Allocution du président d'âge
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président d'âge. - C'est la deuxième fois que j'ai l'honneur de présider cette séance, en vertu du privilège de l'âge. Une recette : je n'ai jamais été autant médiatisé que depuis ma réélection, à 84 ans, d'autant que ma fille siège désormais parmi nous... (Quelques applaudissements) Avis aux amateurs ! (Sourires)
J'adresse mes sincères et chaleureuses félicitations aux sénatrices et sénateurs nouvellement élus ou réélus. J'ai une pensée particulière pour celles et ceux qui ne siégeront plus parmi nous, qu'ils n'aient pas souhaité se représenter ou n'aient pas été reconduits : qu'ils soient remerciés pour leur travail constructif et leur participation à nos débats.
Le Sénat a ses règles, ses codes et une ambiance plus feutrée que l'Assemblée nationale, surtout en ce moment. Un sénateur célèbre disait : « À l'Assemblée nationale, on tue avec le poignard ; au Sénat, on empoisonne avec le sourire »... (Marques d'amusement)
Loin des turbulences du palais Bourbon, souvent soumis aux soubresauts de l'actualité, la Haute Assemblée reste dans nos institutions un espace de stabilité, où l'on sait que la politique est l'art du compromis. Le Sénat n'en vit pas moins intensément le débat : il a toujours su faire place à la confrontation et au respect des idées. Garant de notre démocratie, il fabrique la loi de façon souvent plus subtile, et peut-être plus réaliste.
Nous sommes avant tout des parlementaires. Dans un régime qui l'est de moins en moins, le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques sont plus que jamais essentiels.
Pour ma part, je reste un partisan acharné du dialogue constructif, de la coconstruction des lois avec le Gouvernement et, bien sûr, les députés ; ceux-ci, malheureusement, ne comprennent pas toujours que ce qui leur reste de pouvoir réside dans le dialogue avec nous. Un bicamérisme vivant est un antidote à toute forme de populisme et d'extrémisme, maux qui menacent la cohésion sociale et la construction européenne. Les ingénieurs de ce chaos sont à l'oeuvre : il est urgent d'enrayer la machine à détruire la démocratie !
Face à cette menace, il nous faut mobiliser en priorité ceux dont nous sommes les représentants : les élus locaux, qui forment l'armée de la République du quotidien, mais se sentent parfois incompris ou délaissés. Plus que jamais, le rôle du Sénat, assemblée des territoires, est de relever les défis de la fracture territoriale, de la perte d'autonomie fiscale, de l'empilement des normes, de la transition énergétique et de la sécurité, entre autres.
Je ne doute pas que la somme des talents, compétences et expériences dans notre assemblée renouvelée apportera beaucoup à la fabrication de la loi et à la résolution de ces enjeux majeurs, avec le courage de la nuance dont parlait Albert Camus, loin des facilités de l'outrance.
L'heure n'est plus - Dieu merci ! - à la mise en cause de l'existence du Sénat, bien au contraire. Tout le monde a aujourd'hui pris conscience que lorsqu'une assemblée boîte ou vacille, l'autre apporte l'équilibre indispensable au bon fonctionnement de nos institutions.
Par gros temps, il faut de bons marins - vous en êtes, mes chers collègues ! - et un bon capitaine - nous l'avons ! Passons donc sans tarder à l'élection du capitaine - je veux dire : du président... (Sourires et applaudissements)