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Table des matières
Enfants en situation de handicap en Loire-Atlantique
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Accompagnement scolaire et médical des mineurs handicapés
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
« Bien vieillir » en France au XXIe siècle
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Champ visuel et forfait cécité
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Rémunérations des intérimaires médicaux
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Manque d'attractivité des études de pharmacie
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Situation des infirmiers libéraux
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Refus de greffe de patients non vaccinés contre le covid-19
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Traitement de maladies neurodégénératives par ultrasons focalisés
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Déserts obstétricaux dans les Ardennes
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Accueil des élèves en situation de handicap
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
TVA sur les orthèses dentaires et prothèses orthodontiques
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Avenir de l'entreprise Valdunes
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Dysfonctionnements de La Poste en Guyane
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Impact de l'attribution de compensation sur la DGF
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Ressources gazières de Lorraine dans les gisements de charbon non exploités
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Fermeture de la centrale de Cordemais
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Infrastructures de recharge des véhicules électriques
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Départs des services des communes
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Difficultés dans l'exercice du mandat de maire
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Impact de la politique de continuité écologique des cours d'eau
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Valorisation des sédiments issus de dragage
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Interdiction des chaudières à gaz
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Aménagements cyclables hors agglomération
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Privatisation du train des primeurs Perpignan-Rungis
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Gare de Bry-Villiers-Champigny
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Délais pour l'obtention des documents d'identité
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Nombre insuffisant d'inspecteurs du permis de conduire
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Déséquilibre au détriment de la cour d'appel d'Orléans
Attaques contre le droit à l'IVG
Assassinat de Dulcie September
Assurabilité dans le cadre du FNGRA
Hébergement sous tente des saisonniers en Bourgogne-Franche-Comté
Accompagnement des jeunes Guadeloupéens vers l'emploi
Accès aux services publics de proximité
Attaques de loups en Saône-et-Loire
Modification de l'ordre du jour
Mise au point au sujet de votes
Renforcer la protection des familles d'enfants malades (Procédure accélérée)
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales
Sécuriser et réguler l'espace numérique (Procédure accélérée)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission spéciale
M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission spéciale
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale
Ordre du jour du mercredi 5 juillet 2023
SÉANCE
du mardi 4 juillet 2023
2e séance de la session extraordinaire 2022-2023
Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot, Mme Marie Mercier.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
Mme le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à 44 questions orales
Enfants en situation de handicap en Loire-Atlantique
Mme Michelle Meunier . - Les parents d'enfants en situation de handicap se battent quotidiennement pour faire reconnaître les droits fondamentaux de leurs enfants. En Loire-Atlantique, près de 1 500 familles connaissent des défauts d'accompagnement scolaire et 900 personnes attendent une place.
L'attractivité démographique du département accentue les problèmes de prise en charge : des mères doivent mettre leur carrière entre parenthèses, des enfants restent dans des classes inadaptées tandis que d'autres sont isolés en hôpital psychiatrique. Fédérées en collectif, les familles revendiquent l'effectivité de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances.
Lors de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a désorienté les associations, annonçant dans la précipitation et sans concertation la création de 50 000 nouvelles solutions médico-sociales d'ici 2030. Il est urgent de définir un plan de création de nouvelles places et de favoriser des solutions innovantes telles les unités d'enseignement externalisées. Combien de nouvelles places seront-elles créées d'ici 2030 ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Au regard des besoins constatés, le Président de la République a en effet annoncé la création de 50 000 nouvelles solutions d'accompagnement. Nous avons trois objectifs : libérer les places dans les établissements pour enfants actuellement occupées par des adultes sous amendement Creton, trouver de nouvelles solutions dans les départements déficitaires et répondre aux besoins spécifiques des personnes autistes ou polyhandicapées.
Pour y parvenir, nous allons établir un plan sur cinq ans, en concertation avec les agences régionales de santé et les conseils départementaux. La création de nouvelles places et le développement d'unités d'enseignement externalisées sont à l'ordre du jour.
Accompagnement scolaire et médical des mineurs handicapés
M. Jérôme Bascher . - Le 15 mars dernier, le maire de Lamorlaye, dans le sud de l'Oise, a dû prendre un arrêté de péril concernant un centre médical de réadaptation pour enfants handicapés appartenant à la Croix-Rouge. Du jour au lendemain, des parents se sont retrouvés sans solution et les professionnels de santé ont été mis au chômage technique. Une réimplantation à moins de 30 kilomètres - qui éviterait des licenciements - n'est pas envisageable. Dans le Val-d'Oise, cette distance ne se parcourt pas en dix minutes... Madame la ministre, quelles solutions proposez-vous en lien avec l'agence régionale de santé (ARS) ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Le centre de Lamorlaye a en effet dû être évacué mi-mars, pour des raisons de sécurité.
Nos priorités absolues sont la continuité des soins et l'accompagnement des enfants, et des solutions d'urgence ont été trouvées pour chacun. Pour l'hospitalisation complète, le centre s'est appuyé sur l'hôpital de Margency. Pour l'hospitalisation de jour, une équipe mobile intervient à domicile. Les 25 enfants scolarisés poursuivent leur scolarité dans des locaux provisoires jusqu'au 8 juillet prochain et des garanties ont été données pour la rentrée. Enfin, concernant l'activité du centre, l'ARS met tout en oeuvre pour assurer une solution pérenne. Nous pouvons suivre le dossier ensemble, monsieur le sénateur.
M. Jérôme Bascher. - Le sud de l'Oise manque cruellement de professionnels de santé. Les familles s'y sont aussi installées en raison de la présence de ces centres spécialisés. Leur proposer une solution à 30 kilomètres en Île-de-France serait une erreur.
« Bien vieillir » en France au XXIe siècle
M. Jean-Marie Mizzon . - « La vieillesse est un naufrage », disait Charles de Gaulle. Avec les progrès de la médecine, comment accepter que ce soit encore le cas aujourd'hui ?
Dans notre pays vieillissant, la défaillance dans la prise en charge du grand âge ne s'explique pas seulement par nos nouveaux modes de vie. Et que dire du moment ultime, que d'aucuns souhaitent même abréger ? Tout ceci est glaçant. Un être humain n'a pas de date de péremption ; il est fait de chair et de sang et sa vie n'a pas de prix. Madame la ministre, votre loi Grand Âge est-elle construite autour de l'humain ou rédigée par un comptable ? Je vous invite à la prudence dans votre réponse : s'il est un sujet qui nous concerne tous un jour ou l'autre, c'est bien celui-là !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - La dignité et les choix des personnes âgées doivent être respectés. Les Français souhaitent désormais, majoritairement, vieillir à domicile. Le Gouvernement a déjà pris des mesures, comme la création, en 2020, de la branche autonomie de la sécurité sociale, le recrutement de 50 000 professionnels soignants dans les Ehpad, le renforcement des mesures de contrôle ou encore les plans d'aide à domicile afin de lutter contre l'isolement.
En clôture du Conseil national de la refondation dédié au bien-vieillir, Jean-Christophe Combe a donné le coup d'envoi d'une réforme du Grand Âge visant à simplifier la vie des personnes âgées, repérer l'isolement social, mieux prévenir la perte d'autonomie, faciliter l'accès aux services publics, lutter contre les maltraitances et moraliser le secteur. Des mesures en ce sens seront intégrées à la proposition de loi relative au bien vieillir en cours d'examen à l'Assemblée nationale.
M. Jean-Marie Mizzon. - Nous nous retrouvons sur ces généralités. Je serai très attentif, tout comme l'ensemble du Sénat, à la mise en oeuvre d'actions concrètes.
Champ visuel et forfait cécité
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Je relaye un courrier de Lamia El Aaraje, adjointe à la maire de Paris, adressé le 11 avril 2023 et resté sans réponse.
L'article D245-9 du code de l'action sociale et des familles stipule que les personnes atteintes de cécité sont éligibles à la prestation d'aide humaine. Alors que l'acuité et le champ visuels sont essentiels dans l'appréciation du déficit visuel, les personnes dont le champ visuel est altéré sont exclues du dispositif forfait cécité.
La majorité des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) appliquent la législation stricto sensu, d'où des inégalités de traitement sur le territoire national. Madame la ministre, êtes-vous prête à mentionner le champ visuel parmi les critères d'évaluation visant à octroyer le forfait cécité ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Le code de l'action sociale et des familles prévoit, pour les personnes déficientes visuelles, différentes possibilités d'accès à la prestation de compensation du handicap (PCH) « aide humaine ».
Les conditions d'éligibilité au forfait cécité n'intègrent pas les amputations du champ visuel. Toutefois, les personnes ayant un handicap visuel autre qu'une acuité en vision centrale dégradée peuvent demander une évaluation de leur éligibilité à la PCH sur la base de critères classiques, comme le fait de rencontrer une difficulté absolue ou deux difficultés graves dans des activités de la vie quotidienne. Elles peuvent alors bénéficier d'un plan d'aide humaine supérieure à 50 heures mensuelles.
Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2023, la réduction de l'activité visuelle et du champ visuel est prise en compte dans les critères d'accès au forfait surdicécité.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La situation est appréciée de façon hétérogène selon les départements. Il faut y remédier.
Rémunérations des intérimaires médicaux
Mme Frédérique Gerbaud . - Les plafonds fixés en matière de rémunération des intérimaires médicaux par la loi Touraine de 2016 n'ayant pas été respectés, la loi Rist du 26 avril 2021 interdit la mise en paiement de factures excédant ces plafonds. Un décret viendra-t-il prochainement confirmer ou préciser le montant de 1 390 euros brut pour 24 heures de travail pour les contrats signés à partir du 3 avril dernier, ainsi que les modalités transitoires de mise en oeuvre de la loi ? L'encadrement des rémunérations, qui prive partiellement le secteur public de l'appoint des intérimaires, s'appliquera-t-il au secteur privé ? Enfin, n'est-il pas urgent d'augmenter substantiellement les rémunérations des praticiens hospitaliers ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - L'application effective de la loi de 2016 était une nécessité pour lutter contre les dérives dans le recours à l'intérim, insoutenables financièrement et inacceptables éthiquement.
Les fédérations d'établissements de santé publics et privés ont signé une charte d'engagement solidaire afin d'éviter toute surenchère ou concurrence. Des dispositifs de soutien ont été déployés : majoration de 30 % de la prime de solidarité territoriale, revalorisation de 50 % des indemnités de garde, augmentation du plafond de l'intérim médical à 1 390 euros. Des mesures de revalorisation durable seront décidées prochainement.
Enfin, une concertation autour de la permanence des soins, l'évolution des carrières hospitalières et l'amélioration des conditions de travail se tiendra jusqu'à l'été. Des propositions sont en cours de discussion avec les partenaires sociaux, pour une entrée en vigueur avant la fin de l'année.
Mme Frédérique Gerbaud. - Quid de la publication du décret ?
Situation de la psychiatrie
Mme Corinne Féret . - En 2017, la ministre de la santé de l'époque reconnaissait « l'abandon de la psychiatrie ». Six ans après, rien n'a changé. Conditions d'exercice dégradées, manque d'accompagnement, files d'attente, départs massifs, fermetures d'entités : rien n'est fait face à l'urgence et la gravité de la crise.
Les retards ou défauts de prise en charge ne sont pas sans conséquences. Au centre hospitalier universitaire de Reims, une infirmière a été mortellement agressée. À Caen, un patient de l'établissement public de santé mentale a mis le feu à sa chambre, blessant trois agents. Les équipes ne cessent d'alerter sur une situation qui menace leur sécurité comme celle des patients. Les professionnels, déjà sous tension, n'ont pas à travailler dans la peur.
Quelle est la stratégie du Gouvernement pour répondre aux besoins urgents de la psychiatrie publique, en particulier dans le Calvados ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - La santé mentale est une priorité du Gouvernement. Depuis 2018, 3 milliards d'euros ont été mobilisés. Au-delà des moyens, la crise est aussi démographique. Nous avons supprimé le numerus clausus, fait passer le diplôme d'études spécialisées à cinq ans, augmenté le nombre de postes, valorisé la recherche, formé et recruté des infirmiers en pratique avancée. Nous déployons des projets de territoire de santé mentale et renforçons l'articulation entre les premières lignes généralistes et l'offre spécialisée. Nous encourageons encore la délégation de tâches et développons les politiques de prévention.
Vous mentionnez la sécurité des soignants. Ne mélangeons pas les enjeux. Le ministre François Braun travaille bien sûr à la sécurisation des urgences.
Mme Corinne Féret. - J'insiste : il y a urgence à agir, tant pour les patients que pour les soignants.
Manque d'attractivité des études de pharmacie
Mme Véronique Guillotin . - Alors qu'elles sont un maillon essentiel de notre système de santé, certaines pharmacies doivent fermer, faute de repreneur. On estime à 1 000 le nombre de postes non pourvus dans l'industrie pharmaceutique. Or, en 2022-2023, 1 100 étudiants n'ont pas souhaité poursuivre ce cursus à l'issue de leur première année. Autant de pharmaciens qui ne s'installeront pas dans les territoires. Il faut rendre le métier plus attrayant, alors que les pharmaciens gagnent en compétences. Les désistements s'expliquent aussi par la réforme de l'entrée dans les études de santé. Confier de nouvelles missions de santé publique aux pharmaciens est une bonne chose, mais les revalorisations n'ont pas suivi, ce qui conduit les candidats à se tourner vers les facultés étrangères. Des ajustements sont-ils envisagés pour améliorer l'attractivité des études de pharmacie ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Le métier de pharmacien est indispensable. Les 21 000 officines sont un lieu d'accès privilégié à la santé dans tous les territoires.
C'est aussi un métier d'avenir : le rôle de ces professionnels est essentiel dans les campagnes de vaccination, dans la prévention ou dans la transition écologique du système de santé.
Le Gouvernement agit pour susciter les vocations : meilleure visibilité de l'offre de formation sur Parcoursup, amélioration du module de découverte des métiers de la santé, réforme - très attendue - du troisième cycle de pharmacie et création de deux diplômes d'études spécialisées courts pour les spécialités d'officine et d'industrie. Nous revalorisons les indemnités de stages des pharmaciens d'officine et créons une indemnité de déplacement. En outre, nous avons pris un décret permettant de reporter, au sein d'une même université, les places non pourvues vers les procédures « passerelles ».
Mme Véronique Guillotin. - Il faut trouver des solutions, car les pharmacies sont elles aussi touchées par la désertification.
Situation des infirmiers libéraux
M. Alain Marc . - Les infirmiers, professionnels de proximité, pallient tous les jours les carences de l'offre de soins dans les territoires sous-dotés. Pourtant, ils souffrent d'un manque de reconnaissance et leurs conditions de travail se dégradent. Bien qu'en première ligne durant la crise sanitaire, ils n'ont bénéficié ni de la prime exceptionnelle ni des mesures du Ségur. Leurs indemnités kilométriques n'ont pas été revalorisées, hormis l'augmentation d'une indemnité de 4 centimes, disparue fin 2022. Le montant de la forfaitisation des soins pour les personnes dépendantes est insuffisant. Le Gouvernement envisage-t-il une majoration de la nomenclature des infirmiers et une compensation pérenne de la hausse des prix des carburants ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Les infirmiers libéraux jouent un rôle indispensable pour les personnes âgées, pour les personnes handicapées et pour les soins courants.
François Braun a souhaité que les partenaires conventionnels ouvrent des négociations rapides et ciblées. Ainsi, un accord signé le 16 juin dernier prévoit une augmentation de 10 % de l'indemnité forfaitaire de déplacement et le déploiement du bilan de soins infirmiers à partir d'octobre 2023 pour les patients dépendants de moins de 85 ans.
Les compétences et l'expertise des infirmiers libéraux seront mieux mises en valeur : pérennisation de la permanence des soins infirmiers, prise en charge autonome des plaies, droit de prescription et d'administration des vaccins, expérimentation en vue de produire les certificats de décès, entre autres.
M. Alain Marc. - Ces personnels ont besoin d'être revalorisés. Ils jouent un rôle essentiel dans les zones peu denses et participent ainsi de l'aménagement du territoire.
Refus de greffe de patients non vaccinés contre le covid-19
Mme Sylviane Noël . - L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé la levée de l'état d'urgence sanitaire mondial face au covid-19. Pourtant, plusieurs hôpitaux maintiennent une contre-indication temporaire sur la liste d'attente nationale des greffes pour les patients non vaccinés. Cette pratique hautement discriminante les prive de toute transplantation et met leur vie en danger. Ainsi, en octobre 2022, le CHU de Dijon a refusé de transplanter un patient. Il a réitéré sa décision en février 2023, en estimant que le patient était exposé à un risque d'infection élevé, voire à la mort. Depuis, le CHU a changé d'avis, mais a contraint le patient à signer un document exonérant l'hôpital de toute responsabilité.
L'Agence de la biomédecine ne fait pas de la vaccination contre le covid-19 un préalable nécessaire à une greffe. Le Gouvernement confirme-t-il cette position ? Condamne-t-il ces pratiques ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Tout au long de la crise sanitaire, l'Agence de la biomédecine a formulé de nombreuses recommandations au sujet des patients touchés par le covid-19, tant pour les receveurs que pour les donneurs. Elle met tout en oeuvre pour que chaque patient reçoive les soins nécessaires, dans le respect des règles éthiques, conformément aux avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et des sociétés savantes, qui n'ont jamais considéré qu'un patient doive disposer d'un schéma vaccinal complet pour accéder à la greffe d'organes. Le 2 mars 2021, l'Agence a émis des contre-indications temporaires, qui font l'objet de révisions régulières.
En tant qu'autorité de référence, elle a réalisé un état des lieux des pratiques du CHU de Dijon et a conclu à une absence d'éléments probants plaidant pour une quelconque disparité d'accès à la greffe.
Traitement de maladies neurodégénératives par ultrasons focalisés
Mme Catherine Deroche . - Plus de 300 000 patients souffrent de la maladie du tremblement essentiel, qui empêche de contrôler ses mouvements. Deux traitements existent : l'un par voie médicamenteuse, fermé à certains patients ; l'autre, par stimulation cérébrale profonde, consiste à implanter des électrodes dans le cerveau.
Exablate Neuro est un nouveau traitement par ondes ultrasonores, sans incision. Le tremblement des patients diminue immédiatement en une intervention, sans anesthésie. Cette innovation serait aussi très utile pour les patients atteints d'autres maladies neurodégénératives, notamment la maladie de Parkinson. Pourtant, elle n'est toujours pas accessible aux patients français. Quelle est la feuille de route relative à ces maladies dans le déploiement du plan Innovation santé 2030 ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Les travaux de la nouvelle feuille de route sur les maladies neurodégénératives ont débuté en juin 2021. Les évaluations des programmes passés invitent à poursuivre les efforts déjà menés. Il faut favoriser la prévention, l'accompagnement social des patients et promouvoir un accès équitable au diagnostic et aux traitements. Dans son rapport remis en juillet 2022, l'inspection générale des affaires sociales propose de nouvelles mesures qui feront l'objet d'une concertation avec toutes les parties prenantes.
Le Gouvernement souhaite que le traitement du tremblement essentiel par ondes ultrasonores soit décliné dans le volet recherche de la nouvelle feuille de route, car la durée et l'efficacité du traitement sont encore incertaines.
Mme Catherine Deroche. - Certains pays sont plus rapides que nous pour mettre les innovations à la disposition des patients ; les travaux de la commission des affaires sociales le montrent.
Déserts obstétricaux dans les Ardennes
Mme Else Joseph . - Les mois passent et, telle soeur Anne, je ne vois rien venir, malgré les mots doux et les vagues promesses. le sort de la maternité de Sedan est toujours incertain.
Voilà deux mois, le ministre de la santé promettait de trouver une solution pour chaque territoire, grâce aux parcours de soins ou à des solutions innovantes telles que les centres de périnatalité. Ainsi, le centre hospitalier nord-Ardennes a créé avec succès des équipes mobiles d'auxiliaires puéricultrices. Comment pérenniser leur fonctionnement ?
Nous avons besoin de visibilité. Certes, le Gouvernement a indiqué qu'il ne reprenait pas à son compte le rapport de l'Académie de médecine. Toutefois, nous sommes inquiets. La santé des femmes n'a pas de prix, mais elle a un coût : comment assurer le financement des maternités ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Le Gouvernement n'envisage pas de fermer des établissements ou des services.
La maternité de Sedan est suivie par l'ARS Grand Est depuis plusieurs mois, dans un contexte de grande fragilité des équipes médicales. Il s'agit plus d'un problème de ressources humaines que de moyens financiers. Depuis septembre 2022, les échanges avec les acteurs locaux ont sécurisé la prise en charge des parturientes.
En plus des politiques nationales de renforcement de l'attractivité des carrières, des actions de communication ont été menées au cours du premier semestre 2023, hélas sans succès. Faute de candidats, l'ARS a été contrainte de suspendre temporairement les accouchements sur le site de Sedan, afin d'assurer la sécurité des patientes. Les équipes hospitalières développent des actions pour que personne ne soit laissé sans solution. Nous poursuivrons le travail afin d'améliorer la prise en charge des femmes.
Mme Else Joseph. - En effet, il existe un problème de ressources humaines. Mais il faut aussi un soutien financier pour pérenniser ces initiatives nouvelles.
Accueil des élèves en situation de handicap
Mme Amel Gacquerre . - La décision du Conseil d'État du 23 novembre 2020 a conduit l'État à se désengager de la rémunération des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) lors des activités périscolaires gérées par les collectivités territoriales. Cette décision est incompréhensible : l'État devrait être seul garant de la prise en charge des enfants handicapés.
Alors qu'elles se trouvent dans une situation financière difficile et font face à des difficultés de recrutement, les collectivités territoriales doivent assumer ces frais. Les maires et les parents d'élèves sont inquiets. Quels moyens le Gouvernement compte-t-il déployer pour faire de l'école inclusive une réalité ? L'État prendra-t-il en charge les actions des AESH lors des activités périscolaires ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Le Conseil d'État a simplement rappelé que les activités périscolaires relevaient de la compétence des collectivités territoriales.
À l'occasion de la Conférence nationale du handicap, nous envisageons d'augmenter l'aide de l'État aux collectivités pour le financement de ces activités. En outre, 3,8 milliards d'euros sont consacrés à l'école inclusive et 4 000 AESH supplémentaires seront recrutés à la prochaine rentrée scolaire.
Ils bénéficieront d'une augmentation nette de 10 % dès le 1er septembre prochain, grâce à une enveloppe de 80 millions d'euros. Les AESH et les assistants d'éducation (AED) reçoivent depuis janvier la prime REP et la prime REP+. Après le vote de la loi Victory, les AESH bénéficieront d'un CDI après trois ans de CDD. En outre, l'accès à un temps complet permettra de lutter contre la précarité. La convention élaborée permet à l'État d'être leur unique employeur, afin d'assurer la continuité de la prise en charge des élèves. Ces mesures montrent que le Gouvernement prend le rôle des AESH très au sérieux.
TVA sur les orthèses dentaires et prothèses orthodontiques
M. Michel Canévet . - Une directive européenne, parue au Bulletin officiel des finances publiques-impôts (Bofip) du 8 février 2023, assujettit à un taux de TVA de 20 % les orthèses dentaires et prothèses orthodontiques, alors que les prothésistes dentaires n'étaient pas assujettis à la TVA pour l'intégralité de leur activité. Ils doivent donc adapter l'organisation de leur cabinet, modifier leurs modèles de factures et adapter leurs logiciels - sachant que les éditeurs demandent un délai. Il faut aussi modifier les marchés publics en cours et former les professionnels.
Pouvez-vous nous confirmer la non-rétroactivité de cette mesure et prévoyez-vous un délai d'adaptation ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - La législation exonère de TVA la fourniture de prothèses dentaires par les dentistes et les prothésistes, en application de la directive relative au système commun de TVA. La prothèse remplace un organe ou un membre, en totalité ou en partie ; elle se distingue de l'orthèse, qui prévient ou corrige les déformations ou supplée les défaillances du membre ou de l'organe. Cette définition figure au Bofip depuis 2012. L'exonération de TVA n'est donc pas applicable aux orthèses.
Dès 2015, le Comité de la TVA a rappelé que l'expression « prothèses dentaires » ne comprend ni la fourniture de dispositifs dentaires tels que les appareils orthodontiques et gouttières dentaires, ni celle des matériaux servant à fabriquer des prothèses dentaires. La TVA applicable aux orthèses dentaires n'a donc pas évolué. Cette exclusion a été rappelée au Bofip le 8 février dernier, à la demande de la profession.
Notre cadre juridique protège le contribuable contre un changement de la norme fiscale et la garantie fiscale s'appliquera pour les entreprises ayant bénéficié d'un rescrit ou d'un contrôle fiscal qui a conclu à des pratiques conformes à la loi.
M. Michel Canévet. - Il est nécessaire que les professionnels sachent à quoi s'en tenir. Il faut des mesures d'adaptation et du temps, à l'instar de ce qui avait été fait pour les autres professions.
Avenir de l'entreprise Valdunes
Mme Michelle Gréaume . - Dernier fabricant français de roues et essieux ferroviaires, Valdunes est menacée de fermeture à la suite du désengagement de son unique actionnaire, le chinois M.A. Steel.
Quelque 368 salariés sont menacés de licenciement sur les sites nordistes de Trith-Saint-Léger et Leffrinckoucke. Or un emploi industriel supprimé, ce sont trois emplois induits perdus, avec des conséquences humaines et industrielles importantes.
Grâce à la mobilisation des salariés et des élus, l'activité se poursuit jusqu'à la fin de l'année.
Plus qu'un repreneur, il faut un véritable projet industriel. Les difficultés de Valdunes sont la conséquence des délocalisations, depuis que M.A. Steel a fait main basse sur les technologies et brevets et que la SNCF, la RATP et Alstom font fabriquer roues et essieux à l'étranger.
Il est temps de reprendre la main sur cet outil, de reconquérir les marchés des entreprises publiques ou ayant bénéficié de fonds publics. L'État doit faire pression, comme il s'y est engagé devant les représentants du personnel.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Les services de l'État sont activement mobilisés depuis l'annonce du retrait de l'actionnaire, le 5 mai dernier. Nous avons sécurisé les conditions contractuelles et opérationnelles pour la continuité de l'activité : un accord a été trouvé avec l'actionnaire et principal fournisseur de l'entreprise, permettant une reprise de l'activité sur site.
Cela donne à l'entreprise le temps nécessaire pour rechercher un repreneur qualifié. Un cabinet dédié a été mandaté par l'État afin d'accompagner l'entreprise. Il faut un industriel disposant non seulement du capital financier mais aussi de l'expertise technique et de l'assise commerciale permettant la restructuration de l'entreprise.
L'État et les collectivités territoriales s'efforcent de lever les obstacles administratifs ou opérationnels. Vous pouvez compter sur le suivi et la mobilisation de Roland Lescure.
Dysfonctionnements de La Poste en Guyane
M. Georges Patient . - Les dysfonctionnements dans la distribution du courrier sont récurrents dans toutes les communes de Guyane, le courrier étant souvent en retard voire non distribué, ce qui pose problème notamment pour les factures. Le groupe La Poste manque à sa mission de service public. Par son contrat d'entreprise avec l'État, le groupe doit réaliser un service universel postal, de qualité, sur tout le territoire avec une levée du courrier six jours sur sept, pour des courriers jusqu'à deux kilogrammes et des colis jusqu'à vingt kilogrammes. Ce n'est pas du tout le cas en Guyane. N'appartiendrait-elle pas au territoire national, selon La Poste ?
Quelles qu'en soient les raisons - abandon du timbre rouge, basculement vers le courrier électronique... - le groupe La Poste doit respecter ses engagements. Quelles mesures l'État prend-il pour les faire respecter ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - La loi du 9 février 2010 a confié à La Poste quatre missions de service public, parmi lesquelles le service universel postal. Le ministre chargé des postes fixe les objectifs de qualité de service des prestations relevant du service universel postal, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) veillant au respect de ces objectifs.
Le Gouvernement, convaincu du caractère essentiel de ces services postaux pour nos concitoyens, demeure très vigilant au bon accomplissement par La Poste de ses missions de service public. Le nouveau contrat d'entreprise État-La Poste 2023-2027 fixe à La Poste des exigences renforcées en termes de qualité de service par rapport au précédent contrat.
En Guyane, des mesures de contrôle de la qualité de l'acheminement du courrier intradépartemental sont régulièrement effectuées par un organisme indépendant : 90 % des envois intradépartementaux sont effectivement distribués en J+2 et J+3 et 94 % des lettres recommandées en J+2 ou J+3.
Pour autant, la moindre qualité de l'adressage dans certaines communes guyanaises complexifie la distribution effective des courriers et colis : certains territoires ne bénéficient pas de dénomination des voies, de la numérotation exhaustive des lieux d'habitation dans ces voies ou encore de boîtes aux lettres identifiées au nom des résidents. De ce fait, la distribution en boîte aux lettres ou la remise en mains propres peut s'avérer difficile.
Les délais d'acheminement de courriers et colis au départ de l'Hexagone vers les territoires d'outre-mer dépendent aussi des conditions de transport des compagnies aériennes. Mais globalement, la Guyane a une bonne couverture territoriale.
Dépenses éligibles au FCTVA
M. Olivier Rietmann . - L'arrêté du 30 décembre 2020 a défini une nouvelle liste de comptes éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) afin d'automatiser son traitement. Ce n'est plus la nature de la dépense mais l'imputation comptable qui définit son éligibilité, les opérations d'ordre et certains comptes d'investissement - « Terrains », « Agencements et aménagements de terrains », « Immeubles de rapport » - étant exclues.
Les subventions attribuées, inscrites comptablement en recettes d'ordre, ont ainsi été exclues, contrairement à ce que prévoit la loi.
Cette réforme retire du FCTVA les principaux leviers d'investissement pour les communes, alors que c'était son objet principal. Les communes qui avaient engagé des projets en tablant sur cette recette ont vu leur modèle économique grandement fragilisé.
Le groupe Les Républicains avait proposé, dans la loi de finances pour 2023, de réintégrer les opérations d'aménagement de terrains dans l'assiette du FCTVA. L'automatisation, échelonnée depuis 2021, s'étant achevée fin mars 2023, le Gouvernement a indiqué vouloir évaluer la réforme avant de réintégrer ou retraiter des dépenses. Comment organiserez-vous cette évaluation ? Sera-t-il possible de rectifier rapidement par voie réglementaire ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - L'automatisation de la gestion du FCTVA, introduite par la loi de finances pour 2021, n'a pas modifié les grands principes de l'éligibilité au FCTVA. L'assiette se rapproche le plus possible du périmètre d'éligibilité antérieur, des ajustements du plan de comptes limitant les évolutions.
Un premier bilan a été présenté aux associations d'élus la semaine dernière et le comité des finances locales l'examinera en juillet. L'automatisation a fortement réduit les charges déclaratives pour les collectivités et le non-recours. Les paiements ont été significativement accélérés : en juin 2023, ils sont de 1,4 milliard d'euros supérieurs aux montants attribués antérieurement à la même date. L'assiette d'éligibilité a gagné en lisibilité sans effet budgétaire à l'échelle nationale.
Ce premier bilan très positif n'interdit pas la réflexion ni les échanges techniques pour parfaire la prise en main de la réforme par les collectivités.
Impact de l'attribution de compensation sur la DGF
M. Cédric Vial . - La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) s'est traduite par des fusions entre communautés de communes et communautés d'agglomération ayant des périmètres de compétences différents.
L'attribution d'une compensation sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) à la suite de l'évolution des périmètres des intercommunalités a conduit de nombreuses intercommunalités à créer des syndicats intercommunaux pour gérer ces compétences en lieu et place des anciens établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). L'attribution de compensation versée aux communes fondatrices vient compenser les transferts et « détransferts » de compétences.
En cas de « détransferts », la compensation est reversée à l'une des communes de l'EPCI, charge à elle de la reverser au syndicat intercommunal gérant les compétences non transférées, car le nouvel EPCI ne peut pas verser la somme directement au syndicat. Cela augmente de manière fictive le potentiel financier de la commune faisant office de boîte aux lettres, diminue le montant de sa DGF et dégrade le taux de subvention qui lui est appliqué.
Pourrions autoriser les EPCI à verser directement l'attribution de compensation ou ne pas prendre celle-ci en compte dans le calcul du potentiel financier des communes faisant office de boîte aux lettres ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées . - Le montage financier que vous avez décrit améliore le potentiel financier des communes qui bénéficient de ces attributions de compensation. Le solde est positif si la commune perçoit une attribution de compensation supérieure à sa part dans le total des attributions de compensation de l'EPCI, déterminée au prorata de la population, et négatif dans le cas contraire.
Les attributions de compensation versées aux communes boîtes aux lettres ne font pas exception : elles bénéficient d'une prise en charge financière intégrale par leur EPCI d'une compétence exercée sur leur territoire par le syndicat.
Cette augmentation des attributions de compensation se traduit en retour par une diminution symétrique du potentiel financier des autres communes membres de l'EPCI. Les communes et EPCI gardent la possibilité de revoir les effets de ce mécanisme, soit en modifiant les attributions de compensation, soit en recourant à une répartition dérogatoire de la DGF au sein de l'EPCI à fiscalité propre.
M. Cédric Vial. - Merci de vos explications, mais il faut changer la règle ! Certaines communes paient plus que d'autres.
Ressources gazières de Lorraine dans les gisements de charbon non exploités
Mme Sabine Van Heghe . - L'étude scientifique sur les ressources gazières de Lorraine (Regalor), présentée lors des Assises de l'énergie le 31 mars 2023 à Liévin, dépasse les espérances en relevant de plusieurs sujets majeurs : exploitation du gaz de charbon, gisement d'hydrogène natif unique en Europe, stockage de CO2 et innovations technologiques.
L'ambition d'une société décarbonée ne peut s'exonérer des réalités : nous consommons 40 milliards de mètres cubes de gaz par an. Le CNRS confirme un potentiel de gaz de charbon de 60 milliards de mètres cubes, 18 mois de consommation nationale. L'empreinte carbone de cette énergie locale de transition est dix fois inférieure à celle du gaz naturel importé, sans tenir compte de la forte augmentation de près de 150 % des importations françaises de gaz naturel liquéfié (GNL), issues majoritairement de l'exploitation du gaz de schiste américain, procédé interdit en France depuis 2011.
Ces chercheurs ont aussi découvert un important gisement d'hydrogène natif. La sonde Sysmog H est une innovation majeure dans ce domaine.
L'attentisme du Gouvernement est un non-sens économique et écologique : une production nationale est une opportunité énergétique, environnementale et géopolitique. Qu'en pense le Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La Société française de l'énergie (SFDE) a sollicité, en novembre 2018, une concession de gaz de charbon pour vingt ans, afin de sortir des énergies fossiles. La fin de l'exploitation d'hydrocarbures en 2040 est prévue par la loi du 30 décembre 2017.
La concession portait sur 168 kilomètres carrés, sur quarante communes de l'Est mosellan. Cependant, la SFDE n'a pas démontré sa capacité technique à extraire le gaz de couche. La demande a donc été rejetée par arrêté le 26 avril 2023.
La cartographie de l'hydrogène natif reste à faire. Le potentiel des ressources et leur caractère exploitable sont inconnus.
La Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) instruit actuellement six demandes de permis d'exploration, dont une dans le bassin lorrain. La teneur de 95 % d'hydrogène à 3 000 mètres de profondeur est purement théorique : les puits les plus profonds dans la zone descendent à 1 000 mètres. À ce jour, un seul gisement d'hydrogène natif est exploité dans le monde, au Mali.
La capture, le stockage et la réutilisation du carbone font partie des technologies qui peuvent nous permettre d'atteindre la neutralité carbone. Une consultation est prévue jusqu'au 29 septembre.
Fermeture de la centrale de Cordemais
Mme Laurence Garnier . - Depuis l'annonce par le Gouvernement, en 2018, de la fermeture de la centrale à charbon de Cordemais, en Loire-Atlantique, nous assistons à un feuilleton à rebondissements. Depuis 2015, les salariés travaillent à une reconversion avec EDF et Suez ; mais Suez ayant quitté le projet pour des raisons de rentabilité, son abandon fut annoncé en 2021. En 2022, la ministre Barbara Pompili annonçait un appel à manifestation d'intérêt pour relancer Ecocombust. EDF a alors trouvé un partenaire, l'entreprise Paperec. Depuis, plus rien...
L'État confirmera-t-il l'aide de 80 millions d'euros annoncée pour ce projet ? Que deviendra la centrale de Cordemais qui, l'hiver dernier, tournait encore à plein régime avec l'augmentation des besoins en électricité ? Quelle est l'ambition du Gouvernement à moyen et à long terme ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Notre objectif, fixé par le Président de la République, est d'être le premier grand pays industriel à se libérer des énergies fossiles. Ecocombust, lauréat de l'appel à manifestations d'intérêt de février 2022, consiste à produire 80 % de granulés à partir de déchets de bois et 20 % de charbon jusqu'à l'arrêt définitif. Le 5 avril, le comité de pilotage interministériel du programme d'investissements d'avenir (PIA 3) s'est prononcé pour l'octroi d'une enveloppe maximale de soutien de 79 millions d'euros, sous réserve d'un soutien financier de la Commission européenne.
La préoccupation du Gouvernement est de garantir notre sécurité d'approvisionnement sans renoncer à l'objectif de neutralité carbone en 2050. Au vu de la situation exceptionnelle, nous avions prolongé le fonctionnement des deux centrales à charbon l'hiver dernier, avec obligation de compenser les émissions supplémentaires à hauteur de 40 euros la tonne. Mais nous affronterons l'hiver prochain avec une disponibilité supérieure du parc nucléaire et un niveau d'eau des barrages hydroélectriques plus élevé.
Mme Laurence Garnier. - J'entends qu'il faut des subventions européennes, mais la parole doit être claire sur ce dossier. Les salariés ont besoin de stabilité, les élus de visibilité.
Infrastructures de recharge des véhicules électriques
Mme Marie-Pierre Richer . - Les collectivités ont des difficultés à se faire livrer des infrastructures de recharge des véhicules électriques (IRVE). Une centaine de ces bornes sont installées dans le Cher, où le schéma directeur IRVE prévoit des besoins multipliés par deux et demi ; mais les constructeurs et fournisseurs préfèrent garder les matériels pour leur propre réseau.
Il est indispensable que les collectivités obtiennent une livraison dans les délais fixés, pour satisfaire aux besoins des usagers mais aussi pour obtenir les primes du programme Advenir, qui impose des délais contraints.
De plus, les IRVE ne sont guère rentables, malgré les subventions. Avec l'arrêt de celles-ci, la fin du programme Advenir pour la modernisation des équipements et la complexité du montage des dossiers, les attentes des aménageurs sont déçues. Qu'allez-vous faire pour soutenir les collectivités ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Depuis plus d'un an, avec la reprise post-covid et la guerre en Ukraine, nous constatons en effet des difficultés d'approvisionnement en composants entrant dans la fabrication des bornes de recharge. Les délais dans la livraison des postes de transformation pour le raccordement s'allongent également. Il y a enfin des tensions dans les livraisons de certains véhicules, dont les véhicules utilitaires légers (VUL) électriques.
Malgré ces difficultés, cinquante mille nouveaux points de recharge ont été déployés depuis début 2022, et nous avons dépassé les 100 000 points de recharge au mois de mai. Les fabricants augmentent leurs capacités de production.
Concernant les primes, le programme Advenir s'est adapté à l'évolution des usages et des besoins. Son arrêt ne concerne que les bornes privées, car nous privilégions l'accompagnement des acteurs publics. Le Gouvernement maintiendra un rythme soutenu de déploiement.
Mme Marie-Pierre Richer. - J'espère que les collectivités continueront à être accompagnées, en particulier en zone rurale où la mobilité est un frein.
Maisons France Services
Mme Frédérique Puissat . - Le cofinancement entre les collectivités et l'État fonctionne bien pour les maisons France Services, la délivrance de titres d'identité et les agences communales postales. Cela ne doit pas nous empêcher de travailler sur l'efficience des services.
Une récente avancée a consisté à placer dans les mêmes murs, sous maîtrise d'ouvrage unique, France Services et la délivrance de titres d'identité. C'est le cas à Saint-Laurent-du-Pont, en Isère, à la grande satisfaction du maire. Mais les deux services continuent à fonctionner en silo. On pourrait imaginer davantage de fongibilité, en particulier dans les petits territoires. L'envisagez-vous à terme ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - À l'occasion du comité de pilotage de France Services le 27 juin, Stanislas Guerini et moi-même avons annoncé une trajectoire de financement à la hausse. Dématérialisation ne rime pas avec déshumanisation. Le métier de conseiller France Services vient d'intégrer le répertoire des métiers de la fonction publique. De plus, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a mobilisé un investissement important dans le renforcement de la formation. Nous prévoyons, dès 2023, un financement supplémentaire de 5 000 euros pour chaque maison France Services et, d'ici à 2026, un supplément de 50 000 euros.
La délivrance des titres d'identité ne peut être assurée que par un conseiller habilité par un agent assermenté. Près de 170 maisons France Services ont un dispositif de recueil. Cette mutualisation que vous appelez de vos voeux est à la main du maire, et cela fonctionne très bien.
Mme Frédérique Puissat. - Je vous remercie pour ces précisions. Néanmoins, dans les maisons France Services où il y a deux agents France Services et un agent pour les titres d'identité, ne pourrait-on pas les remplacer par deux agents assurant les deux services ? C'est une question de rationalisation.
Départs des services des communes
M. Éric Bocquet . - Le 13 avril, le maire d'une commune littorale du Nord de 3 500 habitants apprenait la disparition du distributeur automatique de billets (DAB) de la Caisse d'Épargne, décidée sans concertation ni consultation. Il a été proposé que la mairie reprenne à sa charge le distributeur, ce qu'elle va faire, pour ne pas voir son centre-ville mourir à petit feu.
En février, dans le Valenciennois, c'est le maire d'une commune de 13 000 habitants qui apprenait la vente du bâtiment abritant les services de La Poste. Il a dû mettre des locaux à disposition pour éviter la disparition pure et simple du service.
Ces services qui quittent nos villages, c'est un recul pour nos populations. Une commune sans bureau de poste, sans boulangerie, sans DAB risque de devenir un village dortoir - et c'est aux communes qu'incombe la charge financière et logistique d'entretenir le village comme lieu de vie.
Nous voyons les conséquences de ce recul, avec les démissions massives de nos édiles, privés de leurs leviers fiscaux et prérogatives tout en se voyant imposer de plus en plus de normes. Qu'allez-vous faire pour freiner la disparition des services de nos villes et villages ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - J'entends votre inquiétude et partage votre conviction : les services sont facteurs d'attractivité. C'est tout l'objet du plan France Ruralités. Dès 2020, le Gouvernement a mené le programme France Services, avec des espaces regroupant neuf opérateurs avec des conseillers formés.
La charge du maintien du service public est partiellement prise en charge par l'État, dont l'apport sera accru avec 5 000 euros supplémentaires par espace France Services.
Le Fonds de reconquête du commerce rural sera pérennisé pour trois ans, soit 36 millions d'euros de financements.
La Poste mènera une expérimentation de circulation de cinquante camions jaunes, dans une logique d'aller-vers, qui complétera le maillage des 2 750 maisons France Services.
Enfin, j'invite le maire de la commune que vous évoquez à demander à la banque les statistiques de retraits : comme j'ai pu le constater en tant que maire, dans une situation similaire, ils sont en forte diminution.
Difficultés dans l'exercice du mandat de maire
M. Édouard Courtial . - Hier à midi, les élus de la République et de nombreux concitoyens ont dit : assez, cela suffit. Après avoir été les témoins scandalisés de scènes d'une sauvagerie inouïe, les mots viennent à manquer : seuls les actes comptent. Une ligne rouge a été franchie avec la tentative d'assassinat de la famille d'un élu de la République. Jusqu'où iront ces fanatiques ? Les maires sont un dernier rempart, une digue pour une société fracturée.
De petits arrangements en grands renoncements, notre République est au bord de l'implosion. Si la justice doit passer, elle doit le faire partout et pour tous, sans faux-semblants ni excuses. J'adresse mon soutien à la famille du maire de L'Haÿ-les-Roses, mais j'ai aussi une pensée pour tous les élus violentés ou menacés.
Il faut écouter ces fantassins de la République, mais aussi les défendre contre ces hordes sauvages. En un mot, leur redonner le pouvoir.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Je tiens à réaffirmer mon soutien sans faille à tous les parlementaires et élus locaux. Sous l'autorité de la Première ministre, le 17 mai, j'ai annoncé des mesures fortes pour que la République ne laisse plus passer ces excès.
Depuis le mois de juillet dernier, j'ai rencontré plus de mille élus qui témoignent de leur bonheur d'être maires, mais aussi d'un malaise, d'un flottement, et je salue la mobilisation de David Lisnard, président de l'Association des maires de France (AMF), sur le sujet - ainsi que celle du Sénat, à travers la mission d'information présidée par Maryse Carrère.
Le Gouvernement a agi dès la loi Engagement et proximité de 2019 qui permet la revalorisation des indemnités. Mais il faut aller au-delà des cadres statutaires. Avec l'AMF et toutes les associations d'élus, nous allons bâtir une feuille de route sur les conditions d'exercice du mandat d'élu local. Ce travail devrait aboutir en novembre, au moment du Congrès des maires.
M. Édouard Courtial. - Je salue votre réponse, mais au-delà des mots, ce qui compte, c'est la fermeté.
Bilan carbone des entreprises
M. Yves Détraigne . - L'an dernier, Greenpeace accusait TotalEnergies de sous-estimer : l'entreprise émettrait quatre fois plus de gaz à effet de serre qu'elle ne le prétend, car elle ne déclare pas tous les volumes de gaz et de pétrole qu'elle produit.
Pour établir leur bilan carbone, les groupes font appel à des cabinets privés, mais la méthodologie mise en oeuvre est complexe. Il est surprenant qu'il n'y ait pas d'autorité indépendante pour vérifier les chiffres et surtout les projections.
Seul l'État peut contraindre les grandes entreprises à réduire leurs émissions. Quelles sont vos intentions, madame la ministre ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La réglementation impose aux grandes entreprises de publier leur bilan des émissions de gaz à effet de serre (Beges) et de le mettre à jour tous les quatre ans. Seules les émissions sur le territoire national sont concernées, mais Total publie également ses données à l'international dans le cadre de son plan de neutralité carbone.
Le dernier Beges de l'entreprise date de 2018 et ne comprend pas le Scope 3, qui correspond aux émissions indirectes sur la toute la chaîne de valeur de l'entreprise, c'est-à-dire les émissions liées à la consommation par ses clients : le Scope 3 ne doit être pris en compte dans les Beges que depuis le 1er janvier dernier.
Pour mieux faire respecter la réglementation, le Gouvernement réfléchit à plusieurs pistes, comme la mise à disposition d'outils pour réaliser les Beges, ou l'augmentation de la fréquence des contrôles et du montant des amendes.
Il faut aussi renforcer l'ambition des plans de transition fournis avec les Beges. La question du contrôle des chiffres et de la robustesse demeure. Des organismes tiers pourraient contrôler la conformité.
Application du ZAN
M. Pierre-Jean Verzelen . - (M. Jean-Pierre Decool applaudit.) L'objectif « zéro artificialisation nette », le fameux ZAN, suscite l'incompréhension et alimente la défiance. La loi prévoit une réduction de moitié du rythme d'artificialisation jusqu'en 2031, pour atteindre une artificialisation nulle à l'horizon 2050.
Si nous comprenons l'objectif, les moyens pour y parvenir doivent tenir compte des réalités locales, des enjeux de développement, faire preuve de souplesse. La trajectoire devra certainement être revue. Les premiers décrets d'application étaient totalement déconnectés du terrain : règles floues, absence de différenciation, déclinaison uniforme.
Le 16 mars dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi pour rectifier le tir ; elle vient d'être examinée par l'Assemblée nationale, et la commission mixte paritaire se tiendra prochainement. Puis viendront les décrets d'application. Les projets d'ampleur nationale, comme le canal Seine-Nord, la RN2 ou l'implantation d'usines, entreront-ils dans le décompte ? Les jardins et espaces enherbés autour d'une maison ou d'un bâtiment seront-ils comptabilisés ? Quid des surfaces recouvertes par des panneaux photovoltaïques ? Les territoires, notamment ruraux, qui ont peu construit ces dernières années bénéficieront-ils d'une plus grande souplesse et de dérogations spécifiques ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La loi Climat et résilience a fixé une trajectoire visant zéro artificialisation nette des sols en 2050, avec un objectif de réduction de moitié de la consommation d'espaces sur la période 2021-2031 par rapport à la décennie précédente.
Comme la Première ministre s'y était engagée lors du Congrès des maires, des ajustements ont été concertés avec les associations d'élus et les parlementaires. Deux décrets sont en cours d'élaboration ; ils sont en consultation publique jusqu'à aujourd'hui. Le premier renforce les principes de différenciation et de territorialisation, avec une prise en compte renforcée des spécificités locales : ruralité, littoral, montagne. Il précise par ailleurs la notion de garantie rurale, souhaitée par la Première ministre. Le second explicite et ajuste les catégories de surfaces artificialisées et non artificialisées.
La proposition de loi sénatoriale, adoptée par les députés le 27 juin, prévoit également une mutualisation au niveau national des projets d'envergure nationale et européenne, ce qui répond à votre question.
Je souhaite avancer rapidement afin de donner de la visibilité à nos territoires. Les éventuelles lectures des conclusions de la commission mixte paritaire sont prévues les 12 et 13 juillet prochains, et les décrets devraient être publiés dès l'automne.
Impact de la politique de continuité écologique des cours d'eau
M. Pierre Louault . - Les barrages et étangs construits au fil des siècles constituent aujourd'hui l'essentiel de nos zones humides. L'application rigoureuse par les services de l'État du principe de continuité écologique des cours d'eau, issu de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, fait disparaître ces zones humides, transforme les rivières et cours d'eau en torrents et vidange les nappes phréatiques. Cette politique appliquée depuis près de vingt ans conduit à un épuisement des réserves d'eau et à des restrictions de l'usage.
Les agences de l'eau subventionnent uniquement les projets d'arasement des ouvrages et de suppression des étangs, sans prendre en compte l'impact catastrophique sur les réserves d'eau. Selon la Cour des comptes, plus de 15 milliards d'euros ont été dépensés pour la protection des poissons migrateurs, et ce sans aucun résultat.
À l'heure où nos ressources en eau sont menacées, allons-nous laisser disparaître prairies et zones humides, assécher les ruisseaux et vidanger les nappes phréatiques au nom d'une continuité écologique qui ne remplit pas ses promesses ? Quand allons-nous sortir d'une loi doctrinaire sans aucune évaluation scientifique ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La politique de restauration de la continuité des cours d'eau vise à limiter la fragmentation des habitats, nuisible à la biodiversité, et à redonner aux rivières leurs fonctionnalités naturelles. Restaurer nos cours d'eau, c'est supprimer les obstacles, mais avant tout favoriser un écoulement naturel, recréer méandres et bras morts, permettre les débordements, pour mieux recharger les nappes et garder les sols humides.
Cette solution fondée sur la nature permet une meilleure résilience face au changement climatique, alors que la multiplication de petites retenues ou plans d'eau sur cours d'eau conduit à une évaporation très importante en été, donc une diminution des débits.
La restauration des cours d'eau doit être adaptée aux cas particuliers, et la territorialisation de la politique nationale est fondamentale. Ses résultats sont démontrés, sur le retour des poissons, l'amélioration de la biodiversité et de l'état écologique des cours d'eau, l'abaissement des températures et de l'évaporation des cours d'eau.
M. Pierre Louault. - Les ministres passent, la technostructure doctrinaire demeure, depuis vingt ans... On va dans le mur, en klaxonnant !
Valorisation des sédiments issus de dragage
M. Jean-Pierre Decool . - Le Nord compte 680 km de voies d'eau, 90 écluses et plus de 100 ouvrages de régulation des niveaux d'eau. Le droit communautaire considère les sédiments qui s'y accumulent comme des déchets, ce qui implique une coûteuse procédure de traitement. L'entretien des voies d'eaux est donc altéré et l'excès de sédiments dans les canaux entrave la navigation.
Or la gestion des eaux contribue également à la lutte contre les inondations : des canaux, rivières et bassins entretenus, régulièrement curés, seraient plus à même d'agir comme des bassins de rétention et de régulation en cas de fortes précipitations.
La France n'a pas défini de cadre réglementaire favorable à la valorisation des sédiments, alors que nos voisins ont développé des filières de valorisation.
J'avais évoqué ce sujet à la suite des fortes inondations de décembre 2021, ici et lors d'un retour d'expérience organisé par le préfet avec les acteurs de terrain, dont Voies navigables de France (VNF). VNF expérimente par ailleurs à Wambrechies une plateforme de dépotage, en prévision de la quantité de sédiment qu'apportera le futur canal Seine-Nord. Il serait inconcevable que ceux-ci soient exportés vers la Belgique et les Pays-Bas pour être réutilisés ! Ne pourrait-on étendre le périmètre de l'arrêté du 4 juin 2021 afin de permettre la réutilisation des sédiments en tant que matériau de construction ou de fertilisant agricole ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - En France, 50 millions de mètres cubes de sédiments sont générés chaque année par l'entretien des voies de navigation et des ports. En parallèle, le secteur du BTP consomme 400 millions de tonnes par an de granulats extraits du sol.
Le 25 janvier dernier, Bérangère Couillard a engagé une feuille de route avec les acteurs économiques des Hauts-de-France et VNF pour enclencher une dynamique d'économie circulaire vertueuse de valorisation de ces sédiments. C'est le résultat de travaux expérimentaux menés dans la région pionnière des Hauts-de-France, avec les acteurs du BTP, l'École des mines de Douai, et avec l'accompagnement de la région et du ministère.
À l'échelle de la région, 300 000 tonnes par an de sédiments pourront être recyclés dans le béton et d'autres produits du BTP au lieu d'être mis en décharge, ce qui représente un gain de 15 millions d'euros par an et la création de 400 emplois.
Les sédiments peuvent également être valorisés en tant que fertilisant et supports de culture, sous réserve qu'ils ne soient pas pollués. Le ministère de l'agriculture finalise un décret d'application de la loi anti-gaspillage qui établira un socle commun de critères.
Interdiction des chaudières à gaz
M. Christian Klinger . - L'interdiction des chaudières à gaz à horizon 2026 soulève deux problèmes.
L'installation d'une pompe à chaleur coûte en moyenne 15 000 euros, contre 5 000 euros pour une chaudière à gaz. Entre la rénovation énergétique du logement, le manque de place pour la pose, les nuisances sonores ou esthétiques et la durée des chantiers, cette installation est impossible dans de nombreux logements, sinon au prix de gros travaux.
En outre, une grande partie des pompes à chaleur sont fabriquées en Asie, comme les batteries des voitures électriques, alors que les chaudières à gaz viennent d'Europe et de France. Cette interdiction revient donc à saboter une de nos rares filières d'excellence !
Les aides aux ménages que vous ne manquerez pas de mettre en place creuseront encore plus le déficit abyssal des comptes publics. À ce prix-là, me direz-vous, on agira pour le climat. Mais aura-t-on seulement l'électricité suffisante pour alimenter ces pompes à chaleur ? Ou faudra-t-il recourir aux centrales au gaz ?
Mieux vaudrait privilégier la concertation, laisser à nos concitoyens le temps de souffler financièrement et aux filières concernées le temps de s'adapter et de s'approprier de nouvelles énergies comme le biogaz.
Je crains que les impacts de l'interdiction des chaudières gaz en 2026 n'aient pas été bien mesurés.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - L'objectif de neutralité carbone d'ici 2050 passe par la décarbonation des grands secteurs, dont le bâtiment, qui représente 18 % de nos émissions. Le Gouvernement a lancé une concertation publique sur le sujet jusqu'au 28 juillet afin d'échanger avec les acteurs sur les alternatives aux chaudières fossiles. En effet, MaPrimeRénov' ne subventionne plus l'installation de nouvelles chaudières au fioul ou au gaz dans les bâtiments existants et la réglementation RE2020 les interdit dans les bâtiments neufs.
Le Gouvernement accompagne la transition des filières industrielles du chauffage vers des énergies bas-carbone, via le renforcement des aides au raccordement aux réseaux de chaleur, le fonds Chaleur et le plan Géothermie, lancé en février 2023.
Enfin, le surcoût à l'achat est compensé par les économies à l'usage. L'État apporte un soutien financier avec MaPrimeRénov', qui peut être complété par les certificats d'économie d'énergie, voire par des aides des collectivités territoriales aux ménages modestes. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et accompagner la transition.
Crise du logement
Mme Laure Darcos . - Les élus de l'Essonne sont inquiets. L'effort de construction est insuffisant pour répondre aux besoins, entre l'augmentation du prix des terrains, les contraintes de la réglementation RE2020, le coût des matières premières et la flambée des taux d'intérêt. Le secteur locatif, quant à lui, va connaître une déflagration avec le retrait du marché, à court terme, des 400 000 logements les plus énergivores ou émetteurs.
Bien entendu, il faut lutter contre les passoires thermiques. Cependant, en agissant avec précipitation et à force de réglementer toujours plus, on risque de se retrouver demain face à une crise de l'offre doublée d'une crise de la demande.
Dans ce contexte, l'annonce de la suppression du dispositif Pinel et de la refonte du prêt à taux zéro a été particulièrement mal perçue. Les associations d'élus se mobilisent et font des propositions pragmatiques pour la maîtrise du coût du foncier et la rénovation thermique du parc locatif, social et privé.
Quelles mesures de soutien le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour accompagner la rénovation du parc existant, relancer la construction et favoriser l'accession des Français à la propriété ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - À l'issue du volet logement du Conseil national de la refondation, la Première ministre a rappelé la priorité du Gouvernement de favoriser l'accès à un logement pour tous. Avec Olivier Klein, elle a annoncé des mesures d'urgence et de long terme pour répondre aux difficultés du secteur.
S'agissant de l'accession à la propriété, le prêt à taux zéro sera prolongé jusqu'en 2027. Il bénéficiera aux opérations neuves en habitat collectif en zone tendue et à l'acquisition de logements anciens en zone détendue, sous conditions de travaux de rénovation. S'agissant de l'accession sociale, nous développons le bail réel solidaire, en lien avec les porteurs locaux.
La fiscalité évoluera pour favoriser les locations de longue durée et développer une offre locative de qualité.
Enfin, la concertation sur la décarbonation du bâtiment en cours depuis le 12 juin permet d'examiner les leviers pour accompagner la rénovation du parc.
Le parcours usager est simplifié avec le déploiement d'une offre d'accompagnement grâce à Mon Accompagnateur Rénov' et la couverture du territoire par France Rénov'. Les conditions sont donc réunies.
Mme Laure Darcos. - Je vous invite à lire l'excellent livre, préfacé par Jean-Louis Borloo, que vient de publier Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président de la région Île-de-France et maire de Mennecy. Vous y trouverez de nombreuses solutions pour répondre aux défis du logement et du mal-logement.
Aménagements cyclables hors agglomération
M. Bernard Buis . - L'irruption des fumées canadiennes dans le ciel français nous rappelle que notre planète est en feu. Pour l'éteindre, l'aménagement cyclable hors agglomération est un levier non négligeable.
Depuis 2019 et la loi d'orientation des mobilités (LOM), l'article L. 228-3 du code de l'environnement oblige le gestionnaire de la voirie, lorsqu'il réalise ou réaménage des voies hors agglomération, à évaluer, en lien avec l'autorité organisatrice de la mobilité, le besoin de réalisation d'un aménagement ou d'un itinéraire cyclable et sa faisabilité technique et financière, cette évaluation devant être rendue publique si un besoin est avéré, sauf en cas d'impossibilité technique ou financière.
Trois ans après, les acteurs du cyclisme se posent des questions sur cette publication et la transparence de la méthodologie utilisée. Qu'en dit le Gouvernement ? Ces analyses ont-elles effectivement abouti à la réalisation d'itinéraires cyclables ? Dans quelle mesure les contraintes financières ont-elles été évoquées pour justifier qu'on y renonce ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Cette disposition a pour objectif de mutualiser les coûts, mais sa gestion locale complique le recensement d'informations sur les méthodes, les modalités ou les résultats de ces évaluations à l'échelle nationale - il n'en faut pas moins tenter d'évaluer encore et toujours.
L'État est pleinement mobilisé pour soutenir le développement du vélo, comme l'illustre l'annonce par le premier comité interministériel « Vélo et marche » du 5 mai 2023 que 2 milliards d'euros seront investis d'ici 2027. Le fonds Mobilité active a été doté de 250 millions d'euros par an de 2023 à 2027, après 410 millions d'euros entre 2019 et 2022. Le fonds vert peut financer des aides à l'utilisation du vélo, le développement de la cyclologistique ou les aménagements cyclables. Dans les contrats de plan État-Région 2023-2027, l'État est prêt à mobiliser 200 millions d'euros.
Privatisation du train des primeurs Perpignan-Rungis
Mme Laurence Cohen . - Le 23 mai dernier, le Gouvernement a annoncé la suppression de 500 emplois et la cession de 20 % de l'activité du fret SNCF à la concurrence, dont, semble-t-il, le train des primeurs Perpignan-Rungis.
La suppression de cette ligne unique en France en 2019 avait été vécue comme une provocation, mais elle avait été relancée en octobre 2021 grâce à la mobilisation des élus, des usagers, des syndicalistes ; je viens d'apprendre qu'elle était arrêtée pour des raisons techniques : le sursis n'aura donc pas été long.
La maintenir dans le giron de Fret SNCF est une nécessité économique, sociale et écologique - c'est 25 000 camions en moins sur les routes - et pour la sécurité alimentaire de l'Île-de-France, puisqu'elle transporte l'équivalent de la moitié de sa consommation de fruits et légumes frais. Un allongement de Barcelone à Anvers la rendrait rentable.
Comment comptez-vous relancer cette ligne de manière pérenne ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le Gouvernement agit en faveur du fret ferroviaire : les aides à l'exploitation atteindront 330 millions d'euros par an jusqu'en 2030 et 4 milliards d'euros seront investis dans les infrastructures de 2023 à 2032. L'État fait tout pour éviter le pire : l'obligation pour l'opérateur de rembourser près de 5 milliards d'euros, ce qui conduirait immédiatement à sa liquidation, supprimant de nombreux emplois et mettant plus d'un million de camions sur les routes.
Nous préférons donc transformer l'entreprise pour éteindre ce risque, mais avec trois lignes rouges : l'absence de tout licenciement, de privatisation et de report modal sur la route. Fret SNCF ne pourrait plus opérer le service Perpignan-Rungis et l'État lancera très prochainement un nouvel appel à manifestations d'intérêt. Le train des primeurs, sauvé par l'État en 2021, continuera à rouler, quel que soit l'opérateur.
Mme Laurence Cohen. - Il faut déclarer cette ligne Perpignan-Rungis d'intérêt général, c'est urgent ! Si vous souhaitez relancer le fret ferroviaire, lisez le rapport du Sénat sur le sujet et les conclusions de la commission d'enquête demandée par le groupe communiste à l'Assemblée nationale.
Gare de Bry-Villiers-Champigny
M. Laurent Lafon . - La nouvelle gare d'interconnexion Bry-Villiers-Champigny (BVC) est menacée d'un nouveau report à l'horizon 2030, car SNCF Réseau a pris la décision de « mutualiser la conduite de ces travaux sur des périodes triennales » pendant lesquelles le chantier serait retardé, voire mis à l'arrêt.
Une telle décision prise sans concertation avec Île-de-France Mobilités ou les maires des communes concernées n'est pas acceptable, alors que les financements sont au rendez-vous.
Ce second report sera lourd de conséquences pour nos territoires : le projet d'interconnexion n'a de sens que s'il comprend la ligne 15 du Grand Paris Express, le RER E et la ligne P du Transilien. Ce décalage remet en cause l'accès à l'emploi, la santé, l'enseignement et l'un des principaux projets portés par la métropole du Grand Paris, avec 6 000 emplois à la clé : un palais des congrès, le centre d'exploitation de la ligne 15, le siège des Compagnons du Tour de France et le futur pôle image. En outre, nos objectifs de diminution du nombre de véhicules sur l'A4 ne pourront être atteints, les usagers en provenance de Seine-et-Marne devant poursuivre leur route en voiture...
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La nouvelle gare BVC permettra de se déplacer de banlieue à banlieue en connectant les lignes que vous avez citées et la ligne de bus Altival Chennevières sur Marne-Noisy-le-Grand. Après un premier report à 2027, de nombreuses contraintes techniques amènent SNCF Réseau à réexaminer ce calendrier prévisionnel, notamment le manque d'une main-d'oeuvre qualifiée très demandée en Île-de-France et l'acceptabilité du volume des interruptions temporaires de circulation. Heureusement, le financement du projet n'est pas remis en question. Le comité axe Est du réseau francilien a permis hier de nouer un dialogue entre la SNCF, Île-de-France Mobilités et les élus. Le Gouvernement est attentif à ce qu'un équilibre soit trouvé entre la sécurisation des transports du quotidien d'aujourd'hui et la nécessité d'améliorer rapidement et notablement l'offre structurelle.
Réhabilitation des ponts
M. Denis Bouad . - En 2019, un rapport sénatorial réclamait un plan Marshall pour sécuriser les ouvrages d'art via un fonds d'aide aux collectivités territoriales à hauteur de 130 millions d'euros par an pendant dix ans. Le programme national piloté par le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), très loin des recommandations émises par le Sénat, est insuffisant.
Molières-sur-Sèze, dans le Gard, s'est portée candidate à un diagnostic gratuit du Cerema concernant une passerelle piétonne aux piliers érodés. Elle a fermé cette passerelle au public et s'est enquise des aides disponibles pour sécuriser l'ouvrage auprès des services de l'État, qui lui ont indiqué qu'elle ne pouvait prétendre à aucune. Cette ancienne commune minière de 1 200 habitants fait face à de nombreux défis et sa capacité d'autofinancement quasi nulle l'empêche de réaliser les travaux seule. L'État projette-t-il d'engager des moyens financiers nécessaires à la sécurisation des ouvrages d'art de nos communes ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Dès 2020, le Gouvernement a mobilisé une enveloppe de 40 millions d'euros pour accompagner les collectivités dans la connaissance et l'entretien de leurs ouvrages. Plus de 45 000 ouvrages ont ainsi été recensés et 11 540 communes ont pu être accompagnées en 2021 pour la réalisation d'un carnet de santé de leurs ouvrages. Au regard des besoins et du succès de cette précédente édition, le programme national Ponts a été abondé de 10 millions d'euros supplémentaires : 20 000 communes de moins de 10 000 habitants et de moins de 3 millions d'euros de potentiel fiscal y étant éligibles, les 4 000 premières communes à se porter candidates seront retenues.
En complément, le Gouvernement mobilisera une aide au financement des travaux pour les communes éligibles, qui sera présentée dans les semaines à venir.
Délais pour l'obtention des documents d'identité
M. Jean-Claude Anglars . - Que ce soit pour des déplacements professionnels ou partir en vacances, disposer d'un titre d'identité est une nécessité. Or, depuis deux ans maintenant, leur obtention est un véritable parcours du combattant pour nos concitoyens.
Vous invoquerez le covid-19 et l'accumulation des demandes et présenterez les mesures prises par le Gouvernement. Je ne le conteste pas, mais constate avec les Français qu'il n'y a pas d'amélioration. L'organisation des rendez-vous dans les territoires ruraux est insatisfaisante, avec des distances de plusieurs dizaines de kilomètres.
Il est urgent d'agir. Cette semaine encore, une habitante de Saint-Côme d'Olt, en Aveyron, m'indiquait devoir attendre plus de trois mois pour un premier rendez-vous dans une mairie d'une autre commune... Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - L'allongement des délais en mairie a conduit le Gouvernement et les communes à fournir des efforts importants depuis le printemps 2022. Depuis mi-janvier, je pilote personnellement un travail important pour une amélioration réelle, le délai passant de 70 jours au 15 janvier à 40 jours aujourd'hui - 30 jours fin juillet.
Je salue l'investissement des collectivités locales. Le 27 mars dernier, nous avons lancé un nouveau plan d'urgence, portant les moyens de 45 à 100 millions d'euros, pour revenir à des conditions normales d'ici l'été. Je regarderai la situation de votre département dès que je serai à mon bureau.
Près de 700 nouveaux dispositifs supplémentaires de recueil ont été déployés depuis début 2023, des contrats urgence titres (CUT) ont été déployés, des communes volontaires ont accepté d'augmenter leurs capacités de plus de 20 % en mai et juin, grâce à une dotation titres sécurisés (DTS) significativement augmentée ; des opérations coup de poing avec la mise à disposition de dispositifs de recueil temporaire sont menées dans 31 communes ; les services d'instruction de l'État ont été renforcés à hauteur de 325 agents pour 2023.
M. Jean-Claude Anglars. - J'entends bien. Reste que, dans l'Aveyron, il y a encore du retard.
Nombre insuffisant d'inspecteurs du permis de conduire
Mme Anne Ventalon . - Les 18-24 ans sont 85 % à disposer du permis B en milieu rural, contre 41 % dans l'agglomération parisienne. C'est que, dans la ruralité, l'usage de la voiture est indispensable à toute vie sociale et familiale ; l'obtention du permis est donc le prérequis à l'insertion professionnelle et à la formation.
Or le faible nombre d'inspecteurs du permis de conduire rend le passage de l'examen long et compliqué. La plateforme RdvPermis, prise d'assaut, ne distille les dates d'examens qu'au compte-gouttes, quand elle n'est pas congestionnée. Les candidats recalés doivent attendre de trois à six mois une nouvelle convocation. Il n'y a que 5 examinateurs en Ardèche pour 6 200 candidats.
L'abaissement à 17 ans de l'âge pour obtenir son permis aggravera mécaniquement la crise. La loi visant à faciliter l'obtention du permis de conduire est salutaire, mais insuffisante sans une augmentation tangible des créneaux d'examen. Prévoyez-vous une telle augmentation ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Plusieurs mesures ont d'ores et déjà été mises en oeuvre : le périmètre des agents habilités a été élargi ; deux cohortes d'agents contractuels du groupe La Poste ont été recrutées, soit 60 agents depuis 2021, et une troisième complétera le dispositif ; les différents mécanismes d'incitation ont augmenté de 100 000 le nombre d'examens ; les inspecteurs retraités volontaires peuvent être sollicités localement ; 100 inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière supplémentaires seront recrutés entre 2023 et 2026, dont 50 en 2023, plus 26 examinateurs supplémentaires actuellement en cours de formation.
Avec 5 inspecteurs, le ratio entre le nombre de candidats et le nombre de formateurs est de 5,3 pour le mois de juin en Ardèche, ce qui traduit une offre de places en adéquation avec les capacités de formation des auto-écoles - mais je regarderai la situation de l'Ardèche de plus près. Oui, l'arrivée d'une nouvelle classe d'âge augmentera le nombre de demandeurs et nous devons augmenter le nombre d'inspecteurs à cette aune.
Mme Anne Ventalon. - Merci d'être attentive à la situation de l'Ardèche. Les gérants d'auto-école sont dans une situation critique, car ils mesurent l'importance de ce sésame rose.
Déséquilibre au détriment de la cour d'appel d'Orléans
M. Jean-Pierre Sueur . - Selon le rapport des états généraux de la justice, l'allocation territoriale des effectifs expose des disparités entre juridictions, avec des déséquilibres significatifs inexpliqués. Un tableau indique que la cour d'appel d'Orléans dispose du plus faible nombre de magistrats du siège et de greffiers. Il convient de la doter des effectifs et des moyens nécessaires.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Le plan ambitieux que nous portons renforce les effectifs des juridictions. La loi de programmation, votée par le Sénat sans votre soutien, monsieur Sueur, prévoit 10 000 emplois sur cinq ans, dont 1 500 postes de magistrats et 1 500 postes de greffiers, l'équivalent de vingt ans de recrutements.
La répartition des effectifs prendra en compte l'évolution démographique et l'activité des juridictions sur le temps long. Nous engagerons une gestion rigoureuse des moyens alloués à la justice.
Enfin, le budget 2023 permet déjà de résorber les vacances. Pour Orléans, en un an, nous passerons de huit à cinq postes vacants, pour un total de 159 magistrats. Nous avançons. Toutes les juridictions auront été renforcées d'ici 2027.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je me réjouis de la résorption des vacances, mais je souhaite un rééquilibrage, car nous sommes sous-dotés.
Attaques contre le droit à l'IVG
Mme Laurence Rossignol . - Les associations et lobbies anti-IVG connaissent un regain d'activisme, ni fortuit ni anodin. À Bordeaux et ailleurs, les locaux du planning familial sont pris pour cible, et une campagne de vandalisme touche les Vélib'.
La réponse judiciaire ne suffit pas : c'est une question politique. Comment renvoyer dans leurs cordes les anti-IVG ? Tout d'abord, en constitutionnalisant ce droit. Les deux assemblées se sont prononcées pour, certes en des termes divergents. Qu'attend le Président de la République pour déposer un projet de loi et réunir le Congrès ? Les activistes doivent cesser de nous harceler : ils ont perdu la bataille d'opinion et la bataille politique.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Les droits des femmes sont encore, hélas, la cible favorite des conservateurs. La désinformation anti-avortement est honteuse. En application de l'article 40, j'ai saisi le procureur de la République pour qu'elle prenne fin au plus tôt.
Nous ne laisserons personne porter atteinte à ce droit fondamental, que nous avons renforcé en 2017 avec le tiers payant intégral, l'allongement à quatorze semaines ou encore la pratique des IVG chirurgicales par les sages-femmes. Le combat passe aussi par la contraception, désormais gratuite avant 26 ans.
Enfin, le combat pour le droit à l'IVG est un symbole puissant pour la liberté des femmes. À l'initiative du Président de la République, les députés européens ont voté son inscription dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le 8 mars dernier, il a exprimé sa volonté d'inscrire ce droit dans la Constitution, message de liberté.
Mme Laurence Rossignol. - Nous saluons votre engagement, mais le Président de la République nous balade. Promettre ne suffit pas, il faut des actes. C'est une urgence politique. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Violences routières
Mme Alexandra Borchio Fontimp . - Il y a quelques jours, Noé aurait dû fêter ses 18 ans et préparer les jeux Olympiques en tant que membre de l'équipe de France de tir sportif. Mais, le 25 juin 2022, il a été fauché mortellement par un conducteur sous l'emprise de l'alcool et de stupéfiants, en excès de vitesse et récidiviste.
Le chauffard est ressorti libre après 70 jours et une caution de 5 000 euros, une double peine insupportable pour les victimes alors que sont prévus jusqu'à dix ans de prison. En réalité, seuls 10 % des auteurs d'accidents sont condamnés à de la prison ferme ; pour les accidents mortels, plus de 40 % ne le sont pas.
Les familles doivent se taire, les bourreaux demeurent libres et nous en sommes réduits à implorer le Gouvernement d'appliquer les lois que nous avons votées. J'ai alerté le garde des sceaux sur les difficultés d'indemnisation des familles.
Avec Laurent Somon et Stéphane Demilly, nous avons déposé une proposition de loi interdisant les aménagements de peine sous certaines conditions. Quels sont les chiffres sur les peines effectivement purgées ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Mes pensées vont à Noé et à sa famille.
Nous portons une attention particulière aux accidents, trop souvent liés à l'alcool ou aux stupéfiants. Le code pénal tient compte de cette dangerosité induite, prévoyant le maximum de dix ans applicable aux peines délictuelles. L'incarcération est un ultime recours, conciliant sanction et insertion.
En 2021, toutes les personnes condamnées pour homicide involontaire aggravé par l'ivresse ou la conduite sous stupéfiants ont été condamnées à de la prison, ferme dans 67 % des cas, pour seize mois en moyenne. C'est la proportion la plus importante depuis 2015. Une centaine de personnes étaient détenues au 1er janvier 2023.
Le comité interministériel à la sécurité routière élabore un nouveau plan d'action global.
Assassinat de Dulcie September
M. Daniel Breuiller . - Dulcie September, représentante en France du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela, a été assassinée à Paris, en plein jour, le 29 mars 1988. En application de l'imprescriptibilité du crime d'apartheid, en 2019, sa famille a demandé la réouverture de la procédure, close en 1992. Cette demande ayant été rejetée, une action en déni de justice a été engagée.
Le 29 mai 2021, devant l'exposition consacrée à Dulcie September à la fondation Nelson Mandela, à Johannesburg, le Président de la République envisageait une médiation. L'avocat de la famille a déposé la demande : encouragez-la et ouvrez les archives, notamment relatives au refus d'accorder la protection policière à Dulcie September.
Je vous demande une pleine coopération avec l'Afrique du Sud dans le cadre de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée entre nos deux pays en 2001.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Il n'appartient pas au Gouvernement d'interférer dans les procédures judiciaires. La réouverture d'une procédure pénale obéit à des règles spécifiques.
Jusqu'à l'entrée en vigueur en 2004 de la convention, le principe était la réciprocité. Désormais, les autorités judiciaires des deux pays sont tenues de coopérer le plus largement possible, notamment par la remise de documents.
Les services des archives du ministère de la justice mettent à disposition des requérants les archives judiciaires relatives à cette procédure, en lien avec les services nationaux et départementaux qui les conserveraient, dans le respect du code du patrimoine.
M. Daniel Breuiller. - Cet assassinat est une tache pour notre pays. L'avocat a pu accéder à une partie des archives, saisissons l'opportunité de la médiation.
Assurabilité dans le cadre du FNGRA
M. Gérard Longuet . - Les terrains assurables sont écartés de l'intervention du Fonds national de garantie des risques agricoles (FNGRA), en application du code rural. À Revigny-sur-Ornain, dans la Meuse, les terrains ne sont qualifiés par aucun document d'urbanisme comme inondable ou non inondable. L'assurance s'élevant à 15 % du produit de la récolte, les agriculteurs craignent que les assureurs fassent jouer la clause d'inondabilité.
Ces cas sont-ils fréquents au niveau national ? Quelles sont les solutions lorsqu'aucun document d'urbanisme ne fixe le caractère inondable, et lorsque le maire n'a pas demandé l'application de l'état de catastrophe naturelle ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Le Varenne agricole de l'eau et du changement climatique a souligné que le régime de calamité agricole était inadapté au changement climatique. Depuis le 1er janvier 2023, un nouveau régime à trois étages est en vigueur. D'abord, une absorption des risques de faible intensité à l'échelle de l'exploitation. Ensuite, une mutualisation entre les territoires et les filières des risques d'intensité moyenne, via l'assurance multirisque climatique, dont les primes font l'objet d'une subvention. Enfin, une indemnisation directe de l'État contre les risques catastrophiques.
L'objectif premier est d'inciter les agriculteurs à s'assurer, mais le système est désormais universel à toutes les cultures, assurées ou non. Ce filet de sécurité assure une indemnisation minimale par le FNGRA. Dans ce cadre, les cultures en zone inondable en bénéficieront.
M. Gérard Longuet. - Je me réjouis de ce progrès, mais les agriculteurs sanctionnés par la vacuité législative n'en bénéficieront pas. Encore reste-t-il la clémence du FNGRA.
Hébergement sous tente des saisonniers en Bourgogne-Franche-Comté
Mme Anne-Catherine Loisier . - L'hébergement des saisonniers au moment des vendanges pose des difficultés.
L'article R. 716-16 du code rural prévoit un hébergement sous tente dans les départements où l'habitat est insuffisant : c'est le cas en Bourgogne-Franche-Comté, compte tenu de l'afflux de saisonniers. Mais l'arrêté du 1er juillet 1996 relatif à l'hébergement des travailleurs agricoles réserve cette possibilité à un nombre restreint de départements méridionaux - sûrement en raison de températures réputées plus clémentes...
Au vu de la précocité des vendanges ces dernières années, les professionnels sollicitent l'autorisation d'héberger leurs saisonniers sous tente en Côte-d'Or, en Saône-et-Loire et dans l'Yonne, mais aussi dans l'Aisne, l'Aube, la Marne, la Haute-Marne et la Seine-et-Marne. Cette dérogation favoriserait l'embauche de demandeurs d'emploi et de personnes précaires.
Une adaptation rapide de la réglementation aux nouvelles réalités climatiques, économiques et sociales est-elle envisageable rapidement ?
Mme le président. - Merci pour l'Aisne... (Sourires)
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - L'arrêté du 1er juillet 1996 fixe trois conditions pour un hébergement dérogatoire sous tente : salariés recrutés pour moins d'un mois, autorisation de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) et liste limitative de départements, voire cantons. Cet hébergement n'est autorisé que dans tout ou partie de quinze départements, du 1er juin au 15 septembre. Ceux que vous avez cités n'en font pas partie.
L'accord collectif national sur les saisonniers de juillet 2002 prévoit de limiter l'hébergement sous tente, tout en appelant à un assouplissement de la réglementation sur les résidences mobiles. La réglementation a été modifiée dans cet esprit, sans modifier la liste des départements.
Ne remettons pas en cause cet équilibre, d'autant que le décret du 20 septembre 2016 a simplifié les démarches des employeurs. Par ailleurs, le Conseil d'État a attiré l'attention du Gouvernement sur les risques de rupture d'égalité et d'atteinte au droit à un logement décent.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Vos arguments ne tiennent pas face aux réalités de nos territoires. Les situations dont je parle respectent les critères prévus : durée inférieure à un mois, saisonnalité. Je demande au Gouvernement de se pencher à nouveau sur le sujet, car les viticulteurs peinent à recruter des saisonniers.
Accompagnement des jeunes Guadeloupéens vers l'emploi
M. Dominique Théophile . - Entre 2015 et 2019, selon l'Insee, plus de 27 % des Guadeloupéens de 15 à 29 ans n'étaient ni en emploi, ni en étude, ni en formation - deux fois plus que dans l'Hexagone. Une majorité d'entre eux souhaitent travailler.
Malgré les dispositifs d'accompagnement et les efforts des collectivités, ce n'est pas suffisant.
Il faut mieux prendre en compte la réalité socio-économique de la Guadeloupe, où 34,5 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. L'absence de transports publics efficients nuit à la mobilité des demandeurs d'emploi. De nombreux CDD peinent à se convertir en CDI. Nous devons aussi l'adéquation entre formations et emplois ainsi que la coordination entre institutions, et étendre la garantie jeunes.
Comment le Gouvernement entend-il renforcer l'accompagnement des jeunes Guadeloupéens vers l'emploi ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Le Gouvernement a mis en oeuvre plusieurs dispositifs d'accompagnement vers l'emploi, comme le contrat d'engagement jeune, assorti d'un accompagnement global et d'une sécurisation financière. L'année prochaine, 200 000 entrées en contrat seront financées en mission locale et 100 000 auprès de Pôle emploi. En Guadeloupe, 858 jeunes ont signé un contrat d'engagement depuis le début de l'année ; 1 463 contrats sont en cours.
Pour les jeunes les plus en difficulté, des appels à projet régionaux ont été lancés sur l'ensemble du territoire. Les deux projets déployés en Guadeloupe visent notamment à développer des solutions de mobilité.
Par ailleurs, nous soutenons fortement l'apprentissage, levier efficace de formation. Le Conseil régional perçoit près de 6 millions d'euros chaque année pour soutenir les centres de formation d'apprentis.
Notre réforme du lycée professionnel s'accompagnera d'une réflexion sur la carte des formations, qui doivent être en adéquation avec le tissu économique local. Via France 2030, l'État accompagne les collectivités territoriales dans la rénovation des plateaux techniques.
M. Dominique Théophile. - Nous verrons rapidement les résultats de ces dispositifs. S'il y a lieu, je reviendrai à la charge, car la situation est préoccupante.
Accès aux services publics de proximité
M. Jean-Yves Roux . - L'accès au service public partout et pour tous est un fondement de la cohésion sociale, or dans certains territoires, les services publics disparaissent les uns après les autres. L'éloignement et la dématérialisation des procédures sont source de nombreuses difficultés.
Dans son dernier rapport d'activité, la Défenseure des droits recense quelque 82 000 réclamations liées aux relations avec les administrations, soit 14 % de plus en un an.
Selon l'association Familles rurales, 60 % des ruraux font état d'une dégradation des services publics ces dernières années. Le déficit de services publics est le principal frein à l'installation en zone rurale.
Le 31 mai dernier, le Sénat a adopté à l'unanimité une résolution du RDSE visant à renforcer l'accès au service public, notamment via un accès téléphonique rapide. Nous avons plus que jamais besoin d'une stratégie de reconquête. Les maisons France Services, pour utiles qu'elles soient, ne peuvent suffire, d'autant qu'elles reposent beaucoup sur nos collectivités.
Comment comptez-vous prendre en compte les remarques de la Défenseure des droits dans la préparation du projet de loi de finances ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Déployer des services publics de qualité est une priorité, et le dernier Comité interministériel de la transformation publique a défini trois axes d'action.
D'abord, nous lançons le programme « Dix moments de vie » pour faciliter le quotidien de tous les Français.
Ensuite, nous entendons améliorer tous les canaux d'accès au service public : numérique, téléphonique - avec l'objectif d'un taux de décroché supérieur à 85 %, et physique. Les démarches numériques essentielles seront rendues systématiquement accessibles aux personnes en situation de handicap, et le nombre de pièces demandées sera limité. Des tutoriels seront proposés.
Enfin, nous poursuivrons nos efforts pour les plus éloignés des démarches administratives : personnes âgées isolées et jeunes en difficulté, avec les 2 600 espaces France Services. Nous allons densifier le bouquet de services proposés et mieux faire connaître ce réseau, qui s'élargira à 1 500 espaces supplémentaires.
Le Gouvernement est pleinement engagé pour faire vivre le lien social à travers des services publics de proximité, permettant à chacun d'accéder à ses droits.
Attaques de loups en Saône-et-Loire
M. Fabien Genet . - Je salue la présidente Gruny, qui fut toujours aussi exigeante que bienveillante.
Depuis trois ans, les troupeaux ovins, caprins et même bovins de mon département sont régulièrement attaqués par des loups. La liste des exploitations touchées s'allonge, de l'Autunois au Charolais. Chaque fois, c'est le même carnage, la même souffrance pour l'éleveur, la même colère pour le territoire.
Le mois dernier, éleveurs, élus locaux et parlementaires de tous bords ont sensibilisé le ministre de l'agriculture, venu sur place. Son sens de l'écoute est à saluer, mais il n'est pas le seul décideur.
Alors que le plan Loup visait la réintroduction d'une population de 500 loups, l'Office français de la biodiversité en recense entre 800 et 1 000 - chiffre sans doute sous-évalué. La population augmenterait de 20 % chaque année.
Le Gouvernement entend-il obtenir la modification du classement de la convention de Berne pour que le loup passe d'espèce strictement protégée à protégée ? Le nombre de loups prélevés ne devrait-il pas augmenter, pour une réelle régulation ? Le Gouvernement reconnaît-il que l'actuel plan Loup n'est pas adapté à un territoire bocager ? A-t-il étudié les conséquences de la prédation du loup sur l'équilibre des écosystèmes ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Notre politique vise à concilier les activités d'élevage et la préservation du loup, espèce strictement protégée. Nous sommes conscients que les attaques répétées sur les troupeaux sont compliquées pour les éleveurs. L'État joue son rôle en indemnisant les éleveurs et en les aidant à mettre en place des mesures de protection. L'année dernière, il a versé 32,7 millions d'euros, pour moitié issus de fonds européens, aux 3 391 éleveurs ayant déposé une demande d'aide.
Les tirs létaux sont un complément aux moyens de protection ; ils sont mobilisables dans la limite d'un plafond annuel. Actuellement fixé à 19 % de la population lupine estimée, il peut être porté à 21 %.
Le prochain plan Loup est en cours d'élaboration. Une attention particulière continuera d'être portée aux nouvelles zones de présence. Sans remettre en cause l'objectif de bon état de conservation de l'espèce, ce plan traitera toutes les dimensions de l'accompagnement des éleveurs et renforcera la coopération avec les pays voisins.
M. Fabien Genet. - Il faut prendre en compte la spécificité des territoires bocagers. Veillons à ne pas mettre en péril l'élevage : il y va de notre souveraineté alimentaire, mais aussi de la biodiversité. La ministre de l'égalité des chances que vous êtes ne doit pas perdre de vue que les chances de la brebis et du loup ne sont pas les mêmes...
La séance est suspendue à 12 h 40.
Présidence de M. Pierre Laurent, vice-président
La séance est reprise à 14 h 30.
Hommage à Léon Gautier
M. le président. - C'est avec une grande émotion que nous avons appris hier la disparition de Léon Gautier, dernier des membres du commando Kieffer, à l'âge de 100 ans. Il avait rejoint Londres à seulement 18 ans dès juin 1940, puis intégré en 1943 le 1?? bataillon de fusiliers marins et commandos. Il avait débarqué le 6 juin 1944 en Normandie avec ses 176 compagnons, les seuls Français à participer au « Jour J ».
Au moment où disparaît le dernier survivant de ce commando mythique, nous souhaitons saluer l'engagement et la mémoire de l'homme que fut Léon Gautier et, à travers lui, la mémoire de l'ensemble des Français qui combattirent pour notre liberté.
Je vous propose d'observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent un moment de recueillement.)
Modification de l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du mercredi 12 juillet, après les questions d'actualité au Gouvernement, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de l'éventuelle commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité.
Il demande également l'inscription à l'ordre du jour du jeudi 13 juillet, avant la suite du projet de loi pour le plein emploi, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.
Acte est donné de ces demandes.
Mise au point au sujet de votes
Mme Jocelyne Guidez. - Lors des scrutins publics nos323 et 324 du 3 juillet 2023, Daphné Ract-Madoux souhaitait voter pour et non s'abstenir. Lors du scrutin public n°325, elle souhaitait voter contre et non pour.
M. le président. - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique des scrutins.
Renforcer la protection des familles d'enfants malades (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité.
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées . - Nous connaissons tous les souffrances et les difficultés que rencontrent les familles dont un enfant est atteint d'une maladie ou d'un handicap ou victime d'un grave accident. En leur nom, je me réjouis de la proposition de loi du député Paul Christophe, adoptée par votre commission.
Beaucoup a été fait ces dernières années pour les enfants en situation de handicap, souvent sur l'initiative du Parlement : loi renforçant la prise en charge des cancers pédiatriques en 2019, loi de reconnaissance des proches aidants, loi pour l'accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique, etc.
Le Gouvernement a lui aussi agi, notamment grâce à l'engagement du ministre François Braun contre les cancers pédiatriques, qui touchent environ 2 500 enfants par an. La stratégie décennale de lutte contre les cancers pour 2020-2030 y consacre une partie de ses mesures.
Mais il faut aller plus loin. Les associations comme la fédération Grandir sans cancer apportent leur aide aux parents, aiguillonnent les pouvoirs publics, proposent des évolutions législatives. Je salue aussi le dialogue avec des associations comme Eva pour la vie, Rose ou Léa.
Je souligne également l'engagement des chercheurs, avec qui M. Christophe a rédigé son texte.
L'allocation journalière de présence parentale (AJPP), dont 10 000 parents bénéficient, sera renforcée par ce texte. Le droit sera ouvert pour la durée du traitement de l'enfant. Grâce au Parlement, depuis 2021 le nombre de jours maximum de perception de l'allocation, qui était de 310 jours, peut être doublé si le traitement nécessite un arrêt total d'activité. Cela concerne 5 % des bénéficiaires.
Le dispositif fonctionne, mais les remontées de terrain font état de grippages et de délais administratifs. C'est pourquoi l'avis du service de contrôle médical de l'assurance maladie devient a posteriori, ce qui favorisera l'accès à la prestation. En cas de renouvellement, l'avis explicite de ce service est supprimé.
La caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) modernise ses pratiques et les adapte aux besoins de la population. Je salue l'action des 35 000 agents des CAF ; la prochaine convention d'objectifs et de gestion de la Cnaf, signée prochainement, garantira un accès plus effectif aux droits.
Les autres mesures répondent aux bouleversements que suscite la survenue d'un handicap, d'une maladie ou d'un accident. En protégeant les parents du licenciement et en favorisant le télétravail, ce texte affirme ce que j'appelle la responsabilité familiale des entreprises. Le rapport collectif au travail change, la composante familiale devient incontournable dans la conciliation avec la vie professionnelle. Le texte allonge également le congé pour deuil d'enfant, annonce de handicap ou d'affection de longue durée. Le Gouvernement déposera un amendement pour étendre la mesure aux agents de la fonction publique.
Le Gouvernement soutient également les expérimentations du terrain, comme celle prévue à l'article 5. Il faut entendre les besoins et attentes des parents et des professionnels. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes UC, RDSE, INDEP et au banc des commissions)
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC) Depuis 2020, nous avons adopté trois textes sur le sujet des familles dont un enfant est touché par un handicap ou une maladie grave. En l'absence de projet de loi global, nous légiférons à nouveau.
Les attentes des familles, exprimées lors des auditions, se résument en un mot : répit. Grâce à ce texte, les parents pourront être plus présents auprès de leur enfant. L'amélioration du congé de présence parentale (CPP) et de l'AJPP est au coeur du texte, pour que le parent puisse interrompre son activité et assister son enfant malade ou handicapé. Je salue la présence en tribunes de M. Paul Christophe, ainsi que l'implication de notre collègue Brigitte Micouleau, que je remercie.
L'article 1er offre une protection contre le licenciement des parents en CPP. Des discriminations, des intimidations inacceptables, fussent-elles rares, restent à déplorer de la part des employeurs. Le législateur devait agir. Cet article rend impossible tout licenciement hors faute grave ou force majeure, sur le modèle de ce qui est prévu pour les femmes en congé maternité. La commission a adopté un amendement qui étend la protection à toute la durée du CPP, périodes de reprise d'activité comprises.
L'article 1er bis porte de deux à cinq jours ouvrables le congé pour annonce de la survenue d'un handicap ou d'une pathologie grave. Le congé pour deuil est allongé de cinq à douze jours, mais la commission a corrigé une incohérence : l'Assemblée nationale n'avait pas modifié le congé spécifique pour le décès d'un enfant de moins de 25 ans, qui était de sept jours. Nous l'avons donc porté à quatorze jours. Le Gouvernement présentera, en concertation avec la commission, un amendement pour étendre la mesure aux agents publics.
L'article 2 simplifie le télétravail pour les salariés aidants. Tout refus de l'employeur devra être motivé. Cet article ne touchera pas les parents aidants dont le métier est incompatible avec le télétravail, ni ceux dont la maladie de l'enfant est incompatible avec toute forme de travail. La commission l'a adopté sans modification.
La loi du 15 novembre 2021 exigeait un certificat pour le renouvellement de l'AJPP, avec accord explicite du service de contrôle médical de l'assurance maladie. Vu les délais d'instruction, l'article 3 supprime cet accord explicite et autorise des avances d'AJPP, pour éviter des pertes de ressources.
Aux termes de l'article 5, la CAF pourra expérimenter en matière d'AJPP, afin notamment d'éviter des ruptures dans les prestations.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a revalorisé l'AJPP et l'allocation journalière de proche aidant (AJPA), mais en prévoyant un écrêtage afin d'éviter des effets d'aubaine pour les non-salariés des professions agricoles et les bénéficiaires d'une allocation chômage. La commission a supprimé cet écrêtage, que rien ne justifiait.
L'article 4 bis protège les allocataires de l'AJPP contre les refus de renouvellement de bail, sur le modèle des dispositions s'appliquant aux personnes de plus de 65 ans aux revenus modestes. La limitation au droit de propriété des bailleurs ne doit pas être surestimée : il y a 11 000 bénéficiaires de l'AJPP, pas tous locataires, et la prestation est versée pendant huit mois en moyenne. La commission a donc voté l'article.
Nous espérons qu'une vaste majorité du Sénat votera ce texte. L'attente des familles est grande. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Éric Gold applaudit également.) L'annonce d'une maladie infantile est un cataclysme, une onde de choc pour les proches. Lutter contre la maladie devient un combat de tous les jours, rythmé par les rendez-vous médicaux et qui réclame souvent la suspension de l'activité professionnelle de l'un des parents.
Ce texte est une avancée majeure, notamment pour tous ceux qui bénéficient de l'AJPP. Il renforce notre politique publique en faveur des aidants, encouragée et soutenue par la majorité présidentielle.
Des obstacles et freins administratifs compliquent la vie des familles. Le texte améliore la reconnaissance des obligations des parents, en permettant d'aménager leur travail - je pense au télétravail -, en renforçant la protection contre le licenciement, en solidifiant leur droit au logement, en améliorant l'accès à l'AJPP et à l'AJPA, avec la suppression de la mesure d'écrêtement.
Je salue le travail du député Paul Christophe et de tous les parlementaires sur ce texte qui a fait consensus à l'Assemblée nationale.
Vous connaissez mon engagement personnel pour les enfants et les personnes en situation de handicap. Les familles doivent se familiariser avec de nombreuses procédures. Près d'un quart des ménages bénéficiaires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) vivent sous le seuil pauvreté. Ce sont souvent des familles monoparentales : le taux de divorce est de 85 %, contre 45 % dans la population générale. Ce texte facilitera leur quotidien.
Je rends hommage au travail remarquable des bénévoles et soignants, qui offrent soutien et joie au quotidien aux enfants malades.
Cette proposition de loi apporte des réponses concrètes et un peu d'humanité à ces enfants. Le RDPI la votera sans hésitation. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que des groupes INDEP et UC)
Mme Annie Le Houerou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'annonce d'une affection de longue durée ou d'une maladie grave, la verbalisation d'un handicap bouleversent la vie des familles. Il faut parfois trouver un nouveau logement, prendre de nombreux rendez-vous. La mère de famille - c'est souvent elle - prend la décision d'arrêter de travailler pour s'occuper de son enfant.
Malgré les dispositifs existants, les parcours sont semés d'embûches, les revenus du foyer diminuent. Les freins administratifs sont nombreux. S'ajoutent au choc le stress et la crainte de perdre son emploi.
Ces difficultés sont exacerbées dans les outre-mer : l'éloignement des services publics, l'accès difficile aux soins contraignent souvent les parents à s'installer en métropole pour soigner leur enfant. Cela implique des congés, des coûts supplémentaires qui aggravent la détresse.
La communauté nationale doit soutenir ces familles, c'est pourquoi nous nous réjouissons de l'adoption de ce texte à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Il permet notamment des avances d'AJPP par la CAF, dans l'attente de l'avis des caisses primaires d'assurance maladie. Il prévoit aussi la suppression de l'accord explicite du service de contrôle médical lors du renouvellement de l'AJPP. Nous saluons l'expérimentation de simplification que certaines CAF pourront mener pendant trois ans.
L'allongement à douze jours du congé pour deuil va dans le bon sens, de même que la protection du droit au logement.
Il faudrait cependant aller plus loin en créant un statut d'employé plus protecteur. Nous regrettons, à cet égard, le rejet de plusieurs de nos amendements, notamment celui qui rétablissait la version initiale, plus protectrice, de l'article 1er. La possibilité de rompre le contrat pour faute grave rassurera les employeurs, un peu moins les salariés...
Nous souhaitons également allonger à dix jours la durée du congé pour annonce d'un handicap ou d'une maladie grave. Même portée de deux à cinq jours, la durée prévue est insuffisante pour absorber le choc.
Une autre avancée est la facilitation du télétravail, qui évite l'isolement. L'aménagement des postes de travail doit être étudié pour toute personne qui le souhaite. Nous proposerons également de rendre obligatoire la notification de ces possibilités par l'employeur au salarié, et que le matériel soit à la charge de l'employeur.
Ce texte bienvenu crée de nouveaux droits et simplifie les démarches. Le groupe SER le votera. Toutefois, la reconnaissance d'un statut des aidants familiaux mérite une grande loi que nous attendons avec impatience, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Face à la maladie d'un enfant, certains parents quittent tout pour s'occuper de lui ; d'autres tentent de trouver des solutions pour continuer de subvenir aux besoins de leur foyer. Ces dernières années, plusieurs textes ont renforcé la prise en charge des cancers pédiatriques et l'accompagnement des enfants malades et de leurs parents. Il faut néanmoins un cadre encore plus protecteur.
En portant la durée du congé d'annonce de deux à cinq jours, ce texte facilite la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Il faudrait une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale, mais c'est déjà une avancée.
Les mesures sur le télétravail sont également positives, de même que l'interdiction du licenciement pendant la période du CPP. Enfin, le texte supprime l'accord explicite du service de contrôle médical et la mesure d'écrêtement pour les indépendants et personnes en recherche d'emploi.
Ces dispositions de justice en appellent d'autres. Nous espérons que les expérimentations lancées dans les CAF permettront d'élargir le nombre de bénéficiaires et le montant des allocations.
Les protections face au bailleur sont également à saluer.
Beaucoup de textes viennent améliorer par petits bouts les droits des familles. Cela compense le renoncement du Gouvernement à proposer une vraie loi sur l'autonomie. La création d'une cinquième branche de la sécurité sociale ne suffira pas à financer la prise en charge de la perte d'autonomie : il faut une mise à contribution des entreprises, des revenus financiers et des plus riches.
En attendant la grande loi sur l'autonomie, le groupe CRCE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe UC ; Mme Brigitte Micouleau applaudit également.)
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'abbé Pierre disait : « Nous sommes tous ensemble responsables, responsables de nous-mêmes et responsables les uns des autres, et c'est cela la grandeur d'être homme. »
Je salue le travail de Paul Christophe, auteur de la proposition de loi, et de la rapporteure Marie-Pierre Richer. Ce texte apporte des solutions de proximité pour faire évoluer nos mécanismes de solidarité.
Les parents, souvent jeunes, doivent faire face à la maladie de leur enfant et l'accompagner. Ils endossent alors plusieurs rôles : parent, soignant, expert administratif, instituteur à domicile. Aux difficultés financières s'ajoute parfois le manque de compréhension de l'employeur.
De nouveaux droits ont été récemment ouverts pour les parents, mais il faut aussi mieux les informer sur les dispositifs existants.
Allongement de la durée des congés, accélération des procédures, simplification du recours des bénéficiaires aux prestations sont à saluer.
La protection contre le licenciement des salariés en CPP, y compris pendant les périodes de reprise de l'activité, est une adaptation bienvenue.
Le texte accorde un niveau de protection identique aux parents en CPP, quel que soit leur choix professionnel.
Le parent qui veut conserver un lien avec le travail et fractionner le congé sera protégé comme celui qui arrête totalement son activité.
Le texte renforce aussi les possibilités de recours au télétravail, ce qui réduira les discriminations et facilitera l'adaptation du monde du travail aux caractéristiques des salariés. Il s'agit de mieux protéger les parents de certains risques socioprofessionnels, pour qu'ils puissent mieux se consacrer à leur enfant.
Nous nous réjouissons aussi de l'allongement de la durée du congé pour annonce de handicap ou de pathologie chronique, nécessaire aux familles pour s'organiser. La loi du 17 décembre 2021 avait ouvert un congé de deux jours, jugé insuffisant par les associations. Ce texte le porte à cinq jours ouvrables, ce qui laissera plus de temps aux parents pour effectuer les démarches. La commission des affaires sociales a porté à quatorze jours la durée du congé pour deuil d'un enfant de moins de 25 ans ou lui-même parent.
L'article 3 permet le versement de l'AJPP dans l'attente de l'avis du service du contrôle médical, ce qui réduira les délais pour la compensation de l'arrêt de l'activité.
Il apparaît prioritaire de garantir la situation des parents locataires : nous saluons les dispositions prévues à l'article 4 pour éviter les refus de renouvellement de bail.
L'article 5 met en oeuvre des expérimentations dans les services des CAF qui gèrent l'AJPP.
Enfin, il ne faut pas oublier les travailleurs indépendants et commerçants : il convenait de les aider à assurer la survie de leur activité économique.
L'outre-mer mérite également notre attention, car une famille ultramarine devra parfois accompagner son enfant malade en métropole. Une pathologie grave peut nécessiter de longues périodes d'hospitalisation. Cette situation crée une rupture d'équité, certaines familles entrant dans la précarité, d'autres en venant même à renoncer aux soins.
Il reste du chemin à parcourir. Ce texte est un premier pas, mais il faudra une stratégie de communication, de sensibilisation et de repérage en direction des aidants. Il convient aussi de structurer les solutions de répit et de les rendre accessibles aux salariés.
Le groupe UC votera ce texte de bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées des groupes INDEP et Les Républicains)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Lorsque nous pensons aux enfants, nous pensons innocence et avenir radieux. La maladie est un invité indésirable qui remplit le quotidien d'incertitude et de peur.
La vie devient rythmée par les hospitalisations et les traitements, ce qui bouleverse la vie sociale et professionnelle des parents. Il faut répondre à leurs besoins spécifiques.
Depuis plusieurs années, le législateur a entrepris de renforcer la protection des proches aidants et des familles. Ce texte s'inscrit dans cette démarche, en assurant une présence parentale sans compromettre la vie professionnelle.
Si le code du travail protège les salariés contre les discriminations, une protection spécifique pour ces parents était nécessaire. Je salue le travail de la rapporteure qui a sécurisé le dispositif d'interdiction de licenciement, à la fois durant le CPP et durant les périodes de reprise.
Je me félicite de la suppression de la condition d'accord explicite du service du contrôle médical de l'assurance maladie pour le renouvellement de l'AJPP.
Il faut renforcer l'information à destination des familles concernées, des entreprises et des hôpitaux pour rendre plus efficace le recours à l'AJPP. Les mesures sur le télétravail sont bienvenues. De même, la suppression de la mesure d'écrêtement ainsi que l'impossibilité de refuser un renouvellement de bail aux familles concernées va dans le bon sens.
L'allongement de la durée du congé en cas d'annonce de maladie grave ou d'affection de longue durée est bienvenu. Il faut reconnaître l'importance de ces premiers instants. Je me félicite de la fixation à quatorze jours de la durée du congé pour deuil d'un enfant de moins de 25 ans. La douleur d'un décès ne sera jamais compensée par des jours supplémentaires, mais ces jours sont nécessaires pour l'accomplissement des démarches.
Pour toutes ces raisons, la totalité du RDSE votera sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions)
Mme Alexandra Borchio Fontimp . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un enfant malade, ce sont des existences mises entre parenthèses. Des millions de nos concitoyens affrontent chaque année les moments les plus difficiles d'une vie de parent. La seule évocation du diagnostic fait planer le spectre d'une souffrance insupportable, voire de la mort.
La construction de l'enfant, la capacité à se projeter dans l'avenir sont rejetées au second plan, la vie est confinée dans le présent. Mais il ne faut jamais baisser les bras, ce qui est très compliqué.
Une fois de plus, nous examinons un texte autour d'un objectif partagé. Malgré l'anarchie de nos finances publiques qui a abouti à une dette explosive, il y a des choix politiques qui sont des obligations morales. Comment expliquer à ces parents anxieux qu'on ne peut pas faire plus, ni mieux ?
Soyons fiers de ce texte. Marraine de l'association Adrien, je m'exprime en tant que témoin du calvaire que vivent ces familles. Les parents demandent à être compris. Pour ces familles, c'est la double peine : il faut affronter le mal, gérer ses émotions, tout en posant des jours de congé. Face à de tels drames, ne voudriez-vous pas être présents 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 auprès de votre enfant ?
Il aura fallu attendre 2020 pour qu'un droit au congé en cas de décès d'un enfant de moins de 25 ans soit reconnu : sept jours pour faire face au choc et accomplir les démarches nécessaires. Difficile de faire moins !
Il aura fallu attendre 2021 pour que la maladie chronique ou invalidante, ou le cancer de l'enfant ouvrent droit à l'AJPP ; et le 15 novembre de la même année pour que le congé puisse être renouvelé. Comme si avant cette date, la maladie était à durée limitée !
Je remercie la rapporteure pour son travail rigoureux. Je voterai ce texte qui adapte le monde du travail aux difficultés que vivent ces familles et protège les salariés en CPP contre le licenciement ; c'était l'un des articles de ma proposition de loi. Il permet un parcours simplifié pour les familles. Je salue l'adoption de l'amendement de Marie-Pierre Richer qui corrige un oubli dommageable concernant les parents d'un enfant qui viendrait à décéder.
Face à la maladie d'un enfant, la solidarité s'impose à tous. En France, on compte chaque année 1 800 à 2 000 nouveaux cas de cancers pédiatriques. Si les trois quarts guérissent, et c'est heureux, un enfant sur quatre ne guérira pas, malgré les traitements. N'attendons pas d'y être confrontés pour faire évoluer notre législation.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions) L'annonce de la maladie, du handicap ou de l'accident grave d'un enfant, souvent brutale, est dévastatrice. Le quotidien bascule. Les parents doivent tenir bon, malgré le chagrin et l'inquiétude. Ils endossent le rôle de proches aidants, pour une durée variable. Cela percute leur vie intime, sociale et professionnelle. À nous d'adapter le monde du travail à ce drame.
Après la loi du 17 décembre 2021 qui a allongé la durée du congé pour annonce de maladie grave, ce texte apporte une aide pratique aux parents, souvent obligés de cesser leur activité et confrontés à de longues et complexes démarches administratives. Elle simplifie l'accès à l'AJPP, allonge les congés, protège les salariés du licenciement et facilite le recours au télétravail. Ces avancées concrètes ont été confortées par le Sénat. Je salue le travail de la rapporteure et de Paul Christophe, tout en regrettant l'absence d'un grand texte sur les proches aidants.
Je souligne l'engagement au long cours du Parlement pour soutenir les aidants familiaux, qui fait écho aux demandes des associations qui accompagnent les familles au quotidien. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions)
Mme Mélanie Vogel . - Cette proposition de loi contient de nombreuses mesures bienvenues, de l'allongement des congés spéciaux au droit au renouvellement d'un bail, en passant par l'interdiction de licenciement. Ces mesures aident ceux qui aident.
Je remercie les députés Christophe et Marcangeli ainsi que la rapporteure Marie-Pierre Richer.
Convaincus que nous pouvons aller plus loin, nous défendrons des amendements sur la suspension du paiement des échéances d'un crédit immobilier pour les aidants, car les charges courantes grèvent le budget des familles, ou pour introduire une compensation pour les salariés qui accompagnent l'enfant aidé et dont le trajet est de facto allongé.
Nous voterons les propositions du groupe SER, notamment l'amendement n°5 qui protège de l'accusation d'abandon de poste.
L'objectif est toujours de mieux protéger et accompagner les aidants. Nous proposerons également de les exonérer d'une mesure temporaire d'augmentation du temps de travail hebdomadaire, car l'obligation d'aider un enfant ne peut être reportée.
Le télétravail est utile mais ne concerne pas tous les postes de travail. Pour les salariés qui ne peuvent y recourir, comme les caissières, il faut pouvoir adapter le nombre d'heures hebdomadaires.
L'avenir de ces enfants, leur capacité à apprendre, à jouer, à rêver, à se projeter dans le monde ne repose pas uniquement sur leurs familles, mais sur la République, sur l'adaptation de la société à tous et à toutes, sur l'égalité des droits, le refus des discriminations et l'affirmation d'une égale dignité. Ce sont souvent les femmes qui assument majoritairement les contraintes de l'accompagnement des enfants. C'est par des services publics de qualité que nous garantirons l'égalité des droits.
Ce texte se limite aux parents, mais d'autres proches peuvent jouer le rôle d'aidant, selon les cas. Il faut les prendre en compte.
Le GEST votera cette proposition de loi sans réserve et attend avec impatience la grande loi sur l'autonomie. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes SER, RDPI, UC et CRCE, ainsi qu'au banc des commissions)
Mme Béatrice Gosselin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'annonce de la maladie ou de l'accident grave d'un enfant est un tsunami pour sa famille. Cette proposition de loi ouvre de nouveaux droits pour créer, enfin, un statut du parent aidant. Ainsi, le congé pour annonce est porté à cinq jours et nous interdisons le licenciement d'un salarié pendant toute la durée du CPP.
L'article 2 précise qu'un aménagement en télétravail est possible, et contraint l'employeur à motiver un éventuel refus.
L'AJPP est une prestation indispensable. Le CPP étant limité à vingt-deux jours ouvrés par mois, pour une durée maximale de trois ans, l'article 3 facilite le renouvellement des droits si nécessaire. Un cancer pédiatrique nécessite souvent un accompagnement plus long. Désormais, l'accord du service de contrôle médical sera implicite, pour simplifier les démarches administratives.
La revalorisation de l'AJPP, indexée sur le Smic, est bienvenue. À l'article 4, la rapporteure a supprimé les écrêtements, car l'effet d'aubaine redouté n'était pas démontré, et par souci de simplification.
L'article 4 bis interdit au propriétaire de refuser le renouvellement d'un bail à des parents aidants dans le cadre d'un congé pour vente ou reprise, sur le modèle de l'exception prévue pour les plus de 65 ans sous plafond de ressources. Mais cela peut mettre en difficulté un bailleur avec des revenus modestes.
L'expérimentation proposée à l'article 5 vise à adapter les modalités du complément mensuel pour frais. Cette aide financière spécifique est conditionnée au montant des dépenses mensuelles et aux ressources du ménage. La nouvelle rédaction déroge à ces conditions. Nous verrons, lors du bilan d'évaluation, si c'est opportun.
Il était temps de faire évoluer notre cadre législatif pour aider les familles touchées par la maladie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions)
Discussion des articles
ARTICLE 1er
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Rédiger ainsi cet article :
Le paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 4 du chapitre V du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1225-65-... ainsi rédigé? :
« Art. L. 1225-65-.... - L'employeur ne doit pas prendre en considération l'état de sante?, qui nécessiterait un conge? quel qu'il soit pour maladie grave ou accident, d'un enfant a? charge pour rompre le contrat de travail du salarié, y compris au cours d'une période d'essai ou, sous réserve d'une affectation temporaire réalisée dans le cadre des dispositions des articles L. 1225-7, L. 1225-9 et L. 1225-12, pour prononcer une mutation d'emploi. Il lui est également interdit de rechercher ou de faire rechercher toute information concernant l'état de sante? des enfants de l'intéressé?. »
Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement renforce la protection des parents en interdisant tout licenciement pendant la durée du CPP, y compris pendant la période d'essai.
L'Assemblée nationale a voulu rassurer les employeurs en autorisant le licenciement en cas de faute grave. C'est moins protecteur, la faute grave ou le motif économique étant parfois un simple prétexte. Revenons à la rédaction initiale. Plus largement, je suis favorable à la définition d'un statut des aidants familiaux, comme le prévoit la loi d'adaptation de la société au vieillissement.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Cet amendement viderait le dispositif de sa substance. La rédaction initiale permettait à un salarié déjà licencié de faire annuler son licenciement, ex post, s'il était lié à l'état de santé de son enfant. L'article 1er permet, au contraire, une véritable protection ex ante, fondée sur des caractéristiques objectives. La protection ne s'applique pas en cas de faute grave ou de force majeure, comme dans le cas de la maternité. Avis défavorable.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - Le Gouvernement est favorable à la rédaction de l'Assemblée nationale. Votre proposition n'est pas plus protectrice et affaiblit au contraire l'article. Alignons la rédaction sur celle liée aux congés de parentalité. Avis défavorable.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1225-4-4. - Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant un congé de présence parentale prévu à l'article L. 1225-62 ainsi que pendant les périodes travaillées si le congé de présence parentale est fractionné ou pris à temps partiel.
L'amendement rédactionnel n°12, accepté par la commission, est adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
ARTICLE 1er BIS
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 5
Remplacer le mot :
Cinq
par le mot :
Dix
Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement porte à dix jours la durée du congé pour annonce de la survenue d'un handicap ou d'une pathologie chronique. Cinq jours, c'est encore trop court pour encaisser le choc, adapter son quotidien, apprendre à gérer le traitement, voire rechercher un logement adapté. Aidons les parents concernés dans ce combat en leur évitant de devoir prendre des congés sans solde.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Le texte porte ce congé de deux à cinq jours. Il serait prématuré de quintupler le congé existant. Évaluons déjà les conséquences de l'allongement à cinq jours. Les associations ne demandent pas une telle augmentation ; elles souhaitent surtout une application rapide de la loi. Avis défavorable.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - Ce congé a déjà été allongé à cinq jours. La durée des congés pour événement familial relève aussi du dialogue social, et les entreprises sont aujourd'hui davantage soucieuses de l'articulation entre vie professionnelle et familiale.
Un tel amendement viendrait bouleverser les équilibres trouvés par les partenaires sociaux. Évaluons d'abord l'impact de ces changements. Évitons d'introduire une hiérarchie, par la durée du congé, entre des événements de la vie qui sont tous douloureux. Avis défavorable.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :
1° La seconde phrase de l'article L. 622-1 est ainsi rédigée : « Ces autorisations spéciales d'absence sont sans effet sur la constitution des droits à congés annuels et ne diminuent pas le nombre des jours de congés annuels. » ;
2° L'article L. 622-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « douze » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- les mots : « sept jours ouvrés » sont remplacés par les mots : « quatorze jours ouvrables » ;
- après la première occurrence du mot : « ans », sont insérés les mots : « et quel que soit son âge si l'enfant décédé était lui-même parent » ;
- les mots : « le fonctionnaire » sont remplacés par les mots : « l'agent public » ;
c) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
- au début, sont insérés les mots : « Dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article, » ;
- les mots : « , dans les mêmes conditions, » sont supprimés.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - Cet amendement, travaillé avec la rapporteure, étend le bénéfice de l'article 1er bis aux agents de la fonction publique, et assure un traitement identique des autorisations spéciales d'absence liées à la parentalité et au décès d'un enfant. Il précise que l'ASA ne réduit pas le nombre de jours de congés annuels.
M. le président. - Amendement identique n°14, présenté par Mme Richer, au nom de la commission.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Avis favorable. Merci au Gouvernement d'avoir levé le gage.
Les amendements identiques nos13 et 14 sont adoptés.
L'article 1er bis, modifié, est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le deuxième alinéa du I, il est inséré? un alinéa ainsi rédigé? :
« Lorsque le salarie? déclare devoir prendre soin d'un proche, un parent ou un enfant malade ou en situation de handicap ou victime d'un accident grave, l'employeur est dans l'obligation d'informer le salarie? de la possibilité? d'un aménagement du poste de travail sous forme de télétravail. » ;
Mme Annie Le Houerou. - Pour les aidants, la possibilité de télétravailler assure une forme de continuité de la vie professionnelle, facilite le quotidien et allège un certain nombre de contraintes.
Cet amendement sécurise ce droit en prévoyant la notification obligatoire par l'employeur de la possibilité de télétravailler au salarié concerné. Pour les emplois non télétravaillables, dans le BTP ou la restauration par exemple, il faut imaginer d'autres solutions, comme l'aménagement du temps de travail.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - En ne précisant pas que l'obligation d'informer le salarié de la possibilité de télétravailler ne vaut que dans les cas où le télétravail est matériellement possible, soit le tiers des emplois, on laisse planer un risque juridique. Avis défavorable.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - L'article 2 facilite le recours au télétravail pour les parents d'enfants malades. Les conditions d'accès au télétravail sont déterminées par des accords collectifs ou des chartes. Un employeur doit motiver un éventuel de refus de télétravail pour un salarié aidant.
Depuis la crise sanitaire, le recours au télétravail est devenu massif : inutile de prévoir une obligation d'information, d'autant que vous ne précisez pas les modalités. Avis défavorable.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 5
Rétablir le II dans la rédactions suivante :
II. - L'article L. 1222-11 du code du travail est complété? par un alinéa ainsi rédigé? :
« Pour les parents dont l'enfant a? charge est atteint de maladie grave, de handicap ou d'un accident d'une particulière gravite?, le matériel nécessaire au télétravail est a? la charge de l'employeur afin de garantir aux télé?-travailleurs l'accès matériel adapte? a? la pratique du télétravail. »
Mme Annie Le Houerou. - De nombreux parents, surtout des mères, sont forcés de réduire ou d'interrompre leur activité pour s'occuper de leur enfant. Le télétravail peut être une solution, mais encore faut-il disposer du matériel nécessaire. Cet amendement garantit à ces parents un poste de télétravail dont l'équipement serait à la charge de l'employeur.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Alinéa 5
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. - La section 3 du chapitre II du titre II du livre II de la première partie de la partie législative du code du travail est ainsi rétablie :
« Section 3
« Modification du contrat de travail pour réduction du temps de travail
« Art L. 1222-7 - Le salarié aidant d'un enfant, d'un parent ou d'un proche peut demander par tout moyen à son employeur une réduction du nombre d'heures stipulé au contrat de travail qui ne peut pas être inférieure à 32 heures par semaine. L'employeur accuse la réception de la demande et doit s'y conformer au plus tard deux mois après sa réception. »
Mme Mélanie Vogel. - Il s'agit d'autoriser une diminution de la durée hebdomadaire de travail à 32 heures pour les salariés qui ne peuvent télétravailler. Le télétravail n'est pas la solution pour tout le monde : voyez les caissières, les chauffeurs... Évitons une rupture d'égalité.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°3 est déjà satisfait : l'employeur a une obligation générale de prendre en charge les frais de matériel nécessaire au télétravail, pour tous les salariés. Avis défavorable.
La rédaction de l'amendement n°6 pose problème : elle vise la réduction du temps du travail, non le temps de travail lui-même. Un salarié à 35 heures obtiendrait une réduction de 32 heures ! Avis défavorable, au vu du risque juridique. Au demeurant, l'amendement ne prévoit aucune possibilité de refus, même temporaire. Non concerté, non évalué, il semble excessivement prescriptif.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°3, déjà satisfait. Les employeurs sont tenus de prendre en charge les frais liés au télétravail, souvent sous la forme d'une allocation forfaitaire.
L'amendement n°6 est également satisfait. Avis défavorable. Dans le cadre du CPP, le parent dispose d'une réserve de jours ; depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, le congé peut être fractionné en demi-journées. Les salariés peuvent aussi solliciter un temps partiel, sans condition d'ancienneté, grâce à un avenant au contrat de travail - le refus de l'employeur devant être motivé par des impératifs liés au fonctionnement de l'entreprise. Enfin, les proches d'une personne handicapée bénéficient, à leur demande, d'un aménagement d'horaires individualisé. Retrait ?
L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°6.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
.... - L'article L. 3121-44 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'accord peut prévoir d'exempter les salariés aidant d'un enfant, d'un parent ou d'un proche des aménagements du temps de travail ayant pour conséquence une augmentation de la durée hebdomadaire du travail. »
.... - L'article L. 3121-45 dudit code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La répartition mise en place selon les conditions fixées au premier alinéa ne peut pas avoir pour conséquence d'augmenter la durée hebdomadaire du travail des salariés aidant d'un enfant, d'un parent ou d'un proche. »
Mme Mélanie Vogel. - Pour des raisons économiques, en période de forte activité, l'employeur peut augmenter le temps de travail hebdomadaire de ses salariés. Or il est difficile pour les parents d'un enfant malade de s'adapter. Nous les excluons donc de ce dispositif.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Les accords collectifs peuvent déjà exempter les salariés des aménagements ayant pour conséquence une augmentation de la durée hebdomadaire du temps de travail. Avis défavorable. Votre proposition, par ailleurs non concertée avec les partenaires sociaux, s'impose à tous les salariés, alors que certains peuvent être volontaires. En droit du travail, la concertation est préférable aux obligations générales et absolues.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - Nous risquons, en mentionnant une catégorie de salarié spécifique, d'exclure les autres, qui pourraient avoir un intérêt objectif à bénéficier de telles dispositions. Par ailleurs, les aménagements d'horaires individualisés pour les proches aidants sont déjà possibles. Avis défavorable.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1237-1-1 du code du travail est complété? par un alinéa ainsi rédigé? :
« Les dispositions du présent article ne concernent pas le salarie? ayant du? s'absenter de son poste ou suspendre son activité? professionnelle en raison de l'état de sante? d'un enfant a? charge tel que précisé? a? l'article L. 544-1 du code de la sécurité? sociale. »
Mme Annie Le Houerou. - Nous voulons corriger un effet néfaste de la loi du 21 décembre 2022 réformant l'assurance chômage. L'absence au travail de parents qui viennent d'apprendre la maladie ou l'accident de leur enfant ne saurait être considérée comme un abandon de poste.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - La très grande majorité des parents concernés préviennent leur employeur ! Les cas d'abandon de poste sont très rares. En outre, la présomption de démission ne s'applique qu'après un délai de quinze jours, durée suffisante pour faire valoir son droit à CPP. Avis défavorable.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - La procédure de mise en demeure préalable a pour objet de vérifier que le salarié n'a pas de motif légitime d'absence. Le salarié qui s'est absenté en raison de l'état de santé de son enfant n'est, par définition, pas en abandon de poste.
Cet amendement créerait des a contrario en laissant penser que la présomption s'applique dans tous les autres cas. Avis défavorable.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article L. 3121-5 du code de travail, après le mot : « handicap », sont insérés les mots : « ou pour le salarié exerçant la responsabilité parentale d'un enfant atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité ».
Mme Mélanie Vogel. - En raison de l'inadaptation de nos trottoirs ou transports en commun, le temps de trajet pour aller au travail peut être plus long pour les parents qui accompagnent un enfant malade ou handicapé. Les salariés handicapés bénéficient déjà de mesures de compensation ; nous les élargissons aux parents aidants.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Le dispositif de l'amendement ne mentionne pas les raisons de cette compensation. L'amendement est trop imprécis pour être fonctionnel. Avis défavorable.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - L'intention est louable, mais cette extension n'est pas pertinente. Certes, les parents aidants rencontrent des contraintes très lourdes dans leur vie quotidienne, mais d'autres dispositifs existent, comme les aménagements du temps de travail sous forme d'horaires individualisés. Avis défavorable.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le troisième alinéa de l'article L. 3142-19 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, l'allocation journalière du proche aidant mentionnée à l'article L. 168-8 du code de la sécurité sociale peut faire l'objet d'une avance. »
Mme Mélanie Vogel. - Cet amendement prévoit le versement d'une avance sur le versement de l'AJPA, comme c'est prévu pour l'AJPP. Les délais de traitement sont parfois de plusieurs mois.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Avis favorable. Cela évitera les ruptures de ressources des familles en situation d'urgence.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - Je rappelle que le versement de l'AJPA est conditionné à la prise d'un congé proche aidant. L'AJPA n'est pas concernée par la mesure introduite à l'Assemblée nationale pour l'AJPP, qui a effectivement allongé le délai de versement en imposant l'avis du service médical. Avis défavorable.
L'amendement n°9 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
L'article 4 est adopté.
ARTICLE 4 BIS
L'amendement n°10 est retiré.
L'article 4 bis est adopté.
L'article 5 est adopté.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée. (Applaudissements)
M. Xavier Iacovelli. - Bravo !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. - Je me félicite de l'adoption de ce texte, en espérant que la CMP retiendra la rédaction du Sénat. Je remercie Paul Christophe pour la fidélité de son engagement auprès des familles, Marie-Pierre Richer pour la qualité de son rapport, ainsi que M. le ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; M. Bernard Jomier applaudit également.)
La séance est suspendue quelques instants.
Sécuriser et réguler l'espace numérique (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.
Discussion générale
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications . - L'insécurité que rencontrent nos concitoyens sur internet sape leur confiance dans la transition numérique. Nous sommes tous concernés. Les plus modestes, les plus âgés, victimes privilégiées des cybercriminels ; nos enfants, exposés précocement à des contenus inappropriés ; nos entreprises, sous le joug des géants du numérique ; notre démocratie, en butte aux coups de butoir des professionnels de la désinformation.
Face aux désordres, la France agit résolument depuis cinq ans. Au niveau national, avec des initiatives parlementaires sur la protection des mineurs ou la lutte contre la désinformation. Au niveau européen, avec deux règlements majeurs, adoptés sous présidence française. Au niveau international, avec les initiatives multipartites lancées par le Président de la République qui contribuent à éveiller la conscience mondiale.
Ce projet de loi poursuit le même objectif d'instaurer un ordre public numérique et de créer des protections nouvelles.
Il s'est formé à partir de trois affluents. Le premier, ce sont les deux règlements européens adoptés l'année dernière qui, bien que d'application directe, nécessitent de modifier notre droit. Le règlement sur les services numériques (Digital Services Act, ou DSA) fait rentrer les plateformes de réseaux sociaux dans l'ère de la responsabilité - les récents événements montrent que c'était urgent. Le règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act, ou DMA) rétablit une forme d'équité commerciale, pour mettre fin à des d'abus de position dominante. Vingt-six pratiques anticoncurrentielles seront interdites.
Deuxième affluent : les travaux du Sénat. Je pense au rapport de Mmes Billon, Borchio-Fontimp, Cohen et Rossignol sur la pornographie, au rapport de Mmes Primas, Gacquerre, M. Montaugé sur la souveraineté numérique, au rapport de Mmes Morin-Desailly, Blatrix Contat et M. André Gattolin sur le règlement sur les données, dont nous reprenons nombre de propositions.
Troisième affluent : les consultations menées lors du Conseil national de la refondation (CNR), qui ont inspiré certaines mesures, notamment en matière de lutte contre le cyberharcèlement.
Trois mesures fortes visent à protéger nos concitoyens.
Le filtre anti-arnaques préviendra les internautes en cas d'hameçonnage. Qui n'a pas reçu un jour un mail frauduleux émanant du compte personnel de formation ou de la sécurité sociale ? L'année dernière, dix-huit millions de nos concitoyens ont été victimes d'escrocs en ligne. Les plus fragiles, les plus éloignés du numérique, sont les premières victimes de l'usurpation d'identité. Avec ce filtre, nous agissons à la racine du mal.
La peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux de six mois - un an en cas de récidive - est prévue pour les auteurs de cyberharcèlement et de violences en ligne, qui se comportent parfois en chefs de meute.
En nous inspirant de la peine complémentaire d'interdiction de stade, nous voulons couper le mal à la racine en privant les chefs de meute de leur caisse de résonance et en empêchant la récidive. Je salue à cet égard son extension par Loïc Hervé.
Troisième mesure de protection, un régime encadrant les nouveaux jeux en ligne fondés sur la technologie du Web3, pour protéger les mineurs et lutter contre le blanchiment d'argent et le terrorisme. Je salue sur ce point la législation directe écrite par Patrick Chaize - la copie initiale prévoyait une ordonnance.
Au chapitre de la protection des mineurs, nous donnons à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) la possibilité d'ordonner le blocage, le déréférencement et une amende pour les sites pornographiques qui ne vérifient pas l'âge des utilisateurs, en application de la loi du 30 juillet 2020. Le tribunal judiciaire de Paris rend un jugement vendredi, cela concernera donc les affaires à venir.
Ainsi, nous irons plus vite et plus fort. Nous prévoyons également une amende de 250 000 euros pour les hébergeurs qui n'enlèveront pas leurs contenus pédopornographiques sous 24 heures, à l'instar des contenus terroristes : 74 000 contenus ont été signalés en 2022.
Nous protégeons également nos entreprises en encadrant les avoirs commerciaux dans le domaine de l'information nuagique - le cloud. Il faut en finir avec la loi du plus fort. Avec Bruno Le Maire, nous sommes très sensibles à la souveraineté numérique. Ainsi, nous rendrons un peu d'air à nos entreprises.
Nous protégeons aussi nos collectivités, avec une expérimentation regroupant cinq d'entre elles et cinq plateformes visant à faire respecter le plafond de 120 unités via un interlocuteur unique.
Enfin, nous protégeons notre démocratie : l'Arcom pourra mettre en demeure et ordonner le blocage de médias sanctionnés, comme RT France ou Sputnik. En effet, les ennemis de la démocratie dévoient la liberté d'expression.
Ce projet de loi a vocation à être enrichi par le Parlement et en particulier par le Sénat. Deux lignes rouges demeurent toutefois : en premier lieu, le respect des compromis auxquels la France est parvenue à l'échelle européenne, notamment sur le DSA et le DMA. Les sanctions ne seront dissuasives que si elles sont européennes. Ensuite, il faut préserver nos libertés fondamentales - expression, information, communication. Je compte sur le Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe UC et au banc des commissions ; M. Bruno Belin applaudit également.)
M. Pierre Laurent. - Monsieur le ministre, je salue la présence à vos côtés de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance.
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission spéciale . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Le constat est partagé : il n'est plus possible d'imaginer la vie sans internet. Le numérique a changé, sans retour possible, nos manières de penser et de voir le monde. Formidable vecteur de transparence, internet donne un nouveau champ d'action à certaines dérives : criminalité, harcèlement, arnaques.
Il faut faire du continent internet un lieu plus sûr pour les plus vulnérables. Sécuriser l'espace numérique, c'est garantir le respect des règles qui s'appliquent au quotidien. La liberté n'est pas une excuse pour se livrer à la haine ou exposer nos enfants à des contenus illicites.
Le DSA a permis de grandes avancées. Le Gouvernement a voulu aller plus loin, notamment sur l'interdiction d'accès des mineurs aux contenus pornographiques.
Le Sénat apporte sa pierre à l'édifice, monsieur le ministre, si bien que nous avons enrichi le texte, en bonne intelligence avec les acteurs concernés et en dépit des délais trop brefs. Les articles 1er et 2 prévoient la définition par l'Arcom d'un référentiel de vérification d'âge. Nous l'approuvons, comme les nouveaux pouvoirs de l'Autorité, qui aideront à massifier la réponse contre la prolifération des contenus pédopornographiques.
Pour renforcer la solidité du dispositif, nous avons fusionné la mise en demeure et la sanction. Après la mise en demeure, l'Arcom pourrait demander des mesures de blocage et de déréférencement aux fournisseurs d'accès à internet et aux moteurs de recherche.
Nous étendons la peine complémentaire de bannissement à ceux qui intimident les élus, dans notre rôle de défenseurs de la démocratie locale. Je vous proposerai la mise en oeuvre d'un délit d'outrage en ligne passible d'une amende forfaitaire délictuelle (AFD), et souhaite, monsieur le ministre, que nous allions plus loin sur la plainte en ligne. Nous enverrons un message clair à ceux qui pensent que l'écran les protège de la loi : ce qui est interdit dans le monde réel l'est en ligne.
Nous débattrons des émeutes suivant la mort du jeune Nahel, prétexte aux violences les plus abjectes, contre les élus notamment, lâchement attaqués. Les réseaux sociaux les ont démultipliées.
Je ne doute pas que nous en débattrons, sans tabou, mais sans nous éloigner de l'État de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission spéciale . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.) Ce projet de loi, sous couvert d'un vernis médiatique, est un projet de loi adaptant les dispositions du droit de l'Union européenne, un Daddue qui ne dit pas son nom. Il est toutefois très attendu par les citoyens ou les entreprises. Nous regrettons le manque de concertation, mais la navette parlementaire est encore longue.
Le projet de loi permet de nous adapter à plusieurs règlements européens sur l'environnement numérique, avec la protection en son coeur. Les actes de cybermalveillance sont désormais, tristement, monnaie courante, mais nous ne devrions pas nous habituer au piratage de nos comptes ou à l'usurpation de notre identité en ligne. C'est pourquoi nous avons renforcé le dispositif national de filtrage des sites frauduleux prévu à l'article 6.
Il faut apaiser et protéger. L'actualité de ces derniers jours nous a marqués. Les réseaux sociaux massifient les appels à la violence à l'égard des élus ou des installations publiques. Nous devons apporter une réponse ferme à leur passivité. Au-delà des réunions bien-pensantes, il faut agir. C'est pourquoi j'ai déposé, à titre individuel, un amendement visant à responsabiliser les réseaux sociaux dans la modération des appels à la violence.
Nous devons nous attaquer aux problématiques économiques pour favoriser des solutions souveraines. L'entrée sur le marché de l'informatique en nuage est facile, grâce à l'octroi de « crédits cloud ». Nous les avons plafonnés à un an. La sortie l'est beaucoup moins, les acteurs dominants ayant mis en place des frais de sortie, péages s'apparentant à de la facturation abusive. Nous les avons autorisés, sous réserve qu'ils soient facturés à des coûts réels sous le contrôle de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse).
Nous devons néanmoins permettre et anticiper les innovations numériques afin de n'en tirer que le meilleur. J'ai donc souhaité réécrire intégralement l'article 15 - une ordonnance était inacceptable - sur les jeux à objets numériques monétisables (Jonum). Nous avons proposé une première définition et les avons autorisés à titre expérimental pendant trois ans sous le contrôle de l'Autorité nationale des jeux (ANJ).
Nous avons également renforcé les pouvoirs du Pôle d'expertise de la régulation numérique (PEReN), afin de mieux comprendre les logiques de fonctionnement des plateformes et des moteurs de recherche.
La France doit demeurer avant-gardiste et continuer à être plus exigeante face aux grands acteurs du numérique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)
Mme Florence Blatrix Contat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La révolution numérique transforme nos sociétés : 40 % des vingt plus grandes entreprises mondiales ont pour modèle économique le capitalisme des plateformes. Nos démocraties sont inondées de fake news et d'algorithmes opaques.
Il était temps d'agir. Nous saluons l'action de l'Union européenne pour réguler cette jungle numérique. L'interdiction par le DSA de la publicité ciblée vers les mineurs, comme les mesures du DMA contre les pratiques anticoncurrentielles, sont une bonne chose.
Avec Catherine Morin-Desailly, nous avions porté l'ambition du Sénat. Certaines de nos propositions ont été retenues, comme la meilleure prise en compte des écosystèmes des plateformes ainsi que l'inclusion des plus grands moteurs de recherche dans le périmètre des obligations ou l'interdiction de la publicité ciblée pour les mineurs. (Mme Catherine Morin-Desailly le confirme.)
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui adapte ces règlements européens et anticipe le règlement sur les données, ou Data Act.
Sur la forme, les délais sont très courts. Faute de concertation, le texte n'est pas abouti, mais je salue le travail des rapporteurs.
Concernant le volet économique, le projet de loi propose de remédier aux dysfonctionnements du marché de l'informatique en nuage, dont les enjeux sont énormes, notamment en matière de souveraineté. Si le marché numérique européen doit passer de 53 milliards d'euros en 2020 à 560 milliards en 2030, 80 % de la croissance est captée par trois acteurs américains, qui ont totalement verrouillé le marché. Les acteurs européens sont relégués dans une niche, de 27 % de part de marché en 2017 à 13 % en 2022. Face à ce rouleau compresseur, nous proposons d'aller plus loin dans l'encadrement des crédits cloud et contre les freins à l'interopérabilité des données.
Il faut plus de transparence contre l'extraterritorialité, qui permet à certains États d'accéder à des données sensibles. Les utilisateurs de cloud doivent savoir où sont leurs données, qui y accède et comment elles sont utilisées.
Les années à venir seront déterminantes. Il faut mobiliser l'ensemble des parties prenantes. Notre pays doit reprendre la main sur son destin numérique : plus qu'une régulation, il faut une impulsion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Bravo !
M. Pierre Ouzoulias . - Comme tous les ans depuis dix ans, nous examinons un texte sur le numérique. Mais la loi sur la confiance dans l'économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004, dernier grand texte sur ce sujet, n'a été suivie que de rustines comme les articles 36 à 46 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui suivaient la censure quasi-totale de la loi du 24 janvier 2020 contre la haine en ligne.
Cette stratification pourrait ravir l'archéologue que je suis, mais notre législation s'en trouve de moins en moins intelligible. Ce foisonnement législatif amphigourique marque le renoncement de l'État à une stratégie nationale globale.
En matière juridique, il serait peut-être utile de mettre en chantier un code du numérique. Dans l'immédiat, nous en sommes à nouveau réduits à adapter des règlements européens, travail déjà réalisé pour l'essentiel par la loi confortant le respect des principes de la République.
Certains craignent des freins à l'innovation. Pour ma part, j'ai confiance dans le discernement des utilisateurs, qui préféreront des systèmes leur donnant la maîtrise de leurs données. Je regrette ainsi que l'article 8 consacre une responsabilité limitée des hébergeurs. Dans la résolution européenne du Sénat du 14 janvier 2022, Florence Blatrix Contat et Catherine Morin-Desailly avaient vivement déploré l'absence de remise en cause de ce principe. (Mme Catherine Morin-Desailly le confirme.)
Monsieur le ministre, il serait de bonne politique que vous engagiez, avec la représentation nationale, une réflexion de fond sur la responsabilité des hébergeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées des groupes SER et UC)
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions) J'interviens au nom du groupe UC et comme présidente de la commission spéciale. Je remercie les rapporteurs qui, sur ce projet de loi protéiforme et dans des délais resserrés, ont montré un effort exceptionnel, avec 66 amendements améliorant ce texte.
Ancienne présidente de la commission de la culture, et comme membre de la commission des affaires européennes, j'alerte depuis longtemps sur le risque de dépendance de l'Union européenne, condamnée à devenir une colonie du monde numérique faute d'une stratégie globale et offensive. J'espère ne pas subir la malédiction de Cassandre, condamnée par Apollon à voir ses oracles ignorés.
Gageons que nous rattraperons notre retard.
Les travaux du Sénat n'ont jamais remis en cause les potentialités d'internet. Nous constatons cependant, chaque jour, des dérives et des menaces croissantes, y compris étrangères. Il suffit de voir les terribles événements montrant que les réseaux sociaux sont souvent asociaux, faisant monter, par le jeu des algorithmes opaques, l'incitation à la violence.
Les travaux de la commission de la culture sur la désinformation et le cyberharcèlement et ceux de la délégation aux droits des femmes sur l'industrie pornographique ont montré les ravages d'une absence de régulation d'internet sur les jeunes.
Nous mesurons la mainmise de grands acteurs extra-européens, prédateurs aux profits insensés qui ont verrouillé le marché.
Trop longtemps, le « réseau des réseaux » n'a été envisagé que par ses usages, sans se demander si nous en serions acteurs. Il suffirait de nous caler sur la législation américaine et la directive e-commerce de 2000. Quelle erreur ! Malgré les affaires Snowden et Cambridge Analytica, c'est la guerre en Ukraine qui a été l'électrochoc.
Après le règlement général sur la protection des données (RGPD), l'adoption du DSA et du DMA est une étape importante, comme l'ont dit la commission des affaires européennes et la commission d'enquête TikTok. Il faudra aller plus loin et donner aux plateformes une véritable responsabilité, mais nous devons saluer les efforts de Thierry Breton et leur adoption sous la présidence française de l'Union européenne.
Ce texte est ambitieux et nous vous en faisons crédit, monsieur le ministre. Je pense notamment à l'application par anticipation du Data Act sur le cloud : trois acteurs américains captant 70 % des parts du marché mondial, qui représentera plus de 1 200 milliards d'euros en 2025.
Il faut une doctrine de responsabilité numérique. Travaillons à notre autonomie technologique, dans les domaines du renseignement comme de la protection des données. Le recours à des technologies extraeuropéennes doit devenir une exception à motiver. Le recours aux acteurs américains n'est plus acceptable. Pensons au Health Data Hub.
La sécurité nationale justifie une exemption aux règles de l'OMC, d'autant que les marchés étrangers sont fermés. Un Buy European Act doit booster la compétitivité de l'information en nuage.
Un cahier des charges doit tenir compte des valeurs européennes, de la souveraineté, des emplois locaux et de la portabilité des données. Le numérique doit être traité comme un sujet régalien et prendre toute sa place dans notre réarmement industriel et technologique.
Il est plus que temps de prendre en main notre destin numérique, comme j'y appelais dans un rapport de 2018 sur la formation.
Nous légiférons, vingt ans après, sur Internet. J'espère que nous n'aurons pas à étudier un texte sur l'intelligence artificielle en 2043, rédigé par des cerveaux de silicium élaborés à l'étranger... (Sourires)
Nous avons amélioré ce texte qui tient un juste équilibre entre régulation et libertés fondamentales, entre le Business above all américain et le crédit social du Parti communiste chinois, pour un modèle humanocentré conforme aux règles européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Bernard Fialaire . - La transition numérique est à la croisée des chemins entre promesses et menaces. Catalyseur d'un bouleversement profond, elle est porteuse de risques pour les entreprises et les individus. Défi pour notre société, nous devons développer une lecture claire et globale de son impact sur nos vies.
Bien que ce projet de loi soit réalisé à la hâte, j'espère qu'il se nourrira de nos débats. Il reste du chemin à parcourir, comme en témoigne l'actualité. Les nouvelles technologies, l'intelligence artificielle, smart et big data cristallisent la peur d'une perte de savoir-faire et de savoir-être.
Si les nouvelles technologies fascinent les imaginaires, alimentant utopies et dystopies, elles nous montrent comment nous appréhendons les transformations numériques de nos usages. Cela génère ambivalence et injonctions paradoxales. La technologie est source de progrès, mais, irréfléchi, son développement amène à des extrêmes. Cette course au progrès doit être encadrée. Le RDSE soutient donc l'initiative du ministre.
Je présenterai un amendement relatif aux menaces pesant sur nos hôpitaux, à savoir la consultation et l'usage des données piratées. Les cyberattaques déstabilisent durablement les administrations et entreprises victimes. L'usage de ces données doit être réprimandé.
Parlons aussi de ceux s'engageant bénévolement. Nous regrettons l'utilisation de l'article 45 de la Constitution par la commission spéciale contre les amendements de Nathalie Delattre sur les hackers éthiques.
La peine complémentaire de blocage d'un compte dont le propriétaire a été condamné pour haine en ligne est insuffisante : nous voulons le bannissement total des réseaux sociaux pour l'auteur des faits. L'impunité doit cesser au plus vite ; les auteurs ne doivent pas pouvoir se déporter sur d'autres plateformes.
C'est conscient de ces enjeux que le RDSE souhaite s'associer à la régulation de notre espace numérique. S'il faut changer la roue de la voiture sans l'arrêter, suivons la cadence. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)
Mme Alexandra Borchio Fontimp . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.) Un viol psychique, voilà les termes des psychologues pour parler de l'exposition des plus jeunes aux contenus pornographiques, qui leur volent leur innocence. Internet favorise le développement de toutes les formes de criminalité, mais nous pouvons encore réagir pour protéger nos mineurs. Il faut sensibiliser les parents et leur rappeler leur responsabilité. C'est une chaîne collective qu'il faut bâtir pour qu'aucun contenu inapproprié ne soit accessible.
Le cyberharcèlement fauche en plein vol de nombreux enfants et adolescents. La pression numérique fait trop de victimes. Les marches blanches ne suffisent plus, les tweets ne valent pas des engagements.
Sur ce sujet qui fait consensus au Parlement et au Gouvernement, les récents textes montrent que des avancées sont possibles.
Coauteure du rapport sur les dérives de l'industrie pornographique et rapporteure de la proposition de loi instaurant une majorité numérique, j'ai constaté les obstacles pratiques s'imposant au législateur et la nécessité d'un dispositif protecteur. Je salue les propositions du Gouvernement, s'inspirant du Sénat, afin de mener ensemble cette bataille pour protéger l'enfant. Avec Annick Billon et Catherine Morin-Desailly, nous voulons impliquer les boutiques d'applications logicielles.
Je rappelle les apports de la commission spéciale, dont la procédure unique de mise en demeure et de sanction pour l'éditeur de site pornographique. Je souligne l'importance de la peine de bannissement, notamment pour les attaques contre les élus et dépositaires de l'autorité publique. Ce seront des réponses fortes contre les discours haineux.
Le deepfake concerne à 99 % des femmes. Il faut lancer un message contre ceux qui publient ces images, souvent à caractère sexuel. Un amendement du Gouvernement renforce la protection des victimes.
Il faut soutenir l'innovation et positionner nos entreprises comme un acteur du nouveau marché.
Le groupe Les Républicains soutient ce texte et sera attentif à sa bonne application. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI)
M. Pierre-Jean Verzelen . - Internet et les réseaux sociaux bouleversent nos sociétés, nos repères et nos démocraties. Chacun les utilise pour communiquer ou s'informer. Le temps passé par les jeunes sur leurs téléphones ne cesse d'augmenter, et les réseaux sont souvent leur unique fenêtre sur l'extérieur.
Par leur modèle économique fondé sur des contenus choquants, Twitter, TikTok, Snapchat et consorts radicalisent la pensée et aggravent les fractures. Internet pose les limites de la liberté d'expression. Si en septembre dernier, il a structuré la mobilisation des femmes iraniennes, il sert souvent la désinformation : nous l'avons vu avec les violences de ces derniers jours. La tenue de la commission d'enquête TikTok est d'autant plus justifiée.
Un État souverain dans l'Union européenne peut-il imposer un cadre aux réseaux sociaux ? Quel est notre poids face aux Gafam ? L'adoption du DSA permettra de donner sens à la formule de Thierry Breton, selon laquelle ce qui est interdit hors ligne doit être interdit en ligne.
L'Union européenne a interdit les canaux de désinformation de certains États. Ce texte prévoit d'accélérer, et c'est tant mieux.
Une infraction n'est pas moins grave sur internet, elle est parfois pire. Je pense au cyberharcèlement, mis en lumière par le rapport de Colette Mélot. Il est urgent d'agir.
La peine complémentaire de suspension de compte est pertinente si la personne condamnée ne peut la contourner en ouvrant d'autres comptes sous pseudonyme. La commission y a été attentive.
L'interdiction de la pornographie aux moins de 18 ans aurait dû être appliquée depuis longtemps - les effets sur leur santé mentale sont évidents.
Parallèlement à la lutte contre les contenus illégaux, nous devons assurer une concurrence saine et loyale. Les Gafam ne doivent pas nous dicter notre loi. Nous ne devons pas subir abus de position dominante et pratiques anticoncurrentielles.
Le DMA et le DGA doivent être salués. Nous devons rattraper notre retard et accompagner les entrepreneurs, les start-up et les licornes qui seront les leaders de demain.
Nous devons adapter notre droit pour l'application des règlements européens, mais je soulève un point de vigilance : le transfert des contentieux au régulateur irlandais. Il y a un risque d'embouteillage et surtout d'influence des Gafam, dont les sièges sociaux sont en Irlande.
Les Indépendants voteront le texte. Internet ne peut plus être un espace d'impunité. Continuons ce travail ensemble.
M. Thomas Dossus . - Nos vies sont intriquées entre espace virtuel et réalité. La rapidité de propagation du sentiment d'injustice et de la violence doit beaucoup aux réseaux sociaux.
Les grandes plateformes ont capté l'attention et les données de la plupart d'entre nous. Une société fondée sur la disruption percute notre contrat social et les algorithmes trient nos données personnelles, fruit de la convoitise du capitalisme de surveillance.
L'Union européenne, avec le RGPD, le DMA et le DSA, a agi. Ce texte les transpose et va plus loin.
Il sécurise certains publics vulnérables comme les mineurs avec un âge légal effectif de l'accès à la pornographie. Mais je l'ai dit : personne n'a de solution technique efficace et protectrice des libertés individuelles. Je suis réservé sur l'opérationnalité du dispositif confié à l'Arcom. Nous proposerons des amendements pour mieux cerner ce référentiel.
Le texte comporte des mesures intéressantes sur la cyberviolence, notamment avec le bannissement ou la lutte contre la pédopornographie.
Les femmes sont particulièrement touchées, avec des phénomènes de meute. Nous proposons d'enrichir le texte avec une AFD pour les outrages sexistes en ligne et le renforcement de Pharos, entre autres. La peur doit changer de camp.
Réguler est la deuxième ambition du texte, par exemple le business des clouds, ou la location des biens meublés. Nos collectivités ont des attentes en la matière. Nous sommes en revanche plus circonspects sur la régulation des objets numériques monétisables, ou jetons non fongibles (NFT) ; le texte initial prévoyait une ordonnance, la commission l'a transformée en expérimentation : c'est mieux, mais insuffisant. Nous sommes entre le jeu vidéo et le jeu d'argent. (M. Patrick Chaize le confirme) Les enjeux - addiction, mise en danger financière - mériteraient un texte propre.
Pour réguler, il faut des régulateurs. Arcom, Arcep, Cnil se voient confier de nouvelles missions. Reste une inconnue : les moyens. Le projet de loi de finances devra prendre acte de ce projet de loi.
J'aborde ce texte dans un esprit constructif. Je constate un certain équilibre dans les mesures du texte. Nous voulons préserver la liberté, l'anonymat, et la dignité des personnes. Ni surveillance généralisée ni Far West, mais régulation. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
M. Ludovic Haye . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte technique est particulièrement attendu. Il résulte de négociations internationales anciennes et soutenues. Il s'agit de protéger nos concitoyens, nos entreprises et notre démocratie, suivant un principe simple : ce qui est interdit dans le monde réel doit l'être aussi en ligne.
La transition numérique est une opportunité de croissance, mais elle fait aussi courir des risques majeurs à nos sociétés démocratiques : manipulations, fausses informations, harcèlement, violences.
Le titre Ier du projet de loi vise à protéger les mineurs. Je salue le travail mené sur ce sujet par le Gouvernement et mes collègues Iacovelli et Bargeton. La pornographie reste aujourd'hui trop accessible aux mineurs en quelques clics.
Le DMA, le DSA et le DGA (Data Governance Act), que la présidente de la commission spéciale connaît bien, permettront un traitement à la bonne échelle des problèmes liés à l'oligopole des Big Tech.
Complexe, notamment parce que le temps législatif est décalé par rapport au temps du numérique, la régulation du secteur n'en est pas moins nécessaire. Préserver les opportunités de développement économique tout en régulant les excès relève parfois de l'orfèvrerie. Il nous faut conserver une forme de souplesse : le filtre numérique est un bon exemple de cette démarche. Le monde entier sera appelé à coopérer pour lutter contre les usurpations d'identité et la cybercriminalité. Les pays les plus laxistes ne seront pas épargnés : ce n'est qu'une question de temps.
En matière d'inclusion numérique, les collectivités territoriales attendent un message clair et un accompagnement structuré. La stratégie nationale pour un numérique inclusif dans les territoires a permis de lancer de nombreux dispositifs, comme Aidants Connect. La feuille de route sur l'inclusion numérique crée un fonds d'accompagnement pour l'ingénierie. Sa bonne exécution est essentielle pour protéger nos concitoyens, nos collectivités territoriales et la démocratie.
Je salue le large spectre d'action qu'apporte ce texte salutaire. L'espace numérique est un bien commun qu'il faut protéger et réguler. L'écran n'arrête pas la loi ! Nous voterons le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc des commissions ; Mme Annick Billon applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je me concentrerai sur l'article 1er et la question du référentiel.
Je salue l'intention du Gouvernement de faire un pas en avant pour lutter contre la toxicité de la pornographie. Mais j'ai le sentiment que nous nous laissons encore embrouiller par le lobby du porno, qui est puissant et insidieux - 19 millions d'utilisateurs en connexion unique par mois en France.
Prenons une comparaison : un buraliste n'applique pas l'interdiction de vente de tabac aux mineurs parce qu'il ne sait pas comment identifier l'âge de l'acheteur ; celui-ci considère que la vérification de son âge porte atteinte à sa vie privée. La ficelle serait un peu grosse... Pourtant, c'est ainsi que les choses se passent depuis trois ans en matière de porno.
Je crains, avec ce référentiel, qu'on n'entérine a posteriori un refus d'appliquer la loi. On inverse la charge de la preuve : l'Arcom devra apporter les outils nécessaires à l'application de la loi, alors que les sites devraient prouver qu'ils ont tout fait pour empêcher les mineurs d'accéder à leurs contenus.
L'obligation pesant sur les sites, c'est de bloquer l'accès à tous les mineurs par tous les moyens possibles, compte tenu de l'état de l'art. Pourquoi ne pas avoir dupliqué le dispositif applicable aux jeux d'argent ? Les sites pornographiques brandissent le secret de la vie privée, mais c'est une mystification : il faut distinguer le simple recueil de données de leur diffusion - nous confions bien des données sensibles à Doctolib.
Et quid du respect du droit supérieur de l'enfant ? Quand 2 millions de mineurs sont biberonnés aux vidéos pornographiques, je considère que c'est le secret de la vie privée qui doit s'adapter au devoir de protection des enfants, et non l'inverse ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
Mme Toine Bourrat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC) Les magistrats dont les statues surplombent cet hémicycle ont débattu de questions auxquelles s'attachaient une valeur sociale et morale, ainsi qu'une dimension historique. Traiter du numérique et de son influence sur la jeunesse est un lourd défi pour l'avenir. Aucun de nous ne remet en cause le progrès technologique, mais nous sommes garants de l'ordre public et de l'intérêt général : ce qui est proscrit dans la vie réelle doit l'être aussi sur la toile.
Un sursaut est nécessaire pour sécuriser l'environnement numérique, aujourd'hui dénué de toute forme de responsabilité. Avec le numérique, nous faisons face à un bouleversement civilisationnel. Les dangers de la vie d'adulte sont entrés dans l'enfance. Notre énergie doit donc se concentrer sur les mineurs, qu'il faut protéger de la cybermalveillance à l'âge où ils se construisent.
Le bât blesse sur la réactivité dans le traitement des signalements de contenus inappropriés. Il faut parfois des mois pour qu'ils soient retirés, ce qui provoque des traumatismes parfois irréversibles sur la santé psychique des mineurs. Je défendrai un amendement pour un traitement spécial quand le signalement concerne directement un mineur victime.
Mais ne nous leurrons pas : il faut des moyens humains pour le traitement immédiat des signalements et le retrait rapide des contenus. Comme l'a dit ici même Frances Haugen, les contraintes légales n'auront des effets que si le traitement est localisé, réalisé par des équipes présentes dans le pays et maîtrisant la langue du contenu. (Mme Catherine Morin-Desailly renchérit)
Une machine ne peut pas protéger l'homme de son invention ; il faut des hommes formés, sensibles aux dérives. L'homme est irremplaçable pour éduquer et modérer.
Le Parlement a fixé une majorité numérique à 15 ans. Il place ainsi le parent au coeur de l'éducation du mineur. Mais préserver les acquis n'est plus suffisant, il faut faire preuve d'esprit de conquête - pour ne pas parler de révolution culturelle. Nous devons contraindre les plateformes pour protéger ceux qui sont encore dans la fleur de l'âge. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Joël Bigot applaudit également.)
Mme Patricia Demas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail de la commission spéciale et des deux rapporteurs sur ce texte visant à protéger nos concitoyens et nos valeurs dans l'espace numérique. La transition numérique est un puissant levier de progrès économique et social, mais elle comporte des risques indéniables.
Le texte protège notamment les mineurs contre la pornographie. Je salue l'article 2, modifié en commission, qui renforce les prérogatives de l'Arcom dans le prolongement du rapport de notre délégation aux droits des femmes. Des mesures sont également prévues pour protéger les internautes contre la désinformation, le cyberharcèlement et l'hameçonnage. L'éducation au numérique et la lutte contre l'illectronisme sont aussi des enjeux essentiels pour mieux protéger.
Au-delà de la transposition des règlements européens DMA et DSA, ce texte doit faire de la France un moteur de la régulation du digital en Europe. Avec la loi Chaize, le Sénat a déjà oeuvré en ce sens.
La souveraineté numérique des pouvoirs publics et des collectivités territoriales est mise à mal par la dépendance aux Gafam. Ainsi, la hausse des tarifs de Microsoft a conduit des collectivités à chercher des alternatives bureautiques, mais cela est très complexe, pour des raisons techniques comme financières. Idem pour le cloud : on craint des utilisations malveillantes des données potentiellement récupérées.
Nous devons développer une offre française ou européenne de logiciels métiers et bureautiques et renforcer l'accompagnement des collectivités territoriales. L'État doit élaborer rapidement une stratégie nationale en la matière, en liaison avec les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
AVANT L'ARTICLE 1er
M. le président. - Amendement n°33, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant les besoins financiers et humains de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse résultant des nouvelles missions qui leur seront confiées par la présente loi, ainsi que la manière dont ces besoins seront traduits lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024.
M. Thomas Dossus, rapporteur. - Cet amendement d'appel vise à obtenir du Gouvernement des informations sur les moyens des autorités administratives indépendantes (AAI).
Le texte renforce leurs missions dans l'espace numérique : l'Arcom devient responsable du référentiel technique et se voit confier des pouvoirs d'injonction administrative et de sanction ; l'Arcep sera responsable du cloud ; la Cnil, de la protection des données personnelles. Ces missions requièrent des moyens humains et financiers, mais le Gouvernement est très discret sur la question. Il appartient au législateur de s'assurer que les moyens suivent.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je comprends l'esprit de cet amendement. En effet, les missions des trois autorités seront considérablement renforcées. Mais ce débat relève du projet de loi de finances pour 2024. Retrait ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Qu'il s'agisse des règlements européens ou des dispositions nationales, les AAI doivent disposer des moyens nécessaires pour les faire appliquer. Dans la loi de finances initiale pour 2023, quinze ETP supplémentaires ont été prévus par anticipation pour l'Arcom. De son côté, la Commission européenne a procédé à une centaine de recrutements pour faire exécuter le DMA et le DSA. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°33 est retiré.
ARTICLE 1er
Mme Annick Billon . - Avec Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, nous avons mené à bien un travail sur l'industrie pornographique, jusqu'alors grande absente du débat public. La pornographie a de graves conséquences sur les mineurs, comme sur l'ensemble de la société : addiction, comportements à risque, notamment. Notre rapport L'enfer du décor a souligné la nécessité d'un vrai contrôle de l'âge des internautes.
Il est urgent d'appliquer la loi. Depuis 2020 et grâce à Marie Mercier, le contrôle est obligatoire, mais l'Arcom ne suit pas. Elle n'a pas fait usage de sa compétence de fixer des lignes directrices. Elle doit adopter une démarche proactive et le contrôle de l'âge doit être effectif et fiable.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les services de communication au public en ligne qui mettent à disposition du public des contenus pornographiques mettent en place des mesures de vérification d'âge empêchant l'accès des mineurs à ces contenus.
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement vise à supprimer le référentiel. Je crains vivement que cet article ne crée une obligation de moyens minimale pour les sites pornographiques, qui se contenteront de satisfaire au référentiel. Il faut inverser la charge de la preuve : à eux d'apporter la preuve qu'ils ont mis en oeuvre tous les moyens possibles pour instaurer un vrai contrôle de l'âge.
Nous sommes dans une mauvaise concomitance : nous attendons une décision du tribunal de Paris sur le sujet dans trois jours. Nous risquerions, en votant ce référentiel, de corroborer l'idée que les sites n'avaient pas à leur disposition les outils nécessaires.
À tout le moins, il faudrait préciser que ce référentiel est l'un des moyens, mais pas le seul, de se conformer à la loi.
Cet amendement est raisonnable et adapté au réel.
M. le président. - Amendement identique n°88, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. - C'est le même amendement que celui du groupe SER. Il faut responsabiliser davantage les plateformes pornographiques. Nul ne peut ignorer les ravages de l'accès des mineurs au porno. La suppression du référentiel ne veut pas dire absence de régulation, au contraire. Il faut explorer d'autres voies, plus efficaces, pour empêcher l'accès des mineurs à ces sites. La responsabilité de la protection des mineurs ne peut être laissée aux seuls parents : les plateformes doivent jouer un rôle actif dans la prévention.
M. le président. - Amendement n°130, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission.
I. ? Alinéa 3
Supprimer les mots :
dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi,
II. ? Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
....? L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique établit et publie le référentiel mentionné au I dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Amendement rédactionnel.
M. le président. - Amendement n°62 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Alinéa 3
Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
M. Bernard Fialaire. - Un avis conforme de la Cnil devrait être exigé, afin de veiller à la protection des libertés et de garantir l'élaboration d'un référentiel de qualité.
M. le président. - Amendement n°34, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
et de respect de leur vie privée
par les mots :
, de respect de leur vie privée et d'empreinte environnementale du numérique
M. Thomas Dossus. - La série d'amendements que nous avons déposés visent à mieux définir le référentiel. Reste que je voterai les amendements identiques nos3 et 88.
L'amendement n°34 ajoute un critère relatif à l'empreinte environnementale. La consommation de ces vidéos étant massive, il est important qu'un critère d'écoconception s'applique à l'élaboration des solutions techniques de vérification de l'âge.
M. le président. - Amendement n°37, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et de leur anonymat en ligne
M. Thomas Dossus. - Nous souhaitons aussi garantir la protection de l'anonymat, base de la protection de la vie privée.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que de garantie de protection de leurs données personnelles, en s'assurant notamment que ces dernières ne soient ni exploitées, pour des fins autres que celles établies par le référentiel, ni cédées ni vendues à des tiers
M. Thomas Dossus. - Nous devons veiller à la protection des données personnelles. La mention du respect de la vie privée est trop large et imprécise. Précisons que les données collectées ne pourront servir à aucune autre fin que le contrôle de l'âge.
M. le président. - Amendement n°38, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les systèmes de vérification de l'âge sont rendus accessibles au public sous un format ouvert et librement réutilisable.
M. Thomas Dossus. - La transparence logicielle, l'open source, est une garantie fondamentale pour les libertés publiques. Cette exigence de transparence s'impose d'autant plus quand des données personnelles sont en jeu. Les utilisateurs ont le droit de connaître comment sont utilisées leurs informations personnelles.
M. le président. - Amendement n°35, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le référentiel interdit explicitement l'usage des technologies de reconnaissance biométriques.
M. Thomas Dossus. - Nous proposons de proscrire le recours à des technologies de reconnaissance biométriques. La reconnaissance faciale comporte de nombreux risques en termes de protection de la vie privée.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Les amendements identiques nos3 et 88 m'étonnent un peu, dans la mesure où la création du référentiel reprend la recommandation 14 du rapport de la délégation aux droits des femmes. Il n'y a pas de risque de déresponsabilisation des plateformes : la responsabilité pénale de ne pas laisser les mineurs accéder aux contenus pèse sur elle.
L'amendement n°62 rectifié bis ne correspond pas à une demande de la Cnil. Il n'y a pas lieu de donner la prééminence à une autorité sur les autres. Avis défavorable.
Le principal objectif est d'avoir des systèmes de vérification de l'âge fiables et respectueux des données personnelles. L'empreinte environnementale doit être prise en compte, mais dans un second temps. Vu la bande passante des sites pornographiques, le visionnage a une empreinte bien supérieure à celle des contrôles... Avis défavorable à l'amendement n°34.
Le référentiel doit protéger la vie privée des utilisateurs. Cnil et Arcom recommandent un système de double anonymat, la levée de l'anonymat se faisant auprès d'un tiers de confiance. Il ne paraît pas utile d'entrer dans le détail des caractéristiques, pour qu'il reste possible de s'adapter aux évolutions technologiques. Avis défavorable à l'amendement n°37.
L'amendement n°36 est satisfait : retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°38 est satisfait par le RGPD sur le format ouvert. S'agissant du format du logiciel, il convient de regarder l'état du marché. Avis défavorable.
Sur l'amendement n°35 et la biométrie, laissons la Cnil poser les limites. Elle s'est dite favorable à une analyse des traits par reconnaissance faciale, pour reconnaître la juvénilité, à condition qu'elle soit réalisée par un tiers. Je ne voudrais pas que cet amendement empêche la mise en oeuvre de solutions pratiques respectueuses de la vie privée. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Le principe du référentiel a pour origine le décret d'application de la loi du 30 juillet 2020, qui prévoit la procédure par laquelle l'Arcom peut mettre en demeure les sites pornographiques et saisir le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir leur blocage et leur déréférencement.
Le référentiel est préconisé dans la recommandation n°14 du rapport de la délégation aux droits des femmes, comme condition pour que l'Arcom puisse ordonner le blocage des sites pornographiques avec une bonne sécurité juridique. En l'absence de référentiel, la responsabilité serait rejetée sur le juge. Les plateformes ne se précipiteront pas pour trouver des solutions fiables... En réalité, le référentiel sécurise la capacité de l'Arcom à demander des blocages et déréférencements.
Il ne doit y avoir aucune interférence entre la procédure judiciaire en cours depuis un an et demi devant le tribunal judiciaire de Paris et les articles 1er et 2 du projet de loi. Ces derniers ne seront applicables que pour des poursuites engagées à partir du 1er janvier prochain. D'ici là, le droit existant s'applique : il suffit aux plateformes de se baisser et de « ramasser » n'importe quel système de vérification d'âge pour que la loi soit satisfaite.
Je demande le retrait des amendements identiques nos3 et 88, visant à supprimer le référentiel. Nous demandons à l'Arcom de prendre de lourdes décisions : il convient qu'elle s'appuie sur un référentiel.
Retrait des amendements nos62 rectifié bis, 34, 37, 36, 38 et 35. Nous voulons un référentiel souple : le complexifier donnerait des raisons aux sites pornographiques de ne pas s'y conformer.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'amendement n°130, qui demande à l'Arcom de publier ce référentiel dans les six mois.
Mme Laurence Rossignol. - Ce n'est pas déjà dans le texte de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. - C'est bien vous qui avez eu cette initiative en commission, ma chère collègue. Il ne s'agit que d'une question de positionnement : la mesure a sa place dans ce texte, pas dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique.
Mme Laurence Rossignol. - Il ne m'a pas échappé que le référentiel figure dans les préconisations du rapport sénatorial de septembre dernier, issu de travaux menés dans les mois précédents. Entre-temps, l'état de l'art a évolué. Mes discussions avec des spécialistes me laissent penser que ce référentiel ne sera qu'une obligation de moyens pour les sites. D'ailleurs, le ministre l'a dit : ils n'ont qu'à se baisser pour trouver un système de vérification de l'âge...
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Sous le contrôle du juge !
Mme Laurence Rossignol. - Précisons que le référentiel n'est pas le seul outil possible pour appliquer la loi et qu'il sera régulièrement mis à jour pour suivre l'évolution technologique.
Oui, j'ai changé d'avis. J'espère que l'amendement n°83 de Mme Cohen, lui aussi issu de notre rapport, suscitera chez le rapporteur le même désir d'en appliquer les recommandations...
Monsieur le ministre, j'ai quelques notions de droit pénal : je sais bien que les affaires en cours seront jugées selon le droit actuel. Pour autant, ce qui se dit au Parlement peut peser.
Les amendements identiques nos3 et 88 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°130 est adopté.
L'amendement n°62 rectifié bis est retiré.
L'amendement n°34 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos37, 36, 38 et 35.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
de l'allocation mentionnée à l'article L. 544-1
par les mots :
des allocations mentionnées aux articles L. 168-8 ou L. 544-1
Mme Laurence Cohen. - Conformément à la recommandation 13 du rapport de la délégation aux droits des femmes, nous proposons d'imposer aux sites pornographiques l'affichage d'un écran noir tant que l'âge de l'internaute n'a pas été vérifié. Cette mesure serait efficace pour empêcher l'accès des mineurs à des contenus pouvant leur porter préjudice.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Cela relève du contenu du référentiel lui-même. J'imagine que l'Arcom s'inspirera des travaux parlementaires. Laissons de la souplesse à l'Arcom et à la Cnil. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je comprends l'intention : même avec une vérification d'âge, le site peut afficher des images sur le côté. C'est la raison pour laquelle nous voulons un référentiel. Ainsi, il sera clair que la vérification de l'âge est une affaire sérieuse. Avant la vérification, l'utilisateur ne doit avoir accès à aucun contenu. Retrait, mais je m'engage à pousser l'Arcom à prendre en compte le principe de l'écran noir dans son référentiel.
Mme Laurence Cohen. - Je m'étonne. Notre rapport est considéré comme sérieux et, quand nous sommes allées voir les différents ministères, nous avons été accueillies avec intérêt et bienveillance. Mais quand on propose de passer aux travaux pratiques, c'est : « circulez, il n'y a pas lieu de mettre en application les mesures »... Allez sur les sites dont nous parlons et vous comprendrez tout l'intérêt d'un écran noir !
Mme Laurence Rossignol. - Monsieur le ministre, je vous donne acte de votre bénévolence. Vous avez envie de faire au mieux. Mais, comme législateurs, nous ne pouvons nous satisfaire d'une démarche consistant, selon vos termes, à pousser l'Arcom à prendre en compte nos propositions.
L'écran noir est efficace, vous le reconnaissez. Le meilleur moyen de le mettre en place n'est pas de pousser l'Arcom à le faire - même si vous avez probablement plus de moyens que nous pour cela - mais de voter l'amendement.
Mme Annick Billon. - L'écran noir fait partie des vingt-trois propositions du rapport de la délégation aux droits des femmes. Nos débats montrent qu'une volonté politique doit être affichée. Monsieur le ministre, il nous faut un engagement de votre part pour garantir le non-accès des mineurs à ces contenus. Lors de son audition, l'Arcom s'est montrée réticente à appliquer des dispositions déjà présentes dans la loi. Nous voulons des garanties qu'elle se pliera à la volonté politique.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Neuf des recommandations du rapport ont été retenues par mon ministère. Nous devons trouver une ligne de crête : maintenir une obligation de résultat pour les sites sans renoncer à fixer des moyens minimaux à mettre en oeuvre, dont l'écran noir. Je ne doute pas que l'Arcom tiendra compte des recommandations de votre rapport. Je préconiserai que le principe de l'écran noir soit pris en compte. Gardons dans la loi l'esprit d'un référentiel souple, qui puisse évoluer, mais aussi s'appliquer vite.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je ne voudrais pas faire de mauvais esprit, mais vous venez de proposer la suppression du référentiel, et désormais vous demandez qu'il soit plus précis... (Mme Laurence Rossignol proteste.)
La proposition du rapport de la délégation aux droits des femmes est d'inscrire l'écran noir dans les directives à l'attention de l'Arcom, mais pas dans la loi ! Le Gouvernement propose de renforcer le contrôle de l'âge, et nous le suivons. Le ministre s'est engagé, et moi de même.
Nous aurions pu définir le référentiel dans la loi ou prévoir un décret en Conseil d'État, mais nous avons préféré confier ce soin aux deux autorités les plus compétentes.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance. - Il n'y a pas de raison de douter de ma motivation pour que l'interdiction d'accès des sites pornographiques aux moins de 18 ans soit effective.
Pour donner plus de pouvoirs à l'Arcom, il fallait donner une base légale au référentiel. Mais définir la teneur du référentiel dans la loi serait trop rigide.
Comptez sur le Gouvernement pour que le délai de création du référentiel soit respecté. Mais gardons de la souplesse pour que le référentiel puisse s'adapter aux évolutions des technologies.
L'amendement n°83 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°84, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les services de communication au public en ligne diffusant des contenus pornographiques doivent afficher, dès l'entrée de l'internaute sur la plateforme, des messages d'avertissement concernant des contenus violents, précisant qu'il s'agit d'actes sexuels non simulés, pouvant constituer des infractions criminelles ou délictuelles.
Mme Laurence Cohen. - Monsieur le rapporteur, il existe des amendements de repli...
Reprenant la troisième recommandation de notre rapport, l'amendement n°84 prévoit que les sites pornographiques affichent des messages d'avertissement sur les contenus violents, précisant qu'il s'agit d'actes sexuels non simulés, pouvant constituer des infractions criminelles ou délictuelles. Il faut que tous les utilisateurs sachent que ce n'est pas du cinéma, que la femme crie ou pleure vraiment.
Je me réjouis que notre rapport retienne l'attention du Gouvernement - il le mérite. L'Arcom réclame plus de moyens, mais nos auditions n'ont pas révélé une appétence particulière à travailler sur ces questions, c'est le moins qu'on puisse dire. (Mme Laurence Rossignol le confirme.)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement n°71 de Mme Billon propose un article additionnel avant l'article 4 qui va dans ce sens. J'en préfère la rédaction et l'emplacement. Retrait ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°84 est retiré.
L'article 1er, modifié, est adopté.
ARTICLE 2
Mme Annick Billon . - En septembre, nous avons publié le rapport « Porno, l'enfer du décor ». Le Sénat a permis d'éveiller la conscience collective sur la pornographie et la nécessité de protéger les victimes.
Merci, monsieur le ministre, d'avoir intégré une dizaine de recommandations dans ce texte. Un tiers des moins de 13 ans et deux tiers des moins de 15 ans ont déjà eu accès au porno.
L'article 2 confie à l'Arcom, déjà compétente pour la haine en ligne, un pouvoir de sanction dans ce domaine. Actuellement, elle doit saisir le tribunal judiciaire de Paris, mais les sites sont trop nombreux pour que ce soit efficace.
Pour reprendre les mots de Gordon Choisel, président de l'association Ennocence, vous avez quelqu'un qui deale au coin de la rue et vous le mettez en demeure ? Il faut des amendes administratives plus lourdes pour rendre la vie impossible à cette industrie qui se développe massivement depuis vingt ans, aux mains d'experts de la finance.
M. le président. - Amendement n°82, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
I. - Alinéa 3, première et deuxième phrases, alinéa 4, alinéa 6, première phrase, alinéa 9, première et dernière phrases, alinéas 11 et 18
Remplacer le mot :
peut
par le mot :
doit
II. - Alinéa 23
Remplacer le mot :
peuvent
par le mot :
doivent
Mme Laurence Cohen. - Nous souhaitons une obligation, et non une possibilité de sanction lorsque la loi n'est pas respectée.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Lorsqu'on dote une AAI d'un pouvoir de mise en demeure et de sanctions, il faut lui laisser l'indépendance de décider ou non de l'engagement de ces procédures. C'est la rédaction habituelle. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°82 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°41, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
mettre en demeure
par les mots :
saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'ordonner, selon la procédure accélérée au fond, que
et les mots :
de se conformer
par les mots :
se conforme
II. - Alinéa 4
Remplacer le mot :
prononcer
par les mots :
saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'ordonner, selon la procédure accélérée au fond,
M. Thomas Dossus. - Nous voulons rétablir le rôle du juge avant chaque injonction ou sanction de l'Arcom. Si la protection de l'enfance est importante, il faut éviter de potentielles dérives ou instrumentalisations. Revenons sur le principe d'une sanction purement administrative et refermons la boîte de Pandore.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - La commission spéciale est favorable à un changement de méthode, conformément à la recommandation 12 du rapport de la délégation aux droits des femmes.
Ce même changement a été fait pour l'Autorité nationale des jeux, qui a désormais une procédure administrative de blocage, avec pour effet une accélération des procédures. J'espère qu'il en sera de même ici. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis défavorable.
L'amendement n°41 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°131, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
mettant à la disposition du public
par les mots :
permettant d'avoir accès à
et les mots :
de ce délai
par les mots :
du délai de quinze jours mentionné au second alinéa du I
L'amendement rédactionnel n°131, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°63 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel.
I. - Alinéa 6
1° Première phrase
Supprimer les mots :
75 000 euros ou
et les mots :
, le plus élevé des deux montants étant retenu
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
150 000 euros ou
II. - Alinéa 7
1° Première phrase
Supprimer les mots :
250 000 euros ou
et les mots :
, le plus élevé des deux montants étant retenu
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
500 000 euros ou
III. - Alinéa 21
1° Première phrase
Supprimer les mots :
la somme de 75 000 euros ou
et les mots :
, le plus élevé des deux montants étant retenu
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
à 150 000 euros ou
M. Bernard Fialaire. - Nous voulons durcir les sanctions. Si 1 à 6 % du chiffre d'affaires mondial est proportionné, ce n'est pas le cas des montants de 75 000 à 500 000 euros. Les plateformes pourraient être tentées de budgétiser les amendes. De plus, il n'est pas clair que c'est le montant le plus élevé qui sera retenu.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Il est nécessaire de conserver un plancher exprimé en euros. C'est le montant le plus élevé qui sera retenu. Une amende de 75 000 euros ne serait encourue que par les sites réalisant un très faible chiffre d'affaires.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis. C'est bien le plus fort des deux montants qui sera retenu.
L'amendement n°63 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°66 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel.
Alinéas 6, 7 et 21, secondes phrases
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
dix
M. Bernard Fialaire. - Nous voulons étendre le délai pendant lequel une récidive provoque une amende accrue de cinq à dix ans, pour rendre le dispositif plus dissuasif.
Un site pornographique français comme xvideo.com a enregistré 3,22 milliards d'euros de visites. Le site canadien Pornhub a un chiffre d'affaires de 500 millions de dollars ! Il faut frapper plus fort et plus longtemps pour éviter toute budgétisation des amendes.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - La durée de cinq ans correspond aux dispositions du code pénal en cas de récidive délictuelle. Elle nous a paru proportionnée. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°66 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°46 rectifié quater, présenté par Mmes Noël et Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, D. Laurent et Chatillon, Mme Muller-Bronn, MM. Charon, Joyandet et Bouchet et Mmes Thomas, Belrhiti, Pluchet et Berthet.
I. - Alinéa 9, première phrase
Après le mot :
internet
insérer les mots :
ou aux fournisseurs de systèmes de résolution de nom de domaine définis au II de l'article 12 de la présente loi
II. - Alinéa 12
Après le mot :
internet
insérer les mots :
, aux fournisseurs de systèmes de résolution de nom de domaine
Mme Sylviane Noël. - Nous voulons élargir la liste des acteurs susceptibles de contribuer à la lutte contre les sites pornographiques en y incluant toutes les personnes pouvant prendre des mesures utiles sur demande de l'autorité administrative, comme les navigateurs et les systèmes d'exploitation, en plus des fournisseurs d'accès.
M. le président. - Amendement n°47 rectifié ter, présenté par Mmes Noël et Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, D. Laurent et Chatillon, Mme Muller-Bronn, MM. Charon, Joyandet et Bouchet et Mmes Thomas, Belrhiti, Del Fabro, Pluchet et Berthet.
I. - Alinéa 9, deuxième phrase
Remplacer les mots :
quarante-huit heures
par les mots :
, fixé par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrés
II. - Alinéa 11
Remplacer les mots :
cinq jours
par les mots :
, fixé par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrés
Mme Sylviane Noël. - Cet amendement uniformise les délais de déréférencement prévus aux différents articles en se fondant sur le délai de deux jours ouvrés minimum.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis favorable à l'excellent amendement n°46 rectifié quater.
L'amendement n°47 rectifié ter reprend les demandes des opérateurs télécoms. Le délai de 48 heures est suffisamment clair et les fournisseurs d'accès disposent des services spécialisés. L'Arcom ne nous a signalé aucun problème. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - L'amendement n°46 rectifié quater retient à la fois les résolveurs DNS et les fournisseurs d'accès ; on y retrouve le même esprit que dans les amendements que vous proposez aux articles 4 et 6, auxquels je serai également favorable.
Avis défavorable à l'amendement n°47 rectifié ter pour les mêmes raisons que le rapporteur.
L'amendement n°46 rectifié quater est adopté.
L'amendement n°47 rectifié ter n'est pas adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°121 rectifié, présenté par Mmes Morin-Desailly, Billon, Borchio Fontimp et M. Mercier.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 6-7 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique dans sa rédaction résultant de la loi n° ... du ... visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, il est inséré un article 6-... ainsi rédigé :
« Art. 6 - .... - I. - Les boutiques d'applications logicielles vérifient l'âge de leurs utilisateurs.
« Les boutiques d'applications logicielles, pour satisfaire à l'obligation mentionnée au premier alinéa du présent I, utilisent des systèmes de vérification de l'âge dont les caractéristiques techniques sont conformes à un référentiel élaboré par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« II. - Le fait pour une boutique d'applications logicielles de ne pas satisfaire à l'obligation prévue au I est puni d'une amende ne pouvant excéder 1 % de son chiffre d'affaires mondial pour l'exercice précédent. »
Mme Catherine Morin-Desailly. - Les amendements nos121 rectifié et 111 rectifié bis s'inscrivent dans la suite des débats de la loi sur la majorité numérique.
L'amendement n°121 rectifié vise à imposer aux boutiques d'application logicielle la vérification de l'âge des utilisateurs suivant un référentiel élaboré par l'Arcom.
M. le président. - Amendement n°111 rectifié bis, présenté par Mmes Morin-Desailly, Billon, Borchio Fontimp et M. Mercier, M. Levi, Mme Noël, MM. Laugier, Duffourg, Le Nay et Kern, Mme Guidez, MM. Canévet et Détraigne et Mmes Jacquemet, Férat et Herzog.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 6-7 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique dans sa rédaction résultant de la loi n° ... du ... visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, il est inséré un article 6-... ainsi rédigé :
« Art. 6-.... - I. - En cas d'inexécution de la mise en demeure prévue au II de l'article 6-7, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut demander aux boutiques d'applications logicielles d'empêcher le téléchargement de l'application logicielle en cause. Elles disposent d'un délai de quarante-huit heures pour satisfaire cette demande.
« II. - En cas d'inexécution de la mise en demeure prévue au I de l'article 10-1 et dans l'hypothèse où l'éditeur du service de communication au public en ligne concerné donne accès aux contenus pornographiques au moyen d'une application logicielle ou édite des applications qui reprennent ces contenus, en totalité ou de manière substantielle et selon les mêmes modalités d'accès, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut demander aux boutiques d'applications logicielles d'empêcher le téléchargement des applications logicielles en cause. Elles disposent d'un délai de quarante-huit heures pour satisfaire cette demande.
« III.- Les mesures prévues aux I et II du présent article sont demandées pour une durée maximale de vingt-quatre mois. Leur nécessité est réévaluée, d'office ou sur demande, au minimum tous les douze mois. Lorsque les faits justifiant les demandes prévues aux I et II ne sont plus constitués, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique avise sans délai les destinataires de celles-ci de la levée des mesures.
« IV. - Le fait pour une boutique d'applications logicielles de ne pas satisfaire aux obligations prévues aux I à III du présent article est puni d'une amende ne pouvant excéder 1 % de son chiffre d'affaires mondial pour l'exercice précédent.
« V. - Un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, détermine les modalités d'application du présent article. »
Mme Catherine Morin-Desailly. - L'amendement n°111 rectifié bis responsabilise les gestionnaires de magasin d'applications, dont le rôle est sous-estimé. L'Arcom pourrait leur demander d'empêcher le téléchargement d'applications à caractère pornographique ou de réseaux sociaux ne respectant pas la vérification de l'âge.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Il manque une partie de la procédure à l'amendement n°121 rectifié, qui ne précise pas les suites à donner. Qui empêcherait le téléchargement : le magasin ou les éditeurs ?
On pourrait adopter l'amendement en prévoyant de l'améliorer dans la navette, mais je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
L'amendement n°111 rectifié bis est un complément bienvenu aux dispositions du projet de loi Majorité numérique, qui sera bientôt promulgué par le Président de la République. Avis favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Ces deux amendements nous permettent d'avancer dans notre réflexion sur la vérification de l'âge, mais le premier pourrait être retiré au profit du second.
Nous parlons de la vérification de l'âge pour l'accès au porno, mais le Sénat a adopté une autre proposition de loi qui impose une même vérification aux réseaux sociaux.
Il faut aussi regarder ce qui se passe dans les magasins d'applications, vecteur par lequel nos enfants ont accès à ces applications.
L'amendement n°121 rectifié impose à la boutique de vérifier l'âge, quelle que soit l'application qu'il y trouvera. Cela va plus loin, madame Morin-Desailly, que l'amendement que vous aviez déposé sur la proposition de loi Majorité numérique : la vérification est très large.
Je signerai ce soir le décret d'application de la loi Studer, qui fait de la France le premier pays au monde à généraliser le contrôle parental. Cela satisfera votre amendement.
Enfin, il faut tenir les éditeurs comme responsables, et non les magasins d'application. Si aujourd'hui, ces derniers sont en duopole, le DMA va instaurer la concurrence et faciliter l'entrée de nouveaux magasins français et européens qu'il ne faudrait pas lester d'une nouvelle obligation...
En revanche, l'amendement n°111 rectifié bis a un très grand mérite : il oblige les gestionnaires d'applications à vérifier l'âge, sous peine de déréférencement sur les magasins. Cela renforce considérablement les dispositifs existants.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Cet échange a été utile. L'amendement n°121 rectifié est un amendement d'appel : il rappelle l'importance du contrôle de l'âge. Un mineur ne peut pas accéder à tout et n'importe quoi. Les boutiques portent aussi leur part de responsabilité. M. le ministre m'a toutefois convaincu en rappelant la loi Studer. Je me satisfais de son avis favorable à l'amendement n°111 rectifié bis, qui correspond à nos échanges sur mon amendement incomplet à la loi Majorité numérique.
L'amendement n°121 rectifié est retiré.
L'amendement n°111 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 3
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale . - Dans le cadre de ses travaux, la commission spéciale a entendu les responsables de Pharos, qui effectue un travail remarquable en traquant les contenus illicites en matière de pédopornographie et de terrorisme. Elle peut imposer des blocages et des déréférencements. Le mécanisme fonctionne bien, encore mieux avec l'entrée en vigueur du règlement sur les services numériques. La question s'est posée d'élargir ses pouvoirs à d'autres infractions, comme la torture, le viol ou l'inceste, infractions particulièrement graves qui n'ont pas leur place en ligne. Les responsables de Pharos nous ont indiqué que cela nécessiterait beaucoup plus de moyens, ce qui implique d'agir en loi de finances. Monsieur le ministre, quel est votre avis sur une éventuelle extension des missions de Pharos ?
Mme Annick Billon . - Je souhaite alerter sur le revenge porn, qui consiste à rendre accessibles en ligne des contenus sexuels à l'insu des personnes filmées, en très grande majorité des femmes. La loi pour une république numérique sanctionne lourdement ces actes, la loi pour la confiance dans l'économie numérique prévoit le retrait rapide des contenus illicites, mais les témoignages glaçants que nous avons recueillis révèlent une très grande méconnaissance de ces dispositions. À quoi cela sert-il de voter des lois que leur méconnaissance rend inutiles ? Monsieur le ministre, que prévoyez-vous pour y remédier ?
Mme Laurence Cohen . - Nous voterons cet article 3, qui crée une sanction pénale applicable aux hébergeurs qui ne satisferaient pas à la demande émise par l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information de la communication de procéder au retrait en 24 heures d'un contenu en ligne d'images ou de représentations de mineurs présentant un caractère pédopornographique.
Nous avions déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40, afin de renforcer les pouvoirs de police administrative de Pharos, en introduisant de nouveaux critères sur la torture ou le viol, comme l'a indiqué Mme Morin-Desailly. La diffusion de tels actes peut avoir des conséquences particulièrement graves. Les auditions de la délégation aux droits des femmes ont révélé les limites du dispositif actuel. La lutte contre de tels contenus nécessite une action coordonnée des autorités compétentes.
L'amendement de coordination n°132, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°79, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 3, au début
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Tout contenu à caractère sexuellement explicite doit être retiré ou bloqué à la demande de la personne filmée, immédiatement et gratuitement, sans avoir à attendre une collaboration des plateformes.
Mme Laurence Cohen. - Reprenant la recommandation 10 du rapport, nous souhaitons que tout contenu à caractère sexuel explicite puisse être retiré immédiatement et gratuitement à la demande de la personne filmée. D'après les associations qui sont aux côtés des victimes, faire retirer ces contenus est un véritable parcours de la combattante qui leur coûte très cher.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement n'est pas à la bonne place, puisque l'article porte sur les pouvoirs de Pharos. Il remet aussi en cause le droit des contrats : une personne ayant cédé son droit à l'image pourrait ainsi faire retirer le contenu. Je préfère la rédaction de l'amendement n°70 de Mme Billon portant article additionnel avant l'article 4.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
Mme Laurence Cohen. - Si l'amendement de Mme Billon est dans le même esprit, je retire le mien sans difficulté. En revanche, votre argumentation, monsieur le rapporteur, me pose problème. Droit des contrats... On parle de personnes exploitées, contraintes de réaliser des actes extrêmement violents et dont le consentement a été extorqué. (M. le rapporteur le concède.)
L'amendement n°79 est retiré.
M. le président. - Amendement n°126, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
« III.- Lorsqu'un fournisseur de services d'hébergement retire une image ou représentation de mineurs présentant un caractère pornographique relevant de l'article 227-23 du code pénal, il en informe, dans les meilleurs délais, le fournisseur de contenu en précisant les motifs qui ont conduit au retrait de l'image ou de la représentation, la possibilité de solliciter la transmission d'une copie de l'injonction de retrait et les droits dont il dispose pour contester la demande de retrait devant la juridiction administrative compétente.
« Sur demande du fournisseur de contenus, le fournisseur de services d'hébergement transmet une copie de l'injonction de retrait.
« Les obligations prévues aux deux premiers alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'autorité compétente qui a émis la demande de retrait décide qu'il est nécessaire et proportionné de ne pas divulguer d'informations pour ne pas entraver le bon déroulement des actions de prévention, de détection, de recherche et de poursuite des auteurs de l'infraction prévue au même article 227-23.
« En pareil cas, l'autorité compétente informe le fournisseur de services d'hébergement de sa décision en précisant sa durée d'application, aussi longue que nécessaire mais ne pouvant excéder six semaines à compter de ladite décision, et le fournisseur de services d'hébergement ne divulgue aucune information sur le retrait du contenu au fournisseur de ce dernier.
« Ladite autorité compétente peut prolonger cette période d'une nouvelle période de six semaines, lorsque la non-divulgation continue d'être justifiée. En pareil cas, elle en informe le fournisseur de services d'hébergement. » ;
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Nous voulons autoriser Pharos à différer l'information des éditeurs du retrait de contenus pédopornographiques, si cette information peut gêner la recherche des auteurs de la diffusion. Cela existe dans d'autres domaines.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis très favorable.
L'amendement n°126 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
La séance est suspendue à 19 h 15.
Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
APRÈS L'ARTICLE 3
Mme le président. - Amendement n°89, présenté par Mme M. Vogel, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 9° de l'article 222-24 du code pénal est ainsi rétabli :
« 9° Lorsque des images ou vidéos de la commission du viol sont transmis en temps réel par un moyen de communication électronique à un ou plusieurs commanditaires. »
M. Thomas Dossus. - Nous créons une nouvelle infraction de viol d'enfant retransmis en direct en ligne. Cette pratique particulièrement choquante suit trois étapes : le commanditaire contacte le futur auteur des faits via une plateforme en ligne, détaille la manière dont le crime doit se dérouler, puis assiste aux faits en visioconférence. Le commanditaire est bel est bien responsable : sans paiement, le viol n'aurait pas eu lieu. Nous proposons de rehausser la peine à vingt ans pour tous les viols en ligne, et non uniquement ceux qui sont commis sur des mineurs de quinze ans.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je vous rejoins sur le fond, bien sûr. Toutefois, cet amendement est satisfait par le droit en vigueur. Le code pénal prévoit deux circonstances aggravantes : la peine encourue est de vingt ans lorsque la victime est âgée de moins de 15 ans et lorsque la mise en relation entre l'auteur et la victime a été faite par l'utilisation d'un réseau de communications électroniques. Demande de retrait.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
Mme Laurence Rossignol. - Monsieur le rapporteur, êtes-vous sûr que l'auteur visé par l'article du code pénal est bien le commanditaire et non l'auteur du viol ?
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État. - Par le biais de la complicité, on aboutit aux mêmes peines pour le commanditaire. L'important, c'est que la répression soit efficace.
Mme Laurence Rossignol. - Les juges ne manquent pas d'articles du code pénal, mais bien d'enquêteurs pour poursuivre les auteurs. Les services de cybercriminalité ont identifié 150 commanditaires pour une trentaine de poursuites engagées. Nous avons besoin d'enquêteurs !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - À l'article 222-24 du code pénal, le viol est puni de vingt ans de réclusion pour les actes commis sur un mineur de quinze ans, quoi qu'il arrive.
L'amendement n°89 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°90, présenté par Mme M. Vogel, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans les six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport dressant les moyens mis en oeuvre pour lutter contre les viols commandités en ligne via des plateformes de retransmission en direct.
M. Thomas Dossus. - Amendement de repli pour demander un rapport sur les viols retransmis en ligne : quels sont les moyens mis en oeuvre pour lutter contre ce phénomène inquiétant et mal connu ? En décembre 2021, 300 personnes étaient poursuivies pour ce chef.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Vous connaissez la jurisprudence du Sénat sur les demandes de rapports : retrait.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°90 n'est pas adopté.
AVANT L'ARTICLE 4
Mme le président. - Amendement n°71 rectifié, présenté par Mmes Billon, Borchio Fontimp et M. Mercier.
Avant l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 1-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction résultant de l'article 22 de la présente loi, il est inséré un article 1-... ainsi rédigé :
« Art. 1-.... - Les personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne mettant à disposition du public des contenus pornographiques affichent, avant tout accès à un contenu simulant la commission d'un crime ou d'un délit mentionné au deuxième alinéa du présent article, un message avertissant l'utilisateur du caractère illégal des comportements ainsi représentés. Ce message est clair, lisible, unique et compréhensible.
« Le premier alinéa est applicable aux infractions prévues par la section 3 du chapitre II et par le paragraphe 2 de la section 5 du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal.
« La commission simulée d'un crime ou d'un délit est appréciée en fonction du titre du contenu ainsi que des mots-clés, expressions ou autres entrées renvoyant vers ledit contenu.
« Tout manquement à cette obligation est puni des peines prévues à l'article 1-2 de la présente loi.
« Tout contenu qui ne fait pas l'objet d'un message d'avertissement en violation du présent article est illicite au sens de l'article 3, paragraphe h, du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE. »
Mme Annick Billon. - Les travaux du Sénat ont montré le caractère massif et systémique des violences envers les femmes dans le milieu de la pornographie. L'industrialisation du secteur favorise la domination et l'affirmation d'une division sexuée et racialisée des rôles dans les représentations sexuelles, charriant de nombreux stéréotypes.
Cet amendement impose aux éditeurs de sites pornographiques de faire apparaître un message alertant le consommateur sur le caractère illégal des comportements représentés. Les publicités pour l'alcool doivent bien afficher un message de prévention ! Le non-respect serait sanctionné de 75 000 euros d'amende et d'un an d'emprisonnement.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Cet amendement complète l'article 2 visant à empêcher l'accès des mineurs aux contenus pornographiques. Avis favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Nous partageons l'intention, mais il faut encore y travailler au cours de la navette : sagesse.
Mme Laurence Cohen. - Nous voterons cet amendement, que nous avions défendu à l'article 1er. Rappelons que certains producteurs et acteurs sont actuellement mis en examen pour proxénétisme aggravé, traite d'êtres humains et viol en réunion.
Mme Laurence Rossignol. - Nous voterons cet amendement, dont nous connaissons la genèse et la portée. Ces contenus constituent des infractions pénales et pourraient déjà être poursuivis. Or ils ne le sont pas, et ne le seront pas plus demain. Cet amendement permettra d'identifier la nature de l'infraction commise et compliquera la vie des éditeurs de sites pornographiques. C'est bien le but.
Mme Marie Mercier. - Je voterai moi aussi cet amendement. Je souhaite que cette loi protège réellement les enfants, mais j'en doute.
La loi du 30 juillet 2020 n'est toujours pas appliquée. Nous avons attendu le décret quatorze mois ! L'obligation pour les sites de contrôler l'âge n'a pas été respectée. L'Arcom les a déférés en justice et a dénoncé la proposition de médiation faite par le tribunal. Vendredi 7 juillet, celui-ci se prononcera, et nous saurons si la justice est capable de faire appliquer la loi.
L'amendement n°71 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mme le président. - Amendement n°70 rectifié, présenté par Mmes Billon, Borchio Fontimp et M. Mercier.
Avant l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, il est inséré un article 6-1 ... ainsi rédigé :
« Art. 6-1 .... - Les fournisseurs de services d'hébergement définis au 2 du I de l'article 6 de la présente loi agissent promptement pour retirer tout contenu pornographique signalé par une personne représentée dans ce contenu comme étant diffusé en violation de l'accord de cession de droits, ou pour rendre l'accès à celui-ci impossible, dès lors que ce signalement est notifié conformément à l'article 16 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE. »
Mme Annick Billon. - Le droit à l'oubli existe pour les contenus à caractère pornographique diffusés à l'insu des personnes concernées - le revenge porn. En revanche, une telle possibilité n'existe pas quand la vidéo a fait l'objet d'un contrat - souvent un contrat de cession du droit à l'image, sur un territoire et pour une durée limitée. Les producteurs réclament en général 3 000 à 5 000 euros pour retirer la vidéo, soit bien plus que la rémunération pour la scène concernée.
Cet amendement va dans le sens des travaux du groupe de travail conjoint avec la Chancellerie. Il devra être complété par un meilleur encadrement des relations contractuelles, pour protéger les femmes victimes de l'industrie pornographique.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Cet amendement clarifie la situation des vidéos diffusées au-delà du cadre du contrat initial et donne une base légale claire aux plateformes et hébergeurs. Toutefois, il faudrait aussi imposer des modalités de cession plus claires dans les contrats. Avis favorable néanmoins.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Retrait ou avis défavorable. Si la période contractuelle est terminée et si les conditions ne sont pas respectées, le contenu devient de fait illicite et son retrait peut être demandé. Nos consultations ont montré que les personnes réussissent généralement à faire retirer les contenus.
En revanche, il peut y avoir des abus dans le cadre du contrat. Nous devons réunir les experts du droit des contrats et du RGPD pour faire aboutir votre proposition, madame la sénatrice.
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement est très important.
Le Parlement européen examine actuellement une directive sur les violences sexuelles faites aux femmes. Une première version a été adoptée en commission et sera votée en plénière le 13 juillet. Le trilogue pourra ensuite débuter. Mais la version du Conseil est très inquiétante : la diffusion de vidéos sexuelles explicites sans le consentement des personnes ne pourrait être pénalisée, au nom de la liberté d'expression ! C'est inconcevable. Nous devons voter cet amendement pour affirmer la position de la France.
Mme Laurence Cohen. - Cet amendement est très important. Nous en avions présenté un similaire, moins bien placé apparemment. Pour les actrices, faire retirer des vidéos pornographiques est un parcours de la combattante : on leur demande des sommes excédant largement les rémunérations reçues lors du tournage.
Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur la notion de contrat. Dans notre rapport, nous avons constaté que les femmes qui tournent des films pornographiques sont précarisées et fragilisées : elles sont à la merci des réalisateurs. Le rapport de domination rend caduque la notion de contrat. On extorque des images à ces femmes. Dès lors, difficile de faire valoir les termes du contrat. Mon groupe votera cet amendement.
Mme Dominique Vérien. - Nous parlons de femmes qui ont été abusées et à qui on a fait croire que les images seront diffusées très loin de chez elles. Or leurs voisins y ont accès. Certaines, qui travaillaient par exemple au guichet d'une banque, ont été reconnues et ont dû démissionner. Le contrat devrait être mieux cadré. On leur a menti.
Votons-le cet amendement dès aujourd'hui, quitte à en améliorer la rédaction au cours de la navette.
Mme Laurence Cohen. - Très bien !
Mme Annick Billon. - Merci au rapporteur pour son avis favorable. Je maintiens mon amendement : la navette permettra de l'améliorer. Avec les trois autres rapporteures de la mission d'information, toutes présentes ce soir, nous avons été profondément marquées par une audition à huis clos. On doit écouter le témoignage de ces femmes qui ont été piégées. Oui, certaines ont signé un contrat, pour pouvoir payer leur loyer pendant le confinement, et subi, le temps du tournage, des actes de barbarie. Votons cet amendement !
L'amendement n°70 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mme le président. - Amendement n°87, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an, le Gouvernement présente sa stratégie de développement et de déploiement d'un système d'exploitation français à l'ensemble du matériel numérique des administrations publiques, permettant d'assurer une souveraineté numérique.
M. Pierre Ouzoulias. - Le « G » et le « A » de Gafam contrôlent 99 % des systèmes d'exploitation de vos téléphones. Ajoutez le « M », et on atteint 93 % des ordinateurs. Les systèmes d'exploitation alternatifs n'existent quasiment pas. C'est un problème pour les administrations de l'État : on ne peut pas garantir l'absence de portes dérobées permettant de voler des données...
On me signale qu'il existe une version d'un système d'exploitation Clip OS développé par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) depuis 2011, mais toujours pas de version prête à l'emploi.
Il est temps de lancer un plan pour doter les administrations françaises d'un système d'exploitation alternatif et indépendant.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Ce sujet est très important. Le marché des systèmes d'exploitation est très concentré, dans les mains d'acteurs américains. Utiliser une solution étrangère n'est pas forcément une mauvaise chose, mais les risques liés à l'extraterritorialité du droit existent bien.
Préciser que le Gouvernement présente une stratégie à ce sujet relève de la communication du Gouvernement : quel est son avis ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Retrait ou avis défavorable. Le Gouvernement a déjà présenté sa stratégie en vue d'atteindre la souveraineté numérique. Le plan France 2030 identifie les briques de souveraineté sur lesquelles nous faisons porter nos efforts : le cloud, l'intelligence artificielle, le cyber, le quantique, les réseaux de 5G et de 6G. S'agissant du cloud, le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour développer en France les suites collaboratives, c'est-à-dire la façon dont nous interagissons avec l'ordinateur. Des acteurs tels que Jamespot ou Wimi ont pu bénéficier de millions d'euros.
Et ce n'est là qu'un exemple ! Bref, la stratégie du Gouvernement est connue et explicitée dans le cadre de France 2030.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale. - Je comprends M. Ouzoulias, car la stratégie de souveraineté numérique du Gouvernement est restée longtemps peu claire, notamment sur la plateforme des données de santé... Le Sénat se réjouit que le Gouvernement ait enfin décidé de changer de braquet. Il est temps que l'État se dote d'une doctrine claire.
Il n'est sans doute pas nécessaire de l'inscrire dans un texte de ce type, mais nous y serons attentifs.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Même avis que le Gouvernement.
M. Pierre Ouzoulias. - J'utilise une suite collaborative libre de droits, LibreOffice, que je vous recommande. Sans système d'exploitation, toutefois, les failles resteront béantes. Ce doit être une priorité de la stratégie de souveraineté. Je maintiens mon amendement.
L'amendement n°87 n'est pas adopté.
ARTICLE 4
Mme le président. - Amendement n°48 rectifié quater, présenté par Mmes Noël et Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, D. Laurent et Chatillon, Mme Muller-Bronn, MM. Charon, Joyandet et Bouchet et Mmes Thomas, Belrhiti, Pluchet et Berthet.
Alinéa 16
Après le mot :
internet
insérer les mots :
ou aux fournisseurs de systèmes de résolution de nom de domaine définis au II de l'article 12 de la présente loi
Mme Sylviane Noël. - Cet amendement élargit aux navigateurs et systèmes d'exploitation la liste des acteurs susceptibles de contribuer à la lutte contre les sites faisant l'objet de sanctions européennes.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Par cohérence, avis favorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°48 rectifié quater est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 4
Mme le président. - Amendement n°127, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 226-8 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Est assimilé à l'infraction mentionnée au présent alinéa et puni des mêmes peines le fait de publier par quelque voie que ce soit, un contenu visuel ou sonore généré par un traitement algorithmique et reproduisant l'image ou les paroles d'une personne, sans son consentement, s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un contenu généré algorithmiquement ou s'il n'en est pas expressément fait mention. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ces peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende lorsque la publication du montage ou du contenu généré par un traitement algorithmique a été réalisé en utilisant un service de communication au public en ligne. »
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Cet amendement renforce l'article 226-8 du code pénal qui sanctionne la diffusion de fausses nouvelles par montage en y incluant les hypertrucages, ou deepfakes, conçus à l'aide d'algorithmes. Ces pratiques exposent massivement le public à de fausses informations, et peuvent même déclencher des cyberattaques.
Nous débattrons tout à l'heure d'un amendement de Mme Borchio Fontimp concernant l'usage des deepfakes en pornographie.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Dans leur rapport d'information, les députés Gosselin et Latombe craignaient que les deepfakes ne soient pas couverts par l'article 226-8, s'agissant non de montages mais d'images créées de toutes pièces. Avis favorable.
M. Pierre Ouzoulias. - J'ai un doute sur les modalités techniques, même si je souscris à l'objet.
Un exemple : la reconstitution par algorithme de la voix du général de Gaulle prononçant l'appel du 18 juin. Son consentement n'ayant pas été recueilli, tomberait-on sous le coup de cet amendement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Non, car il y a une condition complémentaire : s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un contenu généré algorithmiquement ou s'il n'en est pas expressément fait mention.
M. François Bonhomme. - Le sujet n'est pas anodin. Les deepfakes sont inquiétants, compte tenu du développement de l'intelligence artificielle. Europol a identifié des risques de déstabilisation des États. Nous soutenons donc cette initiative.
L'amendement n°127 est adopté et devient un article additionnel.
Mme le président. - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 227-23 du code pénal est ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques revêtant l'intention de représenter un mineur, intention appréciée par le contenu, par les images ou par les titres donnés aux images. »
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement et les suivants ont le même objet. L'article 227-23 punit le fait de diffuser, enregistrer ou transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque celle-ci présente un caractère pornographique.
Mais il est appliqué de manière restrictive, sans doute pour s'adapter aux moyens dont disposent les enquêteurs. Pharos et Europol distinguent entre la pédocriminalité, qui consiste à commettre des abus sexuels et viols sur mineurs et à en diffuser les images, et la pédopornographie, qui consiste à représenter un mineur.
Dans les sites pornographiques, il y a quantité d'images qui représentent des mineurs subissant des abus sexuels, par exemple sous l'intitulé « écolière ». L'intention est bien de mettre en scène la sexualité d'un majeur avec une mineure, peu importe que la jeune fille ait 18 ans ou non. Du moment qu'elle est pubère, Pharos laisse passer.
Mme le président. - Amendement identique n°78 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. - Défendu.
Mme le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 227-23 du code pénal est ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques d'une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur. »
Mme Laurence Rossignol. - Défendu.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je comprends votre intention. Sous couvert de fiction, il ne faut pas faire l'apologie d'actes visés par le code pénal. La cause est bonne, mais les difficultés juridiques sont réelles : dans les faits, nous pourrions condamner des personnes majeures qui représentent des personnes mineures. De plus, vous viseriez tout type d'images, et non seulement les sites pornographiques. C'est dangereux, surtout associé à votre amendement n°8 rectifié. Il serait alors interdit à deux majeurs de se filmer, si l'un est déguisé en mineur.
Cela compliquerait la tâche des agents de Pharos, qui font un travail remarquable. Les critères sont actuellement relativement simples, ce qui permet des blocages massifs et rapides. En exigeant une analyse au cas par cas, vous risquez de déstabiliser Pharos.
Mme Laurence Rossignol. - C'est l'inverse !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Le rapport de la délégation aux droits des femmes rappelle que les principaux responsables des contenus hardcore sont les grandes plateformes, les tubes, prêtes à diffuser n'importe quoi du moment que c'est rentable. Cette primauté de plateforme favorise les violences sexuelles contre les femmes, et des contenus de plus en plus indignes et violents. Nous sommes tous les deux membres de la délégation, madame Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. - Je suis même auteure du rapport ! (Sourires)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je l'ai voté !
Il faut donc viser les plateformes et non modifier le code pénal. De ce point de vue, l'amendement de Mme Billon est préférable.
Enfin, ne mettons pas sur le même plan des jeux de rôle entre adultes consentants et un viol d'enfant. J'en suis navré, avis défavorable aux trois amendements.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°8 rectifié est retiré.
Mme Laurence Cohen. - Monsieur le rapporteur, vous faites une confusion : nous parlons de représentation ! Il s'agit d'un homme face à la représentation d'une mineure par une personne majeure : une personne avec des couettes, que l'on va violer - c'est une pure incitation à l'inceste ! Un adulte pourrait donc abuser un enfant ? Il est inacceptable de véhiculer de telles incitations au crime. Allez voir sur les sites, il n'y a aucun doute possible.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État. - Nous supprimons le terme de pédopornographie, à la demande des associations, pour ne parler que de pédocriminalité. (On acquiesce au banc des commissions.)
Dans une logique d'image, intégrer la notion d'intention, de déguisement, créerait des difficultés juridiques. Concentrons les moyens sur la répression des crimes réels. (Mme Laurence Cohen manifeste son scepticisme.)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Nous touchons à des dispositions qui donneront lieu à des procès pénaux. Restons concrets. En droit pénal, on ne criminalise pas l'intention. Elsa Schalck l'a rappelé en commission de manière éloquente. Membre de la commission des lois, je me fais aussi le gardien du droit pénal.
De plus, la matérialité des faits prime sur la fiction et nous rappelle qu'il s'agit soit d'adultes, soit d'enfants ! Avec un tel élargissement, nous encourrons la censure du Conseil constitutionnel. L'intentionnalité n'est pas matérialisable, la matérialité des faits primera toujours !
Mme Laurence Rossignol. - Je ne m'attendais pas à cette argumentation, mais plutôt à ce qu'on me dise que l'amendement est satisfait. (Mme la secrétaire d'État le confirme.)
L'article 227-23 du code pénal parle bien d'image ou de représentation. Aussi permet-il le retrait de toutes les rubriques qui inondent les sites pornographiques et dont l'intention est bien pédocriminelle ! Les enquêteurs travaillent image par image : nous leur proposons de poursuivre de manière large.
Et l'affaire Bastien Vivès ? Où la situez-vous ?
Les amendements identiques nos5 rectifié et 78 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°7 rectifié.
Mme le président. - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 227-23 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont applicables dès lors qu'elles ont pour intention de représenter des relations sexuelles de caractère incestueux. »
Mme Laurence Rossignol. - Les discussions sont difficiles, tant l'écart est grand entre la loi, les infractions commises et la réalité des possibilités d'enquête. Charger la loi n'est pas toujours la solution, mais la loi ne permet pas de poursuivre.
Les sites qui représentent l'inceste sont pléthore. Deux enfants par classe sont victimes d'inceste. Les enfants sont surexposés ! Comment lutter, si l'on peut voir autant de représentations ? Nous ne légiférons pas sur des fantasmes, mais sur des contenus qui banalisent l'inceste et en font une pratique excitante pour les hommes qui regardent ces sites.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis défavorable. Je parle bien de l'inceste réprimé par le code pénal, pas de la définition du Larousse.
Mme Laurence Rossignol. - Je veux bien le préciser !
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État. - Même avis, les textes permettent déjà de criminaliser l'inceste.
Sur l'affaire Bastien Vivès, une enquête pénale est en cours. C'est pourquoi je n'ai pas fait de saisine en application de l'article 40 du code pénal. La loi actuelle suffit.
Le problème est surtout celui des moyens des services d'enquête.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°122 rectifié quater, présenté par MM. Chaize, Retailleau, Bascher et Mandelli, Mmes Demas, Dumont, Jacques et Berthet, MM. Somon, Burgoa et C. Vial, Mmes Malet, V. Boyer et Eustache-Brinio, M. Bouchet, Mmes Lavarde et Bourrat, M. Calvet, Mme Bellurot, MM. Sido, Allizard, Bazin et Mouiller, Mmes Deseyne, Estrosi Sassone et Joseph, M. Perrin, Mmes Garnier et Gosselin, MM. Rapin et Brisson, Mmes Di Folco, Richer et L. Darcos, MM. Panunzi et Genet, Mmes Puissat, F. Gerbaud, Chauvin, M. Mercier et Borchio Fontimp, MM. Hugonet et D. Laurent, Mmes Micouleau et Belrhiti, M. B. Fournier, Mmes Del Fabro et Lassarade, MM. Klinger, Chevrollier, Piednoir et Gremillet, Mme Ventalon, MM. Lefèvre et Anglars, Mmes Pluchet et Schalck, MM. Malhuret, Tabarot et Bouloux et Mme de Cidrac.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Lorsqu'il est constaté des émeutes ou des mouvements populaires portant atteinte à l'ordre public ou à la sécurité publique et incitant de façon manifeste à la violence contre des personnes dépositaires de l'autorité publique, à la dégradation des bâtiments ou des installations publics ou à l'intrusion en leur sein, l'autorité administrative compétente peut émettre des injonctions de retrait à l'encontre de tout service de réseau social en ligne pour retirer ou bloquer l'accès des contenus, dans un délai de deux heures à compter de la réception de ladite injonction, incitant de façon manifeste aux émeutes, à la violence contre les personnes dépositaires de l'autorité publique, à la dégradation des bâtiments ou des installations publics ou à l'intrusion en leur sein.
II. - La méconnaissance de l'obligation mentionnée au présent I est punie d'un an d'emprisonnement et de 250 000 € d'amende.
III. - Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État.
M. Patrick Chaize. - La portée des émeutes et des mouvements populaires violents est amplifiée par les réseaux sociaux, dont la passivité appelle une réponse plus ferme. L'autorité administrative doit pouvoir prononcer des injonctions de retrait sous deux heures de contenus qui appellent à la violence.
Je rends hommage aux forces de l'ordre qui oeuvrent pour faire régner l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.) Il est injuste que les casseurs bénéficient des réseaux sociaux.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je comprends cet amendement d'appel, et m'associe à votre salut aux forces de l'ordre, comme j'assure le maire de L'Haÿ-les-Roses de mon soutien. Je rends aussi hommage au jeune pompier décédé. Nous devons être inflexibles face à ceux qui prétextent de la mort d'un jeune de 17 ans pour incendier et casser.
Les réseaux sociaux ont joué un rôle important dans la propagation des violences et pillages de toute nature. L'écran ne protège pas : toute incitation à la violence est punie de prison ferme. Bientôt, ils encourront la peine de bannissement, grâce au Sénat, tout comme ceux qui harcèlent les élus.
Le garde des sceaux entend « péter les comptes Snapchat » : la justice peut-elle déjà le faire ? Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Merci pour cet amendement qui me permet de rendre compte de l'action du Gouvernement au cours de cette semaine tragique. Oui, les réseaux sociaux ont amplifié le phénomène, même si les racines des problèmes sont ailleurs. Leurs fonctionnalités favorisent les regroupements et les dynamiques émeutières, et ils ont diffusé des images qui glorifient ou banalisent la violence.
Dès les premières heures, avec le ministre de l'intérieur, nous avons rappelé les plateformes à leurs responsabilités légales : les contenus doivent être promptement retirés et les données des comptes transmises sur injonction des autorités judiciaires. Puis, nous leur avons demandé l'anticipation du DSA, que transpose ce projet de loi : corriger le risque systémique qu'elles font peser sur la sécurité publique.
Nous avons convoqué une réunion pour dresser le bilan de la semaine avec les quatre principales plateformes. Force est de constater qu'elles ont retiré des milliers de contenus, supprimé des centaines de comptes, satisfait des dizaines de réquisitions. Elles ont pris des mesures contre la viralité de la diffusion de la violence.
Je suis très défavorable à cet amendement, à cause de son risque d'inconstitutionnalité. La loi Avia a été censurée par le Conseil constitutionnel, saisi par le Sénat, alors qu'elle prescrivait des retraits en 24 heures. Ici, vous proposez deux heures ! Le motif de censure était que les hébergeurs, qui encourent des peines très lourdes, allaient retirer des contenus même licites. C'est enfreindre la liberté d'expression.
Il faut rester constructif pour que les plateformes agissent dès la première heure. La navette suivra son cours. Le Président de la République appelle à ne pas prendre de mesures trop dures à chaud. J'espère que nous aboutirons à une rédaction collective efficace à l'Assemblée nationale, puis en CMP. Je vous propose donc le retrait. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - M. Chaize voulait que nous ayons un débat de nature à éclairer notre vote. Le ministre vient de faire une proposition de travail très honnête, à laquelle je souscris. L'objectif est d'aboutir à une rédaction fluide et respectueuse de la Constitution. Il faut nous mettre autour de la table.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale. - Je rappellerai les travaux antérieurs du Sénat : j'ai rapporté la loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information et la loi Avia. Celle-ci avait été censurée, car le délai de retrait des contenus était fixé à 24 heures. L'amendement prévoit un retrait en deux heures : c'est contradictoire avec tous nos votes antérieurs.
M. Ludovic Haye. - Très juste !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale. - Je comprends cet amendement. Monsieur le ministre, le travail que vous proposez est nécessaire. Nous verrons comment fonctionne le DSA, mais les plateformes, qui amplifient considérablement les actes, doivent être tenues responsables. Les TikTok bots, depuis l'étranger, contribuent à la diffusion d'images répréhensibles, confortant les émeutiers dans leur action. Nous devrons être intraitables dans l'application du DSA, comme l'a dit Thierry Breton à Elon Musk.
M. Pierre Ouzoulias. - Je souscris au constat sur les réseaux sociaux et rends à mon tour hommage aux élus et aux forces de police.
Cela dit, chers collègues, vous avez déféré la loi Avia devant le Conseil constitutionnel en dénonçant une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et des sujétions impossibles à satisfaire entraînant une rupture d'égalité devant les charges publiques. Le Conseil constitutionnel vous a donné raison. Pour rédiger un nouvel amendement, il faudrait partir de cette décision du 18 juin 2020.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Absolument !
M. Pierre Ouzoulias. - Mon cher collègue, vous vous êtes écarté de sa jurisprudence. Le Conseil constitutionnel censurerait sans doute votre amendement.
M. Thomas Dossus. - Les plateformes ont joué un rôle propagateur effrayant de ces émeutes, multipliant les pillages inacceptables.
Il y a une semaine, j'interrogeais Gérald Darmanin sur la loi Cazeneuve de 2017. Il m'accusait de vouloir légiférer à chaud. Or six jours plus tard, voilà un amendement rédigé à chaud, qui a peu de chances de survivre à la navette comme à l'examen du Conseil constitutionnel !
En commission, nous avons élargi le bannissement : c'est déjà une étape.
J'ajoute que la vérité sur le drame de Nanterre a été révélée par une vidéo sur les réseaux sociaux : ce n'était pas la version de la police. Demain, en demanderait-on le retrait ? (M. Patrick Chaize manifeste son désaccord.) Ce genre d'amendement m'inquiète.
M. Didier Mandelli. - J'ai écouté l'ensemble des arguments. Nous avons déjà eu ces discussions, à l'occasion de la loi Avia et de la loi d'orientation des mobilités (LOM). Nous avions inscrit dans celle-ci la possibilité de faire retirer, sous deux heures, les publications d'une communauté comme Coyote pour éviter qu'une personne en délit de fuite puisse être informée de la position des forces de l'ordre, à la suite d'un précédent en Bretagne, ce que le Conseil constitutionnel n'a pas censuré. J'encourage Patrick Chaize à maintenir son amendement, que j'ai cosigné et que je voterai.
M. Cédric Vial. - Je rejoins M. Mandelli. Nous sommes tous d'accord sur l'intention, qui fait consensus, hormis peut-être pour M. Dossus.
La rédaction de l'amendement pourrait être améliorée : dont acte. Votons-le et faisons progresser les choses au cours de la navette !
Monsieur le ministre, vos collègues du Gouvernement, Bruno Le Maire, Gabriel Attal et Stanislas Guerini ont épuisé notre confiance : nous préférons voter l'amendement que de nous laisser bercer par les promesses d'un travail transpartisan futur. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue quelques instants.
M. Patrick Chaize. - Nous parlons beaucoup de la loi Avia. J'ai rédigé mon amendement à la lumière de la LOM, qui prévoit un effet immédiat. Je ne vois pas pourquoi ce qui est possible pour Coyote ne le serait pas ici.
Ce matin même, le Président de la République est allé encore plus loin, en proposant de bloquer les réseaux sociaux. Ma proposition se limite au retrait de contenus.
Cet amendement a été cosigné par un grand nombre de mes collègues. Je le retire toutefois, pour que les réunions de travail puissent avoir lieu, mais je demande au ministre que, dès demain, il nous annonce la date de début de ces travaux. Je souhaite également qu'ils aient lieu sur la base de cet amendement.
L'amendement n°122 rectifié quater est retiré.
M. Cédric Vial. - Je le reprends !
Mme le président. - C'est impossible, mon cher collègue, car vous en êtes cosignataire.
Mme Sophie Primas. - Vous pourriez répondre, monsieur le ministre...
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - En effet, je vous donnerai une date dès demain.
M. Olivier Rietmann. - Promesses !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Nous allons devoir apporter des réponses, mais il est difficile de le faire à chaud - c'est ce que le Président de la République a dit.
La navette permettra d'améliorer le texte, après quoi, je l'espère, la CMP aboutira à un accord et le texte sera validé par le Conseil constitutionnel.
Saisissons-nous de ce sujet en partant du travail de Patrick Chaize pour construire un dispositif équilibré et solide qui évite que de tels événements ne se reproduisent.
ARTICLE 5
Mme le président. - Amendement n°68 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel.
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
ayant été utilisés
insérer les mots :
, ou non,
M. Bernard Fialaire. - L'article 5 permet au juge de prononcer une suspension du ou des comptes utilisés pour commettre l'infraction, mais le délinquant pourra toujours se reporter sur d'autres plateformes. Nous proposons donc que le juge puisse ordonner la suppression de tous les comptes de l'auteur. Bien sûr, dans le respect du principe de proportionnalité, la peine sera facultative et laissée à l'appréciation du juge ; elle sera limitée aux infractions graves commises au moyen d'un service de plateforme en ligne.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Cette piste a été explorée par le Gouvernement et votre serviteur, mais semble contraire à la Constitution. La nouvelle rédaction adoptée par la commission spéciale garantit que le juge pourra ordonner le blocage de tous les comptes concernés par l'infraction. C'est une position intermédiaire qui vous satisfait en partie. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°68 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°133, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission.
I. - Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer le mot :
précités
par les mots :
faisant l'objet d'une suspension
II. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
visés par la peine complémentaire
par les mots :
faisant l'objet d'une suspension
III. - Alinéa 21
Remplacer le mot :
accéder
par les mots :
utiliser un compte d'accès
IV. - Alinéa 24
Remplacer les mots :
accéder à certains services désignés par la juridiction
par les mots :
utiliser un compte d'accès à certains services en ligne désignés par la juridiction de condamnation ou par le juge d'application des peines
V. - Alinéas 25 et 26
Rédiger ainsi ces alinéas :
II. - Après le 19° de l'article 41-2 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Ne pas utiliser, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, un compte d'accès à un ou des services de plateforme en ligne définis au 4° du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique, services de réseaux sociaux en ligne et services de plateformes de partage de vidéo au sens du règlement 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828. »
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Amendement rédactionnel et de clarification.
Mme le président. - Amendement n°116, présenté par M. Haye et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
I. - Alinéa 21
Remplacer les mots :
lorsque l'infraction a été commise en recourant à un service en ligne, y compris si celui-ci n'a pas été le moyen unique ou principal de cette commission
par les mots :
pour les délits prévus au II de l'article 131-35-1 du présent code
II. - Alinéa 24
Remplacer les mots :
Lorsque l'infraction a été commise en recourant à un service en ligne, y compris si celui-ci n'a pas été le moyen unique ou principal de cette commission
par les mots :
Pour les délits prévus au II de l'article 131-35-1 du présent code
III. - Alinéa 26
Compléter cet alinéa par les mots :
. Les dispositions du présent alinéa s'appliquent pour les délits prévus au II de l'article 131-35-1 du code pénal
M. Ludovic Haye. - Cet amendement calque la liste des délits pouvant déclencher le bannissement numérique sur celle des délits pouvant déclencher la peine complémentaire prévue à l'article 131-35-1 du code pénal. Les peines limitatives de la liberté d'expression doivent être entourées de garanties fortes.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - C'est tout l'inverse de ce que la commission spéciale a entendu faire. Votre liste ne comporte que des délits : le bannissement ne pourrait donc jamais viser l'auteur d'un crime. Il faut trouver le bon équilibre. Je serais ouvert à ce que le bannissement ne concerne que certains délits et certains crimes. Mais votre amendement, trop restrictif, priverait cette nouvelle arme de sa portée. Le bannissement ne pourra être prononcé qu'après une infraction commise en ligne : c'est déjà un garde-fou. Retrait ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je salue le travail du rapporteur : partant de l'article 5, il a imaginé que le bannissement puisse être prévu dans le cas du sursis probatoire, de la composition pénale ou comme peine alternative à la prison. C'est une bonne chose, mais, pour en assurer la sécurité juridique, il faut préciser la durée du bannissement et les infractions concernées.
Dès lors, avis favorable aux amendements nos133 et 116. L'amendement de M. Haye circonscrit la liste des délits permettant au juge de prononcer un bannissement.
L'amendement n°133 est adopté.
L'amendement n°116 n'a plus d'objet.
Mme le président. - Amendement n°117 rectifié, présenté par M. Haye et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
I. - Alinéa 9
Supprimer la référence :
222-33-1-1,
II. - Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Les délits prévus aux articles 226-1 à 226-2-1, 226-4-1, 226-8 et 226-8-1 ;
III. - Alinéa 15
Remplacer la référence :
431-6
par les mots :
et au deuxième alinéa de l'article 431-6
M. Ludovic Haye. - Nous modifions la liste des délits concernés pour ne conserver que ceux punis de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende, à l'exception des délits de presse. Il s'agit de garantir le respect de la proportionnalité des peines.
Mme le président. - Sous-amendement n°143 à l'amendement n°117 rectifié de M. Haye et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, présenté par le Gouvernement.
Amendement 117, alinéas 4 à 11
Remplacer ces alinéas par dix-sept alinéas ainsi rédigés :
II. - Alinéa 10
Remplacer les mots :
, 225-6 et 225-10
par les mots :
et 225-6
III. - Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Le délit prévu à l'article 226-2-1 ;
IV. - Alinéa 13
Supprimer la référence :
, 226-10
V. - Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Les délits prévus aux articles 211-2, 223-13, 223-14, 227-18, 227-18-1, 227-21, 412-8 et au deuxième alinéa de l'article 431-6 ;
VI. - Alinéa 17
Supprimer la référence :
431-1,
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Ce sous-amendement va dans le sens de M. Haye. Il faut circonscrire le champ des délits concernés par le bannissement pour sécuriser le dispositif. Avis favorable à l'amendement n°117 rectifié, sous réserve de ce sous-amendement.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - La commission était favorable à la proposition de M. Haye, sous réserve de certaines modifications qu'il a apportées. Le sous-amendement du Gouvernement revient sur ces modifications. Avis favorable à l'amendement, mais très défavorable au sous-amendement.
Le sous-amendement n°143 n'est pas adopté.
L'amendement n°117 rectifié est adopté.
Mme le président. - Amendement n°118, présenté par M. Haye et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéa 21
Remplacer les mots :
trois ans
par les mots :
six mois
M. Ludovic Haye. - Cet amendement calque la durée du bannissement numérique prononcé comme peine alternative ou complémentaire sur celle de la peine complémentaire prévue à l'article 131-35-1 du code pénal, soit six mois.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je ne crois pas qu'un bannissement de trois ans comme alternative à l'emprisonnement pose un problème constitutionnel. Cela dit, je comprends l'intention des auteurs de l'amendement : une durée trop longue nuirait à la possibilité de mener une vie normale. Toutefois, la durée de six mois me semble trop courte. Courageusement, je m'en remets à la sagesse du Sénat...
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - La liberté d'expression a une valeur très élevée pour le Conseil constitutionnel. Je suis favorable à l'amendement n°118 de M. Haye. La peine de bannissement est nouvelle, et la commission a ajouté trois nouvelles modalités d'application. Entourons le dispositif des précautions nécessaires pour nous assurer que le juge constitutionnel le valide.
L'amendement n°118 est adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 5
Mme le président. - Amendement n°106, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le I de l'article 222-33-1-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9° Lorsqu'il a été commis par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique, que ce soit par la diffusion de contenus accessibles au public ou par l'envoi de messages émis par la voie de communications électroniques. »
II. - L'article 60-1-2 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° La procédure porte sur l'infraction mentionnée au 9° de l'article 222-33-1-1 du code pénal. »
M. Thomas Dossus. - Quelque 2 350 outrages sexistes ont été recensés entre 2018 et 2020, mais seuls 15 % des auteurs ont été identifiés. La Lopmi a prévu une amende de 3 750 euros, mais ces infractions sont difficiles à constater dans l'espace public. Le problème ne se pose pas en ligne, car les outrages sexuels et sexistes sur internet laissent des traces. Une amende forfaitaire de 3 750 euros serait dissuasive et permettrait de lutter plus efficacement contre ces outrages, inacceptables en ligne comme dans la rue.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Cet amendement intègre au délit d'outrage sexiste ou sexuel les infractions en ligne et instaure une amende forfaitaire délictuelle, pour assurer une répression rapide. J'en partage l'état d'esprit et j'ai déposé un amendement qui va dans le même sens. Mais la rédaction proposée pose deux problèmes juridiques : l'amendement vise des comportements, alors qu'il faudrait viser la diffusion des contenus ; le code de procédure pénale ne permet pas de réquisition pour rechercher l'auteur d'une infraction qui n'est pas punie d'au moins un an d'emprisonnement. Retrait ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°106 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°134, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 4 du chapitre II du titre II du live II du code pénal, est insérée une section 4 ... ainsi rédigée :
« Section 4 ...
« De l'outrage en ligne
« Art. 222-33-1-2. - I. - Est puni de 3 750 euros d'amende et d'un an d'emprisonnement le fait, hors les cas prévus aux articles 222-17 à 222-18-1, 222-33-1 et 222-33-2 à 222-33-2-3 du code pénal et aux troisième et quatrième alinéas de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de diffuser en ligne tout contenu qui soit porte atteinte à la dignité d'une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
« Est considéré comme diffusé en ligne au sens du présent article, tout contenu transmis au moyen d'un service de plateforme en ligne définis au 4° du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique, d'un service de réseaux sociaux en ligne ou d'un service de plateformes de partage de vidéo au sens du règlement 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828.
« Les personnes reconnues coupables du délit prévu au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La peine de stage prévue aux 1° , 4° , 5° ou 7° de l'article 131-5-1 du présent code ;
« 2° L'interdiction d'utiliser un compte d'accès à un service en ligne prévue au 12° bis de l'article 131-6 ; cette interdiction est prononcée pour une durée de six mois au plus.
« II. - Pour le délit prévu au I du présent article, l'action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 300 euros. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l'amende forfaitaire majorée est de 600 euros.
« Art. 222-33-1-3. - I. - L'infraction définie à l'article 222-33-1-2 est punie de 7 500 euros d'amende et d'un an d'emprisonnement lorsqu'elle est commise :
« 1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
« 2° Sur un mineur ;
« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur ;
« 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;
« 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
« 6° En raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, vraie ou supposée, de la victime ;
« 7° Par une personne qui commet la même infraction en étant en état de récidive dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 132-11.
« II. - Pour le délit prévu au I du présent article, y compris en cas de récidive, l'action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 600 euros. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est de 500 euros et le montant de l'amende forfaitaire majorée est de 1 200 euros. »
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Nos auditions ont montré les limites de la réponse pénale classique contre le harcèlement en ligne. Le cyberharcèlement n'a pas de définition autonome : il est couvert par les infractions existantes de harcèlement. Pourtant, ces faits sont graves et passibles de lourdes peines.
Nous proposons la création d'un délit d'outrage en ligne, pouvant faire l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle. Cette nouvelle infraction porterait sur la diffusion de contenus portant atteinte à la dignité d'une personne. Elle serait passible d'une amende de 3 750 euros et d'un an d'emprisonnement ou d'une amende forfaitaire délictuelle de 300 euros - et, sous sa forme aggravée, d'une amende de 7 500 euros ou d'une amende forfaitaire délictuelle de 600 euros.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Dans sa décision du 19 janvier dernier relative à la Lopmi, le Conseil constitutionnel a estimé que la procédure d'amende forfaitaire ne pouvait porter que sur des montants faibles et des faits punis de moins de trois ans d'emprisonnement. Or les infractions dont il s'agit supposent des enquêtes parfois poussées, ce qui est peu compatible avec les amendes forfaitaires. Par ailleurs, de nombreuses zones grises persistent sur la nature des contenus illicites en ligne : le caractère automatique de l'amende forfaitaire n'est donc pas adapté. Retrait.
M. Thomas Dossus. - Je ne comprends pas le dispositif proposé par le rapporteur car, dans l'objet de son amendement, il est précisé que l'infraction ne sera pas constituée si les faits tombent dans le champ des délits existants, comme l'outrage sexiste ou sexuel.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - En matière pénale, les faits sont rattachés à une infraction ou à une autre : l'amende forfaitaire est exclusive d'un autre dispositif.
L'amendement n°134 est adopté et devient un article additionnel.
Mme le président. - Amendement n°128, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 226-8 du code pénal, il est inséré un article 226-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 226-8-1. - Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 60 000 euros d'amende le fait de publier, sans son consentement, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l'image d'une personne, et présentant un caractère sexuel. Est assimilé à l'infraction mentionnée au présent alinéa et puni des mêmes peines le fait de publier par quelque voie que ce soit, un contenu visuel ou sonore généré par un traitement algorithmique et reproduisant l'image ou les paroles d'une personne, sans son consentement, et présentant un caractère sexuel. »
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Vous avez adopté un amendement intégrant les hypertrucages, ou deepfake, au code pénal. Celui-ci traite de l'utilisation de loin la plus courante des hypertrucages, soit la création d'images à caractère pornographique. Je laisse Mme Borchio Fontimp présenter le dispositif qu'elle a conçu à cet égard.
Mme le président. - Sous-amendement n°129 rectifié bis à l'amendement n°128 du Gouvernement, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. H. Leroy, Tabarot et Bascher, Mme V. Boyer, M. Genet, Mme Pluchet, MM. Anglars et Bacci, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet, Bouloux, Calvet et Cambon, Mmes L. Darcos, Del Fabro, Di Folco, Garriaud-Maylam et F. Gerbaud, M. Houpert, Mmes Imbert et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier et Noël et MM. Pellevat, Perrin, Piednoir, Rapin, Reichardt, Rietmann et Saury.
Amendement n° 128
Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le délit prévu au premier alinéa est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.
« Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque la publication du montage ou du contenu généré par un traitement algorithmique a été réalisé en utilisant un service de communication au public en ligne. »
Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Les hypertrucages consistent à publier des montages à caractère pornographique à l'insu des personnes - dans 99 % des cas, des femmes. Ce sous-amendement vise à faciliter l'utilisation des moyens légaux pour déterminer les responsables et à prévoir une sanction suffisante.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Le Gouvernement propose une nouvelle infraction qui serait pénalisée de la même manière que le revenge porn, c'est judicieux. Reste qu'il faudra sans doute s'interroger sur les deepfake qui se présentent explicitement comme des faux et peuvent se rattacher au droit lié aux caricatures. Avis favorable à l'amendement n°128.
Avis favorable également au sous-amendement n°129 rectifié bis. C'est un travail de coconstruction intelligent.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Avis favorable au sous-amendement. Je m'engage à sécuriser le dispositif dans la suite de la navette.
Le sous-amendement n°129 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°128, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.
Mme le président. - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° bis de l'article 138 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Ne pas être inscrit et ne pas se rendre sur certaines applications ou certains sites internet, déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ; ».
Mme Laurence Rossignol. - L'article 138 du code de procédure pénale prévoit que le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction peut restreindre la liberté d'aller et venir, mais ne prévoit rien sur la fréquentation de certains sites. Nous proposons qu'il puisse interdire l'accès à des sites et applications dans le cadre du contrôle judiciaire.
Cet amendement fait suite à l'affaire du violeur de Tinder, qui a déjà fait deux ou trois nouvelles victimes depuis la fin de sa détention provisoire. On a reproché au juge de ne pas avoir prononcé cette interdiction, mais la loi ne le lui permettait pas. Le présent amendement y remédie.
Mme le président. - Amendement n°44, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° bis de l'article 138 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Lorsque l'infraction a été commise en recourant à un service en ligne, y compris si celui-ci n'a pas été le moyen unique ou principal de cette commission, ne pas accéder à certains services désignés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ; les dispositions du présent alinéa sont applicables aux services de plateforme en ligne tels que définis au 4° du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique, aux services de réseaux sociaux en ligne et aux services de plateformes de partage de vidéo au sens du règlement 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 ; »
M. Thomas Dossus. - Dans le même esprit, nous proposons que le bannissement puisse être ordonné comme mesure de contrôle judiciaire. Le juge pourra en demander l'application pendant l'instruction.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement de Mme Rossignol permet au juge de prononcer un bannissement dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Mais sa rédaction n'est pas harmonisée avec celle de la commission spéciale à l'article 5. L'expression « certaines applications ou certains sites internet » est beaucoup trop large.
Nous lui préférons l'amendement de M. Dossus, qui reprend les grandes lignes du travail de la commission spéciale sur les alternatives aux poursuites et l'exécution des peines. Reste que l'on imposerait le bannissement à des personnes seulement mises en cause, ce qui interroge au regard de la présomption d'innocence. Je m'en remets à l'avis du Gouvernement sur le bon équilibre entre ce principe et la prévention de la récidive.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - L'amendement n°9 rectifié bis prévoit l'interdiction de toute utilisation des plateformes, y compris à des fins d'information. Il est disproportionné dans son champ d'application, sa durée et ses effets.
Durée, infractions concernées, types de comptes et de plateformes concernés : voilà les points de vigilance que la commission spéciale a préservés. Demande de retrait de ces deux amendements, trop larges et qui seraient source d'insécurité.
Mme Laurence Rossignol. - Je n'ai pas la même lecture de mon amendement que le ministre... Il ne s'agit pas de créer une interdiction générale, y compris pour des sites d'information. Je dépose des amendements au code pénal depuis longtemps : chaque fois, le garde des sceaux me dit qu'il faut faire confiance au juge... Ce soir, on m'explique que mon amendement peut donner lieu à toutes les dérives. Mais il ne peut donner lieu qu'à des mesures de contrôle judiciaire prises par le juge, auquel je fais toute confiance - parce que j'ai fini par être convaincue par le garde des sceaux ! (Sourires)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je suis l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°44.
L'amendement n°9 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°44.
Mme le président. - Amendement n°43, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « même code », sont insérés les mots : « ou contre la diffusion de paroles ou d'images présentant un caractère sexuel en l'absence d'accord de la personne relevant de l'article 226-2-1 dudit code » et les mots : « et 227-23 » sont remplacés par les mots : « , 227-23 et 226-2-1 » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « et 227-23 » sont remplacés par les mots : « , 227-23 et 226-2-1 » ;
3° À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « et 227-23 » sont remplacés par les mots : « , 227-23 et 226-2-1 ».
M. Thomas Dossus. - Nous voulons renforcer les moyens de Pharos pour mieux lutter contre la pornodivulgation. Plus de 19 % des jeunes femmes entre 17 et 19 ans ont déjà reçu des messages de ce genre. Or retirer ces contenus reste très difficile.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Ces contenus constituent une infraction et peuvent donc être signalés aux plateformes et à Pharos. M. Dossus veut aller plus loin en lui permettant de prendre des mesures assimilables aux dispositifs de lutte contre la pédopornographie et le terrorisme.
Il ne me semble pas opportun de détourner Pharos du haut du spectre, en cohérence avec la législation européenne présente et future.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
Mme Laurence Rossignol. - Les articles 40 et 45 sont de vraies cavernes... Je ne suis pas d'une nature envieuse, mais pourquoi mon amendement est-il tombé, alors que celui de M. Dossus arrive en séance ? Un jour, peut-être, je comprendrai...
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Vous connaissez parfaitement la procédure de l'article 40. Votre amendement était sans doute plus explicite...
Mme Laurence Rossignol. - Plus cher !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - ... sur la nécessité de moyens pour assumer des missions complémentaires. Élargir la mission de Pharos à moyens constants lui créerait de grandes difficultés. Ces fonctionnaires de police passent leur journée à visionner des images atroces, et sont heureusement soutenus par des psychologues. Ayons une pensée pour eux, qui assument une mission si difficile et si utile.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
L'amendement n°43 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°39, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de favoriser le développement et l'accès aux plateformes qui protègent efficacement les victimes des contenus haineux, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation, permettent à leurs utilisateurs de migrer vers des plateformes tierces tout en continuant à communiquer avec les personnes restées sur leur propre plateforme. Ils implémentent des standards techniques d'interopérabilité entre services de communication au public en ligne, conformes à l'état de l'art, documentés, stables et qui ne peuvent être modifiés de façon unilatérale.
M. Thomas Dossus. - Il faut rendre les plateformes interopérables comme le sont les boîtes mail : moins captives, les victimes d'actes malveillants pourraient les quitter plus facilement. Il faut frapper les plus laxistes au portefeuille. Cela encouragerait de surcroît l'émergence de nouvelles plateformes, face au monopole actuel.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - J'ai auditionné la Quadrature du Net, qui a le mérite de la cohérence et alimente un débat sain sur internet et son avenir. Monsieur Dossus, vous avez sans doute travaillé cet amendement avec eux. Or la Quadrature du Net a reconnu que cette rédaction était contraire au DSA. Retrait ou avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - L'interopérabilité entre réseaux sociaux relève du DMA, qui a considéré qu'elle était impossible. Il prévoit en revanche l'interopérabilité des messageries, qui sera une avancée majeure. Votre amendement est donc partiellement satisfait. Avis défavorable.
L'amendement n°39 n'est pas adopté.
ARTICLE 6
Mme le président. - Amendement n°60 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel.
Alinéa 2
Après les mots :
monétaire et financier,
insérer les mots :
ou rendant accessibles des données obtenues suite à la fraude d'un système de traitement automatisé des données,
M. Bernard Fialaire. - Les cyberattaques sont l'une des principales menaces numériques dans l'Union européenne. L'article 6 prévoit un message d'avertissement en cas de risque avéré d'arnaque. Mon amendement précise que ce message s'affiche aussi lorsque l'internaute tente de se connecter à un site rendant accessibles des données obtenues par piratage.
J'espère que cet amendement servira de point de départ d'une réflexion plus poussée visant non seulement à avertir les utilisateurs, mais aussi à obtenir la suppression de la page incriminée.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Satisfait par l'article L. 226-18 du code pénal. Retrait ou avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis. La consultation de données issues d'un piratage n'expose pas l'internaute à un dommage direct. Les mesures de filtrage doivent rester proportionnées. Ne nous dispersons pas.
L'amendement n°60 rectifié bis est retiré.
Mme le président. - Amendement n°49 rectifié ter, présenté par Mmes Noël et Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, D. Laurent et Chatillon, Mme Muller-Bronn, MM. Charon, Joyandet et Bouchet et Mmes Thomas, Belrhiti, Pluchet et Berthet.
Alinéa 7
Supprimer les mots :
aux fournisseurs de navigateurs internet au sens du 11 de l'article 2 du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique, aux fournisseurs de services d'accès à internet ou
Mme Sylviane Noël. - Cette précision rédactionnelle permet d'uniformiser les terminologies utilisées aux différents articles avec celle de l'article 32 du projet de loi de programmation militaire.
Mme le président. - Amendement n°40, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéa 7, première phrase
1° Supprimer les mots :
, aux fournisseurs de services d'accès à internet ou aux fournisseurs de systèmes de résolution de noms de domaine
2° Après le mot :
utile
insérer les mots :
, selon les choix des utilisateurs
II. - Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
M. Thomas Dossus. - Le blocage des sites doit être facultatif, selon la volonté de l'utilisateur. Le filtre anti-arnaques prévoit l'affichage d'un message. Nous reprenons les préconisations de la Cnil. Limiter le filtrage par le navigateur est le meilleur moyen d'assurer le contrôle de l'internaute.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - Ces deux amendements modifient la liste des intermédiaires techniques. L'amendement n°49 n'est pas que rédactionnel : il exclut les fournisseurs d'accès internet et de navigateurs, alors que leur mobilisation est essentielle. La mobilisation de tous les acteurs techniques est indispensable, monsieur Dossus. Avis défavorable aux deux amendements.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Je propose à Mme Noël de retirer son amendement, même si j'en comprends l'intention : tous les acteurs doivent participer au filtre, dont l'objectif est de capter tous les messages diffusables.
Monsieur Dossus, le projet de loi initial a tenu compte des réserves de la Cnil : lorsque l'éditeur est connu, le blocage se fait par l'intermédiaire du navigateur. Retrait ?
L'amendement n°49 rectifié ter est retiré.
L'amendement n°40 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°50 rectifié ter, présenté par Mmes Noël et Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, D. Laurent et Chatillon, Mme Muller-Bronn, MM. Charon, Joyandet et Bouchet et Mmes Thomas, Belrhiti, Pluchet et Berthet.
Alinéa 7
Remplacer les mots :
sans délai
par les mots :
dans un délai, fixé par l'autorité administrative, qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrés
Mme Sylviane Noël. - Nous alignons les délais prévus dans ce projet de loi et dans la loi de programmation militaire à deux jours ouvrés minimum.
M. Patrick Chaize, rapporteur. - La commission spéciale est favorable à l'adoption d'un dispositif réactif, pour une meilleure protection en ligne. Compte tenu des risques financiers et pesant sur les données personnelles, le délai de deux jours est trop important. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis.
L'amendement n°50 rectifié ter est retiré.
Mme le président. - Amendement n°135, présenté par M. Chaize, au nom de la commission.
Alinéa 10
Remplacer le mot :
deuxième
par le mot :
troisième
L'amendement de coordination n°135, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Mme le président. - Amendement n°136, présenté par M. Chaize, au nom de la commission.
I. - Alinéa 16
Remplacer la seconde occurrence du mot :
personne
par le mot :
personnalité
II. - Alinéa 17
Remplacer le mot :
personne
par le mot :
personnalité
L'amendement rédactionnel n°136, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 6
Mme le président. - Amendement n°59 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 323-3-2 du code pénal, il est inséré un article 323-3-... ainsi rédigé :
« Art. 323-3-.... Le fait de consulter, sans motif légitime, un service de communication au public en ligne mettant à disposition des données, tout en ayant connaissance du fait qu'elles ont été obtenues suite à la fraude d'un système de traitement automatisé de données, est puni de 30 000 € d'amende. »
M. Bernard Fialaire. - Cet amendement crée une nouvelle infraction pour la consultation, sans motif légitime, d'un service mettant à disposition des données, lorsque l'auteur a eu connaissance du fait qu'elles ont été obtenues à la suite d'une fraude sur un système de traitement automatisé de données (Stad), c'est-à-dire d'une cyberattaque.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Cet amendement répond à un motif légitime : mieux protéger les entités ayant fait l'objet d'une cyberattaque. Mais il pose des difficultés opérationnelles : comment les forces de l'ordre pourront-elles prouver le délit ? En outre, ces infractions sont déjà réprimées. L'amendement pose plus de problèmes qu'il n'en résout.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. - Même avis, d'autant qu'il y a un risque constitutionnel : le Conseil constitutionnel a censuré à deux reprises l'interdiction de consulter ponctuellement des sites terroristes, au nom de la liberté d'information.
M. Bernard Fialaire. - J'insiste. Les cyberattaques contre les hôpitaux, par exemple, se multiplient. Des personnes consultent des données piratées en pleine connaissance de cause. Des compagnies d'assurances, par exemple, pourraient être tentées de le faire. Cela doit être réprimé.
L'amendement n°59 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme le président. - Je vais lever la séance, la dernière que je présidais. (Applaudissements) Je vous remercie.
Nous avons examiné 57 amendements, il en reste 50.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 5 juillet 2023, à 15 heures.
La séance est levée à minuit dix.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 5 juillet 2023
Séance publique
À 15 h, 16 h 30 et le soir
Présidence :
M. Gérard Larcher, président, M. Alain Richard, vice-président, M. Vincent Delahaye, vice-président
Secrétaires : M. Dominique Théophile - Mme Corinne Imbert
1. Questions d'actualité au Gouvernement
2. Suite du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (Procédure accélérée) (Texte de la commission, n°778, 2022-2023)