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Table des matières
Salut à une délégation étrangère
Déclaration du président du Sénat
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Réponse de l'État après la mort de Nahel
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Situation en Nouvelle-Calédonie
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées
Sécuriser et réguler l'espace numérique (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale
Ordre du jour du jeudi 6 juillet 2023
SÉANCE
du mercredi 5 juillet 2023
3e séance de la session extraordinaire 2022-2023
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Salut à une délégation étrangère
M. le président. - (Mmes et MM. les Sénateurs se lèvent, ainsi que Mmes et MM. les ministres.) J'ai le plaisir de saluer, dans la tribune d'honneur, une délégation conduite par Mme Brigitte Boccone-Pages, présidente du Conseil national de Monaco. Elle est accompagnée par notre collègue Dominique Estrosi Sassone, présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Monaco.
Cette visite s'inscrit dans le cadre des échanges réguliers entre le Sénat et la Principauté de Monaco, dont les liens avec la France sont si étroits, en particulier pour nos concitoyens du département des Alpes-Maritimes qui y travaillent quotidiennement.
Cette visite aura permis d'évoquer les nombreux sujets intéressant directement les relations franco-monégasques, en particulier le logement, les transports, l'environnement, domaine dans lequel la Principauté est à l'avant-garde, mais aussi les négociations avec l'Union européenne pour la conclusion éventuelle d'un accord d'association. Nous souhaitons à nos amis monégasques de fructueux échanges, en formulant le voeu que cette session de travail interparlementaire contribue à renforcer davantage encore les relations entre nos deux États. (Mmes et MM. les Sénateurs applaudissent, ainsi que Mmes et MM. les ministres.)
Déclaration du président du Sénat
M. le président. - Des nuits d'une rare violence ont marqué notre pays depuis une semaine. Les maires et les élus locaux, en première ligne, ont été encore une fois le rempart de la République, aux côtés de nos forces de l'ordre, de nos sapeurs-pompiers et de nos polices municipales.
La mort d'un jeune est évidemment un drame, mais rien ne peut justifier les émeutes, les agressions et menaces contre les élus, le pillage, l'incendie de nos mairies, de nos écoles, de nos commissariats, ou de commerces !
L'ordre républicain doit être rétabli. Le Sénat s'y engagera pleinement, dans sa mission de législateur comme de contrôle de l'action du Gouvernement, afin que soit faite la lumière sur ces évènements et qu'en soient tirés les enseignements.
Enfin, mes chers collègues, je veux, en notre nom à tous, apporter notre soutien à tous ceux, citoyens, commerçants, élus locaux, forces de sécurité et de secours, qui ont été visés ou directement atteints par ces violences. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et à une valeur pratique : le respect du temps de parole.
Violences urbaines (I)
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Quatre jours de violences et d'émeutes, de vols et de pillages, de violences et d'incendies. Que cela dit-il de notre société ? Le quartier où j'ai grandi, où je réside, est devenu un champ de bataille.
Je salue tous les maires de mon département des Hauts-de-Seine et de France, de toutes les sensibilités ; les élus locaux, en première ligne comme toujours (applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Pierre Sueur et Mme Colette Mélot applaudissent également), n'ont pas failli. Ils ont évité que tout ne s'embrase.
Il y a eu un mort, un jeune, et nous sommes émus et choqués. La justice fera son travail. Mais la justice, ce n'est pas attaquer les forces de l'ordre - 800 gendarmes, policiers et pompiers blessés - incendier des écoles et des crèches, piller ou brûler les voitures, ce n'est pas menacer la vie des élus et de leur famille.
Comment accepter que certains prônent le chaos et l'insurrection, pour gagner un pouvoir qu'ils n'ont pas réussi à conquérir par les urnes ? (« Très bien ! » sur les travées du groupe Les Républicains)
Ces individus ne sont ni insurgés ni insoumis, ils font le choix de la violence non par fatalité mais par facilité.
Il faut refonder notre pacte républicain. Un sursaut civique est nécessaire ; il faut y associer les élus locaux, incontournables. Quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour les soutenir ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - La mort tragique d'un jeune homme de 17 ans à Nanterre a provoqué une émotion légitime. Mais cette émotion ne peut servir de prétexte à des violences inacceptables : incendies de mairies, d'écoles, pillages de magasins, élus pris pour cible - j'ai une pensée particulière pour le maire de L'Haÿ-les-Roses. J'apporte mon soutien aux gendarmes, policiers et pompiers, je salue la mobilisation des magistrats et greffiers. Nous sommes aux côtés des maires. Notre priorité absolue est le retour de l'ordre républicain.
Notre action est appuyée sur trois piliers. D'abord, la mobilisation des forces de l'ordre, avec 45 000 policiers et gendarmes sur le terrain. Ensuite, la fermeté de la réponse pénale, la responsabilisation des réseaux sociaux et le rappel de la nécessaire responsabilité et autorité parentales. Certains des auteurs de ces faits sont très jeunes.
La violence décroît depuis quelques nuits, la situation revient à la normale. Avec le ministre de l'intérieur, nous restons vigilants et adaptons très progressivement notre dispositif de sécurité.
Nous sommes mobilisés auprès des élus pour les accompagner dans les réparations. Comme le Président de la République l'a dit hier, nous les soutiendrons financièrement et par l'accélération des procédures. Nous répondrons présents. Cette crise appelle aussi des réponses de fond, un dialogue partagé et une réponse collective. Le Sénat, je n'en doute pas, y prendra toute sa part. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Violences urbaines (II)
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La semaine dernière, un enfant est mort tragiquement. Nous pensons à la famille de Nahel. Cette mort a eu des conséquences terribles : des quartiers se sont embrasés, partout sur le territoire, dans les grandes villes comme dans de petites communes. Les forces de l'ordre ont rétabli le calme, il faut les en remercier. Une colère compréhensible s'est transformée en haine aveugle.
Les sénateurs socialistes ont appelé au calme, car la République ne peut exister sans ordre - mais elle ne peut se résumer à l'ordre. Le concours Lépine des déclarations nous sidère : « deux claques et au lit », une dose de « régression ethnique »... Tout cela ne fait pas un remède : c'est l'incendie après l'incendie. (On s'agace sur les travées du groupe Les Républicains.)
Une grande partie de la jeunesse paie notre échec collectif. Les causes sont multiples et variées. Il faut nous poser les bonnes questions, pour apporter les bonnes réponses : je pense à la politique de la ville, aux discriminations, au rôle des maires, aux relations entre la police et la population (M. Roger Karoutchi désapprouve), entre autres.
Après le Beauvau de la sécurité fin 2020, nous avons voté la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) qui en était l'aboutissement. Mais la population est loin d'être réconciliée avec la police : comment améliorer les relations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - À Nanterre, il y a eu un drame. Mes premiers mots étaient de transparence et d'équilibre. Si nous soutenons les forces de l'ordre, il faut savoir dire les choses. La justice passe. Le policier, toujours présumé innocent, a été placé en garde à vue puis mis en examen : il existe des indices graves montrant qu'il est responsable de la mort de ce jeune homme, en dehors des lois de la République et de la déontologie.
Je pense aussi aux 800 policiers, gendarmes et pompiers blessés durant les émeutes.
Pourquoi attaquer des sapeurs-pompiers, qui ne procèdent à aucun contrôle, des policiers municipaux - 78 postes attaqués - ou des élus ? Ont-ils tutoyé les délinquants ? Pourquoi s'en prendre à des médiathèques, des écoles, des commerces ? Ne cherchons pas toujours des excuses dans le comportement de la police. (« Bravos ! » répétés sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)
Si elle doit se réformer, monsieur Durain, il faut aussi éviter d'en faire un bouc émissaire. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées)
M. Franck Montaugé. - Il n'a pas dit ça !
M. Jérôme Durain. - Alors que des vents mauvais et sécuritaires soufflent (vives protestations à droite) et que des syndicats policiers s'égarent dans des tracts inquiétants, nous vous demandons, monsieur le ministre, de tenir bon sur les principes républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et du GEST)
Plan Borloo
M. Bernard Fialaire . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Madame la Première ministre, comme le Président de la République l'a dit hier devant 200 élus, même si le calme est revenu, on ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé.
Les événements étaient prévisibles. Un premier diagnostic avait été porté avec l'appel de Grigny en 2017 ; Jean-Louis Borloo, après son plan Banlieues en 2018, avait donné l'alerte en 2021. Certaines de ses recommandations ont été reprises : les cités éducatives notamment, le dédoublement des classes de CP et CE1 en REP (réseau d'éducation prioritaire) et REP+. Mais peut-on vraiment dire, comme le Président de la République l'a fait, que 75 % du plan ont été mis en oeuvre ? (Mme Jocelyne Guidez ironise.)
Ce n'est pas le Président de la République, seul à l'Élysée, qui pourra régler les problèmes. Le rappel à l'ordre ne suffira pas non plus.
C'est en conjuguant toutes nos forces que nous nous en sortirons : État, départements et régions, caisses de sécurité sociale, Action Logement, chambres consulaires, monde associatif... Voilà la grande coalition à faire pour la justice, la jeunesse, l'habitat, l'énergie, la lutte contre le changement climatique. Il faut un chef de file pour chacun des dix-neuf chantiers identifiés par le plan Borloo, et un pilote.
L'heure est à l'action, et non plus aux paroles d'experts.
Madame la Première ministre, vous vous dites à l'écoute. Les propositions ont été faites. Comment les mettez-vous en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; Mmes Cécile Cukierman et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement . - Le message de retour au calme doit être porté par tout notre pays : c'était la priorité.
Ensuite, nous devons continuer à travailler ensemble pour les quartiers populaires. Un certain nombre d'entre vous ont participé, comme moi, au travail de Jean-Louis Borloo.
Un grand nombre de ses propositions ont été mises en oeuvre, comme la relance de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) : entre 2017 et 2022, les sommes consacrées aux quartiers populaires sont passées de 5 à 12 milliards d'euros. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.) C'est le retour financier de l'État dans l'Anru, dont il était sorti sous les deux quinquennats précédents.
M. Philippe Pemezec. - On voit que c'est efficace...
M. Olivier Klein, ministre délégué. - Oui, nous avons mis en oeuvre la généralisation des cités éducatives, le dédoublement des grandes sections, CP et CE1, la scolarisation plus précoce dans les quartiers populaires, les emplois francs, au nombre de cent mille aujourd'hui, les Micro-folies dans les quartiers (Mme Catherine Morin-Desailly proteste)...
Mme Pascale Gruny. - Cela ne suffit pas !
M. Olivier Klein, ministre délégué. - Le Pass'Sport... (L'agacement monte sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
La priorité était de revenir à la concorde et au calme, et c'est ce que fait le Gouvernement. (M. François Patriat applaudit.)
M. Bernard Fialaire. - Il faut vraiment un pilote dans l'avion. Chaque chantier doit avoir un chef de file. C'est ensemble que nous nous en sortirons.
Politique de la ville (I)
M. Daniel Breuiller . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) Nahel, 17 ans, est mort, abattu à bout portant ; (marques de désapprobation à droite) c'est inacceptable. Le domicile d'un maire a été attaqué ; c'est inqualifiable.
Chaque jour, les habitants, les commerçants, les élus font le bilan, réparent, disent leur refus de la violence. Mais qui peut croire qu'il suffit de réprimer, de mettre en cause les familles pour tourner la page ?
Ouvrons les yeux et regardons ces quartiers qui restent relégués, malgré les milliards d'euros déversés dans la rénovation urbaine : beaucoup pour le bâti, pas assez pour l'humain... Dans ces quartiers, 57 % des habitants sont sous le seuil de pauvreté, il y a 18 % de mères seules, deux enfants sur trois qui ne partent pas en vacances.
Les hommes naissent égaux, mais c'est moins vrai quand on naît pauvre, noir ou arabe... Comment accepter qu'une grande partie de la jeunesse et la police se regardent en ennemis ? C'est pour cela qu'en 2005, Zyed Benna et Bouna Traoré sont morts en se réfugiant dans un transformateur. (Murmures de désapprobation sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
Nous en sommes toujours là. Il faut une intelligence collective au chevet de notre République malade.
Les enfants des quartiers en difficulté doivent se sentir tous et toutes enfants de la République, pour reprendre les mots de Jacques Chirac. Prendrez-vous l'initiative d'un travail collectif, ou reculerons-nous à nouveau devant l'obstacle ? (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que des groupes SER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Ces émeutes ne sont pas celles de 2005. Les mots de Jacques Chirac que vous avez convoqués sont à l'origine de l'Anru et de la politique de la ville. Or sur les 553 communes touchées par des dégradations, 169 ne sont pas en zone Politique de la ville. Résumer les émeutes aux problèmes des quartiers, c'est s'aveugler.
Je vous invite à mon tour à ouvrir les yeux sur les 838 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers blessés, sur les 2 500 bâtiments publics incendiés, sur les 4 000 jeunes interpellés, d'un âge moyen de 17 ans. Ouvrir les yeux, c'est se demander comment des enfants de 13 à 14 ans peuvent se promener la nuit avec un bidon d'essence.
Mme Jocelyne Guidez. - Tout à fait !
M. Jérôme Durain. - C'est se poser des questions !
M. Christophe Béchu, ministre. - C'est se demander comment on peut utiliser des mortiers d'artifice, tirer au 9 mm sur des policiers à Nîmes, (applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains) comment certains refusent d'appeler au calme.
Ouvrir les yeux, c'est aussi parler de la suite. Ce n'est pas seulement une question de milliards, pas plus que l'on ne peut résumer la question aux allocations familiales. Il faut un diagnostic. Stigmatiser les quartiers, c'est laisser penser qu'ils sont enfermés. Nous ne sommes pas dans une logique de photo, mais d'évolution. Ne nous trompons pas. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, des groupes INDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Violences urbaines (III)
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Martin Lévrier applaudit également.) Les violences de ces derniers jours ont été condamnées par la quasi-totalité des formations politiques. Seule, une fois de plus, l'une d'entre elles s'en est exemptée. Les dirigeants de La France soumise à l'émeute ont confirmé qu'ils sont les ânes de Troie du séparatisme. (Rires et applaudissements à droite)
En demandant qu'on épargne écoles et bibliothèques, ils ont autorisé les émeutiers à brûler tout le reste. Ils prétendent défendre la République, mais leur but est de la faire tomber ! (Assentiment à droite)
Depuis un an, leurs convulsions à l'Assemblée nationale les discréditent - ainsi que, hélas, le Parlement. Mais cette fois, c'est la fois de trop : le peuple français s'en souviendra longtemps, comme leurs alliés politiques, désormais honteux d'une alliance contre nature. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du RDPI et du RDSE)
Quant aux protestations des despotes de Turquie, d'Algérie ou d'Iran, elles donnent la nausée.
Enfin, la responsabilité des réseaux antisociaux dans la propagation des violences est telle que le Président de la République a dû les convoquer. Barack Obama disait qu'ils sont devenus l'une des principales menaces contre nos démocraties : la preuve est faite.
Madame la Première ministre, vous avez condamné l'attitude d'un parti antidémocratique, gouverné par un satrape colérique et omnipotent. (Rires et assentiment à droite) Vous avez dit qu'il était sorti du champ républicain : vous avez eu raison.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
M. Claude Malhuret. - Envisagez-vous de mettre de l'ordre dans la jungle des plateformes, qui ne doivent plus invoquer la liberté d'expression pour se rendre complices d'appels à l'émeute ? Allez-vous demander à la ministre des affaires étrangères de protester contre les ingérences de dictateurs qui se permettent de nous donner des leçons de démocratie ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que du RDPI et du RDSE)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Le drame de la mort d'un jeune homme de 17 ans ne peut justifier ou excuser aucune violence. Comme sa famille et comme les élus du territoire, nous ne demandons qu'une chose : la justice, qui n'est jamais venue de la violence.
Pendant une semaine, des actes inacceptables ont touché des centaines de communes. Les forces de l'ordre, les sapeurs-pompiers et des élus ont été pris pour cible ; des mairies, des écoles et des équipements publics ont été vandalisés, et des commerces pillés.
Nous avons tout mis en oeuvre pour rétablir l'ordre républicain, autour d'un principe : le refus de l'impunité. C'est ce que nous demandent les habitants des quartiers touchés, premières victimes des violences. Les 6 millions d'habitants des quartiers n'ont rien à voir avec quelques milliers de délinquants.
Près de 4 000 personnes ont été interpellées. Le garde des sceaux a demandé aux procureurs une réponse rapide et ferme. Hier soir, près de 1 000 personnes avaient été présentées à la justice, et plus de 350 étaient en détention. La réponse pénale a été forte, avec des peines de prison ferme et des incarcérations.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Le garde des sceaux a pris une circulaire sur le traitement des infractions commises par les mineurs et l'engagement de la responsabilité des parents.
Oui, les réseaux sociaux facilitent parfois l'organisation des violences ; ils ont souvent une responsabilité dans la désinhibition des jeunes. C'est pourquoi le Gouvernement a demandé à toutes les plateformes de retirer les contenus illicites et d'être vigilantes sur certaines fonctionnalités, comme la géolocalisation. Nous veillons à ce que les titulaires de comptes ayant participé à des violences soient identifiés et poursuivis.
D'autres réponses, de plus long terme, devront être apportées. C'est l'objet du règlement européen sur les services numériques et du projet de loi pour sécuriser et réguler l'espace numérique, en cours d'examen devant votre assemblée. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
Violences urbaines (IV)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Duffourg applaudit également.) Vous avez raison, madame la Première ministre : une mort tragique ne peut servir de prétexte. Ces nuits de chaos nous imposent une double réponse : maintenant, la République doit serrer les rangs ; demain, le Gouvernement devra ouvrir grand les yeux.
Tant que l'ordre républicain ne sera pas rétabli, la seule attitude républicaine consiste à serrer les rangs, à soutenir sans réserve les forces de l'ordre, les sapeurs-pompiers et, bien entendu, les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC et du RDPI)
Elle consiste aussi à laisser travailler le Gouvernement, et d'abord le ministre de l'intérieur, pour rétablir l'ordre républicain. À mon tour, je condamne ces élus de l'extrême gauche, professionnels de l'excuse sociale, qui ont choisi leur camp : non pas celui de la République, mais celui des émeutiers.
Ensuite, le Gouvernement devra ouvrir grand les yeux, établir le bon diagnostic, appeler un chat un chat. Un émeutier n'est pas un déshérité ; un délinquant, pas une victime. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.)
Madame la Première ministre, quelles sont, pour vous, les causes de ces émeutes ? Quels remèdes comptez-vous leur apporter ? La France tranquille n'accepte plus de passer à la caisse pour des minorités qui saccagent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Alain Marc applaudit également.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Face aux violences inexcusables qui ont touché plusieurs centaines de communes, notre premier objectif a été le retour de l'ordre républicain.
Nous avons mis en place des moyens exceptionnels. Grâce à la mobilisation rapide de l'État, au courage des forces de l'ordre et des sapeurs-pompiers et à la mobilisation des élus locaux, la situation revient progressivement à la normale.
Face à la crise, nous avons un devoir d'unité. Je salue l'attitude républicaine de votre famille politique, qui a dénoncé les violences et appelé au calme.
M. Pierre Cuypers. - C'est bien la moindre des choses !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Au-delà de l'urgence, nous devons nous pencher sur les causes profondes de cette crise, prendre la mesure de la complexité de la réalité. Un tiers des communes ayant connu des violences n'ont pas de quartier Politique de la ville, et la moitié des villes où sont menées des opérations lourdes de rénovation urbaine n'ont pas connu de violences.
La quasi-totalité des six millions d'habitants des quartiers expriment leur incompréhension et leur colère. Je l'ai mesuré à Garges-lès-Gonesse, Évry et Bezons. Ils aspirent à la sécurité, à des services publics de qualité, à être, sans distinction d'origine, des acteurs de la République.
Ensemble, nous devrons nous interroger sur le respect de l'autorité, l'exercice de l'autorité parentale, l'influence des réseaux sociaux et l'efficacité des politiques publiques. Nous mènerons ces réflexions sans a priori ni excès, sans tabou ni bouc émissaire, avec tous les élus qui veulent agir et partagent les valeurs de la République. C'est ensemble que nous trouverons des solutions. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Bruno Retailleau. - Le temps nous est compté. Les causes sont connues : c'est la somme de tous nos renoncements, de tous nos laisser-aller. Je pense à la faillite de l'école et de l'autorité parentale, au chaos migratoire bien sûr (murmures désapprobateurs à gauche) et à une réponse pénale souvent inadaptée pour les mineurs. Ayez le courage de traiter les causes, au lieu de vous contenter de sortir le carnet de chèques ! (On signale à gauche que l'orateur a dépassé son temps de parole.)
M. le président. - Il faut conclure.
M. Bruno Retailleau. - Si vous avez ce courage, nous serons à vos côtés. Sans ce courage, la France rebrûlera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Politique de la ville (II)
Mme Amel Gacquerre . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Quand la violence gagne, c'est que la politique recule. Partout, l'État a abandonné ou mal assuré une de ses missions régaliennes : préserver la sécurité et la paix civile. Il faut, d'abord, rétablir cette politique prioritaire, qui conditionne toutes les autres.
La politique de la ville vise à restaurer l'égalité républicaine entre les quartiers. Malgré l'engagement des acteurs de terrain et des élus, cette promesse n'est plus tenue. Le dernier plan Borloo a malheureusement été enterré dès sa présentation.
M. Bernard Jomier. - C'est vrai !
Mme Amel Gacquerre. - Depuis lors, aucune stratégie ne se dégage. Certes, l'enveloppe Anru a augmenté, mais nous sommes dans le flou sur le plan Quartiers 2030 et le dernier comité interministériel des villes n'a accouché d'aucune annonce.
Il faut avoir le courage de mener enfin une politique de long terme, en commençant par regarder la vérité en face. Un état des lieux de ces quartiers est nécessaire en matière d'éducation, d'emploi, de santé, de mobilité, de sécurité et de logement - facteur central dans l'intégration des plus fragiles.
Quelles sont vos intentions concrètes à court terme pour les quartiers prioritaires et quid des contrats de ville 2024-2030 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jacques Fernique et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Il faut considérer aussi ce qui a été fait : 350 000 élèves dans des classes dédoublées, 200 cités éducatives, une plateforme pour les stages, des dispositifs de lutte contre les discriminations et assignations à résidence. Au-delà de l'augmentation des crédits de l'Anru, 2,5 milliards d'euros ont été investis pour ces quartiers dans le cadre du Plan de relance et les crédits du programme 147 ont crû de 30 %. Je le rappelle en ayant conscience qu'entre ces chiffres et la réalité des chantiers qui ont commencé, il peut y avoir un écart.
En matière de sécurité, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) prévoit l'embauche de 8 500 policiers supplémentaires. De même, 8 000 postes supplémentaires sont créés pour la justice. Les nouvelles brigades de gendarmerie se déploient.
Vous avez parlé des réflexions autour du plan Quartiers 2030. Je ne reprendrai pas les mots de M. Retailleau ni ceux de la Première ministre, mais, sans m'élever au-dessus de ma condition, j'emploierai les miens. C'est, en quelque sorte, une chance que nous prenions le temps de dresser un diagnostic avant de finaliser ce plan. Car si les chèques et les plans précèdent l'analyse des causes, nous nous tromperons - c'est aussi l'ancien maire d'une ville avec sept quartiers politique de la ville qui parle.
Avant de lancer des plans pour des années, soyons certains de mettre les moyens au bon endroit. École, autorité, responsabilité parentale, association des acteurs : ces questions doivent être au coeur de nos réflexions. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
Réponse de l'État après la mort de Nahel
M. le président. - Je salue l'action de Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris depuis 2011. Elle a poursuivi au Sénat son engagement de ministre sur les questions de logement. J'ai particulièrement apprécié de l'avoir à mes côtés, comme vice-présidente du Sénat. (Applaudissements prolongés)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Merci, mes chers collègues.
Madame la Première ministre, il est grand temps de prendre en compte l'exaspération de tous les Français. Elle a des causes multiples : sociales, d'abord, mais aussi liées au délitement de l'État républicain et de nos services publics.
Le mécontentement est grand face à l'impuissance de l'État à faire respecter les droits, le droit, à assurer l'efficacité des services publics et ne serait-ce que leur présence partout, des banlieues aux zones rurales, et à faire progresser la promesse républicaine d'égalité et de justice.
C'est le résultat de la politique menée depuis vingt ans. Vous ne pouvez pas, comme après les gilets jaunes et le mouvement contre la réforme des retraites, continuer comme avant. L'urgence, vitale, est de redonner force aux services publics. Cela suppose des moyens, ainsi que la revalorisation et l'écoute des fonctionnaires.
Qui ne voit, en particulier, l'ampleur de la crise éducative que nous traversons ? Le rôle de l'école publique est décisif, surtout pour les 20 % de jeunes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Démissions, postes non pourvus : vous ne voulez pas écouter les enseignants et faites croire que les problèmes se résolvent, ce qui est absolument faux.
Un grand plan de redressement des services publics s'impose, et vite. Allez-vous l'engager dès cet été en vue du prochain projet de loi de finances ? Ne laissez pas la République en panne : agissez ! (Applaudissements à gauche ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement . - Je salue, moi aussi, votre action. Vous êtes la première ministre que j'ai rencontrée comme jeune élu local, pour parler des copropriétés dégradées à Clichy-sous-Bois...
La place des services publics dans les quartiers populaires est au coeur de notre réflexion. La mise en place des maisons France Services et des maisons de la justice et du droit, le renforcement de l'éducation prioritaire, la création des cités éducatives et la scolarisation précoce annoncée par le Président de la République sont autant de preuves que nous agissons.
Où en serait-on si, depuis quarante ans, la politique de la ville n'avait pas fait son oeuvre dans ces quartiers ?
Vous connaissez le travail remarquable de l'Anru : 450 quartiers en bénéficient, 1 300 chantiers ont été livrés. Dans le cadre de l'Anru 1, 500 écoles avaient été livrées.
Les vacances apprenantes et les quartiers d'été ont été créés par le gouvernement précédent. Aujourd'hui, un maire qui s'en donne les moyens peut faire partir en colonies beaucoup plus d'enfants, à moindre coût. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)
Mme Sophie Primas. - Un maire qui en a les moyens !
M. Olivier Klein, ministre délégué. - Je puis témoigner que cela marche. Les maires qui souhaitent utiliser les dispositifs de l'État le font. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)
Violences urbaines (V)
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La République, comme la démocratie, sont des régimes fragiles. Au Parlement, nous avons voté, souvent à votre demande, des textes sur la sécurité et la justice. Vous préparez des lois sur l'immigration et l'intégration. Avez-vous le sentiment, avec tout ce qui se passe en ce moment, que ces textes suffisent pour conforter la démocratie et la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - La Première ministre l'a dit : il faut essayer de comprendre les événements de ces derniers jours. Heureux ceux qui auraient des explications simples...
Sur les 4 000 interpellés, dont l'âge moyen est de 17 ans, un tiers sont mineurs, moins de 10 % ne sont pas Français et 60 % sont inconnus des services de police. Bref, le contraire de la délinquance habituelle. Plus de 150 communes qui ont un quartier de la politique de la ville n'ont pas connu d'échauffourées. À l'inverse, une centaine de communes qui n'en ont pas en ont connues.
L'ordre public rétabli, grâce à nos policiers, nos gendarmes, nos magistrats et nos élus, nous devons prendre le temps de réfléchir. Dans une belle revue que je recevais lorsque j'étais adhérent au même parti politique que vous, il était écrit que dans les victoires d'Alexandre, on trouve toujours Aristote. (Exclamations sur certaines travées à droite ; Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Roger Karoutchi. - Aristote n'est pas Platon... (Sourires)
Les sujets de fond ne manquent pas, à commencer par l'échec de l'école et l'échec de la politique d'intégration, à laquelle je suis très attaché. Mais dans la crise, il y a deux piliers de l'autorité de l'État et de la République : le tricolore de nos élus et le bleu de nos forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Marc applaudit également.)
Nous ne demandons pas au Gouvernement de faire des miracles. Les raisons de fond, voilà quinze ou vingt ans qu'on les cite. Ce que nous vous demandons, c'est de restituer aux maires la politique locale (applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Françoise Gatel abonde), la politique du logement et de l'urbanisme.
C'est aussi de marquer notre confiance dans les forces de l'ordre.
Il faut en finir avec le discours alternatif ou le « en même temps ». Vous devez incarner l'autorité de l'État ! Sinon, il n'y aura plus de République. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Violences urbaines (VI)
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je souhaite partager avec vous le malaise que m'inspire le débat public depuis quelques jours.
Il y a une semaine, un jeune garçon a été tué par un policier. Aujourd'hui, le procès que certains instruisent, c'est celui des quartiers prioritaires et des parents qui y vivent, usant de la manipulation et faisant preuve d'ignorance. Non, ces quartiers ne sont pas inondés de subventions payées par les bons Français méritants. (« Ah bon ? » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées du groupe SER) En moyenne, ces quartiers reçoivent 6 100 euros, contre 6 800 pour les autres.
Dans ces quartiers, il y a 40 % de mère seules qui enchaînent deux à trois boulots dans la journée, gardent des enfants, souvent les nôtres, ce qui les empêche de garder les leurs... (On ironise sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Il y a aussi des pères évaporés. Vous voulez les poursuivre ? Faisons-le pour abandon de famille, par exemple. Dans les familles où le père est présent, intéressez-vous à la violence qu'ont pu subir les enfants.
Aidons les mères, soutenons leurs associations, libérons-les du clientélisme municipal, misons sur elles pour remettre les quartiers d'aplomb ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Nous ne voulons pas poursuivre les parents ; évitons la caricature. Il n'est pas question de supprimer des allocations familiales. Je pense aux femmes seules qui travaillent et élèvent leur famille avec beaucoup de dignité, malgré les difficultés.
Mais je pense aussi à des parents qui n'exercent pas leur autorité parentale. Durant ces nuits courtes, émaillées de mauvaises nouvelles, une vidéo m'a plu : celle du père qui ramène son gamin par le colback, (murmures sur les travées du groupe SER ; marques d'approbation et quelques applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) parce que, à onze ans, on ne traîne pas dans les rues.
Ceux d'entre nous qui se sont mariés se souviennent-ils de l'obligation morale, prévue par le code civil, des parents à l'égard de leurs enfants ? Ceux qui peuvent l'assumer et ne le font pas doivent être sanctionnés.
Autre principe très simple, celui de la responsabilité civile : quand les enfants cassent, les parents paient. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Autre règle à rappeler : le parent doit accompagner son enfant mineur lorsqu'il est convoqué devant la justice, sous peine d'une amende.
J'ai rédigé un flyer en termes très simples pour rappeler ces obligations aux parents qui les auraient oubliées. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Mme Laurence Rossignol. - Je prends acte, monsieur le garde des sceaux, que, pour vous, la loi actuelle suffit à protéger les enfants.
J'observe le monde politique, y compris dans son intimité. Il y a aussi chez nous des enfants arrêtés et condamnés ; ils ne sont ni pires ni meilleurs que les autres. Regardez, dès lors, les autres parents avec plus d'empathie : comme nous, ils font ce qu'ils peuvent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Violences envers les élus
M. Arnaud Bazin . - La France entière a appris avec effroi la tentative d'assassinat contre la famille du maire de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun.
Mais elle connaît moins le cas de Stéphanie Von Euw, la maire de Pontoise, qui ne doit d'avoir échappé à une tentative d'assassinat dans sa voiture qu'à son sang-froid et fait face à ses blessures avec beaucoup de courage, malgré le choc psychologique.
Elle ne sait pas du tout qu'à Persan, ma mairie de coeur, le premier adjoint a été réveillé par des coups dans ses volets aux cris de : « On est là, on est là ! ».
J'en oublie bien d'autres, et m'en excuse.
Le maire, représentant de la population, est partout menacé. Le moindre refus débouche sur des cris, des menaces, des agressions. Il n'est plus protégé par son aura, car il représente l'État, récusé par nombre de nos compatriotes. L'enfant roi est devenu un adulte tyran.
Au-delà des quelques mesures déjà proposées, que comptez-vous faire, madame la Première ministre, pour rétablir en tout lieu l'autorité des maires, au moment où la population a tant besoin d'eux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Les violences de ces derniers jours ont touché de nouveau nombre d'élus locaux. Je salue leur courage pour défendre leur commune.
Je rends aussi hommage à ceux qui ont été agressés, notamment à Vincent Jeanbrun.
M. Christian Cambon. - Et à son épouse !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Et à son épouse, en effet, ainsi qu'à Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise.
Ces agressions sont ignobles : nous en mesurons pleinement la gravité.
Quelque 45 000 policiers et gendarmes ont été déployés pour rétablir l'ordre, et je note que les élus leur rendent hommage. Je veux aussi saluer les pompiers et les policiers municipaux.
Depuis le 17 mai et la démission de Yannick Morez, pas moins de 3 400 gendarmes référents vont à la rencontre de nos élus locaux pour les écouter et les protéger. Depuis deux mois, 1 800 élus se sont inscrits à ce dispositif. Pas moins de trois plateformes ont été déréférencées.
Une circulaire a rappelé aux procureurs que cette cause est essentielle. La Première ministre a annoncé un plan inspiré de vos travaux, que je vous présenterai dans trois jours. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
M. Arnaud Bazin. - Comme Roger Karoutchi, j'espérais entendre parler de décentralisation et de pouvoir des maires : je suis déçu. (M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel.)
Ce samedi, nous risquons de connaître le même désastre : Mathilde Panot a appelé le monde entier à manifester entre Persan et Beaumont pour l'anniversaire du décès d'Adama Traoré. Je vous encourage à interdire cette manifestation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Situation en Nouvelle-Calédonie
M. Gérard Poadja . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Lors de sa prochaine visite en Nouvelle-Calédonie, fin juillet, le Président de la République verra par lui-même comment a grandi le cocotier qu'il a planté avec Ginette, une petite fille kanake, le 4 mai 2018 à Ouvéa.
Vous avez tracé le cadre d'un accord global et ambitieux pour l'émancipation du pays, y compris des compétences régaliennes. Le peuple calédonien prend sa racine dans une citoyenneté calédonienne irréversible, au sein d'une Nouvelle-Calédonie une et indivisible qui exclut toute partition du pays.
Il faut un référendum de rassemblement et de projet, et non un référendum binaire.
Madame la Première ministre, je suis kanak, calédonien et français. Je crois plus que jamais au destin commun entre la France et la Nouvelle-Calédonie, nourri par un destin, une langue, une histoire, des valeurs et une souveraineté partagée. C'est pourquoi le prochain accord devrait fusionner souveraineté et République.
Pouvez-vous nous confirmer que vous allez vous inscrire dans cette perspective, dans le respect des trois référendums, pour que vive la Nouvelle-Calédonie et que vive la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains et du RDPI)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Les accords de Matignon, en 1988, ont manifesté la volonté des Calédoniens de mettre fin aux violences. Dix ans plus tard, les accords de Nouméa ont marqué une nouvelle étape. Les trois consultations référendaires prévues ont été organisées en 2018, 2020 et 2021.
À trois reprises, les Calédoniens ont fait la même réponse et le Président de la République a pris acte, le 12 décembre 2021, de la volonté des Néo-Calédoniens de rester dans la République et la nation françaises. Nous sommes déterminés à respecter les accords de Nouméa. Les transferts de compétence, tout comme le principe d'une citoyenneté calédonienne, n'ont pas vocation à être remis en cause, même si les conditions pour y accéder doivent être rediscutées.
Je vous confirme que le prochain accord respectera la volonté de la majorité des Calédoniens et ne remettra pas en cause le principe de partage de souveraineté qui figure dans le préambule des accords de Nouméa. Je forme le voeu qu'il ne soit pas que juridique, mais exprime l'ambition d'un destin commun.
Un cycle trilatéral va s'ouvrir. Nous préparons cette rencontre avec Gérald Darmanin et Sonia Backès. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Violences urbaines (VII)
Mme Muriel Jourda . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le garde des sceaux, vous adressiez, il y a quelques semaines, une circulaire déterminant l'attitude à adopter en cas de manifestations. Le syndicat de la magistrature, tristement célèbre depuis dix ans pour le « mur des cons », a adressé une contre-circulaire, expliquant comment ne pas appliquer ces consignes. Après les événements de ces derniers jours, il a publié un communiqué expliquant que ce n'était pas à la magistrature d'éteindre la révolte.
La liberté syndicale doit s'arrêter là où le statut des magistrats l'arrête : ils ne doivent pas faire de politique. Comment comptez-vous faire respecter cette limite ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je partage vos inquiétudes. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Thomas Dossus. - Très étonnant !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. - Sur le « mur des cons » figurait la photographie de M. Escarfail, dont le seul tort est d'avoir vu sa fille se faire assassiner. Le syndicat de la magistrature a dit que le deuxième tour de la présidentielle était un cauchemar. Le syndicat de la magistrature souhaite désormais choisir son ministre (M. Pierre Laurent proteste) et même qu'il n'y ait plus de ministère de la justice. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)
J'aurais pu évoquer tout cela, mais je ne le ferai pas... (Rires sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)
Je m'arrête sur la fausse circulaire Canada Dry, qui ressemble à une circulaire du ministre de la justice, mais incite les magistrats à violer des textes de loi. J'y vois une forme d'humour à mon endroit... Je me bats au quotidien non pas pour le syndicat de la magistrature, mais pour les magistrats.
Je suis le seul ici à pouvoir prendre une circulaire de politique pénale, car je dois démocratiquement vous rendre des comptes, ce qui n'est pas le cas du syndicat de la magistrature. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)
Mme Muriel Jourda. - Notre indignation doit aller au-delà de cet hémicycle.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Et le syndicat Alliance ?
Mme Muriel Jourda. - Chaque institution, dans son rôle, doit rappeler l'État de droit. L'autorité judiciaire, pilier de notre démocratie, ne peut se transformer en pouvoir politique et contester l'autre pilier que constituent les forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je suis d'accord avec vous.
Urgences médicales cet été
Mme Annie Le Houerou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « La nuit dernière, quinze patients ont fait plus de 60 km pour venir aux urgences à Rennes. Chaque matin, ils sont une trentaine à avoir passé la nuit sur des brancards, faute de lits. Il faudrait les faire attendre dans des ambulances plus sécurisées, mais qui ira chercher les patients ? » Paroles d'urgentistes...
À Carhaix, les urgences seront fermées tout l'été, en plein festival des Vieilles Charrues, alors que le premier hôpital est à une heure de route. Les accouchements à la maternité de Guingamp sont suspendus pendant encore quatre mois, faute de personnel. Les manifestants disent se sentir abandonnés.
Vous reportez les activités des petits hôpitaux sur les CHU, eux-mêmes exsangues. À Pontivy, Avranches, aux Sables d'Olonne, les médecins hospitaliers sonnent l'alarme, se mettent en grève.
Les agences régionales de santé (ARS) rassurent, conseillent d'appeler le 15. Mais les équipes du 15 n'en peuvent plus ! Les urgentistes quittent l'hôpital. En ville, les cabines de consultation remplacent peu à peu la médecine de proximité.
La situation s'aggrave : nos concitoyens et nos élus sont angoissés. Quelle réponse concrète à la crise de l'hôpital public, dès cet été ? (Applaudissements à gauche)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Oui, nous manquons de professionnels de santé. Le diagnostic n'est pas nouveau. Oui, le Gouvernement agit, en formant plus de médecins, ce qui prend du temps, d'infirmiers, d'aides-soignants.
L'accès régulé aux services d'urgence s'explique par la pénurie de professionnels de santé. Il faut leur rendre du temps, les former.
Le renforcement des urgences est une priorité. Les solutions mises en place l'été dernier fonctionnent : la fréquentation a baissé de 5 %, du jamais vu depuis vingt ans. Cela passe d'abord par l'information de nos concitoyens, invités à appeler le 15 avant de se rendre aux urgences. Nous renforçons la régulation médicale, nous y intégrons les généralistes, nous augmentons leur rémunération. Nous transformons les assistants de régulation médicale en professionnels de santé. En ville, les actes réalisés à la suite de cette régulation sont revalorisés de 15 euros. Nous facilitons le transport vers les généralistes et renforçons les communautés professionnelles territoriales de santé.
À l'hôpital, nous prenons en compte la pénibilité en multipliant par deux l'indemnité de nuit du personnel paramédical, et par 1,5 celle des médecins. Nous adoptons une logique territoriale, tant pour les gardes, en associant public et privé, que pour la gestion des lits. Les solutions existent, elles fonctionnent. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Annie Le Houerou. - Il y a urgence aux urgences ! L'accès aux soins pour tous, partout, fait partie de la promesse républicaine : vous ne la tenez pas. Le système est embolisé. Une remise à plat s'impose et ce ne sont pas vos propositions qui régleront le problème. (Applaudissements à gauche)
Violences urbaines (VIII)
M. Michel Bonnus . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Plus de mille commerces pillés, 250 bureaux de tabac détruits, 1 milliard d'euros de dégâts : ces chiffres sont édifiants ; ils auraient pu être plus lourds sans nos forces de l'ordre, que je remercie.
Rien ne saurait justifier cette vague de violences et de pillages. Aucun commerce n'est à l'abri. Nos commerçants vivent une triple insécurité : matérielle - trouveront-ils leur outil de travail intact ? -, physique et psychologique, face à une situation hors de contrôle, et économique, car ils ne sont pas sûrs d'être soutenus par les banques et les assurances.
Cela n'a que trop duré. Gilets jaunes, manifestations contre la réforme des retraites et maintenant émeutes, qui s'ajoutent à l'inflation, à la crise de l'énergie et au remboursement des PGE. De tout cela, ils sont les premiers à pâtir.
Vous ne pouvez fermer les yeux sur les difficultés de cette France qui travaille, qui crée de l'emploi. L'État doit assurer sa fonction régalienne première : la sécurité. Les annulations de charges au cas par cas ne suffiront pas. Quelles mesures durables prévoyez-vous pour soutenir les commerçants dans ces épreuves ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Je tiens également à remercier les forces de l'ordre grâce auxquelles nos commerçants ont pu rouvrir. Un mot de soutien et d'espoir : sur les 436 bars-tabacs touchés, 160 ont déjà rouvert et sont au boulot.
Mme Pascale Gruny. - Ils sont courageux !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - Avec Bruno Le Maire, nous avons les yeux grand ouverts. L'État a été aux côtés des commerçants pendant le covid, puis face à la hausse du prix de l'électricité ; c'est le cas depuis samedi.
Dès lundi, nous avons vu les assureurs, les banquiers, que nous avons mobilisés. Oui, il y aura des annulations de charges au cas par cas. Les commerçants touchés auront trente jours pour faire leur déclaration. Le réflexe doit être de porter plainte, d'appeler l'assureur.
Les conseillers départementaux à la sortie de crise sont à la disposition des commerçants et leur apporteront aussi un soutien psychologique, car ils sont sidérés.
Nous serons aux côtés des commerçants, sur le plan moral comme pour la reconstruction. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Michel Bonnus. - On doit se préparer aux autres événements. Si nous devons subir de la sorte chaque fois, c'est plus qu'angoissant. Mobilisons-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Politique du grand âge
M. le président. - Je salue M. Bonne, qui a choisi de ne pas solliciter le renouvellement de son mandat. À la suite de son action comme président du conseil général de la Loire, il a notamment travaillé, au sein de notre commission des affaires sociales, sur la question du grand âge, et signé avec Michelle Meunier un rapport d'information sur le contrôle des Ehpad. Je le remercie d'avoir éveillé nos consciences sur ce sujet (Applaudissements)
M. Bernard Bonne . - Voilà des années qu'on nous annonce une loi Grand Âge. Manifestement, il n'y aura pas de grand soir, puisque le Gouvernement a annoncé une réforme « en plusieurs briques ». J'aurais préféré une fusée à plusieurs étages, mais celle-ci a du mal à décoller...
La proposition de loi Bien vieillir, enrichie à l'Assemblée nationale, n'arrivera pas au Sénat avant de longues semaines. À la suite du Conseil national de la refondation (CNR), nous attendions pour début juin un plan d'actions. On attend toujours... Quant aux financements, nous verrons à l'automne, lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Selon le rapport Libault, il faudra 10 milliards d'euros supplémentaires par an dès 2030 pour financer la dépendance.
Quand allez-vous alimenter les moteurs de la fusée et répondre aux attentes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées . - À mon tour de saluer votre travail remarquable sur la protection de l'enfance comme sur le grand âge - engagements que nous partageons. J'ai un regret : ne pas vous avoir convaincu que la politique résolue du Gouvernement dépassait largement l'ambition d'un vaste projet de loi Grand Âge. (M. Jérôme Bascher ironise.)
Nous avons intégré dans le PLFSS plusieurs de vos préconisations pour moraliser le secteur des Ehpad et rétablir la confiance. Nous avons aussi pris des mesures d'urgence pour soutenir un secteur en grande difficulté ; nous y travaillons au quotidien avec les ARS et les départements.
Je présenterai prochainement une feuille de route interministérielle, issue des conclusions du CNR, pour adapter notre société au vieillissement. Elle traitera aussi bien des transports, du logement, du système de santé, de la prévention, de la citoyenneté et du lien social, de la transformation de l'offre médico-sociale... Elle se déclinera dans la proposition de loi Bien vieillir, ainsi que dans les textes budgétaires. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Bernard Bonne. - Je crains que le Gouvernement auquel vous appartenez ne soit pas aussi volontaire que vous. Nos aînés ont le droit de vieillir dans la dignité, nous le leur devons bien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
La séance est suspendue à 16 h 25.
Présidence de M. Alain Richard, vice-président
La séance reprend à 16 h 35.
Avis sur une nomination
M. le président. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n°2010-837 et de la loi ordinaire n°2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable (28 voix pour, 4 voix contre) à la nomination de M. Sylvain Waserman à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
CMP (Nominations)
M. le président. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense et de la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Sécuriser et réguler l'espace numérique (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°22 rectifié quater, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Malhuret, Decool, Guerriau, Chasseing, Capus et Wattebled, Mme Mélot et M. Lagourgue.
Alinéa 4
Comple?ter cet aline?a par les mots :
ou d'une quantite? de services offerts
M. Pierre-Jean Verzelen. - Cet amendement de Mme Paoli-Gagin améliore les conditions de la concurrence sur le marché de l'informatique en nuage. Certains profitent de leur position dominante pour proposer des services gratuits.
M. le président. - Amendement identique n°94, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Florence Blatrix Contat. - L'informatique en nuage connaît une croissance de 20 % par an, largement captée par les plus gros fournisseurs. Certaines offres gratuites s'apparentent à des pratiques anticoncurrentielles. Pour que l'article 7 soit pleinement efficace, nous proposons de toutes les englober.
M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission spéciale. - Cette modification est souhaitable. L'accès à des fonctionnalités gratuites est une pratique anticoncurrentielle, comme l'a indiqué l'Autorité de la concurrence dans son avis la semaine dernière. Avis favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications. - Avant d'aborder les amendements, je souhaite confirmer mon engagement, formulé hier soir, d'organiser un groupe de travail transpartisan et paritaire pour analyser ce qui a dysfonctionné sur les réseaux sociaux lors de cette semaine tragique. Ses préconisations pourront être adoptées par l'Assemblée nationale et intégrées au texte pour répondre à vos préoccupations, monsieur le rapporteur. J'envisage une première réunion mercredi prochain.
Avis favorable à ces deux amendements qui précisent les contours des avoirs d'informatique en nuage, pratique déloyale de subvention des clients pour les enfermer.
Les amendements identiques nos22 rectifié quater et 94 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°61 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel.
Alinéa 5
1° Après le mot :
pour
insérer les mots :
un montant et
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le montant maximal de cet avoir est précisé par décret en Conseil d'État.
M. Bernard Fialaire. - Pour rétablir la concurrence et soutenir les entreprises françaises, nous voulons renforcer l'équité entre les différents acteurs. Il faut plafonner par décret le montant des avoirs d'informatique en nuage, et non seulement leur durée.
M. le président. - Amendement n°23 rectifié quater, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Malhuret, Decool, Guerriau, Chasseing, Capus et Wattebled, Mme Mélot et M. Lagourgue.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
une durée limitée qui
par les mots :
un montant et une dure?e limite?e. Cette dure?e
M. Pierre-Jean Verzelen. - Défendu.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - L'amendement n°23 rectifié quater crée un environnement similaire à l'amendement n°61 rectifié bis. La commission spéciale en a déjà plafonné la durée, compromis accepté par les acteurs et salué par l'Autorité de la concurrence. Il n'y a en revanche pas de consensus pour limiter le montant.
Ce dernier dépend de la durée, mais aussi du service et de la taille de l'entreprise bénéficiaire. Il serait préférable de laisser davantage de souplesse et de réfléchir à un éventuel encadrement par montant. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°61 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°23 rectifié quater.
M. le président. - Amendement n°95, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
, y compris si l'octroi de cet avoir est renouvelé
par les mots :
; au-delà de cette durée, l'avoir ne peut être renouvelé s'il porte sur le même service
Mme Florence Blatrix Contat. - La commission spéciale prévoit une durée maximale d'octroi d'un avoir d'informatique en nuage de douze mois. Nous souhaitons que cet avoir ne puisse être renouvelé s'il porte sur le même service.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Cet amendement n'est pas nécessaire. La durée de l'octroi est de douze mois, renouvellement compris. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°95 est retiré.
M. le président. - Amendement n°24 rectifié quater, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Malhuret, Decool, Guerriau, Chasseing, Capus et Wattebled, Mme Mélot et M. Lagourgue.
Alinéa 9
Apre?s le mot :
nuage
inse?rer les mots :
, autres que ceux mentionne?s au premier aline?a du pre?sent III,
M. Pierre-Jean Verzelen. - Nous souhaitons limiter les frais de transfert aux coûts réels.
M. le président. - Amendement identique n°102, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Florence Blatrix Contat. - Il convient d'empêcher le verrouillage des frais de transfert, qui nuit notamment au multi-cloud.
M. le président. - Amendement identique n°137, présenté par M. Chaize, au nom de la commission.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Cette clarification permettra d'éviter toute facturation abusive, dans la continuité de nos travaux.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable. Cet article règle les problèmes d'abus de position dominante des fournisseurs de cloud, avec des avoirs commerciaux à l'entrée et des frais de transfert à la sortie.
Ces amendements clarifient la définition des frais de migration pour en exclure les frais de transfert.
Les amendements identiques nos24 rectifié quater, 102 et 137 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°96, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour les contrats conclus à compter de la promulgation de la présente loi, la nature et le montant de ces coûts éventuels doivent être mentionnés au contrat.
Mme Florence Blatrix Contat. - Par transparence, nous proposons, pour les nouveaux contrats, que la nature et le montant des coûts de changement de fournisseur de service cloud soient explicitement mentionnés.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Nous partageons l'objectif de transparence mais le dispositif n'est pas opérationnel : les coûts dépendent aussi du nouveau fournisseur choisi et du volume transféré et ne sont pas connus à l'avance. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Sagesse. Cette transparence est prévue dans le règlement européen sur les données. Nous retravaillerons cet amendement dans la navette.
Mme Florence Blatrix Contat. - Je vous remercie. Mon amendement peut être amélioré en mentionnant la méthode de calcul plutôt que le montant, mais il faut avancer.
L'amendement n°96 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°97, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« IV. - Tout manquement aux dispositions des II, III et V, toute conclusion d'un contrat en violation de ces mêmes dispositions est puni d'une amende administrative, dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 1 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 2 % en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.
Mme Florence Blatrix Contat. - Les frais de sortie peuvent se chiffrer en millions d'euros. Si l'amende est inférieure aux gains, les acteurs dominants continueront. Renforçons les sanctions en les corrélant au chiffre d'affaires mondial. C'est un plafond, le montant de l'amende restant proportionné à la gravité du manquement.
M. le président. - Amendement n°25 rectifié quater, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Malhuret, Decool, Guerriau, Chasseing, Capus et Wattebled, Mme Mélot et M. Lagourgue.
I. - Aline?a 11
Remplacer les mots :
des II et III
par les mots :
du II
II. - Apre?s l'aline?a 11
Inse?rer un paragraphe ainsi re?dige? :
« .... - Toute conclusion d'un contrat en violation des dispositions du III est punie d'une amende administrative qui comprend le montant de frais facture?s au titre du transfert de donne?es, auquel s'ajoute un montant de 200 000 euros pour une personne physique et d'un million d'euros pour une personne morale.
« En cas de re?ite?ration du manquement dans un de?lai de deux ans a? compter de la date a? laquelle la premie?re de?cision de sanction est devenue de?finitive, le maximum de l'amende encourue comprend le montant de frais facture?s au titre du transfert de donne?es, auquel s'ajoute un montant ne pouvant exce?der 400 000 euros pour une personne physique et deux millions d'euros pour une personne morale.
M. Pierre-Jean Verzelen. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°98, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 11
Remplacer les mots :
II et III
par les mots :
II, III et V
Mme Florence Blatrix Contat. - La commission spéciale a interdit les pratiques de vente liée. Nous proposons d'étendre le dispositif d'amende au respect de cette interdiction.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Le régime de sanctions en vigueur est aligné sur celui des violations des dispositions contractuelles prévu par le code de commerce. Le modifier serait disproportionné. Avis défavorable à l'amendement n°97, tout comme à l'amendement n°25 rectifié quater, lui aussi disproportionné.
Les pratiques commerciales déloyales sont déjà punies de deux ans de prison et d'amende. Il est impossible d'avoir deux régimes de sanction pour une même pratique. Avis défavorable à l'amendement n°98.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°97 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos25 rectifié quater et 98.
M. le président. - Amendement n°26 rectifié quinquies, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Malhuret, Decool, Guerriau, Chasseing, Capus et Wattebled, Mme Mélot et M. Lagourgue.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« .... - Il est interdit a? toute personne de conditionner l'acce?s a? un environnement nume?rique, tel que de?fini a? l'article L. 224-25-1 du code de la consommation, ou de donner acce?s a? cet environnement nume?rique dans des conditions tarifaires ou fonctionnelles de?grade?es, en fonction du service d'informatique en nuage a? partir duquel cet environnement nume?rique est utilise?. »
M. Pierre-Jean Verzelen. - Nous voulons faciliter l'interopérabilité, pour ne pas devoir tout changer en passant à un autre fournisseur de cloud.
M. le président. - Amendement n°103, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« .... - Il est interdit à tout fournisseur de services d'informatique en nuage de donner accès à un environnement numérique, tel que défini à l'article L. 224-25-1 du code de la consommation, dans des conditions tarifaires ou fonctionnelles manifestement discriminatoires ou dégradées, en fonction du service d'informatique en nuage à partir duquel cet environnement numérique est utilisé. »
Mme Florence Blatrix Contat. - Les acteurs dominants freinent les technologies françaises et européennes en verrouillant à l'entrée et à la sortie, par l'autopréférence, la discrimination - service dégradé par exemple - ou les pratiques déloyales. Interdisons explicitement ces pratiques sur le marché du cloud.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - L'amendement n°26 rectifié quinquies est moins large que l'amendement n°103, qui concerne toute personne.
Il est souhaitable de limiter les pratiques anticoncurrentielles, mais adopter ces amendements garantirait l'interopérabilité complète, déjà prévue par les articles 8 et 9, selon des modalités définies par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
L'interopérabilité ne peut s'appréhender de la même façon selon les services, notamment les logiciels, avec un risque d'atteinte à la propriété intellectuelle. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis défavorable également. Je rappelle que l'autopréférence sera interdite aux termes du règlement sur le marché numérique (DMA). Aujourd'hui, certains moteurs dominants valorisent des contenus édités par leur maison mère. Il en va autrement sur le marché du cloud. Ces amendements risquent de fragiliser les acteurs émergents de l'informatique en nuage.
L'amendement n°26 rectifié quinquies est retiré, ainsi que l'amendement n°103.
L'article 7, modifié, est adopté.
ARTICLE 8
M. le président. - Amendement n°138, présenté par M. Chaize, au nom de la commission.
Alinéa 1
Remplacer les mots :
du présent chapitre
par les mots :
des chapitres II, II bis A et II bis
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Coordination juridique.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je propose le retrait au profit de l'amendement n°108 de suppression de l'article 10 bis, qui constitue l'ensemble du chapitre 2 bis. En effet, il y a un risque de confusion avec le cadre européen, ce qui pourrait inquiéter nos partenaires sur un éventuel cavalier seul. En outre, il n'y a pas de chapitre II bis A, mentionné par l'amendement, dans le texte.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Je maintiens mon amendement. La commission, elle, souhaite conserver cet article 10 bis.
L'amendement n°138 est adopté.
L'article 8, modifié, est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°42, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 1
après le mot :
précise
insérer les mots :
, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés,
M. Thomas Dossus. - La Cnil souhaite être consultée, de manière préalable et suspensive, avant toute précision des règles relatives à la portabilité et l'interopérabilité des données dans le cloud de la part de l'Arcep, pour garantir la protection des données personnelles.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Il est préférable de ne pas remettre en cause la répartition délicate des équilibres entre les différentes autorités concernées. En outre, à ma connaissance, la Cnil n'a pas demandé cette modification. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°42 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°27 rectifié quater, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Malhuret, Decool, Guerriau, Chasseing, Capus et Wattebled, Mme Mélot et M. Lagourgue.
Après l'alinéa 5
Insérer un paragraphe ainsi rédigé? :
... - La définition de la notion d'équivalence fonctionnelle est précisée par l'Autorité? de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse précise, dans un délai ne pouvant excéder douze mois après la promulgation de la présente loi.
M. Pierre-Jean Verzelen. - La notion d'équivalence fonctionnelle suscite de nombreux débats. L'Arcep doit l'affiner, en concertation avec les acteurs de l'écosystème.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Le projet de loi a été préparé en anticipation du Data Act, qui contiendra finalement une définition de la notion. Il faudra donc bien l'introduire en navette une fois le Data Act adopté. Avis défavorable à cet amendement prématuré.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°27 rectifié quater est retiré.
L'article 9 est adopté.
ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°139, présenté par M. Chaize, au nom de la commission.
Alinéa 9, seconde phrase
Après les mots :
chiffre d'affaires
insérer le mot :
mondial
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Précision juridique.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Cet amendement aligne le régime des sanctions avec le code des postes et télécommunications. Avis favorable.
L'amendement n°139 est adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°114, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Chaize.
I. - Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les fournisseurs de services d'informatique en nuage prennent toutes les mesures techniques et organisationnelles nécessaires pour empêcher tout accès d'un État tiers, non autorisé par les autorités publiques, direct ou indirect par l'intermédiaire de toute personne physique ou morale, aux données qui relèvent de secrets protégés par la loi au titre des articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration, aux données de santé à caractère personnel mentionnées à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique, ainsi qu'aux données nécessaires à l'accomplissement des missions essentielles de l'État, notamment la sauvegarde de la sécurité nationale, le maintien de l'ordre public et la protection de la santé et de la vie des personnes.
II. - En cas de recours à une offre commerciale sur le marché de l'informatique en nuage pour l'hébergement ou le traitement des données mentionnées au présent I, les autorités publiques s'assurent que le prestataire de services d'informatique en nuage respecte les obligations mentionnées au dudit I et que son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement est établi sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne.
Les autorités publiques s'assurent également que le capital et les droits de vote dans la société du prestataire retenu ne sont pas, directement ou indirectement, individuellement détenus à plus de 24 % et collectivement détenus à plus de 39 % par des entités tierces possédant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement en dehors de l'Union européenne.
Ces entités tierces ne peuvent pas, individuellement ou collectivement, en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, disposer d'un droit de véto ou désigner la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance du prestataire.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre II bis ...
Protection des données stratégiques et sensibles sur le marché de l'informatique en nuage
Mme Catherine Morin-Desailly. - J'associe à mon propos Florence Blatrix Contat et André Gattolin, avec qui j'ai beaucoup travaillé sur le projet du Data Act. Le secteur de l'informatique en nuage est en plein essor et ne saurait être réservé à trois géants extraeuropéens qui cannibalisent le marché.
La protection de nos données stratégiques et sensibles face aux États tiers doit être une priorité. L'industrie européenne de l'information en nuage doit bénéficier de la force de frappe de nos entreprises et administrations. Nous devons donc rehausser notre niveau de protection collective face aux législations extraterritoriales.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Cet amendement est très important. Si beaucoup d'initiatives ont été prises, nous demeurons vulnérables aux législations extraterritoriales, qui évoluent rapidement. Nos données sensibles et stratégiques sont en jeu. Il faut inciter les acteurs de l'informatique en nuage à prendre des mesures pour limiter l'accès d'États tiers aux données. C'est pourquoi l'amendement établit, pour la première fois, une liste de données stratégiques.
En matière de souveraineté numérique, nous avons encore beaucoup de progrès à faire. Mettons fin à la naïveté : le lieu de stockage des données et d'immatriculation des sociétés ouvre des accès aux États tiers, pas toujours à bon escient. Allons plus loin, ensemble. Avis très favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Retrait, sinon avis défavorable.
La stratégie du Gouvernement pour soutenir le développement du marché s'appuie sur trois piliers.
Le premier est la stratégie d'accélération de l'informatique en nuage via France 2030, avec 667 millions d'euros euros consacrés au développement de l'offre, à la formation et à la recherche.
Deuxième pilier, la concurrence, que ce projet de loi favorise en anticipant le DMA et le Data Act, que la France a soutenu du début à la phase finale du trilogue. Le déverrouillage du marché devient possible.
Troisième pilier, la définition d'un périmètre de sécurité pour nos données, qui ne sauraient être hébergées par des acteurs issus de nations s'étant dotées d'une législation extraterritoriale. Nous proposons une certification « SecNumCloud » délivrée par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), très exigeante, qui garantit aux clients que leurs données ne pourront être requises par des puissances étrangères. Toutes les données européennes n'ont pas vocation à y être hébergées, mais les données sensibles, oui, notamment celles de l'administration.
Le 12 septembre, en inaugurant le nouveau data center d'OVHcloud, Bruno Le Maire et moi-même avons annoncé que nous allions préciser le périmètre des données pour lesquelles les administrations devront sélectionner une offre correspondant à cette certification. Nous avons également exhorté les entreprises les plus sensibles, qui manipulent ce type de données, à s'équiper de ces solutions certifiées.
Exhorté et non imposé, car nous discutons en ce moment, au niveau européen, d'un schéma de certification qui aura vocation, une fois adopté, à écraser les certifications nationales. Or certains pays ne veulent pas inclure une telle certification dans le schéma européen. Parmi leurs arguments figure l'idée que nous voudrions imposer cette certification à toutes les entreprises d'Europe.
Voilà le discours que mes partenaires européens me tiendront lors de notre prochaine rencontre si vous adoptez cet amendement. C'est pour cela que je vous propose de le retirer.
La Première ministre a signé une circulaire qui précise le périmètre des données concernées, comme annoncé le 12 septembre. Nous avançons ainsi sur deux chantiers parallèles, français et européen, mais il nous paraît très important de gagner la bataille européenne.
M. Pierre Ouzoulias. - À titre personnel, j'ai recherché un opérateur qui me garantisse la sécurité absolue de mes données. Je ne l'ai pas trouvé : les opérateurs français louent leurs infrastructures aux Gafam, qui ensuite transfèrent leurs données aux États-Unis.
Je n'ai trouvé un tel opérateur qu'en Suisse. Ce n'est pas très étonnant, quand on sait que les données numériques sont l'or du XXIe siècle...
Imaginez qu'un opérateur tiers puisse accéder à l'infonuage des 348 sénateurs que nous sommes, il pourrait construire une base de données parfaitement exploitable.
Notre souveraineté est en jeu. J'ai compris que vous la défendiez à l'échelle européenne, mais justement, avec cet amendement, vous pourrez faire valoir que le Parlement exige que la souveraineté de notre infonuage soit garantie.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale. - Nous avons bien noté l'infléchissement de la politique du Gouvernement sur la question de la souveraineté. Le nouvel intitulé de votre ministère de tutelle en témoigne.
Il faut aussi souligner que vous êtes sous la pression de l'Assemblée nationale, qui a mis le sujet sur la table dans la loi de programmation militaire...
Je me réjouis de la publication de la circulaire, mais nous préférons inscrire les choses dans la loi. Je ne sais pas ce que veut dire une immunisation contre l'extraterritorialité : nous relevons toujours du Foreign Intelligence Surveillance Act (Fisa) américain, dont l'article 102 permet aux agences fédérales d'enjoindre les fournisseurs de nuage à leur transférer leurs données sans condition. Les opérateurs européens ne sont pas protégés.
Cette loi arrive à échéance le 31 décembre : c'était l'occasion de rediscuter avec les Américains la protection des usagers européens, par exemple avec des garanties similaires à celles de la Cnil, mais nous l'avons manquée.
Nous devons rester fermes et protéger nos données. Cet amendement peut être un outil, mais aussi un moteur pour enfin soutenir et accompagner l'industrie de l'informatique en nuage, qui en a besoin. Mettons le pied sur l'accélérateur. Toutes les mesures qui anticipent le Data Act ne suffiront pas. Il faut une politique industrielle volontariste.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Les discussions en cours au niveau européen sont serrées. Sur les sujets de concurrence et de lutte contre les pratiques déloyales, l'accord est plus large que sur l'immunité et la certification, d'où notre prudence.
Vous voulez donner beaucoup d'obligations aux opérateurs infonuagiques. Il est difficile de savoir comment faire obstacle aux législations extraterritoriales, car il n'y a pas que la législation américaine ! Il faudrait que les opérateurs se dotent d'experts dans ce domaine, ce qui, pour les plus modestes, risque d'être compliqué.
L'amendement n°114 est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 10 BIS
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - C'est pour ainsi dire un amendement d'appel (sourires) qui reprend les mêmes arguments. La transparence que l'on veut imposer aux fournisseurs infonuagiques me semble être un leurre, a fortiori pour les petits acteurs. Comment une PME peut-elle remplir de telles obligations ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. - En commission, nous avons souhaité aller plus loin pour équilibrer le marché, en demandant plus de transparence. Les labels français et européens sont satisfaisants, mais pas en matière de protection face aux législations extraterritoriales. Monsieur le ministre, dans vos discours, soit il faut compenser un échec au niveau européen par des dispositions nationales, soit il faut s'en tenir au seul cadre européen. C'est un argument à la carte, mais c'est le Gouvernement qui choisit le menu ! (M. Thomas Dossus acquiesce.) Si vous voulez vous en tenir au règlement européen, n'introduisez pas des brèches dans ce texte. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Le Gouvernement attendait évidemment que le Sénat enrichisse le texte. Je constate, dans les débats européens, que les pays favorables à la concurrence dans le règlement sur les services numériques (RSN) sont défavorables à l'immunité aux législations extraterritoriales pour l'informatique en nuage.
Certaines obligations que vous voulez imposer aux fournisseurs d'informatique en nuage leur imposeront de vérifier la sensibilité de leurs propres données.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale. - Ce n'est pas simple, en effet.
Certaines obligations imposées par la commission aux opérateurs de cloud sont en lien avec la sensibilité des données hébergées. Or il est difficile à l'opérateur de contrôler le niveau de sensibilité des données qu'il héberge ; il faudra revoir ce point dans la navette.
M. Pierre Ouzoulias. - Les Gafam disposent de moyens budgétaires équivalents à ceux des États. Pour qu'émergent de petits opérateurs français, la concurrence sera rude. Les Français iront vers des opérateurs nationaux s'ils offrent une sécurité des données. (Mme Catherine Morin-Desailly acquiesce.) C'est un argument de vente très puissant.
Enfin, monsieur le ministre, nous aimons la langue française au Sénat : plutôt que « SecNumCloud », ne pourrions-nous pas trouver un terme français ? C'est aussi une question de souveraineté ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Burgoa. - Bravo !
L'amendement n°108 n'est pas adopté.
L'article 10 bis est adopté.
Les articles 11, 12, 13 et 14 sont successivement adoptés.
APRÈS L'ARTICLE 14
L'amendement n°2 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°73 rectifié, présenté par MM. Duplomb, J.M. Boyer, D. Laurent, Cuypers, Joyandet et Lefèvre, Mme Férat, MM. Klinger, B. Fournier, Bouchet, J.P. Vogel, Pointereau, Decool et Bascher, Mme Thomas et MM. Guerriau, Détraigne, Henno et Panunzi.
I. - Après l'article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Un dispositif volontaire d'intermédiation de données est institué. Il est destiné à apporter aux détenteurs de données et utilisateurs de données opérant sur un marché imparfaitement concurrentiel, la possibilité de recourir à des prestataires de services d'intermédiation de données pour toute activité visée à l'article 10 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724.
II. - Une expérimentation est menée pour une durée de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi afin d'évaluer l'impact économique des prestataires de services d'intermédiation de données dans le rééquilibrage des rapports entre détenteurs et utilisateurs de données opérant sur un marché imparfaitement concurrentiel. Cette expérimentation est suivie d'un rapport établi par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, qui est transmis au Parlement, comprenant une évaluation économique de ce dispositif. Sur la base de ce rapport, un décret après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, définit les secteurs économiques, la nature des produits et la taille de l'entreprise concernés par l'obligation de recourir à un prestataire d'intermédiation de données.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre ...
Dispositif volontaire de services d'intermédiation de données
M. Bernard Fournier. - Dans un contexte de marchés imparfaitement concurrentiels, nous proposons une expérimentation reposant sur des services d'intermédiation des données, qui devront s'enregistrer auprès de l'autorité de régulation. Les secteurs prioritaires pour participer à l'expérimentation sont l'agriculture et l'agroalimentaire.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Ce dispositif volontaire d'intermédiation des données est en fait satisfait par le droit existant.
L'Arcep assurera un suivi pour les monopoles. Pour les oligopoles ou oligopsones, fréquents dans l'agriculture, ces services sont une voie prometteuse. Avis défavorable, mais je suis impatient d'entendre le ministre sur le sujet.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis défavorable.
L'amendement n°73 rectifié n'est pas adopté.
ARTICLE 15
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale . - Cet article est important : c'est la première fois que le législateur se prononcera sur les jeux à objets numériques monétisables (Jonum). L'habilitation à légiférer par ordonnance, que prévoyait initialement le Gouvernement, nous a semblé inacceptable. Pour la première fois nous donnons une définition des Jonum et proposons une expérimentation de trois ans.
C'est important, mais insuffisant : il manque un cadre de réglementation. Le Gouvernement devrait mettre à profit les trois mois qui nous séparent de l'examen du texte à l'Assemblée nationale pour y travailler avec l'Autorité nationale des jeux (ANJ), experte en matière de risque de blanchiment d'argent ou de protection des mineurs. Monsieur le ministre, pouvez-vous vous y engager ?
M. le président. - Amendement n°29, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Supprimer cet article.
M. Thomas Dossus. - La présidente a bien souligné l'aspect improvisé de cet article. L'habilitation à légiférer par ordonnance était très incongrue, mais la définition proposée par la commission spéciale pourrait être améliorée. Nous avons besoin de travailler sereinement, car les enjeux sont très importants. Supprimons cet article : l'enjeu dépasse les Jonum, il faudrait un projet de loi traitant aussi de la question des blockchains et des cryptoactifs.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Avis défavorable.
Nous devons réguler pour soutenir l'innovation dans ce secteur, porteur de retombées économiques pour notre pays. La commission spéciale a travaillé certes rapidement, mais efficacement.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - J'ose à peine dire le mot devant M. Ouzoulias : les Jonum (sourires) ont fait l'objet d'une écriture en dur dans la loi. Une définition était nécessaire. Le cadre d'expérimentation est précisé. Mais il reste des briques à définir, des garanties, pour mieux protéger les concitoyens, notamment contre les addictions ou le blanchiment d'argent.
L'esprit de ce dispositif est le même que celui qui a présidé à la conception du cadre de régulation des cryptoactifs dans la loi Pacte, lequel a atteint son objectif : concilier protection des utilisateurs et souplesse nécessaire à la viabilité économique, à travers le régime du PSAN (prestataire de services sur actifs numériques). Le modèle français a été imité au niveau européen, avec l'adoption du règlement MiCa (Markets in Crypto-assets) qui crée un marché unique des cryptoactifs. C'est un véritable facteur d'attractivité pour notre pays.
L'amendement n°29 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°31, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéa 1
Après le mot :
ligne
insérer les mots :
reposant sur un dispositif d'enregistrement électronique partagé
II. - Alinéa 2
Après les mots :
de jeu
insérer les mots :
reposant sur un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien
M. Thomas Dossus. - Cet amendement de repli enrichit la définition des Jonum, en précisant qu'ils reposent sur la technologie de la blockchain. Cela améliore la traçabilité.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - La définition prévue inclut déjà la blockchain. Avis défavorable. En complément, je précise que cette définition est à la croisée des chemins entre jeux vidéo et jeux d'argent en boucle fermée. La définition des Jonum exclut les deux : nous construisons une nouvelle catégorie.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°31 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°93 rectifié, présenté par M. Pellevat, Mmes Bourrat et Estrosi Sassone, MM. Rapin et Brisson, Mme Di Folco et MM. Genet et Klinger.
Alinéa 1
1° Apre?s le mot :
permettent
insérer les mots :
a? titre principal
2° Supprimer les mots :
a? l'exclusion de l'obtention de tout gain mone?taire,
3° Comple?ter cet aline?a par une phrase ainsi re?dige?e :
À titre accessoire, ces jeux peuvent permettre d'obtenir des re?compenses de toute nature, autres que les objets nume?riques mone?tisables cre?e?s par l'entreprise de jeu, sans que la valeur desdites re?compenses puisse exce?der 30 % du chiffre d'affaires annuel re?alise? par l'entreprise de jeu.
M. Cyril Pellevat. - L'expérimentation doit offrir assez de souplesse aux Jonum pour assurer leur compétitivité. Ainsi, les gains obtenus devraient être constitués d'objets numériques créés par les entreprises elles-mêmes, sans interdire d'autres formes de récompenses. Ainsi, nous stimulons l'innovation et favorisons l'attractivité, tout en protégeant mieux le public.
M. le président. - Amendement identique n°125, présenté par M. Hingray.
M. Jean Hingray. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°53 rectifié bis, présenté par MM. Courtial, Burgoa et Panunzi et Mme Dumas.
I. - Alinéas 1, 2 et 3
Supprimer le mot :
monétisables
II. - Alinéa 2
Supprimer les mots :
, et qui sont susceptibles d'être cédés, directement ou indirectement, à titre onéreux à des tiers
M. Laurent Burgoa. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°75 rectifié, présenté par M. Kern, Mme de La Provôté, MM. Levi, Détraigne, Le Nay et Canévet, Mmes Saint-Pé et Jacquemet, M. Bonneau, Mme Férat et M. Duffourg.
M. Claude Kern. - L'expérimentation prévue pour les Jonum doit se dérouler dans les meilleures conditions, en identifiant dès maintenant les risques encourus. La distinction avec les jeux d'argent reste peu claire : il faut tracer une frontière étanche en interdisant la monétisation des gains.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - La commission spéciale a été particulièrement attentive à prévenir tout risque de contournement. Les amendements nos93 rectifié et 125 ouvrent une brèche dans le dispositif en ouvrant la possibilité de gains monétaires.
Les amendements nos53 rectifié bis et 75 rectifié risquent, eux, de dévitaliser le dispositif. C'est le caractère monétisable qui justifie l'encadrement des Jonum. Je vous invite à retirer ces amendements.
La définition des Jonum proposée par la commission spéciale est très concrète : les gains sont monétisables sur un marché secondaire. L'éditeur du jeu n'est pas le gestionnaire financier. Nous avons créé une troisième catégorie distincte à la fois des jeux vidéo et des jeux d'argent, qui font déjà l'objet d'une législation : cela appelle un encadrement, qui ne peut tolérer la moindre brèche.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Le rapporteur a très bien parlé. Le régime intermédiaire élaboré par la commission spéciale est menacé par ces amendements. Les deux premiers entraîneraient les Jonum vers la catégorie des jeux d'argent et de hasard, sans les garanties associées ; les deux derniers vers celle des jeux vidéo. Retrait, au bénéfice de la ligne de crête trouvée par la commission.
M. Cyril Pellevat. - Je retire mon amendement, à contrecoeur.
L'amendement n°93 rectifié est retiré.
M. Jean Hingray. - Je le maintiens.
Les amendements identiques nos53 rectifié bis et 75 rectifié sont retirés.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale. - Je soutiens vivement les arguments du rapporteur. Ces amendements déstabiliseraient la régulation des jeux de hasard, y compris physiques : les jeux d'argent en ligne illégaux seraient presque légalisés. Tenons-nous-en à cette première étape.
N'oublions pas que les casinos alimentent les finances de nos collectivités territoriales, dont certaines sont inquiètes : gare aux effets de bord.
M. Jean Hingray. - Je le retire donc, à contrecoeur.
L'amendement n°125 est retiré.
M. le président. - Amendement n°100, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
N'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure, ni du présent article, les jeux en ligne comportant des monnaies virtuelles propres au jeu ou autres objets numériques, y compris achetables, dès lors que ces éléments du jeu ne peuvent pas être convertis en valeur monétaire dans les conditions normales d'utilisation du jeu telles que définies par l'éditeur du jeu.
Mme Florence Blatrix Contat. - Nous voulons clarifier le statut des lootboxes. Je salue le travail des rapporteurs grâce auxquels nous pouvons nous exprimer sur la base d'un texte plus précis qu'une habilitation. Nous ne devons pas confondre les lootboxes, non convertibles à l'extérieur du jeu, avec les objets numériques à forte valeur spéculative. Le secteur du jeu vidéo est inquiet.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Cet amendement précise que les jeux vidéo fonctionnant en circuit fermé ne sont pas concernés par ce projet de loi. Il est satisfait par l'article 15, tel qu'il est issu des travaux de la commission spéciale, qui insiste sur le caractère monétisable des Jonum.
Par ailleurs, les jeux vidéo traditionnels n'ont jamais été assimilés à des jeux d'argent et de hasard. Retrait.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
Mme Florence Blatrix Contat. - M. Durain souhaite le maintenir.
L'amendement n°100 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°30, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elles veillent à réduire l'empreinte environnementale des objets numériques monétisables, notamment en termes de consommation d'électricité, d'eau, de ressources naturelles et de renouvellement du matériel informatique.
M. Thomas Dossus. - Nous voulons limiter l'empreinte environnementale des Jonum. Le bitcoin génère une consommation annuelle de 150 térawattheures au niveau mondial, soit l'équivalent de tous les ménages français.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - La prise en compte de l'empreinte environnementale est cruciale - vous connaissez mon implication en la matière. Cependant, il faut considérer l'ensemble du secteur, et non le seul secteur des jeux. Je m'en remets toutefois à l'avis du Gouvernement.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je comprends l'intention de M. Dossus. Certains registres distribués et chaînes de blocs - Monsieur Ouzoulias, je fais des efforts... (Sourires) - sont particulièrement énergivores. Cela dit, l'un des acteurs a diminué sa consommation énergétique de 99 %, preuve que des solutions existent.
La loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France (Reen), dont l'auteur était Patrick Chaize, prévoit que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur l'empreinte environnementale des cryptoactifs. Je m'engage à ce que ce rapport soit publié d'ici à la réunion de la CMP. Nous pourrons alors poursuivre le débat, au moins sur une obligation d'information, telle que celle qui est prévue dans la réglementation européenne. Retrait ?
L'amendement n°30 n'est pas adopté.
L'article 15 est adopté.
ARTICLE 16
M. le président. - Amendement n°64 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Après la deuxième phrase du même cinquième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Les objectifs et les moyens de ces recherches sont élaborés conjointement avec le coordinateur pour les services numériques. » ;
M. Bernard Fialaire. - Comme le dit Maxime Boul, les données publiques ne sont pas toujours très bien définies : elles se confondent entre finalités d'intérêt général et information accessible au public. Or connaître l'univers de la donnée est indispensable pour adapter la régulation applicable aux plateformes.
Il est donc souhaitable de renforcer les compétences du pôle d'expertise de la régulation numérique (PEReN) aux fins de recherche et d'expertise, à la condition de poursuivre un travail de collaboration entre les autorités et de ne pas entraver les droits et libertés. La collecte de données doit être mieux définie, surtout après les largesses du règlement sur les services numériques.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Le PEReN doit décider de ses travaux de recherche en toute indépendance.
Il collabore avec huit autorités administratives indépendantes (AAI), en plus des services de l'État.
Ses activités de recherches publiques sont encadrées par l'article 36 de la loi du 25 octobre 2021 : avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°64 rectifié bis est retiré.
L'article 16 est adopté.
ARTICLE 17
M. le président. - Amendement n°76, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pierre Ouzoulias. - L'article 17 retire aux communes l'accès aux données des locations touristiques. Cela n'est pas opportun : comme l'ont dit le président Larcher ou le sénateur Bazin aux questions d'actualité, les maires doivent retrouver la capacité d'agir sur le logement et l'habitat.
Certaines villes, grâce à ces données, ont créé des systèmes efficaces pour mieux connaître la réalité de ce problème.
M. le président. - Amendement n°77, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
I. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
organisme unique chargé
par les mots :
administration publique chargée
II. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
organisme unique mentionné
par les mots :
administration publique mentionnée
et les mots :
ce même organisme unique
par les mots :
cette même administration publique
M. Pierre Ouzoulias. - C'est un amendement de repli. Nous proposons de remplacer ces organismes, non spécifiés, par une administration publique.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Nous n'avons pas la même lecture que M. Ouzoulias. L'article 17 vise justement à simplifier l'accès de toutes les communes aux données par le biais d'une interface unique. Cette simplification est très attendue, surtout par les communes, majoritaires, qui ne disposent pas encore d'un système interne. Avis défavorable à l'amendement n°76.
La précision prévue à l'amendement n°77 nous semble inutile, voire contre-productive. Ne rétrécissons pas le champ des possibles : les organismes concernés ne sont pas forcément des administrations publiques au sens strict. Le recueil et la gestion des données seront très encadrés par la loi. Avis défavorable également.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis. Monsieur Ouzoulias, nous voulons pérenniser une expérimentation visant à simplifier la vie des communes dans leur contrôle du respect de la règle des 120 nuitées pour les meublés touristiques.
Actuellement, un maire doit contacter toutes les plateformes pour recueillir les données. L'expérimentation a permis de mutualiser l'échange des informations. C'est utile tant pour les maires que pour les plateformes : les démarches sont simplifiées. Conservons ce point d'entrée unique.
M. Pierre Ouzoulias. - Vos explications sont claires et m'ont convaincu : je retire mes deux amendements.
Les amendements nos76 et 77 sont retirés.
Les articles 17, 18 et 19 sont successivement adoptés.
ARTICLE 20
M. le président. - Amendement n°140 rectifié, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission.
Alinéa 11, première phrase
Remplacer la deuxième occurrence du mot :
de
par les mots :
et au procureur général près
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission spéciale. - Nous voulons que le rapport soit également transmis au procureur général près la Cour de cassation.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable.
L'amendement n°140 rectifié est adopté.
L'article 20, modifié, est adopté.
L'article 21 est adopté.
ARTICLE 22
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Levi, Mme de La Provôté, MM. Kern, Laugier, J.M. Arnaud, Bonneau, Chasseing, Détraigne et Duffourg, Mme Dumont, M. Folliot, Mmes Garriaud-Maylam et Gatel, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Guerriau, Mme Guidez, M. Henno, Mme Jacquemet, MM. Klinger, Laménie, Le Nay, P. Martin, Milon, Panunzi et Pellevat, Mmes Perrot, Saint-Pé et Vermeillet et MM. Verzelen et Wattebled.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le cas échéant, le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse des personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, le stockage de données traitées directement par elles dans le cadre de l'édition du service.
M. Pierre-Antoine Levi. - Nous voulons garantir une meilleure transparence pour les consommateurs lorsqu'ils confient leurs données personnelles à des hébergeurs, souvent étrangers. Les mentions légales sont peu claires ; or tout n'est pas hébergé en France.
Notre but n'est pas d'imposer de nouvelles charges aux entreprises, mais bien de garantir les droits des consommateurs.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Cet amendement contribue utilement à l'actualisation de l'article 6 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique.
La mise à disposition d'informations relatives au stockage de données s'inscrit dans la continuité des travaux de la commission spéciale : avis favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Retrait. La transparence est utile pour le client, mais elle crée une obligation déclarative supplémentaire pour l'hébergeur. Je crains que de telles obligations finissent par lester nos PME de contraintes aux coûts trop élevés. Préservons leur compétitivité.
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°112 rectifié, présenté par Mmes Morin-Desailly, Billon, Borchio Fontimp et M. Mercier, MM. Levi, Laugier, Duffourg, Le Nay et Kern, Mme Guidez, MM. Canévet et Détraigne et Mmes Jacquemet, Férat et Herzog.
Après l'alinéa 28
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« .... On entend par "boutique d'applications logicielles", un service défini à l'article 2, paragraphe 14 du règlement 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 précité.
« .... On entend par "application logicielle", tout produit ou service défini à l'article 2, paragraphe 15 du même règlement.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Par coordination, nous voulons intégrer à ce texte une définition des boutiques d'applications logicielles et des applications logicielles conforme aux dispositions du règlement sur les marchés numériques.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Cet amendement s'inscrit en continuité de l'amendement n° 111. Il introduit à juste titre les définitions européennes.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable.
L'amendement n°112 rectifié est adopté.
L'amendement n°51 rectifié ter n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°119 rectifié, présenté par M. Haye et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéa 41
1° Après la référence :
223-13,
insérer les références :
223-14, 225-4-1,
2° Remplacer la référence :
226-8
par la référence :
226-8-1
M. Ludovic Haye. - Défendu.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Comme sur l'amendement n° 117 rectifié, la commission spéciale a émis un avis favorable, sous réserve de rectification. Je remercie les auteurs d'avoir modifié leur amendement en conséquence. Avis favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Le Gouvernement préférait l'amendement n° 119 rectifié avant sa rectification. Il étend la liste des infractions haineuses déjà élargie par la commission, mais sa première version supprimait certains articles posant un problème d'ordre constitutionnel, car ne pouvant pas être identifiées comme des infractions par les acteurs privés à la simple lecture des contenus.
Certaines infractions ajoutées par la commission sont bienvenues, comme les incitations à la violence contre les élus ou à s'armer contre l'autorité de l'État ; mais d'autres sont plus problématiques comme, par exemple, la divulgation des données personnelles, ainsi que le pointaient les sénateurs lors de la saisine du Conseil constitutionnel après le vote de la loi Avia. Retrait ?
M. Ludovic Haye. - Le compromis n'est pas encore arrivé à maturité. Compte tenu de l'importance du sujet, nous devons y travailler ensemble. Je retire mon amendement.
L'amendement n°119 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°72 rectifié quater, présenté par Mmes Bourrat, Demas et Ventalon, M. Pellevat, Mmes Lassarade, Dumont, Primas, Gosselin, M. Mercier et Billon, M. Gremillet, Mme Lopez, M. P. Martin, Mme Belrhiti, MM. Belin, Pointereau, Burgoa, Brisson, Moga et Laugier, Mmes Lavarde, Gruny et Joseph, MM. Sido, Longeot et Rapin, Mmes Di Folco et Borchio Fontimp, M. Lefèvre, Mme Garriaud-Maylam, M. Klinger et Mme Bellurot.
Après l'alinéa 54
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Saisies d'un signalement de la part d'un mineur de moins de quinze ans portant sur un contenu illicite, ou contraire à leurs conditions générales d'utilisation, qui mentionne ce même mineur de moins de quinze ans inscrit sur une plateforme dans les conditions prévues à l'article 6-7 de la présente loi, les plateformes en ligne mettent le contenu précité hors d'accès sans délai et jusqu'à l'aboutissement de la procédure de traitement du signalement, quelle qu'en soit la nature. Le mineur ou ses représentants apportent, par tout moyen, la preuve que la personne mentionnée a moins de quinze ans.
Mme Toine Bourrat. - Actuellement, lorsqu'une victime de harcèlement effectue un signalement, la plateforme répond qu'elle doit d'abord procéder à des vérifications. Mais durant l'instruction, qui peut durer plusieurs mois, les contenus humiliants restent en ligne. Or ils sont à l'origine de traumatismes irréversibles, notamment chez les mineurs. Ainsi, la plateforme protège l'agresseur potentiel et non l'agressé potentiel. La loi majorité numérique reconnaît pourtant la nécessité d'une qualification juridique différenciée pour les jeunes publics.
Nous imposons donc l'obligation, pour les plateformes, de retirer ou suspendre le contenu litigieux immédiatement et pendant toute la durée de la procédure.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je comprends l'esprit de l'amendement, qui tend à créer un droit de retrait comme il existe un droit de réponse. Les conséquences du cyberharcèlement peuvent être très graves, mais je doute de la constitutionnalité de la mesure, car elle revient finalement à instaurer une présomption d'illicéité de tout contenu concernant un mineur de moins de 15 ans. Mais compte tenu de la gravité du cyberharcèlement dans notre pays, il me semble nécessaire de débattre de ce sujet. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je confirme le risque d'inconstitutionnalité.
Le règlement sur les services numériques sanctionne le manquement à l'obligation de signalement bien plus lourdement que le droit français actuel, puisqu'il va jusqu'au bannissement de l'Union européenne.
Concernant le cyberharcèlement, ce qui fonctionne déjà dans notre pays, ce sont les signaleurs de confiance. Les personnes victimes ou témoins de cyberharcèlement peuvent ainsi saisir l'association spécialisée e-Enfance, gestionnaire du 3018, qui peut faire un signalement privilégié, immédiatement pris en compte par les plateformes. Ce fonctionnement a été repris dans le DSA. Les plateformes traiteront en priorité les signalements du tiers de confiance désigné par l'Arcom. Retrait.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Sagesse.
Mme Toine Bourrat. - Le sujet est trop important pour que je retire mon amendement. Je suis cohérente avec les propos du ministre en discussion générale : cette loi doit protéger les plus vulnérables.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - J'ai aussi dit qu'il y a deux lignes rouges à éviter : détricoter les compromis européens et respecter les libertés fondamentales, dont la liberté d'expression.
L'amendement n°72 rectifié quater est adopté.
L'article 22, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 22
M. le président. - Amendement n°17 rectifié ter, présenté par Mmes Noël et Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, D. Laurent et Chatillon, Mme Muller-Bronn, MM. Charon, Joyandet et Bouchet et Mmes Thomas, Belrhiti, Del Fabro, Pluchet et Berthet.
Après l'article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes dont l'activité consiste à fournir, sur le territoire français, des services de réseaux sociaux ou des services intermédiaires sur lesquels ces derniers s'appuient, sont tenues de mettre en oeuvre des technologies permettant aux créateurs d'associer des informations de provenance numérique aux contenus numériques afin que les consommateurs puissent voir ces origines et l'historique des modifications en ligne.
Mme Véronique Del Fabro. - Défendu.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Le traçage de l'authenticité des contenus diffusés, en particulier sur les réseaux, est un sujet intéressant, mais la solution ne semble pas pouvoir être mise en oeuvre et elle serait contraire à la liberté d'entreprendre. Un débat doit être organisé avec les plateformes pour mieux authentifier les contenus. Retrait ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°17 rectifié ter est retiré.
Les articles 23 et 24 sont successivement adoptés.
ARTICLE 25
M. le président. - Amendement n°99, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Ces mêmes autorités précisent entre elles, par voie de conventions, les modalités de mise en oeuvre du présent article et d'organisation d'un réseau des régulateurs du numérique.
Mme Florence Blatrix Contat. - C'est un amendement d'appel. Le rapport du Conseil d'État sur les réseaux sociaux souligne les difficultés d'articulation entre les différentes régulations, comme le récent rapport du conseil général de l'économie déplore sa fragmentation. Or les textes européens vont créer une couche de complexité supplémentaire. Nous proposons ici de créer un réseau des acteurs de la régulation du numérique, afin de connaître les intentions du Gouvernement à cet égard.
M. le président. - Amendement n°101, présenté par Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 13
Après le mot :
article
insérer les mots :
et d'organisation d'une communication unifiée,
Mme Florence Blatrix Contat. - La mise en oeuvre des normes européennes doit être recentrée vers les utilisateurs, notamment grâce à une information lisible. Nous proposons une communication unifiée et partagée des régulations.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - L'intervention législative prévue par l'amendement n°99 n'est pas nécessaire. Un Conseil national du numérique et un comité européen du numérique existent déjà. Les réseaux sont bien établis et les coopérations entre autorités nationales déjà opérantes. Avis défavorable.
L'amendement n°101 apporte une précision utile : avis favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Vous m'aviez interrogé sur ce sujet lors de l'audition de présentation du texte devant la commission spéciale. Nous n'avons pas encore convergé sur les relations entre régulateurs. Retrait des deux amendements.
L'amendement n°99 est retiré.
L'amendement n°101 est adopté.
M. le président. - Amendement n°67 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel.
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le coordinateur pour les services numériques et les autorités compétentes saisissent le comité européen des services numériques préalablement à la mise en oeuvre de toute décision susceptible de générer des obligations additionnelles applicables aux seuls acteurs dont l'établissement principal est situé en France ou dont le représentant légal est établi en France.
M. Bernard Fialaire. - Nous voulons prévenir les distorsions de concurrence qui émaneraient d'interprétations divergentes du DSA, en prévoyant que le coordinateur français veille à ce que les interprétations soient cohérentes avec celles des autres coordinateurs des services numériques européens.
L'amendement prévoit que le comité européen des services numériques est saisi avant toute décision pouvant engendrer une distorsion de concurrence.
Actuellement, le régulateur français n'est pas compétent pour une plateforme située à l'étranger.
Cet amendement explicite donc une obligation du DSA. Par ailleurs, les coordinateurs ne sont pas tenus de suivre les avis européens : la souveraineté est donc préservée.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Cet amendement n'est pas conforme au DSA. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Sagesse.
L'amendement n°67 rectifié bis n'est pas adopté.
L'article 25, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 25
M. le président. - Amendement n°12, présenté par MM. Verzelen, Menonville, Guerriau, Decool, Grand et A. Marc, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Chasseing, Wattebled et Capus et Mme Paoli-Gagin.
Après l'article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'accès aux informations stockées dans l'équipement terminal de l'utilisateur ou l'inscription d'informations dans cet équipement, lorsqu'ils visent à permettre d'anonymiser à bref délai des données provenant de ce terminal, satisfont les conditions prévues au sixième alinéa de l'article 82 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
M. Pierre-Jean Verzelen. - Aujourd'hui, lorsque l'on visite un site, on coche « oui » et les données personnelles sont immédiatement captées. Il s'agirait de développer une technologie d'anonymisation - française - de cryptage des données, afin que le site internet n'ait aucune information sur l'identité de l'internaute.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Sur le fond, cet amendement est contraire à la directive européenne sur la confidentialité des communications dite ePrivacy. Il dispense de consentement sous réserve d'anonymisation à bref délai. Or l'anonymisation n'est pas une finalité, mais une technique.
Sur la forme, cet amendement modifie la loi informatique et libertés. Mieux vaudrait l'inscrire à l'article 82 de cette loi. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
ARTICLE 26
M. le président. - Amendement n°65 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel.
Alinéa 29
1° Première phrase
Remplacer les mots :
à l'article
par les mots :
aux dispositions de l'article
2° Deuxième phrase
Après le mot :
réalisé
insérer les mots :
par le fournisseur de services concerné
3° Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
M. Bernard Fialaire. - Nous voulons mettre fin au traitement inégal des acteurs français pour infraction au DSA qu'entraîne une surinterprétation de celui-ci.
Le DSA définit le montant maximal des astreintes journalières à 5 % du chiffre d'affaires mondial du fournisseur de services intermédiaires. Prendre en compte l'entreprise consolidante ou combinante et non l'entreprise consolidée ou combinée aboutit à des sanctions bien plus lourdes, ce qui risque de dissuader les entreprises françaises de développer de nouveaux services numériques.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Ces astreintes effectivement dissuasives présentent un risque de distorsion de concurrence avec les acteurs non soumis au droit français. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable. Cet amendement modifie la méthode de calcul de l'astreinte prononcée par le juge pour la rendre conforme au DSA.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - À titre personnel, avis favorable.
L'amendement n°65 rectifié bis est adopté.
L'article 26, modifié, est adopté.
Les articles 27, 28, 29, 30 et 31 sont successivement adoptés.
APRÈS L'ARTICLE 31
M. le président. - Amendement n°85, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 31
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 4 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Stockées dans un centre de données situé sur le territoire de l'un des États membres de l'Union européenne, et, sans préjudice des engagements internationaux de la France et de l'Union européenne, ne peuvent faire l'objet d'aucun transfert vers un État tiers. »
M. Pierre Ouzoulias. - Je retire cet amendement, car celui de Mme Morin-Desailly est plus complet.
L'amendement n°85 est retiré.
ARTICLE 32
M. le président. - Amendement n°141, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission.
Alinéa 20
Après le mot :
loi
insérer les mots :
. Le procureur de la République ou, s'il a autorisé la visite en application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est informé de la saisie par tout moyen et peut s'y opposer
M. Loïc Hervé, rapporteur. - En accord avec la Cnil, cet amendement vise, pour sécuriser les nouvelles prérogatives tirées du DSA et les rapprocher du droit commun, à prévoir une information avec pouvoir d'opposition de l'autorité judiciaire en cas de saisie de données.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable.
L'amendement n°141 est adopté.
L'article 32, modifié, est adopté.
Les articles 33, 34 et 35 sont successivement adoptés.
ARTICLE 36
M. le président. - Amendement n°107, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. - Le III de l'article L. 442-12 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'article 7 de la présente loi, s'applique jusqu'au 15 février 2027.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Le texte initial du Gouvernement prévoyait une clause d'extinction au moment où le Data Act entrerait en vigueur. Le Conseil d'État a considéré que ce n'était pas opportun, nous avons donc modifié le texte pour fixer une date. Votre commission spéciale est revenue dessus. Pour sécuriser le texte, le Gouvernement vous propose de suivre l'avis du Conseil d'État.
M. le président. - Amendement n°142, présenté par M. Chaize, au nom de la commission.
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
pendant une période de trois ans à compter de la date d'application
par les mots :
jusqu'à trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur
II. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
Le C du III
par les mots :
Le 5°
les mots :
I, II et III
par les mots :
1° , 2° et 3°
et les mots :
34, 35 et 36
par les mots :
et 34
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Coordination juridique.
M. le président. - Amendement n°28 rectifié quater, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Malhuret, Decool, Guerriau, Chasseing, Capus et Wattebled, Mme Mélot et M. Lagourgue.
Alinéa 2
Remplacer le mot :
d'application
par les mots :
d'entre?e en vigueur
M. Pierre-Jean Verzelen. - Défendu.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Le Gouvernement a pris un risque en anticipant l'entrée en vigueur du règlement européen. Les négociations européennes sont longues, complexes et incertaines. En cas de retard, nous risquons de devoir gérer une période transitoire. Les acteurs économiques attendent un cadre réglementaire clair. Avis défavorable à l'amendement n°107.
Je préfère l'amendement n°142, plus souple et pragmatique.
L'amendement n°28 rectifié quater mentionne à juste titre la date d'entrée en vigueur du règlement, mais oublie de supprimer la référence à la date d'application. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Le Conseil d'État est défavorable à ce que la date d'entrée en vigueur de ces articles soit adossée aux dates d'entrée en vigueur du Data Act.
M. Jérôme Bascher. - Ce n'est pas lui qui fait la loi !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Le règlement sera définitivement adopté d'ici à la fin juillet. Nous pourrons alors faire évoluer la date en fonction de sa date d'adoption définitive. Il est préférable d'avoir une date fixe. Retrait des amendements nos142 et 28 rectifié quater.
L'amendement n°107 n'est pas adopté.
L'amendement n°142 est adopté.
L'amendement n°28 rectifié quater n'a plus d'objet.
L'article 36, modifié, est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Thomas Dossus . - Nous arrivons assez tôt à la fin de l'examen de ce texte. Cela se comprend, étant donné les délais contraints. Le ministre nous avait prévenus que les négociations en cours à l'échelle européenne laissaient peu de marge de manoeuvre. Même sur des sujets franco-français, il s'est contenté de partager l'avis du rapporteur, sans plus d'explications.
Je doute du caractère opérationnel du référentiel. Les propositions des auteures du rapport « Porno, l'enfer du décor » n'ont pas été adoptées - je pense à l'écran noir par exemple, une mesure pourtant raisonnable. Je doute de l'effectivité des mesures pour lutter contre le harcèlement. Idem pour le bannissement, qui n'arrivera qu'après le jugement. Je regrette également l'absence de règles d'écoconception.
Je voterai tout de même ce texte, non sans une certaine frustration.
Mme Annick Billon . - Je remercie les rapporteurs et la présidente de la commission spéciale pour leur travail et leur disponibilité, et M. le ministre pour ses nombreuses explications.
Nous arrivons à un texte équilibré, opérationnel, renforcé par les apports de la commission spéciale. En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, je me concentrerai sur les premiers articles. Je me satisfais de l'adoption de l'amendement sur le droit à l'oubli. Citons aussi la création du message d'avertissement et l'amendement porté avec la présidente de la commission spéciale.
Le texte reprend plusieurs mesures issues de notre rapport « Porno, l'enfer du décor ». L'écran noir pourra être intégré au référentiel, monsieur Dossus. Le combat contre l'industrie du porno a progressé.
Mme Toine Bourrat . - Ce projet de loi d'apparence technique est riche de mesures concrètes : filtre anti-arnaques, restriction de l'accès des enfants aux contenus pornographiques par exemple. Nous saluons un texte bienvenu, mais nous aurons sans doute à y revenir, et à exercer notre rôle de contrôle.
Je salue les mesures prises pour adapter notre droit aux règlements européens. La France est à l'initiative, j'espère qu'elle entraînera d'autres pays européens sur le chemin d'une pleine souveraineté numérique.
Monsieur le ministre, la balle est dans votre camp. Le groupe Les Républicains votera ce texte de progrès.
Mme Florence Blatrix Contat . - Je remercie également la présidente de la commission spéciale, les rapporteurs et le ministre pour la qualité de notre dialogue, malgré quelques désaccords. Nous voterons ce texte essentiel pour la protection de nos concitoyens et de nos entreprises.
C'est un texte d'adaptation, mais qui protège aussi nos enfants des contenus pornographiques, malgré nos réserves sur le référentiel, ainsi que les victimes de harcèlement et d'escroquerie.
Le modèle économique des plateformes, qui repose sur l'accumulation des données et sur des algorithmes puissants, est au coeur de cette économie. Le volet régulation du texte contribuera à réduire les risques systémiques, notamment sur les contenus illicites. Il rétablira une concurrence.
Concernant le marché du cloud, je me réjouis que le Sénat ait su se prémunir de l'extraterritorialité.
M. Ludovic Haye . - Ce texte est une première pierre dans la sécurisation de notre espace numérique.
Il adapte notre droit aux règles européennes, car il est illusoire de penser qu'un seul pays puisse réguler seul cet espace. Le numérique doit rester un monde d'opportunité pour tous, mais ne peut être une zone de non-droit. Nous avons débattu longuement de mesures protégeant les enfants de contenus pornographiques. Ces questions sont essentielles.
Parmi les apports de ce texte, citons le filtre anti-arnaques, le renforcement de la lutte contre le cyberharcèlement, le renforcement du droit des consommateurs sur le marché du cloud - si possible souverain - l'arsenal de lutte contre la désinformation et la simplification de l'accès au cloud pour nos collectivités territoriales.
Sécuriser et réguler ne se résume pas à interdire et sanctionner. Nous devons mener deux combats : l'éducation numérique et l'inclusion numérique de nos territoires.
M. Michel Canévet . - Je salue le travail des rapporteurs, sous la présidence très avisée de Catherine Morin-Desailly. Je salue également l'ouverture de M. le ministre. Le groupe UC plaide de longue date pour une régulation exigeante : les bouleversements liés au numérique l'exigeaient. Nous plaidions pour la réouverture de la directive commerce, c'est fait.
Il fallait réaffirmer la nécessité d'une souveraineté, qui est la condition de la maîtrise de notre avenir. Le groupe UC votera ce texte.
M. Pierre Ouzoulias . - Je note avec sincérité une évolution de la position du Gouvernement. C'est la première fois, monsieur le ministre, que nous avons un dialogue sur le fond, et que nous comprenons qu'une stratégie nationale du numérique est en cours d'élaboration. Nous attendons désormais une gouvernance de cette stratégie nationale, car la politique est un art d'exécution. Le Sénat a contribué à l'élaboration de cette stratégie et je salue les travaux de la présidente Catherine Morin-Desailly, qui laboure le terrain depuis longtemps. (Sourires) Elle a émis des propositions fortes qui ont été retenues et permettent d'avancer.
La protection des données personnelles, l'infrastructure du réseau et la relation du citoyen avec les administrations qui utilisent les techniques numériques de gestion sont des points importants.
Enfin, il faudra un débat de fond sur le statut des hébergeurs, sujet cher au Sénat.
M. Bernard Fialaire . - Je remercie et félicite la présidente, les rapporteurs, ainsi que M. le ministre pour leur pédagogie, malgré quelques anglicismes avec lesquels M. Ouzoulias a dû se familiariser. (Sourires ; M. Pierre Ouzoulias le déplore.) Vos interventions étaient éclairantes.
Notre groupe avait comme exigences la protection des libertés et une volonté de sévérité contre les tricheurs, dans un domaine aux grands enjeux financiers. La quasi-totalité de nos amendements étaient « satisfaits ». C'est dans cet état d'esprit que nous voterons ce texte.
Mme Marie Mercier . - Je remercie la présidente de la commission spéciale pour son écoute, ainsi que les rapporteurs. J'associe à ces remerciements Annick Billon.
Je doute que ce texte apporte grand-chose pour protéger les enfants contre le visionnage de films pornographiques gratuits et crains que le référentiel ne déresponsabilise les sites. Une technologie de contrôle de l'âge en double anonymat, mise au point par des polytechniciens, n'a pas été suffisamment explorée.
La justice va se prononcer dans 48 heures au sujet de cinq sites qui ne respectent pas la loi. La loi n'est toujours pas appliquée, je doute que celle-ci le soit. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Deroche. - Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale . - Je remercie les présidents des sept commissions au fond qui ont permis la constitution de cette commission spéciale pour traiter d'un texte complexe et protéiforme.
Je remercie particulièrement Jean-François Rapin : sans le travail de fond mené sur ces questions par la commission des affaires européennes ces dernières années, nous n'aurions pas abordé le texte de la même manière.
Je remercie chaleureusement nos deux rapporteurs. Le texte a été enrichi par l'adoption de 80 amendements en commission et 29 en séance. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour qu'il poursuive son chemin dans la navette. Nous espérons une mise en place rapide du groupe de travail transpartisan pour mieux lutter contre les dérives des réseaux sociaux, qui donnent une grave résonance aux récentes émeutes. Merci pour votre écoute. Vous mériteriez d'être le chief technical officer (on apprécie diversement l'anglicisme) qui mette en ordre de marche les autres ministères.
Mon dernier mot sera pour les 36 membres de la commission. Ce fut un moment dense, trop court peut-être, mais nous serons amenés à débattre de nouveau de ces sujets.
Le projet de loi, modifié, est adopté.
M. le président. - À l'unanimité. (Applaudissements)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Ce texte a un côté protéiforme, comme l'est le numérique lui-même. Quelle que soit la commission, on peut développer une expertise. J'ai été impressionné par la qualité de nos débats. Les délais étaient courts, mais une grande partie du texte était puisée dans vos travaux, ce qui explique que nous nous soyons souvent retrouvés.
Grâce au Sénat, le texte s'est débarrassé d'une habilitation à légiférer par ordonnance, nous avons étendu la peine de bannissement, fait entrer dans le code pénal les hypertrucages, ou deepfakes - pardon, monsieur Ouzoulias... (Sourires ; M. Pierre Ouzoulias fait mine de se boucher les oreilles.)
Je me réjouis de voir que quand l'intérêt supérieur de nos enfants, la protection de nos concitoyens les plus vulnérables ou que notre souveraineté est en jeu, le Sénat trouve la voie du consensus.
Comptez sur moi pour respecter mes engagements et pour veiller à ce que la navette respecte les grands équilibres de ce texte. (Applaudissements)
Prochaine séance demain, jeudi 6 juillet 2023, à 10 h 30.
La séance est levée à 19 h 25.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 6 juillet 2023
Séance publique
À 10 h 30
Présidence :
M. Roger Karoutchi, vice-président
Secrétaires : Mme Martine Filleul - M. Jacques Grosperrin
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique (texte de la commission, n°783, 2022-2023)