SÉANCE
du mardi 14 novembre 2023
22e séance de la session ordinaire 2023-2024
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire : Mme Patricia Schillinger.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Immigration et intégration (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
Explications de vote
M. Ian Brossat . - Tout au long de nos débats sur ce texte, les sénateurs du groupe CRCE-K ont pensé à la grande majorité des étrangers vivant sur notre sol, qui travaillent, produisent des richesses et contribuent au rayonnement de notre pays. Ils ont dû se sentir bien mal en entendant certaines outrances.
Nous placions peu d'espoirs dans cette loi, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais nous espérions au moins une avancée pour la régularisation des travailleuses et travailleurs sans papiers qui le méritent, dans un esprit pragmatique. Or non seulement cette avancée n'a pas eu lieu, mais la situation des étrangers qui vivent en France est empirée par ce texte dur, cruel et à certains égards mesquin.
Il est dur quand il prévoit la fin de l'automaticité du droit du sol ou instaure des quotas triennaux sans critères explicites. Il est cruel quand il prive un étranger en situation régulière d'allocations sociales pendant cinq ans ou remet en cause l'aide médicale d'État (AME), une honte absolue. Il est mesquin lorsqu'il supprime la gratuité du transport pour les bénéficiaires de l'AME.
Le seul qui ait dit la vérité, à droite, c'est Bruno Retailleau, dans le Journal du dimanche : « Tout ce qui durcit le droit des étrangers est bon à prendre. » Mais quel forfait les 7 millions d'immigrés vivant sur notre sol ont-ils donc commis pour mériter pareil traitement ?
Ce texte repose sur un pari : en dégradant les conditions d'accueil, vous pensez dissuader les arrivées. Mais ce pari est faux, alors que la misère grandit, que les guerres se multiplient et que le climat se dérègle. Prétendre que les flux migratoires se tariront est un mirage ; simplement, les immigrés seront accueillis dans des conditions déplorables, de votre fait.
Comment affronter ensemble ce défi migratoire ? Voilà la question qui se pose à nous. Ce texte est loin d'y répondre.
Surtout, il ne permet pas l'intégration : comment intégrer lorsqu'on refuse de régulariser des femmes et des hommes qui travaillent, cotisent et paient des cotisations et de permettre aux demandeurs d'asile de vivre de leur travail ? Vous contribuez à faire des étrangers un groupe à part privé de tout, sauf du droit de se faire exploiter.
Vous vous revendiquez en permanence des valeurs de la République, mais ce texte foule aux pieds nos droits fondamentaux : contradiction majeure.
Bien sûr, il y a des avancées, comme l'octroi d'un titre de séjour provisoire aux victimes des marchands de sommeil qui portent plainte, proposé par notre groupe. Mais cela ne saurait effacer tous les reculs de ce texte, contre lequel nous voterons donc. Notre honneur est d'accueillir dignement et d'intégrer par l'école, la langue et le travail. (Applaudissements à gauche ; M. Ahmed Laouedj applaudit également.)
M. Michel Masset . - « L'homme n'est réellement libre que lorsqu'il a contribué à agrandir le domaine de la liberté » : ces mots de Gaston Monnerville nous ont guidés au long de l'examen de ce texte.
Les conflits s'intensifient depuis des mois, l'antisémitisme reprend de la vigueur, les nations se referment sur elles-mêmes. Dans ce climat difficile, ce texte nous paraît le symptôme d'une tendance préoccupante : le rejet de l'autre et la défiance à l'égard de l'étranger.
M. Jérôme Durain. - Très bien !
M. Michel Masset. - Les articles 3 et 4, pourtant, étaient prometteurs, traduisant la recherche d'équilibre et de compromis qui devrait animer le législateur républicain.
Mais la commission a supprimé l'AME, restreint le rapprochement familial et limité le droit du sol. Véronique Guillotin l'a expliqué : les malades continueront d'être soignés, car aucun médecin, dans aucun service d'urgence, ne demandera à voir un titre de séjour ; simplement, l'hôpital ne sera pas payé. Nous sommes également contre la restriction du droit du sol, à une large majorité ; les articles 2 bis et 2 ter ne résolvent rien et font peser le poids de vos inquiétudes sur des enfants et adolescents. Quant au durcissement du rapprochement familial, il s'éloigne des valeurs défendues par notre groupe.
Hélas, nous ne sommes pas parvenus à vous convaincre en séance. Les articles 3 et 4, qui demeuraient dans le texte, ont même connu le sort que l'on connaît.
Pour nous, c'est un constat d'échec : l'article 4 bis ne nous satisfait pas. Le travail est un puissant facteur d'intégration, alors que la clandestinité exclut et marginalise. Privé des articles 3 et 4, ce texte n'est qu'une réforme de plus. L'article 4 bis aggravera l'engorgement des préfectures et ne fera pas disparaître le travail clandestin, qui répond à un besoin de notre économie. Je suis curieux de voir comment les préfectures et les juridictions apprécieront un critère aussi flottant que l'adhésion aux modes de vie de la société française...
La grande majorité du RDSE votera contre le texte du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur de nombreuses travées à gauche)
Le sort de plusieurs amendements aura contribué à forger notre position. Nous regrettons ainsi la référence explicite à l'assimilation à la communauté française ou la possibilité de placer un mineur en rétention administrative.
Dans quelques semaines, nous remettrons l'ouvrage sur le métier, avec la proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté, la nationalité et l'immigration. Nous continuerons d'affirmer que, si l'immigration et la nationalité ne doivent pas être des sujets oubliés, nous ne devons jamais perdre de vue l'intérêt général et placer toujours l'humain au centre. Oui, « l'homme n'est réellement libre que lorsqu'il a contribué à agrandir le domaine de la liberté » ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur de nombreuses travées à gauche)
M. Olivier Bitz . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte est le fruit de la volonté politique du Gouvernement (Marques d'ironie sur certaines travées à droite) et d'un compromis qui doit nous permettre d'avancer. Au-delà des postures, il s'agit de mieux maîtriser les flux migratoires, de protéger nos compatriotes des délinquants étrangers et de réussir l'intégration.
La volonté du Gouvernement est claire : adapter notre droit au défi migratoire que connaissent tous les pays comparables au nôtre. Nous devons corriger une trajectoire non soutenable pour la cohésion nationale.
Nous saluons la bonne tenue d'ensemble de nos débats sur ce sujet passionné. Je remercie le ministre pour son sens du dialogue et du compromis, nos deux rapporteurs pour leur travail sérieux et le président Buffet sans qui nous ne serions pas parvenus à ce point d'équilibre.
Le Gouvernement nous a envoyé un message de confiance en nous soumettant ce texte en premier lieu. Nous l'avons enrichi en commission puis en séance.
En revanche, certaines évolutions nous ont profondément heurtés, à commencer par la suppression de l'AME. (M. Xavier Iacovelli renchérit.) Nous espérons que l'Assemblée nationale reviendra sur cette faute morale et cette grave erreur en matière de santé publique. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE) Restons fidèles à nos valeurs humanistes ! Conditionner la prise en charge d'une personne en souffrance à la régularité de sa situation administrative est insupportable. Nous soutenons donc la démarche des milliers de soignants qui refusent d'être enfermés dans une impasse déontologique. (Mme Sophie Primas proteste.)
L'affirmation selon laquelle l'AME exercerait un appel d'air ne repose sur rien. Les pathologies seront prises en charge plus tardivement, ce qui coûtera plus cher et aggravera l'engorgement des urgences. La vie d'êtres humains pourrait être menacée. Franchement, le jeu politique a ses limites.
L'AME a déjà été réformée et peut l'être encore ; nous étudierons avec attention le rapport Stefanini-Evin. Mais, de grâce, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain.
Nous regrettons aussi la suppression de l'article 4, qui facilitait l'accès au travail des demandeurs d'asile dont le besoin de protection est manifeste. Quelle curiosité pour la majorité sénatoriale de préférer l'assistanat à la possibilité de travailler... Ce renoncement à la valeur travail est difficilement compréhensible, d'autant que nous faisons face à une pénurie de main-d'oeuvre.
De même, nous déplorons que les facilités d'accès à un titre de séjour pour les médecins étrangers aient été rejetées, alors que les praticiens manquent dans nombre de territoires.
Nous nous réjouissons du maintien d'un dispositif de régularisation pour les salariés des métiers en tension. La majorité sénatoriale préfère s'en remettre au pouvoir discrétionnaire des préfets plutôt qu'à des critères fixés par le législateur, même durcis. Article 3 ou 4 bis, la belle affaire ! L'essentiel est qu'un dispositif existe pour les étrangers désireux de s'intégrer.
M. François Patriat. - Très bien !
M. Olivier Bitz. - Nous nous félicitons aussi du maintien des mesures de lutte contre les étrangers délinquants, du rétablissement en séance des articles 2, 5 et 8 et de l'instauration de dispositifs spécifiques pour les outre-mer, souvent sur notre initiative.
Le RDPI votera majoritairement ce texte, en sachant que l'Assemblée nationale reviendra sur certaines de ses dispositions ; d'autres, qui sont manifestement des cavaliers, seront sanctionnées par ailleurs. Il ne s'agit en aucun cas d'un quitus donné à la majorité sénatoriale, mais de l'expression de notre volonté d'avancer ensemble au Sénat.
Nous ne pouvons nous satisfaire du statu quo : nous devons renforcer nos exigences en matière d'intégration, de protection des Français et de défense des valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST) Au terme d'un parcours chaotique, plus d'un an après sa présentation en conseil des ministres, ce vingt-neuvième texte sur l'immigration est soumis à notre vote.
Le ministre de l'intérieur disait vouloir être gentil avec les gentils, méchant avec les méchants. Au bout du compte, l'intégration a disparu, à l'instar du ministre du travail, et il ne s'agit plus que d'être méchant avec tout le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. - Très bien !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La solidarité, la dignité humaine, les droits fondamentaux ne sont pas négociables. À gauche, nous savons ce qu'apportent les étrangers, travailleurs ou étudiants, à la société française ; nous croyons à l'intégration par le travail, la langue et la vie associative et sociale. Avec ce texte, hélas, l'étranger n'est vu que comme une menace ou un fraudeur.
Alors que notre pays fait face à un triple dysfonctionnement, de l'accueil, de la protection et de la reconduction, nous réfutons le discours simpliste consistant à distinguer de bons et de mauvais étrangers et l'idée que l'immigration économique serait plus légitime que l'immigration familiale ou l'asile.
La régularisation par le travail est bénéfique à tous, alors que le travail illégal accroît la précarité. La non-régularisation laisse prospérer une forme d'esclavage moderne.
Nous, socialistes, nous opposons fermement aux mesures introduites par la droite et son allié centriste, avec la bienveillance du ministre de l'intérieur.
Nous combattons la précarisation des étrangers par la suppression de toute allocation non contributive pendant cinq ans et votre refus de régulariser les salariés des métiers en tension, contre l'avis des employeurs et des Français. (M. André Reichardt le conteste.) Vous condamnez à la rue les personnes en situation irrégulière et les demandeurs d'asile à l'assistanat, pour reprendre un de vos termes.
La suppression de l'AME est un déni du droit à la santé. À cet égard, nous n'arrivons plus à suivre la position du Gouvernement, tant elle a varié selon les moments et les ministres...
Nous condamnons vos atteintes au droit de la nationalité, par la possibilité élargie de déchéance et la restriction du droit du sol. Nous contestons les atteintes au droit à une vie familiale et les multiples restrictions de libertés, dont le prolongement à trois ans de l'assignation à résidence.
Enfin, nous dénonçons les restrictions de l'accueil des étudiants, de la politique des visas et de l'aide au développement, qui porteront atteinte à notre rayonnement - l'ambassadeur de France au Maroc a parlé hier de « gâchis ».
Le texte de la majorité sénatoriale s'aligne consciencieusement, sur tous les sujets, sur les positions du Front national et de Marine Le Pen. (Applaudissements nourris à gauche ; exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP ; M. Loïc Hervé proteste avec énergie.)
Le groupe LR a été emporté par son aile la plus dure et suivi par le groupe centriste sur un texte pourtant peu conforme aux idéaux de celui-ci, avec la complaisance inquiétante du Gouvernement et des sénateurs macronistes. (Applaudissements nourris à gauche ; vives protestations et quelques huées sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur des travées du groupe UC)
Cette dérive se poursuit avec la proposition de loi constitutionnelle de M. Retailleau, qui ne préconise rien de moins que de se soustraire au droit de l'Union européenne, de fixer des quotas par nationalité et d'expulser tout étranger condamné à une peine de prison.
Nous vivons un moment de clarification de la droite française, qui se termine par son naufrage. (Protestations indignées et huées sur les travées du groupe Les Républicains) Nous sommes bien loin de l'héritage du gaullisme et de l'ambition de cohésion que défendait Jacques Chirac ! (M. Roger Karoutchi proteste vivement.)
« Chez Les Républicains, notre faiblesse a été d'abandonner le terrain au RN ; toute recherche de synthèse avec l'autre droite serait contre-nature et vouée à l'échec. Nous incarnons un idéal qui ne saurait être indexé sur les aléas de la vie politique, sinon nous ne serions plus que des opportunistes. » Ces mots sont ceux de Philippe Bas ! (Applaudissements à gauche ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
À la majorité sénatoriale, nous disons : ne vous laissez pas dériver vers la droite extrême. (Nombreuses marques d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP) Au groupe centriste, nous disons : ne passez pas du compromis à la compromission. (Vives protestations sur les travées du groupe UC ; M. Loïc Hervé s'indigne.)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Et Mélenchon ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Votre vision étroite de la France n'est pas la nôtre ! (« Bravo ! » et applaudissements prolongés à gauche ; les sénatrices et sénateurs du groupe SER et plusieurs sénatrices et sénateurs du GEST se lèvent ; M. Ahmed Laouedj et Mme Guylène Pantel applaudissent également.)
M. François-Noël Buffet . - (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur certaines travées des groupes UC et INDEP ; M. Henri Cabanel applaudit également.) Laissons de côté les injures et les caricatures, regardons la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP ; M. Éric Kerrouche proteste.) Les idées, les conceptions finissent toujours par se heurter à la réalité des faits.
M. Bruno Sido. - Eh oui !
M. François-Noël Buffet. - Or le Sénat a, de longue date, largement documenté ces questions, et ses travaux ne sont pas remis en cause. (On le conteste sur certaines travées à gauche.)
La pression migratoire est sans précédent : 316 000 premiers titres en 2022, 400 000 bénéficiaires de l'AME, 900 000 personnes en situation irrégulière sur le territoire selon le ministre de l'intérieur. Les Français constatent que le processus d'intégration est grippé, voire ne fonctionne pas. Les taux d'éloignement ne sont pas bons, chacun le sait. La chaîne de l'asile est au bord de l'implosion : 160 000 demandes attendues l'année prochaine, un délai moyen de traitement de onze mois.
Cette situation s'explique d'abord par l'absence de vision de notre politique migratoire. Tant que nous n'aurons pas déterminé la politique que nous voulons, il n'y aura que des échecs.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Très bien !
M. François-Noël Buffet. - Notre intention a été de fixer dans ce texte une stratégie migratoire claire. C'est dans ce sens que nous l'avons considérablement enrichi, le faisant passer de 27 à 90 articles.
Nous avons défini six piliers : maîtriser l'accès au séjour et lutter contre l'immigration irrégulière ; muscler la politique d'intégration, non pour bloquer les étrangers, mais pour leur intégration rapide à la vie commune (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées des groupes UC et INDEP) ; éloigner les étrangers ne respectant pas nos lois et valeurs ; exécuter les décisions d'éloignement ; rendre plus efficace la politique de l'asile ; perfectionner la réforme du contentieux pour soulager nos magistrats.
Les allocations familiales qui ne pourront plus être perçues qu'après cinq ans sont celles, il faut le préciser, qui sont non contributives.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Encore heureux !
M. François-Noël Buffet. - Nous serions contre l'intégration par le travail ? C'est faux ! Nous voulons que la régularisation des sans-papiers travaillant dans les métiers en tension réponde à des règles. Nous refusons qu'elle soit massive et automatique, ce que prévoyait le projet de loi ; cela aurait constitué un appel d'air considérable. (Protestations à gauche) Les préfets s'assureront notamment de la réalité du travail exercé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP)
Les mesures d'éloignement doivent être fermes.
En somme, nous voulons une immigration choisie. Notre choix, c'est une immigration économique qualitative.
Mme Laurence Rossignol. - Piquer les médecins des pays pauvres, c'est tout ce qui vous intéresse...
M. François-Noël Buffet. - Nous voulons une intégration de qualité par l'apprentissage du français et le respect des valeurs de la République. Nous devons nous donner les moyens d'y parvenir. Pas d'intégration au rabais !
S'agissant de l'immigration irrégulière, c'est, en effet, la tolérance zéro - il faut que cela soit clair. C'est aussi une mesure de justice à l'égard de ceux qui font régulièrement les démarches. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP ; on signale à gauche que l'orateur a dépassé son temps de parole.)
Enfin, il faut protéger la procédure d'asile. (Nombreuses marques d'impatience à gauche)
M. le président. - Il faut conclure.
M. François-Noël Buffet. - Nous devons, évidemment, accorder le statut de réfugié à ceux qui en ont besoin, mais aussi lutter contre les réseaux de voyous qui détournent cette procédure. (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP ; Mmes et MM. les sénatrices et sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent.)
Mme Laurence Rossignol. - Après la copie, voici l'original !
M. Christopher Szczurek . - Madame Rossignol, calmez-vous.
Ce texte est un acte manqué. Tout n'avait pourtant pas si mal commencé, avec la transformation de l'AME en aide médicale d'urgence, mesure plus juste que nous appelons de nos voeux depuis de longues années. (Exclamations à gauche) Aucune personne en urgence vitale ne sera évidemment abandonnée. Je m'insurge contre le dépôt de plainte visant deux de nos collègues médecins, qui témoigne d'une volonté de pression sur les législateurs.
Mme Marie Mercier. - Ne vous donnez pas ce mal !
M. Christopher Szczurek. - À la faveur des tergiversations de la majorité sénatoriale, le péché originel de ce texte est revenu. L'article 4 bis ne sera en rien un frein à l'immigration illégale et au travail clandestin. Quel gâchis !
Ce texte ne rompt donc pas avec les politiques d'incitation à l'immigration. De surcroît, le Gouvernement s'apprête à le caviarder à l'Assemblée nationale, Gérald Darmanin ayant manifesté la volonté de cornaquer le travail des députés.
Le référendum que nous demandons est la seule issue démocratiquement viable sur ce sujet. Les Français soutiennent nos propositions, à commencer par la fin du droit du sol et la priorité nationale. (Exclamations à gauche)
Bainville disait que le peuple français est un composé : mieux qu'une race, une nation. Celle-ci, pour Renan, est le produit d'un regroupement autour de valeurs et d'une volonté communes. Telle est notre vision de la France. Dans ce cadre, l'immigration suppose un consentement mutuel.
Les Français ne sont ni racistes ni xénophobes.
Mme Laurence Rossignol. - Eux, non ; mais vous, si !
M. Christopher Szczurek. - Ils considèrent que nous n'avons plus les moyens d'assumer l'immigration. Il ne s'agit pas d'une haine des autres, mais d'un souci de protéger les nôtres.
Ce matin, six migrants mineurs isolés ont été interpellés à Nice ; l'actualité est cruelle...
Ce texte aurait dû être une démonstration de courage. C'est malheureusement une reculade, comme l'a dit Aurélien Pradié. Nous voterons contre. (MM. Joshua Hochart et Stéphane Ravier applaudissent ; huées sur plusieurs travées à gauche)
M. Pierre-Jean Verzelen . - La lutte contre l'immigration illégale et la politique d'intégration sont devenues, pour beaucoup de Français, synonymes d'échec et d'impuissance. Suradministré et tatillon, l'État paraît démuni et dépassé en matière d'immigration, au point que nous avons le sentiment de ne plus être souverains, plus maîtres de notre destin. Ce paradoxe nourrit les incompréhensions, parfois les colères.
Ce texte régalien, déposé en premier lieu au Sénat, était attendu et nécessaire. Je me félicite que nos débats, parfois houleux, aient toujours été corrects. Chacun peut saluer l'intérêt du ministre pour le travail parlementaire et son implication dans les débats.
Au-delà des convictions et, parfois, des postures, la régulation de l'immigration et l'intégration sont devenues excessivement techniques ; à force de lois, décrets et circulaires, la complexité des règles nuit à la clarté et à la capacité d'agir.
Ce texte comporte des avancées notables. D'abord, il renforce la lutte contre les passeurs, les marchands de sommeil et les patrons voyous.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Pierre-Jean Verzelen. - Ensuite, un consensus s'est dégagé sur un débat annuel au Parlement, une bonne nouvelle. Ce sera l'occasion de déterminer les quotas correspondant aux besoins de notre société.
Les Français attendent plus de fermeté, et on les comprend. À cet égard, les étrangers menaçant gravement l'ordre public ou condamnés pour violences pourront être expulsés. Les délinquants étrangers n'ont pas leur place sur notre territoire.
Souvent, du fait de tous les recours, il faut trois ans pour déterminer si un étranger peut ou non rester en France ; le texte réduira significativement ce délai.
Il n'existe pas de droit opposable au séjour. Le contrôle du territoire et de la population est constitutif de la souveraineté. Nous ne devons pas nous en départir.
Le compromis trouvé sur la régularisation des travailleurs dans les métiers en tensions nous convient. La démarche ne dépendra plus du bon vouloir de l'employeur, un contrôle sera exercé par les préfets. Toutes les parties prenantes de l'accord estiment avoir eu gain de cause : c'est sans doute que l'accord est bon...
Mme Laurence Rossignol. - C'est plutôt qu'ils mentent tous !
M. Pierre-Jean Verzelen. - La régularisation et l'accueil ne peuvent se faire au détriment de la cohésion nationale. Notre priorité doit être de réussir l'intégration, après l'avoir bien longtemps loupée...
L'étranger qui arrive en France devra s'engager à respecter les valeurs de notre République : liberté d'expression, égalité entre les femmes et les hommes. Il faudra veiller à l'application des sanctions en cas de non-respect.
S'agissant de l'apprentissage de notre langue, l'obligation de réussite à l'examen n'est pas un obstacle, mais la condition de l'intégration. « Ma patrie, c'est la langue française », disait Camus. La langue est la pierre angulaire de l'intégration. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Olivier Paccaud. - Très bien !
M. Pierre-Jean Verzelen. - Ce projet de loi s'inscrit dans un espace européen, dont la maîtrise des frontières extérieures est essentielle. Je salue le travail de Frontex, dont les moyens ont été accrus et doivent l'être davantage encore.
Les crises d'aujourd'hui - guerres, famines, réchauffement climatique démographie - nourrissent les migrations de demain. Les liens diplomatiques et économiques avec les pays d'émigration sont un enjeu majeur.
On entend que ce texte sera détricoté à l'Assemblée nationale, que les compteurs seront remis à zéro. Monsieur le ministre, nous vous demandons de veiller à ce que le résultat de notre travail approfondi soit respecté. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains) L'ensemble du groupe INDEP votera le texte. (Applaudissements sur les mêmes travées)
Mme Isabelle Florennes . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) Au début de l'examen de ce texte, nous craignions de ne pas parvenir à un accord. La discussion a été riche en commission puis en séance. Nous sommes satisfaits d'adopter un texte sur un sujet de cette importance. Notre assemblée aura fait oeuvre utile.
Depuis son dépôt, le texte s'est étoffé d'un nombre assez inhabituel d'articles. Preuve que sa version initiale présentait plusieurs manques. Je pense notamment au regroupement familial et au contrôle de l'immigration étudiante.
Nous aurions voulu aller plus loin sur les mineurs non accompagnés, sujet brûlant, mais nos amendements ont été frappés par l'article 40.
Nous nous réjouissons de la tenue d'un débat annuel au Parlement pour fixer les effectifs de chaque catégorie de séjour, sauf l'asile.
À la lumière de l'attentat d'Arras, je me réjouis de la levée facilitée des protections contre l'expulsion et l'interdiction de territoire.
Nous avons rétabli en séance l'obligation pour un employeur de prendre en charge les frais d'apprentissage du français.
Certaines mesures ont suscité des doutes ou des réticences au sein de notre groupe. Ainsi du délai de cinq ans pour l'accès aux prestations sociales non contributives, contre six mois actuellement.
La modification de l'AME a provoqué certaines réactions. Ce débat se poursuivra à l'Assemblée nationale et en CMP. Soyons honnêtes : il y a une part de mauvaise foi chez ceux qui annoncent de façon tonitruante la suppression de l'AME comme chez ceux qui s'indignent d'une prétendue inhumanité de l'AMU. Un compromis n'est pas une compromission. Il faut, des deux côtés, revenir à plus de sérénité. (Applaudissement sur les travées du groupe UC, sur des travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Nous saluons l'accord au sein de la majorité sénatoriale sur les métiers en tension. Personne ne voulait, ni au groupe LR ni au groupe UC, d'un droit opposable à la régularisation. Je félicite les rapporteurs et le président de la commission pour ce compromis pragmatique qui prouve l'utilité du travail au Sénat.
Une question est dans toutes les têtes : que va-t-il se passer maintenant ? J'espère, monsieur le ministre, que vous avez bien profité de cette semaine d'échauffement minutieux : car j'ai bien peur que les débats au Palais Bourbon soient plus acrimonieux... Nous serons à l'écoute des députés, mais pourrons difficilement transiger sur certains points. Nous conservons l'espoir qu'un dialogue constructif sera possible en CMP, si les apports du Sénat ne sont pas systématiquement remis en cause.
Nous voterons très majoritairement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Le parcours chaotique de ce texte et ses débats erratiques feront date. Travaillé partiellement en février, sorti de l'ordre du jour au printemps, il est revenu à l'automne tel que voté par la commission, malgré les déclarations du Président de la République. Nos discussions n'ont pas été à la hauteur. (M. Marc-Philippe Daubresse proteste.)
Il est indispensable d'intégrer les étrangers qui continueront à arriver, malgré toutes les barrières. Mais votre déni, qui aboutit à des mesures toujours plus répressives et qui freinent la régularisation, l'arrivée et l'intégration des migrants, montre une vision séparatiste de notre société !
M. Marc-Philippe Daubresse. - Vous êtes un orfèvre en la matière !
M. Guy Benarroche. - D'un côté, certains cherchent à se démarquer de la majorité présidentielle, se déplaçant sur leur droite, sans complexe. De l'autre, le Gouvernement, par peur de paraître moins disant, a donné des avis favorables, par exemple pour rétablir le délit de séjour irrégulier ou pour restreindre le regroupement familial. Vous avez aggravé un texte déjà exagérément sécuritaire.
Les deux camps revendiquent une victoire politique, sur le dos des migrants et de nos valeurs. Même les centristes revendiquent une victoire sur un article 3 renommé et vidé de sa substance. (Protestations sur quelques travées du groupe UC) Oubliée, la possibilité de travail immédiat pour les demandeurs d'asile.
L'accès au travail, c'est l'autonomisation et l'intégration. Vous ne pouvez accepter ces abandons cyniques ! Déséquilibré, le texte est devenu un infâme repoussoir.
Les étrangers sont sacrifiés aux rapports de force politiques. Cette gestion outrancière ne profite à personne - sinon à une certaine frange politique. Les amendements identiques à ceux de l'extrême droite le démontrent.
La société n'en sortira pas indemne. La xénophobie est une haine de l'autre. Contre tous les racismes et discriminations, notre lutte doit être sans connivence, calculs ni arrière-pensées. Peut-être un futur référendum écartera-t-il les pauvres Anglais propriétaires, exemptés de visas, des aléas techniques... mais pourquoi eux seuls ? Il est insupportable de créer des catégories de bons étrangers, de bons travailleurs !
Ces marqueurs électoralistes reposent sur l'idée que l'étranger est un danger, une charge : quant au prétendu « appel d'air », il n'a jamais été démontré. Vous préférez la légende et la croyance à l'analyse, à l'humanité, à la réalité !
M. Loïc Hervé. - Il ne faut peut-être pas exagérer !
M. Guy Benarroche. - L'inflation législative va placer des gens en situation irrégulière. Cessons de précariser les étrangers !
Mais la majorité sénatoriale préfère voter la suppression de l'AME.
M. Stéphane Ravier. - Bravo !
M. Guy Benarroche. - Le Gouvernement, qui l'avait défendue, l'a abandonnée en rase campagne.
M. Xavier Iacovelli. - Ce n'est pas le Gouvernement qui vote !
M. Guy Benarroche. - Pourtant, les Français soutiennent l'AME, les professionnels soutiennent l'AME ! Mais le rapporteur joue sur des arguments d'une bassesse rare. (Quelques protestations à droite) Nous, écologistes, pensons que les citoyens sont dotés de fraternité, et qu'ils savent que dégrader les conditions de certains n'améliorera pas celle des autres.
La suppression des articles 3 et 4 a enterré l'équilibre, déjà précaire, du texte initial, vite jeté aux oubliettes par le Gouvernement, en faveur d'une vision toujours plus répressive. Le bon travailleur intégré restera à la merci de son employeur et soumis à l'arbitraire du préfet. Toujours plus d'automaticité pour les sanctions, aucune pour les régularisations ou le droit au travail des demandeurs d'asile. Même la collégialité du recours à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) disparait.
Quid des réfugiés climatiques, alors que l'Australie offre l'asile aux habitants des Tuvalu ? (M. le ministre manifeste son étonnement.) Ce ne serait pas le bon véhicule législatif, dites-vous - mais cela ne vous a pas empêché de parler nationalité, en compliquant son accès même pour ceux qui sont nés ici ! Quelle conception rabougrie de l'apport des étrangers, quelle ostracisation ! Oubliée, leur participation à notre société, à notre développement, à notre histoire !
Le bouc-émissaire est revenu pour cliver, signe d'une dérive que nous ne saurions accompagner. Notre groupe rejette avec force ce texte indigne. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE-K)
Scrutin public solennel
M. le président. - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
Voici le résultat du scrutin n°43 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l'adoption | 210 |
Contre | 115 |
Le projet de loi est adopté.
(Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Olivier Bitz applaudit également ; huées à gauche ; les sénateurs du GEST frappent leur pupitre.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Je remercie les équipes du Gouvernement et du Sénat pour cette semaine de travail. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.) J'espère que nos travaux ont été à la hauteur de ce que la Haute Assemblée attendait du ministre de l'intérieur.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Non !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Les désaccords avec la commission n'ont pas empêché d'avancer, j'en remercie le président et les rapporteurs.
Les médias ne reprennent pas la teneur de nos débats : le Sénat a adopté des amendements émanant de toutes les travées, M. Brossat a eu l'honnêteté de le reconnaître. (On ironise sur les travées du groupe SER et du GEST.) Vous avez le droit d'être contre ce texte, mais pas de le caricaturer.
Il y a un an, six mois, même quinze jours, bien peu auraient parié sur l'adoption d'un texte, certes modifié par la commission - et comprenant des mesures de régularisation. Je m'en félicite, alors que seuls une quarantaine de sénateurs soutiennent le Gouvernement a priori.
J'espère une CMP conclusive, dans l'intérêt, non du Gouvernement, mais des Français : fermeté contre les délinquants, intégration, simplification des procédures, tel est notre projet de loi.
Le Président de la République est le premier à avoir voulu sortir les mineurs des centres de rétention administrative (CRA). Jamais la gauche ne l'a proposé, en cinquante ans ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, sur quelques travées du groupe Les Républicains ; protestations à gauche) Idem pour l'apprentissage du français sur le temps de travail ! (Mêmes mouvements) Idem pour la gratuité des cours, sur un amendement du groupe CRCE-K ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Clemenceau disait que l'on repère les discours de M. Jaurès à ceci que les verbes sont toujours au futur. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
M. le président. - Je remercie à mon tour la commission des lois, ses rapporteurs, les services et l'ensemble des collègues.
La séance est suspendue à 15 h 45.
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
La séance reprend à 16 heures.