CMP est parvenue à un texte commun, conforme à la volonté de la majorité sénatoriale : retranscrire fidèlement et complètement l'accord national interprofessionnel (ANI). Le Gouvernement s'y était engagé, le Parlement l'a fait !

Le texte respecte l'accord tout en conservant les apports des deux chambres. La CMP a retenu les articles 1er et 1er bis sur les négociations de branche en vue de réviser les classifications.

Un accord est intervenu sur l'article 2 : les entreprises de moins de 50 salariés bénéficieront d'une formule dérogatoire de calcul de la participation en cas de mise en place volontaire d'un dispositif.

L'article 3 oblige les entreprises de 11 à 49 salariés réalisant durant trois exercices consécutifs un bénéfice d'au moins 1 % de leur chiffre d'affaires à instituer un dispositif de partage de la valeur. L'économie sociale et solidaire (ESS) sera également concernée avec l'article 3 bis. Cette faculté sera ouverte après le 31 décembre 2024, date retenue par les partenaires sociaux et souhaitée par le Sénat.

La CMP a approuvé l'article 5, qui met en place un nouveau dispositif de partage de la valeur en cas d'augmentation du bénéfice net fiscal de l'entreprise, ainsi que l'article 7 créant un nouveau dispositif de partage de la valorisation de l'entreprise.

Pour renforcer le pouvoir d'achat des salariés des PME, l'article 6 prolongera le dispositif temporaire d'exonération fiscale de la prime jusqu'en 2026.

En revanche, l'article 10 bis, visant à prendre en compte les critères de responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans le calcul de l'intéressement, n'a pas été retenu, car c'est déjà possible. De même, l'article 14 bis relève du domaine réglementaire - Michel Canévet a accepté d'y renoncer.

L'article 13 bis, introduit au Sénat, a été écarté par la CMP, car il risquait de fragiliser le régime fiscal.

La CMP a adopté les mesures favorisant l'actionnariat salarié, notamment pour les fonds communs de placement d'entreprise (FCPE).

Ce texte facilitera le développement des outils de partage de la valeur dans les entreprises au profit des salariés. Il appartient désormais au Gouvernement de prendre des mesures réglementaires, puis aux branches et aux entreprises de s'en saisir. Conformément à l'article L. 1 du code du travail introduit par la loi Larcher de 2007, nous redonnons toute sa place à la démocratie sociale au sein des entreprises. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Le Gouvernement accueille avec beaucoup de satisfaction l'accord du 10 février 2023 - double satisfaction, tant pour le dialogue social que pour la démocratie parlementaire.

Comme le prévoit l'article L. 1 du code du travail, vous avez transposé fidèlement et intégralement l'ANI et démontré votre capacité à concilier démocratie sociale et démocratie parlementaire, en préservant le droit d'amendement. Grâce à leur sens des responsabilités et un subtil dialogue, les deux assemblées sont parvenues à un accord. Je salue la qualité des discussions parlementaires et le travail des deux rapporteurs.

Le texte poursuit deux objectifs majeurs : une action sur le pouvoir d'achat et une participation accrue des salariés à la vie de l'entreprise.

Il complète la loi Pacte, les mesures d'urgence prises lors de la crise sanitaire et les mesures de lutte contre l'inflation. Augmenter le pouvoir d'achat par le partage de la valeur, c'est revaloriser le travail et renforcer la solidarité de destin entre l'entreprise et le salarié.

Le 16 décembre 2022, j'avais invité les partenaires sociaux à ouvrir une négociation. À l'époque, personne n'y croyait. Mais un accord est intervenu le 10 février 2023, signé par sept des organisations syndicales et patronales représentatives. Fort de ce consensus, je m'étais engagé à retranscrire tout l'accord, rien que l'accord.

La qualité des débats a fait converger les points de vue.

Outre une série de simplifications, l'obligation de négociation d'ici le 31 décembre pour réviser les classifications non revues depuis cinq ans améliorera les rémunérations et fait écho au chantier issu de la conférence sociale lancée par la Première ministre. Rares sont les TPE et les PME qui disposent d'outils de partage de la valeur - moins de 10 % des entreprises de 10 à 49 salariés. Nous misons sur le dialogue social pour aboutir à des accords de branche. Ces dispositions, techniques, permettront à 1,5 million de salariés d'accéder à des dispositifs de partage de la valeur, d'intéressement ou de participation.

Le texte crée aussi un plan de partage de la valorisation de l'entreprise : une prime sera distribuée aux salariés quand la valeur de l'entreprise aura augmenté durant les trois années du plan, afin de fidéliser les salariés et les intéresser à la croissance de leur entreprise.

Jusqu'au 31 décembre 2026, la prime de partage de la valeur (PPV) sera fiscalement exonérée pour les salariés dont la rémunération est inférieure à trois Smic dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Le Parlement a affirmé, comme les partenaires sociaux, le principe de la non-substitution au salaire, consacré à l'article 2 A.

Le texte encourage l'actionnariat salarié : extension de la portion du capital par le versement d'actions gratuites, amélioration de la gouvernance des fonds d'actionnariat salarié, promotion d'une épargne verte, solidaire et responsable.

Il répond aux attentes des Français sur le pouvoir d'achat ; son parcours exemplaire est signe d'une bonne santé démocratique. Le Gouvernement, reconnaissant envers le Parlement, notamment les rapporteurs, vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupeINDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis la guerre en Ukraine, l'inflation mine le pouvoir d'achat des Français. Si le Gouvernement a pris plusieurs initiatives conjoncturelles, une réponse pérenne s'impose pour répondre au problème des salaires et aux inégalités sociales.

Selon l'Insee, la moitié de la population la moins aisée a vu son niveau de vie, en euros constants, reculer en 2021. Tout doit être fait pour améliorer les revenus. La transposition de l'ANI y pourvoit, même si ce n'est pas la solution unique. Je m'interroge sur les bas salaires. Certes, le Smic a été revalorisé trois fois en 2022 et deux fois en 2023, mais le chemin est encore long. Il faut aborder la question des conditions du travail et de la pénibilité.

Cela dit, ce texte, fruit d'un dialogue social entre les organisations syndicales et patronales, va dans le bon sens.

Nous nous réjouissons que la CMP soit revenue sur quelques dispositions problématiques.

Le groupe RDSE ne s'oppose pas aux dispositifs proposés, que ce soit le développement de l'actionnariat salarié ou l'amélioration de l'épargne salariale.

Ces outils doivent profiter au plus grand nombre. À l'heure actuelle, seuls 3 % des salariés des entreprises de moins de 9 salariés en bénéficient, et 6 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés.

L'intérêt de ces dispositifs dépend du résultat de l'entreprise : rien n'est jamais acquis en dehors du salaire fixe. Dès lors, n'oublions pas les augmentations de salaire !

Nous nous félicitons que le principe de non-substitution soit explicité à l'article 2 A. Ce garde-fou sera-t-il suffisant ?

Espérons que le projet de loi tiendra ses promesses. Le texte reste fidèle à l'ANI : le RDSE le votera. Il ne doit pas être pour solde de tout compte, mais le début d'une vision plus sociale et plus solidaire du partage des richesses. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

M. Xavier Iacovelli .  - Le 10 février dernier, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord pour mieux partager la richesse, signé par sept organisations syndicales et patronales sur huit. Le Parlement a conservé l'essence de ce texte, symbole de la réussite de l'approche à la française du monde du travail. Le général de Gaulle, défenseur d'une politique sociale inédite fondée sur le travail, avait imaginé l'intéressement en 1959 et la participation en 1967.

Poussée par des salariés en quête de sens, l'entreprise ne se limite plus à sa seule dimension économique. Certaines se dotent d'une raison d'être et veulent répondre aux grands défis sociaux et environnementaux du siècle.

Le Gouvernement poursuit son effort en faveur du travail, de l'emploi, de la rémunération et de la redistribution. Le pouvoir d'achat est au coeur des préoccupations de nos compatriotes. Depuis 2017, le travail est au centre du jeu : je pense à la loi Pacte de 2019 ou à la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat de 2022 qui a créé une nouvelle prime de partage de la valeur. Plus de cinq millions de salariés ont bénéficié de cette prime l'an dernier, jusqu'à 6 000 euros.

Le Gouvernement a engagé les partenaires sociaux à trouver un accord : c'était la bonne méthode.

Les conclusions de la CMP visent à renforcer le dialogue social sur les classifications, à simplifier la mise en place des dispositifs de partage de la valeur et à développer l'actionnariat salarié.

Les entreprises de 11 à 50 salariés devront instaurer un tel dispositif dès lors qu'elles font des bénéfices pendant trois ans consécutifs. En outre, les entreprises pourront accorder jusqu'à deux primes par an.

Nous répondons à des besoins urgents : améliorer le pouvoir d'achat des salariés et leur permettre de s'investir durablement dans leur travail. À l'inverse, les entreprises fidéliseront leurs salariés et rempliront mieux leur mission. Le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

Mme Monique Lubin .  - Lors de nos débats, nous nous sommes réjouis de l'accord trouvé par les partenaires sociaux, qui ont renoué avec la négociation et acté plusieurs avancées au profit des salariés.

Nous avions exprimé des réserves, car le paritarisme s'exprime de manière de plus en plus contrainte. Si les partenaires sociaux sont suffisamment responsables pour s'accorder sur des sujets complexes, l'encadrement des conditions de négociation est regrettable.

On l'a vu lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 : le ministre Cazenave réfute toute intention du Gouvernement de ponctionner les réserves de l'Agirc-Arrco, après que le Gouvernement a reculé à la suite du tollé à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement invoquait l'ANI qui prévoyait une revalorisation des pensionnés de ce régime de 4,9 % et actait la fin du malus temporaire. Bref, l'exécutif pensait, par la loi, faire les poches des salariés du privé au profit de sa réforme des retraites !

Le Gouvernement, une fois encore, a étroitement encadré les débats : aucun retour sur la réforme de l'assurance chômage imposée en 2019, notamment. L'ANI n'a pas reçu l'aval de la CGT et de la CFE-CGC, pour des raisons différentes.

Le Gouvernement refuse d'organiser une négociation sur les salaires, préférant un autre type de partage de la valeur, qui prive l'Unédic de ressources précieuses. Dans le projet d'accord sur les conditions d'indemnisation des chômeurs pour 2024, les partenaires sociaux s'inquiètent d'un prélèvement de 2 milliards d'euros en 2023 puis 2,5 milliards en 2024 sur les ressources de l'Unédic, en vue de financer l'accompagnement et la formation des chômeurs. Une fois de plus, le Gouvernement s'emploie à assécher les réserves constituées par les travailleurs en court-circuitant les partenaires sociaux.

Alors que le taux de pauvreté s'établit à 14,5 % en 2021, selon l'Insee, nous aurions aimé que le Gouvernement écoute vraiment les partenaires sociaux.

Le groupe SER s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte vise à transposer l'ANI conclu en février dernier, afin de mieux associer les salariés aux performances de l'entreprise.

Notre objectif : transposer fidèlement les seules dispositions modifiant le code du travail, respecter le fruit du dialogue social et éviter d'alourdir le droit du travail.

Une commission mixte paritaire suppose du doigté, et je félicite notre rapporteur pour son brio. Dans un esprit de compromis, nous ne nous sommes pas opposés à l'adoption de dispositions ne relevant pas du niveau législatif. Nous avons retenu la rédaction du Sénat à l'article 1er et conservé l'article 1er bis introduit par l'Assemblée nationale, auquel nous n'étions pas opposés sur le fond.

À l'article 2, les entreprises de moins de 50 salariés pourront, à titre expérimental, recourir à un calcul de la participation dérogatoire lorsqu'elles mettent en place volontairement un dispositif.

L'article 3 oblige les entreprises de 11 à 49 salariés, au 1er janvier 2025, à instituer un dispositif de participation ou d'intéressement ou à verser la prime de partage de la valeur (PPV) si elles réalisent un bénéfice net d'au moins 1 % de leur chiffre d'affaires pendant trois années successives.

L'article 5 a aussi fait l'objet d'un accord entre nos deux chambres, de même que l'article 6, qui prévoit que la PPV puisse être attribuée deux fois par année civile et prolonge le régime temporaire d'exonérations fiscales et sociales jusqu'à la fin 2026 pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Je me réjouis de l'article 14 qui encouragera l'investissement socialement responsable et en faveur de la transition écologique.

Le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Corinne Bourcier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous remercions les rapporteurs, la commission des affaires sociales et tous les parlementaires ayant participé à l'élaboration de ce texte.

Le projet de loi avait été adopté par le Sénat à une large majorité. La CMP est parvenue à un accord autour d'un texte juste et équilibré. Il est le fruit d'un ANI conclu entre la plupart des organisations représentatives le 10 février 2023. Notre groupe a salué ce dialogue social transpartisan et apaisé.

Le partage des richesses nouvellement créées est une bonne nouvelle - a fortiori en période d'inflation, alors que le pouvoir d'achat reste la première préoccupation des Français.

Le projet de loi améliore le pouvoir d'achat des salariés des PME en ouvrant l'accès aux mécanismes de partage de la valeur aux petites entreprises. Il s'agit d'atténuer les écarts de rémunérations entre petites et grandes entreprises et de mieux valoriser le travail des salariés.

Gare toutefois à ce que ces dispositifs ne se substituent pas à d'éventuelles augmentations de salaires.

Ce projet de loi engage davantage les salariés dans leur travail en les associant aux profits de leur entreprise. Il va dans le bon sens. Le groupe INDEP l'accueille favorablement. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Xavier Iacovelli et Mme Frédérique Puissat applaudissent également.)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail de la commission des affaires sociales et de notre rapporteur, dont j'applaudis la pugnacité et l'énergie. Il est plus facile d'être son allié que son opposant ! (Sourires)

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Vous avez raison !

M. Olivier Henno.  - L'examen du projet de loi a été respectueux de l'ANI. Nous pouvons en être fiers, le Sénat étant attaché depuis toujours au paritarisme.

Intéressement, participation et démocratie sociale renvoient au gaullisme social et à l'économie sociale de marché, convictions qui nous sont chères. Avec plus d'intéressement et de participation dans les entreprises, nous n'aurions peut-être pas tant de débats sur les superprofits !

Il faut étendre le partage de la valeur aux PME - c'est tout le défi de cet accord, dont le Gouvernement aura à vérifier l'application.

Je salue aussi l'action du ministre en faveur du paritarisme, dans le cadre de la loi Larcher. C'est une bonne nouvelle pour la démocratie sociale, qui n'est pas, tant s'en faut, l'ennemie de la démocratie parlementaire. Elle participe notamment de l'apaisement de la société, de la logique du compromis, dans la tradition du modèle rhénan, de la refondation des rapports sociaux et est un antidote à la financiarisation de l'économie.

Le retour du paritarisme est donc à saluer. À nous d'être vigilants sur la bonne application des différents points de l'ANI. Nous voterons ce texte, avec un enthousiasme revendiqué ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Selon l'Insee, l'inflation est encore de 4 %, portée par une inflation alimentaire de 15 % sur un an. La hausse atteint 9,5 % pour les produits de grande consommation : seule la Belgique fait pire ! Cette pression pèse sur les ménages, notamment les travailleurs pauvres.

Depuis 1990, la part des salaires dans la valeur brute des sociétés non financières recule de cinq points. Jusqu'en 2017, les salaires bruts réels accusaient une baisse de 0,1 % par an. Depuis, ils ont décroché de 7 %. En 2021, 545 000 personnes de plus qu'en 2017 vivaient sous le seuil de pauvreté. Travailler ne protège pas de la pauvreté : 25 % des ménages insérés dans le marché du travail sont en situation de pauvreté. Plus de 14 % de personnes sont en situation de privation matérielle et sociale. Selon le rapport 2023 du Secours catholique, la pauvreté s'étend, s'aggrave et se féminise.

Face à cette paupérisation aggravée par votre politique antisociale, à la déflation salariale entamée depuis quarante ans et alors que la boucle prix-profits dope les marges et les dividendes des multinationales, il fallait des mesures audacieuses. Une conférence sociale des salaires était nécessaire pour équilibrer enfin le partage des richesses. Le premier partage de valeur, celui qui compte réellement, c'est la part des salaires dans la richesse produite ! Au lieu de cela, le texte fait la part belle aux primes ponctuelles, alors que la prime pour le pouvoir d'achat était censée être exceptionnelle... L'effet substitutif est pourtant avéré.

Le Gouvernement prétend que ce texte transcrit intégralement l'ANI. C'est inexact, en raison des ajouts et des oublis. Il encense le dialogue social qu'il a piétiné durant la réforme des retraites, en oubliant de rappeler le cadre contraignant imposé pour la négociation.

Ces mesures, désocialisées et défiscalisées, assèchent les ressources de la sécurité sociale.

Notre amendement pour une séparation des temps de négociation, qui reprenait une demande des organisations syndicales, n'a pas été retenu.

Saluons toutefois le rétablissement d'un bilan des actions des branches en faveur de la mixité des emplois ou encore de l'article 9 bis, qui garantit le recalcul du montant de la participation des salariés en cas de rectification de la déclaration des résultats d'un exercice.

Ce texte est en deçà des enjeux d'une juste répartition des richesses. Il n'apportera pas de solution macroéconomique au décrochage des salaires dans le partage de la valeur ajoutée. Le GEST s'abstiendra.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Le 17 avril 2023, Emmanuel Macron déclarait : « J'ai entendu dans les manifestations une opposition à la réforme des retraites mais aussi une volonté de retrouver du sens dans son travail, d'en améliorer les conditions, d'avoir des carrières qui permettent de progresser dans la vie. (...) Ce nouveau pacte de la vie au travail sera construit dans les semaines et les mois qui viennent. »

À ce titre, le Gouvernement s'est empressé de transposer l'accord minimal sur le partage de la valeur dans l'entreprise. Au cours de nos débats, tous les amendements visant à compléter, améliorer et étendre cet accord ont été retoqués par la majorité sénatoriale et le Gouvernement : il ne fallait voter que l'ANI, seulement l'ANI, rien que l'ANI ! (M. Laurent Burgoa le confirme.) Même l'avancement à 2024 de l'obligation de partage de la valeur dans les PME réalisant des bénéfices a dû être retiré de la version finale du projet de loi.

Nous vous rappellerons cette posture, qui dénie notre droit constitutionnel d'amendement, lorsqu'il s'agira de transposer l'accord sur l'assurance chômage !

Ce projet de loi réussit l'exploit d'être muet sur la question du salaire, qui pourtant résulte du rapport de force dans l'entreprise pour partager la richesse créée, qui ouvre des droits à la protection sociale. L'intéressement ne pourra jamais le remplacer. D'autant que les primes ne sont pas pérennes, et sont octroyées selon le bon vouloir des employeurs ! L'effet de substitution vis-à-vis des salaires est avéré. À la clé, une perte de recettes pour la sécurité sociale et une perte de droits pour les salariés.

« Les partenaires sociaux réaffirment que le salaire doit rester la forme essentielle de la reconnaissance du travail fourni par les salariés et des compétences mises en oeuvre à cet effet », dit le préambule de l'ANI. Un véritable partage de la valeur passerait par l'indexation des salaires sur l'inflation, la revalorisation du Smic à 1 600 euros nets et l'application stricte de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.

Nous n'attendions rien des annonces du Président de la République, mais nous sommes tout de même déçus... Le CRCE-K votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST ; Mme le rapporteur le regrette.)

Le projet de loi est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.