SÉANCE

du mardi 6 juin 2023

94e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : Mme Esther Benbassa, M. Daniel Gremillet.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Accompagnement des éleveurs contre la prédation

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Face à l'inquiétante prolifération du loup, les éleveurs sont contraints de renforcer les moyens de protection dont ils assurent le co-financement, a minima à hauteur de 20 %. Souvent, ils doivent faire l'avance de trésorerie qui, dans les meilleurs cas, leur sera remboursée un an plus tard. Toutes ces mesures ont un coût pour les éleveurs, découragés au point d'envisager l'arrêt de leur activité.

À quelques mois de l'entrée en vigueur du prochain Plan national loup, seriez-vous favorable à une prise en charge intégrale des équipements de protection ? Autoriserez-vous le remplacement des bêtes victimes plutôt que l'indemnisation, afin d'éviter d'alourdir la fiscalité des exploitations ? Accepterez-vous la demande de pouvoir déduire du chiffre d'affaires le montant des salaires des bergers ainsi que l'entretien des chiens de protection pour soulager les trésoreries ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le ministre Marc Fesneau regrette de ne pouvoir être présent. L'État accompagne financièrement les éleveurs pour la protection des troupeaux : aide au gardiennage, achat de clôtures, achat de chiens de protection...

Un dispositif d'accompagnement technique des éleveurs a été ouvert en 2018. Depuis 2020, un soutien plus important a été mis en place dans les foyers de prédation grâce au déplafonnement des dépenses de gardiennage par des bergers salariés ou prestataires et pour ceux situés en front de colonisation. Les éleveurs sont nouvellement éligibles à l'aide pour l'acquisition et l'entretien des chiens de protection, dont le budget est en augmentation constante, pour atteindre 32 millions d'euros en 2022, et en moyenne 35 millions d'euros par an durant la période de programmation qui débute en 2023.

Certes, le traitement de certains dossiers a été excessivement long et génère des difficultés de trésorerie. Ce n'est pas acceptable, d'où l'engagement de Marc Fesneau à un paiement plus rapide des soutiens étatiques.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Il faut changer de doctrine tant pour les mesures de protection des troupeaux que pour les mesures de prévention, qui ne sont plus du tout adaptées aux attaques des loups.

Réhabilitation des hôpitaux ruraux

M. Jean-Luc Fichet .  - Il est primordial de réhabiliter les hôpitaux en zone rurale. Le pôle médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) du Centre hospitalier des Pays de Morlaix (CHPM) sera complètement réhabilité. En novembre 2021, Joël Giraud avait annoncé le déblocage de 24 millions d'euros dans le cadre du Ségur de la santé. Ce projet de rénovation a été validé par l'Agence régionale de santé (ARS) en septembre 2018. Ce n'est pas seulement un simple hôpital de proximité, mais un hôpital de recours territorial, avec de nombreuses spécialités et un volet recherche-développement très attractif pour les jeunes médecins.

Cette aide reste insuffisante au vu de l'investissement nécessaire de 94 millions d'euros - contre 80 millions d'euros initialement - à cause de la hausse des prix des matières premières. Cela risque d'affecter le budget de fonctionnement de l'hôpital, donc la qualité des soins et la masse salariale, au détriment des usagers.

Outre cette enveloppe, quelles mesures prendrez-vous pour assurer les travaux du CHPM et des hôpitaux ruraux sans affecter leur budget de fonctionnement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le budget du projet immobilier du CHPM, initialement estimé à 94 millions d'euros en 2018, est désormais évalué à 95,2 millions d'euros ; mais l'assiette financière globale a peu varié, grâce aux révisions itératives du projet, qui portent l'accent sur la restructuration du bâtiment existant et minorent les surfaces à construire.

Ce projet, validé par l'ARS en mars 2022, s'inscrit dans une logique territoriale et a fait l'objet d'un travail de structuration avec l'offre de premier recours ainsi qu'avec le CHU de Brest.

La trajectoire financière proposée est soutenable avec une aide de 24 millions d'euros, dont 2 millions ont déjà été alloués au CHPM en 2021, le recours à l'emprunt et une part d'autofinancement.

En plus des aides fléchées au titre du Ségur, l'ARS aide chaque année le CHPM en fonctionnement et en investissement. Celui-ci a bénéficié depuis 2019 de 4,29 millions d'euros. En 2021 et 2022, l'ARS a octroyé 1,7 million d'euros pour les investissements du quotidien, et 3,2 millions d'euros depuis trois ans pour la sécurisation des organisations.

Le projet d'investissement du CHPM s'inscrit pleinement dans les orientations du Ségur, dont le volet investissement de 19 milliards d'euros a permis de réhabiliter et reconstruire de très nombreux établissements de proximité à travers le territoire.

M. Jean-Luc Fichet.  - Attention au budget de fonctionnement des hôpitaux, car les moyens sont rares.

Offre de soins hospitalière à Saint-Louis (Haut-Rhin)

Mme Nadège Havet, en remplacement de Mme Patricia Schillinger .  - Dimanche dernier, plusieurs centaines de personnes se sont réunies à Saint-Louis pour soutenir leur hôpital. Après la fermeture de la clinique des Trois frontières et la reprise de son activité par le groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud-Alsace (GHRMSA), beaucoup craignent qu'une offre de soins de qualité et adaptée aux besoins des 80 000 habitants du territoire ne soit pas assurée. Le GHRMSA peine à mettre en place le projet prévu pour le site de Saint-Louis.

Situé en territoire frontalier, l'hôpital de Saint-Louis subit de manière aggravée le problème de démographie médicale, notamment du fait de l'attraction exercée par la Suisse. Sur le terrain, on regrette que la rédaction du cahier des charges n'ait pas permis de susciter davantage l'intérêt du privé, qui aurait offert des conditions de travail et des rémunérations plus attractives.

De plus, depuis la reprise, les habitants et leurs élus n'ont reçu aucune information ni de l'Agence régionale de santé (ARS) ni du GHR.

Afin de rétablir le lien de confiance entre les parties prenantes, envisagez-vous un comité de pilotage ? Quelles mesures urgentes prendrez-vous pour assurer une prise en charge minimale des patients, y compris avec les médecins libéraux et si nécessaire de manière expérimentale et provisoire ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Depuis dix ans, l'ARS mène de multiples actions pour sauvegarder une offre sanitaire à Saint-Louis. La reprise à 100 % de l'ancienne clinique par le GHRMSA résulte d'une procédure de redressement judiciaire qui assure la continuité de l'activité et la pérennité du site de Saint-Louis.

L'hôpital de Saint-Louis vient d'être labellisé « hôpital de proximité » par l'ARS, ce qui sécurise ses financements à moyen terme.

Parmi les efforts réalisés, un Smur a été habilité afin de renforcer la présence en urgentistes et rendre plus attractif le site ; l'activité libérale reste possible sur place ; et les consultations sont effectives dans de nombreuses spécialités, notamment la cardiologie et la chirurgie générale. De nombreux services sont opérationnels.

Malgré une démographie médicale difficile, le GHRMSA veut augmenter le nombre de lits et de places du service de médecine et de soins de suite et de réadaptation (SSR), développer de nouvelles consultations avancées spécialisées, et déménager les activités de psychiatrie sur le site de l'hôpital pour créer un hôpital de jour de psychiatrie.

Un comité de suivi incluant les élus sera mis en place par l'ARS, avec un premier rendez-vous avant l'été.

Parallèlement, l'ARS et le GHRMSA mettent en place un programme de travail avec les professionnels de santé libéraux. Une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) est en cours de construction.

Offre de soins dans les territoires frontaliers

Mme Sabine Drexler .  - Les régions frontalières, notamment le sud du Haut-Rhin, font face à une pénurie d'offre de soins : toujours davantage de médecins, d'infirmiers, d'aides-soignants, franchissent chaque jour la frontière suisse où leur salaire est parfois multiplié par trois. Nous avons 19 % de médecins généralistes en moins par rapport à la moyenne de la région Grand Est. Dans ce contexte de pénurie de soignants, et notamment de spécialistes, la clinique de Saint-Louis, récemment reprise par le GHRMSA, a perdu ses médecins libéraux.

Nous manquions déjà de praticiens, à présent ce sont les 80 000 habitants de l'agglomération qui ne peuvent se faire soigner. Je suis régulièrement alertée par des familles et par les Ehpad qui ne sont plus en mesure d'accueillir dignement nos aînés. Dans certains d'entre eux, j'ai vu des cadres de la direction assurer eux-mêmes la toilette et les repas faute de personnel suffisant. Les personnels s'épuisent et n'hésitent plus à passer la frontière.

Quelle place ont les territoires frontaliers dans votre politique de santé ? Comment y retenir le personnel médical ? Quelles solutions pour assurer, notamment à nos anciens, une prise en charge digne dans nos hôpitaux et nos Ehpad ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'offre de soins hospitaliers en proximité sur le bassin de Saint-Louis sera maintenue.

Un accord-cadre sanitaire, ratifié entre les gouvernements français et suisse en 2019, ouvre la voie à des négociations par secteur géographique et par spécialité. Des négociations à visée opérationnelle sont en cours.

Les coopérations transfrontalières se poursuivent avec les Länder frontaliers - Sarre, Rhénanie-Palatinat et Bade-Wurtemberg - dans la lignée de la coopération active durant la crise covid. Après la finalisation des conventions sur l'aide médicale d'urgence, les travaux se concentrent notamment sur la mise en place d'un observatoire transfrontalier, sur les sujets de simplification des modalités de prise en charge et de projets de contrats locaux de santé transfrontaliers. Nous faisons de même avec le Luxembourg, la Suisse et la Belgique.

Dans le cadre du Schéma régional de santé 2023-2028 en cours de finalisation, une analyse de la démographie médicale de part et d'autre de la frontière sera conduite pour mettre en place un plan d'action précis pour le territoire.

Ségur et soignants en catégorie active

Mme Élisabeth Doineau .  - Je me fais le porte-voix d'un corps en voie d'extinction, les soignants en catégorie active. Historiquement, tous les professionnels de la fonction publique hospitalière (FPH) en relevaient, mais le protocole Bachelot de 2010 les a contraints à choisir entre cette catégorie et la catégorie sédentaire. Désormais, les professionnels de catégorie active sont de moins en moins nombreux, les embauches se faisant en catégorie sédentaire.

Le Ségur de la santé devait concerner l'ensemble du personnel médical, jusqu'aux secrétaires. S'il a été globalement une avancée, l'histoire retiendra cependant l'injustice des oubliés du Ségur : ces soignants ont les mêmes diplômes, les mêmes professions et la même responsabilité, et pourtant ils n'ont pas bénéficié de la même revalorisation. Il est grand temps de régler ce problème !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le volet RH du Ségur a revalorisé les grilles indiciaires de l'ensemble des personnels paramédicaux de la FPH. C'est inédit et historique.

Comme l'ensemble des agents de la FPH exerçant au sein des établissements sanitaires, des services sociaux et médico-sociaux rattachés à un établissement sanitaire ou à un Ehpad, les personnels en catégorie active relevant des corps placés en voie d'extinction bénéficient du complément de traitement indiciaire (CTl) de 183 euros nets par mois - 189 euros nets depuis la revalorisation de la valeur du point d'indice au 1er juillet 2022.

Les écarts constatés en sommet de grilles entre les populations en catégories active et sédentaire s'expliquent essentiellement par des perspectives de carrière différentes. Les agents relevant des corps en catégorie active, très majoritairement en fin de carrière, évoluent sur les échelons les plus élevés, alors que ceux des corps en catégorie sédentaire sont majoritairement en début de carrière. Les sommets de grille, désormais à des niveaux élevés en catégorie A sédentaire, leur seront accessibles après plusieurs années. Pour les personnels de la catégorie B active, des concours réservés sont ouverts par les établissements afin qu'ils intègrent leur corps analogue de catégorie A.

Mme Élisabeth Doineau.  - J'entends ces explications, mais les soignants vivent cela comme une discrimination. Allez les voir et trouver avec eux comment l'équité peut être atteinte. C'est une nécessité.

Fermeture du Smur d'Orthez

M. Max Brisson .  - Comme dans la journée du 17 juillet 2021, le Smur de l'hôpital d'Orthez a fermé ses portes durant la nuit du 26 avril 2023, en raison du non-remplacement d'un de ses deux médecins.

Certes, un seul médecin ne peut pas prendre en charge les urgences vitales, les hospitalisations non programmées et assurer le fonctionnement du Smur : le temporaire ne peut pas devenir la règle. La fermeture du Smur est-elle pour autant une réponse acceptable à l'absence d'un médecin ? Ne pose-t-elle pas à terme la question de la pérennité du service ?

Depuis des années, l'hôpital d'Orthez dénonce le manque de personnel. Les soignants et les élus locaux tirent la sonnette d'alarme : comment éviter une nouvelle fermeture du service ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Afin de garantir la continuité de l'accès aux soins en présence d'un seul médecin urgentiste, la doctrine nationale prévoit un accès régulé au Smur par l'intermédiaire du centre 15.

L'organisation territoriale des urgences coconstruite par l'agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine vise à répondre aux problèmes de ressources et à définir un fonctionnement solidaire. Face à des difficultés de planning les 14, 15 et 26 avril derniers, le maintien du Smur et un accès régulé aux urgences ont été mis en place durant la journée, et la fermeture du Smur et un accès régulé aux urgences la nuit, le territoire du Smur d'Orthez étant couvert par celui de Pau.

Afin d'améliorer le dispositif et d'anticiper de nouvelles tensions, l'ARS a demandé au centre hospitalier d'Orthez une procédure interne de gestion des urgences vitales, une équipe paramédicale de médecine d'urgence (EPMU), un protocole d'accès gradué pour les urgences, et la formation des équipes médicales aux gestes d'urgence. Un référent missionné par l'ARS veille à une meilleure organisation territoriale des urgences, pour maintenir une prise en charge de qualité dans le bassin orthézien.

M. Max Brisson.  - Votre réponse me laisse perplexe : rien sur le manque de personnel ou la fermeture du Smur comme seule réponse au non-remplacement de médecin. L'organisation territoriale doit certes être repensée, mais cela ne répond pas à la crise ou à l'inquiétude de la population.

Enjeux de démographie médicale dans les communes rurales

M. Guillaume Chevrollier .  - En Mayenne, on ne compte plus que 6,2 généralistes pour 10 000 habitants ; certains services ferment par intermittence, trop de patients ne trouvent pas de médecins traitants, les spécialistes, dentistes et gynécologues notamment, se font rares, sans parler des médecins du travail ou des infirmières libérales. Les avancées de la proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé restent insuffisantes.

Il faut soutenir les élus locaux, qui améliorent l'accès aux soins en contribuant au financement des maisons médicales et en étant acteurs des contrats locaux de santé. Ces maisons médicales essaiment dans les territoires, mais les élus peinent à trouver des médecins. Quels dispositifs d'accompagnement prévoyez-vous ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'État est mobilisé, comme les élus locaux, en particulier dans les territoires ruraux.

Les travaux menés avec les agences régionales de santé (ARS) sont nombreux : objectif de 4 000 maisons de santé d'ici la fin du quinquennat, coordination des acteurs locaux dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) couvrant l'ensemble du territoire d'ici la fin de l'année, incitation à exercer dans les zones en tension, notamment grâce à la quatrième année d'internat de médecine générale, déploiement de 10 000 assistants médicaux pour dégager du temps médical, développement de la téléconsultation et de l'aller-vers, avec un plan de déploiement des médicobus à venir. La loi Rist permet également un meilleur partage des tâches entre professionnels.

Les collectivités locales et les maires ont toute latitude pour se saisir de ces outils. Les conseils nationaux de la refondation (CNR) santé ont fait émerger nombre d'initiatives territoriales que nous soutenons.

M. Guillaume Chevrollier.  - L'État doit être au rendez-vous : il faut des réponses concrètes pour lutter contre les pertes de chances face à la maladie.

Réforme du financement des cliniques privées en Île-de-France

M. Alain Richard .  - Je tire le signal d'alarme concernant la tarification des soins médicaux et de rééducation dans les cliniques privées en Île-de-France, dont la réforme de financement, souhaitée et longuement concertée, n'est pas encore au point alors qu'elle doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain.

Premier sujet d'inquiétude, les surcoûts : comme la compétition est forte pour garder les personnels, les coûts salariaux risquent d'être importants, et une augmentation de 10 % des dépenses de fonctionnement est à craindre.

Second sujet d'inquiétude : si l'on ne tient pas compte de la surcharge pour les actes médicaux les plus intenses, en cancérologie, cardiologie et neurologie en particulier, les établissements risquent de fonctionner à perte, et l'offre de soins de disparaître. Quelles dispositions le Gouvernement a-t-il prises afin de ne pas se retrouver dans cette impasse ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Les premières études d'impact de la réforme font apparaître des pertes de ressources pour certains établissements de soins médicaux et de réadaptation (SMR) d'Île-de-France.

La réforme s'appliquera le 1er juillet 2023, mais les vecteurs actuels de financement, notamment les prix de journée pour le secteur ex-objectif quantifié national (ex-OQN), seront maintenus jusqu'à la fin de l'année pour l'ensemble des acteurs.

L'évaluation de la réforme sera faite a posteriori, selon une méthodologie partagée entre les fédérations d'établissements SMR et les agences régionales de santé (ARS), qui évitera la reprise des crédits déjà alloués aux établissements au titre de l'exercice 2023. Une transition amortissant les impacts de la réforme est prévue sur trois ans, afin de prendre en compte les enjeux de territoire. En Île-de-France, le coefficient géographique sera pris en compte dès l'application de la réforme.

Les groupes de travail nationaux assureront la prise en charge des activités spécifiques que vous mentionnez. Les travaux sur les grilles tarifaires des séjours, encore en cours, ont vocation à identifier les ajustements nécessaires.

M. Alain Richard.  - Je remercie la ministre pour ces éclaircissements : avec cette période de glissement, le Gouvernement prend en compte les spécificités de ces établissements.

Manque de places dans les établissements médico-sociaux de Charente

Mme Nicole Bonnefoy .  - En Charente, le taux d'équipement en institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (Itep) est largement inférieur à la moyenne nationale, alors que le taux d'élèves en situation de handicap psychique est de dix points supérieur à la moyenne de l'académie. L'objectif louable d'une école inclusive se heurte à la réalité : vous avez choisi de fermer des places dans les structures spécialisées avant même de vous assurer de la possibilité de la prise en charge des élèves dans le système classique.

De nombreuses familles ne disposent d'aucune solution. L'accueil classique est souvent inadapté, une centaine de jeunes Charentais sans solution se retrouvent déscolarisés, et doivent patienter pendant deux ans avant d'accéder à un Itep, trois ans pour les instituts médico-éducatifs (IME) et jusqu'à six ans pour les jeunes atteints de troubles autistiques. L'idéal républicain n'existe plus si des élèves sont exclus du système scolaire. Entendez-vous créer de nouvelles places d'accueil dans les établissements médico-sociaux en Charente ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - En Charente, le taux d'équipement en Itep est légèrement inférieur à la moyenne nationale, mais pour les IME il est supérieur à cette moyenne, tout comme pour les services à domicile.

Il est inacceptable que certaines familles doivent attendre plusieurs années avant de trouver une solution adaptée. Mais ces deux dernières années, l'engagement du conseil départemental aux côtés de l'agence régionale de santé (ARS) a permis de créer 14 places en réorientation professionnelle ainsi que 30 places en service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah). L'offre de répit et un accompagnement spécifique pour les enfants en situation de handicap relevant de l'aide sociale à l'enfance sont également développés.

Nous voulons aller plus loin, notamment pour les jeunes adultes relevant de l'amendement Creton, pour les territoires en zone blanche et pour les enfants et adultes autistes.

Lors de la conférence nationale du handicap, le 26 avril dernier, le Président de la République a présenté 70 mesures, dont la création de 50 000 nouvelles solutions pour les personnes en situation de handicap. Nous travaillons avec Pap Ndiaye pour que l'école s'adapte à tous les élèves en situation de handicap et non l'inverse. Notre ambition, c'est l'exercice de tous les droits pour tous les citoyens.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Le conseil départemental et l'ARS ont fait des efforts, mais il manque encore de nombreuses places et des familles souffrent. Il est urgent de trouver des réponses.

Prestation de compensation du handicap

M. Olivier Cigolotti .  - Le décret du 19 avril 2022 relatif élargit l'accès à la prestation de compensation du handicap (PCH) aux personnes atteintes de handicap psychique, cognitif, mental ou de troubles du neurodéveloppement, et inclut la prise en compte des besoins spécifiques des personnes souffrant de déficience auditive et visuelle.

C'est une avancée pour la reconnaissance de ces pathologies, mais elle engendrera pour le département de la Haute-Loire un surcoût annuel compris entre 700 000 et 2,5 millions d'euros. En 2022, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) compensait 3,9 des 7,7 millions d'euros du budget de la PCH, qui augmentent à un rythme insoutenable. Ces montants seront-ils revus pour trouver un juste équilibre entre compensation du handicap et préservation des budgets des collectivités territoriales ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le CNSA aide les départements en versant une partie de la PCH et de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), mais aussi en couvrant une partie du fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées. Pour la PCH, les concours de la CNSA ont augmenté d'un quart, passant de 510 millions d'euros en 2009 à 637 millions en 2021.

Concernant la PCH pour les personnes souffrant de troubles psychiques, intellectuels, cognitifs ou de troubles du neurodéveloppement, cette augmentation est effective depuis le 1er janvier dernier.

Nous nous sommes engagés à suivre l'évolution des dépenses induites, ainsi que les modalités de sa couverture par la branche autonomie. Depuis l'année dernière, le comité des financeurs constitue une instance de dialogue pour assurer un suivi objectivé des évolutions des dépenses. Le Gouvernement est particulièrement attentif à la compensation de ces dépenses de solidarité dans les territoires.

M. Olivier Cigolotti.  - Les départements ne peuvent plus assurer le transfert de compétences imposé : ils consacrent parfois plus de 50 % de leurs ressources à des dépenses liées à l'aide sociale.

Difficultés de la filière nucicole

M. Daniel Chasseing .  - La crise de la noix dure depuis l'automne. Elle se vend entre 0,40 et 0,80 euro le kilo, loin de couvrir les coûts de production qui sont à 2,50 euros. Le retrait de la production en stock se met en place mais ne concernera que les agriculteurs en organisation de producteurs ou en coopérative. Il y a urgence à additionner ce dispositif de retrait avec des allègements de charges, comme on le fait régulièrement pour les productions en crise - le verger de noix est le deuxième verger de France.

Il faut aussi des clauses miroir pour les importations de produits qui ne respectent pas nos normes, et une campagne de communication sur les bénéfices diététiques de la noix. Si la consommation passait de 200 à 400 grammes par an et par Français, la crise serait en partie résolue.

La Cour des comptes a récemment recommandé de diminuer le cheptel bovin viande de 30 % et celui de bovins laitiers de 25 % à l'horizon 2050, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cela nous conduira à importer davantage depuis d'autres pays, et ainsi à une perte de souveraineté qui pénalise nos élevages et notre ruralité. Les recommandations irresponsables de la Cour des comptes sont vécues comme une blessure par nos éleveurs. Ne réservons pas à l'agriculture ce qu'a subi notre industrie. Allez-vous soutenir nos agriculteurs ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le ministre de l'agriculture a lancé un travail sur trois axes : réponse à l'urgence avec aide au retrait, activée par FranceAgriMer ; mise en valeur des produits par des actions de communication, un travail sur l'export et l'évolution de notre production - c'est l'objet du plan de souveraineté fruits et légumes ; enfin, structuration de la filière par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) dans la perspective de la prochaine récolte.

Le ministre Marc Fesneau a réaffirmé son soutien à nos éleveurs, tout comme la Première ministre, la semaine dernière devant l'Assemblée nationale. Nous sommes fiers de nos éleveurs, et c'est avec eux que nous mènerons la transition écologique.

Maladie de Charcot et congé spécial de la fonction publique territoriale

M. Cédric Perrin .  - La sclérose latérale amyotrophique, dite maladie de Charcot, affecte 5 000 à 7 000 patients en France : ainsi, aujourd'hui, trois nouveaux cas ont été déclarés.

Si la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées a été un tournant, l'égalité n'est pas encore au rendez-vous. En effet, en vertu de l'article L. 822-12 du code de général de la fonction publique, un fonctionnaire peut être placé en congé de longue durée s'il souffre de cancer, de maladie mentale ou de poliomyélite, mais pas de la maladie de Charcot.

Ce type de congé permet de conserver l'intégralité du salaire pendant trois ans, et la moitié pour les deux années suivantes. Le congé de longue maladie, qui s'applique à la maladie de Charcot, qui ne laisse pourtant aucune perspective de reprise de l'activité professionnelle, prévoit quant à lui un et trois ans.

Quelles raisons justifient une telle différence de traitement ? Si, comme je le crois, il n'en existe aucune, envisagez-vous d'aménager le droit ou de réviser par voie réglementaire la liste des maladies donnant droit au congé de longue durée ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Contrairement au congé de longue durée, qui ne peut être attribué qu'une fois, le congé de longue maladie est renouvelable si le fonctionnaire territorial a repris ses fonctions pendant un an. De plus, si pendant la période de référence de quatre ans sur la base de laquelle ses droits à rémunération sont appréciés, il n'a pas bénéficié de plus d'un an de congé de longue maladie, il continue à percevoir un plein traitement. Enfin, en cas de congé de longue maladie fractionné, ce droit est ouvert intégralement quatre ans après l'octroi de la première période de congé de longue maladie.

Le plan d'accompagnement des maladies chroniques lancé le 1er juin par Stanislas Guerini a identifié la protection des agents publics malades comme une priorité. Des décisions relatives aux arrêts maladie longs seront portées dans le cadre des négociations sur la prévoyance dans la fonction publique, dont l'aboutissement est prévu à la mi-juillet.

Référents déontologues pour les élus locaux

M. Jean-Michel Arnaud .  - La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, de février 2022 prévoit la possibilité pour tout élu local de consulter un référent déontologue. L'idée peut paraître adaptée aux besoins des élus ruraux, mais le décret d'application du 6 décembre 2022 ne prévoit aucune condition de diplôme pour ce référent, ni de profil type. Il n'y a donc aucune garantie sur ses compétences juridiques, d'autant que chaque collectivité doit en désigner un. En somme, le premier venu peut candidater pour apporter des conseils juridiques aux élus, pour une indemnité plafonnée à 80 euros...

Le décret manque de bon sens, en fixant des conditions de désignation irréalistes, surtout pour les territoires ruraux où les consultations risquent d'être peu nombreuses. Le Gouvernement simplifiera-t-il le dispositif, par exemple en autorisant la désignation d'un seul référent au niveau départemental ? Le décret fixait la date limite pour la désignation des référents déontologues au 1er juin 2023...

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - La création du référent déontologue, issue d'un amendement parlementaire à la loi 3DS, a fait l'objet d'une concertation avec les associations d'élus. Le décret en conseil d'État du 6 décembre 2022 en est la traduction. L'objectif était notamment de laisser une grande souplesse aux collectivités pour la mise en place du référent.

Le décret n'est entré en vigueur que le 1er juin, un an et demi après la promulgation de la loi. Le Gouvernement ne reviendra pas sur cette mesure importante. Il est toujours possible pour plusieurs communes, groupements de communes ou syndicats mixtes de désigner le même référent. Un guide sera prochainement diffusé pour appuyer les collectivités dans la mise en oeuvre.

M. Jean-Michel Arnaud.  - En tant que président de l'association départementale des maires des Hautes-Alpes, je puis témoigner des difficultés à mettre en place ce déontologue. La rémunération de 80 euros n'est pas attractive. Il faudrait ouvrir la possibilité de désigner un référent par département.

Crédits pour la réparation des ouvrages d'art

Mme Nadia Sollogoub .  - En 2019, une mission sénatoriale d'information dont je faisais partie demandait un véritable plan Marshall pour les ponts. En juin 2022, un nouveau rapport concluait à l'insuffisance des dispositifs en place, bien que le plan de relance ait financé un programme national Ponts mis en oeuvre par le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).

Il faut passer à la phase suivante. Les tentatives du Sénat de prévoir des crédits substantiels pour les travaux n'ont pas été suivies ; or il y a, dans presque toutes les communes, un ouvrage ayant un besoin urgent de travaux. Dans le meilleur des cas, les maires peuvent mobiliser la dotation d'équipement aux territoires ruraux (DETR) mais elle ne représente que 30 % des coûts, et ils n'ont pas la possibilité de rechercher des cofinancements. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Le Gouvernement est attentif aux besoins d'accompagnement des petites communes, exprimé dans les deux rapports que vous avez mentionnés. Dans le cadre du programme national Ponts, doté de 40 millions d'euros, nous avons ainsi proposé un recensement gratuit des ouvrages d'art et un premier diagnostic de deux ouvrages qui présentent des désordres. Plus de 11 000 communes ont demandé à en bénéficier, et plus de 45 000 ouvrages ont été recensés. Le Gouvernement a décidé en avril dernier l'extension du dispositif à 4 000 nouvelles communes, avec 10 millions d'euros supplémentaires.

Une aide au financement des travaux sera proposée aux communes éligibles au programme national Ponts, dans un dispositif qui sera présenté à l'été.

Mme Nadia Sollogoub.  - J'attends avec impatience cet été, car nous n'avons encore aucune visibilité sur les arbitrages. Je souhaite être certaine que le Cerema aura une feuille de route.

Au-delà des moyens financiers, il faut des moyens humains : la France forme 30 000 ingénieurs alors qu'il en faudrait 40 000. Nous avons besoin de choix stratégiques forts pour éviter une catastrophe annoncée.

Label bas-carbone et spécificités de la forêt méditerranéenne

Mme Patricia Demas .  - Dans sa stratégie nationale label bas-carbone (LBC) de 2019, le Gouvernement mise sur le puits de carbone qu'est la forêt française pour atteindre l'objectif de neutralité en 2050.

Si l'intention est louable, on comprend mal que la région Sud, deuxième région la plus boisée de France, soit écartée du dispositif. En effet, les spécificités de la forêt méditerranéenne, en particulier la croissance plus lente de ses arbres, ne sont pas reconnues et les pénalités infligées en matière de risque incendie l'excluent de projets d'entretien ou de reconstitution. Par ailleurs, la région sera plus fortement touchée que le reste par la hausse des températures et les périodes de sécheresse.

Les Alpes-Maritimes sont prêtes à devenir un territoire pilote, au travers notamment de la sylviculture du pin d'Alep. Assouplissons les critères d'éligibilité du dispositif LBC. Il y va du devenir de la forêt méditerranéenne.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Le fonds vert, doté de 2 milliards d'euros, a pour objectif de renforcer la performance environnementale, adapter les territoires au changement climatique et améliorer le cadre de vie. À ce titre, la Guyane a reçu une enveloppe de 9 millions d'euros, qui reste inférieure aux attentes, comme dans la plupart des autres régions. Ce constat reflète la volonté des collectivités de participer à l'effort collectif.

Le fonds vert remplit son rôle d'accélérateur de la transition écologique et les territoires ultramarins bénéficient des taux de financement les plus élevés. Sept dossiers sur les quarante concernant la Guyane ont été acceptés, pour un total de 2 millions d'euros de subventions. L'intégralité des crédits devraient être engagés d'ici à la fin 2023 pour soutenir un grand nombre de projets, en métropole comme outre-mer.

Mme Patricia Demas.  - Ma question concernait la forêt méditerranéenne. Merci d'entendre ce message.

Zones à faibles émissions et entreprises du bâtiment et des travaux publics

M. Jean-Baptiste Blanc .  - Malgré l'engagement des acteurs, la mise en oeuvre, à l'horizon 2025, des zones à faibles émissions (ZFE) pose des difficultés aux entreprises du bâtiment et des travaux publics.

L'offre de véhicules, en cours de structuration, ne permet pas de répondre au calendrier fixé et cette nouvelle obligation fait peser des contraintes budgétaires élevées sur des entreprises déjà touchées de plein fouet par l'inflation. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour aider les entreprises des travaux publics soucieuses de s'inscrire dans la démarche écologique visant à protéger les populations de la pollution ? (MM. Cédric Perrin et Philippe Tabarot applaudissent.)

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Madame Demas, veuillez m'excuser de ne pas vous avoir apporté la bonne réponse. Je vous répondrai naturellement sur la question forestière.

Monsieur Blanc, les ZFE sont un outil aux mains des collectivités pour améliorer la qualité de l'air et répondre à cet enjeu de santé publique. Seules les agglomérations dépassant de façon régulière les seuils de pollution sont tenues de respecter un calendrier de restriction de circulation, dont les poids lourds et véhicules utilitaires légers sont par ailleurs exclus. Les autres agglomérations décident, en fonction du contexte local, de la temporalité des restrictions imposées, des catégories de véhicules visés et des éventuelles dérogations.

Un comité de concertation sur les ZFE a été mis en place. Il doit formuler des propositions d'harmonisation du dispositif, accompagner les usagers et assurer son acceptabilité sociale. Les ZFE doivent par ailleurs s'accompagner d'un verdissement du parc. L'État accompagne déjà les professionnels dans cette transition au travers d'un certain nombre d'aides.

Reprise des friches industrielles dans les territoires

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - Les territoires ruraux sont confrontés aux objectifs croisés du « zéro artificialisation nette » (ZAN), de la revitalisation urbaine et de la territorialisation.

L'incitation à la reprise d'une friche existante doit pouvoir concourir à la revitalisation du tissu économique et commercial existant, de même qu'aux nouvelles potentialités d'habitat. Cette complexité contraint régulièrement les territoires à abandonner des projets de réhabilitation pourtant validés par un architecte urbaniste et par le conseil municipal. Il serait donc judicieux de mieux prendre en compte les spécificités des territoires dans la définition de la vocation du site.

Quelle est la position du Gouvernement sur une éventuelle approche en souplesse des caractéristiques propres à la friche, en particulier son périmètre ? Quelles mesures pourraient être mises en place, en matière de documents de planification ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - La reconquête des friches doit répondre aux objectifs de maîtrise de l'étalement urbain, de revitalisation urbaine et de limitation de la consommation des espaces naturels.

Le préfet Rollon Mouchel-Blaisot a été chargé d'une mission interministérielle de mobilisation pour le foncier industriel. La loi Climat et résilience a proposé une définition de la friche. Des outils comme UrbanVitaliz, Cartofriches ou Bénéfriches visent à accompagner les porteurs de projets et les collectivités territoriales. La loi Climat et résilience a par ailleurs introduit un bonus de constructibilité de 30 % pour faciliter l'équilibre économique des opérations. Enfin, l'État a alloué 750 millions d'euros de subventions en 2021-2022 à des projets de recyclage des friches. Plus d'un millier de dossiers sont en cours d'instruction dans le cadre de ce fonds, pérennisé en 2023.

Situation de la commune d'Avesnes-sur-Helpe

M. Frédéric Marchand .  - Sous-préfecture la moins peuplée du Nord - 4 345 habitants en 2018  - Avesnes-sur-Helpe connaît depuis 1968 une baisse constante de sa population, liée en partie au problème du logement.

En 2014, la commune est sortie du dispositif de la politique de la ville et des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), qui permettait de niveler les différences sociales, et la municipalité de l'époque n'a activé aucun programme de rénovation de l'habitat. La qualité et la diversité des logements s'en ressentent aujourd'hui.

Depuis 2020, la nouvelle équipe municipale mène une politique volontariste, fondée sur la mise en valeur du patrimoine architectural, le développement du tourisme, le soutien au commerce local de proximité et l'instauration d'un programme d'habitat. Permettre le renouvellement urbain d'Avesnes-sur-Helpe passe par la réinscription de la commune au titre des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Une issue favorable est-elle possible ?

Mme le président.  - Merci de respecter le temps imparti. Ce dépassement est inadmissible.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire chargée de l'écologie .  - Le zonage des quartiers prioritaires de la politique de la ville a été défini à l'article 5 de la loi du 21 février 2014. Le décret du 3 juillet 2014 a précisé cette définition, en visant les unités urbaines de plus de 10 000 habitants, ce qui n'est pas le cas d'Avesnes-sur-Helpe.

Des concertations locales se tiennent actuellement sous l'égide des préfets pour déterminer les contours des nouveaux quartiers prioritaires, en respectant les critères de pauvreté et de populations actualisés. Le Gouvernement souhaite toutefois redonner la capacité aux acteurs locaux d'intervenir dans certains quartiers qui ne rentreraient pas dans les conditions fixées par la loi. La réforme en cours de la politique de la ville donnera une ambition nouvelle à cette politique, nourrie de la participation des habitants des quartiers et des dynamiques positives enclenchées.

Objectif du ZAN à l'horizon 2050

M. Patrice Joly .  - Les élus ruraux s'inquiètent d'une mise en oeuvre du « zéro artificialisation nette » (ZAN) qui s'affranchirait des enjeux essentiels que sont la rénovation et la revitalisation de nos bourgs et villages. Conscients de la nécessité de concilier sobriété foncière et développement des territoires ruraux, ils refusent d'être de simples exécutants.

Une forte politique en faveur de la réhabilitation du bâti vacant est indispensable. Elle doit intégrer des moyens financiers, un accompagnement en ingénierie, des outils juridiques facilitant le changement de destination du bâti ou encore l'inscription dans la loi du droit au projet. Il faut permettre plus à ceux qui ont artificialisé moins et prendre en compte plus justement les projets d'envergure nationale.

Espérons que le Gouvernement poursuive la discussion sur la base de la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs du ZAN et qu'il sera à l'écoute des élus locaux lors de son examen à l'Assemblée nationale les 21 et 22 juin prochains.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Chaque année, 21 000 hectares d'espaces agricoles et forestiers sont consommés en France, avec des conséquences écologiques, mais aussi socio-économiques, d'où l'objectif que la France s'est fixé à horizon 2050.

Le ZAN est au coeur de nos préoccupations. La mise en oeuvre d'une garantie rurale et la prise en compte spécifique des grands projets d'intérêt national ont été annoncées. Au travers de la proposition de loi de Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc, nous saluons l'engagement du Sénat pour adapter le dispositif dans les territoires. Nous avons engagé la procédure accélérée sur ce texte, inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale les 21 et 22 juin prochains. L'objectif est de parvenir, dans la concertation, à l'adoption d'un texte consensuel.

Ligne Polt

Mme Angèle Préville .  - Le ferroviaire est incontournable pour baisser les émissions de gaz à effet de serre. Or les lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) et Paris-Clermont-Ferrand desservent cinq régions et dix millions d'habitants : un Paris-Marseille dure 3 heures et un Paris-Bordeaux deux heures, quand un Paris-Cahors dure jusqu'à 6 heures : Cahors est au-delà de la frontière espagnole...

Le schéma directeur en cours ne sera pas à la hauteur du Capitole des années 1960, Paris-Toulouse en 6 heures. Il faut le renforcer, à quatorze allers-retours au lieu de onze et un gain de 35 minutes sur Paris-Toulouse. Le programme minimum pour 2025 est à réaliser sans faute.

La Première ministre a déclaré : « moderniser se traduira par davantage de trains, une meilleure ponctualité et des temps de parcours moins longs » et : « notre stratégie doit bénéficier à tous les Français, où qu'ils vivent, des petites communes jusqu'aux grandes métropoles ». Les oubliés du rail que nous sommes sont donc le coeur de cible. Quelle sera, sur les 100 milliards d'euros du plan, la part attribuée à la ligne Polt ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - La ligne Polt est un axe nord-sud stratégique. Le nouveau matériel roulant bénéficiera de 450 millions d'euros de la part de l'État, et l'amélioration des performances de la ligne d'ici à 2026 de 257 millions d'euros.

SCNF Réseau régénère les infrastructures pour 1,6 milliard d'euros jusqu'en 2025. Les travaux avancent conformément aux prévisions. La Première ministre, lors de la remise du rapport du conseil d'orientation des infrastructures (COE), a indiqué s'appuyer sur le scénario de planification écologique, actant les investissements dans le schéma directeur de la ligne Polt.

De plus, pour associer les parties prenantes, le ministre des transports a demandé à la SNCF un groupe de travail technique se réunissant chaque trimestre sur l'amélioration de la qualité de service.

Pollutions autour de l'aéroport de Roissy

M. Fabien Gay .  - Des associations, des élus et des riverains se mobilisent contre les pollutions aux alentours de l'aéroport Paris - Charles-de-Gaulle. Le bruit est la seconde menace pour la santé environnementale après la pollution atmosphérique. C'est la double peine de ces 500 000 vols annuels.

C'est un enjeu climatique : là où les grands aéroports européens prévoient des couvre-feux et plafonnent le trafic, le plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) balaie ces options et prévoit même une hausse du trafic de 38 %, soit l'équivalent du terminal 4, officiellement abandonné...

La santé n'est pas une variable d'ajustement : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) appelle à une réduction de 13 % du trafic. Ainsi, 300 élus franciliens, dont Eugénie Ponthier, adjointe au maire d'Épinay-sur-Seine, vous demandent un couvre-feu de 22 heures à 6 heures et un plafond de 440 000 vols annuels. Accéderez-vous enfin à leurs demandes ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Il faut discuter sans entrave des apports et des nuisances des aéroports. C'est le coeur de l'approche équilibrée de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), traduite en droit européen : trois leviers d'action, suivis éventuellement de restrictions d'exploitation.

Les prévisions de trafic que vous mentionnez, prises pour un exercice spécifique lié à la crise sanitaire, ont été retenues pour élaborer des cartes stratégiques de bruit et n'ont pas caractère d'objectif.

Le plan de réduction du bruit relève des trois leviers de l'approche équilibrée. Le PPBE prévoit une étude d'impact : c'est dans ce cadre que les éventuelles mesures de restriction seront analysées. La nouvelle autorité compétente, créée par le décret du 16 mai 2023 relatif à la lutte contre les nuisances sonores, permet enfin de s'engager dans ce processus.

M. Fabien Gay.  - Les élus souhaitent être reçus et entendus.

Candidature du Petit-Quevilly aux quartiers résilients

M. Didier Marie .  - Malgré une candidature solide, le quartier de la Piscine du Petit-Quevilly n'a pas été retenu dans le dispositif des quartiers résilients. Il est pourtant quartier d'intérêt national et fait l'objet de 85 millions d'euros d'investissements par la commune. Celle-ci souffre de pollution, ayant connu l'incendie de Lubrizol, et d'un taux de pauvreté de 10 points supérieur à la moyenne.

Elle a à coeur d'être exemplaire, avec notamment une forêt urbaine et un projet d'autoconsommation collective. L'éducation et le sport sont au coeur de son programme. Le soutien de l'État via les quartiers résilients est indispensable pour réussir la transition au titre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) du quartier de la Piscine.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Nous soulignons l'engagement des acteurs de territoire dans la démarche des quartiers résilients. Le NPNRU intègre la résilience dans le renouvellement urbain, notamment au regard du changement climatique. Toutes les revues de projet la prendront en compte.

Ainsi, vingt-cinq quartiers vulnérables sont déjà retenus pour un accompagnement renforcé et l'obtention de crédits du fonds résilience portés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). À l'automne, vingt-cinq nouveaux quartiers seront annoncés.

Le projet du Petit-Quevilly présente un bon niveau d'avancement. Il faut poursuivre sa mise en oeuvre, avec un dépôt des demandes au plus tard pour la mi-2026. Les services de l'État accompagnent actuellement la commune sur la dépollution des sols pour mobiliser le fonds vert avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

M. Didier Marie.  - Le Petit-Quevilly doit bénéficier d'un accompagnement dans le cadre des vingt-cinq quartiers restants.

Diagnostics de performance énergétique

M. Hervé Maurey .  - Le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) pose problème : résultats différents d'un professionnel à l'autre, coût des travaux, difficulté à obtenir l'accord des copropriétés.

Il est inadmissible qu'à isolation égale, les petits logements, qui ont des surfaces déperditives importantes par rapport à leur taille, soient moins bien classés. Selon l'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE), 63 % d'entre eux relèvent des catégories E, F et G contre 39 % pour l'ensemble du parc.

Les travaux sont onéreux et techniquement irréalisables : poser une pompe à chaleur dans un studio au cinquième étage est impossible. Comment y remédierez-vous ? Donnerez-vous suite à la proposition de la fédération des diagnostiqueurs de créer un coefficient de pondération ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Le DPE est un outil majeur de la politique de rénovation énergétique : gel des loyers, interdiction de mise en location et audit lors de la vente y sont adossés pour les passoires. Dès 2024, certaines aides y seront associées.

La réforme de 2021 le fiabilise en l'appuyant sur les seules caractéristiques physiques du logement. La feuille de route ministérielle de l'été 2022 vise à en améliorer la qualité, et un arrêté publié à l'été prochain renforcera les obligations de formation et les contrôles sur les diagnostiqueurs à partir de 2024.

Un DPE peut être complété par un audit énergétique, obligatoire depuis avril pour les logements classés F ou G, avec des scénarios de travaux en vue d'atteindre la classe B. Les spécificités architecturales et patrimoniales sont reconnues, mais les performances peuvent être améliorées même dans ces cas.

M. Hervé Maurey.  - Vous n'avez pas répondu à ma question : est-il normal que le diagnostic diffère selon la surface du bien, à isolation égale ? Comment y remédierez-vous ? J'espère une réponse écrite.

Assiette de la taxe Gemapi

M. Laurent Burgoa .  - La compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) relève des intercommunalités depuis 2010. À ce titre, l'article 1530 bis du code général des impôts leur ouvre la possibilité d'une « aquataxe ».

La taxe Gemapi fait partie des taxes spéciales d'équipement (TSE) prélevées sur les entreprises et les propriétaires. Avec la suppression de la taxe d'habitation à compter de 2023, la taxe Gemapi reposera sur les seuls propriétaires. C'est inique, alors que cette taxe est censée financer la protection des personnes, qu'elles soient propriétaires ou locataires, et de leurs biens. À l'instar de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom), le Gouvernement prévoit-il la récupération de cette taxe par le propriétaire auprès du locataire ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - La taxe Gemapi s'ajoute aux quatre taxes directes perçues au profit des EPCI. Son produit se répartit sur les personnes physiques et morales assujetties aux taxes foncières, à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) et à la cotisation foncière des entreprises, proportionnellement aux recettes de l'année précédente. Les entreprises et les redevables de la THRS y contribuent donc.

En outre, l'État a compensé les réformes fiscales pour préserver les contribuables.

Aux termes de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, la récupération des charges locatives est le remboursement des dépenses engagées pour services rendus, comme l'entretien courant ou de menues réparations. La taxe Gemapi ne correspond pas à ces dépenses, et le Gouvernement n'envisage donc pas de la rattacher à ce dispositif.

M. Laurent Burgoa.  - C'est bien dommage, surtout dans le Sud où les inondations sont une priorité. Les locataires sont concernés et devraient contribuer.

Augmentation de l'enveloppe du fonds vert attribuée à la Guyane

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - Je salue l'effort de 2 milliards d'euros consenti par le Gouvernement pour accélérer la transition écologique dans les territoires à travers le fonds vert, mais ses critères de répartition - la démographie et les besoins de chaque territoire - suscitent des réserves.

Personne ne peut ignorer les besoins guyanais : l'urgence est omniprésente, en témoigne le nombre important de dossiers déposés, qui dépassent largement l'enveloppe de 9 millions d'euros allouée.

De l'avis de tous, les chiffres du recensement, utilisés pour les dotations, sont insincères. C'est injuste : on sait citer la Guyane pour évoquer la richesse de sa biodiversité, mais elle est encore une fois sous-dotée. Je ne veux nullement déshabiller Paul pour habiller Pierre, mais d'autres critères comme l'étendue du territoire devraient être pris en compte. Comment l'État entend-il introduire plus d'équité dans la répartition du fonds vert à l'avenir ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Le fonds vert répond à un triple objectif : renforcer la performance environnementale, adapter les territoires au changement climatique, améliorer le cadre de vie.

La Guyane a effectivement reçu une enveloppe de 9 millions d'euros. Comme dans la plupart des autres régions, l'aide demandée excède l'enveloppe déléguée. Mais les territoires ultramarins observent les taux de financement les plus élevés -  56 % en Guyane.

Sur les 270 dossiers déposés dans les Outre-mer, 40 concernent la Guyane. À ce stade, sept  ont été acceptés, pour un total de 2 millions d'euros, sur la prévention des risques d'inondation, l'adaptation au recul du trait de côte et le tri et la valorisation des bio-déchets.

L'intégralité des crédits du fonds vert devrait être engagée d'ici la fin de l'année, et ils seront reconduits l'année prochaine.

Suspension de l'arrêté préfectoral contre les travailleuses du sexe à Lyon

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Le 3 mai dernier, en vue de la Coupe du monde de rugby, la préfète du Rhône a publié un arrêté visant à expulser les camionnettes dans lesquelles des femmes exercent une activité prostitutionnelle dans le 7e arrondissement de Lyon. Initialement circonscrit aux abords du stade, le périmètre a été élargi à tout l'arrondissement et met des centaines de personnes dans une extrême précarité, malgré les propositions alternatives.

Pour la majorité de ces femmes, ces camionnettes sont le logement où elles dorment en journée, car elles travaillent de nuit. Une mise en fourrière de ces véhicules, outre son coût important, signifie une mise à la rue sans aucune solution d'hébergement alternative.

Entravées dans leurs actions, les associations comptent déjà de nombreuses sorties de parcours de soins. Ces expulsions accroissent la vulnérabilité de ces personnes et les exposent à plus de violences.

Quelles solutions proposez-vous pour leur sécurité ? Pouvez-vous suspendre cet arrêté préfectoral afin que des négociations garantissent, « en même temps », la tranquillité des riverains, le bon déroulement de la Coupe du monde et la sécurité des personnes concernées, sans rupture du lien avec les associations ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Les abords du stade sont touchés par une augmentation des violences, notamment à l'encontre de ces personnes.

L'arrêté municipal réglementant le stationnement sur certaines voies du quartier Gerland n'ayant pas d'effet, l'autorité préfectorale était fondée à prévenir ces troubles graves à l'ordre public dans une vingtaine de rues autour du stade, et non sur l'ensemble de l'arrondissement. Cet arrêté n'a pas pour vocation d'expulser ces femmes et de saisir leurs véhicules. Il leur appartient seulement de ne pas stationner dans le périmètre interdit.

Le travail de prévention et d'accompagnement social demeure une priorité pour l'État, avec l'appui des associations locales et sous la houlette de la commission départementale de lutte contre la prostitution et le proxénétisme - non sans résultats : sur un total de 52 dossiers suivis entre 2018 et 2022, avec l'appui de l'Amicale du Nid et du Mouvement du Nid, 42 personnes sont entrées dans un parcours de sortie de la prostitution.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est, paraît-il, les cent jours d'apaisement. Pourquoi ne pas suspendre cet arrêté, comme le demandent les associations, notamment celles que vous avez citées ?

Réquisitions dans les Alpes-Maritimes pour les mineurs non accompagnés

M. Philippe Tabarot .  - L'État ne parvient pas à contrôler l'immigration clandestine, comme Patricia Demas et moi pouvons en témoigner dans les Alpes-Maritimes, où 40 000 clandestins ont été interpellés en 2022 à la frontière italienne. Le nombre de jeunes clandestins, dits mineurs non accompagnés (MNA), explose. Le président du département, les parlementaires, les maires ne cessent de lancer un cri d'alarme : plus de 5 000 de ces mineurs sont arrivés, dont 2 000 dans les seules Alpes-Maritimes. Les structures sont débordées malgré un effort du département de 20 millions d'euros. Le préfet ne cesse de prendre des arrêtés de réquisition d'hôtels comme à Antibes, à Châteauneuf-de-Grasse ou à Biot, ou de gymnases comme à Menton, sans aucune concertation avec des maires mis devant le fait accompli.

Au-delà du fait qu'il devrait revenir à l'État d'assumer pleinement cet accueil, comme nous le suggérons au Sénat, quand ces réquisitions cesseront-elles ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - La pression migratoire dans les Alpes-Maritimes a été multipliée par quatre entre janvier 2022 et janvier 2023, soumettant le dispositif de mise à l'abri à de très fortes tensions.

Je remercie le conseil départemental d'avoir mis en oeuvre des capacités nouvelles pour la prise en charge de plus de 700 MNA. Le parquet de Nice a également mobilisé des ressources nouvelles pour accélérer la prise des ordonnances de placement réorientant des mineurs vers d'autres départements.

En dépit de cela, le dispositif peut être occasionnellement saturé, conduisant le préfet - à deux reprises seulement et à la demande du président du conseil départemental - à réquisitionner des structures : une résidence hôtelière d'Antibes pendant un mois en mars et un gymnase de Menton pendant huit jours en avril. Dans les deux cas, les maires des communes concernées ont été préalablement informés par le préfet.

Nous recherchons toutes les solutions permettant au département d'exercer sa mission d'aide sociale à l'enfance.

M. Philippe Tabarot.  - La situation est beaucoup plus préoccupante. Vous devez cesser cette politique migratoire menée sur le dos des maires.

Maison d'arrêt de Saint-Brieuc

Mme Annie Le Houerou .  - Par courriers du 27 juillet 2021 et du 5 août 2022, j'ai sollicité en vain le garde des sceaux sur la situation préoccupante de la maison d'arrêt de Saint-Brieuc, 147 détenus pour 85 places, soit un taux d'occupation de plus de 170 %. La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté l'a écrit le 18 juillet 2022, les conditions de détention sont indignes : infiltrations d'eau, moisissures, trous dans les murs, mobilier détérioré ou manquant, absence d'intimité dans les WC, hygiène déplorable des sols et des lits, manque d'espace pour les gestes du quotidien.

J'ai pu à nouveau le constater en visitant l'établissement le 19 avril, et les travaux sont encore plus urgents après l'incendie de la nuit du 24 au 25 mai dernier. Une rénovation d'ampleur est nécessaire, voire une reconstruction sur un autre site : comme l'a souligné le maire de Saint-Brieuc Hervé Guihard, le territoire briochin y est disposé. Dans l'attente, une régulation en lien avec l'autorité judiciaire serait nécessaire ; quatre détenus dans 11 m2, c'est indigne, et les conditions de travail de la pénitentiaire s'en ressentent. Quel est votre projet pour la maison d'arrêt de Saint-Brieuc ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Répondre à la surpopulation est l'objectif premier du plan immobilier pénitentiaire de construction de 15 000 places de prison annoncé dès 2018 par le Président de la République - j'en voyais les effets la semaine dernière en Nouvelle-Calédonie. La construction du centre pénitentiaire de Vannes permettra une meilleure prise en charge de la population pénale. La direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes met tout en oeuvre pour désencombrer la maison d'arrêt de Saint-Brieuc, notamment en orientant les détenus vers d'autres établissements et en travaillant avec le Parquet. Les chiffres sont en effet impressionnants : au 1er juin 2023, le taux d'occupation de la structure était de 193 %, soit 164 détenus pour 85 places.

La libération sous contrainte, créée par la loi du 22 décembre 2021, est une des solutions de court terme.

Mme Annie Le Houerou.  - Aucune réponse concrète, donc, et la loi d'orientation et de programmation reste muette sur ce sujet...

Implantation de la cité judiciaire à Marseille

M. Stéphane Le Rudulier .  - Le choix du futur site d'implantation de la cité judiciaire de Marseille inquiète. Le barreau de Marseille comme la chambre de commerce et d'industrie (CCI) alertent sur les conséquences désastreuses d'un déménagement des juridictions hors du centre-ville. La perte s'évaluerait à 7,4 millions d'euros par an pour les restaurants, à 10,9 millions pour les autres commerces. Sept avocats sur dix sont à moins de dix minutes à pied du Palais de justice. Si la cité judiciaire sort de l'hypercentre, la plupart des professionnels du droit devront transférer leur cabinet. Pourquoi délocaliser l'ensemble des juridictions et entraîner inutilement une catastrophe économique du centre-ville ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Une consultation sous l'égide du préfet est en cours, rassemblant avocats, magistrats, greffiers, personnels administratifs, président de la CCI, mairie, élus, députés, métropole, région.

Trois options sont envisagées : la construction d'une cité judiciaire en centre-ville, pour 450 millions d'euros et six ans de travaux ; un terrain à la Capelette, mais à proximité d'un centre de traitement des déchets ; un terrain à Euroméditerranée, à quinze minutes de tramway du palais Monthyon. Il s'agirait soit de construire une cité judiciaire, pour 350 millions d'euros et trois ans de travaux, soit de se limiter à un palais de justice, conseil des prud'hommes et tribunal de commerce restant à Monthyon, pour un total de 370 millions d'euros et quatre ans de travaux.

Nous entendons les craintes légitimes d'une dévitalisation du centre-ville si cette troisième option était retenue. Dans ce cas, le palais Monthyon pourrait accueillir l'École du barreau et une annexe de l'École nationale de la magistrature, pour former les futurs magistrats, greffiers et attachés de justice qui vont être massivement embauchés.

L'enjeu est à la fois symbolique et économique, c'est pourquoi le garde des sceaux a souhaité que la réflexion se poursuive et s'articule autour d'autres enjeux locaux. La concertation initiée par le préfet éclairera la décision du gouvernement.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Oui, il faut de nouveaux locaux, plus d'espace, mais le déménagement se justifie principalement pour les juridictions pénales, pas pour toutes les autres juridictions. Si vous délocalisiez toute la cité judiciaire, il faudrait à tout le moins un projet de reconversion des bâtiments actuels.

Le conseil départemental et la métropole Aix-Marseille-Provence ont investi massivement afin de préserver la vitalité et l'attractivité du coeur de ville. La justice doit se dresser fièrement au coeur de la cité, pour incarner l'autorité et l'État de droit.

« Référent écoute » du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

M. Ronan Le Gleut .  - Par arrêté du 30 novembre 2020, un dispositif de recueillement et de traitement des signalements des faits de harcèlement, de discrimination ou d'agissements sexistes ou violents a été mis en place au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, avec la création d'une cellule encadrée par un « référent écoute ».

Des présomptions de faits de cette nature dans divers consulats, notamment au Canada, ont eu de lourdes conséquences tant pour les agents du ministère que pour l'image de la France, avec pour corollaire des difficultés dans le service rendu aux Français de l'étranger.

En mars dernier, l'Assemblée des Français de l'étranger a souhaité auditionner le « référent écoute », mais le ministère a refusé. Je souhaite donc connaître le nombre de signalements, d'enquêtes diligentées, le nombre et la nature des décisions prises à la suite de ces signalements, notamment pour les agents ayant dénoncé ces faits.

Une modification de l'arrêté du 30 novembre 2020 est-elle envisagée afin d'améliorer le fonctionnement de la cellule « référent écoute » ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Veuillez excuser Mme Colonna, en déplacement.

Vous me demandez des chiffres : en 2022, il y a eu 189 signalements, concernant 109 situations, et quinze enquêtes administratives ou mission d'inspection. Dans 98 % des affaires pour lesquelles la direction des ressources humaines a été saisie, une action a été menée - les 2 % restants étant classés. Les cas les plus graves donnent lieu à des enquêtes rigoureuses et indépendantes.

Le principe est : tolérance zéro. Si les faits sont avérés, les mesures correctrices vont jusqu'à la fin de mission, à la sanction disciplinaire ou à l'article 40. Il n'y a pas d'impunité. Nous le devons aux victimes, mais aussi à nos compatriotes car une situation dégradée au sein d'une ambassade ou d'un consulat peut altérer la qualité du service rendu.

Je vous invite toutefois à la prudence avant de vous prononcer sur la foi d'articles de presse. Ces situations sont rarement simples et les responsabilités souvent partagées. Il faut du temps pour aller au bout d'un dossier, mais aucune affaire n'est abandonnée.

M. Ronan Le Gleut.  - Votre réponse partielle révèle l'omerta qui règne au Quai d'Orsay. À Toronto, quatre des cinq agents ayant dénoncé un harcèlement ne sont plus en poste, la cinquième est en arrêt maladie. Circulez, il n'y a rien à voir !

De la même façon, on refuse de nous communiquer la circulaire relative aux relations entre nos postes diplomatiques et les conseillers des Français de l'étranger ; du temps de Philippe Douste-Blazy, elle était publique. Nous allons étudier les moyens que nous offre le Règlement du Sénat pour accéder aux informations que le ministère nous refuse.

Fouilles archéologiques préventives

M. Bruno Rojouan .  - L'obligation légale de réaliser des fouilles lorsqu'un projet d'aménagement ou de construction est susceptible d'affecter le patrimoine archéologique pose des difficultés dans de nombreux territoires ruraux.

C'est le cas pour la communauté de communes de Lapalisse, dans l'Allier : pour un projet d'extension d'une zone d'activités économiques de 1,3 million d'euros, le coût des fouilles archéologiques préventives s'élève à 1,9 million. Soit 150 % du montant des travaux !

Les collectivités ne peuvent de supporter de telles dépenses, sauf à doubler le prix de vente du mètre carré aménagé, bien loin des prix moyens pratiqués sur le territoire.

Et ce cas n'est pas isolé : Dompierre-sur-Besbre et Varennes-sur-Allier ont dû renoncer devant le coût exorbitant des fouilles, Gannat et Creuzier-le-Neuf rencontrent des difficultés. Le développement économique est bloqué, les aides du Fonds national pour l'archéologie préventive (Fnap) étant plafonnées à 50 % du coût prévisionnel.

L'État doit mieux accompagner le développement en zone rurale, qui va être encore plus contraint avec le ZAN (objectif zéro artificialisation nette). Allez-vous faire évoluer le plafonnement des subventions du Fnap, et autoriser le recours à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) pour ce type de projet ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Il faut en effet concilier recherche scientifique, conservation du patrimoine et développement économique et social.

Les communes peuvent interroger en amont les directions régionales des affaires culturelles pour connaître la sensibilité archéologique des terrains. Le financement des fouilles repose essentiellement sur les maîtres d'ouvrage, sur la base de prix établis par les opérateurs. Cependant, les aménageurs peuvent bénéficier d'aides attribuées par le Fnap. Les communes en zone de revitalisation rurale, qui réalisent une zone d'aménagement concerté ou un lotissement destinés à recevoir les constructions éligibles, peuvent donner mandat à l'opérateur de fouilles afin que celui-ci encaisse directement l'aide, évitant une moindre sortie de trésorerie. Par ailleurs, l'impact du coût de la fouille sur l'équilibre financier du projet fait partie des critères d'éligibilité de la subvention.

En moyenne, sur la période 2016-2022, 44 % des fouilles reçoivent annuellement un soutien financier de l'État. En 2022, 53 millions d'euros d'aides ont été accordés.

S'agissant de la communauté de communes de Lapalisse, le diagnostic a révélé une forte densité de vestiges archéologiques, du Second Âge du Fer jusqu'au Moyen Âge central. Après échange avec les collectivités, il a été convenu que l'emprise globale de la fouille serait scindée en trois phases, permettant un échelonnement sur cinq ans. Il n'y a donc pas de dépense de trésorerie immédiate. Mais le Gouvernement considère qu'il faut préserver les fouilles archéologiques.

Transfert d'oeuvres corses dans les musées insulaires

M. Jean-Jacques Panunzi .  - Dans une région à forte identité comme la Corse, la culture, l'histoire, le patrimoine sont des marqueurs importants. Depuis plusieurs années, l'île a développé une politique culturelle et ouvert des musées qui témoignent de son histoire, et qui sont aussi une attraction touristique.

La Corse a longtemps été un carrefour et les fouilles archéologiques attestent de cette richesse. Faute d'infrastructures d'accueil à l'époque, les objets découverts sur son territoire ont été transportés et exposés ailleurs -  ainsi de la statuette du Néolithique dite Venus de Campu Fiureddu, découverte au début du XXe siècle à Grossa, près de Sartène, qui est exposée au British Museum. De même pour des objets et artefacts de l'âge de bronze découverts à Vizzavona ou à Carbuccia, que l'on retrouve en Suisse ou en Italie alors que les musées de Corte, Lévie, Ajaccio ou Sartène pourraient les accueillir, au moins pour un temps partagé, dans le cadre de conventionnements.

Le ministère de la culture a pu intercéder en faveur du retour en Corse de la Madone de Brando le mois dernier parce qu'une vente aux enchères était en cours.

Nombre des oeuvres qui pourraient être conservées en Corse appartiennent à des musées étrangers. Comment procéder pour les rapatrier dans nos musées, sachant que l'environnement juridique est complexe ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Le Gouvernement salue et soutient le développement d'une politique culturelle dynamique en Corse.

Je comprends que les Corses déplorent que la Venus de Campu Fiureddu ou des objets archéologiques trouvés à Vizzavona soient conservés à l'étranger. Ces oeuvres sont parties de Corse à une époque où aucune règle de protection internationale ou nationale n'interdisait ces mouvements. De ce fait, leur situation semble peu contestable en droit : seule la négociation de prêts permettrait leur présentation en Corse.

Beaucoup d'oeuvres ne restent pas dans le lieu où elles ont été créées ou découvertes... Quoi qu'il en soit, ma collègue Rima Abdul-Malak reste très attentive au sort de la Madone de Brando et aux possibilités de retour en Corse, qu'elle a évoquées avec le président du conseil exécutif. Les services du ministère sont pleinement mobilisés auprès de la collectivité de Corse et de la commune de Brando pour trouver une solution respectueuse des droits et intérêts des différentes parties.

Extension des zones tendues

Mme Annick Billon .  - L'article 73 de la loi de finances pour 2023 prévoit un élargissement du zonage de la taxe sur les logements vacants (TLV) aux communes touristiques tendues et une actualisation de la liste des territoires urbains concernés. Or des communes nouvellement entrantes vont perdre le bénéfice de la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV), lorsqu'elles l'avaient mise en place.

C'est la double peine : carence de logements et baisse des recettes. Le Gouvernement s'est engagé devant le président de l'Association des maires de France (AMF) à corriger ces effets. Les communes doivent pouvoir loger convenablement les salariés. Le zéro artificialisation (ZAN) et les exigences énergétiques vont aggraver la situation. Que le ministre du logement dise vouloir « redonner du pouvoir d'habiter aux Français » ne suffit pas ; les annonces de la Première ministre restent insuffisantes.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Face à l'attrition du nombre de logements dans les communes touristiques, le Gouvernement a prévu l'extension du zonage de la TLV et de la majoration facultative de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS), notamment pour celles où la tension immobilière est forte. Après une phase de consultation, le décret modifiant la liste des communes sera publié prochainement.

Le nouveau zonage se traduit par l'imposition à la TLV des logements vacants, y compris pour les logements situés sur le territoire de communes qui avaient préalablement institué la THLV, à un taux en moyenne plus élevé. De plus, les communes pourront majorer la THRS. Les changements de périmètre pourraient avoir des conséquences budgétaires pour certaines. L'examen du projet de loi de finances pour 2024 sera l'occasion d'apporter les ajustements nécessaires.

Mme Annick Billon.  - Aux Sables-d'Olonne, les recettes ne seront pas totalement compensées. Les communes doivent pouvoir loger les salariés.

Suppression de la CVAE

M. Thierry Cozic .  - La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a été décidée par le Gouvernement contre l'avis unanime des collectivités. La main sur le coeur, on nous a promis une compensation à l'euro près. Mais les promesses n'engagent que ceux qui y croient... L'Association des maires de France constate que, dans certaines collectivités, les compensations envisagées sont très insuffisantes. L'engagement n'est pas tenu, il manque 650 millions d'euros.

À l'heure du changement climatique, le Gouvernement a trouvé une solution bien surprenante : réserver 530 millions sur les 2 milliards d'euros du fonds vert à la compensation de la suppression de la CVAE. La circulaire du 14 décembre 2022 adressée aux préfets est explicite. Cela rendra l'accès au fonds d'autant plus difficile pour les collectivités bénéficiant de la compensation.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Le Gouvernement est conscient des effets de l'inflation et de la revalorisation du point d'indice sur le budget des communes. C'est pourquoi nous avons instauré à l'été 2022 un filet de sécurité inflation, doté de 430 millions d'euros.

La suppression de la CVAE prolonge la baisse des impôts de production, pour préserver notre compétitivité. Elle est compensée par l'affectation aux collectivités, à compter de 2023, d'une fraction de TVA pérenne et dynamique. La compensation aboutit à une ressource en hausse de plus de 20 % cette année.

En matière énergétique, le Gouvernement a protégé les collectivités avec le bouclier tarifaire et l'amortisseur électricité. De plus, le bloc communal bénéficie cette année de la revalorisation forfaitaire des bases d'imposition de 7 %.

Enfin, la dotation globale de fonctionnement (DGF) augmente de 320 millions d'euros : plus de 90 % des communes ont une DGF stable ou en augmentation. Une telle hausse est inédite depuis treize ans.

S'agissant du fonds vert, je vous répondrai précisément par écrit.

Interdiction des chaudières à gaz

M. Jean-François Longeot .  - Le gaz fournissant jusqu'à 50 % des besoins d'énergie en hiver, la suppression des chaudières à gaz sera facteur d'instabilité. Renoncer au gaz, c'est renoncer à des capacités pilotables pour les jours les plus froids. Les pompes à chaleur (PAC) hybrides - électriques et à gaz - permettent de diminuer la consommation de gaz tout en préservant l'équilibre du système électrique : pourquoi se priver d'un tel outil de flexibilité ?

L'interdiction des chaudières à gaz aurait des effets dévastateurs sur la pointe électrique et sur la sécurité d'approvisionnement. Les écarts offre-demande pourraient atteindre 30 à 50 gigawatts lors des pointes hivernales en 2050, voire davantage. De très lourds investissements sur le réseau électrique seraient nécessaires, entre 750 et 1 000 milliards d'euros à l'horizon 2050, contre 150 milliards d'euros pour le développement des gaz verts.

Que pensez-vous de l'interdiction d'installation des chaudières au gaz dans les logements ? Comment comptez-vous assurer la résilience de notre système énergétique ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - L'objectif de neutralité carbone est un défi immense ; il n'y a pas de formule magique. Entre autres, nous devons assurer notre souveraineté et ne plus dépendre d'énergies importées. Ainsi, MaPrimeRénov' ne subventionne plus les nouvelles chaudières au fioul ou au gaz, tandis que la réglementation énergétique (RE) 2020 empêche l'installation de chaudières au gaz ou au fioul dans les bâtiments neufs.

La sortie progressive du gaz doit répondre à trois principes : avoir des solutions alternatives décarbonées - elles existent -, prendre en compte les contraintes techniques locales et associer les acteurs de la filière.

Pour accélérer la production de biogaz, la ministre de la transition énergétique va bientôt revaloriser son tarif d'achat, mais le gisement de biomasse sera durablement limité et il doit être orienté vers les secteurs avec le moins de solutions alternatives.

Décarboner nos bâtiments est une des priorités du Gouvernement, mais jamais au détriment de la résilience de notre système énergétique.

Parcoursup

M. Stéphane Sautarel .  - Parcoursup, censé compenser les défaillances de l'admission post-bac, généralise en fait la sélection aléatoire, tout en créant du stress. Les bacheliers des filières professionnelles et technologiques sont les premières victimes. Nombre de bacheliers arrivent dans une filière dans laquelle ils ne sont pas à leur place, ce qui les conduit à l'échec scolaire. La Cour des comptes soulignait en 2020 l'opacité des procédures et des algorithmes. Parcoursup, traduction d'un examen algorithmique des dossiers, déshumanise les candidatures et crée stress et inégalités.

Dans le domaine de la santé et des soins infirmiers, les conséquences sont plus lourdes encore. À l'heure où les professions médicales font défaut dans notre pays, il faut préserver notre système éducatif en santé. À l'Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) d'Aurillac, entre 2014 et 2019, plus de 83 % des étudiants passaient en deuxième année, contre 57,2 % en 2021 et 2022. Les abandons augmentent.

Envisagez-vous une solution alternative à Parcoursup ? Que prévoyez-vous pour le système éducatif en santé, en particulier pour les infirmiers ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Vous avez choisi de ne présenter que les défauts de Parcoursup. Pourtant, ce système a été facteur de progrès. D'après une étude de septembre dernier, 58 % des lycéens ont une expérience conforme à leurs attentes, voire positives ; 72 % des lycéens sont satisfaits des réponses données à leurs voeux, et 68 % des délais - soit deux et quatre points de plus que l'année précédente.

Certes, nous devons continuer à lutter contre le stress ressenti dans cette phase de choix. Nous avons amélioré l'information sur les critères d'examen des voeux par les commissions des enseignants. Car, non, Parcoursup n'est pas un algorithme : ce sont bien des enseignants qui examinent les dossiers. Nous réduisons aussi la phase principale d'examen.

Concernant les Ifsi, le ministère de la santé a lancé une concertation, pour une réforme de la formation dès la rentrée 2024. Parcoursup n'est pas responsable de toutes les difficultés. De plus, nous avons amélioré la plateforme pour mieux informer les candidats.

M. Stéphane Sautarel.  - Sortez du déni : le stress n'est pas un ressenti, mais une réalité, notamment pour les professions de santé. Comme partout, il faut remettre de l'humain !

Directeurs d'écoles privées sous contrat

M. Stéphane Piednoir .  - Plusieurs directeurs d'écoles privées sous contrat m'ont interpellé sur la dégradation de leurs conditions d'exercice. Leur constat alarmant est confirmé par la hausse des demandes de disponibilité et de congé, des démissions et des ruptures conventionnelles.

Ce malaise résulte de plusieurs facteurs : absence de médecine du travail, manque de ressources humaines et matérielles, notamment pour l'accompagnement des élèves en situation de handicap, surcharge de travail. La décharge de direction est insuffisante pour leur permettre de répondre aux nombreuses injonctions administratives qui leur incombent. En outre, compte tenu des difficultés liées au statut des enseignants suppléants, les remplacements sont de plus en plus difficiles à assurer.

Ces enseignants et chefs d'établissement ont à coeur de bien faire leur métier au service des élèves, mais estiment manquer de moyens. Comment le Gouvernement envisage-t-il d'y remédier ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Les chefs d'établissement de l'enseignement privé sous contrat ne sont pas recrutés par le ministère mais pas la structure porteuse de leur établissement. Ils ne sont donc pas liés, pour leur fonction de chef d'établissement, par un contrat avec l'État.

Dans le premier degré, ils bénéficient des mêmes décharges de direction que dans le public ; ils sont, à ce titre, pris en charge par l'État. Dans le second degré, les maîtres qui souhaitent assurer des fonctions de chef d'établissement peuvent réduire leur service d'enseignement dans des conditions favorables, afin de garder un lien avec l'État et leur métier d'enseignant.

Par ailleurs, les forfaits versés par la puissance publique permettent la prise en charge des personnels d'accompagnement éducatif ou administratif ; ils sont calculés par référence au coût d'un élève du public. La rémunération des chefs d'établissement est intégrée dans le forfait d'externat.

S'agissant des accompagnants d'élèves en situation de handicap, l'État assure leur mise à disposition dans les établissements pendant le temps scolaire, sans différence entre public et privé.

Enfin, les maîtres délégués et auxiliaires bénéficieront dans les prochains mois d'une revalorisation, ainsi que d'une partie des revalorisations transversales destinées à tous les enseignants.

Gratification du bénévolat

Mme Catherine Belrhiti .  - Le bénévolat ne fait l'objet d'aucun statut ni définition juridique. En 1993, le Conseil économique et social a défini le bénévole comme une personne s'engageant librement pour mener une action non salariée au bénéfice d'autrui, en dehors de son temps professionnel et familial. Le bénévolat peut être informel - lorsqu'on aide son voisin - ou formel, notamment dans un cadre associatif.

La Cour de cassation admet que le travail accompli par une personne en vue de sa propre insertion sociale puisse lui valoir un pécule et des avantages, sous réserve qu'il ne constitue pas une relation de salariat, mais ce dispositif est très isolé. De manière générale, le bénévolat est sous-valorisé, dans toutes les catégories d'âge et d'activité.

Pour remercier les millions de bénévoles de leur engagement, il serait possible de leur offrir une gratification, sous des formes diverses : chèques vacances, droits à la retraite, chèques emploi-service universels préfinancés... Le désintéressement de nos bénévoles ne justifie pas l'ingratitude !

Comment le Gouvernement entend-il remercier les bénévoles de tous les services qu'ils rendent au quotidien ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - En effet, aucune définition légale du bénévolat n'existe. Néanmoins, le sens commun le considère comme une activité accomplie sans contrepartie. La Cour de cassation le définit comme une activité permanente ou occasionnelle, à temps plein ou partiel, exercée spontanément et de plein gré en l'absence de subordination juridique et de contrepartie financière.

Sont admis, en revanche, le remboursement de frais engagés par le bénévole, dûment justifiés, des aides destinées à compenser des sujétions et l'octroi de biens de valeur symbolique en lien avec l'activité exercée. Aucune autre forme de gratification ne saurait être accordée, au risque de faire basculer une situation de bénévolat vers une relation de salariat. Une entreprise qui recourt à de faux bénévoles est passible d'une condamnation pour travail dissimulé.

Mme Catherine Belrhiti.  - Votre réponse ne me satisfait pas. Les bénévoles sont une espèce en voie de disparition : nous devons trouver des solutions pour les encourager et les fidéliser !

Avenir des missions locales pour l'emploi

M. Serge Mérillou .  - Le 1er janvier prochain, France Travail remplacera Pôle emploi. Quid de l'intégration des missions locales pour l'emploi à ce nouvel écosystème ?

Depuis plus de quarante ans, ces structures luttent contre l'exclusion et l'isolement des jeunes, notamment dans le monde rural. Leur connaissance du terrain, nourrie par la participation à leur gouvernance des élus locaux, leur permet de répondre aux besoins de chaque jeune.

En Dordogne, les cinq missions locales assurent un maillage efficace du territoire. L'année dernière, plus de 60 % des publics suivis dans le département n'étaient pas inscrits à Pôle emploi.

La transformation de ces acteurs de proximité en France Travail Jeunes risque d'entamer leur autonomie dans la gestion des problématiques de santé, de logement, de mobilité et de budget touchant les jeunes. À l'heure où les services publics désertent nos territoires, les missions locales favorisent l'égalité des chances. Les coupler à un algorithme d'orientation désincarné serait un non-sens et un obstacle supplémentaire pour des jeunes déjà exclus. Rien ne remplacera l'humain !

Faisons confiance aux agents des missions locales, dont l'expertise n'est plus à démontrer. Quelles garanties et assurances pouvez-vous apporter sur la préservation de l'autonomie de ces structures ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Je connais l'utilité des missions locales, qui assurent un accompagnement de grande qualité auprès des jeunes en difficulté. Elles sont naturellement appelées à continuer à jouer ce rôle dans le cadre de France Travail.

Devenues France Travail Jeunes, opérateur associé à l'opérateur principal, elles auront pour mission d'accompagner les jeunes qui en ont le plus besoin, en travaillant aussi sur les freins périphériques, pour les faire gagner en autonomie et les ramener vers l'emploi. Les jeunes seront orientés vers France Travail Jeunes selon des règles définies dans le cadre du contrat d'engagement jeune.

France Travail Jeunes contribuera à l'élaboration de la feuille de route annuelle pour chaque territoire, qui détaillera notamment les objectifs en matière de repérage, d'accompagnement et de retour à l'emploi. Ces feuilles de route seront examinées par les comités locaux France Travail, coprésidés par l'État et les collectivités territoriales.

Le nouveau schéma de gouvernance ne modifiera pas la contractualisation entre les missions locales et leurs financeurs : le conventionnement direct avec l'État et les collectivités sera maintenu. De même, les structures France Travail Jeunes pourront continuer d'assurer le pilotage de projets contractualisés.

Ainsi, les missions locales, étroitement intégrées dans France Travail, continueront d'assurer leurs missions d'accompagnement, dans le cadre d'un écosystème rationalisé et fondé sur des objectifs communs.

Conditionnalité du RSA

M. Hervé Gillé .  - Pour une personne seule, le RSA s'élève à 607,75 euros. Ce dispositif bénéficie à 3,85 millions de personnes.

Le Gouvernement envisage de conditionner le versement du RSA au suivi de parcours intensifs de quinze à vingt heures par semaine. Où en êtes-vous de ce projet ? Il faut évaluer attentivement les risques et s'assurer que les politiques menées favorisent une réinsertion durable plutôt que des résultats de court terme.

La conditionnalité du versement du RSA est en cours d'expérimentation dans plusieurs départements. Nous espérons que le Gouvernement adaptera sa politique en fonction des conclusions de cette expérimentation.

Allez-vous renationaliser le RSA, remettant en cause la place des départements dans l'organisation de son versement ? Ou placer les départements sous tutelle ?

Les discussions doivent se poursuivre pour soutenir réellement l'autonomie des allocataires, tout en laissant les départements mener une véritable politique de proximité.

Allez-vous imposer votre réforme aux départements et poursuivre une politique coercitive d'inspiration néolibérale ?

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Le chantier France Travail vise à améliorer l'offre de services aux demandeurs d'emploi et aux entreprises. Il concerne tout particulièrement les allocataires du RSA, dont 40 % seulement sont inscrits à Pôle emploi et dont 42 % sont toujours au RSA sept ans après leur première inscription.

Les quinze à vingt heures hebdomadaires évoquées ne sont ni du travail gratuit ni du bénévolat obligatoire, mais du temps consacré à la construction d'un parcours d'insertion professionnelle. Nous tiendrons compte des situations pour répondre aux besoins d'accompagnement de chacun, s'agissant notamment des freins périphériques.

Nous nous appuierons sur les démarches existantes, dont le contrat d'engagement jeune, dont les résultats sont encourageants. Nous avons lancé un vaste exercice de parangonnage européen, qui nous a confortés dans la conviction qu'un accompagnement intensif est un facteur clé de réussite.

L'expérimentation en cours dans dix-huit départements devrait être progressivement étendue, et nous retiendrons les solutions qui auront fait leurs preuves.

M. Hervé Gillé.  - Les conclusions des expérimentations doivent être discutées avec les départements. Remettez-les dans le jeu !

La séance est suspendue à 12 h 20.

Présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.