Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Modification de l'ordre du jour

Commissions permanentes (Nominations)

CMP (Nominations)

Accords en CMP

Rappel au Règlement

Accession à la propriété

Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

M. Alain Marc

Mme Amel Gacquerre

M. Yannick Jadot

Mme Marianne Margaté

Mme Annick Girardin

M. Bernard Buis

Mme Viviane Artigalas

M. Max Brisson

M. Guislain Cambier

M. Denis Bouad

M. Laurent Duplomb

M. Rémi Cardon

Mme Martine Berthet

Mme Sylviane Noël

Mme Marie-Claire Carrère-Gée

M. Jean-Claude Anglars

M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains

Attribution des logements sociaux

Discussion générale

Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

M. Pierre Médevielle

Mme Amel Gacquerre

M. Yannick Jadot

M. Fabien Gay

M. Henri Cabanel

M. Bernard Buis

Mme Viviane Artigalas

Mme Laurence Garnier

M. Joshua Hochart

M. Denis Bouad

M. Jean-Raymond Hugonet

M. André Reichardt

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Stéphane Ravier

M. Daniel Salmon

M. Henri Cabanel

Mme Sophie Primas

M. Fabien Gay

M. Yannick Jadot

Mme Viviane Artigalas

Mme Amel Gacquerre

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur

Sécurité des élus locaux et protection des maires (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Mme Françoise Gatel

M. Guy Benarroche

Mme Cécile Cukierman

Mme Maryse Carrère

Mme Patricia Schillinger

M. Hussein Bourgi

Mme Nadine Bellurot

M. Stéphane Ravier

Mme Laure Darcos

Mme Anne Chain-Larché

M. Cyril Pellevat

M. Jean-Marc Boyer

Discussion des articles

AVANT L'ARTICLE 1er

ARTICLE 1er

Mme Karine Daniel

Mme Olivia Richard

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Simon Uzenat

Mme Cécile Cukierman

M. François Bonhomme

M. Olivier Paccaud

ARTICLE 3

M. Jean-François Longeot

M. Ahmed Laouedj

Mme Cécile Cukierman

M. Hussein Bourgi

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois

ARTICLE 4

ARTICLE 9

ARTICLE 10

ARTICLE 12

M. Jean-Baptiste Lemoyne

ARTICLE 13

ARTICLE 14

Vote sur l'ensemble

M. Éric Kerrouche

Mme Cécile Cukierman

M. Hussein Bourgi

Mme Maryse Carrère

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois

Ordre du jour du mercredi 11 octobre 2023




SÉANCE

du mardi 10 octobre 2023

4e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Mathieu Darnaud,vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Marie-Pierre Richer.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Demain, au début des questions d'actualité au Gouvernement, notre président rendra hommage aux victimes du Hamas.

Par ailleurs, nous avons appris avec tristesse le décès de Victoire Jasmin qui siégeait encore il y a peu avec nous. M. le président du Sénat lui rendra également hommage demain.

Les conclusions de la Conférence des Présidents sont adoptées.

Commissions permanentes (Nominations)

M. le président.  - Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires sociales. Le groupe Union Centriste a présenté une candidature pour siéger au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Les candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Accords en CMP

M. le président.  - Les commissions mixtes paritaires (CMP) chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 ainsi que sur le projet de loi relatif à l'industrie verte sont chacune parvenues à l'adoption d'un texte commun.

Rappel au Règlement

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Je souhaite rappeler aux membres du Gouvernement leur obligation de répondre aux questions du Sénat (M. Loïc Hervé renchérit), et notamment d'être présents lors de l'examen des textes de loi. Le nouveau ministre du logement, qui accordait une interview au Monde il y a trois jours, est absent cet après-midi, ayant préféré accompagner le Président de la République à Hambourg. Or nous débattons de l'accession à la propriété et examinerons ensuite une proposition de loi pour mettre les maires au coeur de l'attribution des logements sociaux. Espérons que ce déplacement en Allemagne lui ouvrira les yeux sur les résultats désastreux de la politique de vente massive de logements sociaux à des investisseurs institutionnels -  que nous dénonçons depuis 2017. Notre pays doit changer de cap, pour répondre à une crise du logement sans précédent. (Applaudissements)

Accession à la propriété

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'accession à la propriété, à la demande du groupe Les Républicains.

Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.) Notre groupe a souhaité donner un signal fort, dès la reprise de nos travaux, en abordant la crise du logement. L'accession à la propriété est le rêve de la plupart de nos concitoyens. Rêve légitime, n'en déplaise à une certaine écologie punitive et collectiviste : chacun aspire à garantir un toit à sa famille - ce qui n'est pas sans lien avec la crise de la natalité.

Nos concitoyens aspirent également à cette sécurité protectrice pour leurs vieux jours. Être propriétaire de son logement est un atout pour maintenir son niveau de vie une fois à la retraite. C'est aussi une réponse aux difficultés de la jeunesse : les Français veulent pouvoir transmettre un capital à leurs enfants et petits-enfants.

Or ce rêve est de plus en plus difficile à concrétiser, avec des conséquences sur toute la chaîne du logement. Alors qu'il était en augmentation continue depuis les années 1970, le ratio de propriétaires - 57,7 % en 2022 - stagne depuis 2010. Les conséquences durables de la crise de 2008, la hausse continue des prix immobiliers et une politique de taux bas expliquent ces difficultés. S'y sont ajoutées, depuis le début de la guerre en Ukraine, l'inflation et la hausse brutale des taux d'intérêt, alors que les prix amorcent à peine une baisse.

Le marché connaît des tensions structurelles, notamment dans les grandes villes : il est de plus en plus difficile de construire ou de densifier l'existant, notamment en raison du zéro artificialisation nette (ZAN).

C'est une question macroéconomique, mais aussi sociale et politique : l'ascenseur social est bloqué et les Français ont un sentiment de déclassement. Impossible de reproduire le parcours des parents ou grands-parents, qui ont pu devenir propriétaires grâce au fruit de leur travail. De fait, 79 % des propriétaires occupants ont une maison ; leur moyenne d'âge est de 60 ans.

Le blocage de l'accession à la propriété a des répercussions en chaîne sur le parcours résidentiel : les ménages ne quittent plus leur logement locatif et la mobilité dans le parc social a fortement diminué dans les zones tendues.

L'accroissement sans limite du parc social - qui accueille déjà 17,7 % des ménages - ne peut constituer l'unique réponse. L'accession à la propriété, aujourd'hui menacée, doit être relancée.

Les jeunes, privilégiant l'usage ou le partage, n'aspireraient plus à être propriétaires ? J'en doute. Le recul de l'âge de la décohabitation témoigne des difficultés économiques de notre jeunesse.

Certains voudraient assimiler accession à la propriété et étalement urbain - ce qui a conduit aux résultats plus que décevants du Conseil national de la refondation (CNR) et justifié de nouvelles coupes budgétaires dans les aides au logement. Personne n'est dupe ! Le « recentrage » du prêt à taux zéro (PTZ) porte un coup direct à la capacité d'accession à la propriété de très nombreux ménages. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

Souvenons-nous de nos efforts, en 2017, pour maintenir l'aide personnelle au logement (APL)-accession... Quel dommage pour les ménages qui ne bénéficient plus de ce coup de pouce !

Voici quelques pistes pour promouvoir l'accession à la propriété. Les intérêts d'emprunt pour la première acquisition doivent être déductibles, au moins partiellement. Ne faudrait-il pas aussi encourager à nouveau la transmission précoce du patrimoine pour permettre l'acquisition de la résidence principale ? (M. Louis-Jean de Nicolaÿ applaudit.)

Ne pas aborder cette crise, c'est risquer de détricoter durablement notre pacte social. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Je tiens à excuser Patrice Vergriete, qui accompagne le Président de la République en Allemagne.

Le Gouvernement est pleinement conscient de la crise immobilière des ventes, qui bloque le parcours résidentiel de nombreux ménages.

L'accession à la propriété se heurte à la hausse des taux d'intérêt, multipliés par trois ou quatre, alors que les prix ne diminuent pas encore. Conséquence : l'accès à un logement locatif est rendu plus difficile pour les nouveaux entrants, en particulier les étudiants et les jeunes actifs.

Le Gouvernement envisage plusieurs mesures, sans avoir de remède miracle.

Nous devons intervenir sur tous les segments de l'offre - dont l'accession à la propriété -, selon quatre axes.

D'abord, en facilitant l'accès au crédit. En France, il reste accessible, avec 70 000 ménages bénéficiaires chaque mois, pour un encours de 11 milliards d'euros - un niveau élevé, même s'il a baissé de moitié par rapport à la période 2019-2022. Le nombre de dossiers déposés auprès des banques a diminué de près de 40 %, car les acheteurs attendent la baisse des prix...

Le Gouvernement travaille avec les banques pour stimuler la production de crédit à l'habitat : le taux de l'usure a été mensualisé ; certaines dérogations aux règles en vigueur sur la durée maximale d'endettement ou le taux d'endettement maximal ont été autorisées ; des dispositifs innovants permettant de réduire la charge financière qui pèse sur les ménages - remboursement in fine, démembrement, accession progressive à la propriété - sont à l'étude.

Le Gouvernement agit également via le PTZ, qui sera élargi dans les zones où le logement neuf est le plus cher. Il sera notamment maintenu pour toute accession sociale neuve, et le prochain projet de loi de finances doublera la quotité pour la vente d'un logement social. Dès 2024, le montant d'emprunt gratuit sera ainsi deux fois plus élevé.

Le Gouvernement souhaite également dynamiser le bail réel solidaire (BRS), créé par la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), et qui a fait ses preuves : 1 000 logements ont été construits, 11 500 sont à venir et 150 offices fonciers ont vu le jour. Les collectivités s'en sont saisies dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Un prochain arrêté augmentera le nombre de ménages éligibles ; un plan global simplifiera la réglementation et améliorera l'information.

Enfin, nous donnons des outils aux collectivités locales pour réguler leur parc de logement. À l'occasion d'un prochain débat sur la fiscalité locative à l'Assemblée nationale, j'espère trouver un consensus pour favoriser la location de longue durée, notamment en régulant le nombre de résidences secondaires accueillant de la location touristique de courte durée, via des compensations par exemple. Nous irons plus loin, afin de concrétiser les annonces du 18 juillet dernier.

Nous apportons donc des réponses variées pour faciliter l'accès à la propriété, et plus largement à une résidence principale. Elles sont complémentaires d'autres travaux en cours pour soutenir la production de logements et accompagner l'offre de logement dans les territoires en réindustrialisation ou en redynamisation. (M. Bernard Buis applaudit.)

M. Alain Marc .  - Pour de nombreux concitoyens, l'accession à la propriété est synonyme de sécurité matérielle. C'est un investissement rentable en prévision de la retraite, un moyen de se constituer un patrimoine réputé sûr et transmissible. Or les jeunes actifs ne sont plus en mesure d'accéder à la propriété dans les territoires qui les ont vus naître. En cause, l'augmentation du coût des matériaux, du foncier et des taux d'intérêt.

Le mois dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a de nouveau relevé ses taux directeurs : le prix du crédit continue à augmenter. Le ZAN est un obstacle supplémentaire et le nombre de mises en chantier dans le neuf s'effondre.

L'accès à la propriété connaît une crise sans précédent. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour relancer la construction et faire en sorte que chacun ait accès à la propriété ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous partageons votre diagnostic et agissons pour relancer la production de logements.

Au-delà des mesures que j'ai déjà détaillées, nous avons signé avec le mouvement HLM un accord sur des prêts bonifiés à hauteur de 8 milliards d'euros sur trois ans pour la construction de logements locatifs très sociaux.

Avec la fin du dispositif Pinel, coûteux et inefficace, nous allons accroître le nombre de logements intermédiaires, en élargissant le périmètre des communes éligibles.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Nous parlons d'accession à la propriété !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je vous ai répondu dans ma déclaration liminaire, madame la sénatrice ; j'apporte des compléments.

M. Alain Marc.  - Toutes les actions pour favoriser l'accès à la propriété, notamment en milieu rural, seront les bienvenues.

Mme Amel Gacquerre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Mme la ministre annonce un arsenal de mesures techniques, or ce sujet est éminemment politique. Devenir propriétaire est un rêve pour de nombreux Français. C'est un moteur de progression sociale. Or depuis 2010, la part des Français propriétaires de leur logement stagne à 57 %.

Le Gouvernement se dit favorable à l'accession à la propriété, mais sa politique provoque tout l'inverse : difficultés d'accès au crédit, mise en extinction de dispositifs, explosion du prix de la pierre, raréfaction du foncier...

Quelles sont vos véritables intentions ? Quelle est votre vision ? Êtes-vous réellement favorables à une France de propriétaires ? Quid des ménages les plus modestes ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Oui, c'est un sujet social, économique et politique complexe, dont les différents aspects sont imbriqués. Nous subissons diverses difficultés conjoncturelles : hausse des taux d'intérêt, rareté du foncier, etc.

L'élargissement du PTZ aidera les classes moyennes à acquérir un logement dans les zones tendues. Les prix dépassent 6 000 euros du mètre carré en Île-de-France, en région Paca ou dans certaines zones frontalières... Cela rend les choses difficiles.

Certaines collectivités imposent aux promoteurs de consacrer une partie de leurs programmes à des logements en accession à prix maîtrisé ou abordable. Le prêt social location-accession (PSLA) entre dans le cadre de la loi SRU : c'est aussi de l'accession à la propriété.

Mme Amel Gacquerre.  - Vous tombez toujours dans le même travers : je vous demande vos orientations politiques, vous me répondez technique. Quelle France de propriétaires voulez-vous : 60 ou 80 % de propriétaires dans dix ans ? Nous ne sommes pas rassurés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Yannick Jadot .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER) Le logement connaît une crise historique, résultat du fiasco de votre gouvernement depuis six ans : 30 % de construction de logements neufs en moins cette année, avec 90 000 logements construits, contre 125 000 à l'époque. Je pense aussi aux 10 milliards d'euros pris sur Action Logement.

Or il y a des élus locaux qui font bien leur boulot !

Mme Sophie Primas.  - Beaucoup !

M. Yannick Jadot.  - La ville de Lyon planifie 1 000 BRS par an. (Marques d'ironie sur les travées du centre et de la droite) Comment la Banque des territoires va-t-elle massifier ses financements en direction des offices fonciers ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je ne répondrai pas à votre prise de parole politique sur le même ton : je serai précise.

Vous accusez le Gouvernement, mais qui a instauré le BRS ? C'est notre gouvernement !

Plusieurs voix sur les travées du groupe SER.  - Non, c'était en 2015 !

M. Patrick Kanner.  - C'était un gouvernement socialiste !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Dans les zones tendues, le BRS est très utile et la Banque des territoires joue déjà son rôle puisqu'elle est actionnaire de tous les offices fonciers.

Peut-être voudriez-vous que l'État dicte aux collectivités territoriales leur action ? (M. Yannick Jadot fait non de la tête.) Ce serait contraire à la libre administration des collectivités territoriales. Nous sommes là pour poser le diagnostic et proposer des outils, et nous y travaillons assidûment.

M. Yannick Jadot.  - Vous prétendez répondre techniquement. Je n'ai pourtant pas entendu un seul chiffre sur le budget de la Banque des territoires pour atteindre 40 000 BRS par an...

Aujourd'hui, c'est la journée nationale de lutte contre le sans-abrisme. De nombreuses villes ont déposé plainte contre l'État qui ne remplit pas ses obligations en matière d'accueil d'urgence. Quelque 330 000 sans-abri sont bien loin de l'accession à la propriété... Paris, Grenoble, Lyon (marques d'impatience à droite), Bordeaux et Rennes attendent que l'État fasse son travail ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Les offices fonciers sont portés par les collectivités territoriales. La Banque des territoires les finance massivement. Elle est parfaitement efficace, à condition que les collectivités territoriales se saisissent de ces outils.

M. Yannick Jadot.  - J'aurais aimé une réponse sur nos 330 000 concitoyens qui sont sans abri.

Mme Marianne Margaté .  - Je me réjouis que le grave problème du logement ouvre notre session parlementaire : 2,4 millions de personnes sont en attente d'un logement social, 4 millions souffrent de mal-logement, 330 000 sont sans abri. En théorie, faciliter l'accès à la propriété, c'est libérer des logements locatifs et des places d'hébergement. Mais c'est la théorie, car la propriété reste un rêve lointain.

Parmi les causes, il y a les bas salaires. Nos concitoyens sont nombreux à ne pas pouvoir terminer le mois : alors comment voulez-vous qu'ils épargnent et investissent ?

Le prix du foncier est le premier facteur du coût exorbitant du logement. Des solutions existent, comme le BRS. Mais il faut aussi lutter contre la spéculation, sinon les inégalités se creusent. L'héritage d'un patrimoine est le meilleur moyen de devenir propriétaire, sans parler des multipropriétaires...

Que comptez-vous faire pour lutter contre la spéculation immobilière afin de garantir le respect du droit au logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-Kanaky et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Les établissements publics fonciers locaux (EPFL) et les établissements publics fonciers de l'État (EPFE) favorisent la maîtrise du foncier et la lutte contre l'inflation de son prix. Nous partageons le constat et nous connaissons les outils pour favoriser l'accession à la propriété.

Mme Annick Girardin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La pénurie de logements est une bombe sociale. Les blocages sont connus : nombre de logements locatifs sociaux et privés insuffisant, panne de l'accession à la propriété, taux d'intérêt élevés... Pourtant, l'habitat est l'une des conditions d'une vie digne. Le plein logement, comme le plein-emploi, doit être une priorité.

Nous sommes attachés au droit au logement comme au droit à la propriété, car c'est grâce à l'alliance des travailleurs et des petits propriétaires que notre République sociale a émergé.

Des solutions existent : le PSLA, le BRS, l'aide à l'accession sociale à la propriété et à la sortie de l'insalubrité dans les outre-mer, etc. Mais la situation ne s'améliore pas.

Le Gouvernement vient de décider du relèvement des plafonds de revenu des ménages éligibles et de l'élargissement du PTZ.

Comment faciliter le déploiement massif et urgent du BRS, tant outre-mer que dans l'Hexagone ? (Quelques marques d'impatience, l'oratrice ayant épuisé son temps de parole)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Oui, les solutions existent. Le mouvement HLM réalise 14 000 logements en accession sociale chaque année. Le BRS connaît aussi un réel engouement : laissez le temps aux collectivités territoriales de se l'approprier. Un agrément a été accordé à plus de 100 organismes fonciers solidaires. Certains projets doivent comporter un quota minimal de BRS. Nous soutiendrons le développement de ce produit abordable et non spéculatif.

M. Bernard Buis .  - Les crises s'accumulent, et le logement n'y échappe pas. Pourtant, l'accès à la propriété doit rester une liberté pour les Français.

Je vois deux solutions : le PTZ et le BRS, qui seront prochainement modifiés si l'on en croit les déclarations du ministre dans la presse.

Dans quelle mesure les conditions d'accès au PTZ seront-elles modifiées et pour quelles communes ?

Le BRS permet à des ménages modestes d'accéder à un logement en zone tendue, grâce à la dissociation du bâti et du terrain. Comment accompagner les communes pour le développer ?

Quelles autres solutions pourraient-elles être envisagées ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Voici quelques chiffres qui auraient pu répondre aux attentes du sénateur Jadot, qui malheureusement nous a quittés... Nous entendons atteindre 40 000 PTZ en 2024. L'arrêté de zonage a permis d'inscrire 154 communes supplémentaires en zone tendue et de faire passer 55 communes de la zone B1 à la zone A - cela représente cinq millions d'habitants.

De nombreuses collectivités introduisent des quotas de BRS dans leurs programmes de logements neufs. Les services déconcentrés de l'État promeuvent les 150 organismes de foncier solidaire (OFS) et les associations régionales de bailleurs sociaux sont aussi à la disposition des élus pour les aider à monter des opérations innovantes.

Le Gouvernement lancera un plan pour développer les BRS, tout en laissant la liberté aux collectivités territoriales.

Mme Viviane Artigalas .  - L'accession à la propriété est particulièrement complexe dans les zones touristiques, où les jeunes ménages n'ont plus les moyens de se loger dans leur région d'origine ou à proximité de leur lieu de travail.

Le BRS - créé non pas en 2018, comme vous l'avez dit, madame la ministre, mais en 2015 - a plusieurs avantages. La dissociation entre le foncier et le bâti représente entre 20 et 40 % d'économies. En outre, le bien acheté ne peut être utilisé qu'en résidence principale et ne peut pas changer de destination. Mais, point négatif, ce dispositif ne concerne que les zones tendues. Certes le zonage a été élargi, mais dans les Hautes-Pyrénées cela ne représente que 27 communes sur 469. Est-il envisagé de l'étendre au-delà des zones tendues ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Oui, le BRS permet de faire des économies. Vous parlez d'un point négatif, le financement ; mais il n'est pas particulier au BRS. Sur l'extension du BRS, échangeons, discutons, notamment dans le cadre du prochain PLF.

Certes, des communes n'ont pas accès aux financements. Nous avons fait le choix d'élargir significativement et je ne suis pas favorable à de nouvelles évolutions. Patrice Vergriete ne manquera cependant pas de prendre votre attache.

Mme Viviane Artigalas.  - Les critères des zones tendues sont trop restrictifs face à la crise que nous connaissons.

La tension est partout, y compris dans les communes en périphérie de zones touristiques. Il y a un réel problème de logement en France. Les chiffres de Français en attente de logement n'ont jamais été aussi élevés. Le BRS permettrait d'y remédier, tout comme la relance de la construction de logements sociaux.

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En zone touristique tendue, l'accès à la propriété par le biais des BRS est une solution qui permet aux collectivités territoriales d'agir. Or le développement exponentiel des résidences secondaires rend très difficile la maîtrise du foncier par les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales. La raréfaction du foncier se répercute directement sur l'accès à la propriété des classes moyennes et des jeunes ménages. Cause principale : la rentabilité. Le coût d'achat élevé est en effet rapidement amorti par la location saisonnière via des plateformes numériques, au détriment de la location à l'année.

Pourquoi ne pas supprimer les abattements fiscaux sur la location de meublés touristiques, notamment pour les multipropriétaires ? Pourquoi ne pas assujettir à la TVA le produit de ces locations saisonnières à partir d'un certain seuil ? Enfin, ne faudrait-il pas autoriser les communes à décorréler la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) de la taxe foncière ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous sommes en phase sur l'objectif : favoriser l'accès à la propriété pour nos jeunes.

Pourquoi se limiter aux zones tendues ? Parce que le foncier y est deux ou trois fois plus cher. (Mme Dominique Estrosi Sassone s'indigne.)

Le travail sur la fiscalité est en cours, entre Bercy, MM. Vergriete, Béchu et moi-même. Nous verrons avec vous comment revoir la fiscalité qui pourrait s'appliquer aux différentes catégories de logements dans le cadre du PLF.

M. Max Brisson.  - Nous sommes en phase, dites-vous ? Le Sénat a voté trois amendements l'année dernière dont le ministère des comptes publics avait dit tout l'intérêt, mais le 49.3 les a fait sauter lors de l'adoption du projet de loi de finances. Vos paroles ne sont pas conformes à vos actes. (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guislain Cambier .  - Sans foncier, pas de politique du logement. Or sa raréfaction doit nous inciter à penser autrement notre politique d'accession à la propriété et au logement.

Quelles sont nos options ?

Nous devons investir massivement dans la rénovation énergétique, mais nous ne sommes pas encore à la hauteur du défi : seuls 10 % des dossiers déposés concernent des rénovations globales. Les ambitions annoncées par le Président de la République sont encourageantes, mais nous attendons les actes.

Nous devons aussi bâtir autrement. Malheureusement, nous faisons face à une crise sans précédent dans le logement neuf, avec une diminution de 30 % entre 2022 et 2023.

Enfin, nous devons lutter contre l'explosion du prix du foncier. Les Français les plus modestes doivent pouvoir accéder à la propriété, c'est un enjeu de justice sociale majeur. Comment comptez-vous rendre le foncier accessible à tous et bâtir une politique d'accession à la propriété digne de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous consacrons près de 5 milliards d'euros à la rénovation du parc existant.

Vous nous demandez une politique plus claire : tous nos outils sont là, ils sont clairs et lisibles. Rénovation et construction marchent ensemble. Il faut encourager le logement libre comme le logement social. Le diagnostic est posé, les solutions existent, même si elles ne sont pas parfaites. Vous voulez faire autrement, j'y suis prête, mais que proposez-vous ?

M. Guislain Cambier.  - Vos réponses sont techniques et fragmentées. Or nous avons besoin d'une vision politique globale. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je n'avais pas repris votre sémantique, selon laquelle notre politique est fragmentée. Si nous favorisions l'un de nos outils au détriment d'un autre, nous ferions montre de dogmatisme. Non, nous entendons agir sur tous les plans ! Oui notre politique vous semble fragmentée, car nos outils sont adaptés aux acteurs du logement et à leurs politiques. Non, notre politique n'est ni fragmentée ni dogmatique : elle sert le logement sous toutes ses formes.

M. Guislain Cambier.  - Il faut savoir lire les chiffres. La crise du logement est réelle, nous sommes tous d'accord. Or elle ne fait qu'empirer. Les réponses sont trop ponctuelles. Amel Gacquerre vous a interpellée sur l'ambition d'une France de propriétaires. Où placez-vous le curseur ? Quelle est votre vision de long terme ? (Mme Amel Gacquerre acquiesce.)

M. Denis Bouad .  - J'ai connu une époque où la notion de parcours résidentiel avait un sens : un jeune travailleur prenait son indépendance dans le parc locatif, déménageait souvent dans un logement plus grand, puis devenait propriétaire.

C'est désormais moins évident, et bien des entrées dans le parc social sont définitives. Certains ne peuvent acheter dans leur propre commune. En quarante ans, le taux de propriétaires a été divisé par deux chez les jeunes ménages modestes, d'où des interrogations sur l'identité des villages, mais aussi sur l'avenir des effectifs scolaires.

Développons les outils d'accession sociale à la propriété comme le PTZ, le BRS ou le prêt locatif social (PLS). Mais en vingt ans, les prix ont été multipliés par 2,5, alors que les coûts de construction n'ont augmenté que de 50 %. C'est bien la spéculation qui empêche l'accession à la propriété. Contre cela, quelles mesures structurantes envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nos outils visent à lutter contre la spéculation là où elle se trouve. Chaque mois, 70 000 crédits sont accordés : 30 % à des primo-accédants, 30 % à ceux qui déménagent, 20 % à des investisseurs locatifs.

Le PTZ sera étendu dans les zones tendues et maintenu dans les zones détendues, pour les logements anciens. Parallèlement, nous souhaitons mieux rénover les logements : le PLF pour 2024 renforce MaPrimeRénov', entre autres. Les opérateurs de logement intermédiaire pourront rénover de l'ancien. Nous répondons ainsi à la fois à l'urgence écologique et à l'urgence sociale.

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Votre Gouvernement n'a eu de cesse de tuer l'accession à la propriété, particulièrement dans les campagnes.

Premièrement, les communes ont détruit des routes pour la construction du réseau de gaz naturel. Or vous avez interdit le gaz pour le neuf en 2022, prenant les communes au dépourvu.

Deuxièmement, vous n'avez eu de cesse de durcir les normes écologiques : à Saint-Paulien, pour 35 lots construits, il faut en laisser un pour les grenouilles !

Troisièmement, le « quoi qu'il en coûte » a entraîné l'inflation du prix des matériaux.

Quatrièmement, les taux augmentent. Fini les taux négatifs ! À 5 %, les jeunes ne construisent plus.

Enfin, avec le ZAN, vous en rajoutez une couche : à partir de 2031, il faudra déconstruire pour construire ! Cela reviendra à dépouiller le rural des droits à construire pour les exporter ailleurs. Mais cette politique bobo-écolo parisienne ne revient-elle pas à faire, plutôt que l'aménagement, le déménagement du territoire ? (Marques d'ironie à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Voilà bien des propos à charge !

M. Laurent Duplomb.  - Nous faisons de la politique !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous assumons une planification écologique transversale. Le coût de la construction n'a augmenté que de 50 % en vingt ans. Vous nous accusez de mener une politique bobo-écolo, mais je suis fière d'appartenir à un gouvernement qui fait de la transition écologique un axe essentiel de sa politique, sans dogmatisme.

M. Rémi Cardon .  - Le PTZ est central pour les primo-accédants. Bruno Le Maire a annoncé son extension à six millions de personnes supplémentaires, mais cela sera insuffisant pour les primo-accédants dans les territoires ruraux, confrontés à la flambée des prix et des taux.

Or les jeunes sont déjà exclus des zones tendues pour raisons financières. Vous êtes ministre de la ruralité, mais vous abandonnez les zones non tendues ! L'éviction des jeunes ménages des villages empêche le renouvellement de la population et conduit à des fermetures de classes. Comment le Gouvernement compte-t-il aider les jeunes ménages à s'installer dans les zones hors tension, notamment rurales ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-Kanaky, ainsi que du GEST)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Six millions de personnes supplémentaires bénéficieront du PTZ, qui sera ouvert au logement ancien dans les zones non tendues. On compte 800 000 logements vacants dans nos villages. Le Gouvernement assume d'encourager la rénovation de l'ancien pour faciliter l'accession de primo-accédants. Plutôt que des lotissements, nous privilégions la sobriété foncière.

M. Rémi Cardon.  - Selon Bruno Le Maire, 154 communes sont concernées sur toute la France. Or le département de la Somme en compte 772 à lui seul !

Mme Martine Berthet .  - Déficit naturel de foncier, pression touristique, obligations spécifiques : ce cocktail explosif explique la pénurie de logements dans les zones de montagne. À la clé, un envol des prix.

Les maires n'ont pas à leur disposition la boîte à outils adéquate pour réagir et trop de stations de montagne subissent un zonage non pertinent, qui les exclut des dispositifs comme le PTZ ou le BRS.

C'est pourquoi j'ai lu avec intérêt l'interview de Patrice Vergriete dans Le Monde et ses propos sur la liberté d'action des maires.

Il faut adapter les outils d'urbanisme pour favoriser le développement de l'habitat permanent. Êtes-vous favorable à une sous-catégorie habitat permanent dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) ? Quels autres outils comptez-vous créer ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous poursuivons nos travaux sur la décentralisation du logement : toutes les propositions sont les bienvenues.

Vous appelez de vos voeux une adaptation des règles pour les zones de montagne. Le 18 juillet, le groupe de travail du Gouvernement a ouvert une réflexion en ce sens. Nous voulons y favoriser l'investissement grâce à des outils fiscaux.

Mme Martine Berthet.  - Les groupes de travail, c'est bien, mais il faut des décisions concrètes. Pour le moment, c'est l'inverse.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous avons commencé voilà deux mois.

Mme Sylviane Noël .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les maires se conforment aux objectifs des logements sociaux en dépit des difficultés financières croissantes et des injonctions contradictoires de l'État, qui stigmatise alors que la crise devrait fédérer les énergies.

En mars, un décret a porté le taux SRU de 20 % à 25 %, doublant mécaniquement la pénalité. Une décision rétroactive, injuste, sans délai ni préavis. Les élus ne voient pas leurs efforts récompensés dans des départements touchés par la rareté du foncier. Alors qu'il manquera 850 000 logements en 2030, l'État instaurera-t-il enfin une politique partenariale avec les collectivités territoriales ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Oui, nous entendons conduire une politique partenariale. La loi SRU a dynamisé la production de logements sociaux, dont plus de la moitié dans les communes déficitaires. Les tensions justifient la hausse du taux.

Les contrats de mixité sociale (CMS), créés par la loi 3DS, recensent tous les leviers de production de logements sociaux. Les logements en accession sociale sont comptabilisés dans la loi SRU.

Mme Sophie Primas.  - Grâce à nous !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - En effet.

L'accession sera soutenue dans tous les territoires tendus. Les plafonds de ressources des ménages éligibles seront étendus.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En dix ans, Paris a perdu 120 000 habitants, surtout pour des raisons liées au logement. Les jeunes nés à Paris savent qu'ils ne pourront pas y vivre. Qu'une ville rejette ses propres enfants est cruel. Quel mauvais augure pour l'avenir ! Elle devrait conserver ses talents - les policiers, les artisans, les personnels soignants.

Les inégalités de patrimoine, et donc de revenu à la retraite, entre propriétaires et locataires sont terribles.

Le choix de société de Mme Hidalgo est d'avoir 40 % de logements sociaux, en préemptant à tout-va : cela tend le marché, notamment locatif. (M. Ian Brossat proteste.) Sans doute pour amuser la galerie, la mairie évoque le BRS. Mais c'est de la poudre aux yeux, car il n'y a pas de foncier disponible ! Autant jouer au loto, les chances sont similaires.

Comment aider Paris dans ce contexte ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - J'ajoute à votre énumération les pompiers, eux aussi évincés de Paris.

Je ne porterai pas de jugement sur la politique de la maire de Paris.

M. Ian Brossat.  - Très bien !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je me réjouis toutefois que cette dernière se soit saisie du BRS.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Pas suffisamment.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Peut-être... Nous multiplions les outils, qui s'appliquent aussi à Paris.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Les mesures que vous avez égrenées, madame la ministre, ne répondent pas aux besoins : il faut des actions spécifiques à Paris et une véritable stratégie. Nous voyons la boîte à outils, qui rappelle celle de M. Hollande contre le chômage, mais pas la politique.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous avons augmenté le plafond de ressources pour accéder aux prêts.

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Depuis une vingtaine d'années, l'accession à la propriété est problématique : en 2023, seuls 58 % des ménages sont propriétaires. Or parmi les 18-30 ans, 80 % souhaitent le devenir.

Le Gouvernement a fait le choix du ZAN. Mais quid des territoires ruraux ? Le ZAN est une politique comptable, utile pour l'État mais inadaptée aux communes rurales qui devront faire face à de nombreuses contraintes. Il empêchera les ménages modestes de s'y installer. Les travaux du Sénat montrent que le ZAN touchera particulièrement les classes moyennes modestes. Comment le Gouvernement soutiendra-t-il la propriété en milieu rural ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous mettons le paquet sur la rénovation des 800 000 logements vacants dans nos villages. France Ruralité accompagnera les maires en matière d'ingénierie pour rendre cet habitat attractif. (On en doute sur diverses travées.)

Quant aux difficultés des classes moyennes, je les comprends, mais le ZAN est construit à horizon 2030-2035. Laissons-lui le temps, avec notamment la garantie rurale, votée largement par le Sénat. Puis nous réévaluerons la situation.

M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les chantiers sont nombreux, il faut repenser de nombreux outils juridiques.

Premièrement, la fiscalité locale doit être rééquilibrée entre finances locales et accès au logement. La suppression de la taxe d'habitation et l'augmentation de la taxe foncière sont néfastes pour les communes comme pour les habitants. Le jeu malsain entre l'État et les collectivités, auquel nous avons assisté cet été, doit cesser.

Deuxièmement, le CNR logement est insuffisant : il n'acte que votre absence d'ambition. Action Logement ne peut pallier les insuffisances de l'État. Il faut plus d'imagination.

Sur le modèle pavillonnaire, je rappelle les propos de la ministre lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience. Le malaise vient aussi d'un décret sur l'artificialisation, annulé par le Conseil d'État, et d'un nouveau décret ZAN. En cherchant du foncier pour faire de la ville dense, vous nous avez fait craindre que vous souhaitiez en finir avec le modèle pavillonnaire. L'apport du Sénat en CMP préservait ce modèle sous une certaine forme, or le PTZ remet tout en cause. Au cas par cas, le pavillonnaire est parfois une réponse. Notre proposition de loi offrait une liberté aux élus. Elle a disparu, c'est regrettable.

Dernier chantier : les outils. Établissements publics fonciers (EPF), sociétés d'économie mixte à opération unique (Semop), sociétés publiques locales (SPL), autant d'outils à muscler et à mobiliser pour réinventer notre modèle. C'est ainsi que nous pourrons débloquer cette crise du logement, notamment pour les primo-accédants en milieu rural.

Bref, les chantiers sont nombreux. Il faut tout réinventer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

La séance est suspendue quelques instants.

Attribution des logements sociaux

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux, présentée par Mme Sophie Primas et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe INDEP) Je salue le président Darnaud, dont c'est la première journée au plateau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC, INDEP, RDPI et du RDSE)

Je remercie Bruno Retailleau et les nombreux cosignataires de ce texte. En l'inscrivant d'emblée à notre ordre du jour, nous reconnaissons l'importance de ce sujet, qui s'intéresse au peuplement de nos communes et répond aux événements de juin dernier.

Je commence par ce que ce texte n'est pas. Il n'est pas l'alpha et l'oméga de la question du logement, car la crise est le fruit des décisions prises en silo depuis six ans en matière de fiscalité, de la réduction du loyer de solidarité (RLS), de la politique d'attribution, de la descente aux enfers de certains quartiers, de la hausse des taux d'intérêt... alors que le Sénat alerte, alerte, alerte depuis des années.

Il n'est pas non plus une réponse aux errements de la politique de la ville, qui n'obéit qu'à des impératifs budgétaires. Vous restreignez toujours plus les moyens des communes.

Enfin, ce texte n'est ni le grand soir de la décentralisation de la politique du logement ni le retour d'un clientélisme local - le reproche vient de personnes qui n'ont pas assumé de responsabilité dans les commissions d'attribution.

M. André Reichardt.  - Très bien !

Mme Sophie Primas.  - Les maires ont le sens des responsabilités. (Mme Dominique Estrosi Sassone le confirme.) À Montigny-le-Bretonneux, depuis que Saint-Quentin-en-Yvelines donne une voix prépondérante au maire, la ville accueille plus de familles fragiles qu'avant. On parle de sélection par le nom ? J'ai été maire de la commune où j'habite depuis plus de soixante ans, dans cette Vallée de Seine où la diversité est une réalité : je suis outrée par cette défiance vis-à-vis des maires.

Ce texte est un premier pas, modeste mais urgent, vers une décentralisation qui redonnera aux maires la responsabilité de la qualité de vie et de la bonne intégration dans leurs communes. Nous préférons les services des mairies aux algorithmes des bailleurs sociaux. Combien d'idioties voyons-nous, par exemple des personnes à mobilité réduite se voyant attribuer un logement au deuxième étage sans ascenseur ?

Ce texte fait confiance aux maires et aidera à ce que chacun soit bien accueilli dans une mixité véritable, pas celle de Twitter ou des plateaux télé, mais d'âge, d'éducation ou de structure familiale. C'est éviter de mettre la misère sur la misère, les turbulents sur les turbulents.

Aider les maires à convaincre une population parfois réticente au logement social, c'est aider ceux qui habitent ou travaillent dans la commune.

Si le clientélisme, c'est attribuer du logement à un enfant de la commune qui veut y rester, je l'assume. Si c'est loger nos agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), nos policiers, nos soignants, je l'assume.

M. Max Brisson.  - Très bien.

Mme Sophie Primas.  - Et ne me parlez pas des priorités de la loi SRU, si nombreuses qu'elles n'ont plus de sens.

Quand l'attribution n'est pas faite par les maires, les quartiers se déshumanisent, se déséquilibrent, s'électrisent. Nos compatriotes en rendent les maires responsables : cela va trop loin. Les maires veulent avoir la pleine responsabilité des équilibres de leur commune, qu'ils connaissent mieux que toutes les commissions d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements (Caleol) et tous les algorithmes.

Ce premier pas, ce premier texte est fondamental. Faites confiance aux maires et à leurs équipes, qui font un travail de dentellière, famille par famille. Répondez à l'engagement du Président de la République devant le président du Sénat le 3 juillet dernier, sans attendre le grand soir du logement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Notre commission a validé la proposition de loi de Mme Primas et renforcé les prérogatives des maires.

Je commence par le diagnostic. Les maires sont centraux dans le développement du logement social, mais ne sont pas reconnus. L'attribution des logements leur échappe, d'où un sentiment de dépossession qui fragilise leur volonté de construire et l'acceptation des nouveaux programmes. La défiance de nos concitoyens est palpable et alimentée par quatre facteurs.

Premièrement, la pénurie de logements sociaux est patente et le parcours résidentiel est bloqué. Deuxièmement, la montée de politiques publiques comme le renouvellement urbain ou le Dalo préempte le peu de logements disponibles. Troisièmement, la gestion en flux, complexe, et la cotation des demandes, qui entrent en vigueur fin 2023, suscitent des inquiétudes. Enfin, la montée en puissance des intercommunalités complexifie la prise de décision.

Les émeutes de l'été corroborent ces constats. Le 25 juin, le Président de la République n'a-t-il pas dit devant 220 maires vouloir leur laisser plus de marge de manoeuvre ?

Ce texte identifie un problème central : la marginalisation des maires dans les commissions d'attribution. Pour y répondre, nous avons retenu trois leviers : la présidence des Caleol au maire ou au président d'intercommunalité, un droit de veto motivé et la généralisation de la délégation du contingent de l'État au maire lors de la première mise en location d'un programme neuf. Cette mesure existe déjà, mais n'est pas assez connue. Ainsi, nous légitimerons la construction de nouveaux logements sociaux.

Je réponds à trois critiques sur ce texte.

D'abord, il ne répondrait pas à la pénurie de logements sociaux. En effet : elle est directement liée à la politique menée par Emmanuel Macron depuis 2017. Les bailleurs sociaux en sont les premières victimes, notamment à cause de la RLS. Ce texte débloquera néanmoins des projets.

Ensuite, il ne répondrait pas aux émeutes. Il n'en a pas la prétention, mais va dans la bonne direction. Je vous renvoie au rapport sur la politique de la ville rédigé en 2022 avec Mmes Artigalas et Létard.

Enfin, ce texte favoriserait le clientélisme et la discrimination des demandeurs sur des critères non républicains. Ce soupçon est insultant et blessant pour les maires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Amel Gacquerre, Évelyne Perrot et Laure Darcos applaudissent également.) Pas d'anathèmes ! Comment reprocher à un maire de vouloir loger les habitants de sa commune, a fortiori les ménages Dalo ? (M. André Reichardt acquiesce.) Pas d'ambiguïté : le maire devra appliquer la loi. Les règles définissant les publics prioritaires sont inchangées.

Le droit de veto du maire se fondera désormais sur la base légale du travail de qualification du parc social, travail réalisé par les bailleurs sociaux en concertation avec les collectivités territoriales.

L'Union sociale de l'habitat (USH) a édité un document de cadrage qui identifie cinquante critères objectifs, appliqués de Valenciennes à Limoges ou Plaine commune, communes républicaines que je sache.

Pour réussir la mixité sociale, il faut accueillir des ménages fragiles, mais aussi favoriser ceux qui apportent de la stabilité. Redonnons la main aux maires, et confortons-les dans leur rôle central au bien vivre ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le 4 juillet dernier, le Président de la République recevait les élus des communes les plus touchées par les émeutes. Il a pris huit engagements, objets d'un suivi du Gouvernement et du dernier Conseil national de la refondation (CNR) sur les suites données aux violences urbaines. Parmi ces engagements, la primauté donnée au maire dans l'attribution de logements sociaux.

L'empilement successif de règles détaillées, tant législatives que réglementaires, est peu lisible. L'attribution des logements sociaux doit concilier la recherche de mixité sociale, en particulier dans les quartiers de la politique de la ville (QPV) et l'accès au logement pour les publics prioritaires - parmi lesquels les ménages Dalo et les personnes sortant de l'hébergement et autres ménages définis comme prioritaires.

L'État et les bailleurs sociaux sont responsables de l'atteinte des objectifs et peuvent être sanctionnés en cas de manquement.

Les attributions se font à trois niveaux : inscription des demandeurs de logements sociaux et reconnaissance de l'éligibilité, identification des réservataires des logements sociaux et décision d'attribution, de non-attribution ou de refus. Ces actions relèvent de Caleol.

Toute réforme des attributions nécessite de réfléchir aux conséquences sur les objectifs de la politique d'attribution et à la mise en oeuvre opérationnelle. L'engagement du Président de la République doit s'apprécier à cette aune.

Donner plus de pouvoir aux maires, c'est favoriser la mixité sociale. Qui, sinon un maire, connaît aussi finement les populations et les enjeux ?

C'est aussi les responsabiliser sur le logement des plus défavorisés, principalement en dehors des QPV et des résidences à enjeu de mixité sociale. Il n'y a pas de politique juste et solidaire sans accès des plus modestes au logement. Les dispositifs existants, notamment ceux créés en 2017, ne fonctionnent pas. La loi Égalité et citoyenneté n'a pas inversé les tendances. Les sanctions ne sont pas une solution et la responsabilité est trop diluée.

La responsabilisation proposée par le Président de la République, dans une logique gagnant-gagnant, vise à loger les plus défavorisés hors des quartiers déjà fragiles.

Les élus locaux, décisionnaires, accepteront davantage voire encourageront les nouveaux programmes de logements sociaux.

Le Gouvernement a commencé à travailler à un projet de loi de décentralisation qui sera présenté au printemps 2024.

Nous devons adopter une approche globale, simplifier les procédures, mieux répartir les pouvoirs et les responsabilités dans le respect de l'égalité des droits.

Seule cette logique globale clarifiera les lieux de prise de décision et responsabilisera les acteurs publics. C'est pourquoi cette proposition de loi nous semble légèrement incomplète, car elle confère plus de pouvoir aux maires sans augmenter leurs responsabilités.

Mme Sophie Primas.  - Les élus locaux gèrent la responsabilité tous les jours !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Néanmoins, ce texte a fait l'objet d'un travail important en commission - dont je salue la nouvelle présidente, aussi rapporteure.

La commission privilégie un pouvoir d'opposition du maire à l'attribution d'un logement plutôt qu'une hausse du nombre de représentants de la commune, et a automatisé la délégation du contingent préfectoral lors de la première mise en location d'un ensemble neuf. Nous rejoignons ce mouvement de décentralisation.

Au-delà de la légère réserve que j'ai exprimée, nous souhaitons travailler sur ce texte.

Le maire est membre de droit et a une voix prépondérante dans les Caleol. Il peut présenter un candidat en cas d'échec d'attribution.

Mme Sophie Primas.  - Les élus locaux sont minoritaires !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Comme il apporte une garantie d'emprunt ou un prêt, il a un droit de réservation de 20 à 50 %.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Heureusement !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Il dispose dès lors déjà d'un droit de regard important sur le peuplement des ensembles.

M. Laurent Duplomb.  - C'est bon, alors ? Merci, madame la ministre !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le pouvoir non encadré du maire peut générer la vacance locative, qui pèserait financièrement sur les bailleurs sociaux et engendrerait un risque de squat. Les oppositions doivent être justifiées, notamment auprès du réservataire.

Le Gouvernement propose ainsi deux amendements pour un pouvoir d'opposition efficace. Le premier limite le droit de veto du maire à une attribution de logement, en contrepartie d'une concertation préalable à la mise en location entre le maire, le bailleur social et les réservataires. Le Gouvernement est favorable au dialogue local dans le cas d'ouverture de nouvelles résidences sociales. Cette coordination, actuellement facultative au niveau réglementaire, sera désormais obligatoire au niveau législatif. Une notification de non-attribution sera envoyée au réservataire qui pourra, le cas échéant, la contester devant la commission de coordination.

La proposition de loi prévoit une délégation automatique du contingent préfectoral au maire, hors part dévolue aux fonctionnaires de l'État. Le Gouvernement ne le souhaite pas : notre amendement laisse cette délégation à la main du préfet.

M. André Reichardt.  - Bel exemple de décentralisation !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Cette pratique est déjà en vigueur dans certains territoires, et pourrait être étendue à d'autres. La responsabilité de l'accès des plus défavorisés ne pèse que sur l'État et les bailleurs sociaux. Dans l'hypothèse d'une refonte plus globale liée à une décentralisation, ce point pourrait évoluer.

Les agendas des élus ne leur permettent pas de participer à toutes les réunions organisées par les bailleurs, parfois hebdomadaires : le Gouvernement a donc déposé un amendement pour y remédier.

Le Gouvernement donnera un avis favorable à la proposition de loi sous réserve de l'adoption de ses amendements. Nous espérons surtout pouvoir poursuivre les travaux initiés sur ce sujet pour le renforcement du pouvoir local, l'attribution de responsabilités claires et la simplification des processus. Pouvoir et responsabilité doivent être indissociables.

Le Gouvernement est mobilisé et à votre écoute sur cet enjeu majeur. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Médevielle .  - La politique du logement est au carrefour d'enjeux sociaux, environnementaux et économiques. Assurer à tous nos concitoyens un logement décent adapté à leurs besoins est un enjeu essentiel.

D'autres défis existent : améliorer les performances énergétiques, rénover l'existant, garantir l'accession à la propriété et la mixité sociale.

Les collectivités territoriales doivent disposer d'un parc de logements sociaux salubres important pour accueillir les populations fragiles sans les concentrer dans le même espace.

Notre pays connaît une grave crise du logement. Il faut y apporter une réponse locale adaptée à la diversité des territoires. Ce sont les maires qui ont la main. La montée en puissance récente des intercommunalités a diminué leur pouvoir, alors qu'ils connaissent les besoins de leur commune. L'attribution des logements sociaux est une décision cruciale dans la vie d'une commune. Ce texte revient à une prise de décision à l'échelon communal, le plus pertinent. Ce sont vers les maires que les Français se tournent pour comprendre l'attribution des logements sociaux.

Je remercie l'auteur du texte, Mme Primas et son rapporteur, Mme Estrosi Sassone.

Il y a urgence à agir. Les maires attendaient un signal fort : cette proposition de loi leur donne une première satisfaction. Le groupe INDEP, dont plusieurs membres ont cosigné ce texte, le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Amel Gacquerre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) On connait le contexte : l'explosion de la bombe sociale, annoncée de longue date par les différents acteurs. Notre pays devrait construire chaque année 198 000 nouveaux logements sociaux, or il n'y en aura que 80 000 cette année. Cela dit tout de la situation critique de la France.

Nous saluons l'annonce par le ministre d'un fonds de 1,2 milliard d'euros pour la rénovation annuelle de 120 000 logements sociaux. Nous serons attentifs à ses modalités de financement et à sa mise en oeuvre concrète, et aurions aimé d'autres annonces sur la construction.

Le logement social est un baromètre de la capacité de la France à loger les plus modestes. Or nous en avons fait une contrainte, là où l'incitation devrait être la règle.

Les maires ont un rôle central dans le développement du logement social, avec l'attribution du permis de construire ou la garantie des emprunts, notamment. Or ce rôle n'est pas reconnu.

Je salue ce texte qui reflète le sentiment des élus locaux, qui n'ont pas la main pour choisir les locataires, en dépit des investissements considérables réalisés. (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Les maires sont seuls dans les Caleol parmi une dizaine de membres. Il faut en faire de véritables décideurs.

Je salue le travail de Mme Estrosi Sassone, qui met en lumière les limites de la politique actuelle et rend compte du sentiment de dépossession des communes. Le droit de veto attribué au maire, la délégation systématique aux maires du droit de réservation de l'État sont bienvenus. Ceux qui redoutent le clientélisme ne connaissent pas les maires. Je préfère leur faire confiance.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Très bien !

Mme Amel Gacquerre.  - Ce texte enverra un signal pour les inciter à construire. Mais plusieurs questions opérationnelles restent en suspens, comme la présidence tournante pour les commissions intercommunales.

Le groupe UC votera sans hésitation ce texte qui revalorise la place des élus locaux. Certes il ne résoudra pas la crise du logement, mais c'est un pas dans cette direction, en attendant une vraie loi de décentralisation de la politique du logement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

M. Yannick Jadot .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Gisèle Jourda applaudit également.) L'abbé Pierre disait : « Gouverner, c'est d'abord loger son peuple ». Nous commémorerons bientôt les 70 ans de l'hiver 1954 mais la situation reste dramatique : plus de 4 millions de mal-logés, 2,4 millions de familles attendant un logement social, 12 % de concitoyens en situation de précarité énergétique.

La politique du logement est catastrophique : chute de la construction de logements neufs, sociaux ou non, logique de prédation fiscale avec la ponction de 10 milliards d'euros sur les acteurs du logement social, notamment Action Logement. Signe dramatique, alors que nous devrions embaucher, 100 000 emplois sont menacés dans le bâtiment.

Ce n'est pas avec une loi antisquat contre des personnes ayant du mal à payer leur loyer qu'on réglera les problèmes. (Mme Dominique Estrosi Sassone s'indigne.) Ce serait la faute à l'écologie ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - C'est un peu réducteur !

M. Yannick Jadot.  - À chaque fois que nous traitons d'un sujet un peu lourd, va-t-on accuser « l'écologie punitive » ? (Mme Dominique Estrosi Sassone le récuse.) Il y a 70 ans, nous étions pourtant confrontés au même problème. (Quelques protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Madame la ministre, vous avez fait travailler intelligemment les acteurs pendant des mois, pour trouver des solutions opérationnelles pour les collectivités comme pour l'État. Tous, de la fondation Abbé Pierre à la Fédération française du bâtiment, se sont sentis humiliés, car vous avez méprisé leurs conclusions. (Mme la ministre le conteste.) Comment les remobiliser ensuite ?

Les enjeux sont connus : quels moyens pour la rénovation des six millions de passoires énergétiques, hiver comme été, quand 70 % des locataires dans les QPV étouffent ? (Mme Sophie Primas proteste.)

Qu'attendez-vous, Madame la ministre, pour exiger des préfets qu'ils appliquent la loi SRU - dans les Alpes-Maritimes, par exemple, où la quasi-totalité des communes sont hors des clous ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Je n'ai pas de leçons à recevoir de vous !

M. Laurent Somon.  - C'est n'importe quoi !

M. Yannick Jadot.  - La collégialité est le moyen de résister au clientélisme ; l'objectivité des critères, le moyen de répondre à la discrimination. Le GEST s'opposera à ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER. ; huées sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Stéphane Piednoir et Bruno Belin frappent sur leur pupitre.)

M. Fabien Gay .  - Ce projet de loi vise à renforcer le pouvoir des maires dans l'attribution de logements sociaux, sujet qui concerne près de 80 % des rendez-vous en mairie.

Il ne répond pas à la pénurie de logements, qui s'accentue : 2,4 millions de personnes sont en attente d'un logement ; seules 20 % des demandes de logement social sont satisfaites chaque année ; le délai moyen pour obtenir un logement ne cesse de s'allonger et atteint trois ans minimum en Île-de-France. Les personnes quittent moins souvent qu'avant un logement social. Le parcours résidentiel est devenu un parcours du combattant : les petits salaires ne peuvent accéder à la propriété. Surtout, on ne construit plus assez de logements sociaux. En 2017, on comptait 105 000 mises en chantier, contre 85 000 en 2022, alors que les besoins s'élèveraient à 200 000.

C'est le résultat de la politique du Gouvernement : 10 milliards d'euros ponctionnés sur les bailleurs sociaux, et partant, moins de rénovations et de constructions.

Ce texte n'aura aucun effet sur les difficultés de fond et le maire restera tributaire de l'offre. Il y a dix ans, on attribuait 500 000 logements sociaux par an, contre 400 000 aujourd'hui.

Nous sommes opposés au droit de veto introduit en commission, qui rendrait les maires responsables de l'échec de la politique du logement du Gouvernement. Chacun doit accéder à un habitat digne, public ou privé ! La collégialité prévient les dérives - même si les excès sont marginaux.

Mme Sophie Primas.  - Merci !

M. Fabien Gay.  - La commission confie aux maires l'attribution de l'intégralité des logements neufs. Mais quid des ménages Dalo, des personnes handicapées, des femmes victimes de violences ? Un transfert de compétences sans transfert de ressources est un cadeau empoisonné aux maires sur lesquels l'État se défausse.

Nous proposons au Gouvernement d'agir : réunissez le comité interministériel des villes. Notre groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-Kanaky, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; M. Thomas Dossus applaudit également.)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Maires et logement : deux priorités qui animent cet hémicycle. C'est un signe fort adressé aux collectivités qui vivent un malaise sans précédent.

La réflexion sur le logement  doit être globale : nous ne pouvons plus gérer les problèmes par des politiques en silo. À quand un texte général couvrant tous les enjeux ? La mixité sociale est une nécessité.

Le Président de la République a annoncé aux 220 maires reçus à l'Élysée le 4 juillet dernier qu'il souhaite leur confier la gestion des logements sociaux. D'où cette proposition de loi, faute de texte gouvernemental...

Le maire a un rôle central dans le développement des logements sociaux, moindre dans leur attribution : il est isolé et dispose de peu de voix au sein de la Caleol.

La commission a instauré un droit de veto. C'est là que le bât blesse : en cas de refus, le maire sera seul face à ses administrés.

Dans un monde parfait, le clientélisme n'existerait pas ; mais il existe parfois. Plus de 1 100 communes ne respectent pas leurs obligations en matière de logement social. (Mme Sophie Primas le conteste.) Même si elles rattrapent progressivement leur retard, 631 d'entre elles s'acquittent de pénalités, pour 85,4 millions d'euros.

Mon groupe est mitigé. Vu la nouvelle composition de la commission d'attribution, le quorum sera difficile à atteindre.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Vous avez raison !

M. Henri Cabanel.  - Nous proposons de se limiter à trois conseillers municipaux.

Nul besoin d'un droit de veto, mais nous devons respecter les équilibres. Inventons un contrat gagnant-gagnant. Le logement va devenir un sujet majeur, avec l'inflation et la crise énergétique, qui mérite un texte d'ampleur. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je salue le travail de Sophie Primas et de Dominique Estrosi Sassone, présidente et rapporteure, dont nous connaissons l'engagement sur le sujet. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.)

La commission a réécrit le texte : le droit de veto du maire s'est substitué à l'élargissement de la représentation de la commune. La présidence de la commission d'attribution est confiée au maire, sauf lorsque l'EPCI en est à l'origine. En outre, la commission a supprimé la voix prépondérante du maire et systématisé la délégation des droits de réservation.

Nous partageons la volonté de renforcer le pouvoir du maire, mais pas la logique du veto : permettre aux maires de refuser des locataires revient à renforcer leur pouvoir d'exclusion du logement social. Bref, nous partageons l'objectif, mais pas la méthode.

Le groupe RDPI privilégie un renforcement du contingent communal en intégrant deux représentants supplémentaires - dont un issu de l'opposition municipale - avec double voix pour être à parité avec les organismes HLM, afin de rééquilibrer les pouvoirs au sein de la Caleol. Nous souscrivons à l'idée d'en confier au maire la présidence de la commission.

Notre groupe propose d'intégrer un représentant du conseil départemental. Le département n'est pas un inconnu en matière de logement social : dans la Drôme, le Fonds unique logement et habitat facilite l'octroi d'une aide financière aux ménages modestes. En outre, les départements jouent un rôle important dans la construction, via les aides à la pierre, notamment. Enfin, ils connaissent les populations les plus fragiles. Leur expertise sera bienvenue.

Patrice Vergriete a annoncé une nouvelle étape de décentralisation de la politique du logement. Vérifions au préalable que les collectivités ont les capacités, financières et d'ingénierie, pour assumer ce transfert. Or elles ne sont pas suffisamment informées sur les accompagnements possibles en matière d'ingénierie, notamment de la part de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Chaque délégation de compétence suppose un travail préalable : nous ne pouvons pas nous permettre plusieurs années d'adaptation.

Notre groupe, ouvert au compromis, se prononcera en fonction des débats. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée du discours du Président de la République après les émeutes, appelant à redonner du pouvoir aux maires. Il nous avait promis des réponses, nous les attendons toujours, comme le pacte de confiance entre l'État et l'USH.

Le droit de veto introduit un risque d'arbitraire, et menacerait l'indépendance des organismes HLM, qui doivent répondre aux besoins des personnes prioritaires et assurer les objectifs de mixité sociale.

Les outils existants gagneraient à être améliorés : les collectivités peuvent instaurer des plans partenariaux de gestion des demandes, définir des priorités dans la cotation de la demande, éclairer les Caleol sur l'équilibre des résidences et définir un cadre commun par le biais des commissions intercommunales d'attribution.

Cette proposition de loi exposerait davantage les maires aux poursuites. Favorisons plutôt une meilleure coopération entre l'État et les élus. Le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, présidé par Gérard Larcher, proposait ainsi de conclure des pactes territoriaux entre l'État et les EPCI ou des conventions territoriales de coopération entre l'État et les bailleurs sociaux.

Ce texte risque fort d'être incompatible avec la gestion en flux des logements sociaux. Y ajouter un nouvel intervenant - le maire - complexifierait les choses.

La priorité n'est pas tant l'attribution que la construction de logements ! Or, en dépit de quelques annonces au congrès de l'USH, les promesses restent lettre morte. En témoignent l'annulation de la réunion du comité interministériel des villes du 9 octobre et la tenue d'un CNR à la dernière minute, qui ont exaspéré les élus des quartiers populaires.

Cette proposition de loi ne résoudra pas les véritables problèmes que sont le manque d'accompagnement social du « logement d'abord », la baisse de la construction ou l'insuffisance de l'offre de logement social. Belle affaire pour les maires d'avoir un plus grand pouvoir d'attribution s'il n'y a pas de logements ! Nous réclamons inlassablement un véritable travail global. Il faut rendre leurs moyens aux bailleurs sociaux. Le groupe SER ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER ; M. Daniel Salmon applaudit également.)

Mme Laurence Garnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte, d'apparence technique, représente un véritable levier pour clarifier le processus d'attribution des logements.

Les maires sont les premiers acteurs de la construction de logements sociaux, et nombre d'entre eux sont concernés par la loi SRU. Pourtant, leur rôle dans l'attribution des logements sociaux est restreint, d'où des difficultés. Les maires sont les mieux placés pour garantir l'équilibre entre les attributions. Tous n'ont qu'un objectif : accueillir au mieux les habitants.

En Loire-Atlantique, le maire de Mesquer s'est vu imposer un habitant par un bailleur social, quand lui souhaitait attribuer le logement à un homme qui vivait dans sa voiture, et qui est décédé quinze jours plus tard : voilà pourquoi les maires doivent être replacés au coeur du processus. Leur légitimité et leur crédibilité sont en jeu.

Nos concitoyens ne connaissent pas le fonctionnement des Caleol et pensent que le maire décide ; ils lui en veulent en cas de refus. Cela suscite incompréhension et colère. Une élue du vignoble nantais en a fait les frais récemment. Reproches, agressions verbales voire physiques : certes, rien ne saurait excuser de telles attitudes mais renforcer la place du maire conforterait sa position.

Il ne s'agit pas de trier les bons ou les mauvais habitants, mais bien de mettre à profit la connaissance qu'a le maire de son territoire.

Ce texte améliorera donc le fonctionnement de notre démocratie. Je salue le travail de Sophie Primas, qui a traduit de nombreuses attentes des élus, et remercie la rapporteure pour son travail. Le groupe Les Républicains votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Joshua Hochart .  - Onze millions de personnes vivent en HLM, près d'un Français sur deux a vécu ou vit dans un tel logement. Les HLM pâtissent d'une image entachée par l'insécurité, le tapage ou l'insalubrité. De fait, le nombre de locataires posant problème ne cesse d'augmenter. Violences, trafics, incendies de véhicules et de poubelles, menaces détériorent le quotidien d'habitants qui n'aspirent qu'à vivre tranquillement.

Le maire est souvent l'élu le plus accessible ; il est aussi le garant de la tranquillité publique. Les élus communaux, les plus informés de la situation locale, sont les plus à même de juger de l'opportunité de l'installation de nouveaux habitants dans des HLM. Or la commune étant sous-représentée dans les commissions d'attribution, le maire peut se voir imposer des habitants susceptibles de poser des problèmes de tranquillité ou de salubrité publique.

Ce texte vise à rendre un peu de pouvoir aux élus locaux et à poser les bases d'un contrat républicain plus respectueux des élus municipaux.

Il faut également intégrer les places de prison dans les minima de la loi SRU afin d'en finir avec la double peine des communes et élargir les possibilités d'expulsion des délinquants condamnés. Pour toutes ces réformes, les sénateurs du Rassemblement national seront en première ligne ! (MM. Aymeric Durox, Christopher Szczurek et Stéphane Ravier applaudissent.)

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Yannick Jadot applaudit également.) Alors que 2,42 millions de personnes attendaient un logement social à la fin de l'année dernière, les constructions sont nettement insuffisantes - la ministre l'a reconnu. Nous sommes loin des 250 000 logements annoncés sur deux ans : il ne suffit pas de décréter un objectif pour que, comme par magie, il se réalise...

Nous appelons plus que jamais à un plan Marshall du logement, car la situation est de plus en plus alarmante.

C'est la pénurie de logements sociaux qui contribue à la perte d'influence des maires. En réalité, nous prenons les choses à l'envers : le coeur du problème, ce sont la production de logement, la capacité des bailleurs sociaux à investir, la RLS et les 15 milliards d'euros d'économies réalisées sur la politique du logement.

Nous ne sommes pas opposés à la prise en compte de la connaissance fine qu'ont les maires de leur territoire, mais les principales dispositions de ce texte ne nous semblent ni réalistes (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste) ni souhaitables. Des problèmes d'organisation se poseront, car le patrimoine des bailleurs sociaux ne s'arrête pas à la frontière des communes.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Exactement !

M. Denis Bouad.  - Notre politique du logement social doit reposer sur un équilibre entre respect des élus locaux et objectifs nationaux. Au lieu de renverser le balancier en sens inverse, renforçons la cohérence globale de notre action. Nous craignons aussi une mise en cause de la responsabilité juridique des maires.

Le président du Sénat nous a appelés voilà quelques jours à moins légiférer pour mieux légiférer : c'est dans cet esprit que nous nous opposerons à la proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-Kanaky)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Étant donné la brutalité de la crise qui frappe les secteurs de la construction et de la location, le logement est l'un des thèmes politiques les plus scrutés du moment.

Ce texte vise à donner enfin aux maires un poids cohérent avec leurs responsabilités politiques et juridiques. Le Sénat est convaincu de longue date de cette absolue nécessité.

En juillet dernier, le président Larcher a souligné que le logement devait être la première des politiques à rendre aux maires. Le Président de la République semble l'avoir entendu, qui dit vouloir donner aux maires une plus grande maîtrise du peuplement de leur commune.

La place des maires dans les Caleol n'est pas à la mesure de leur rôle dans le développement du logement dit social. L'attribution des logements leur échappe largement : ils pèsent peu par rapport à l'État et aux organismes d'HLM.

À défaut d'établir l'égalité numérique, la commission des affaires économiques a adopté un amendement de la rapporteure instaurant un droit de veto motivé au lieu de l'actuelle voix prépondérante. En outre, le texte attribue aux maires la présidence des commissions tout en préservant le cadre intercommunal là où il est établi. Enfin, lors de la première mise en location d'un logement neuf, le maire aura des pouvoirs accrus : il pourra attribuer environ la moitié des nouveaux logements.

Il serait inconcevable de réformer la France en se coupant des maires, qui sont la clé du bien-vivre quotidien. Alors que le lien de confiance entre les élus et l'État a été durablement endommagé, il nous faut recréer des ponts entre les collectivités territoriales et l'exécutif : votons ce texte, qui y contribue ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Les municipalités sont le lieu de l'intégration à l'État-nation et de la consolidation du lien politique. De façon logique, les maires assurent donc un rôle crucial.

C'est sur eux que repose en particulier la mise en oeuvre des politiques du logement. Chacun connaît les difficultés posées par l'article 55 de la loi SRU ou encore les contraintes procédurales liées par exemple à l'exercice du droit de préemption.

Dans ce contexte, la simple participation des maires aux commissions est un minimum dont il faut se débarrasser. Les maires doivent avoir une place égale à celle des autres acteurs dans les décisions de construction et d'attribution. Confier la présidence des commissions aux maires est un enjeu d'efficacité des politiques comme d'investissement de ces derniers.

Repoussons les objections faciles, comme les soupçons de favoritisme ou de clientélisme : accorder une place prééminente aux maires ne crée pas plus de risques de décision solitaire, car les décisions d'attribution sont communales, donc collectives. (On acquiesce sur plusieurs travées à droite.)

Plus qu'un enjeu de politiques publiques, c'est une question, cruciale, de proximité ! Nous sommes nombreux à avoir été maires, rôle qui nécessite une connaissance approfondie du territoire et de ses spécificités : développons les outils à leur disposition.

En Alsace, une disposition du droit local oblige les nouveaux arrivés à se signaler en mairie.

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

M. André Reichardt. - Elle n'est malheureusement pas appliquée, du fait d'une loi scélérate. L'attribution des logements sociaux fait partie des chemins qui permettent aux maires de connaître leur population.

N'attendons pas une hypothétique loi de décentralisation, dont on annonce qu'elle pourrait renforcer le rôle des préfets... Faisons confiance aux maires et votons cette proposition de loi ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur de nombreuses travées du groupe UC ; Mme Françoise Gatel acquiesce avec énergie.)

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Supprimer cet article.

M. Yannick Jadot.  - Cet amendement vise à supprimer le droit de veto accordé au maire ; c'est de fait un droit d'exclure, qui ne renforce pas le pouvoir d'attribution. La collégialité est un moyen de prévenir les risques de détournement de pouvoir. (Exclamations à droite) En mettant le maire au coeur du dispositif, nous accroissons aussi la pression sur lui.

À Hénin-Beaumont comme ailleurs, nous craignons que cette mesure ne renforce le clientélisme sur des critères ethniques et religieux. (Mme Dominique Estrosi Sassone proteste vigoureusement.)

Le travail du maire est de créer une sociologie harmonieuse de la ville, certainement pas d'exclure. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article unique.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Monsieur Jadot, vous allez rapidement apprendre comment nous travaillons dans cet hémicycle... Les raccourcis faciles n'y ont pas leur place. Nous avons chacun nos convictions et nos valeurs, mais nous nous respectons et refusons les invectives et les anathèmes ! (Applaudissements à droite et au centre)

Nous sommes défavorables à votre amendement, qui reviendrait à supprimer l'article unique, et donc la proposition de loi de Mme Primas.

Vous faites une fixation sur ce droit de veto, mais l'actuelle voix prépondérante est très peu utilisée et, en outre, non motivée. Il s'agit de conforter la base légale permettant de s'opposer à une demande selon des critères parfaitement républicains, fixés par l'USH.

Les maires sont responsables. Leur intérêt est de répondre au mieux aux attentes de leurs habitants. Ils n'exerceront pas leur droit de veto de manière discrétionnaire.

En outre, il s'agit surtout de leur donner un pouvoir de négociation avant de faire jouer le droit de veto. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le Président de la République a déclaré vouloir renforcer le contrôle de l'attribution des logements sociaux par les maires, afin qu'ils apportent leur expertise de terrain. C'est l'objet de cette proposition de loi : nous ne pouvons donc pas souscrire à votre amendement, qui la supprime. Nous avons déposé des amendements pour l'encadrer, mais nous la jugeons pertinente. Avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - Nous voterons l'amendement défendu par M. Jadot. Cette proposition de loi réglera-t-elle la question du logement social ? Vous-mêmes avez répondu non. En Seine-Saint-Denis, dans une ville de 58 000 habitants, le maire peut attribuer 200 logements alors que 8 000 familles sont en attente : il y en aura 7 800 sur le carreau... La question centrale, c'est la pénurie de logements neufs !

Cette proposition doit s'inscrire dans le budget à venir. Dix milliards d'euros ont été ponctionnés en six ans par les gouvernements macronistes : la droite s'engage-t-elle à rétablir ces moyens ? Ce rétablissement serait bien plus utile aux maires que la proposition de loi ! (Applaudissements à gauche)

À la demande du GEST, l'amendement n°9 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°1 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption   99
Contre 246

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

(On s'en félicite sur plusieurs travées à droite.)

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

...) Le 4° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La présidence de la commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements est exercée par le maire, ou, lorsque la commission est créée dans les conditions du deuxième alinéa du I, par le membre visé au 4°. Lorsque la commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements examine dans une même séance des attributions dans des logements situés dans plusieurs communes sans entrer dans le cas régis par le deuxième alinéa du I, la présidence est exercée successivement par les différents maires concernés. Lorsque le maire est absent, les membres désignés dans les conditions du 1° élisent en leur sein un président. » ;

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Cet amendement complète les dispositions adoptées en commission sur la présidence des Caleol, avec une présidence tournante lorsque la commission ne se réunit ni au niveau communal ni au niveau intercommunal.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« 2° Du maire de la commune où sont implantés les logements attribués ou de son représentant. Il dispose de deux voix lors des délibérations et d'une voix prépondérante en cas d'égalité des voix. Il préside la commission, sauf lorsqu'elle est créée en application du second alinéa du I du présent article ;

« ... ° De deux membres du conseil municipal élus en son sein, dont au moins un a déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale. Ils disposent chacun de deux voix lors des délibérations ; »

M. Bernard Buis.  - Cet amendement supprime le droit de veto ; nous proposons d'augmenter le poids des communes dans la commission par l'ajout de deux conseillers municipaux et d'instaurer le principe de deux voix pour chaque représentant de la commune.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Daubet.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° Du maire, ou de son représentant, qui exerce la fonction de président et dispose d'une voix prépondérante en cas d'égalité des voix, et de deux membres représentant la commune où sont implantés les logements attribués. Les deux membres sont élus par le conseil municipal en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste ; »

M. Henri Cabanel.  - Nous recherchons une meilleure mixité dans nos quartiers. Pour que la politique du logement social soit efficace, elle doit être mise en oeuvre en concertation entre l'État, les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux. Nous souhaitons préserver une vision collective de la mise en oeuvre de cette politique. L'amendement n°7 rectifié bis remplace le droit de veto par un renforcement du rôle des communes au sein des Caleol.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mmes M. Carrère et Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Laouedj et Mme Pantel.

Alinéa 5

1° Deuxième phrase

Après le mot :

Il

insérer les mots :

dispose d'une voix prépondérante en cas d'égalité des voix et

2° Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

M. Henri Cabanel.  - Amendement de repli.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II. - Après l'alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Elle s'appuie sur les demandes et informations enregistrées dans le système national d'enregistrement mentionné à l'article L. 441-2-1, ainsi que, pour ce qui concerne la première mise en service d'un programme, sur le résultat de la concertation que l'organisme d'habitations à loyer modéré organise avec le maire de la commune et l'ensemble des réservataires concernés.

« En cas d'opposition motivée du membre désigné au 2° du II, la commission ne peut pas décider de l'attribution d'un logement. Cette faculté ne peut s'exercer qu'une fois par logement neuf ou libéré. » ;

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Lors de la première mise en service d'un programme, une concertation doit être menée entre l'organisme bailleur et les réservataires. Par ailleurs, le droit de veto communal ne pourrait être exercé qu'une fois par logement neuf ou libéré.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste - Kanaky.

Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

M. Fabien Gay.  - Il s'agit de supprimer le droit de veto. Qu'adviendrait-il d'une famille qui en serait frappée ? Stoppée net dans son parcours locatif, elle serait, en quelque sorte, fichée rouge. (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste.)

D'autre part, si tous les élus ne sont pas clientélistes - M. Jadot ne l'a d'ailleurs pas prétendu -, des dérives peuvent exister. Dans le logement privé, les testings menés par des associations ont prouvé que des discriminations ont cours.

Nous proposons donc d'anonymiser les demandes, comme cela se pratique à Paris depuis 2014.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Les amendements du Gouvernement nos11 et 12 comportent des précisions utiles, s'agissant notamment de la présidence tournante. Ils reviennent malheureusement sur le droit de veto des maires, auquel nous tenons absolument. S'il ne pouvait être utilisé qu'une fois, ce serait un sabre de bois, facile à contourner. Avis défavorable aux deux.

Avis défavorable aussi à l'amendement n°1 : en sollicitant fréquemment les élus, nous créerions des problèmes de quorum, au détriment des petites communes.

Avis défavorable aux amendements nos6 rectifié et 7 rectifié bis : nous souhaitons conserver le droit de veto - la voix prépondérante est très peu utilisée, et au demeurant non motivée.

Même avis sur l'amendement n°3, qui supprime le droit de veto. Les critères de qualification déterminés par le vademecum de l'USH sont parfaitement républicains. Le veto portant sur un logement déterminé, les ménages évincés ne seront nullement marqués ; ils pourront se repositionner sur un autre logement. (M. Fabien Gay est dubitatif.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Retrait des amendements nos1, 7 rectifié bis et 6 rectifié au profit de l'amendement du Gouvernement n°11 ; retrait de l'amendement n°3 au profit de l'amendement du Gouvernement n°12.

M. Lucien Stanzione.  - Le législateur se penche sur la composition des commissions d'attribution depuis une dizaine d'années. Les règles, certes perfectibles, visent à favoriser la concertation en amont et à assurer l'impartialité des commissions. Pour notre part, nous ne souhaitons pas retirer la présidence aux organismes d'HLM.

M. Fabien Gay.  - Madame la ministre, nous ne retirerons pas notre amendement au profit du vôtre.

Madame la rapporteure, les critères motivant les vetos seront-ils discrétionnaires ou une liste précise sera-t-elle établie ? Par exemple, pourra-t-on plus facilement refuser quelqu'un qui n'habite pas la commune ? Cela ne changera pas fondamentalement notre position (Mme Dominique Estrosi Sassone sourit), mais nous apprécierions d'être éclairés...

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Le vademecum de l'USH sur la qualification du parc social est à la disposition de tous les élus. Différents critères pouvant étayer un refus y sont énumérés : revenus, composition du foyer, activités des majeurs, aide au logement... Le maire pourra s'appuyer sur ces critères de référence.

L'amendement n°1 est retiré.

L'amendement n°11 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos7 rectifié bis, 6 rectifié, 12 et 3.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Fouassin et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Un représentant du conseil départemental élu en son sein où sont implantés les logements attribués. » ;

M. Stéphane Fouassin.  - Nous voulons intégrer à la Caleol un conseiller départemental, avec voix consultative, afin de reconnaître le rôle des départements en matière de soutien à la construction et aux populations en difficulté.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Avis favorable. Les services sociaux départementaux peuvent déjà être consultés, mais cette disposition n'est pas inutile. Les départements sont parties prenantes de la construction et de la politique de l'habitat. La mesure prévue ne modifie pas l'équilibre des Caleol ni n'en alourdit le fonctionnement.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le président peut déjà appeler un représentant des services sociaux du département à siéger au sein de la Caleol, avec droit de vote. C'est cohérent avec le rôle de chef de file des départements en matière d'action sociale. Avis favorable. (Mme Sophie Primas s'en félicite.)

M. Denis Bouad.  - Pour avoir été longtemps conseiller départemental, je suis gêné par cet amendement. Les départements apportent aussi des garanties d'emprunt, ne l'oublions pas. (M. Laurent Somon abonde.) Dans ces conditions, comment demander à un conseiller départemental de siéger deux fois par semaine, voire davantage, avec une voix simplement consultative ? Nous voterons contre.

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste-Kanaky.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Au premier alinéa, le mot : « nominativement » est remplacé par le mot : « anonymement » ;

M. Fabien Gay.  - Nous proposons d'anonymiser les candidatures pour éviter toute forme de discrimination - même si les cas sont rares. Nous y reviendrons dans le cadre d'un débat plus large sur le logement social.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - L'anonymisation est déjà de mise, jusqu'à la réunion de la Caleol, qui doit logiquement examiner les critères que vous souhaitez anonymiser pour prendre des décisions cohérentes avec les logements à disposition. J'ose penser que les discriminations fondées sur le nom n'existent pas ou plus. Avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est très inquiet du constat dressé par SOS Racisme. Nous prenons le sujet très au sérieux, et différentes analyses sont en cours. Dans l'immédiat, la mesure que vous proposez n'atteindrait pas sa cible. Pour éviter les risques de refus, le réservataire fait souvent visiter le bien ; maintenir l'anonymat aussi tardivement est une gageure.

M. Pascal Savoldelli. - Sagesse ? (Sourires)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Retrait ou avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - Soit il y a un problème, soit il n'y en a pas ! Or vous reconnaissez vous-même qu'il y en a un... Je ne vois pas ce qu'apporte le fait de connaître le nom, à moins que l'élu connaisse nommément tous les demandeurs de logement social de sa ville... Moi qui ne connais pas les prénoms de mes 347 collègues, comment connaîtrais-je les noms des 8 000 demandeurs de logement de ma commune ?

Ce que nous vous proposons, la mairie de Paris le fait.

Mme Sophie Primas.  - Ce n'est pas notre référence !

M. Fabien Gay.  - Nous continuerons à en discuter.

Mme Nathalie Goulet.  - Pour ma part, je voterai cet amendement. Un de nos collègues a été victime de racisme : il s'est vu refuser un logement - non social - dans le quartier du Sénat en raison de son nom. Cela a fait quelques remous, à juste titre... La solution proposée me paraît très bonne.

Mme Sophie Primas.  - Dans la vallée de Seine, où j'habite et où la mixité est très forte - 32 nationalités dans ma commune -, je ne vois pas de discriminations. Les associations dénoncent des cas : il y a peut-être un sujet, mais je ne suis pas sûre que la solution proposée soit la bonne.

Madame Goulet, le sénateur auquel vous faites référence s'est vu refuser un logement privé. L'amendement de M. Gay n'y aurait rien changé.

Mme Nathalie Goulet.  - Certes, mais ces cas existent !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Le code de la construction et de l'habitat dispose : « La commission attribue nominativement chaque logement locatif. » Vous voudriez le modifier pour prévoir une attribution anonyme ? (MYannick Jadot proteste.)

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste-Kanaky.

Alinéas 8 et 9

Supprimer ces alinéas.

M. Fabien Gay.  - Nous n'avons pas compris l'introduction de cette disposition en commission. Si la priorité est donnée au logement neuf, ceux qui ont déjà du mal à accéder au logement social - Dalo, personnes en situation de handicap, victimes de violences conjugales, notamment - seront plus pénalisés encore.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lors de la mise en location initiale des logements neufs, sauf lorsqu'une telle délégation existe déjà en application du V de l'article L. 301-5-1, l'État peut déléguer à la commune tout ou partie des réservations de logements dont il bénéficie en application de l'article L. 441-1, à l'exception des logements réservés au bénéfice des agents civils et militaires de l'État. » ;

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous transformons en une faculté l'obligation de délégation du contingent préfectoral pour les nouvelles constructions, et corrigeons un problème de coordination entre différentes dispositions du code de la construction et de l'habitation.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Avis défavorable à ces deux amendements, qui remettent en cause l'un des leviers du texte.

M. Gay feint de ne pas comprendre... (M. Fabien Gay s'en défend.) Je n'ose y croire ! La délégation du contingent de l'État au maire n'empêchera pas que soient logés les publics prioritaires, mais conduira à loger d'abord ceux qui se trouvent déjà sur la commune - mal-logés, hébergés ou à la rue.

Nous voulons une délégation automatique, non une simple faculté à la discrétion du préfet, d'autant qu'avec les résidences neuves, les déséquilibres sont rapidement importants. Le maire doit pouvoir disposer aussi du contingent de l'État. Nous généralisons une pratique qui fonctionne dans de nombreux territoires. Faisons confiance aux maires !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - J'entends l'argumentaire du sénateur Gay : la tentation d'évincer les publics prioritaires des programmes neufs peut en effet exister. Pour autant, nous avons fait le choix de faire confiance aux maires, qui, dans leur immense majorité, ne sont pas insensibles à ces publics.

Les amendements nos12, 13 et 14 du Gouvernement confirmaient cette confiance aux maires tout en sécurisant le dispositif contre des tentations discrétionnaires, afin qu'il soit impossible de mener une politique systématique de non-attribution aux publics défavorisés.

Retrait de l'amendement n°5 au profit de celui du Gouvernement.

Mme Viviane Artigalas.  - Nous sommes plutôt favorables à ces mesures, mais pourquoi légiférer puisque cette délégation existe ? Nous sommes contre l'automaticité. Dans les communes carencées, on ne saurait laisser tous les logements neufs à la discrétion du maire.

L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°13.

M. Pascal Savoldelli.  - Débattre de la place des communes dans l'attribution des logements sociaux, c'est bien. Mais encore faut-il qu'il y en ait ! (On renchérit à gauche.) Dans le Val-de-Marne, il y a 100 000 demandeurs - un chiffre inédit ! Parmi eux, combien sont insolvables ? Votre texte n'évoque jamais les demandeurs de logement - manifestement, ce vocabulaire vous est étranger.

Il n'y a jamais eu autant de demandeurs, ni aussi peu de constructions, ont rappelé les acteurs du logement lors du Congrès HLM. En 2017, l'État a prélevé 1,3 milliard d'euros aux bailleurs sociaux à son profit - ce que le Sénat n'a pas voulu empêcher.

Dans une proposition de loi de 2016, notre ancien collègue Christian Favier proposait de construire 70 000 logements par an autour des gares du Grand Paris Express. Mais la majorité sénatoriale s'y est opposée. Mme Primas était rapporteur...

Mme Sophie Primas.  - Je le referais !

M. Pascal Savoldelli.  - Cela conduit à s'interroger sur les véritables intentions des auteurs de la présente proposition de loi.

Nous voterons contre cet article, en souhaitant que, lors du projet de loi de finances, le Sénat vote une TVA à 5,5 % pour le logement social. On verra alors, dans la vérité des votes, qui veut véritablement rassembler les maires, les bailleurs et les demandeurs de logement !

L'article unique, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Aeschlimann.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 411-1 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 411-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 411-1-....  -  Il est créé, dans chaque organisme d'habitations à loyer modéré, une commission de concertation chargée de suivre les programmes de constructions neuves jusqu'à leur date de livraison.

« La commission est composée d'un représentant de chaque réservataire. Elle est présidée de droit par le maire de la commune où sont implantés les logements en construction, ou par son représentant. »

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Je m'associe aux orateurs qui ont rappelé combien le renforcement du rôle du maire dans l'attribution des logements sociaux était attendu, tout comme la qualité du dialogue au sein des Caleol.

La délégation du contingent préfectoral au maire est décisive, mais il faut que les enjeux soient partagés par l'ensemble des réservataires. Je propose donc la création d'une commission de concertation, présidée par le maire, pour formaliser ce dialogue.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Avis favorable. C'est utile pour la bonne insertion du programme neuf dans la commune. Ces entités de concertation sont de la responsabilité du bailleur ; il est bon que le maire préside et suive le programme jusqu'à la livraison.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - La création d'une telle commission figurait dans notre amendement n°12 : sagesse, pour des raisons de rédaction.

Mme Amel Gacquerre.  - Je salue la volonté de privilégier la concertation, mais je reste sur la volonté de simplifier.

M. Denis Bouad.  - Bravo !

Mme Amel Gacquerre.  - Cette pratique existe, inutile donc de légiférer.

L'amendement n°8 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié ter, présenté par Mme Noël, MM. Bonhomme et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Anglars, Mandelli et Reichardt, Mmes Petrus, Berthet et Gosselin et MM. D. Laurent, Gremillet et Reynaud.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 4° du II de l'article L. 441-2 du code de la construction et de l'habitation, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cas d'une convention intercommunale d'attribution mentionnée à l'article 441-1-6 ou d'une conférence intercommunale d'attribution des logements mentionnée à l'article 441-1-5, la commission est composée :

« a) Du président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du président du conseil de territoire de l'établissement public territorial de la métropole du Grand Paris, qui exerce la fonction de président et dispose d'une voix prépondérante ;

« b) Du maire de chaque commune ou de son représentant appartenant à l'établissement public de coopération intercommunale mentionné au a. »

Mme Sylviane Noël.  - Dans un souci de parallélisme des formes, nous proposons que dans le cadre d'une convention intercommunale d'attribution, la Caleol soit présidée par le président de l'EPCI, et qu'il bénéficie d'une voix prépondérante.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Je suis sensible à cette logique, mais votre rédaction interdirait de fait la participation du bailleur social, de l'État et des membres consultatifs. Avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Les EPCI peuvent demander une Caleol intercommunale. Votre amendement est satisfait par le texte de la commission. Il supprimerait en outre la possibilité de conserver une Caleol communale ou intercommunale sur un autre périmètre que celui de l'EPCI. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°10 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 441-2-2 du code de la construction et de l'habitation est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Tout rejet d'une demande d'attribution suivie d'une radiation de la demande effectuée dans les conditions prévues par l'article L. 441-2-9 doit être notifié par écrit au demandeur par le président de la commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements, dans un document exposant le ou les motifs du refus d'attribution. 

« En cas de gestion non déléguée des réservations, la décision de ne pas donner suite à la proposition d'un réservataire ou de changer l'ordre de priorité parmi les propositions effectuées doit être motivée. Elle est notifiée au réservataire par le président de la commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements. En cas de contestation, le réservataire soumet le cas à la commission de coordination prévue au douzième alinéa de l'article L. 441-1-6 qui agit comme instance de précontentieux. »

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - La Caleol doit motiver ses décisions de refus, afin d'assurer la plus grande transparence pour les demandeurs comme pour les réservataires, qui comprendraient ainsi mieux la politique d'attribution.

La contestation des décisions pourrait être portée devant les commissions de concertation prévues par les commissions intercommunales d'attribution.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Avis favorable à ces précisions bienvenues. Les conséquences du rejet d'une demande ou d'un refus d'attribution ne sont pas les mêmes. La plupart du temps, le veto du maire conduira à un refus sans radiation et non à un rejet.

L'amendement n°14 est adopté et devient un article additionnel.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - À titre personnel, je voterai cette proposition de loi à laquelle des correctifs ont été apportés en commission comme en séance. Le texte initial risquait d'entraîner des lourdeurs, sachant que les Caleol peuvent regrouper jusqu'à 80 communes.

Je salue le travail conduit pour rendre effectif l'engagement du Président de la République de renforcer le rôle du maire dans l'attribution des logements. Je voterai ce texte, même s'il faudra sans doute le compléter, voire l'amodier.

M. Stéphane Ravier .  - La loi SRU impose des quotas mathématiques et brutaux de logements sociaux souvent inatteignables. Dans les Bouches-du-Rhône, 50 % des communes sont carencées !

Un récent rapport signé par deux députés de la majorité préconise d'imposer aux communes l'attribution d'un nombre de logements pour les demandeurs d'asile et d'inciter les collectivités territoriales à favoriser l'implantation de lieux d'accueil des demandeurs d'asile. Outre son caractère immigrationniste forcené, véritable provocation envers nos compatriotes qui n'arrivent pas à se loger, une telle mesure représenterait une nouvelle atteinte aux libertés communales.

Cet étatisme outrancier, qui instaure une préférence étrangère au logement, et le pouvoir croissant des intercommunalités dépossèdent les maires de leur autonomie de gestion. Ils doivent à tout le moins pouvoir maîtriser la politique de peuplement des logements sociaux de leur commune, pour en préserver l'équilibre et l'avenir. Je voterai donc cette proposition de loi renforçant la représentation de la commune dans les commissions d'attribution. (M. Yannick Jadot s'offusque.)

M. Daniel Salmon .  - Bien entendu, les élus municipaux connaissent leur territoire - parfois même certaines cages d'escalier. Mais nous préférons une décision collégiale, qui s'appuie sur des critères objectivables, garante d'équité. Nous n'aimons pas la décision jupitérienne !

Cette proposition de loi organise de potentielles dérives. Je ne dis pas qu'elles seront massives, mais il y en aura.

La crise du logement est une catastrophe annoncée que le Gouvernement n'a fait qu'empirer. La vraie question est celle de la pénurie de logements. Cette proposition de loi n'apporte aucune solution. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)

M. Henri Cabanel .  - Nous sommes favorables à l'accroissement du nombre de conseillers municipaux dans les commissions d'attribution, même si cela risque de poser des problèmes d'organisation.

Le droit de veto a fait l'objet d'un débat au sein du RDSE. Bien sûr nous préférerions penser que tous les maires sont intègres ; mais certains risquent d'abuser de leur pouvoir. Notre groupe s'abstiendra.

Mme Sophie Primas .  - Je remercie la rapporteure et la ministre - qui excusera ma fougue !

Non, cette proposition de loi ne résoudra pas le problème du logement, lié à l'absence de construction.

À ceux qui craignent les décisions verticales du maire, je rappelle que jamais un maire ne prend une décision seul ; il a travaillé avec ses services sociaux, avec son adjoint, avec le bailleur, avec l'État. Les anciennes pratiques n'ont plus cours !

Monsieur Savoldelli, je n'ai pas parlé de « demandeurs de logement », mais je vous ai parlé des gens - ces gens qui vivent chez moi, dans le Far West des Yvelines et qui travaillent à Aulnay-sous-Bois, à deux heures de là ! (M. Pascal Savoldelli proteste.) Je les connais, je les rencontre ! Nous voulons l'intégration de toutes les populations, y compris les plus modestes, dans nos communes.

Mme Audrey Linkenheld.  - L'intégration ?

Mme Sophie Primas.  - Merci pour ce débat sur un sujet d'ampleur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Fabien Gay .  - Nous voulons donner du pouvoir aux maires, mais un pouvoir sans moyens est comme une voiture sans essence... (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette proposition de loi ne fait que gérer la pénurie !

La question fondamentale est celle des moyens pour construire. Allons-nous rendre aux bailleurs sociaux les 10 milliards d'euros qui leur ont été volés en six ans de pouvoir macroniste ? La proposition de loi tape à côté. Sur le fond, nous sommes en désaccord sur le droit de veto et sur la question du logement neuf, qui va conduire à exclure les plus précaires. Nous voterons contre.

M. Yannick Jadot .  - (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, où l'on fait valoir que le GEST a déjà expliqué son vote par la voix de M. Daniel Salmon.) Partout, dans nos territoires, les maires font de leur mieux pour gérer les problèmes de nos concitoyens. Nombre d'entre eux estiment que le système de gouvernance actuel est bon, et que le droit de veto ne serait pas un bon levier. N'opposons pas les maires et le reste du monde ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Duplomb.  - Vous avez été maire ?

M. Yannick Jadot.  - J'espère que, lors du projet de loi de finances, notre assemblée votera des moyens pour la construction et l'attribution de logements sociaux en masse. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Viviane Artigalas .  - Nous ne voterons pas cette proposition de loi. Plutôt que le droit de veto, nous privilégions la concertation associant les maires en amont. Améliorons les outils existants.

Voilà six ans que nous alertons sur la bombe sociale que représente le logement et que nous dénonçons la politique du Gouvernement et les 11 milliards d'euros ponctionnés avec la RLS ! Il faudra avoir un vrai débat sur le logement - en présence du ministre du logement... (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)

Mme Amel Gacquerre .  - Nous voterons avec enthousiasme ce texte, dont je suis ravie qu'il soit le premier inscrit à notre ordre du jour. Lors de la campagne électorale, les maires nous ont fait passer un message : qu'on leur redonne le pouvoir d'agir ! Merci, et bravo ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur .  - Je remercie Mme Primas, ainsi que le président Retailleau, qui a inscrit ce texte en priorité à notre ordre du jour. Preuve de l'intérêt de la droite et du centre, mais aussi de tout le Sénat, pour cette question.

Le logement est notre priorité numéro un - hélas, pas celle des gouvernements depuis 2017. Nous avons été les premiers à dénoncer la ponction sur les bailleurs sociaux via la RLS. Faute de pouvoir en obtenir la suppression, article 40 oblige, nous avons demandé une clause de revoyure, qui n'est jamais venue. Nos inquiétudes se sont confirmées.

Amendement après amendement, nous avons demandé la baisse de la TVA sur les logements sociaux, monsieur Savoldelli. La droite n'a cessé de dénoncer les coupes claires pratiquées par le Gouvernement.

Le sujet doit être abordé dans toutes ses dimensions - l'accession à la propriété, mais aussi le statut du bailleur privé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La séance est suspendue quelques instants.

Sécurité des élus locaux et protection des maires (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, présentée par M. François-Noël Buffet, Mme Françoise Gatel, M. Mathieu Darnaud, Mme Maryse Carrère, MM. Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Jean-Claude Requier et plusieurs de leurs collègues, à la demande de la commission des lois.

Discussion générale

M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte, cosigné par plus de 200 de nos collègues, traite d'un sujet d'actualité. Les menaces et violences contre les élus locaux, et plus particulièrement les maires, se sont multipliées, comme en témoignent l'incendie volontaire contre le domicile de Yannick Morez, maire démissionnaire de Saint-Brevin-les-Pins, ou encore l'attaque à la voiture bélier contre le domicile de Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses.

Ces violences sont insupportables. À la suite du décès du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, en 2019, la commission des lois avait lancé des travaux afin de quantifier le phénomène et d'y apporter des réponses ; ils ont abouti au plan pour une plus grande sécurité des maires, présenté par Philippe Bas.

De premières avancées ont été traduites dans la loi Engagement et proximité, grâce au travail de Mathieu Darnaud et Françoise Gatel. D'autres initiatives sénatoriales ont suivi, notamment la proposition de loi de Nathalie Delattre.

Les travaux de notre commission nous ont permis d'objectiver le malaise des élus municipaux, qui prend trois formes : baisse des candidatures aux élections municipales, accroissement du nombre de démissions et sentiment d'abandon des maires - chacun a pu le constater lors de la récente campagne.

Le constat est sans appel : la protection due aux élus locaux, et singulièrement aux maires, est largement perfectible.

Cette proposition de loi vise trois objectifs : renforcer l'arsenal répressif ; améliorer la prise en charge des élus victimes de violences, agressions ou injures dans le cadre de leur mandat ou d'une campagne électorale ; et opérer un changement de culture au sein du monde judiciaire et des acteurs étatiques.

Les agressions commises sur les élus locaux doivent être sanctionnées sévèrement et rapidement. C'est pourquoi nous proposons d'aligner les peines encourues sur le régime existant pour les dépositaires de l'autorité publique, de créer des peines d'intérêt général en cas d'injure publique et de renforcer les sanctions en cas de cyberharcèlement.

Deuxièmement, nous voulons rendre automatique  l'octroi de la protection fonctionnelle, imposer la prise en charge par l'État des coûts de couverture assurantielle dans les communes de moins de 10 000 habitants, et garantir un reste à charge nul pour les élus.

Afin de lutter contre la crise des vocations électorales, nous prônons un droit à la protection fonctionnelle pour les candidats pendant la campagne électorale, prise en charge par l'État. L'amélioration de la protection des élus locaux passe également par l'accès à une couverture assurantielle robuste pour les risques liés à leur mandat, notamment l'assurance des locaux et permanences politiques.

Enfin, nous appelons à un profond changement de culture au sein du monde judiciaire et des acteurs étatiques. Le maire est à la fois agent de l'État et justiciable ; c'est un partenaire privilégié du ministère public. Nous proposons de créer un mécanisme de dépaysement des affaires lorsqu'un élu est mis en cause.

Les maires doivent être mieux informés des suites judiciaires accordées à leur plainte, notamment en cas de classement sans suite.

Enfin, nous souhaitons permettre aux procureurs de s'exprimer dans les bulletins municipaux, afin d'y exposer les grandes lignes de la politique pénale. Ce point nouveau me semble intéressant pour la bonne information du public.

Malgré des actes signalés - violences ou menaces - nombre d'élus n'ont aucun contact avec le procureur, son substitut ou avec le préfet. Certes, ce n'est pas une généralité, mais ce texte vise à apporter des réponses à ces cas problématiques. Dans la culture judiciaire comme préfectorale, ce contact doit devenir naturel et simple. Les maires, « à portée de baffes », ne doivent pas rester seuls.

Maire pendant vingt ans, j'ai connu quelques moments difficiles avec des administrés, mais fort peu. Je n'ai jamais connu le niveau de violence que vivent nos collègues maires depuis cinq ou dix ans. Cette violence quotidienne, débridée, doit cesser. Ce texte ne réglera pas tous les problèmes, mais apportera un soutien utile aux élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos applaudit également.) La protection des élus locaux est un sujet important pour la démocratie locale.

Les violences se multiplient et montent en intensité, comme en témoignent l'attaque à la voiture bélier contre le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses et l'incendie de celui du maire de Saint-Brevin-les-Pins.

Si ces récents drames marquent le franchissement d'un cap, ils ne constituent que la partie visible d'un phénomène latent. Selon le ministère de l'intérieur, 2 265 plaintes ou signalements ont été recensés en 2022, soit une hausse de 32 %. Dans trois quarts des cas, ce sont les maires qui sont visés ; il s'agit de violences physiques dans 12 % des cas, verbales ou écrites dans 76 % des cas.

Ces actes sont intolérables. L'agression d'un maire est une attaque contre la République. Toutefois, les élus se sentent souvent trop seuls et déplorent l'inaction des acteurs étatiques et judiciaires. Leur protection est largement perfectible.

Les conséquences de ces violences ne peuvent plus être négligées par le Gouvernement.

La mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire l'a montré : les violences contre les élus locaux sont une menace pour la démocratie locale, car elles alimentent la vague des démissions et provoquent une érosion des vocations.

M. François Bonhomme.  - Ça a commencé !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - D'où la proposition de loi de nos collègues.

Malgré les multiples travaux sénatoriaux conduits depuis 2019, nous déplorons que le Gouvernement ait tardé à prendre la mesure d'un phénomène croissant. Je salue donc le travail de fond réalisé par les sénateurs.

Notre commission a accueilli favorablement ce texte, qui répond au constat dressé dès 2019 avec le plan d'action pour la sécurité des maires réalisé par Philippe Bas, poursuivi avec le cycle d'auditions souhaité par le président Buffet. Il vient combler des vides existants, tant pour les élus que pour les candidats à des mandats électifs.

La commission a approuvé les quatorze mesures du texte, unanimement saluées par les associations d'élus locaux. Elles sont une première réponse pour assurer la sécurité des maires. La commission a adopté huit des quatorze articles du texte sans modification.

Pour le reste, nous avons étendu le bénéfice de plusieurs dispositifs à de nouvelles catégories d'élus ou aux candidats déclarés aux élections locales, qui pourront saisir le bureau central de tarification, entre autres.

La protection fonctionnelle est rendue automatique pour les maires, les adjoints et les conseillers municipaux ayant reçu délégation, les exécutifs régionaux et départementaux.

En deuxième lieu, par souci d'opérationnalité, les candidats aux élections ne bénéficieront de la protection fonctionnelle que pendant les six mois précédant le scrutin, et seulement en cas de menace avérée. La responsabilité des demandes de remboursement sera confiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CCNFP). Nous avons reporté l'entrée en vigueur un an après la promulgation de la loi.

Nous avons aussi rétabli la faculté pour le procureur de dépayser les affaires dont un élu serait victime.

En troisième lieu, pour ne pas grever les communes, nous avons restreint le reste à charge zéro aux risques médicaux et psychologiques.

Enfin, la commission a proposé des mesures nouvelles. Nous avons allongé les délais de prescription de trois mois à un an pour les faits d'injures publiques, volonté partagée avec le groupe SER. En effet, les contenus persistent. De plus, contre la crise des vocations, nous avons ajouté une circonstance aggravante pour les faits commis lors d'une campagne électorale.

Je vous proposerai deux amendements rédactionnels.

Cette proposition de loi est une étape importante dans la protection des élus locaux.

Restent les sujets du statut de l'élu et des recours abusifs, notamment en matière de conflits d'intérêts et de prises illégales d'intérêts.

Ce texte peut nous réunir face au grand défi de la démocratie locale. Le Sénat a toujours été responsable et pragmatique ; il a pris de nombreuses initiatives à la suite du décès du maire de Signes, en 2019.

Si le Gouvernement semble soutenir cette initiative, les évolutions législatives ne sauraient suffire. Madame la ministre, j'en appelle à un changement de culture des acteurs judiciaires et étatiques ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ainsi que du RDSE)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Françoise Gatel et MM. Pierre Jean Rochette et Daniel Chasseing applaudissent également.) Je remercie solennellement le Sénat pour son travail sur les violences envers les élus locaux.

Le Gouvernement est favorable à l'ensemble des mesures de cette proposition de loi, pierre angulaire du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus annoncé en juillet.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Très bien !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - S'en prendre à un élu, c'est s'en prendre à la République : il est important de parvenir à un consensus transpartisan. Cela semble être le cas, je m'en réjouis.

À la suite des événements de Saint-Brevin-les-Pins, j'avais annoncé le 17 mai dernier des mesures pour mieux protéger les élus. Ce « pack sécurité » s'appuie sur les 3 400 référents « atteintes aux élus » au sein des commissariats et des gendarmeries.

Par ailleurs, le renforcement du dispositif « Alarme élu » a permis à 3 500 maires de se signaler.

Ensuite, le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et le Raid ont formé les élus à la gestion des incivilités et à la désescalade.

La mobilisation de Pharos nous a par exemple permis de retirer les contenus du militant identitaire Papacito. Nous encourageons aussi la logique de l'« aller vers », pour que les élus portent plainte où et quand ils le souhaitent.

Je tiens au principe « Une menace, une évaluation », pour que les préfets décident de mesures de protection

Enfin, un centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus, avec un sous-préfet et un gendarme à temps plein, coordonnera les policiers et gendarmes.

Chaque situation doit être traitée, et traitée avec humanité.

En matière de réponse pénale et judiciaire, nous devons aller plus loin. En alourdissant les sanctions, votre proposition de loi représente une avancée que nous appelions de nos voeux.

Dans une circulaire diffusée avant l'été, le Gouvernement demande aux procureurs une réponse pénale systématique, ferme et rapide. Le déferrement doit être privilégié pour prévenir toute réitération. Au premier trimestre 2023, nous sommes passés à 46 % de remises en liberté, contre 52 % en 2022.

Le plan national annoncé début juillet se matérialise en partie dans ce texte, qui comporte quatre axes : protection juridique et fonctionnelle, sécurité, réponse judiciaire et relations entre les maires et les parquets.

À cet égard, votre travail est décisif. Le Gouvernement est favorable aux mesures pénales de votre texte ainsi qu'à l'ensemble des mesures d'accompagnement.

Nous avons déposé deux amendements d'ordre technique, pour assurer l'effectivité de la protection fonctionnelle et pour supprimer un dispositif prévu au projet de loi de finances (PLF) 2024.

Je me réjouis de cette coopération entre Gouvernement et sénateurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Françoise Gatel .  - Le 5 août 2019, Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, mourait à cause d'un dépôt sauvage de gravats. Le 17 mai 2023, Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, démissionnait à la suite d'une tentative d'incendie sur sa maison. Le 2 juillet 2023, Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses, voyait son domicile attaqué à la voiture bélier.

Chacun ajoutera les noms et les visages des élus de nos départements qui, meurtris, jettent l'éponge. Je leur dis mes pensées les plus fraternelles. Le Sénat n'a cessé de porter l'urgence d'aider les élus depuis 2019 et le premier rapport de Philippe Bas - ont suivi les travaux de Marc-Philippe Daubresse, Nathalie Delattre et Maryse Carrère. Je salue cette proposition de loi pertinente et le travail de notre rapporteure.

Les violences envers les élus constituent une grave menace, planant sur notre démocratie comme un vautour.

Aux élections municipales de 2014, 80 communes n'avaient pas de maire ; elles sont 106 en 2020. Depuis, 13 000 élus ont jeté l'éponge et 63 % des élus disent avoir été victimes d'incivilités ou d'agressions. Nous ne pouvons encenser les élus locaux sans agir.

Cette proposition s'articule autour de trois axes : renforcer l'arsenal répressif ; améliorer la prise en charge des élus victimes de violences ; assurer la prise en compte de la réalité des mandats locaux par le monde judiciaire, souvent méfiant, mais qui ne saurait rester passif.

La formation par le GIGN est une très bonne chose. Il s'agit d'ailleurs - à tout seigneur, tout honneur - d'une proposition sénatoriale.

Ce texte vise à traiter la fièvre de l'irrespect et de la violence. Mais l'épuisement des élus trouve aussi sa cause dans la boulimie normative et la solitude des élus face à cette complexité. C'est pourquoi, depuis le printemps, Sénat et Gouvernement s'engagent pour une meilleure fabrique de la loi. Il s'agit de préserver le pouvoir d'agir des élus.

Notre démocratie s'enorgueillit de ses centaines de milliers d'élus. Il leur faut un statut.

Pour sauver l'espèce menacée que sont les élus, il vous appartient, madame la ministre, de confirmer votre engagement en levant le gage sur l'extension à l'ensemble des élus de la protection fonctionnelle.

Prenons garde à ne pas décourager les élus, qui sentent parfois un système à deux vitesses.

Les élus municipaux sont les ouvriers de la première et dernière heure. Dans l'ombre, ils participent à la préservation du lien social et sont les artisans des valeurs de la République.

Je forme le voeu que cette proposition de loi prospère et contribue à donner envie à ces hommes et femmes de s'engager. Le groupe UC le votera sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDPI)

M. Guy Benarroche .  - Nous représentons les territoires. Les travaux de notre assemblée affirment le besoin d'un renouveau de la démocratie locale, de conforter les élus.

Notre groupe s'associe aux mesures de protection et d'accompagnement du texte. Souvent peu ou pas indemnisés, ayant des difficultés à concilier leur mandat avec leur vie professionnelle et personnelle, les élus doivent bénéficier d'un statut plus protecteur.

La crise de confiance du citoyen et celle des élus sont liées. Cette proposition de loi ne réglera pas le problème, mais nous l'accueillons favorablement.

Nous sommes plus circonspects sur l'aggravation des peines.

Les budgets de nos collectivités sont en souffrance. Nous soutenons la compensation par l'État du coût de la protection fonctionnelle et son extension aux candidats lors des campagnes électorales. La facilitation des liens avec les autorités judiciaires est également bienvenue.

Nous proposerons l'extension aux collaborateurs d'élus, et notre collègue Paul Toussaint Parigi proposera d'adapter le texte aux élus corses.

Nous sommes attentifs à ce que ces mesures n'accroissent pas le fossé entre élus et citoyens.

Nous devons continuer à lutter contre le sentiment d'être perdus face au parcours de combattant de la judiciarisation. Les moyens doivent être mieux utilisés contre l'impression d'une justice à deux vitesses.

Je salue à nouveau l'action de ces élus si souvent « à portée de baffe », mais nous ne sommes pas dupes : ces violences s'inscrivent dans le sentiment de déconnexion entre citoyens et politiques. La réponse passe par plus de démocratie locale. Imaginons des consultations et référendums citoyens bien en amont des décisions.

Mais, peu de temps avant la discussion du texte sur l'immigration, comment ne pas s'interroger sur les menaces subies par les élus de Callac et de Saint-Brevin-les-Pins ? Les élus écologistes ne sont pas épargnés : « Ne venez pas chez nous, ça va mal se passer », selon le communiqué officiel d'une chambre d'agriculture à Marine Tondelier.

Notre groupe, qui souhaite améliorer encore ce texte nécessaire, le votera.

Mme Cécile Cukierman .  - Je remercie le président Buffet de cette proposition de loi, qui n'est pas l'alpha et l'oméga de la réponse au problème conjoncturel des violences envers les élus.

J'ai un mot pour tous les élus municipaux de la Loire, de Rozier-en-Donzy à Saint-Alban-les-Eaux, qui ont été victimes de violence dans l'exercice de leur mandat.

Si cette initiative parlementaire s'inscrit dans la suite de nos travaux, notamment la mission consécutive à la mort du maire de Signes, elle répond à des problèmes de plus en plus récurrents : menaces, insultes, agressions.

Oui, nous devons être fermes, mais sans céder au catastrophisme ambiant. Comme le démontre l'Observatoire des agressions, 1 500 élus ont subi des violences, chiffre en augmentation de 15 % en 2022, pour 509 000 élus locaux qui incarnent la République au quotidien.

Une réflexion doit être engagée sur les délais de justice. Madame la ministre, il est inconcevable que des élus attendent six ans pour connaître les suites données à leurs plaintes. La réponse pénale doit être à la hauteur.

J'en viens à un débat plus large : la crise de l'engagement qui se profile pour 2026. La sécurité des élus n'est pas le seul sujet. Les démissions liées aux changements de vie et à la perte de sens du mandat rendent encore plus difficile de monter des listes. Je me suis toujours opposée à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui a considérablement amoindri le pouvoir d'action des élus locaux.

La crise covid a montré que les élus étaient capables de prendre leurs responsabilités : offrons-leur un véritable statut ! Celui-ci ne peut se résumer à quelques phrases ajoutées au code général des collectivités territoriales (CGCT), mais touche au devenir même des élus. Le groupe CRCE-Kanaky votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-Kanaky)

La séance est suspendue à 20 h 00.

La séance reprend à 21 h 30.

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

Mme Maryse Carrère .  - La mort du maire de Signes en 2019 a marqué un tournant. De faits divers, nous sommes passés à une tendance inquiétante à la contestation de l'autorité. Les violences envers les élus ont provoqué une grande indignation, notamment l'incendie du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins et l'attaque à la voiture-bélier du domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses.

Les violences envers les élus locaux augmentent, et leurs proches ne sont pas épargnés. Le Sénat est vigilant et le RDSE mobilisé. La loi du 24 janvier 2023, que nous devons à Nathalie Delattre, permet aux associations d'élus de se constituer partie civile. Dès 2019, Éric Gold avait déposé une proposition de loi visant à lutter contre les incivilités, menaces et violences envers les personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif public. Faute de réponse forte, les élus ressentent un sentiment d'abandon et de découragement. Je salue aussi le travail d'Henri Cabanel. Son rapport d'information sur la redynamisation de la culture citoyenne montre que ces violences sont une expression du délitement des liens entre les citoyens et les politiques.

Le rapport de Philippe Bas en 2019 a, lui aussi, mis en lumière les risques encourus par les élus locaux.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de ces travaux.

Nous saluons les dispositifs proposés, mais des progrès sont possibles. L'amendement d'Ahmed Laouedj, déclaré irrecevable au titre de l'article 40, étendait la protection fonctionnelle à tous les élus municipaux.

Nous devons aussi réfléchir aux recours abusifs qui, trop souvent, entravent sans raison valable l'action des élus locaux.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Tout à fait.

Mme Maryse Carrère.  - Notre groupe votera unanimement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le 19 août, en Charente-Maritime, le maire de L'Houmeau est frappé par des gens du voyage ; le 7 septembre, un conseiller municipal de Gresse-en-Vercors est agressé ; idem le 27 septembre, dans la Loire, à Rozier-Côtes-d'Aurec ; le 29 septembre, dans la Meuse, le maire de Cléry-le-Grand est violemment frappé par un administré ; le 30 septembre, le maire de Miradoux dans le Gers reçoit deux coups de poing.

La liste est malheureusement trop longue. Au nom du RDPI, j'adresse un message de solidarité à ces élus. L'expression « à portée de gifle » s'emploie de plus en plus souvent au sens propre. Certains de nos concitoyens considèrent désormais les élus locaux comme des ennemis, et non des adversaires politiques, haïs pour ce qu'ils sont et pour ce qu'ils représentent.

La police et la gendarmerie forment les élus locaux à gérer ces comportements agressifs. La justice se montre plus réactive et plus sévère : en Moselle, une femme a été condamnée à six mois de prison ferme après l'agression d'un maire. À Toulouse, deux personnes ont été condamnées avec sursis pour des violences commises le jour de la fête de la musique.

Depuis 2017, beaucoup a été fait. Mais les violences augmentent, d'où la nécessité de compléter le dispositif de protection des élus. Nous sommes favorables à cette proposition de loi et saluons le choix du Gouvernement de déclencher la procédure accélérée, ainsi que son plan national de prévention et de lutte contre les violences envers les élus.

Nous nous réjouissons de la création des filières d'urgence dans les juridictions administratives. Il faut aussi renforcer les liens entre le monde judiciaire et les collectivités. Certains procureurs n'entretiennent aucune relation avec les élus locaux : c'est regrettable. Je salue la possibilité offerte aux procureurs d'intervenir dans les bulletins municipaux.

L'allongement du délai de prescription pour les injures et la diffamation est bienvenu, tout comme l'octroi automatique de la protection fonctionnelle aux exécutifs régionaux et départementaux. Pourquoi ne pas étendre cette possibilité à tous les élus municipaux ?

La réponse à ce fléau n'est pas uniquement législative : le pack sécurité, prévu par le Gouvernement, est une bonne initiative, destinée à rassurer les élus, de même que la création de référents « atteintes aux élus » dans toutes les brigades et commissariats. La création du centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus favorisera une meilleure compréhension du phénomène.

Nous devons traiter le problème à la racine, en répondant à la crise civique que traverse notre pays. Luttons contre la défiance des Français vis-à-vis de nos institutions, qui touche tous les niveaux désormais, y compris les maires. Gare au point de non-retour, quand un maire sur deux ne souhaite pas se représenter en 2026.

Avançons sur la création d'un statut de l'élu : nous attendons avec impatience les annonces prévues pour le Congrès des maires. Le RDPI votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Hussein Bourgi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 22 mars dernier, après plusieurs semaines de violence verbale, la dégradation de son domicile a poussé Yannick Morez à la démission. Dépité, désabusé, découragé, ce médecin dévoué a renoncé à son mandat. Il témoignait de sa solitude et de l'ingratitude rencontrée. Engagés aux côtés des élus locaux, nous entendons souvent des témoignages similaires.

De la Loire-Atlantique à l'Hérault, les violences se multiplient. Chaque fois, nous manifestons notre solidarité et notre indignation, mais rien n'y fait : les chiffres sont là, têtus, froids comme notre colère, graves comme notre état d'esprit. En 2022, le ministère de l'intérieur a recensé 2 265 faits de violence, chiffre en augmentation de 32 % en un an.

Personne n'est à l'abri : enseignants, médecins, pompiers, forces de l'ordre, élus. Or les maires sont en première ligne. L'État les mobilise pour atténuer le choc des crises, pour entretenir la cohésion sociale. Les élus locaux sont toujours disponibles, par sens du devoir, par amour de leur commune et attachement à la République.

Même s'ils sont « à portée d'engueulade », les élus locaux ne sauraient devenir des exutoires pour tous les mécontents, tous les frustrés et tous les délinquants. Il nous faut les protéger : tel est le sens des initiatives parlementaires, notamment cette proposition de loi.

Nous souscrivons à la plupart de ses dispositions.

L'aggravation des sanctions est un message envoyé aux élus, pour leur dire qu'ils ne sont pas seuls et que la République les protège.

Nous saluons la prise en compte des nouvelles formes de violence - calomnie, cyberharcèlement et injures sur les réseaux sociaux.

Nous saluons également les mesures du titre II, dont la plupart figuraient dans une proposition de loi d'Éric Kerrouche et de Didier Marie déposée le 23 juin 2023.

Un sujet mérite votre plus grand engagement, madame la ministre : l'extension de la protection fonctionnelle à tous les élus municipaux. (Mme Françoise Gatel acquiesce.) J'avais déposé un amendement en ce sens, mais il s'est heurté à l'article 40. C'est pourtant un objectif partagé. Un de mes sous-amendements a aussi été déclaré irrecevable. Madame la ministre, vous êtes la seule capable de lever le gage ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDSE et du groupe UC ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Tout ne passe pas par la loi. Depuis 2021, l'association des maires de l'Hérault se porte systématiquement partie civile. Des protocoles ont été signés avec la préfecture, la police et la gendarmerie pour enregistrer les plaintes. Bientôt, une convention sera conclue entre l'ordre des avocats et l'association des maires.

Avec ce texte, nous disons à nos collègues maires que sommes à leurs côtés. Les élus locaux sont les garants de l'intérêt général et les sentinelles du bien commun. Ils incarnent la République : nous leur devons la protection de la nation. J'espère que nous voterons unanimement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDSE, du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme Nadine Bellurot .  - Je salue les auteurs de cette proposition de loi et la rapporteure. Chaque jour, des faits divers : la violence, toujours condamnable, n'est jamais la réponse.

Des réponses s'imposent. L'État doit protéger nos élus qui, au quotidien, subissent des agressions. En 2022, les plaintes ont augmenté de 32 % - et toutes les victimes ne portent pas plainte ! Pourtant, il est indispensable de le faire : le classement sans suite ou la lenteur des procédures peuvent décourager, mais il faut agir. Je pense aux maires de Belâbre, Bonneuil, Vatan, dans l'Indre, qui ont été agressés.

Les élus locaux doivent toujours faire plus, avec moins. Alors que se profile une crise des vocations, améliorons leur protection.

Ce texte apporte des réponses concrètes. Il faut aussi prendre en compte les difficultés que rencontrent les élus pour s'assurer. Le monde judiciaire doit être à leurs côtés ; cela suppose d'y consacrer plus de magistrats et de greffiers.

Les élus sont les sentinelles de la République, ne les abandonnons pas ! Apportons une réponse ferme pour endiguer ces violences.

Nos élus ont besoin de respect. Faisons savoir que toute agression entraînera une sanction ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel et M. Hussein Bourgi applaudissent également.)

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Stéphane Ravier .  - Le retour au respect de l'élu local dépend d'un contexte favorable. Nombre de nos concitoyens ne craignent plus ni les policiers, ni la justice, ni les élus, car ils sont affaiblis institutionnellement.

Dès mon premier mandat, j'avais déposé une proposition de loi pour améliorer la protection des élus. Mais vous avez préféré attendre que 4 000 élus démissionnent. Mieux vaut tard que jamais !

En 2022, 1 400 faits ont été recensés. Selon le Cevipof, un maire sur trois se dit victime de menaces. La crise de l'autorité est généralisée : dès lors, aligner les sanctions sur celles encourues pour des violences contre les forces de l'ordre est cohérent. Le message est clair - encore faut-il qu'il soit appliqué à chaque fois qu'un élu est victime.

Profitons-en pour augmenter les pouvoirs des polices municipales - armement, reclassement en catégorie B, accès aux fichiers, etc. Nous ne pouvons pas toujours être dans le curatif. Les policiers municipaux sont souvent les premiers à intervenir et prolongent l'autorité des élus.

Les élus locaux doivent retrouver de l'autonomie dans un mouvement général de décentralisation. L'insécurité n'est pas un mal sans cause. Le respect de l'autorité se suscite. Le chemin est encore long pour l'État : proposer aux élus de porter un bouton d'alarme relève du gadget plutôt que d'une mesure sérieuse. Assez de solutions concoctées dans les cabinets de conseil, place à une vision politique ! Pensons renforcement de la répression, décentralisation, confiance et partage de l'autorité.

Mme Laure Darcos .  - (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.) L'insécurité figure parmi les priorités des élus locaux.

L'attaque du domicile de Vincent Jeanbrun n'est que le dernier fait divers en date. Souvenons-nous aussi de l'incendie volontaire du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins, qui a livré au Sénat un témoignage glaçant de la violence quotidienne. N'oublions pas la mort du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel.

L'Essonne aussi est touchée par ce fléau ; je pense à Patrick Rauscher, maire de Saintry-sur-Seine, qui ne compte plus les menaces de mort à son encontre et les plaintes qui n'aboutissent jamais.

Les violences s'ajoutent aux difficultés de la vie quotidienne des élus, comme la judiciarisation de la vie publique. D'où la crise des vocations.

Notre législation doit s'adapter : cette proposition de loi est une avancée importante et répond à un besoin des élus.

Nous sommes favorables au durcissement des peines contre les auteurs de violence. De même, nous approuvons les peines contre ceux qui injurient en ligne.

La protection fonctionnelle automatique est bienvenue, de même que son extension aux conseillers régionaux et départementaux. Avec la prise en charge par l'État de la couverture assurantielle pour les communes de moins de 10 000 habitants et la protection des candidats, le législateur s'engage.

Enfin, le texte vise à améliorer la sécurité de nos communes. Le renforcement de la présence du procureur de la République au sein des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD-CISPD) est une bonne chose. Il est judicieux de lui offrir la possibilité de s'exprimer dans les bulletins communaux.

L'insécurité mine le quotidien de nos élus et de nos concitoyens. Mais ce texte ne suffira pas à endiguer la montée des violences et incivilités. La sanction, même exemplaire, reste insuffisante pour ceux qui veulent se soustraire aux règles de vie commune.

Pour endiguer la crise des vocations, il faudra aller vers un vrai statut de l'élu, attractif. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Anne Chain-Larché .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Sénat peut être fier des deux propositions de loi étudiées cet après-midi, qui reflètent nos préoccupations.

Les élus souffrent. En 2022, 1 500 maires ont été agressés. En juillet, 600 maires ont été agressés, et 25 000 bâtiments publics, dont 105 mairies et 243 écoles, vandalisés.

Les vocations se feront rares en 2026. Des lois ont été votées sans en mesurer les impacts : les élus ont perdu leur pouvoir d'agir et leur autonomie financière. Les administrés, depuis le covid, sont devenus des consommateurs, ce qui est très difficile à vivre pour les maires. La perte d'autorité de l'État est patente jusqu'au sein de nos communes.

Sur 520 000 élus locaux - quelle richesse ! - 165 000 affirment qu'ils ne se représenteront pas, dont 6 400 maires. Quel sera le visage de la France en 2026 ?

Dans la lignée du rapport d'information de nos collègues, nous ferons des propositions. Beaucoup d'élus veulent des peines planchers ; il faudrait s'y pencher, monsieur le président de la commission des lois. La peur doit changer de camp. Il faut beaucoup de courage pour être maire. Churchill disait : « Le courage est la première des qualités humaines, car elle garantit toutes les autres ». Les élus locaux n'en manquent pas, et le Sénat sera à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pas un mois sans agression d'un élu - et les chiffres ne reflètent pas la réalité, car de nombreux élus renoncent à porter plainte.

Pourtant, nos 500 000 élus sont une richesse, nous nous devons de les protéger. N'amplifions pas la crise de l'engagement citoyen. J'accueille donc favorablement cette proposition de loi.

L'aggravation des peines ne pourra être efficace sans peine plancher. Le maire de L'Houmeau en Charente-Maritime a été agressé par une personne qui n'a été condamnée qu'à un an d'emprisonnement, après onze condamnations !

La protection fonctionnelle et la prise en charge sont bienvenues. Mais trop souvent, les agressions sont minimisées. Le renforcement des liens avec les acteurs judiciaires est indispensable. Je voterai donc cette proposition de loi. Il faudra cependant poursuivre le travail, pour mieux prévenir les violences, en se penchant sur leurs causes. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Assurer la protection et la sécurité de chaque citoyen est l'essence même des missions de l'État. Cela vaut naturellement pour les élus locaux. Ce texte est de la plus grande acuité face à la montée des agressions, de plus en plus violentes. Les familles d'élus sont visées, et les réseaux sociaux démultiplient les violences.

Le Puy-de-Dôme n'est pas épargné : les maires de Saint Bonnet-près-Riom ou Volvic peuvent en témoigner.

Cette proposition de loi suggère d'évoluer en matière de sanctions, d'information et de protection des élus. L'enquête de 2019 et les quatorze mesures concrètes sont à saluer. L'État doit les entendre.

Les démissions de nos édiles sont légion. Il importe que l'atteinte à la vie privée et familiale soit une circonstance aggravante. Les suites judiciaires sont peu fréquentes : seul un cinquième des plaintes aboutit à des condamnations. Seuls 6 % des élus obtiennent réparation. La sanction doit être renforcée. Une peine de travaux d'intérêt général est-elle suffisante quand on insulte un élu ? La protection fonctionnelle doit être automatique ; il faut mieux informer les élus locaux à ce sujet.

Madame la ministre, écoutez, entendez et protégez les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Discussion des articles

AVANT L'ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mme Pluchet, M. Sautarel, Mmes Morin-Desailly et N. Goulet, MM. Capo-Canellas, Cigolotti, Lafon, Longeot et Levi, Mme Noël, MM. Daubresse et H. Leroy, Mme Loisier, MM. Henno, Laugier et Menonville, Mme de La Provôté, MM. Paccaud, Chasseing, Mizzon, Canévet, Guerriau et Reichardt, Mme Muller-Bronn, MM. Milon, Rochette, J.P. Vogel, Le Rudulier, Courtial, Pointereau, Houpert et Laménie, Mme Lopez, M. Belin, Mme L. Darcos, MM. Duffourg et Kern, Mmes Josende, Aeschlimann et Herzog, M. Wattebled, Mmes F. Gerbaud et Jacquemet, MM. Hingray, Pellevat et J.M. Arnaud et Mme Lermytte.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La sous-section 4 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :

1° L'article 132-18-1 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 132-18-1.  -  Pour les crimes commis contre un titulaire d'un mandat électif public dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur, la peine d'emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;

« 2° Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;

« 3° Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;

« 4° Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. » ; 

2° L'article 132-19-1 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 132-19-1.  -  Pour les délits commis contre un titulaire d'un mandat électif public dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Un an, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ;

« 2° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement ;

« 3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ;

« 4° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. 

« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d'une peine d'amende et d'une ou plusieurs peines complémentaires. »

M. Jean-François Longeot.  - Entre 2021 et 2022, les agressions verbales et physiques envers les élus ont augmenté de 32 %. Encore la réalité dépasse-t-elle les chiffres, nombre d'élus ne portant pas plainte. Plus largement, les tensions croissantes avec les administrés rendent l'exercice des mandats de plus en plus difficile.

Malgré de nombreuses alertes et des drames comme le décès du maire de Signes, les mesures nécessaires n'ont pas été prises.

Si le renforcement des peines est nécessaire, nous ne pouvons que déplorer que celles prononcées soient inférieures à celles que prévoit la loi. C'est pourquoi nous proposons de réinstaurer des peines minimales, à l'instar de celles mises en place en 2007 et supprimées sous François Hollande.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Il est inconcevable de prévoir des peines planchers pour les seuls élus ; tous les dépositaires de l'autorité publique devraient en bénéficier. Au reste, le dispositif appliqué en 2007 et 2014 n'a pas remporté un grand succès : en raison du nombre de dérogations motivées, il était, en réalité, loin d'être automatique. La mesure proposée serait retoquée par le Conseil constitutionnel pour rupture du principe d'égalité. Offrons aux élus des solutions robustes, comme l'alourdissement des peines que la commission propose. Retrait ou avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Avis défavorable également. Entre 2008 et 2013, les peines planchers n'ont pas entraîné davantage d'emprisonnements ; le quantum moyen ferme des peines prononcées a même augmenté depuis leur abrogation. En outre, le dispositif proposé risquerait d'allonger davantage encore le délai de traitement des affaires.

M. Jean-François Longeot.  - Je retire cet amendement compte tenu des explications reçues. Nous lançons toutefois un appel fort car, trop souvent, les peines ne sont pas appliquées. Ainsi, l'auteur d'une agression n'a pas été condamné parce qu'il a déclaré au tribunal : « Je l'ai frappé sans savoir qu'il s'agissait d'un élu »... Il faut alourdir les peines et surtout les appliquer !

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Le sujet est d'importance, et la commission des lois ne balaie pas d'un revers de main vos propositions. Il faut une prise de conscience générale et un meilleur échange entre procureurs et élus. Oui, les sanctions doivent être fermes. Mais cet amendement se heurtait à un problème constitutionnel : toute personne dépositaire de l'autorité publique devrait bénéficier du même dispositif. Je remercie notre collègue de l'avoir retiré.

ARTICLE 1er

Mme Karine Daniel .  - C'est avec gravité que je prends la parole pour la première fois dans cet hémicycle, comme représentante d'un département, la Loire-Atlantique, particulièrement touché par les violences envers les élus et au lendemain d'événements graves survenus à Rezé, à l'occasion d'une réunion publique où menaces et insultes racistes et extrémistes ont été proférées envers la maire, Agnès Bourgeais, et d'autres élus de la commune. Alors que notre département reste choqué par les violences subies par le maire de Saint-Brevin-les-Pins, celle qui lui a succédé, Dorothée Pacaud, continue de subir des intimidations.

En novembre dernier, 165 élus de l'association des maires de Loire-Atlantique ont écrit à Emmanuel Macron pour demander plus de fermeté. Il faut enfin sanctionner. La République et les préfets doivent être plus proches des élus locaux, trop seuls pour faire face.

Notre engagement au côté de ceux qui sont le ciment de notre pacte social doit être sans faille ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Olivia Richard .  - Je prends également la parole pour la première fois dans cette enceinte. Les conseillers des Français de l'étranger ne sont pas épargnés par les violences. Eux aussi ont besoin de relais et de procédures efficaces, même à l'autre bout du monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Patricia Schillinger et M. Hussein Bourgi applaudissent également.)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Élargissons la protection fonctionnelle à l'ensemble des élus, sans oublier les conseillers des Français de l'étranger, devenus des interlocuteurs incontournables pour nos plus de trois millions de compatriotes vivant en dehors de nos frontières. Ces 443 élus de proximité, présents sur les cinq continents, bénéficient d'une aide forfaitaire pour souscrire une assurance, mais ils méritent une reconnaissance à la hauteur de leur engagement, où qu'ils se trouvent dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Simon Uzenat .  - À mon tour de prendre la parole pour la première fois dans cet hémicycle. Nous constatons tous le mal-être des élus locaux. Ces dernières semaines, nous avons entendu de nombreux témoignages édifiants - Muriel Jourda ne me contredira pas : dans le Morbihan, on enregistre quatre démissions d'élu par semaine... Nombre d'élus dénoncent la lenteur et la faiblesse de leur accompagnement.

Les élus, certes, ne sont pas des privilégiés ; mais ils ne sont pas non plus des sous-citoyens sur lesquels on peut impunément essuyer sa colère. Bannissons nous-mêmes de notre vocabulaire des expressions comme « être à portée de baffes ».

À la suite de mes collègues Hussein Bourgi et Hélène Conway-Mouret, j'appelle à étendre la protection fonctionnelle à tous les élus locaux, pour les protéger efficacement au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Cécile Cukierman .  - Nous sommes dans une société où la violence n'a jamais été aussi forte. Nous devons nous attaquer aux causes de cette violence, sinon nous nous tromperons. Nous pouvons bien aggraver telle ou telle peine, mais les auteurs de ces violences ne respectent pas l'autorité incarnée par les élus et se fichent de la loi. Ni le drame du maire de Signes, ni les faits ayant conduit à la démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins, ni l'attaque terrible ayant visé le maire de L'Haÿ-les-Roses n'étaient liés à une question de peines. Ce qu'il faut - et c'est la responsabilité de l'État, du Gouvernement et du Président de la République -, c'est replacer les élus locaux comme des acteurs essentiels de notre République ! (Applaudissements et marques d'approbation sur de nombreuses travées)

M. François Bonhomme .  - Alors que l'augmentation des violences envers les élus est indiscutable, les suites judiciaires sont insuffisantes, voire inexistantes. Face à ce manque d'efficacité de la réponse judiciaire, de nombreux élus renoncent à porter plainte -  et pensent à rendre leur écharpe.

Une suspicion croissante s'étend à toute forme d'autorité : professeurs, juges, forces de l'ordre. Quand d'aucuns prétendent que « la police tue » ou invoquent de prétendues violences structurelles, ils alimentent cette suspicion à l'encontre de toute autorité constituée ! (Marques d'assentiment à droite)

M. Olivier Paccaud .  - Il faut, bien sûr, aggraver les peines. Mais nombre de plaintes s'évaporent... J'ai rencontré ces dernières semaines plus de 600 élus : le nombre de ceux qui, après avoir porté plainte, n'ont jamais reçu de nouvelles est sidérant !

M. Laurent Burgoa.  - Tout à fait !

M. Olivier Paccaud.  - Y a-t-il chez certains procureurs une volonté de ne pas protéger les élus ? De fait, le nombre de plaintes qui n'aboutissent pas est scandaleux. (Mme Cathy Apourceau-Poly abonde.) L'un des principaux problèmes, c'est l'absence de la justice derrière les élus : c'est clair et net, et il faut le dire ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Lucien Stanzione applaudit également.)

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 1

Supprimer les mots : 

chapitre II du

II.  -  Après l'alinéa 1 

Insérer trois alinéas ainsi rédigés : 

...° L'article 221-4 est ainsi modifié : 

a) Au 4° , après le mot : « ministériel, », sont insérés les mots : « un titulaire d'un mandat électif public, » ; 

b) A la seconde phrase du dernier alinéa, après le mot : « pénitentiaire » sont insérés les mots : « ,un titulaire d'un mandat électif public » ;

III.  -  Alinéa 3 

Après le mot : 

articles

insérer les références : 

222-3, 222-8, 222-10,

IV.  -  Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

...) Au premier alinéa de l'article 222-14-1, après le mot : « pénitentiaire », sont insérés les mots : « un titulaire d'un mandat électif public » ;

V. -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : 

...° Au deuxième alinéa de l'article 433-5, après le mot : « publique, », sont insérés les mots : « au titulaire d'un mandat électif public ».

M. Hussein Bourgi.  - Cet amendement étend les circonstances aggravantes à de nouveaux délits et crimes commis contre les élus. Certes, on nous a expliqué en commission que la jurisprudence y pourvoit, mais la jurisprudence n'est pas stable, s'agissant notamment des conseillers municipaux sans délégation. C'est pourquoi nous proposons d'inscrire cette mesure dans la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Nous n'y sommes pas favorables. Cette disposition introduirait des doublons : les élus locaux sans délégation ont la qualité de personnes chargées d'une mission de service public -  comme nous autres parlementaires.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Madame Daniel, je viens d'apprendre que la maire de Rezé a fait l'objet de menaces de mort et a été poursuivie jusqu'à son domicile. C'est évidemment inacceptable. Je l'appellerai demain, ainsi que le sous-préfet, pour m'assurer de la mise en place de la protection nécessaire.

Monsieur Paccaud, depuis la publication de la circulaire cosignée par Gérald Darmanin, Éric Dupond-Moretti et moi-même, les procureurs répondent présent...

Mme Marie Mercier.  - C'est faux !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - ... et les classements sans suite ont beaucoup diminué.

M. Olivier Paccaud.  - Pas dans l'Oise !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Les choses progressent : nous veillons à ce que les sanctions soient à la hauteur de ce que nous attendons tous, dans le respect de l'indépendance de la justice.

Monsieur Bourgi, le code pénal prévoit déjà des peines aggravées pour les crimes et délits commis contre des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public. Toutefois, il est vrai que la jurisprudence est plus complexe pour les conseillers municipaux sans délégation. Votre amendement est ainsi partiellement satisfait et je m'en remets à la sagesse du Sénat.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Parigi, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots : 

et ses collaborateurs de cabinet

M. Guy Benarroche.  - Nous proposons d'étendre la protection fonctionnelle aux collaborateurs d'élus et membres de leur cabinet. Récemment, le collaborateur de la députée Aurélie Trouvé a été victime d'une violente agression. En mai dernier, un collaborateur de la maire de Calais a reçu un coup à la tête lors d'un déplacement professionnel. Protégeons aussi les salariés des élus.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Nous comprenons l'intention, mais étendre cette mesure à des personnes non dépositaires de l'autorité publique serait disproportionné et remettrait en cause la cohérence du dispositif adopté dans la loi Sécurité intérieure de janvier 2022. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis. Certes, les collaborateurs et membres de cabinet ont une relation directe avec les élus et nous condamnons toute violence à leur encontre. Toutefois, cette extension nous semble aller trop loin. Conservons une gradation des peines. En outre, le terme de collaborateur de cabinet, trop vague, risque d'aller à l'encontre du principe de clarté et d'intelligibilité de la loi pénale.

M. Cédric Vial.  - Je connais bien la profession de collaborateur, qui est définie dans le code général des collectivités territoriales (CGCT). La rédaction de l'amendement n'étant pas adaptée, je ne le voterai pas, mais la situation des collaborateurs de cabinet mérite d'être étudiée, car ils accompagnent les élus.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté, de même que les articles 2, 2 bis et 2 ter.

ARTICLE 3

M. Jean-François Longeot .  - Nos maires rencontrent de nombreuses difficultés dans l'exercice de leur mission. L'intolérance à la frustration des citoyens grandit, et plus d'un maire sur trois affirme avoir déjà été victime de violences, verbales voire physiques. Dans le Doubs, le maire de Vennans, André Mesnier, a été frappé par un livreur à qui il reprochait de rouler trop vite. Le jugement ne lui a pas été favorable, car il n'avait pas indiqué sa fonction à l'agresseur. C'est ubuesque ! Fallait-il qu'il aille chercher son écharpe ?

La gestion de l'urbanisme donne également lieu à des menaces et intimidations, c'est pourquoi l'arrêté devrait être signé également par le préfet, et non par le maire seul. Le ZAN ne manquera pas d'aggraver les choses. Quelles sont vos intentions en la matière, madame la ministre ?

M. Ahmed Laouedj .  - L'article 3 rend la protection fonctionnelle automatique dès lors que l'intéressé en fait la demande. Cette mesure attendue laisse cependant un goût d'inachevé, car elle ne concerne que les conseillers municipaux ayant une délégation, et exclut mécaniquement les conseillers d'opposition. Or tout élu municipal est susceptible d'être agressé en raison de sa fonction.

Mon amendement élargissant le dispositif à tous les conseillers s'est heurté à l'article 40 de la Constitution. Je le regrette, même si je le comprends. Madame la ministre, quelle solution proposez-vous pour remédier à cette inégalité de traitement ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Cécile Cukierman .  - Certes, on peut toujours renforcer la protection fonctionnelle. Mais il faudrait avant tout accélérer la réponse judiciaire, car les maires attendent des années un retour de la justice !

Madame la ministre, vous promettez de grandes annonces pour le prochain Congrès des maires, mais il ne s'agit pas de ménager le suspense, ce n'est pas une série télévisée ! C'est un sujet sérieux, réel.

En juin, devant la commission des lois, vous manifestiez peu d'appétence pour avancer sur le statut de l'élu. Vous avez évolué pendant l'été, tant mieux. À six semaines du Congrès des maires, échangez donc dans cette enceinte, pour confronter vos propositions à la réalité du terrain et apporter des réponses efficaces aux élus locaux !

M. Hussein Bourgi .  - Je reviens à la charge, madame la ministre : nos travaux sont consensuels, mais il vous appartient de répondre, avec panache, à l'appel lancé sur tous les bancs ! Il serait impensable de dire, dans un texte que le Sénat adoptera sans doute à l'unanimité, qu'il existe des élus de première zone - les membres de l'exécutif local - et d'autres de seconde zone, notamment les conseillers municipaux d'opposition ! N'envoyons pas de message contreproductif.

Avec respect et sympathie, je vous le dis : soit vous répondez à notre appel, soit votre position sera intenable - et vous devrez finir par céder, sous la pression des associations d'élus. Ce soir, j'ai envie que tout le monde gagne : le Sénat, le Gouvernement, mais surtout les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois .  - Je soutiens moi aussi la demande de mes collègues. J'ai été également victime de l'article 40.

Étudiez notre demande avec bienveillance, madame la ministre : elle répondra aux attentes de tous les élus locaux. Si vous ne pouvez agir ce soir, faites-le au cours de la navette. Nous comptons tous sur vous ! Merci aux intervenants qui ont insisté sur ce sujet. (Applaudissements)

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié bis, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

a)  Le deuxième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La commune accorde sa protection au maire ou aux élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d'outrages à l'occasion ou du fait de leurs fonctions. Elle répare, le cas échéant, l'intégralité du préjudice qui en est résulté.

« L'élu, autre que le maire, adresse une demande de protection à celui-ci, le maire adressant sa demande à tout élu le suppléant ou ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L'élu bénéficie de la protection de la commune dès qu'il a été procédé à la transmission de la demande au représentant de l'État dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement dans les conditions prévues au II de l'article L. 2131-2 du présent code. Les membres du conseil municipal en sont informés dans les cinq jours francs suivant la date de réception par la commune. Cette information est portée à l'ordre du jour de la séance la plus proche de l'organe délibérant.

« Le conseil municipal peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l'élu par une délibération motivée prise dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il a été informé, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.

« Par dérogation à l'article L. 2121-9 du présent code, à la demande d'un ou de plusieurs de ses membres, le maire est tenu de convoquer le conseil municipal dans ce même délai. La convocation est accompagnée d'une note de synthèse. » ;

II. - Alinéas 8 à 10

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

3° Le deuxième alinéa de l'article L. 3123-29 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le département accorde sa protection au président du conseil départemental, aux vice-présidents ou aux conseillers départementaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d'outrages à l'occasion ou du fait de leurs fonctions. Il répare, le cas échéant, l'intégralité du préjudice qui en est résulté.

« L'élu, autre que le président du conseil départemental, adresse une demande de protection à celui-ci, le président du conseil départemental adressant sa demande à un vice-président ou à un conseiller ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L'élu bénéficie de la protection du département dès qu'il a été procédé à la transmission de la demande au représentant de l'État dans le département dans les conditions prévues au II de l'article L. 3131-2 du présent code. Les membres du conseil départemental en sont informés dans les cinq jours francs suivant la date de réception par le département. Cette information est portée à l'ordre du jour de la séance la plus proche de l'organe délibérant.

« Le conseil départemental peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l'élu par une délibération motivée prise dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il a été informé, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.

« Par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10 du présent code, à la demande d'un ou de plusieurs de ses membres, le président est tenu de convoquer le conseil départemental dans ce même délai. La convocation est accompagnée d'une note de synthèse. »

III. - Alinéas 11 à 13

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

4° Le deuxième alinéa de l'article L. 4135-29 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La région accorde sa protection au président du conseil régional, aux vice-présidents ou aux conseillers régionaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d'outrages à l'occasion ou du fait de leurs fonctions. Elle répare, le cas échéant, l'intégralité du préjudice qui en est résulté.

« L'élu, autre que le président du conseil régional, adresse une demande de protection à celui-ci, le président du conseil régional adressant sa demande à un vice-président ou à un conseiller ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L'élu bénéficie de la protection de la région dès qu'il a été procédé à la transmission de la demande au représentant de l'État dans la région dans les conditions prévues au II de l'article L. 4141-2 du présent code. Les membres du conseil régional en sont informés dans les cinq jours francs suivant la date de réception par la région. Cette information est portée à l'ordre du jour de la séance la plus proche de l'organe délibérant.

« Le conseil régional peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l'élu par une délibération motivée prise dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il a été informé, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.

« Par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9 du présent code, à la demande d'un ou de plusieurs de ses membres, le président est tenu de convoquer le conseil régional dans ce même délai. La convocation est accompagnée d'une note de synthèse. »

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le sujet du statut de l'élu ne figure pas dans la proposition de loi. J'y travaille avec tous les acteurs pour avancer et faire des propositions d'ici fin novembre. Mais tel n'est pas l'objet de nos travaux ce soir - je suis à votre disposition pour vous rencontrer sur ce sujet de première importance.

S'agissant de la protection fonctionnelle pour tous les conseillers municipaux, il m'est difficile de lever le gage sur un amendement qui n'existe pas. Je prends l'engagement d'étudier le sujet sérieusement et avec détermination, et de porter un amendement qui vous donne satisfaction au cours de la navette. Comptez sur moi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDSE, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Hussein Bourgi.  - Merci !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Quant à l'amendement n°16 rectifié bis, il précise le régime de décision d'octroi de la protection fonctionnelle.

La décision d'octroi naît à compter de la transmission au préfet de la demande de l'élu. Les modalités d'opposition de l'organe délibérant sont clarifiées, le droit d'information des élus renforcé, le droit des tiers est garanti.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 4, 9 et 12

Remplacer les mots : 

violences, de menaces ou d'outrages

par les mots : 

toutes atteintes à la personne humaine, tous crimes et délits contre les biens ainsi que tous délits d'outrages ou de diffamation

M. Hussein Bourgi.  - Dans la lignée de l'amendement précédent, nous proposons que la protection fonctionnelle soit accordée automatiquement en cas de harcèlement, d'atteinte à la vie privée ou de destruction des biens.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Madame la ministre, je vous remercie pour votre engagement. Quand vous porterez le sujet à l'Assemblée nationale, n'oubliez pas de dire que l'initiative est sénatoriale ! (Sourires)

M. Hussein Bourgi.  - Bien vu !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°16 rectifié bis.

L'amendement n°5 rectifié est en réalité satisfait par l'interprétation très extensive du juge, qui octroie la protection fonctionnelle aux victimes de voie de fait, de diffamation et d'injures. Une formulation volontairement large laisse de la souplesse et permet au juge de s'adapter aux nouvelles formes de violences.

Au demeurant, votre rédaction ne vise que les maires et adjoints. Retrait ou avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis : en listant les infractions, vous risquez de réduire le champ d'application des crimes et délits visés par le code pénal.

Mme Françoise Gatel.  - N'y voyez pas un harcèlement sénatorial, madame la ministre, mais j'insiste sur notre volonté unanime d'élargir la protection fonctionnelle à l'ensemble des conseillers municipaux. Parmi les 30 000 élus qui ont démissionné depuis 2020, il y a de nombreux conseillers municipaux qui se détachent du gruppetto car ils sont de plus en plus éloignés des décisions - alors même qu'ils risquent de se faire vilipender. Si nous voulons que nos concitoyens s'engagent, veillons-y !

L'amendement n°16 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°5 rectifié n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par MM. Parigi, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article L. 4422-10, il est inséré un article L. 4422-... ainsi rédigé :

« Art. L. 4422-.... - La collectivité de Corse accorde sa protection au président de l'Assemblée de Corse, au président du conseil exécutif de Corse, aux vice-présidents, aux conseillers exécutifs et territoriaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d'outrages à l'occasion ou du fait de leurs fonctions, qui en font la demande. Elle répare, le cas échéant, l'intégralité du préjudice qui en est résulté. Les membres de la collectivité de Corse en sont informés dans les plus brefs délais.

« La collectivité de Corse ne peut s'opposer à la protection mentionnée au deuxième alinéa ou en restreindre le champ que pour un motif d'intérêt général, par une délibération motivée prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l'élu concerné à la collectivité. L'inscription de ce point à l'ordre du jour de l'Assemblée de Corse est de droit à la demande d'un ou de plusieurs membres. »

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement précise que les dispositions de la proposition de loi s'appliquent bien à la collectivité de Corse. M. Parigi a un doute concernant le président de la collectivité de Corse.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Le Marseillais que vous êtes parle donc le corse ? (Sourires)

M. Guy Benarroche.  - Couramment !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Que M. Parigi soit rassuré : son amendement est satisfait par l'article L. 4421-1 du CGCT. Les élus de la collectivité de Corse exerçant des fonctions exécutives bénéficient bien de ce dispositif. Retrait ou avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Guy Benarroche.  - Ayant obtenu cette assurance, je retire l'amendement, avec l'accord tacite de M. Parigi.

L'amendement n°11 est retiré.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - L'extension de la compensation par l'État des contrats d'assurance de protection fonctionnelle aux communes de moins de 10 000 habitants relève d'un projet de loi de finances. Les grands esprits se rencontrent, car cette mesure figure dans le projet de loi de finances initiale pour 2024.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - N'y voyez aucune défiance, madame la ministre, mais nous tenons à ce que ce texte qui sortira du Sénat comprenne cette mesure, à laquelle nous tenons. Avis défavorable.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté, de même que les articles 5, 6, 7 et 8.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, notamment les critères permettant, en fonction de chaque scrutin, de définir les modalités d'accès au bureau central de tarification applicables aux candidats à un mandat électif public. » 

Mme Catherine Di Folco.  - Nous renvoyons à un décret en conseil d'État les modalités d'accès au bureau central de tarification applicables aux candidats à un mandat électif public.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°19 est adopté.

L'article 9, modifié, est adopté.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 5 à 9

Supprimer ces alinéas.

M. Lucien Stanzione.  - Les dispositions de l'article 10 prévoyant la prise en charge des frais engagés par les candidats pour assurer leur sécurité personnelle sont déraisonnables : les candidats seraient mieux protégés que les élus !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Je remercie le groupe socialiste qui m'a suivi sur le maintien de cet article. Avis défavorable à la suppression de ces alinéas. L'État doit jouer son rôle de garant de la pluralité des expressions, en protégeant tous les candidats aux élections.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Deux dispositifs de remboursement existent : celui de la propagande et le remboursement forfaitaire des frais de campagne. Veillons à éviter les abus. (M. Hussein Bourgi opine du chef.)

En outre, la multiplicité des candidats pourrait saturer le dispositif. Or l'intention est d'améliorer les délais de remboursement. Nous risquons des retards contraires à l'objectif de performance du programme 232.

Enfin, le dispositif serait plus protecteur pour les candidats que pour les élus. Sagesse.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous ne voterons pas cet amendement, car la loi doit s'inscrire dans le temps long. Aseptiser les campagnes tuerait la démocratie, même s'il ne faut pas créer un droit à l'excès ou à l'outrance. Plutôt que la performance du programme 232, je vise celle du débat démocratique. Restons-en au texte de la commission.

M. Éric Kerrouche.  - Notre lecture est tout à fait différente. L'ensemble des débordements envers les élus doivent être sanctionnés. Cependant, l'article 10 va trop loin : il donne plus de droits aux candidats qu'aux élus ! Or les candidats sont déjà protégés. Financer la vie publique serait préférable à cette mesure disproportionnée qui encouragerait les candidats cherchant les débordements.

M. Guy Benarroche.  - Nous voterons l'amendement de M. Bourgi. L'article 10 comporte un risque d'effets d'aubaine : certains pourraient rechercher des financements liés à des violences provoquées - pour ne pas dire plus. La solution, c'est le statut de l'élu et le renforcement de la vie citoyenne.

M. Hussein Bourgi.  - Si l'article entre en vigueur, la police et la gendarmerie crouleront sous les demandes. Mobiliser des dizaines de milliers de militaires serait exorbitant. Voter cette disposition de l'article 10, c'est susciter un effet d'aubaine : certaines formations politiques créeront leur boîte de sécurité maison et détourneront ainsi l'argent public au service de leurs intérêts. (Mme Karine Daniel et M. Guy Benarroche acquiescent.)

M. Lucien Stanzione.  - Très bien !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Les missions ne sont pas assurées par les services publics. De plus, un décret en Conseil d'État précisera les modalités, compte tenu notamment de la réalité de la menace. Par ailleurs, ce n'est pas nécessairement une boîte de protection qui sera créée, on parle aussi de vidéosurveillance.

M. Hussein Bourgi.  - C'est sur les marchés !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Enfin, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques veillera au grain. (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit ; marques de scepticisme sur les travées du groupe SER.)

L'amendement n 8 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté, de même que l'article 11.

ARTICLE 12

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Je me réjouis des évolutions contenues dans ce texte.

L'article 12 vise à améliorer l'information envers les élus. Cependant, l'article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure ne prévoit pas d'information en matière d'exécution des peines.

Un exemple, qui m'a été rapporté par Pierrick Bardeau, maire de Thorigny-sur-Oreuse, et son adjoint Jean-Marc Seeten : après une condamnation à six mois de prison ferme d'un individu de leur commune, quelle n'a pas été leur surprise quand ils l'ont croisé un mois et demi plus tard en pleine rue. Le maire n'avait pas été informé de sa remise en liberté...

Enfin, les collaborateurs et les personnels des mairies, à commencer par les secrétaires de mairie, sont aussi sujets à des menaces - je rappelle les travaux de Céline Brulin et Cédric Vial sur ce sujet. Il faut aussi le prendre en compte.

L'article 12 est adopté.

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Pierre-Alain Roiron.  - L'article 13 prévoit que le procureur dispose d'un encart dans le bulletin communal. Or il a déjà accès à la presse locale.

En outre, les juges ont autre chose à faire que de communiquer dans ces publications, qui sont parfois mensuelles ou annuelles. Supprimons cet article.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Je comprends votre argumentaire, mais les procureurs eux-mêmes sont demandeurs - je vous renvoie au rapport du procureur de la République de Reims -, comme les associations d'élus. Puisque sont prévues les mêmes garanties que pour les élus de l'opposition, le maire n'interférera pas avec les propos du procureur. Retrait ou avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le procureur peut déjà s'exprimer dans la presse locale. En outre, la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire a élargi les cas : le procureur peut communiquer sur les procédures ou autoriser un officier de police judiciaire (OPJ) à rendre publics des éléments de procédure, sous certaines conditions. Enfin, la mesure relève du réglementaire. Toutefois, sagesse.

M. Éric Kerrouche.  - Cette mesure est sans doute la plus incompréhensible de ce texte. Il s'agit d'une faculté, certes. Mais quelle latitude restera au maire, directeur de la publication ? Pourquoi seul le procureur serait-il autorisé à s'exprimer ? Pourquoi pas le recteur ? Le maire doit faire droit à la demande du procureur, ce qui nuit à la libre administration des collectivités territoriales. Malgré la bonne volonté de ceux qui la proposent, cette mesure n'apportera que des effets pervers.

M. Hussein Bourgi.  - Je rejoins les propos de mes collègues.

Plusieurs membres de notre groupe ont assisté à des conseils de juridiction. Ils ont interrogé les procureurs, lesquels leur ont répondu qu'ils avaient déjà suffisamment de travail comme ça.

En outre, la périodicité de la publication municipale est parfois semestrielle, voire annuelle, alors que la presse quotidienne régionale relaie l'information dès le lendemain : cela ferait réchauffé !

Certes, c'est une faculté, mais nous ne vous suivrons pas sur cette disposition. Le risque est grand que, pour s'en débarrasser, les procureurs rédigent un texte identique pour toutes les communes : on s'éloignerait alors de l'esprit initial de la disposition. Les bulletins communaux ne doivent pas se transformer en outils de communication de ministres.

Les autorités déconcentrées de l'État ont déjà accès à la presse.

M. Olivier Paccaud.  - C'est vrai !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - C'est une faculté, non une obligation. Monsieur Bourgi, vous avez raison : les procureurs peuvent communiquer dans la presse. Mais tout le monde ne la lit pas. Les bulletins municipaux sont distribués dans les boîtes aux lettres, c'est le moyen de toucher plus de monde. C'est une faculté : nous n'imposons rien. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe SER)

M. Cédric Vial.  - Je suis cosignataire de la proposition de loi, mais je suis gêné aux entournures par cet article. (Ah ! à gauche) On se bat suffisamment pour que l'État ne dicte pas aux maires ce qu'ils doivent faire...

Mme Audrey Linkenheld.  - Exactement !

M. Cédric Vial.  - Je me rallie aux arguments du groupe SER : supprimer cet article ne remettrait pas en cause l'équilibre du texte.

M. Olivier Paccaud.  - Je partage l'avis de Cédric Vial. Y a-t-il une demande des procureurs à cet égard ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Oui !

M. Olivier Paccaud.  - J'aimerais plutôt qu'ils s'expriment plus régulièrement et qu'ils réunissent les maires plus souvent !

Mme Cécile Cukierman.  - Il y a de la révolte !

L'amendement n°9 est adopté et l'article 13 est supprimé.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission.

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

Après le premier alinéa de l'article L. 132-4, sont insérés 

par les mots :

L'article L. 132-4 est complété par

II. - Alinéa 9

Après les mots :

responsables des

sont insérés les mots :

associations, établissements ou

L'amendement rédactionnel n°20, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 14, modifié, est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Éric Kerrouche .  - En France, nous nous réjouissons de nos 500 000 élus municipaux. Il y a eu 902 000 candidats en 2020. Mais le contexte actuel pèse sur les futures vocations. Les maires constatent une hausse de 10 % des incivilités entre 2020 et 2022.

Madame la ministre, vous dites que le Gouvernement souhaite réagir. C'est bien tardif ! En mai dernier, vous avez créé le centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus, mais cette proposition de loi vise déjà plus loin. Cependant, si elle dote les élus d'un glaive, il leur faut aussi un bouclier, avec un véritable statut.

Mme Cécile Cukierman .  - Nous voterons cette proposition de loi, malgré un désaccord entre nous, madame la ministre : ce texte contribue à poser les premiers jalons d'un statut de l'élu, mais nous attendons davantage.

La violence envers les élus n'est pas de même nature que la violence envers d'autres citoyens.

Depuis dix ans, je me bats pour un tel statut. Je suis sûre que nous y parviendrons un jour, mais il ne pourra pas se résumer à un article du CGCT : il devra prendre en compte la diversité et la globalité des situations, du temps de la campagne à celui du mandat, sans oublier l'après.

M. Hussein Bourgi .  - Je remercie les collègues pour le travail accompli ce soir : nous avons fait oeuvre utile.

Je remercie François-Noël Buffet, la rapporteure et la ministre, qui a fait montre de pragmatisme. Le groupe SER votera ce texte à l'unanimité.

Avant l'été, le Sénat a voté deux propositions de loi des groupes CRCE et du RDPI qui portaient sur la revalorisation du statut de secrétaire de mairie. Stanislas Guerini s'était engagé à ce qu'ils poursuivent leur cheminement parlementaire le plus rapidement possible. Il serait souhaitable qu'ils aboutissent avant le congrès des maires.

Mme Maryse Carrère .  - Merci à François-Noël Buffet et à la rapporteure pour ce travail minutieux.

Cette proposition de loi grave dans le marbre des mesures exemplaires et attendues : les maires se sentiront protégés.

Bien sûr, nous veillerons à la bonne application de la protection fonctionnelle pour tous les conseillers municipaux : je vous remercie pour votre ouverture, madame la ministre.

Je salue l'unanimité qui semble poindre. Pour sa part, en tout cas, le RDSE votera le texte à l'unanimité.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois .  - Merci à tous les collègues, même si nous venons de subir un échec. (Sourires) Certes, il faut le relativiser, mais tout de même : des maires pourraient avoir intérêt à disposer d'informations qu'ils n'ont jamais. Il serait utile que le procureur puisse s'exprimer dans le bulletin municipal. Ce n'est pas le cas ce soir, ce le sera peut-être plus tard.

Grâce à vous, madame la ministre, la procédure accélérée a été engagée sur ce texte : ce texte sera vraisemblablement adopté avant la fin de l'année. (Applaudissements)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

M. le président.  - À l'unanimité !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je félicite le président Buffet et la rapporteure pour ce texte proche de la volonté du Gouvernement. À quelques détails près, nous aurions pu l'écrire !

Je vous rassure sur les sujets sur lesquels vous m'avez interrogée : j'espère que ce texte sera examiné avant décembre à l'Assemblée, tout comme, vraisemblablement, les deux propositions de loi sur les secrétaires de mairie. Certes, Stanislas Guerini est au banc sur ces sujets, mais je les suis comme le lait sur le feu.

Je fais miens les propos de Mme Carrère : ces dispositions sont exemplaires et attendues. (Applaudissements)

Prochaine séance demain, mercredi 11 octobre 2023, à 15 heures.

La séance est levée à 23 h 50.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 11 octobre 2023

Séance publique

À 15 h, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sophie Primas, vice-président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président

Secrétaires : M. François Bonhomme.  - Mme Nicole Bonnefoy

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (texte de la commission, n°14, 2023-2024) et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire (texte de la commission, n°13, 2023-2024) (demande du Gouvernement)

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'industrie verte (texte de la commission, n°19, 2023-2024) (demande du Gouvernement)

4. Débat relatif à l'augmentation de la taxe foncière (demande du groupe CRCE-Kanaky)

5. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 octobre 2023