SÉANCE

du mercredi 17 mai 2023

88e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins (I)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) C'est un principe intangible : en aucun cas la violence ne peut être une réponse à un mécontentement social et politique. Je condamne donc l'agression dont a été victime Jean-Baptiste Trogneux, à qui j'apporte le soutien total de notre groupe.

Je manifeste le même soutien à Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, qui a subi harcèlements et agressions, alors qu'il ne faisait qu'exercer son mandat. Il mérite, lui aussi, le soutien indéfectible du Sénat ! (Applaudissements prolongés)

Oui, un vent mauvais souffle sur notre pays. Un maire de France a dû céder devant la menace, la haine l'a emporté sur la bienveillance, la force sur le droit. La multiplication des pressions et des agressions envers les élus est documentée. Or ces élus, en particulier les maires, sont les fondations de la République : la démission de l'un d'entre eux fragilise tout l'édifice.

L'audition émouvante de Yannick Morez, ce matin, par notre commission des lois s'est transformée en réquisitoire contre les services de l'État. Les graves défaillances mises au jour traduisent un échec, voire un désastre, dont il faut tirer toutes les conséquences.

Depuis plusieurs semaines, les violences d'extrême droite se déchaînent pour empêcher les maires qui le veulent d'accueillir des demandeurs d'asile. On ne peut mettre sur le même pied l'extrême droite, ennemie mortelle de notre démocratie, et d'autres formes de contestation.

Madame la Première ministre, l'État ne peut rester l'arme au pied face à ces menaces. Allez-vous engager le combat pour défendre les élus de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur des travées du groupe CRCE et du GEST, ainsi que sur quelques travées du RDSE, du RDPI, des groupes INDEP et UC ; Mmes Laurence Garnier et Marie Mercier applaudissent également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Pendant des semaines, Yannick Morez a été victime d'une campagne insupportable de harcèlement liée au projet d'implantation dans sa commune d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Fin mars, son domicile a été incendié.

Oui, ces actes sont inadmissibles. À travers chaque élu agressé, c'est la République qui est visée. Je partage votre choc et votre indignation, en évitant, monsieur Kanner, toute polémique.

Yannick Morez a pris une décision difficile, en son âme et conscience. Nous ne pouvons que la regretter, mais la respectons naturellement. Je le recevrai tout à l'heure pour l'écouter et lui exprimer le soutien de mon gouvernement.

Les maires sont en première ligne : il faut les protéger, comme tous les élus. Ministre de l'intérieur, préfets et forces de l'ordre sont mobilisés. Associations d'élus et collectivités territoriales peuvent désormais se constituer partie civile, et le garde des sceaux a demandé aux procureurs des réponses fermes, rapides et visibles. Nous sommes prêts à travailler avec le Sénat et l'Assemblée nationale pour renforcer les sanctions pénales en cas de violences contre des élus.

Depuis des mois, nous préparons des mesures pour aller plus loin. Dominique Faure les présentera tout à l'heure. Il s'agit de renforcer le lien entre les maires et la justice, de mieux prévenir les violences et d'accompagner mieux encore les élus.

Il n'y a pas de démocratie sans respect des élus ni sécurité pour eux. Avec vous tous, le Gouvernement continuera à agir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Didier Marie.  - Et l'extrême droite ?

M. Hussein Bourgi.  - Et les défaillances de vos services ?

M. Patrick Kanner.  - Les élus ne demandent pas de compassion, mais de l'action. Mme Faure annonce un centre d'analyse, mais, ce qui se passe, nous le savons depuis bien longtemps... Il faut des actes pour protéger les élus de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Loïc Hervé, Mme Christine Herzog et M. Albéric de Montgolfier applaudissent également.)

Fusillade de Villerupt

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Avec Jean-François Husson et Véronique Del Fabro, j'interpelle le Gouvernement sur les faits qui se sont déroulés samedi dernier à Villerupt : une fusillade a éclaté en plein centre-ville, sur fond de trafic de drogue. Bilan : cinq blessés, dont trois graves - aucun n'a plus de 30 ans. La violence des faits a bouleversé les habitants, auxquels nous devons des réponses.

Mais si tout le monde est choqué, personne ne semblait surpris. De fait, ce point de deal a pignon sur rue depuis des mois : les tarifs sont inscrits sur un mur, à côté d'une fresque d'enfant...

Voilà une nouvelle illustration du sous-effectif chronique de la circonscription de police Longwy-Villerupt : au moins quinze policiers manquent à ce jour. Le ministre de l'intérieur a annoncé l'ouverture de onze postes : l'intention est louable, mais ils ont peu de chance d'être pourvus.

Je salue l'arrivée sur place d'un escadron de gendarmerie mobile dès cet après-midi. Mais, pour le moyen terme, comptez-vous nous affecter des policiers en sortie d'école ?

Enfin, un regret : jusqu'ici, la Villeruptienne que je suis n'a pas réussi à convaincre les élus de la nécessité de se saisir de tous les outils - contrat local de santé, police municipale, vidéoprotection.

Une réunion de concertation locale est urgente : il y va de la sécurité et de la tranquillité des habitants. C'est tous ensemble, en laissant de côté les idéologies, que nous ferons reculer la délinquance - je compte sur le ministre, car, j'en suis convaincue, il en est encore temps. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur des travées des groupes INDEP et UC ; MM. Jean-François Husson et Yves Bouloux applaudissent également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Oui, ces événements sont très graves. Samedi dernier dans la soirée, plusieurs coups de feu ont été tirés dans le centre de Villerupt : les policiers ont découvert cinq blessés par balle, dont trois en urgence absolue. Quelques heures plus tard, l'auteur présumé des coups de feu a été interpellé. Cette tentative d'homicide serait liée à des rivalités entre bandes pour le contrôle du trafic de stupéfiants.

Je remercie tous les policiers qui ont pris part à cette action rapide et efficace.

Sur instruction de Gérald Darmanin, un escadron de soixante-dix gendarmes mobiles a été envoyé sur place, au moins jusqu'à la fin de la semaine. Le ministre de l'intérieur a également annoncé la création de onze postes pour la circonscription de Villerupt ; dans toute la Meurthe-et-Moselle, quarante-quatre nouveaux postes seront ouverts.

Le trafic de drogue touche désormais les villes moyennes. Nous devons le combattre à tous les niveaux. Dans les Yvelines, une saisie record de 2,5 tonnes de cannabis, pour une valeur de 20 millions d'euros, a été réalisée voici quelques jours.

Je connais l'engagement des sénatrices et sénateurs de Meurthe-et-Moselle. Le préfet a prévu de réunir l'ensemble des élus concernés dans les plus brefs délais. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

Mme Véronique Guillotin.  - Quand on entend dire dans la rue qu'un tel drame n'étonne quasiment personne, il faut en tirer les leçons : l'État doit assumer ses responsabilités sans défaillir et travailler, main dans la main avec les élus locaux, pour faire reculer la délinquance ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur des travées du groupe UC)

Démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins (II)

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Yannick Morez a démissionné et ne reviendra pas sur sa décision : l'ancien maire de Saint-Brevin-les-Pins est devenu le symbole des difficultés des élus locaux, à portée non plus seulement d'engueulade, mais de calomnie, d'agression, voire d'attentat.

Il a démissionné non par peur ou lassitude, mais parce que l'État ne l'a pas protégé. Depuis l'incendie de sa maison, il était devenu le visage du courage de l'élu républicain qui assume la tâche que lui a confiée l'État - en l'occurrence, le déménagement d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), installé dans la commune sans problème depuis 2016.

Yannick Morez est en tribune : rendons-lui hommage, car il tenait bon face à la haine de l'extrême droite et des sbires d'Éric Zemmour ! (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent un long moment en direction de la tribune d'honneur.)

Tous ici, nous condamnons toutes les violences politiques. Nous ressentons le même dégoût devant l'ignoble passage à tabac du neveu de Brigitte Macron.

M. Philippe Pemezec.  - Vous n'y êtes pas pour rien !

M. Ronan Dantec.  - La justice doit être ferme dans un cas comme dans l'autre. (Applaudissements)

Monsieur le ministre, répondez aux interrogations de Yannick Morez ; nous le lui devons. Pourquoi n'a-t-il pas bénéficié d'une protection rapprochée de l'État après le 22 mars ? Pourquoi avoir autorisé la manifestation anti-Cada du 29 avril, désavouant le maire qui avait demandé son interdiction ? (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du groupe UC) Avant que d'autres drames ne se produisent, allez-vous enfin interdire ces évidents appels à la haine de l'extrême droite ? (Applaudissements nourris à gauche)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - En saluant Yannick Morez, je me félicite de l'image que vient de donner le Sénat, dont aucun membre n'est resté assis au moment de lui rendre hommage. Hier, à l'Assemblée nationale, une partie de l'hémicycle ne s'est pas levée. (Protestations à gauche)

Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Cécile Cukierman et M. Didier Marie - L'extrême droite !

Mme Laurence Rossignol.  - L'extrême droite : ce n'est pas difficile à dire !

M. Mickaël Vallet.  - Il y en a qui se sont levés en retard !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Prétendre défendre la liberté d'expression en empêchant quelqu'un de s'exprimer m'a toujours semblé bizarre... (Exclamations à gauche) Hier, oui, le Rassemblement national (exclamations à gauche) a refusé de se joindre à l'hommage : ne laissez pas penser qu'il y aurait une façon à géométrie variable de décrire les choses - ce serait un début de récupération.

Je remercie M. Dantec d'avoir, avec le sens républicain qu'on lui connaît, condamné aussi l'agression du petit-neveu du Président de la République.

M. David Assouline.  - M. Kanner l'a fait aussi !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Vous avez entendu Yannick Morez ce matin dans le cadre d'une mission plus large sur l'avenir de la commune. Après qu'un palier inacceptable dans la violence a été franchi, je me réjouis que le Sénat tente de faire la lumière sur ce qui s'est passé. Je suggère que vous demandiez aussi aux forces de l'ordre de Loire-Atlantique leur version des faits et les retours qu'ils ont eus.

D'après ce que nous savons, des patrouilles de police ont été organisées dans la foulée du 22 mars. Yannick Morez s'est vu proposer un accompagnement, et il y a eu des tentatives de prise de contact de la part de la préfecture et de la sous-préfecture.

M. le président.  - Il faut songer à conclure...

M. Christophe Béchu, ministre.  - Manifestement, sur l'absence de réunion publique ou les manifestations, des zones d'ombre doivent être éclaircies. Sur un sujet aussi sensible, sans doute devriez-vous travailler un peu plus longtemps que vous ne l'aviez imaginé. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Loïc Hervé.  - Chiche !

M. Ronan Dantec.  - Il n'y aurait pas de honte à reconnaître que l'État n'a pas été à la hauteur : cela faciliterait les choses ! (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Stéphane Piednoir applaudit également.)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Bravo !

Violences contre les élus et leurs familles

M. Joël Guerriau .  - En novembre dernier, sur l'initiative de Mme Delattre, le Sénat a voté une loi pour permettre aux associations d'élus de se constituer partie civile en cas d'agression d'un élu. Yannick Morez pourra ainsi être défendu par l'Association des maires de France. Je l'ai invité en tribune et me félicite de l'hommage qui vient de lui être rendu. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

En avril dernier, j'ai animé en sa présence une réunion où de nombreux élus de Loire-Atlantique ont manifesté leur profond mal-être et leur colère : agressés, les élus portent plainte, mais, bien souvent, rien ne change ; trop de plaintes sont classées sans suite. Le maire de Saint-Père-en-Retz est agressé par le même individu depuis plus de trois ans. Hier, le petit-neveu du Président de la République a été victime d'une agression odieuse.

Ces agressions prennent des formes multiples : certains harcèlent et insultent en s'abritant derrière l'anonymat des réseaux sociaux ; d'autres se rendent coupables de violences physiques. Tous sont excités par les discours haineux de certains responsables politiques : on ne peut pas appeler à la violence et s'en laver les mains.

La justice doit passer avec fermeté. Des sanctions plus coercitives auront aussi un effet dissuasif. Comment garantir aux élus et à leurs familles que ces actes ne restent pas impunis ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Philippe Pemezec.  - Enfermez Mélenchon !

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Lorsque nous aurons fait toute la lumière sur ce qui s'est passé à Saint-Brevin-les-Pins, je n'aurai aucune difficulté à reconnaître les dysfonctionnements, s'il y en a eu.

L'exemple de M. Morez nous oblige à maints égards. Il y a les décisions des élus, mais aussi les actes qu'ils prennent dans le cadre du partage d'une responsabilité nationale. Il y a un an, j'étais maire : comme nombre d'entre vous, je connais les intimidations, les insultes sur les réseaux sociaux et les tracts anonymes.

M. David Assouline.  - Nous aussi, au moment du mariage pour tous ! (Mme Laurence Rossignol abonde.)

M. Christophe Béchu, ministre.  - L'an dernier, 2 265 atteintes à des élus ont été recensées, 32 % de plus qu'en 2021 ; 945 sanctions pénales ont été prises.

Nous devons franchir deux nouveaux paliers. D'abord, nous devons coordonner la lutte : comment la justice, la police et la gendarmerie peuvent-elles partager des informations et systématiser le suivi de la protection des élus ? Ensuite, nous devons nous demander si l'écharpe tricolore n'est pas une sorte d'uniforme républicain, justifiant une circonstance aggravante. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur plusieurs travées du RDSE et du groupe UC) Au-delà de la personne du maire, c'est sa fonction qui est visée et, à travers elle, la République et la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur plusieurs travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

M. Joël Guerriau.  - Dans le cas de Yannick Morez, c'est l'accumulation de faits avant qu'une réaction ne se produise qui pose problème. Il y va de la préservation de notre démocratie. Les coupables doivent avoir peur de la justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

Démission du Maire de Saint-Brevin-les-Pins (III)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La démission de Yannick Morez a suscité l'indignation générale et un tollé médiatique. Intimidé depuis des mois, abandonné par l'appareil étatique, il a finalement rendu son écharpe à la suite de l'incendie de son logement.

Ce drame républicain est loin d'être isolé : depuis le décès du maire de Signes, en 2019, les agressions envers les élus de la République se multiplient - 2 265 plaintes et signalements l'année dernière. Pis, selon David Lisnard, président de l'AMF, le seuil fatidique de 1 000 maires démissionnaires a été franchi : depuis les municipales de 2020, 1 293 édiles ont démissionné.

Le mois dernier, Mme Faure m'a répondu qu'un centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus serait prochainement créé. Mais nous savons tous que, sur le terrain, l'impunité règne. La loi du 24 janvier 2023 permet aux associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir au pénal un élu agressé, mais les sanctions prononcées ne sont pas à la hauteur.

Monsieur le ministre, combien de nouvelles démissions faudra-t-il avant que la répression ne s'intensifie, pour préserver notre pacte républicain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Je le répète : ces violences sont inacceptables, et j'exprime à M. le maire toute notre solidarité, au nom de la Première ministre, de M. Darmanin et de tout le Gouvernement. (Marques d'agacement à droite)

M. Hussein Bourgi.  - Au nom du préfet de Loire-Atlantique, aussi ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous devons briser la spirale de la violence faite aux élus : on ne laissera rien passer. (L'agacement redouble à droite.)

Les maires sont les garants de la sécurité, de la protection de l'environnement et de l'action sociale. Ils se donnent pour l'intérêt général.

Le Gouvernement est dans l'action. La proposition de loi de Mme Delattre a fait avancer les choses, la loi Engagement et proximité renforce la protection des élus et trois circulaires ont été envoyées au parquet pour demander une réponse pénale ferme et rapide.

Mais nous devons aller plus loin. Monsieur Kanner, il n'y a pas que le centre d'analyse. (MM. Rachid Temal et Bernard Jomier ironisent.) Nous amplifierons nos actions pour protéger les élus : j'annoncerai des mesures en ce sens ce soir, après avoir rencontré Yannick Morez avec la Première ministre.

M. Hussein Bourgi.  - Changez le préfet !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le centre de lutte est important, mais il faut aussi un choc civique et une réponse judiciaire.

Mme Catherine Belrhiti.  - Ce qu'a subi Yannick Morez n'est pas isolé. L'urgence est de réaffirmer l'autorité de l'État, car, sans les maires, la République menacerait ruine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Statut des élus

Mme Françoise Gatel .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC) Pour les maires, difficultés et démissions s'enchaînent, comme les questions cet après-midi. Les maires ne savaient pas que ce serait aussi ardu, voire risqué : ils se sont engagés pour servir. Hommes et femmes de devoir plus que de pouvoir, ils sont trop souvent contraints, submergés de normes et d'injonctions, mais restent responsables de tout.

Les voici aujourd'hui, eux et leurs familles, confrontés au délitement et à la violence de la société : de la mort du maire de Signes à la démission de celui de Saint-Brevin-les-Pins, que je salue avec respect, les exemples s'accumulent.

Des mesures ont été prises, il faut l'admettre. Nous connaissons les remèdes : éduquer, protéger, sanctionner et surtout prévenir. Le couple maire-préfet, tant célébré pendant la crise du covid, doit être fort et puissant dans tous les territoires, a fortiori quand l'État charge un maire d'agir en son nom.

L'écoute et l'émotion ne suffisent pas. Quand un maire doit détourner le regard devant ses agresseurs, voire quitter sa commune, il est plus que temps d'agir. Que compte faire le Gouvernement ? Nous serions heureux de connaître ses intentions avant de les découvrir à la télévision... (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Didier Marie.  - C'est sur quelle chaîne ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Nous partageons le diagnostic. L'écoute, la protection, le respect et la solidarité sont nécessaires, mais aussi l'action.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Vous l'avez déjà dit !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le couple préfet-maire est efficace. J'écouterai M. le maire avec la Première ministre, et nous verrons les raisons qui l'amènent à penser que les services de l'État n'ont pas été à la hauteur. Grâce à son témoignage, nous allons nous améliorer.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce ne sera pas difficile !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous pensons avoir déjà agi, mais nous sommes à l'écoute, avec l'envie d'avancer.

Vous me demandez de dévoiler quelques actions.

Mme Françoise Gatel.  - Oui, devant le Parlement !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Il n'est pas possible de le faire en deux minutes, mais j'insisterai sur une mesure. (Exclamations sur de nombreuses travées)

M. Loïc Hervé.  - En avant-première !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je veux parler de l'alarme élu : 3 000 policiers et gendarmes référents seront désignés dès le début de la semaine prochaine. Invitez les maires à donner leur numéro de téléphone au préfet, aux gendarmes ou à la police, pour qu'ils bénéficient d'un traitement spécifique. (Vives protestations à droite et sur certaines travées à gauche ; M. Philippe Bas s'insurge.)

Nombreuses voix à droite.  - Cela existe déjà !

M. Hussein Bourgi.  - C'est le rôle du sous-préfet !

M. Philippe Bas.  - Ce n'est pas sérieux !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je vous en dirai davantage plus tard.

Démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins (IV)

Mme Cécile Cukierman .  - Les élus sont de plus en plus confrontés à la violence, aux intimidations, aux agressions, parce qu'ils agissent dans l'intérêt de leur population et de leur territoire. Au nom de mon groupe, je leur apporte tout notre soutien. Aucune violence n'est acceptable : nous serons toujours du côté de ceux qui la condamnent.

La démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Elle s'ajoute aux menaces répétées de l'extrême droite et aux plus de 4 000 démissions d'élus municipaux depuis 2020. La banalisation de ces violences permet à leurs auteurs d'agir sans limite. C'est notre démocratie, notre République qui sont en danger.

Il faut redonner du sens à l'engagement, le sacraliser. Les communes, rurales, urbaines ou d'outre-mer, demeurent le premier lieu de vie et de solidarité. Cellules de base de la République, elles doivent retrouver toute leur place dans notre organisation démocratique.

Comment entendez-vous redonner du sens à l'engagement de nos milliers d'élus locaux ? Comment comptez-vous empêcher de tels dysfonctionnements à l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Au-delà de Saint-Brevin-les-Pins, c'est le sens de l'engagement de maire que nous devons évoquer. Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde.

M. Morel a été poussé à la démission par des manifestants d'extrême droite et un acte scandaleux le visant lui et sa famille.

Les 1 293 démissions de maire en trois ans ont des causes multiples : violences, parfois sans motivation politique, affaire internes aux équipes, difficultés liées au poids des normes ou à la multiplication des réunions, conflits entre maires d'une même intercommunalité. À mi-mandat, nous sommes au même nombre de démissions de maire que lors de la période 2014-2020.

Je me réjouis de l'initiative transpartisane de votre mission d'information sur l'avenir de la commune. Nous devons nous pencher notamment sur le statut de l'élu...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous le disons depuis longtemps !

M. Christophe Béchu, ministre.  - ... mais aussi sur celui du secrétaire de mairie, sur lequel vous travaillez. Efforçons-nous de réduire la charge mentale qui accompagne la fonction.

Nous devons aussi, collectivement, refuser toutes les violences et toutes les excuses à ceux qui usent de moyens non démocratiques. Dès le premier signe, nous devons faire rempart pour protéger les élus. Je sais le Sénat déterminé à les préserver. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP)

Violence et trafic d'armes à feu aux Antilles

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur des travées du RDPI) Je salue à mon tour la présence de Yannick Morez en tribune ; le RDPI s'associe à l'hommage qui lui vient de lui être rendu et condamne toutes les formes de violence.

Dimanche dernier, en Guadeloupe, une mère de famille est morte dans sa voiture, frappée d'une balle dans la tête. Quelques jours plus tôt, deux jeunes hommes sont morts, eux aussi par arme à feu, au Lamentin et aux Abymes. La liste de ces drames ne cesse de s'allonger : depuis le début de l'année, une quarantaine de personnes ont été blessées ou tuées par balles dans notre archipel.

La violence explose en Guadeloupe et en Martinique depuis quelques années. Elle se nourrit du trafic d'armes à feu qui déséquilibre la Caraïbe et ensanglante Haïti.

Je salue l'action exceptionnelle des forces de l'ordre et des fonctionnaires de justice. Voilà quelques mois, une vaste opération sous l'égide d'Interpol a permis la saisie d'armes et de munitions.

Pour faire cesser ces drames, quelles mesures supplémentaires le Gouvernement envisage-t-il ? Comment mieux lutter contre un trafic d'armes qui dépasse de loin nos frontières ? Nos concitoyens attendent une réponse déterminée de l'État. Les armes ne peuvent pas circuler comme n'importe quelle marchandise ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Rachid Temal applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Vous avez raison : la Guadeloupe et la Martinique subissent depuis quelques années une hausse des violences avec arme et des homicides. L'usage des armes à feu tend à se banaliser, notamment par des primo-délinquants. L'année dernière, 230 armes ont été saisies en Guadeloupe, illustrant cette banalisation.

Nous menons des actions de prévention et des campagnes de communication. Nous organisons régulièrement des concertations avec la société civile pour développer les bonnes pratiques. Nous multiplions les opérations de contrôle, et des arrêtés préfectoraux spécifiques interdisent la vente et la détention d'armes de catégorie C3 et D.

Les moyens d'enquête judiciaire sont renforcés, notamment dans le domaine cyber. En 2022, un enquêteur nouvelles technologies a permis le démantèlement d'un atelier de transformation de pistolets d'alarme en armes létales dans la commune du Robert, en Martinique.

Enfin, nous renforçons la coopération avec Sainte-Lucie et la maréchaussée de Saint-Martin.

L'engagement du ministère de l'intérieur et des outre-mer est total pour intensifier la lutte contre les trafics. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Annonce de nouvelles dépenses et prévisions budgétaires

M. Arnaud Bazin .  - Nous avions compris -  c'était juré !  - que, à l'été 2021, le « quoi qu'il en coûte » était fini. Pour la loi de finances pour 2023, le mantra avait changé : « chaque euro compte ».

Désormais, chaque semaine, le Président de la République et la Première ministre rivalisent d'annonces à coups de milliards d'euros (plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains : « Eh oui ! ») : 2 milliards d'euros pour le plan vélo, 2 milliards de baisses d'impôts pour le pouvoir d'achat des classes moyennes (on le confirme à droite ; M. Bruno Sido mime l'accumulation), 1 milliard d'euros pour les lycées professionnels... jusqu'à un total de 18 milliards d'euros.

Dans le même temps, les intérêts de la dette, à 12 milliards d'euros, vont devenir le premier budget de l'État. Nous avions jugé optimiste votre prévision de croissance à 1 % : elle sera effectivement plus proche des 0,60 % anticipés par le FMI.

Dans ce contexte inquiétant pour les finances publiques, quand la baisse d'impôts annoncée en faveur des classes moyennes aura-t-elle lieu ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - L'annonce du Président de la République sur la baisse d'impôts des classes moyennes s'inscrit dans une politique résolue de renforcement du pouvoir d'achat pour les Français qui travaillent : suppression compensée de la taxe d'habitation, de la redevance, baisse des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, défiscalisation des heures supplémentaires...

Cette politique a un sens : redonner de l'oxygène aux Français qui se lèvent le matin pour aller travailler, et qui ont parfois le sentiment qu'ils financent ceux qui ne travaillent pas. (Protestations à gauche)

Elle n'est pas contradictoire avec le redressement des finances publiques. De telles mesures génèrent des recettes supplémentaires. Ainsi la baisse de 33 à 25 % du taux de l'impôt sur les sociétés a-t-elle augmenté son rendement. Les décisions qui rendent plus attractif l'emploi sont aussi bonnes pour les finances publiques.

J'ai annoncé, dans le cadre du programme de stabilité, la trajectoire pour les cinq années, avec un retour du déficit à 2,7 % pour 2027. (Marques d'ironie sur des travées du groupe Les Républicains) Il y a un an même, vous doutiez d'une croissance à 2,50 % en 2022 ; nous l'avons dépassée. Les prévisionnistes s'alignent peu à peu sur notre prévision de croissance à 1 % pour 2023 : 0,8 % pour le FMI, 0,7 % pour l'OCDE. Nos entreprises investissent : c'est bon pour l'emploi et c'est bon pour nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Arnaud Bazin.  - Le Président de la République a annoncé que la baisse de fiscalité pour les classes moyennes interviendrait quand la trajectoire des finances publiques le permettrait. (Marques d'ironie à droite) J'en déduis que la situation des classes moyennes s'améliorera... lorsqu'Emmanuel Macron ne sera plus Président de la République ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Violences à Marseille et réorganisation de la police judiciaire

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À Marseille, la pègre tue, sur fond de vendetta entre bandes rivales autour du trafic de stupéfiants. Il y a un assassinat par semaine, avec des victimes collatérales : enfants de 15 ans, femme tuée au volant de sa voiture, homme tué à la terrasse d'un café alors qu'il jouait aux cartes.

Avec Jérôme Durain, nous sommes allés à la rencontre de la population, qui se sent impuissante, car incapable de quitter, faute de transports, sa cité HLM, et abandonnée, avec les écoles insalubres, même si le maire de Marseille a la volonté de les réhabiliter ! (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)

La police affiche des chiffres record de saisies de drogues, mais, à l'évidence, cela ne marche pas. Les moyens ne suffisent pas. C'est donc sur la doctrine que je vous interroge : fallait-il affaiblir la police judiciaire alors que la priorité est de lutter contre les réseaux ? (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE) Nous soutenons les forces de l'ordre ; quand les choses ne fonctionnent pas, c'est au ministre de revoir sa copie. À travers Marseille, c'est pour toutes les villes de France que nous nous indignons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Nous partageons ce constat inacceptable : 17 tués depuis le début de l'année dans le cadre du trafic de stupéfiants. J'ai une pensée pour leurs proches et leurs familles.

Le ministère de l'intérieur est déjà pleinement mobilisé. Entre 2021 et 2022, 300 policiers ont été dépêchés en renfort. En début d'année, dix policiers ont rejoint la police judiciaire pour créer l'office antistupéfiants. Trois compagnies de CRS ont été affectées en permanence à Marseille, plus de 30 policiers sortis d'école affectés depuis le 2 mai.

M. François Bonhomme.  - C'est efficace !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Onze nouveaux policiers arriveront à la police judiciaire d'ici septembre pour renforcer la brigade de recherche et d'intervention ; 90 postes ont d'ores et déjà été ouverts à Marseille pour le prochain mouvement.

Grâce à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), une nouvelle compagnie de CRS sera implantée dans la ville avant la fin de l'année.

M. François Bonhomme.  - Pour quel changement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Entre janvier et mars, 362 opérations ont visé des points de trafic et 500 kilos de drogue ont été saisis. (M. François Patriat applaudit.)

Mixité sociale à l'école et laïcité

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'éducation nationale, après un long silence, votre entrée en scène était attendue. Mais loin d'annoncer des réformes, vous avez ouvert de nouvelles polémiques sur la laïcité et la mixité sociale. J'ai trois questions.

Avec la nouvelle composition du conseil des sages de la laïcité, souhaitez-vous redéfinir ce principe fondamental de notre République ?

Alors que le Président de la République a annoncé ne pas vouloir raviver les conflits, allez-vous mettre en oeuvre votre plan pour la mixité sociale à l'école ?

Avez-vous la confiance du Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Trois questions... ou plutôt deux auxquelles je répondrai.

J'ai déjà eu l'occasion de rappeler que la laïcité devait être strictement respectée : la loi de 2004 est notre boussole. Il faut être ferme avec ceux qui y contreviennent. Depuis l'automne, des sanctions ont été prononcées.

Mais la laïcité, c'est aussi une pédagogie : elle ne doit pas être seulement crainte, mais aussi aimée - comme les Républicains le disaient de la République à la fin du XIXe siècle. Il faut aussi convaincre ! Le Conseil des sages de la laïcité oriente l'action du ministre et lui fournit des éléments de doctrine. Par ailleurs, plus de 600 personnes travaillent au sein des équipes valeurs de la République pour faire respecter la laïcité sur le terrain.

Je dévoilerai ce soir le plan sur la mixité sociale ; je vais en effet signer un accord avec le secrétaire général de l'enseignement catholique et j'ai défini une batterie de mesures pour le public. 

La mixité, c'est bon pour le climat scolaire, c'est bon pour le climat social, c'est bon pour le niveau des élèves, c'est bon aussi pour la laïcité. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Mais sans rien de contraignant !

M. Max Brisson.  - Acte I : face caméra, le Président de la République multiplie les annonces sur l'organisation scolaire et son évolution.

Acte II : seul, pour enfin exister, vous vous concentrez sur deux sujets : une laïcité à géométrie variable, avec le torpillage du conseil des sages et des chefs d'établissement désorientés ; le mythe éculé de l'enseignement privé comme source de tous les problèmes de l'école publique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Non, mais de l'absence de mixité sociale, oui.

M. Max Brisson.  - Acte III : le Président de la République vous rappelle à l'ordre et vos plans sont rangés au placard.

À force de tirer à hue et à dia, la rue de Grenelle et l'Élysée passent à côté de l'essentiel : la réforme d'un service public à bout de souffle.

Monsieur le ministre, la France a besoin d'un élan réformateur pour son école ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mineurs non accompagnés

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La question des mineurs non accompagnés n'est pas nouvelle et exige une réponse interministérielle. Le ministre de l'intérieur comme le ministre du travail, entre autres, sont concernés. Le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), François Sauvadet, lance un cri d'alarme : 5 000 mineurs non accompagnés sont arrivés sur notre territoire depuis le début de l'année, dont 2 000 dans les Alpes-Maritimes, département qui en a reçu plus de 900 entre 2021 et 2022.

Parlerons-nous dans la loi immigration de cette question ? Nous devons les accompagner avec humanité et responsabilité, dans des conditions acceptables par la population.

La loi Taquet du 7 février 2022 comportait trois articles sur le sujet, mais les mesures n'ont pas passé le Conseil d'État. Qu'allez-vous faire pour aider des conseils départementaux à bout de souffle ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - (On s'amuse à droite et au centre que Mme Dominique Faure réponde encore à une question.)

Une voix au centre.  - Il n'y a qu'une seule ministre au Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Avec le ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, Gérald Darmanin, nous sommes pleinement mobilisés sur cette question.

Mme Laurence Rossignol.  - Et les moyens de la protection de l'enfance ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - En 2022, les mineurs non accompagnés étaient 14 782, contre 11 315 en 2021, et les remontées des départements montrent une augmentation prévisible.

Le ministre de la jeunesse est à l'écoute de ces remontées. (Mme Laurence Rossignol s'exclame ironiquement.) Je suis moi-même en contact régulier avec François Sauvadet. Une rencontre a été organisée avec le ministre et le secrétaire d'État à l'enfance et les représentants du département des Alpes-Maritimes. Nous allons apporter une réponse concrète à la situation de ce département.

Plusieurs pistes sont à l'étude pour améliorer ce dispositif, dont la suspension de la clé de répartition et un concours exceptionnel de l'État. Nous devons offrir à ces mineurs une prise en charge indispensable, tout en préservant l'équilibre et la sécurité de nos territoires. (M. François Patriat applaudit.)

Sondage sur l'absence de liberté ressentie par les Français et arrêtés préfectoraux « abusifs »

M. Philippe Dominati .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a quelques jours, un quotidien publiait son enquête annuelle sur les libertés individuelles : 64 % des Français constatent que les atteintes contre celles-ci se sont aggravées en dix ans ; les électeurs de gauche comme les entreprises vont dans le même sens. Les interdictions pleuvent, elles deviennent quotidiennes. Possibilité d'arroser, de chasser, de choisir son médecin, de se faire vacciner ou non... Les Français sont pourtant prodigues, puisqu'ils paient la dette, les impôts parmi les plus élevés du monde, et l'État mord la main de ceux qui le nourrissent...

Je suis républicain ; je n'aime guère les monarchies, où les contribuables financent le patrimoine de leur prince. Mais entre les millions de Britanniques présents lors du couronnement de Charles III et la solitude de notre Président de la République sur les Champs-Élysées, entouré de dix policiers pour un spectateur, je m'interroge... (Mme Marie-Noëlle Lienemann abonde.)

Quelles instructions donnez-vous à votre administration pour ne plus enquiquiner les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Personne ne conteste le sérieux de l'institut IFOP, mais nous parlons de perceptions subjectives. (M. François Bonhomme ironise.)

Nous sommes dans un État de droit, où l'action du Gouvernement et des forces de l'ordre est guidée par des principes constitutionnels partagés : liberté d'expression et de manifestation, notamment.

M. Mickaël Vallet.  - Et les casseroles ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Des restrictions aux libertés individuelles sont néanmoins possibles, si elles sont strictement proportionnées à un motif d'intérêt général ou justifiées par un risque avéré de trouble à l'ordre public.

Toute interdiction de manifestation est soumise au contrôle strict du juge, qui confirme ou, parfois, infirme les décisions de l'État. Ainsi du colloque de l'Action française autorisé par le tribunal administratif alors que le préfet de police l'avait interdit, du défilé en hommage à Jeanne d'Arc... Nos institutions fonctionnent, l'État de droit est respecté.

Pause en matière de réglementation environnementale annoncée par le Président de la République

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je vais essayer d'offrir une pause à Mme Faure, qui en a bien besoin...

En quarante ans, un quart des oiseaux, soit 800 millions d'individus, ont disparu en Europe.

M. Jérôme Bascher.  - Des rossignols ? (Rires)

Mme Laurence Rossignol.  - Ne vous laissez pas aller à ces plaisanteries faciles...

Cette situation est due notamment aux pesticides et à l'agriculture intensive ; 300 000 personnes, dont 12 000 enfants meurent prématurément chaque année du fait de la pollution de l'air.

C'est dans ce contexte que le Président de la République annonce vouloir une pause dans la réglementation environnementale européenne : c'est consternant, alors que la directive sur les pesticides et celles sur les produits chimiques sont en cours de discussion.

Avec cette déclaration, le Président de la République ne rapprocherait-il pas la France du côté obscur de la force - de ces pays qui font le choix de l'efficacité économique immédiate, au détriment de la santé de nos concitoyens ?

Aujourd'hui, nous sommes dans une course de vitesse contre la destruction du vivant. Dans quel camp se place la France ? Faut-il croire M. Béchu, qui nous souhaitait le 1er janvier une année verte ? Ou le ministre Lescure, qui demande cinq ans de pause dans la réglementation environnementale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Merci d'avoir fait écho à cette étude pointant la mortalité des oiseaux à l'échelle européenne. Dans quelques jours, un traité sur la fin de la pollution plastique sera examiné à l'Unesco.

Les propos du Président de la République ne doivent pas être mal compris. Ce dernier avait organisé une conférence de presse promouvant l'industrialisation écologique du pays. Ceux qui parlent le plus de l'écologie ne se font pas ceux qui en font le plus... (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.)

Pendant le quinquennat que vous avez soutenu, la baisse des émissions n'était que de 1 % par an - elle a doublé ! Grâce à un texte européen négocié par le Président de la République, le « net zéro », nous attribuerons des subventions aux projets d'excellence écologique, dans le cadre de la planification écologique confiée à la Première ministre.

Mme Laurence Rossignol.  - Et la pause ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - Compte tenu du nombre de textes votés et de ceux à venir, le Président de la République a dit qu'il fallait déjà appliquer les textes existants. (M. Hussein Bourgi, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. David Assouline et Mme Laurence Rossignol à tour de rôle : « Et la pause ? »)

Nous planifions l'électrification des véhicules ; mais l'évolution de la norme ne doit pas concerner le moteur - c'est la pause. Il n'y a pas de contradiction. L'ambition est totale, la pause n'est pas dans l'ambition ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est incompréhensible !

Réglementation européenne en matière de lutte contre les incendies et de sécurité civile

Mme Françoise Dumont .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En juin 2022, la Commission européenne a proposé une proposition de règlement sur la restauration de la nature, que la commission Environnement du Parlement européen doit examiner le 15 juin.

Dans son article 10, elle prévoit que les États membres devront augmenter la quantité de bois mort debout et au sol, la connectivité forestière, les stocks de carbone organique dans les sols ainsi que la part de forêt d'âge différent, la hausse de tous ces éléments devant être mesurée tous les trois ans dans l'ensemble des États membres, à compter de 2030...

Cela contrevient à la doctrine française de lutte contre les incendies de forêt que le Sénat a renforcée il y a peu avec une proposition de loi sur le sujet, prévoyant d'agir à l'échelle du massif et de favoriser la résilience de la forêt.

Quelles sont les actions engagées pour faire reconnaître les spécificités françaises en la matière ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - (« Ah ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Le 4 avril, une proposition de loi ambitieuse a effectivement été adoptée au Sénat à l'unanimité - j'étais au banc - afin de lutter contre le risque incendie. Elle est actuellement en cours d'examen à l'Assemblée nationale de la manière la plus constructive possible.

Les incendies de l'été dernier rappellent l'urgence d'agir. Je rappelle l'engagement de nos sapeurs-pompiers et leur apporte tout notre soutien.

Concernant le bois mort, aucune directive ne s'oppose à son enlèvement dans une optique de lutte contre l'incendie. (M. Philippe Pemezec ironise.) La réglementation Habitat, à travers l'article L. 401-1 du code de l'environnement, empêche la destruction d'une espèce protégée mais n'interdit pas l'enlèvement du bois mort.

Le double enjeu de prévention des habitats et de la diversité d'une part, de prévention contre les incendies d'autre part nous semble satisfait par la réglementation.

Mme Françoise Dumont.  - Je vous parlais d'un texte à l'étude dans la commission Environnement du Parlement européen qui aurait des conséquences très graves pour nos massifs forestiers et sur la mission de nos soldats du feu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC).

Mise en oeuvre du diagnostic de performance énergétique

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) J'associe à ma question Jean-Michel Arnaud.

Monsieur le ministre, je ne remets pas en cause l'intention d'origine du diagnostic de performance énergétique (DPE), mais, depuis Bernard de Clairvaux, nous savons que l'enfer est pavé de bonnes intentions...

Les délais contraints pour la réalisation des travaux, le deux poids deux mesures entre petites surfaces et grands logements, le caractère uniforme, jacobin et descendant du DPE qui n'intègre pas les variations climatiques, l'effet sur l'offre de logement : le DPE contient des germes de fracture sociale et territoriale.

Quel est le calendrier de sa mise en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Très bien !

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Le DPE est utile. Il a été réformé pour être plus en phase avec la qualité du logement, et la crise ne doit pas nous conduire à laisser vivre nos concitoyens dans des passoires thermiques. À partir de l'étiquette G, un logement ne pourra plus être loué à compter de 2025. Pour l'étiquette F, ce sera en 2028. On ne peut pas laisser des gens vivre avec leurs enfants dans des passoires thermiques. (M. Jean-Michel Arnaud proteste.)

Le Gouvernement a mis en place France Rénov', les accompagnateurs Rénov'. MaPrimeRénov' sérénité a été créée pour les plus fragiles. Toutes ces mesures nous permettront de tenir le calendrier, qui est dans l'intérêt des plus fragiles d'entre nous.

Je ne nie pas les particularités de certains territoires, notamment en montagne, et celles de l'habitat collectif, qui devra être mieux accompagné.

M. Philippe Pemezec.  - Nous mourrons de toutes vos normes !

M. Olivier Henno.  - Nous sommes perplexes devant cette nouvelle version du : « Je norme, donc je suis ». C'est la même chose, pour le DPE comme pour le zéro artificialisation nette (ZAN) : enthousiasme initial, perplexité devant la mise en oeuvre et abandon en rase campagne face au mur de la réalité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Philippe Pemezec.  - Bravo !

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.